Sassem, deuxième partie (chap. 1-2-3)
PARTIE DEUX : Apprentissage.
Chapitre 1 :
Alexia conduisait depuis des heures. Les premiers
rayons du soleil pointaient à l’horizon et épuisée, elle jeta une fois de plus
un coup d’œil inquiet en direction de sa compagne. Celle-ci était assoupie
contre la portière. Elle était pâle comme un linge et pour la énième fois,
Alexia se demanda si elle devait passer outre les directives qu’elle lui avait
données avant de s’endormir. Et pour la énième fois, elle conclut que non.
Elle venait seulement de se faire accepter par
She-wolf, si elle se mettait déjà à lui désobéir, il ne lui faudrait pas
longtemps avant de regretter de l’avoir emmenée. Histoire de se changer un peu
les idées, Alexia profita de son sommeil pour l’observer.
Elle était vraiment sexy… Ses traits fins étaient
en complète opposition avec sa stature de guerrière, pourtant les deux
s’harmonisaient parfaitement pour créer une femme d’une beauté irréelle. Alexia
devait bien s’avouer que si ce physique jouait un grand rôle dans son attirance
et ajoutait à sa fascination de la guerrière, il ne faisait pas tout. Elle se
souvint de la première fois ou elle l’avait vue. Son visage était caché par du
maquillage noir et dans les ténèbres de sa prison, elle n’avait rien vu de son
physique exceptionnel. Et pourtant, déjà à cet instant, elle avait éprouvée une
attirance fulgurante et si forte qu’elle en avait presque été douloureuse.
Non, le physique ne faisait pas tout, mais c’était
un à-côté agréable. Après tout quitte à se découvrir lesbienne autant que cela
soit avec une femme au physique de déesse…
Alexia revint à la route et soupira de soulagement
en voyant le bois, que sa compagne lui avait décrit, apparaître au loin. Elle
prit le chemin qui le longeait pendant 3 km
Alexia repensa avec un petit pincement à sa voiture.
Elle l’avait choisie elle-même il y avait deux ans. C’était un de ses nombreux
caprices. Elle s’ennuyait et lors de son après-midi shopping, elle avait aperçu
cette vieille voiture qui semblait avoir grand besoin d’être retapée.
Elle était si mignonne avec sa peinture écaillée et
ses phares dépareillés qu’elle n’avait pas résisté bien longtemps. Elle avait
appelé le garagiste de son père qui l’avait remise à neuf en une semaine. Très
contente du résultat final elle l’avait largement dédommagé.
Peut-être pourrait-elle téléphoner à son père pour
que quelqu’un vienne la récupérer ? She-wolf n’avait rien dit de
spécifique à ce sujet, mais elle se doutait bien que si contact il devait y
avoir avec ses proches, ce serait dans certaines conditions.
Elle roula à travers la forêt pendant une heure,
s’y enfonçant de plus en plus. A mesure qu’elle avançait, les bois devenaient
plus denses et la luminosité diminuait. Bientôt elle navigua dans la pénombre
et dût allumer les phares.
Soudain Alexia repensa à sa compagne et lui lança
un regard inquiet qui vira à l’incrédulité. Les cahots et diverses secousses
n’avaient pas l’air de la gêner, elle dormait toujours comme un loir !
Après une nouvelle heure à traverser les bois,
Alexia bifurqua sur la droite et continua ainsi pendant 20 minutes. Elle tourna
ensuite à gauche et roula 5 minutes. Elle déboucha bientôt sur une clairière ou
s’ébattait une petite rivière. Elle la contourna et roula encore 5 minutes avant d’arriver enfin près d’un chalet qui
semblait inhabité. Elle gara le 4X4 sur le côté et regarda du côté de She-wolf.
Celle-ci était en train de s’étirer, le manque de
cahots l’ayant manifestement réveillée. Alexia secoua la tête sans trop y
croire et la regarda descendre de la voiture d’un bond. Elle la vit grimacer en
mettant le pied à terre et sortit précipitamment de la voiture en se rappelant
ses blessures.
- Ça va ? fit-elle inquiète en passant un bras
autour de sa taille.
- Euh… oui, répondit She-wolf troublée par ce
contact.
Décidément elle avait vraiment besoin de se
reposer ! Cette fichue blessure affaiblissait le contrôle qu’elle avait
sur elle-même habituellement. Elle laissa Alexia la conduire à l’intérieur.
Elle sortit ensuite chercher leurs affaires.
Pendant ce temps She-wolf se dirigea vers son
armoire et la repoussa juste ce qu’il fallait pour qu’elle puisse passer sa
main entre elle et le mur. Elle attrapa son téléphone par satellite et remit
l’armoire en place. Elle s’assit à la table près du fourneau en fonte et s’y
assit. Elle l’alluma et attendit le retour d’Alexia.
Celle-ci surgit quelques minutes plus tard et sur
un signe de She-wolf lui amena son sac à dos. She-wolf l’ouvrit et en retira
son ordinateur de voyage qu’elle alluma également. Elle relia les deux
portables par un câble et commença une série de manipulations complexes
destinées à garantir la sécurité de la ligne.
Alexia l’observa quelques instants en se disant que
cette femme était on ne peut plus étrange. Elle examina alors l’endroit où elle
se trouvait et convint que si l’ameublement était spartiate : une table en
bois brut, deux chaises, un fourneau en fonte qui fonctionnait manifestement au
bois, un lit une place, une armoire et un buffet, il était chaleureux et
excepté l’épaisse couche de poussière qui prouvait que personne n’y avait
séjourné depuis un bon moment, il était propre.
Elle se dirigea vers le buffet et farfouilla dans
les divers tiroirs avant de se tourner, hésitante, vers l’armoire. Elle fixa
She-wolf qui était toujours penchée sur son ordinateur puis d’un pas résolu s’y
rendit. Elle l’ouvrit et trouva du premier coup ce qu’elle cherchait depuis
quelques minutes. Elle empoigna la trousse de premier secours et revint auprès
de She-wolf.
Elle tira la chaise à ses côtés et posa la trousse
sur la table. She-wolf la regarda faire en attrapant son téléphone. Elle
composa un numéro et pendant que cela sonnait à l’autre bout, elle
l’interrogea :
- Tu es blessée ?
- Non, répondit Alexia étonnée.
- Alors pourquoi as-tu sorti la trousse ?
Alexia la fixa en se demandant si elle la
taquinait. Devant l’évidente perplexité de celle-ci elle comprit que ce n’était
pas le cas. Elle s’efforça de ne pas laisser transparaître sa stupéfaction.
- Eh bien pour toi, répondit-elle sur un ton calme
d’évidence.
She-wolf mit quelques secondes à se rappeler
qu’elle s’était blessée ce qui l’inquiéta. Elle mit cela sur le compte de la
perte de sang mais se reprocha sa distraction. Elle ne réfléchissait plus
vraiment correctement depuis qu’elle avait accepté de prendre Alexia avec elle.
Elle espérait que la cause en était la perte de sang ou encore son obsession de
Sassem, car sinon elle n’aurait pas fini d’avoir des problèmes !
Elle leva sa jambe lésée et la posa entre celles
d’Alexia sur le bord de sa chaise. Alexia défit ses bandages
précautionneusement et examina ses coupures attentivement. Son correspondant
décrocha à ce moment là.
- C’est Enyo. Il m’a échappé.
- …
- Quinze heures environ.
- …
- J’ai mis quelqu’un sur ses traces.
- …
- Il semblait particulièrement intéressé par la
famille royale d’Egypte, alors concentre-toi là-dessus.
- …
- Fais- les surveiller, je ne sais pas moi !
s’énerva-elle. Tu dois bien avoir des connaissances qui te doivent des services
non ?!
- …
- Écoute, si tu ne te sens pas capable de le faire,
dis-le !
