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10 janvier 2009

Possibilités Infinies, chapitre 2, première partie

Chapitre Deux – 1ère partie (2A)

« On peut s’en sortir… » (We can work it out)

Cass se remit debout près de son poste sur la passerelle. Elle sentait quelque chose de chaud et humide couler sur le côté droit de son visage et elle savait que c’était du sang, mais elle repoussa délibérément cette pensée, la considérant hors de propos pour l’instant. Elle jeta un coup d’œil autour d’elle et vit plusieurs de ses collègues qui luttaient pour reprendre leur poste. Et elle constata avec écœurement que certains restaient au sol.

« Rapport ! » Aboya le Capitaine Janeway en s’accrochant en remontant dans son fauteuil de commandement, ses cheveux auburn s’échappant de leur chignon.

Cass se dépêcha d’évaluer quels étaient les systèmes du vaisseau encore fonctionnels.

« Dommages extensifs en salle des machines, ainsi que sur les ponts cinq et six, Capitaine », dit-elle aussi calmement que possible. « Des victimes sur tout le vaisseau, y compris… » Elle toucha quelques indicateurs, essayant de comprendre les relevés disséminés. « Bon sang », marmonna-t-elle entre ses dents. « Y compris l'officier médical en chef, Capitaine. » Elle leva les yeux et croisa le regard de Janeway.

« Le système de survie ? »

« Il fonctionne », dit Cass sans ménagement. « Les dommages sont étendus, mais n’empirent pas. J’envoie un détachement de sécurité pour s’occuper des blessés et commencer à recenser les pertes. »

« Bien. Qu’ils activent l’Hologramme Médical d’Urgence », grogna le capitaine.

« Bien madame », acquiesça Cass en envoyant par écrit ses ordres à ses officiers.

Janeway s’agenouilla près du corps immobile de Cavit et posa les doigts sur sa gorge pour prendre son pouls. Cass vit les épaules du capitaine s’affaisser momentanément. Bon sang, pensa l’officier de sécurité. C’était quelqu’un de bien.

Le capitaine se releva et se tourna à nouveau vers Cass, un air sinistre sur le visage ; elles comprirent tacitement que, pour le moment du moins, le chef de la sécurité était devenu son bras droit.

« Le vaisseau Maquis ? » Demanda-t-elle.

« Pris dans l’explosion également, Capitaine », rapporta Cass. Ses doigts passèrent rapidement sur l’écran. « Je lis de nombreux dommages à leur système de survie et à leur moteur à distorsion. Il y a des signes de vie. »

« Pouvez-vous les verrouiller par téléporteur  ? »

« Oui, mais je vais devoir pomper de la puissance sur nos systèmes d’armement. »

« Faites-le », aboya Janeway. « Téléportez-les directement à l’infirmerie. »

Cass engagea le faisceau téléporteur sur tout ce qu’elle pouvait trouver de vivant sur le vaisseau Maquis et ce fut juste à temps. Son regard fut attiré par une autre explosion sur le coin de son écran.

Janeway s’approcha de son poste de travail.

« Vous les avez tous eus ? » Demanda-t-elle, gardant volontairement la voix basse.

Cass balaya la liste des survivants du Maquis et sa gorge se serra.

« Vingt-trois survivants, Capitaine », répondit-elle, également à voix basse. Elle serra les dents et lui annonça le pire. « J’ai bien peur que le Lt. Tuvok ne soit pas parmi eux. »

Pendant un bref instant, Cass vit un éclair de douleur profonde sur le visage de l’autre femme, immédiatement remplacé par le masque de commandement pour lequel Janeway était connue. Elle se tourna vers le jeune enseigne situé de l’autre côté de la passerelle, à l’opposé de Cass.

« Enseigne Kim, trouvez-moi où nous sommes. »

« Oui, madame », répondit-il la voix tremblante, se concentrant rapidement sur sa tâche. Janeway se tourna à nouveau vers Cass.

« Lt., vous saignez. Allez à l’infirmerie et ensuite, je veux que vous commenciez à coordonner les services. Et réunissez également tous les officiers supérieurs, y compris ceux du Maquis, dans la salle de conférence dans une heure. »

Cass eut à peine le temps de hocher la tête avant de noter l’expression sur le visage d’Harry Kim.

« Enseigne ? »

« Capitaine… » Le visage franc du jeune homme montrait de l’étonnement et de la détresse.

« Que se passe-t-il, Harry ? » Demanda le capitaine en allant rapidement vers sa console.

« Si j’en crois mes relevés, nous sommes… » Il déglutit bruyamment. « Nous sommes dans le Quadrant Delta. »

Cass se mit rapidement à vérifier ses résultats, ayant du mal à croire qu’ils aient pu être propulsés aussi loin par le Pourvoyeur. Elle nota que Janeway regardait par-dessus l’épaule de Kim tandis qu’il vérifiait à son tour. L’ordinateur de Cass gazouilla une réponse et elle fixa sombrement les chiffres devant ses yeux.

« Je confirme, Capitaine », dit-elle d’une voix rauque. « Nous sommes à 75 000 années-lumière de l’espace de

la Fédération.

»

Ses paroles restèrent suspendues comme un nuage noir. Tous les officiers de la passerelle qui avaient survécu à l’explosion du Pourvoyeur contre le Voyager se retournèrent et la fixèrent du regard.

Janeway avança lentement au centre de la passerelle et fixa l’écran et l’espace vide au-delà de la coque.

« Un signe quelconque du Pourvoyeur, Lt. ? » Demanda-t-elle d’une voix rauque.

Cass utilisa rapidement les senseurs longue portée, ou du moins ceux qui fonctionnaient encore.

« Non Capitaine », répondit-elle. « Il n’y a aucun signe de vie ni de vaisseaux autour de nous sur une année-lumière. »

Janeway prit une profonde inspiration. Tu nous as vraiment fichu dedans cette fois, Katie, songea-t-elle. Pas le moment pour ça.

« Très bien », murmura-t-elle. « Tom. » Elle posa la main sur l’épaule du pilote. « Quel est le statut des moteurs ? »

« Les moteurs à distorsion sont hors service, Capitaine », répondit-il en passant les doigts sur tableau de bord. « Je peux vous donner une demi-vitesse d'impulsion.

« Bien. Trouvez-nous un joli rocher sûr pour nous cacher et nous pourrons reprendre notre souffle. »

« Oui, madame. »

« Qu’attendez-vous, Cass. »

« J’y vais, Capitaine. »

****************************

Lis écarta avec impatience de ses yeux une mèche blonde rebelle. Comme la plupart des membres de l’équipage qui n’étaient pas impliqués dans les réparations, elle avait été assignée à l’infirmerie pour apporter son aide face au grand nombre de blessés. Elle regarda la pièce surpeuplée. Le HMU faisait le triage rapidement et avec efficacité tandis que les équipes de sécurité apportaient encore d’autres blessés.