Alexia écoutait distraitement l’échange entre
She-wolf et son interlocuteur. Elle ne savait pas trop quoi faire. She-wolf lui
avait tendu sa jambe en toute confiance, mais elle n’avait jamais soigné
personne et commençait à s’inquiéter de mal faire. Elle tergiversa quelques
secondes et se dit que de toute façon, ne rien faire était pire. Elle saisit
une compresse et une crème antibiotique et en appliqua une bonne dose sur la
compresse qu’elle s’empressa de plaquer sur la blessure au pied. She-wolf
sursauta devant sa brusquerie mais ne quitta pas la fenêtre en face d’elle des
yeux.
Alexia murmura une excuse et entreprit de l’étaler
avec plus de douceur. Elle fit de même pour la cuisse et chercha du fil et une
aiguille en se demandant si elle aurait le courage d’aller aussi loin.
She-wolf frissonna lorsqu’Alexia étala avec
lenteur, la crème sur le haut de sa cuisse. Elle se mordit la lèvre et bloqua
les sensations qui provenaient du toucher d’Alexia e se focalisant sur le son
de la voix de son interlocuteur.
- Fais comme tu veux, mais fait-le vite Karl, ou
sinon je m’en occuperai moi-même ! lui dit-elle sèchement.
- …
- Non, je vais bien, mais je n’en dirais pas autant
de l’ego de notre cher « ami », fit-elle en se radoucissant,
satisfaite.
Tout deux satisfaits des informations et des
services obtenus ils s’apprêtèrent à mettre fin à la conversation.
- Ils vont bien, déclara Karl comme à son habitude,
juste avant de raccrocher.
Et comme d’habitude, cela plongea She-wolf dans des
pensées mélancoliques. Elle en sortit cependant rapidement en voyant Alexia
tenir une aiguille et la diriger vers son pied avec de petits tremblements.
Elle lui saisit vivement le poignet et lui prit
l’aiguille des mains.
- Qu’est-ce que tu fais ? lui demanda-elle
agacée plus à cause de ses pensées qu’à cause d’Alexia.
Celle-ci rougit honteuse et embarrassée.
- Je…je voulais te recoudre. Tu as dit que tu
aurais besoin de points. Je suis désolée si j’ai mal fait, je n’ai jamais
soigné personne…
- J’avais remarqué, répondit-elle de mauvaise
humeur.
Elle regretta tout de suite ses paroles et
l’expression mortifiée d’Alexia accentua ce sentiment. Elle soupira.
- Excuse-moi… ce n’est pas après toi que j’en ai.
C’est ce coup de fil qui m’a mise sur les nerfs.
Alexia hocha la tête mais ne put se résoudre à
lever les yeux. Elle avait les larmes aux yeux. « Non mais qu’est-ce qui
lui prend de chialer comme ça ?! ». En la voyant tête baissée et les mains
tremblantes, She-wolf retira son pied de la chaise. Elle posa sa main sur
celles tendues de la jeune femme et se rapprochant murmura :
- Je suis sincèrement désolée…
Alexia hocha à nouveau la tête.
- Alexia ? Alexia s’il te plaît, lève la tête.
Cette fois elle secoua la tête et se mordit la
lèvre. « Mais qu’est-ce qu’elle avait à réagir comme une gamine ?!
Elle voulait déjà faire regretter à She-wolf sa décision ou quoi ?! »
She-wolf tendit la main et lui souleva le menton avec douceur. Ses yeux bleus
rencontrèrent deux lacs d’un vert profond. Les larmes, qui refusaient
obstinément de couler, rendaient ceux-ci encore plus beaux.
Alexia regarda enfin She-wolf et ne put retenir un
sanglot, ce qui fit descendre une goutte d’eau salée le long de sa joue.
- Pardon… souffla Alexia, je… c’est juste la fatigue.
She-wolf la dévisagea longuement et lorsqu’une
étoile transparente glissa à nouveau sur sa joue, elle se pencha lentement et
l’attrapa du bout de sa langue. Puis elle fit une pause et fixant Alexia, elle
l’embrassa à l’emplacement même où la larme avait cessé sa course.
Ce fut un très léger baiser. Aussi aérien qu’une
aile de papillon. Mais il dégageait une telle intensité qu’il fit frémir Alexia
jusqu’au plus profond d’elle-même. Elle retint un gémissement et se mordit la
lèvre plus fort.
Tout contre sa joue et sans quitter la jeune fille
des yeux, elle lui chuchota :
- Ne t’excuse pas. C’est à moi de le faire. Je n’ai
pas l’habitude d’avoir à me préoccuper des autres. Je vis seule depuis très
longtemps maintenant, mais j’aurais dû savoir que tu étais fatiguée.
Elle hésita car elle n’avait pas l’habitude de
reconnaître ce genre de chose mais poursuivit néanmoins :
- Et… je n’avais pas à passer ma mauvaise humeur
sur toi. Alors je t’en prie accepte mes excuses.
Elle appuya sa demande d’une pression sur ses mains
et attendit.
Alexia ouvrit les yeux et relâcha sa pauvre lèvre.
Elle osa enfin croiser le regard de She-wolf et lui sourit avec une joie douce.
Ses yeux s’adoucirent et elle répondit à une She-wolf un peu inquiète :
- Excuses acceptées.
A ses mots la tension quitta la mercenaire et ses
épaules se détendirent. Elle lui sourit en retour et passa un pouce sur ses
joues afin de chasser toutes traces des larmes.
- Tu sais pour les points, s’il doit y en avoir ce
doit être moins de 5 heures après la blessure, ensuite c’est juste trop tard.
- Oh… Alors pourquoi ne pas t’en être préoccupé
avant ?
- Ce n’était pas la priorité.
- Et tu ne risques rien là ?
- Non, ne t’en fait pas. J’aurai juste de belles
cicatrices.
Alexia fixa ses coupures l’air embêté.
- Et si je te racontais comment soigner les
blessures les plus simples pendant que tu nous prépares un bon repas ?
déclara soudainement She-wolf. J’ai entendu dire que tu étais bonne cuisinière,
reprit-elle malicieuse.
Alexia accepta avec joie. Elle fouilla le buffet et
dénicha quelques boîtes de conserves qu’elle prépara à sa façon pendant que
She-wolf lui expliquait les principes de bases du secourisme.
Lorsqu’elles eurent terminé, Alexia insista pour
que She-wolf reste assise et laisse reposer sa jambe pendant qu’elle faisait la
vaisselle.
- On ira t’acheter un lit demain, déclara She-wolf
pendant qu’Alexia rangeait les assiettes dans le buffet. J’espère que ça ne
t’ennuie pas de dormir avec moi cette nuit ?
Alexia se
figea puis se força à reprendre son essuyage.
- C’est un lit une place, dit-elle la voix
légèrement tremblante.
- Hummmm. On aura un peu chaud, donc si tu veux
t’habiller léger…
- Je… j’ai rien, bredouilla-elle.
- Je vais te prêter un de mes t-shirt, fit She-wolf
en se déshabillant.
Alexia détourna vivement les yeux en proie à un
grand trouble. Elle allait dormir avec She-wolf ?! Dans un de ses
vêtements ?! Elle déglutit plusieurs fois et tourna les yeux vers l’objet
de son trouble lorsqu’elle l’entendit s’installer dans le lit. Elle avait
rejeté les couvertures et en t-shirt et minishort noir moulant, un bras sous la
nuque, elle la dévisageait interrogative.
Alexia vit qu’elle lui avait posé un t-shirt noir
XL sur le bord du lit. Elle considéra le t-shirt puis She-wolf. Elle soupira
intérieurement et déglutit.
« Ça va être une longue, longue nuit. »
Chapitre 2 :
Cela faisait un bon moment qu’Alexia était couchée
auprès de She-wolf. Elle écouta avec stupeur la respiration régulière de
celle-ci. Elle était apparemment la seule que cette proximité semblait
troubler ! Elle soupira et tenta encore une fois de faire abstraction de
sa compagne, mais dans un lit une place c’était loin d’être facile !
Elle fit face au mur, tournant ainsi le dos à
She-wolf. Après bien des détours, son cerveau accepta enfin de se mettre au
repos. Mais pour un court instant seulement ! Car il lui envoya des images
de la belle mercenaire toute la nuit…
Alexia était bien. Elle avait l’impression d’être
au milieu des nuages. Elle se sentait entourée d’une chaleur molle, comme un
marshmallow mais en moins collant. Elle resserra son étreinte et posa sa bouche
contre le morceau de nuage qu’elle venait d’attraper et respira le parfum de
mousse fraîche qu’il dégageait. Puis elle fronça les sourcils. « De
mousse ? Un nuage ne peut pas sentir la mousse ? Non ? »
Elle revint doucement à elle. La première chose
qu’elle vit ce fut un morceau de peau. Le nez contre la nuque de…
She-wolf ?! Alexia se raidit de surprise. Elle déglutit et inspecta plus
avant sa position. Ses bras étaient passés autour de sa taille et elle avait
emmêlé ses jambes à celles de sa compagne. En bref elle était enroulée autour
du dos de She-wolf ! Elle écouta le souffle calme de la mercenaire et se
rendit compte qu’elle dormait toujours. Alexia relâcha sa respiration et
s’écarta prudemment d’elle. Désemmêler ses jambes fut le plus difficile et cela
lui prit beaucoup de temps. Lorsqu’enfin elle fut libre de ses mouvements, elle
roula sur le dos et fixa le plafond.
Pourquoi était-elle là ? Avait-elle suivi
She-wolf par ennuie et par extension, envie d’aventure comme elle le lui
avait affirmé ? Ou bien parce qu’elle était irrémédiablement attirée par
cette grande femme si particulière ? Elle observa la silhouette qui était
à ses côtés. L’envie qu’elle avait de la toucher était si puissante… elle
tendit la main vers elle et posa délicatement le bout de ses doigts sur la
nuque. Elle les laissa glisser légèrement sur la peau et savoura la texture de
celle-ci. Elle était étonnamment douce et souple. Alexia aurait voulu aller
plus loin mais le t-shirt l’en empêcha. « Et c’est mieux ainsi »
songea-elle. Elle ne voulait pas la réveiller. Et puis elle avait quand même un
peu de mal à se faire à cette nouvelle image d’elle aimant les filles. Elle ne
savait pas si elle pourrait assumer une telle relation.
Elle était vraiment perdue. Elle ne contrôlait pas
son attirance et ne rêvait de rien d’autre que de l’embrasser mais elle n’était
pas sûre d’accepter le bouleversement que cela engendrerait dans sa vie. Et
pourquoi se posait-elle ses questions ? She-wolf ne semblait même pas la
remarquer…
Elle revint à sa première interrogation et y
réfléchit sérieusement. C’était vrai qu’elle s’ennuyait parmi les autres
membres de la haute société. Elle s’était toujours sentie à l’écart même si
elle faisait semblant de rien. A part avec Linya mais c’était normal vu ses
préoccupations… Oui, à part avec Linya. Avec elle, elle avait eu un aperçu de
ce qu’était l’aventure. Mais avec She-wolf, elle en aurait à coup sûr !
Cette perspective loin de lui déplaire, l’excita follement.
Elle avait sa réponse finalement. L’attirance
envers She-wolf était seulement ce qui l’avait motivée à sauter sur l’occasion
qui se présentait. Dès demain il faudrait qu’elle prouve à la mercenaire
qu’elle ne serait pas un boulet. Et aussi qu’elle la convainque de lui
apprendre ce qu’elle savait.
Elle se mit sur le côté et laissa son regard errer
sur le sublime corps qui la touchait presque. Qu’est-ce que cela pouvait faire après
tout ? Elle était attirée par les filles, bon et bien elle devrait faire
avec. En même temps, il n’y avait que cette femme qui lui fasse un tel effet.
Elle ferma les yeux et se remémora son regard. « C’était ses yeux… »,
comprit-elle soudain. « Elle était tombée amoureuse de son regard… Ce bleu
si éclatant. Ce regard si intense. Il semblait recéler une profondeur et une
force quasi inhumaine. Elle lui avait fait penser à un ange lors de son combat
contre Sassem. Mais pas n’importe quel ange… un ange vengeur, descendu du
royaume des cieux pour laisser éclater la colère divine sur l’inconscient qui
l’avait offensé… »
She-wolf se retourna et sa tête se retrouva en face
de celle d’Alexia. Celle-ci se repaissa de cette vision. Elle avait l’air plus
douce dans son sommeil, ses traits n’étaient plus contractés par la froideur,
la colère ou la tension. Elle semblait sereine et détendue et ce fut facile
pour Alexia d’imaginer ce qu’avait pu être la petite She-wolf. Elle se demanda
ce qui avait bien pu se passer dans la vie de cette enfant pour qu’elle ne se
souvienne plus de son nom. Est-ce qu’un jour elle s’ouvrirait à elle ?
Alexia se promit que oui. Elle allait tout faire
pour devenir son amie. Elle souhaitait tant se rapprocher d’elle… Ses yeux
tombèrent sur les lèvres fines et bien dessinées de l’objet de ses pensées et
le désir remplaça les questions. Elle vérifia que She-wolf dormait toujours et
approcha un pouce de ses lèvres. Elle n’aimait pas profiter d’elle ainsi, mais
elle savait qu’il était peu probable que ses pulsions lui soient rendues un
jour, la grande mercenaire n’étant préoccupée que par son travail.
A quelques millimètres d’elles, Alexia s’arrêta et
renonça. Non décidément elle ne se sentait pas de faire cela sans son accord.
Elle soupira et le regard ne quittant pas son visage elle se rendormit.
Le lendemain, lorsqu’Alexia se réveilla de nouveau,
She-wolf avait disparu. Elle se leva et se dirigea vers la porte. Elle l’ouvrit
et sortit à la recherche de la mercenaire. Elle inspecta les alentours mais ne
vit rien. Cependant le 4X4 était toujours présent donc elle ne devait pas être
bien loin. Elle rentra et se prépara un petit déjeuner avec ce qu’elle trouva,
autrement dit les restes de la veille. A la fin de son frugal repas, Alexia une
main sur son estomac grondant se dit qu’elle prendrait bien une douche.
- Où peut-elle bien être ?
La maison ne possédait qu’une pièce et elle en
avait fait le tour la veille. Peut-être y avait-il une autre cabane au
dehors ? Elle ressortit et examina les environs, faisant le tour de la
maison, mais elle ne vit rien. C’est ce moment que choisit She-wolf pour
revenir. Les cheveux mouillés et en tenue légère, elle venait manifestement de
se laver.
- Tu as pris un bain ?
- Oui.
- Où es ta salle de bain ? Je la cherche
depuis un bon moment.
She-wolf lui indiqua la direction d’où elle venait
et lui tendit une serviette sèche.
- Elle est un peu fraîche.
- Ah ? Tu ne m’as pas laissé d’eau
chaude ? Tu n’as pas l’habitude de la compagnie hein ?
- Il n’y a pas d’eau chaude. Il n’y en a jamais.
- Je ne comprends pas.
- La douche c’est la rivière que tu as contourné
pour venir ici.
- Hein ?! Tu te fiches de moi ?!
- Non. Pourquoi, il y a un problème ? fit-elle
le visage impassible.
- Non non, s’empressa de nier Alexia avec une
grimace.
« Ce n’est pas le moment de jouer à la petite
fille pourrie gâtée. »
- Pourrais-tu m’enseigner quelques trucs
après ?
- Des trucs ?
- Oui, enfin tu sais…
She-wolf secoua la tête.
- … des cours de défenses, des trucs quoi… pour que
dans un premier temps, je te gène pas pendant tes missions et qu’ensuite je
puisse t’aider. Enfin c’est pour ça que je suis là non ?
- Tu es là pour me fournir une couverture lors de
mes déplacements et éventuellement me trouver des infos, pas pour te battre. Ça
c’est mon job.