Une inquiétude tenace lui taraudait l’esprit. Elle savait que Nick allait bien… il l’avait contactée pratiquement dès que le système de communication du vaisseau s’était remis en service après l’impact initial. Leur relation avait été très houleuse depuis la révélation de la présence de Cass à bord, mais, miraculeusement, ils avaient survécu à ce mois sans trop de carnage, bien qu’il ait fallu pas mal jongler avec les emplois du temps pour que son mari et son ex-amante soient séparés. Elle savait que Cassie avait pu en organiser une grande partie et, s’il était possible d’être à la fois triste et reconnaissant, alors Lis l’était.

Mais tout ceci n’a plus d’importance maintenant, si les rumeurs sont vraies, songea-t-elle d’un air maussade tandis qu’elle utilisait un régénérateur dermique sur l’avant-bras tailladé d’un jeune enseigne.

Cass. C’était ça qui l’inquiétait, elle le savait bien. Elle ne savait pas si Cassie allait bien. Toutes sortes de rumeurs couraient sur le vaisseau, alors même que tout le monde luttait pour reprendre le contrôle sur les systèmes du Voyager. L’une des choses les plus effrayantes que Lis avait entendues depuis qu’elle s’était relevée du sol de son bureau, c’était qu’ils avaient été projetés dans un coin très éloigné de la galaxie sans moyen de retour.

« Dr Dayton ? » L’enseigne essayait d’attirer son attention.

« Désolée. Oui, enseigne ? » Elle fit un autre passage sur la blessure avec son régénérateur, contente de voir qu’elle guérissait doucement devant ses yeux.

« Est-ce que c’est vrai ? » L’officier au visage poupin n’était sorti de l’Académie que quelques mois auparavant et Lis le reconnut comme l’un de ses élèves. Elle le dévisagea, notant la touche d’émotion et d'angoisse visible sur ses traits.

« Qu’est-ce qui est vrai, James ? » Dit-elle doucement, se rendant soudain compte que si les rumeurs étaient vraies, il y aurait des conséquences énormes sur le rôle qu’elle aurait à jouer sur le Voyager à la longue.

« On dit que nous sommes perdus », dit le jeune homme dans un souffle, les yeux écarquillés et emplis de frayeur.

Vas-y doucement, Lis, se dit la psychologue. « Je ne pense pas que quiconque sache quoi que ce soit pour l’instant », répondit-elle tranquillement, en tapotant son bras guéri. « C’est fini. Vous feriez mieux de retourner à votre poste. »

« Mais, si nous sommes perdus ? » Dit-il avec anxiété. « Comment Starfleet va-t-elle savoir où nous chercher ? »

« James. » Lis capta toute son attention. « Ecoutez-moi, d’accord ? Nous ne connaissons pas les faits pour l’instant. Le capitaine réunit ses officiers supérieurs dans une heure environ et je suis sûre que nous en saurons plus. Pour l’instant, vous devriez plutôt vous concentrer sur votre travail et vous occuper. » Elle garda une expression calme, tandis que l’officier inexpérimenté scrutait son visage à l’affût de quelque signe de doute. Il n’en trouva pas et hocha calmement la tête avant de descendre du bio-lit.

« Merci, Doc », dit-il avec un sourire en se dirigeant vers la porte.

Un de moins, plus que 139, songea Lis, se rendant compte que quel que soit le destin du Voyager, chaque membre d’équipage allait réagir individuellement et avoir différentes sollicitations à son égard dans les semaines à venir. Je vais bientôt être très occupée.

Et c’est à ce moment-là qu’une silhouette haute et sombre emplit l’encadrement de la porte de l’infirmerie et Lis poussa un soupir de soulagement. Cass entra, sûre d’elle malgré la grande quantité de sang sur le côté de son visage et sur tout son uniforme. Le chef de la sécurité s’avança vers le HMU.

« Je suis plutôt occupé, Lt. », dit le petit homme zélé. « Et vous ne me donnez pas l’impression d’avoir besoin d’un spécialiste. » Il fit le tour de l’infirmerie du regard et fit un geste vers Lis, qui regardait calmement depuis le coin du bio-lit. « Je pense que cet officier est disponible », dit-il.

Cass regarda négligemment par-dessus son épaule vers Lis et se tourna à nouveau vers l’hologramme. »

« Pas elle », dit-elle avec brusquerie. « Assignez-moi quelqu’un d’autre. »

Le programme nouvellement activé compensait en impatience ce qui lui manquait en bonnes manières et il se tourna vers Cass, le menton agressivement dressé.

« Lt., cet homme a les deux jambes brisées et peut-être une hémorragie interne. Il a besoin de toute mon attention. Comme vous pouvez le voir, tout le monde est aussi occupé. Cet officier est disponible. Alors soit vous la laissez s’occuper de votre blessure, soit vous sortez de mon infirmerie. »

Cass se mordit la langue. Elle savait qu’en tant qu'officier médical en chef, l’hologramme faisait partie des rares personnes à bord de Voyager qui pouvaient lui donner n’importe quel ordre, même s’il n’avait aucun rang officiel dans Starfleet. Mais elle pouvait, en revanche, lui montrer exactement ce qu’elle pensait de lui et elle le fixa de son regard bleu glacé redoutable, qui lui aurait cloué les oreilles en arrière s’il n’avait été fait que de particules de lumière et de couleur.

« Pas la peine d’essayer de m’intimider, Lt. », dit-il avec désinvolture, en se tournant à nouveau vers son patient. « Soit vous allez la voir pour vous faire soigner, soit vous saignez à mort. Ça ne fait aucune différence pour moi. »

Cass grogna. Qui peut bien programmer ces foutues choses ? Songea-t-elle s’approchant de Lis à contrecœur. Le regard vert profond la fixait calmement.  Bon Dieu, pensa-t-elle. Ne me regarde pas comme ça.

« Je suis contente de voir que tu vas bien, Cass », dit Lis tandis que la grande femme s’asseyait sur le bord du bio-lit. La psychologue ajusta la hauteur de celui-ci jusqu’à ce que la blessure à la tête de Cass soit à la hauteur de ses yeux.

« Je saigne comme un porc embroché », répliqua Cass en ronchonnant, ce qui lui valut un demi-sourire de son aînée. « Et en quoi ça peut bien vous intéresser », dit le chef de la sécurité avec froideur, notant le sourire et décidant de remettre un peu Lis à sa place.

Mais le mois passé en avait appris un peu plus à celle-ci sur la femme que Cass Lansdown était devenue et elle ne fut pas du tout impressionnée par la démonstration de colère. Elle tendit un tissu propre et humide pour essuyer un peu du sang qui couvrait les cheveux de Cass. Le chef de la sécurité eut un petit mouvement de recul quand sa main se rapprocha et Lis mit les paumes en avant dans un geste d’apaisement.