- Oui, je sais, mais il se pourrait que je sois
quand même prise au milieu d’une bagarre, comme avec les gardes du corps de
Sassem et même si tu peux te débrouiller sans moi il vaudrait mieux que je sois
capable de me défendre. C’est plus sûr, ajouta-t-elle en se mordant la lèvre.
She-wolf resta un instant silencieuse, l’évaluant.
- OK. Mais tu vas devoir faire de la musculation
car ton corps actuel, bien que très joli, n’est pas prêt à un entraînement avec
moi, fit-elle en rentrant dans la maison, laissant derrière elle une Alexia
stupéfaite.
« Elle a dit que j’avais un joli
corps ! » se répéta Alexia sur un petit nuage en se dirigeant enfin
vers la rivière. « Elle pense que j’ai un joli corps !!! »
- Yiaaah ! s’écria-elle en sautant de joie, un
poing en l’air.
Elle passa tout son bain avec un sourire idiot aux
lèvres, à se repasser en boucle cette phrase, si bien qu’elle ne remarqua même
pas la fraîcheur de l’eau.
Elle ressortit, se sécha et se rendit compte
qu’elle était venue sans vêtement de rechange. Elle s’enroula dans la serviette
et marcha aussi vite qu’elle le pouvait vers le chalet. Le vent quoique léger,
la fit frissonner. En arrivant elle vit She-wolf qui l’attendait appuyée contre
la portière du 4X4. Elle était vêtue d’un pantalon en toile rouge, d’un t-shirt
noir moulant et d'une paire de Nike noires avec une virgule rouge. Ses cheveux
étaient attachés en une demi-queue par un lien en cuir et deux mèches
encadraient son visage. Elle était à tomber. Alexia passa devant elle sans
oser croiser son regard de peur de
laisser transparaître ses sentiments.
She-wolf la vit filer comme une flèche vers la
porte et l’ouvrir avec un peu trop de force avant de la claquer pour la
refermer derrière elle. Elle était bouche bée… Alexia avait des jambes
magnifiques et la vision de celles-ci passant devant elle semblait s’être
imprimée sur sa rétine. Elle déglutit et tenta de se reprendre avant son
retour.
Lorsqu’Alexia apparut enfin, She-wolf avait
retrouvé son calme. Curieusement Alexia était toujours enroulée dans sa
serviette.
- Hum, She-wolf ?
- Pourquoi tu n’es pas habillée?
- Eh bien, en fait… je n’ai rien.
- Comment ça ?
- On est parti un peu précipitamment et à part ma
robe de soirée, je n’ai rien à me mettre et je ne pense pas qu’une robe de
soirée soit de bon goût pour faire les courses.
« Dommage », pensa She-wolf, « elle
lui allait vraiment bien cette robe… » Elle se repoussa de la portière et
fit un geste vers la porte. Alexia la regarda rentrer dans la maison et la
suivit.
Là, She-wolf ouvrit l’armoire et farfouilla
quelques instants. Elle en ressortit avec une chemise blanche et un pantalon en
toile noire.
- Tu mettras ça. Ça sera un peu grand pour toi mais
tu devras t’en contenter jusqu’à la fin des courses. On t’achètera des
vêtements en ville.
- Oh, euh merci.
- Pour les chaussures…, fit-elle en réfléchissant,
je pense que les seules dans lesquelles tu ne t’empêtreras pas, se sont mes
claquettes.
Joignant le geste à la parole, elle se pencha vers
le sol et tira de sous l’armoire une paire de claquette en cuir noir. Elles
étaient incroyables. Le cuir était finement travaillé et l’attache était
tressée. She-wolf les lui tendit et ressortit en fermant la porte.
Alexia enfila les vêtements de She-wolf. Ils étaient vraiment trop grands pour elle mais possédaient l’avantage de sentir comme elle. Mettant le nez dans le col de la chemise qu’elle venait d’enfiler, elle respira son odeur. Un mélange de mousse couverte de rosée et de…. ben d’elle. Elle adorait son odeur… tout comme pour son regard, elle sentait qu’elle pourrait très vite devenir accro.
Elle fit quelques ourlets aux vêtements et sortit
rejoindre sa belle pour aller en ville. Elles devaient faire du shopping et
comme elles avaient beaucoup de choses à acheter et que la ville était à 4
heures de route, elles déjeuneraient là-bas. Pour un peu, elle avait
l’impression d’avoir un rencard !
Le soir venu, les filles retrouvèrent le chalet
avec bonheur. Les courses ce n’était vraiment pas le truc de She-wolf et pour
une fois Alexia était d’accord. Elles avaient eu tellement de choses à acheter
dans des magasins différents qu’elles avaient couru toute la journée. Elles
avaient à peine eu le temps de manger un sandwich sur le pouce, au grand dam d’Alexia
qui se voyait déjà en plein déjeuner romantique avec She-wolf.
Alexia rentra les courses alimentaires pendant que
sa compagne sortait le lit en kit qu’Alexia utiliserait dès ce soir. Pendant
qu’elle se mettait à la tâche, Alexia rangea ou plutôt tenta de trouver une
place pour ses vêtements dans l’armoire de She-wolf.
- Laisse tomber, fit celle-ci. J’ai aussi acheté
une commode en kit. Je la monterai demain, en attendant tu n’as qu’à les
laisser dans les sacs, rien ne presse.
- Et qu’est-ce que je fais pendant que tu montes
mon lit ? D’ailleurs où vas-tu le mettre ?
- Où le veux-tu ?
- Près du tien ! répondit-elle très vite.
- Je le mettrai dans ce coin alors, fit-elle en lui
montrant le pied de son lit.
Il ferait l’angle de la pièce et la mettrait juste
en dessous de la fenêtre. Autrement dit le soleil la réveillerait tout les
matins dès l’aube !
- Ça me va, répondit-elle néanmoins.
Après tout de là où elle se trouverait, elle aurait
tout le loisir de contempler la mercenaire chaque fois que l’envie lui en
prendrait !
Le reste de la soirée passa dans le silence,
entrecoupé de coups de marteaux et des bruits qu’elle-même faisait pour
préparer le repas. Lorsqu’elle eut fini, She-wolf souffla un peu et la
rejoignit à table. La conversation roula essentiellement autour de ce que
devrait faire Alexia pour se muscler un peu. She-wolf lui décrivit les
exercices à faire tout les jours et leur durée. Puis elle s’isola au dehors
avec son téléphone et son ordinateur.
Lorsqu’elle revint, il faisait nuit noire et elle
semblait à la fois triste et en colère.
- Tout va bien ? s’enquit Alexia.
- Bien sûr.
Elle s’allongea sur son lit et le regard fixé au
plafond, réfléchit. Alexia s’ennuyait mais n’osait pas l’interrompre. Après une
vaine attente, elle se résigna à aller se coucher. Elle espérait que ce ne
serait pas tous les soirs comme ça. Elle enfila son nouveau pyjama en
regrettant le dernier et se mit sous le drap.
Elle ne tarda pas à s’endormir.
Elle avait de
nouveau 4 ans. Ou peut-être qu’elle avait grandi ? Elle ne le savait pas.
Elle ne se souvenait plus depuis quand elle était là. Ses vêtements étaient
différents de ceux que ses parents lui mettaient avant…avant leur mort. Ses
cheveux avaient poussé et lui arrivaient au bas du dos. Elle les tressait tous
les jours afin que les hommes du campement ne les lui coupent pas sous prétexte
que c’était un handicap dans leur métier. Elle ne comprenait pas de quel métier
ils parlaient. Elle était au milieu du campement, pieds nus et vêtue de kaki.
Les flammes du feu devant elle se reflétaient sur son visage. Elle les fixa
puis s‘en rapprocha. Elle regarda furtivement autour d’elle et ne vit que des
soldats ivres morts.