« Doucement, Lt. », murmura-t-elle et elle attendit que Cass se détende un peu et revienne à sa portée. Elle commença doucement à nettoyer le sang sur la longue entaille près de la tempe de la jeune femme. Elle se rendit compte que c’était la première fois qu’elle était aussi près de son ex-amante depuis son arrivée sur le Voyager. Elle se sentit vaguement troublée. Cass n’avait rien perdu de son pouvoir sur elle.

Seigneur, est-ce qu’elle doit vraiment rester aussi près, gronda Cass intérieurement. Je ne peux pas réfléchir si elle est aussi près.

« Qu’est-ce qui se passe Cass ? » Demanda tout bas Lis, consciente de la proximité d’officiers subalternes à portée de voix. Cass tourna rapidement les yeux vers elle. « Allez », dit-elle. « Je vais finir par le savoir, de toutes les façons. Nous sommes perdus ? »

Un sourire sans humour passa rapidement sur les lèvres de Cass.

« Oh non », répondit la jeune femme brune. « Nous ne sommes pas perdus. Nous savons exactement où nous sommes. »

Lis prit le régénérateur dermique et commença à guérir lentement la coupure sur le cuir chevelu de Cass. « Et alors, où sommes-nous ? »

« Dans le Quadrant Delta. »

Le regard vert choqué s’agrandit et fixa l’officier de sécurité plusieurs secondes d’un air perdu, puis Lis laissa retomber ses mains.

« Le Quadrant Delt… » Elle déglutit. « Mais ça veut dire que… »

Cass hocha la tête en regardant ses bottes avec mélancolie.

« Ça veut dire que nous sommes à 75 000 années-lumière et à plusieurs dizaines d’années de la maison », murmura-t-elle. Elle leva lentement la tête et croisa le regard de Lis. « Comment penses-tu que Nick va prendre cette nouvelle ? »

Lis tressaillit. Elle se rendit compte que Cass faisait de la provocation délibérée et, normalement, elle aurait ignoré la pique de la jeune femme, mais combiné au choc d’apprendre qu’ils étaient perdus dans le coin le plus éloigné de la galaxie… Elle secoua la tête, essayant de reprendre ses esprits.

« Vous feriez mieux de vous dépêcher et de soigner cette entaille, Docteur, avant que votre mari ne vienne à votre recherche et vous trouve avec la main sur ma cuisse. »

Lis baissa les yeux et vit qu’en effet sa main droite était venue se poser sur la jambe de Cass et y reposait comme si c’était naturel. Elle la retira brusquement.

« C’est bon, Lis », murmura Cass en détournant à nouveau son regard glacé. « Malheur à toi si tu te faisais prendre… à nouveau. »

Lis reprit son travail avec le régénérateur, surprise par la montée de larmes à ses yeux.

« Arrête ça, Cass, s’il te plaiît », murmura-t-elle plaintivement. « Est-ce que ce n’est déjà pas assez terrible de se retrouver tous coincés ici sans que tu rendes ça encore plus détestable ? » Elle repoussa avec soin les cheveux de Cass tout en traçant la blessure, et en essayant de ne pas remarquer la façon dont les mèches noires retombaient sur le dos de sa main.

Cass ne dit rien mais ses pensées tourbillonnaient.

Elle utilise toujours le même parfum. Elle ferma les yeux et inspira profondément, reconnaissant la senteur d’abricot qui émanait de la femme qui se tenait près de son épaule droite. J'ai toujours pensé qu'elle avait l'odeur de l'été, se souvint-elle. Chaude, douce et légère comme une brise d’été.

« Cassandra. »

La douceur avec laquelle Lis prononça son prénom en entier fit profondément vibrer la jeune femme et un soudain désir la submergea. Elle ouvrit les yeux quand elle sentit un contact sur son épaule.

« Quoi ? » Dit-elle, un peu plus rudement qu’elle ne l’aurait voulu.

« C’est terminé », dit Lis calmement, essayant d’ignorer la douleur qu’elle ressentait à chaque fois que Cass s’éloignait d’elle.

Leurs communicateurs émirent un son perçant en même temps.

« Officiers supérieurs en salle de conférence », dit l’ordinateur.

Les deux femmes se fixèrent à nouveau et, pour la première fois, Lis fut soulagée de remarquer que Cass avait légèrement adouci son attitude.

« Vas-y », dit calmement la jeune femme brune. « Je te rattrape. Il faut que je parle une seconde à Morgan. » Elle montra de la tête son adjoint à la sécurité qui venait juste d’entrer avec un autre officier blessé.

Lis hocha la tête et tenta sa chance, elle prit le risque de tapoter le bras de Cass avant de se retourner et de sortir de l’infirmerie.

Celle-ci la regarda partir, souriant à demi en regardant le balancement familier des hanches de Lis. Sois maudite, Lis Dayton, songea-t-elle, mais pour la première fois depuis bien longtemps, cette pensée fut accompagnée d'une vague d'autre chose que de l’hostilité.

*********************************

Janeway observa les visages sinistres qui lui faisaient face autour de la table de conférence. Elle s’adossa à la cloison, les mains posées sur le bord du hublot derrière elle. Tout le monde savait tout ce qu’il fallait savoir sur leur situation difficile et à voir l’expression des officiers supérieurs, ils n'appréciaient pas trop ce qu’ils venaient d’entendre.

Et qu’est-ce qu'il y aurait bien à apprécier Katie, se dit-elle d’un ton de réprimande. Nous avons épuisé toutes les options. Tout ce que nous pouvons faire, c’est faire face au Quadrant Alpha et y aller. Elle étudia à nouveau chaque visage silencieux et ressentit une vague de fierté à la façon dont ses officiers prenaient la chose. Et ce sont ces gens-là précisément qui peuvent nous ramener à la maison.

Le menu capitaine se poussa en avant et vint s’asseoir dans le fauteuil placé au bout de la table.

« Bon », dit-elle calmement. « Nous avons un sacré défi qui nous attend. » Elle regarda les deux officiers du Maquis assis avec inconfort au milieu du personnel de Starfleet. « Notre première tâche sera d'intégrer les deux équipages avec le moins de heurts possibles. Nous n’irons nulle part rapidement si nous n’agissons pas comme une seule équipe. » Elle s’interrompit pour laisser l’idée faire son chemin. « Nous avons également trois officiers supérieurs à remplacer. » Elle nota les regards attentifs posés sur elle. « J’ai décidé de nommer Chakotay, ici présent, Premier Officier à la place du Commander Cavit. A part le fait qu’il est éminemment qualifié pour ce poste, cela enverra également aux autres membres du Maquis le message qu’ils sont considérés comme des membres estimés de cet équipage. »

L’homme trapu aux cheveux noirs hocha la tête et sourit brièvement, le mouvement faisant plisser le tatouage bleu qui s’étirait sur la moitié de son front et autour de son œil gauche.

« Il faut que nous terminions les réparations et que nous nous mettions en route aussi vite que possible », continua Janeway. « Nous avons perdu notre ingénieur en chef quand le Pourvoyeur nous a frappés et aucun des membres restant de l’équipe d’ingénierie n’a l’expérience pour remplir ce poste. Chakotay m’assure que B'Elanna Torres est le meilleur ingénieur pour ce travail. » Elle montra la jeune femme hybride, mi-Klingonne, mi-humaine, assise silencieusement près de Chakotay. « Avez-vous eu l’occasion de jeter un coup d’œil aux dommages, Lt. ? »

Torres eut l’air très surpris de se retrouver bombardée lieutenant dans l’organisation qu’elle avait rejetée pour rejoindre le Maquis. Cass ne put s’empêcher de se demander si les deux équipages allaient s'intégrer facilement.

« Rapidement, Capitaine, oui », répondit Torres avec prudence. « Nous avons bien deux ou trois jours de travail ardu devant nous. »

Janeway hocha la tête comme si les paroles de l’ingénieur confirmaient simplement sa propre analyse de la situation.

« Et bien entendu, nous devons remplacer le Lt. Tuvok », dit-elle d’un air las, en faisant tourner son fauteuil pour regarder pensivement par le hublot. « Visiblement, le Lt. Lansdown va rester notre chef de la sécurité. » Elle fit une pause. « Tom », elle se tourna et regarda le pilote blond droit dans les yeux. « Nous devons trouver un autre pilote pour couvrir la troisième rotation. J’attends vos recommandations pour la fin de la journée. »

« Capitaine », murmura-t-il.

« Je ne pense pas avoir besoin de vous expliquer les implications sur le moral du vaisseau », continua calmement Janeway. « Vous savez tous ce que vous ressentez à être perdus ici et, Seigneur, je sais moi ce que je ressens. Le défi c'est de transformer ces sentiments en quelque chose de positif. J'attends de vous tous que vous montriez l'exemple. » Elle sourit et croisa le regard de chacun de ses officiers. « Nous avons aussi la grande chance d'avoir un conseiller à bord. La plupart des vaisseaux de classe Intrepid ne sont pas si chanceux. »

Janeway s'arrêta sur le regard vert soutenu de Lis Dayton.

« Vous allez être bientôt très occupée, Docteur », dit-elle d'un ton ironique. « Je veux que vous contactiez chaque personne à bord, d'une façon ou d'une autre, pendant les prochaines semaines. Evaluez comment les gens appréhendent la situation, pas seulement le fait d'être échoué ici, mais aussi la fusion des deux équipages. Avec un peu de chance, vous pourrez nous aider à étouffer les problèmes dans l'oeuf. »

« Oui, Capitaine », dit Lis d'un ton ferme.

« Ceci inclut chacun de vous à cette table », dit Janeway d'un ton étudié, en levant le doigt avec autorité. « Prenez soin de tout le monde. Nous ne pouvons pas nous permettre de mal faire notre travail. », dit-elle d'un ton d'avertissement. « Très bien. Nous avons beaucoup à faire. » Un autre regard circulaire et elle fut satisfaite. « Cass; Lis, restez. Les autres, rompez. »

Le regard bleu et le regard vert se croisèrent par-dessus la table, tandis que les autres officiers supérieurs quittaient la salle de conférences. Janeway reprit sa place au hublot et fixa le rocher gris et nu autour duquel ils étaient actuellement en orbite.

Ça ne présage rien de bon, pensa Cass, en détournant son regard de celui de Lis pour fixer ses mains croisées qu'elle referma sur la table.

Elle est en colère contre nous. Lis s'en rendit compte en observant la posture rigide des épaules du capitaine.

Il y eut une longue pause puis leur commandant se retourna pour leur faire face, les bras croisés sur la poitrine et la tête penchée. Elle garda la voix basse et douce.

« J'ai passé le mois écoulé à vous observer vous torturer pour essayer de vous éviter », commença Janeway. « Cass, vous avez réorganisé les équipes d'exploration et jonglé avec les tableaux de services pour éviter le contact à la fois avec Lis et avec son mari. Je vous ai vus tous les trois faire des tours et des détours lors des événements sociaux comme si votre vie en dépendait. »

Elle s'avança et mit les mains sur le bureau, fixant les deux femmes d'un regard intense qui ne laissait aucune place à la discussion.

« Je n'ai rien dit pendant un mois dans l'espoir que vous résolviez l'animosité qui règne entre vous. Bien, maintenant je n'ai plus le choix. Nous sommes dans une situation de vie ou de mort, mesdames. Nous pourrions bien rester ici des années – et en fait le risque que ça se produise est plutôt grand. Nous devons faire en sorte de bien nous entendre. »

« Capitaine, je... » Cass commença à objecter mais fut interrompue par la véhémence du regard de Janeway.

« Le capitaine a raison, Cassie », dit Lis doucement. Le regard bleu clair se dirigea vers elle et la psychologue réussit à ne pas tressaillir sous la lueur sinistre de ces yeux furieux. « Ce que nous avons fait était parfait pour une courte période, quand nous n'avions qu'un mois à gérer. Mais maintenant nous devons réfléchir à quelque chose d'autre. »

Satisfaite, du moins pour l'instant, de voir que sa remarque était prise en compte, Janeway se redressa de toute sa hauteur et se recula de la table.

« C'est la dernière fois que je veux entendre parler ou voir quoi que ce soit sur ce sujet, mesdames », dit-elle explicitement. « Résolvez cette situation. » Le capitaine sortit de la pièce et la porte se referma derrière elle dans un chuintement.

Les deux ex-amantes restèrent assises en silence pendant de longues secondes.

« Peut-être que nous devrions aller parler de ça dans mon bureau », suggéra finalement Lis.

« Je n'ai pas de temps pour ça maintenant, Conseiller », marmonna Cass. C'était la vérité. Elle avait un million de choses à organiser avant de finir sa période de travail.

« Cass... »

« Assez. » Cass frappa la table de la main. « Franchement, Elisabeth. Ce n'est pas moi le problème ici. Ce n'est pas toi le problème ici. C'est ton mari le problème et heureusement, c'est entièrement à toi de le gérer. J'en ai fini avec les jongleries de postes et d'affectations pour protéger son fragile sentiment de paix. J'ai dépassé ça. Et il serait temps qu'il en fasse autant. »

Lis la regarda tristement de ses grands yeux verts.

« Pourquoi faut-il que tu te comportes ainsi ? » Murmura-t-elle. « Qu'est-ce que ça peut nous apporter de bon ? »

« C'est toi la psychologue, Lis. C'est à toi de me le dire », rétorqua Cass. Elle se leva rapidement et cogna sa chaise en la rangeant sous le bureau et se recula.