Elle pouvait le faire. Une fois tout près du feu,
elle tendit la main et attrapa une bûche qu’elle tint à bout de bras. Elle fit
le tour du campement des yeux, plus lentement cette fois et comme convaincue
par ce qu’elle voyait, se rendit près d’une des tentes. C’était celle du chef
de la milice qu’elle venait d’intégrer. Elle le haïssait…
Elle approcha la torche de la toile de tente et
regarda le feu se propager. Elle lâcha la torche et dût reculer sous l’assaut
des flammes. Bientôt celles-ci ravagèrent la tente. Des étincelles emportées
par le vent atterrirent sur les tentes alentour. Des cris commencèrent à se
faire entendre et elle prit conscience de ce qu’elle avait fait en voyant le
camp tout entier en proie aux flammes. Elle vit un homme du feu sur tout le
corps passer en hurlant devant elle et entendit un cri déchirant un peu plus loin.
C’était un enfant. Comme elle, il avait été amené ici de force. Il tentait de
sortir d’une des tentes enflammées, mais pris au piège, il finit par
disparaître sous la toile qui s’écroula sur lui.
Elle resta longtemps ainsi en proie à un mélange
d’horreur devant son geste et de joie sauvage devant la réussite de sa
vengeance.
Elle se réveilla en hurlant. Alexia se précipita à ses côtés. En la voyant tremblante, de petits gémissements inconscients sortant de sa bouche et les cheveux collés par la sueur à son front,
Alexia ne réfléchit pas et la prit dans ses bras. Elle la berça ainsi longuement, comme on berce un enfant, en lui murmurant une comptine idiote que lui chantait sa mère, il y avait longtemps, pour la calmer.
Lorsque ses tremblements cessèrent, She-wolf se dégagea un peu, honteuse de son excès de faiblesse. Mais la lente et douce caresse sur ses cheveux l’hypnotisa et elle se détendit tout contre la poitrine de sa compagne. Elle sentit le souffle d’Alexia contre son visage et en voulut plus.
Elle releva la tête, croisa son regard et se sentit
touchée par la tendre douleur qu’elle y vit. Sans réfléchir elle se pencha vers
elle et posa ses lèvres sur les siennes. Ce fut bref, comme un simple
remerciement. She-wolf n’osa pas la
regarder et se recoucha en se tournant vers le mur.
Alexia resta un peu au bord du lit, pensive, lui
caressant le dos sans s’en rendre compte jusqu’à ce qu’elle entende le souffle
régulier de She-wolf attestant de son retour dans les bras de Morphée.
Chapitre 3 :
Une semaine plus tard, Alexia avait une bonne idée
de ce que serait ses prochaines années si elle restait avec She-wolf. Ça ne
serait pas ennuyeux, enfin à part les soirées qui s’étiraient en longueur,
She-wolf n’étant pas une grande bavarde, mais pas reposant non plus. Chaque
soir
She-wolf s’isolait au dehors parfois pendant des
heures, ce qui rendait son ennui encore plus insupportable ! Elle n’avait
pas l’habitude et c’était dur. Mais si elle tenait à rester, il lui fallait
trouver une occupation. Et elle y tenait, donc il lui fallait réfléchir à ce
qu’elle pourrait faire pendant son temps libre.
Regardant autour d’elle les meubles construits ou
montés par She-wolf, Alexia se dit qu’elle aimait bien ce qu’elle en avait
fait. « Oh mais bien sûr !, songea-elle soudain, je vais me mettre à
la sculpture ! Peut-être même qu’elle pourrait m’indiquer les bases »
se dit-elle en jetant un œil à She-wolf.
Celle-ci avait le regard perdu dans le vague. Une
fois de plus. C’était ainsi à chaque fois qu’elle faisait des cauchemars. Et
elle en faisant souvent ! Encore une fois, Alexia se demanda ce qui avait
bien pu lui arriver pour en faire aussi souvent. C’était étrange, la journée
She-wolf avait l’air indestructible mais la nuit… elle avait besoin d’elle. C’était
un sentiment curieux que d’avoir quelqu’un qui dépendait de vous pour aller
mieux. C’était à la fois effrayant et merveilleux.
Malheureusement le matin venu She-wolf partait dans
une humeur mélancolique et elle n’avait toujours pas trouvé quoi faire ou dire
pour l’aider à en sortir plus vite. Peut-être une question personnelle ?
Alexia prit une inspiration pour se donner du courage et se lança.
- D’où vient ton nom ? C’est toi qui l’as
choisi ?
- Pas vraiment, répondit sa compagne les yeux
toujours dans le vague.
Alexia surprise d’avoir une réponse au lieu du
traditionnel regard noir, profita de l’aubaine pour continuer son
interrogatoire.
- Qui alors ?
- Mon instructeur, répondit She-wolf lentement.
« Son instructeur ? », dépitée
Alexia vit She-wolf repartir dans des souvenirs plus lointains sans développer
son explication. A voir l’expression de la mercenaire, c’était un souvenir
doux-amer. Soudain elle eut une inspiration.
- Et si je te racontais une histoire ?
Sans lui laisser le temps de répondre, elle
commença :
- L'histoire que je vais te
raconter remonte à la nuit des temps. Il s’agit de la légende du loup blanc.
A cette époque, la terre était recouverte de vastes forêts sans fin,
certaines étaient inextricables et les voyageurs égarés retrouvaient rarement
leur chemin.
En ces temps là, les loups vivaient nombreux, ils formaient des clans
très hiérarchisés, intelligents, forts et courageux, ils n'avaient d'autres
ennemis que les hommes.
Les hommes quant à eux nourrissaient une haine profonde envers les loups
et lorsqu'ils se trouvaient face à face, il était rare que tous deux survivent
à cette rencontre.
A peine l'enfant des hommes marchait, qu'il avait appris à haïr le loup.
Chaque décennie écoulée, les loups, uniquement les chefs de clan et
quelques élus entreprenaient le grand voyage. De toutes les régions du Nord de
l'hémisphère, ils convergeaient en un même lieu, une vaste clairière au centre
d'une forêt profonde et noire, quelque part dans un pays que l'on appellera
plus tard la FRANCE.
Certains venaient de très loin, c'était le grand rassemblement au cours
duquel les loups mâles et femelles encore solitaires allaient sceller une
nouvelle alliance, ils venaient là trouver le compagnon d'une vie.
Les chefs partageaient leur savoir et les jeunes bâtissaient leur
descendance.
Cette année là, LOUPBLANC, chef de clan encore solitaire venait pour y
trouver une compagne, chemin faisant il pensait au lourd secret qui était le
sien.
Quelques mois plus tôt, au cours d'une chasse, il avait découvert une
jeune femme évanouie dans la neige fraîche. Il s'était approché d'elle
doucement, avec méfiance comme on lui avait toujours appris, de longues minutes
s'étaient écoulées ainsi, quand soudainement la jeune femme bougea, elle
entrouvrit les yeux et loin d'être terrifiée par la vue du loup, elle lui
sourit.
Elle tendit une main et caressa la fourrure de l'animal, celui-ci
accueillit cette marque d'affection d'abord avec surprise puis bientôt avec
plaisir. Sans savoir qu'il pouvait la comprendre, elle lui expliqua sa peur
lorsqu'elle s'était vue égarée dans la forêt, en entendant du bruit, elle
s'était mise à courir sans voir une grosse branche qui barrait le chemin, elle
avait trébuché lourdement et s'était évanouie.
Tout en lui parlant elle n'avait cessé de le caresser. Elle le regarda
droit dans les yeux et lui demanda de l'emmener jusqu'au village, seule
dit-elle, je ne retrouverai jamais ma route.
LOUPBLANC s'exécuta, il la reconduisit jusqu'à l'entrée du village et
longtemps il resta là, à la regarder partir, même lorsqu'il ne pouvait plus la
voir.
De retour dans la tanière du clan, il comprit qu'il ne serait plus
jamais le même, jamais plus il ne verrait les hommes de la même manière.
Il se prit même à revenir guetter l'entrée du village dans l'espoir de
l'apercevoir.