« Cass, ne tourne pas simplement le dos... »

Le grand chef de la sécurité leva les mains dans un geste qui disait qu'elle en avait assez de cette conversation. Puis elle tourna les talons et sortit sans ajouter un autre mot.

Lis fixa la porte fermée, totalement perdue.

« Va au Diable, Cassandra. »

****************************************

La jeune femme qui frémissait au bout des doigts de Cass Lansdown était belle et sexy. C'était une enseigne petite et blonde du département d'ingénierie, intelligente et drôle, vraiment d'une compagnie agréable. Mais les yeux ne sont pas de la bonne couleur, pensait une partie distante du cerveau de Cass.

Après plusieurs semaines de flirt assidu, Tina Roberts avait finalement gagné son prix, un rendez-vous avec la femme qu'une grande partie de l'équipage avait surnommée « GSD » - grande, sombre et dangereuse. Et le chef de la sécurité plutôt froid s'était révélé être une compagne merveilleuse jusqu'ici. Le dîner s'était bien passé et de retour dans les quartiers de l'enseigne –vidés bien à propos de tout colocataire pour la nuit – au plus profond des ponts inférieurs du Voyager, les choses avaient bien progressé.

Cass passait un bon moment. Le jeune et attirant officier ne lui en avait pas trop demandé et elle était une compagne de lit plus que plaisante. Les quelques deux mois passés depuis que le Voyager s'était échoué dans le Quadrant Delta avaient été frénétiques, parfois dangereux et toujours stressants, pour tout le monde, et Cass n'y avait pas échappé. Dans les quelques heures de répit qu'elle avait pu avoir, elle s'était amusée avec une succession de membres d'équipage féminines. L'enseigne Roberts était la dernière en date.

Cass se concentra pour donner du plaisir à la jeune femme blonde. Bien que sa compagne fût nue, elle-même gardait son pantalon d'uniforme noir et son sous-pull gris à col roulé, satisfaite de ne pas avoir à donner plus d'elle-même.

« Cassie ? » Murmura la jeune femme tandis que Cass déposait des baisers le long de sa mâchoire.

«  Mmmmmmmm ? »

« Laisse-moi te toucher. » Tina remonta les mains le long de la cage thoracique de Cass, désireuse d'aller au-delà du tissu soyeux sur le corps chaud et puissant en-dessous.

Tout en émettant un rire bas et dangereux, Cass attrapa les mains de l'enseigne et les repoussa sur l'oreiller au-dessus de sa tête. Elle maintint les deux poignets fins de sa main gauche et commença à jouer sur le corps de Tina de l'autre, ses doigts faisant des cercles excitants autour des tétons sensibles. La jeune femme blonde frissonna et grogna sous elle, toute pensée autre que celle de son plaisir envolée. Cass sourit en voyant la réponse de la jeune femme et continua son voyage d'excitation le long du corps mince et ferme sous elle. Il ne fallut pas longtemps à Tina pour vaciller au bord de l'extase et Cass sentit son propre désir monter. Elle le repoussa en se concentrant sur le rythme de la jeune femme blonde, la poussant de plus en plus près du bord en augmentant ses poussées.

« Oh, ouiiii », roucoula Tina tandis que Cass l'emmenait au-delà du point de non-retour. La jeune femme brune observa avec un étrange sentiment de détachement son amante se laisser aller sur la vague de l'orgasme avec abandon. Avec un soupir, Cass roula sur le dos et relâcha les mains de Tina pour mettre les siennes derrière sa tête. « Oh mon Dieu, Cass », murmura Tina en luttant pour retrouver ses esprits. « C'était extraordinaire. »

Je me demande combien de temps je dois rester avant de partir sans avoir l'air grossier, se demanda Cass. Elle repoussa le léger sentiment d'irritation lorsque Tina vint se blottir contre son côté gauche et passa un bras et une jambe sur elle possessivement. Cass soupira. Pourquoi est-ce qu'elles sont toujours comme ça ? Elle résista à l'envie de mettre les bras autour de la jeune femme blonde, mais ça ne sembla pas empêcher Tina de se blottir un peu plus.

Finalement, l'enseigne se mit à bouger avec sensualité contre elle, déposant des baisers le long du cou de Cass jusqu'à venir mordiller le lobe de l'oreille du chef de la sécurité.

« Je veux te faire te sentir aussi bien que tu l'as fait pour moi », murmura-t-elle d'un ton de séduction.

Cass sourit et tapota son épaule. « Je vais bien », répondit-elle. « Ne t'inquiète pas pour ça. »

La jeune femme blonde se mit sur un coude et regarda le visage impassible de Cass avec une expression intriguée et légèrement blessée.

« Tu ne veux pas te sentir bien ? »

Cass réussit à produire un sourire pincé. « Je me sens bien », répondit-elle. « Et en fait, on n'a pas beaucoup de temps. Il faut que j'aille dormir un peu. Je suis en période Alpha demain. » Elle commença à se redresser mais Tina l’arrêta par une main sur sa poitrine.

« Tu peux dormir ici », dit doucement celle-ci. « Ma coloc ne va pas rentrer avant demain. »

Cass soupira à nouveau. Pourquoi est-ce que c'est toujours si difficile ? Je ne veux pas faire jouer mon rang avec elle, Bon Dieu. Elle prit doucement la main de l'enseigne et la repoussa tout en s'asseyant.

« Merci pour l'offre. Mais il faut vraiment que je dorme dans mon lit ou bien je suis vraiment grognon le matin. » Elle sourit, en essayant d'alléger son propos, mais elle pouvait voir la consternation dans les yeux marron face à elle. « Ça a été une soirée vraiment agréable. J'ai passé un bon moment », dit-elle rapidement en se glissant hors du lit. Elle chercha sa veste d'uniforme et ses bottes du regard et elle les repéra près de la porte de la chambre où elle les avait jetés en vrac.

Tout en enfilant sa veste d'un mouvement d'épaules, elle revint vers la femme inconsolable assise au milieu des draps froissés. Pour l'amour de Dieu, pensa-t-elle. Ça n'était qu'un simple rendez-vous. Arrête d'avoir l'air de quelqu'un avec qui j'aurais promis de passer ma vie. Elle retourna au lit et se pencha pour embrasser légèrement la jeune blonde sur les lèvres avant de se redresser.

« Merci », dit-elle doucement. Tina hocha la tête en silence.

Cass alla vers la porte et regarda par-dessus son épaule.

« Bonne nuit, Enseigne », dit-elle avant de sortir dans le couloir et de s'éloigner, inconsciente de l'oreiller brutalement jeté qui rebondissait de l'autre côté de la porte fermée.