A de nombreux
kilomètres de là, une louve et son frère cheminaient au côté d'un chef de clan,
ils faisaient eux aussi route vers le grand rassemblement.
La louve CALYPSONE venait y faire alliance, elle l'espérait depuis
longtemps mais depuis l'été dernier, elle était habitée par la peur, son chemin
avait croisé celui d'un gentilhomme blessé, au lieu de le dénoncer à la meute
comme il se doit, elle l'avait caché, recouvert de feuilles et de branchages et
l'avait nourri jusqu'à ce qu'il puisse se débrouiller seul.
L'homme n'avait jamais manifesté la moindre crainte face à la louve, au
contraire il aimait à lui parler, à la caresser, il lui faisait des confidences
comme il l'aurait fait à un des ses semblables. Il rêvait d'un monde où les
hommes et les loups feraient la paix, un monde où la haine de l'autre
n'existerait plus.
Un soir alors que Calypsone venait le retrouver, il était parti en
laissant sur le sol son écharpe, un peu de son odeur qu'elle prit plaisir à
renifler.
Souvent, depuis lors, elle venait s'allonger au pied de l'arbre qui
avait été le témoin de leur amitié.
La clairière sacrée était prête, tous les participants s'étaient
rassemblés en plusieurs cercles, au milieu se trouvaient les solitaires, il
était de coutume de s'observer et lorsqu'un loup mâle trouvait une louve à sa
convenance, il s'avançait au milieu du cercle, puis de là en rampant il se
dirigeait vers l'élue.
Ce soir sacré, lorsque CALYPSONE aperçu LOUPBLANC, elle reconnut
immédiatement le compagnon qui habitait ses rêves, celui qu'elle avait toujours
attendu.
Aussi, bousculant toutes les règles, elle s'avança vers lui, sans
crainte, le regardant au fond de ses prunelles dorées.
LOUPBLANC, comme s'il avait toujours su ce qui allait arriver, accepta
CALYPSONE comme compagne sans se formaliser de la façon cavalière qu'elle avait
utilisée pour arriver à ses fins.
La nuit même leur union fut scellée. Le grand sage donna son accord
après avoir vérifié qu'ils n'appartenaient pas au même clan et que leurs deux
statures s'harmonisaient entre elles.
La louve fit ses adieux au clan qui l'avait
vu grandir et se prépara au voyage de retour.
Leur périple fut sans histoire.
Inconsciemment ou pas, LOUPBLANC construisit leur gîte non loin de
l'endroit où il avait découvert la jeune femme l'hiver dernier.
Au printemps de l'année qui suivit, CALYPSONE donna naissance à deux
louveteaux, un mâle et une femelle. Avant de mettre bas, elle avait avoué à
LOUPBLANC le parjure qu'elle avait fait à sa race en cachant et en nourrissant
un humain. LOUPBLANC lui avait à son tour confié son secret et depuis lors ils
ne formaient plus qu'un.
Une nuit, ils furent réveillés par des cris qui les firent sortir de
leur tanière, ils aperçurent au loin une fumée épaisse, un incendie embrasait
le ciel. Les cris durèrent longtemps et au petit jour une odeur âcre parvint
jusqu'à eux.
La magie des loups en ces temps là était grande et leur haine des
humains encore plus grande, plusieurs clans s'étaient unis pour détruire un
village qui avait tué plusieurs des leurs. Ceux qui n'avaient pas péri dans
l'incendie, furent dévorés par les loups.
LOUPBLANC rassembla sa compagne et ses petits et décida de s'éloigner à
tout jamais de ces contrées barbares, il voulait un monde différent pour sa
descendance.
Au même moment, un homme et une femme, seuls survivants du massacre
fuyaient eux aussi l'horreur de la nuit.
La légende dit que la route des loups croisa celle des humains.
Que LOUPBLANC reconnut la jeune femme qu'il avait secouru de même que
CALYPSONE reconnut l'homme comme étant celui qu'elle avait caché dans les bois.
On dit aussi qu'ils firent chemin ensemble jusqu'à une grande clairière.
Uniquement avec leur
courage, ils bâtirent un monde nouveau où tous ceux qui vivaient sans haine
furent les bienvenus. Les humains comme les loups...
" Loup
blanc fut à l'origine d'une nouvelle race de loups, plus proche de l'homme et
qui bien des années plus tard donnera naissance à cette race de loup civilisé
que l'on appellera LE CHIEN ".
She-wolf l’avait regardée attentivement tout au
long de son récit. Elle avait bien aimé celle-ci. Alexia ne se contentait pas
de raconter, elle vivait l’histoire, s’animant et changeant de voix pour chaque
personnage, mimant les expressions et les gestes. She-wolf devait s’avouer
qu’elle était impressionnée. Elle la remercia d’un hochement de tête impassible
pour l’avoir distraite de ses pensées moroses, sans toutefois dévoiler ses
impressions.
- C’était intéressant. J’ai du travail, fit-elle en
se levant de table. Tu ferais bien de te mettre à tes exercices toi aussi.
Alexia la laissa partir un peu désappointée quant à
sa réaction. En tout cas, le but était atteint, elle l’avait tiré de sa
mélancolie. Peut-être pourrait-elle utiliser cette méthode la nuit pour la
calmer ? « Au prochain cauchemar j’essaye », décida-elle. Elle
se leva aussi et débarrassa, puis fit la vaisselle. Elle sortit ensuite et
tourna la tête en direction du petit cabanon que She-wolf avait monté au début
de la semaine.
Chaque jour, elle s’y enfermait. Qu’y
faisait-elle ? Mystère… elle entendait parfois des coups de marteaux ou
bien les dents d’une scie frottant sur le bois, mais She-wolf refusait de lui
dire ce qu’elle y fabriquait. De même, elle avait l’interdiction absolue d’y pénétrer.
Alexia soupira. L’interdiction n’avait fait que
renforcer son envie d’y aller, mais elle se retenait. Elle n’avait vraiment pas
l’habitude de ne pas suivre ses envies ou caprices et c’était plutôt dur de
devoir obéir comme ça, sans explication, mais elle se doutait bien que si elle
ne faisait pas preuve d’un minimum de discipline, She-wolf ne lui apprendrait
rien et la laisserait vite fait sur le bas-côté. N’empêche elle avait du mal.
C’était elle qui dictait les règles avant, sans parler de l’ennui... Mais elle
avait fait un choix et devait l’assumer.
Elle soupira encore une fois puis s’attela à ses
exercices. Elle devait débuter avec des échauffements, suivit d’une course
d’endurance de 1 heure. Elle enchainait ensuite avec des étirements, puis des
abdos et des pompes. Enfin, elle terminait avec un kata de base que She-wolf
lui avait appris, qu’elle devait répéter pendant une autre heure. En tout cela
lui prenait bien 3 heures.
Les premiers jours elle n’avait pas réussi à finir
le programme dicté par She-wolf mais hier pour la première fois, elle était
allée jusqu’au bout ! Et si elle était toujours lessivée, elle récupérait
quand même plus vite et surtout les courbatures des premiers temps avaient
enfin disparu. Invariablement, après tout cela elle se dirigeait vers la
rivière pour une détente bien méritée. Dans ces moments là, elle ne regrettait
pas sa salle de bain, car se baigner dans une rivière chauffée par le soleil et
au milieu des fleurs et des oiseaux était enchanteur !
Alexia était en train de terminer son Tekki Shodan
lorsque She-wolf fit son apparition. Elle vit qu’elle avait du mal à enchaîner
autant de mouvements à la suite et encore plus à se rappeler tout les
placements et décida de lui donner un coup de main. Elle se mit en position à ses
côtés et en moins de 45 secondes, elle exécuta le kata devant une Alexia muette
d’admiration.
- N’essaye pas de tout faire, lui dit-elle
lorsqu’elle eut fini. Pour commencer rappelle toi que le plus important est ta
position. Tu dois toujours être en Kiba Dachi. Aucun de tes mouvements ne doit
déstabiliser ta position.
- Ok…hum… euh… c’est quoi déjà le Kiba Dachi ?
- Tu dois être bien ancrée au sol et tes bras et
tes épaules doivent toujours être décontractés.
Alexia hocha
la tête pas certaine d’avoir reçu la réponse qu’elle attendait et se mettant en
position recommença. She-wolf l’arrêta très vite.
- Lorsque tu débutes ton kata comme lorsque tu le
termines cela doit être fait avec lenteur, retenue et concentration. Comme
ceci.
Alexia l’observa attentivement en admettant
qu’ainsi c’était très beau, presque de la danse, puis reproduisit le mouvement
à la perfection. Pour une fois que She-wolf l’entraînait elle-même, elle tenait
à lui faire bonne impression !
Elles répétèrent ainsi pendant une heure et Alexia
ressortit complètement fourbue de l’exercice mais très satisfaite de ses
progrès. Comme à son habitude, elle se dirigea vers la rivière pendant que
She-wolf partait suivre son propre programme.
Elle passa un moment agréable à se prélasser au
soleil. Elle comprit qu’elle y était resté plus longtemps que prévu lorsqu’elle
vit arrivée She-wolf. Celle-ci commença a se débarrasser de ses vêtements et
Alexia bouche bée ne put détourner son regard. « Elle… elle… c’est…
purée… ». Même dans ses pensées Alexia était troublée. She-wolf se dirigea
vers elle sans paraître le moins du monde gênée par sa nudité. « Mais bon,
à sa place, moi non plus je ne serais pas gênée… Elle possède le corps le
plus parfait que j’ai jamais vu…» Plus She-wolf approchait, plus Alexia sentait
des bouffées de chaleur la submerger. Elle rougit et fut contente d’être en
plein soleil, avec un peu de chance elle lui attribuerait sa rougeur.
Lorsqu’elle s’installa en face d’elle, Alexia prit
conscience de sa nudité et dans un réflexe vain, tenta de se couvrit la
poitrine ce qui fit rire sa compagne.
- J’ai une surprise pour toi, fit soudain She-wolf.
- Une surprise ?!
Subitement excitée comme une puce, Alexia oublia
son dépouillement et se redressa sur son séant.
- Qu’est-ce que c’est ?
- Ce ne serait pas une surprise si je te le disais,
répondit-elle dans un sourire.
She-wolf avait bien du mal à ne pas laisser son
regard errer sur la poitrine de sa compagne. Elle avait mal calculé sa capacité
à résister. Lorsqu’elle s’était approchée, elle avait eu la surprise de voir de
l’admiration et du désir dans ses yeux. Là, elle était mal, car il n’était pas
question pour elle de céder à sa libido. Ce genre de fille avait tendance à
croire que coucher est le signe d’une relation sérieuse, alors pas question de
s’embarquer là-dedans !
- Allez dis-le moi… la supplia-elle, en se
rapprochant.
Elle avait tellement l’air d’une petite fille que
She-wolf se sentit contaminée. C’est fou ce que ses réactions avec elle
pouvaient être différentes ! Là, tout de suite, elle avait envie de
jouer ! Depuis quand jouait-elle ?! Et puis après tout ça ne pouvait
pas lui faire de mal, elle n’avait aucun projet en ce moment…
- Si tu veux vraiment le savoir… fit-elle en
souriant d’une drôle de façon, tu vas devoir… survivre ! s’écria-elle en
se jetant sur elle.
Elle lui plongea la tête sous l’eau et s’écarta en
riant lorsqu’Alexia tenta de l’attraper. Elle sortit la tête en crachant, les
yeux exorbités, ce qui fit rire la mercenaire de plus belle. Décidée à se
venger, Alexia s’approcha doucement d’elle et dans un grand sourire torve, elle
plongea sous la surface, lui attrapa les jambes en se redressant et la fit
basculer. She-wolf tomba en arrière et agrippa la taille d’Alexia, la prenant
ainsi à son propre piège.
Elles se redressèrent en riant et afin d’avoir le
dernier mot, She-wolf empoigna Alexia et la jeta sur le bord de la rivière.
Celle-ci roula dans l’herbe et se couvrit de terre. Puis She-wolf sortit et
saisit une serviette qu’elle enroula autour d’elle.
- Tiens, fit-elle en lui tendant une autre
serviette.
Alexia faussement indignée s’en empara mais pas
avant de s’être rincée dans la rivière.
- Tu veux ta surprise ? Alors suis-moi…
fit-elle mystérieuse.
Et elle disparut aux milieux des arbres. Alexia lui
courut après, son excitation revenant au galop. Lorsqu’elle la rattrapa enfin,
She-wolf entrait dans le chalet. Elle en ressortit quelques instants plus tard,
vêtue de son éternel pantalon en toile noire et d’un haut noir moulant mais pieds
nus. Alexia voulut se rendre à son tour dans la maison, mais She-wolf lui fit
signe de la suivre.
- Laisse-moi le temps de m’habiller au moins !
lui cria-t-elle.
- Tu n’en as pas besoin pour ce qui t’attend.
- Comment ça ? Quel genre de surprise ne nécessite
pas d’être habillée ?
She-wolf lui répondit d’un simple sourire.
Parvenue devant la petite cabane ou elle passait
toute ses matinées depuis le début de la semaine, She-wolf s’arrêta, attendit
qu’Alexia arrive à sa hauteur et dans un mouvement vif, ouvrit la porte.
Alexia ne la quittait pas des yeux, reléguant au
loin la surprise. Elle était hypnotisée par ce sourire. Incroyable comme cela
changeait son visage. Tout d’un coup elle apparaissait plus accessible, moins
distante. Elle l’avait déjà remarqué pendant leur baignade, mais surprise par
le jeu, elle ne s’y était pas arrêtée. Elle ne savait même pas que She-wolf
était capable de jouer, alors la voir aussi abruptement passer de la plus
parfaite impassibilité à cette malice enfantine l’avait stupéfaite…
« Dieu qu’elle voulait
l’embrasser ! »
Ces lèvres… la sensation de chaleur brève mais
intense qu’elle avait ressentie lorsque She-wolf l’avait remerciée la première
nuit de ses cauchemars… elle souhaitait tant ressentir à nouveau tout
cela ! Il fallait qu’elle se fasse une raison pourtant. Rien ne laissait
entendre que ce baiser n’avait été autre chose qu’un merci. D’ailleurs à en
juger par la réaction parfaitement indifférente qu’elle avait eu lors de leur
bain, She-wolf ne pensait pas à elle ainsi. « C’est vrai qu’elle a
Enyalios… » se remémora-elle. Cela lui fit instantanément perdre le
sourire. Elle tourna les yeux vers la cabane pour ne plus voir son si
perturbant sourire.
Elle passa la tête dans la petite embrasure et sous
la poussée de She-wolf entra dans la petite pièce.
She-wolf attendait avec impatience la réaction de
sa compagne face à sa surprise, mais celle-ci figée sur le pas de la porte, ne
lui montrait que son dos.
- Alexia ? s’inquiéta-elle. Ça ne te plaît
pas ?
Dans un mouvement si rapide qu’elle ne le vit que
brièvement, Alexia se retourna et lui sauta au cou.
- Tu plaisantes ?! murmura-t-elle tout contre
son col. C’est le plus beau cadeau que l’on m'ait jamais fait, fit-elle sa voix
se cassant sur la fin de la phrase.
- C’est sympa, mais faut pas exagérer, tu en as
sûrement eu des plus beaux.
- Non, répliqua-t-elle farouchement en reculant
légèrement sa tête pour la regarder dans les yeux. Des plus chers oui. Mais
aucun de plus beaux.
- Ah, eh, bien… merci, fit She-wolf mal à l’aise.