*************************************

Lis mordillait nerveusement l'ongle de l'auriculaire de sa main droite. Son dernier rendez-vous était en retard, pas qu'elle en soit surprise d'ailleurs. Six mois étant passés depuis leur arrivée dans le Quadrant Delta, l'équipage du Voyager était maintenant bien habitué aux séances régulières avec la conseillère de bord. Elles n'avaient pas lieu toutes les semaines, ni même tous les mois, mais chaque membre d'équipage s'était assis dans le fauteuil face à la psychologue blonde au moins deux fois. Janeway allait même jusqu'à faire des rapports de Lis une base régulière des évaluations du personnel.

Il n'y avait que quatre exceptions à bord. L'une d'elle était Janeway elle-même, le capitaine préférait garder ses distances, même vis-à-vis du conseiller. Cela inquiétait un peu Lis parce son œil aguerri pouvait bien voir les signes du stress et de la solitude sous le masque de commandement de l'officier supérieur. Mais elle se disait que Janeway connaissait ses propres limites et qu'elle viendrait la voir si c'était absolument nécessaire. Par ailleurs, elle avait rapidement appris qu'essayer de faire faire à l'officier commandant le Voyager quelque chose qu'elle ne voulait pas, était un exercice futile.

La seconde exception était l'Officier Médical en Chef... mais on se demandait encore si ce docteur excentrique avait la moindre psychologie à étudier. Lis sourit en pensant à ça. Elle tendait à penser que oui. Mais que cela signifie qu'il était susceptible d'être soumis au même stress et aux mêmes tensions mentales que le reste de l'équipage était une autre affaire.

La troisième exception était Lis elle-même. Qui peut conseiller le conseiller, songea-t-elle. Mais c'était un vieux problème que les conseillers de vaisseau avaient retourné pendant des dizaines d'années.

Et la quatrième exception... Lis mordit un peu trop fort et trop près de la chair et elle tressaillit à la douleur près de son ongle. Avec un peu de chance, la quatrième exception va se montrer cette fois-ci.

Cass avait réussi à éviter tous les autres rendez-vous que Lis lui avait donnés, mais la psychologue avait persisté, déterminée à briser le mur froid et dur qui tenait la colère du chef de sécurité en respect. Il faut qu'elle commence à la laisser aller, pensa Lis. Pour son propre bien.

Alors que Cass était un modèle de professionnalisme quand il s'agissait de servir le Voyager, Lis savait que sa vie personnelle était un mélange chaotique de solitude et d'histoires sans lendemain. Plus d'une des conquêtes furtives de Cass avait fini sur le divan de Lis et, bien qu'il serait exagéré de dire qu'elle laissait une piste de cœurs brisés sur tout le vaisseau, il y avait très certainement des sentiments blessés et de la confusion dans son sillage.

Et tout ça grâce à moi, pensa Lis tristement. Elle soupira. Et qu'en est-il de tes propres sentiments, Conseiller ? Comment vas-tu la convaincre - et toi aussi d'ailleurs - que tu es assez objective pour être sa thérapeute et pas son ex-amante ? Lis se leva avec impatience et alla vers le hublot où elle posa le front contre la surface fraîche en aluminium transparent. Beuh. Quel bazar.

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Cass faisait les cent pas devant la porte du bureau. Pendant six mois elle avait réussi à éviter cet instant, mais elle savait qu'elle avait épuisé ses options. Jusqu'à maintenant, elle avait eu le sentiment qu'elle contrôlait sa vie privée. Mais dans les dernières semaines... elle s'arrêta de marcher et s'appuya d'un air las contre la cloison près de la porte. Je suis si fatiguée, se rendit-elle compte. Je suis fatiguée d'être si... furieuse, reconnut-elle. Et d'être seule.

Le sifflement de la porte du turbolift au bout du couloir attira son attention et elle se redressa. Au moment où Tina Roberts s'approcha, Cass était revenue en mode de chef de la sécurité.

« Enseigne », murmura-t-elle. La jeune femme lui lança un regard revêche avec à peine un signe de reconnaissance tandis qu'elle continuait son chemin. Intriguée, Cass regarda la silhouette attirante disparaître au coin. C'était quoi ça, bon sang, se demanda-t-elle. Attends une minute. Ça n'est pas... ? Est-ce que j'ai... ? Est-ce qu'on a... ? Elle se frappa le front de la main. Merde. Comment est-ce que j'ai pu être aussi foutûment... « Aaah. » Elle soupira et mit les doigts sur l'arête de son nez où un lent martèlement de douleur commençait à se faire connaître.

Elle se retourna et posa la main sur la cloison près des contrôles de la porte. Ça n'est pas bon ça, pensa-t-elle. Bientôt il n'y aura plus une seule femme à bord qui voudra me parler, encore moins être heureuse de recevoir des ordres. J'ai besoin d'aide. Elle leva les yeux vers la plaque sur la porte. Dr Elisabeth Dayton. Mais est-ce qu'elle est la seule à pouvoir m'aider ?

Juste à ce moment la porte s'ouvrit et Cass se retrouva face à un regard gris étonné.

« Euuuh bonjour », murmura Cass en reculant de l'espace personnel de l'autre femme.

« Bonjour Lt. », répondit Lis en souriant à demi à la réaction brusque de Cass. « Entrez je vous en prie. » Elle se mit sur le côté et l'officier de haute taille entra, la nervosité la submergeant par vagues. « Asseyez-vous. »

Cass jeta un coup d'œil au bureau spacieux, notant les trois fauteuils et le long divan sous le rebord de la fenêtre.

« Où ? » Demanda-t-elle.

« Là où vous vous sentirez le plus à l'aise », répondit Lis en dépassant Cass pour se diriger vers le cercle de sièges. « Choisissez. »

Génial, pensa Cass. Juste ce dont j'avais besoin. Une autre décision à prendre. Elle opta pour le confort et se glissa dans un coin du divan. Lis se laissa tomber dans un fauteuil en face d'elle. Je me demande si elle est aussi nerveuse que moi, se demanda-t-elle en notant la façon dont les mains de la jeune femme blonde s'agitaient sur ses cuisses.

Elle veut se mettre aussi loin de moi que possible, observa Lis tristement en regardant Cass s'adosser aux coussins.

« Alors », commença la conseillère. « Comme vous le savez, le capitaine veut que je fasse un contrôle régulier de chaque membre d'équipage. »

Cass hocha la tête affirmativement. « Je sais. Je vois les rapports du personnel », dit-elle d'un ton brusque.

« Mmm. Mais vous avez été plutôt réticente à prendre part à ces sessions. »

Cass soupira. « Lis. Pas la peine de tourner autour du pot, d'accord ? Nous savons toutes les deux pourquoi je ne suis pas venue à ces sessions. Tu es sensée être un conseiller objectif mais nous savons toutes les deux que c'est impossible quand il s'agit de moi. »

Lis hocha lentement la tête. Elle sait toujours comment aller droit au but, pensa-t-elle avec ironie. Il n'y aura aucune tergiversation de sa part, je peux voir ça.

« C'est probablement vrai », reconnut-elle. « Alors pourquoi est-ce qu'on ne se contente pas de parler ? Dieu sait que nous ne l'avons jamais vraiment fait. Et ce qui s'est passé entre nous a toujours des répercussions. »

Cass lui lança un regard noir. « Je doute que vous trouviez un défaut dans la façon dont je fais mon travail, Conseiller », gronda-t-elle.

« Oh je sais que je ne risque pas », répliqua Lis. « Mais ce n'est pas le but ici. » Elle s'interrompit, essayant de penser à une façon d'atteindre la jeune femme. Elle se pencha en avant et posa les coudes sur ses genoux puis croisa les mains devant elle. « Es-tu heureuse, Cass ? »

Surprise par le ton direct de la question, Cass fut momentanément déconcertée. Après quelques secondes elle se détourna du regard intense de la jeune blonde et regarda le champ d'étoiles qui défilait rapidement.

« Regarde où nous sommes, Lis », murmura-t-elle en montrant le panorama de son long doigt. « Nous ne reverrons peut-être plus jamais nos familles et nos amis. Ça ne me rend pas heureuse, non. »

Lis secoua la tête, mais sourit.

« Nous sommes tous dans le même bateau », répliqua-t-elle doucement. « Et nous trouvons tous des façons différentes de nous en accommoder. Certains ont choisi de se fabriquer une famille de choix. La plupart commencent à faire connaissance, parce qu'ils savent que c'est une question de survie. »

Cass voyait trop clairement où cette conversation les menait et elle cloua Lis d'un regard bleu froid.

« Mais pas moi », dit-elle calmement.

« Non, pas toi », répondit Lis. « Est-ce que tu te fais des amis, Cass ? »

La jeune femme brune ricana.

« Je suis le chef de la sécurité, Conseiller », dit-elle. « Les gens sont un peu méfiants à mon égard et à bon escient, franchement. »

« Ça ne semble pas avoir empêché une succession de femmes de te faire assez confiance pour se mettre au lit avec toi », dit Lis, regrettant instantanément ses paroles tandis que la rougeur montait aux joues anguleuses de Cass. Bon sang; Lis, modère-toi. Ça n'était pas juste.

« Et qu'est-ce que ça a à voir avec tout ça, Bon Dieu ? » Gronda Cass qui essayait de toutes ses forces de contrôler sa colère.

« Cass, tu n'existes pas dans le vide. Ce que tu fais affecte les autres gens. Toi, plus que n'importe qui sur ce vaisseau, tu le sais. » Elle regarda son ex-amante lutter pour maintenir son équilibre, sa gorge essayant de déglutir sur ce que Lis était certaine que c'était une montée de larmes. La petite conseillère se laissa retomber dans son fauteuil avec un bruit sourd quand elle prit soudainement conscience des choses. J'ai pris ça totalement de travers depuis le début. Elle prit une profonde inspiration et essaya de réorganiser ses pensées.

« Je te dois une excuse », dit-elle doucement. Le regard bleu humide de larmes se tourna vers elle.

« Qu... quoi ? »

« Je t'ai fait beaucoup de mal, Cassie. Nous n'avons jamais eu l'occasion d'en parler comme il fallait. Et pendant ces six derniers mois, je t'ai fait subir beaucoup d'épreuves pour pouvoir protéger Nick, tout en attendant de toi que tu surmontes la douleur. Je suis tellement désolée. »

Les yeux bleus azur écarquillés clignèrent plusieurs fois et, pour la première fois en deux ans et demi, Lis entrevit la jeune femme dont elle était tombée si amoureuse. Quand est-elle devenue froide et dure, se demanda-t-elle. Quand tu lui as dit que tu arrêterais de l'aimer, fut sa réponse douloureuse.

« Tu... tu m'as tellement manqué », murmura Cassie d'un air malheureux, les larmes finissant par déborder.

Oh mon Dieu, pensa Lis. Je ne peux pas garder mes distances face à ça. Elle déglutit la douleur dans sa gorge, tiraillée entre son désir de réconforter la jeune femme angoissée et le fait de savoir qu'elle était supposée maintenir une certaine relation professionnelle. J'ai tellement envie de la serrer dans mes bras. Mais Dieu sait ce qui va se passer si je le fais. Je ne me fais pas confiance.

« Tu m'as manqué aussi, ma chérie », murmura-t-elle en serrant les accoudoirs à faire blanchir ses phalanges, pour s'empêcher de réduire la distance entre elles deux et de prendre Cass dans ses bras.

« T- tu m'as repoussée et je n-ne pouvais pas croire que tu faisais ça », dit Cass en sanglotant, sa respiration se brisant entre les mots. « Tu as toujours p-promis que tu ne me r-renverrais jamais. »

Lis ferma fort les yeux pour retenir les larmes brûlantes, deux ans et demi de regrets douloureux remontant à la surface.

« Je n'avais pas le choix », murmura-t-elle. « Je ne pouvais pas vous faire du mal à tous les deux. Il fallait que je prenne une décision. »

« Et j'ai perdu. »

« Bon sang, Cassandra. » La frustration et la colère montèrent en même temps. « Ce n'est pas... il n'a jamais été question de compétition. Ce n'était pas... » Elle lutta pour trouver les mots pour essayer de faire comprendre à la jeune femme. « Il n'était pas question de savoir qui était le meilleur, ou bien même qui méritait le plus le bonheur, ou qui était le meilleur amant. » Elle se passa la main dans les cheveux avec brusquerie. « Qu'est-ce que tu t'attendais à ce que je fasse d'autre ? Nous ne pouvions pas continuer comme ça. Ça nous tuait tous. Et je lui avais fait des promesses. »

« Tu m'avais aussi fait des promesses », rétorqua Cass. « Ne reste pas comme ça à me dire qu'il a gagné parce que c'était le premier arrivé, le premier servi », lâcha-t-elle amèrement, regrettant instantanément ses paroles en voyant Lis tressaillir.

« Je suis désolée », murmura celle-ci. « Je suis tellement désolée. » Une larme coula sur sa joue sans qu’elle s’en rende compte.

Les défenses de Cass s’effondrèrent totalement et elle posa la tête sur le dossier du divan, un bras sur ses yeux tandis qu’elle pleurait en silence. Je sais qu’elle a raison, lui dit son cœur douloureux. Je l’ai mise dans une position impossible. Et nous le payons encore.

« Ça fait tellement mal », dit-elle finalement en laissant retomber son bras. « Je pensais que j’allais en mourir. » Elle rit d’un air ironique. « Il y a eu des moments où je le souhaitais vraiment. » Elle entendit le souffle de Lis se couper à ces paroles et elle leva la tête, surprise de voir la jeune femme blonde le visage enfoui dans ses mains. Ohhh, ma chérie.