« Elle est trop proche, beaucoup trop
proche… » commença-t-elle à paniquer. She-wolf fixa le mur en face d’elle
et déglutit. « Ne la regarde pas et ça passera » se répéta-t-elle
sans grande conviction mais la peur grandissant. « Si au moins elle
n’avait pas que sa serviette autour d’elle ! Bon dieu pourquoi je
l’ai pas laissé s’habiller ?! » s’admonesta-elle. Des lèvres chaudes
se posant sur les siennes l’interrompirent dans son auto-flagellation et la
transformèrent en statue de sel.
- Merci, fit Alexia, qui, décidée à profiter de
l’aubaine pour réaliser son souhait, l’avait embrassée un peu plus longuement
que nécessaire.
- De… de rien, répondit She-wolf la voix soudain
enrouée.
Elle se dégagea gentiment mais hâtivement, ne sachant
pas combien de temps encore elle pourrait tenir avant de se jeter sur elle, et
lui dit :
- Tu l’essayes ?
- Oh oui alors ! Depuis le temps que j’en
rêve ! Tu viens avec moi ? fit-elle innocemment.
« C’est ça, pour que je fasse une crise
cardiaque sous le poids de la frustration ? »
- Désolée mais je suis habillée… et puis c’est pour
toi que je l’ai faite, alors… J’ai des choses à faire, donc amuse-toi bien ! dit-elle en s’enfuyant presque, mais
ravie de la réaction de la jeune femme.
Alexia la regarda partir un peu déçue, mais se
retourna bien vite vers l’intérieur de la cabane. En fait d’une cabane, c’était
une salle de bain. Rustique mais fonctionnelle. Une douche faisait un coin de
la pièce mais les ¾ de l’espace étaient occupés par une immense baignoire.
Excepté le pommeau de la douche et quelques tuyaux pour les canalisations, tout
était en bois.
Cependant les teintes étaient différentes. Les murs
étaient recouverts de peinture blanche, décorés de magnifiques fresques de
toutes les couleurs. Chaque mur avait sa propre œuvre. La baignoire était
construite dans un bois clair et chaud, le coin douche avait une teinte plus
sombre, couleur chocolat mais qui s’alliait à la perfection au reste de la
pièce. Le sol était fait dans un bois doux et lisse et elle y glissa avec
ravissement. Il n’y avait pas de toit, les rayons cascadaient à l’intérieur,
rendant tout cela magique. Un énorme récipient était accroché à un poteau un
peu plus loin. Il pouvait récolter l’eau de pluie ou être rempli par des seaux.
N’étant pas fermé, l’eau était chauffée par le
soleil.
Elle n’arrivait pas à croire que
She-wolf ait fait tout cela… pour elle… C’était si beau… Elle n’aurait jamais
pensé que la mercenaire était une telle artiste. Ni même qu’elle soit aussi
attentive… qu’avait-elle fait pour mériter cela, à part se plaindre sans cesse
de combien sa baignoire lui manquait ? Alors non seulement She-wolf
l’écoutait mais en plus elle l’estimait suffisamment pour vouloir lui rendre
les choses moins dures ? Les larmes lui vinrent aux yeux et elle repensa à
ce qu’elle venait de dire à son amie, car après ça, elle ne pouvait pas penser
à elle autrement. « C’est véritablement le plus beau cadeau que l’on m'ait
jamais fait… car c’était celui qui demandait le plus d’effort, le seul qu’elle
n’ait pas réclamé tout en étant le plus souhaité et surtout le plus
désintéressé… She-wolf ne voulait rien en échange. C’était juste pour lui faire
plaisir. Lui rendre les choses plus simples. »
Elle tourbillonna sur elle-même et rit comme une
petite fille. C’était si féerique…
***************************
Deux semaines plus tard, Alexia accoudée à une
rambarde construite par sa mercenaire préférée, la regardait s’entraîner.
Elle-même venait de terminer ses exercices par un nouveau kata : Empi,
beaucoup plus rapide et qui nécessitait une bonne agilité.
C’était son deuxième essai seulement mais She-wolf
l’avait félicitée de ses progrès. Depuis leur baignade dans la rivière, les
deux femmes étaient devenues plus proches. She-wolf faisait toujours autant de
cauchemars mais sa méthode pour la calmer, lui raconter des histoires, l’aidait
à se rendormir plus vite, si bien qu’elle semblait moins fatiguée. De même le
matin elle ne partait plus dans des humeurs mélancoliques, ou plutôt
lorsqu’elle sentait la déprime arriver, elle lui posait des questions
personnelles auxquelles Alexia s’empressait de répondre.
Elle-même, ne faisait plus de cauchemars, seulement
des mauvais rêves qui se terminaient tous par l’arrivée de She-wolf la sauvant.
La signification en était plutôt claire.
Alexia adorait lui raconter des anecdotes sur sa
vie et la voir en sourire. Elle adorait voir comme ses yeux brillaient
soudainement lorsqu’une farce, dont elle allait être la victime, lui traversait
l’esprit. Elle aimait la réconforter la nuit, lorsque seuls ses yeux étaient
visibles et qu’ils restaient fixés sur elle pendant qu’elle lui contait une
histoire. Elle aimait son rire, sa bouche, son sérieux et même sa douleur. Elle
aimait tout en elle…
Voilà c’était dit, elle aimait cette femme… Si au
moins elle avait une chance que cela soit partagé… « Ça suffit les idées
noires. Elle t’a accordé son amitié et c’est déjà pas mal. Je peux m’en
contenter. Du moins, tant que je suis la seule à être aussi proche d’elle. Après
tout Enyalios n’est pas là et elle m’a affirmée qu’elle n’était pas avec. Mais
même si ce n’était plus le cas, ça l’avait été. Enfin ça ne semble pas avoir
d’importance pour elle alors ça ne doit pas en avoir pour moi ».
Elle s’était mise à la sculpture et ses soirées ne
s’étiraient plus en longueur. Elle avait commencé un petit loup et malgré les
propositions de She-wolf, elle refusait d’être aidée. Il fallait que cela reste
secret car elle voulait le lui offrir. Tout se passait merveilleusement bien en
fait et Alexia se demandait depuis quand une vie si calme et si spartiate la
rendait aussi heureuse.
Le soir même, alors qu’Alexia s’escrimait à faire
les pattes de son loup, She-wolf qui était sortie, comme à son habitude avec
son téléphone et son ordinateur, rentra plus tôt que prévu.
- Prépare tes affaires, dit-elle à Alexia.
- Pourquoi ? demanda-celle-ci en cachant
précipitamment le loup dans son dos.
- Nous partons.
- Maintenant ?!
- Demain matin. J’ai réservée deux billets pour
l'Égypte, départ à l’aube.
- Euh…ok. Mais puis-je savoir pourquoi nous nous
rendons là-bas ?
- Waco à des nouvelles de Sassem, il se serait
rendu dans un village au milieu du désert. Elle nous attend et le surveille.
- Euh…ok. Mais qu’as-tu contre M. Ricardo ?
La seule réponse qu’elle eut fut un regard d’une
noirceur et d’une haine si profonde et si violente qu’elle en resta saisie.
Elle recula et la laissa partir se défouler au dehors. Elle déglutit, se reprit
et commença à se préparer un sac léger comme le lui avait appris She-wolf.
Elle ne savait ce que Sassem Ricardo lui avait
fait, mais comprenait que ça avait un lien avec ses cauchemars et se mit elle
aussi à détester cet homme pour ce qu’il semblait lui avoir fait.
Elle se promit aussi de tout faire pour l’aider à
sortir de cette colère qui la prenait parfois si fort qu’elle ne voyait rien
d’autre. Si la raison d’être de She-wolf semblait être la destruction de cet
homme, alors la sienne serait de la protéger, y compris contre elle-même. Enfin…enfin elle avait un but dans la vie.
Un qui lui tenait à cœur, un pour lequel elle donnerait sa vie.
Lorsqu’elle eut fini, Alexia se leva, se rendit à
la fenêtre et contempla She-wolf se débattre contre ses démons en se
disant :
« Je n’ai jamais aimé autant. En fait, je
n’ai jamais aimé avant… »
Suite au prochain numéro ! lol !