« Je pensais que m’éloigner le plus possible de toi, c'était la meilleure chose à faire », commença à expliquer Cass calmement. « J’aimerais pouvoir dire que j’ai rejoint le Moonshadow parce je voulais vous donner à Nick et à toi la meilleure chance de régler les choses entre vous, mais je ne le peux pas. J’étais purement égoïste. Je voulais pouvoir prétendre que tu n’existais pas… que toi et moi, ça n’était jamais arrivé. Je voulais prendre ces sentiments et les enterrer si profondément qu’ils finiraient par disparaître sans que je m’en rende compte. Je suis désolée d’être partie sans explication et sans au-revoir. Je suis désolée que nous n’ayons pas eu l’occasion de parler plus. »

Lis renifla et s’essuya rapidement le visage, en essayant de reprendre ses esprits.

« Tu devais faire ce qui te semblait nécessaire, Cass », dit-elle d’une voix rauque. « Je l'avais compris. J’étais juste si inquiète pour toi. »

Cass cligna des yeux.

« Et pourquoi étais-tu inquiète ? C’est toi qui m’as renvoyée. C’est toi qui as dit que tu cesserais de… » La pensée l’atteignit comme une flèche sortie de nulle part. « T-tu… tu n’as pas cessé… de croire… en nous », murmura-t-elle, en regardant Lis pour avoir une confirmation.

« Non », répondit celle-ci simplement. « Comment aurais-je pu ? »

« Alors pourquoi… pourquoi m’as-tu dit le contraire ? »

Lis réfléchit pendant quelques secondes. Elle savait que la conversation qu’elles étaient en train d’avoir était cruciale pour leur capacité à permettre de vivre et de travailler ensemble, peut-être même de devenir amies pendant le long voyage de retour.

« Est-ce que tu m’aurais laissé partir, si je ne l’avais pas dit, Cass ? » Dit-elle doucement.

L’air sortit des poumons de la jeune femme brune comme si on l’avait frappée dans le ventre. Elles soutinrent leur regard pendant de longues secondes révélatrices, sachant toutes les deux qu’elles avaient atteint le niveau d’une nouvelle compréhension entre elles.

Cass hocha la tête d’un air las.

« Alors, comment est-ce qu’on fait, Lis ? Je sais que nous avons survécu aux six derniers mois, mais… »

« Je ne suis pas sûre que j’appellerais ça de la survie, mon amour », répondit Lis en se mordant la lèvre aussitôt que le mot doux glissa de sa bouche. Continue donc, se réprimanda-t-elle. « Tu t’es demandé beaucoup et tu t’es isolée. Et je me suis torturée pour essayer de faire mes preuves à Nick. »

« Comment il prend ça ? » Demanda Cass doucement, sans vraiment vouloir entendre la réponse.

Lis haussa les épaules. « Il attendait cette mission avec hâte », répondit-elle. « Apprendre que tu étais à bord en a retiré pas mal de joie. » Cass hocha la tête. « Mais il s’adapte, tout comme nous tous. Il ne me fait pas confiance et je ne suis pas sûre qu’il le refera jamais. Je pense qu’il s’attend chaque jour à ce que je lui annonce que toi et moi sommes… ce que nous étions. » Elle soupira. « Mais nous y travaillons et il adore les recherches qu’il peut faire ici. »

« Alors qu’est-ce qu’on fait maintenant, Conseiller ? »

Le regard vert croisa le bleu par-dessus la table basse.

« Je pense que nous allons continuer à parler quand nous en aurons besoin, Cass. Peut-être que nous pouvons essayer de ne pas nous éviter comme la peste autant qu’avant. Peut-être que si Nick voit que nous pouvons exister sur le même vaisseau sans finir dans le même lit, il pourra apprendre à ne pas te craindre autant. Je pourrais me blâmer moins pour ce que je vous ai fait, à Nick et à toi. Et tu pourrais trouver le moyen de laisser les gens s’approcher de toi sans les quitter avec le sentiment d’avoir été une conquête facile. » Elle sourit un peu pour atténuer ce dernier trait.

Cass fit le geste de retirer une dague de son cœur.

« Ouille, Conseiller », dit-elle en tressaillant. « Est-ce que j’ai envoyé tant de jeunes vierges rougissantes en larmes sur votre divan ? » Demanda-t-elle en riant à demi.

Liss hocha la tête honnêtement.

« Je pense que, parfois, tu oublies combien tu peux être charmante, Cassandra », dit-elle doucement. « Et il y a quelque chose en toi qui donne confiance aux gens. C’est une chose très puissante, surtout pour les jeunes enseignes impressionnables. Tu feras attention avec elles ? »

Cass se sentit à nouveau rougir.

« Je présume que je vais devoir présenter des excuses à pas mal de gens », murmura-t-elle.

« Ça aiderait grandement », acquiesça Lis.

Le chef de la sécurité hocha la tête et leva les yeux vers la psychologue blonde.

« C’est fini ? » Demanda-t-elle.

Lis hocha la tête affirmativement. « Pour l’instant, oui », confirma-t-elle.

Cass se releva et traversa le petit espace entre elles, jusqu’à se tenir près du fauteuil de l’autre femme. Elle tendit lentement la main et la posa sur l’épaule de Lis.

« Merci », murmura-t-elle. Une petite main couvrit la sienne et la pressa doucement.

Quelques secondes plus tard, la porte se refermait derrière la jeune brune, laissant un regard vert fixer le champ d’étoiles qui défilait.

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A suivre – Chapitre 2, 2ème partie (2B)

 

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Commentaires
K
voilà qui est tout à fait instructif et qui ne fait pas mal aux yeux. J'avais fait une petite recherche mais je n'avais pas trouvé cette page qui est très bien faite.
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B
J'ai trouvé un autre site (en Wiki aussi) beaucoup plus complet que les deux précédents :<br /> <br /> http://memory-alpha.org/fr/wiki/Pourvoyeur<br /> <br /> J'ai mis le lien qui mene directement au Pourvoyeur, mais il y a aussi des articles très complet sur chacun des personnages.
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F
C'est ça aussi la force de ST Voyager : la personnalité du capitaine Janeway !
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K
Merci Bulbie, je suis légèrement éclairée sur cette entité extraterrestre, mais vraiment pas beaucoup.<br /> Il est étrange aussi, quand on n'est pas familier de la série, que JANEWAY intègre si facilement et rapidement l'équipage du Maquis, qui était l'adversaire au début.<br /> Enfin, ça n'enlève rien à la qualité de la FF et de la traduction.
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B
Oui c'est vrai que ça fait un peu bizarre au début. On se retrouve au beau milieu d'un accident dont on ne comprends pas tout. Pour avoir vu quelques épisodes de Star Trek : Voyager je n'ai pas eu trop de difficulté à me remettre dans les clous.<br /> <br /> C'est difficile d'aborder de plein pied un univers de SF qu'on ne maitrise pas. Si vous avez la TNT, je crois qu'une chaine diffuse des épisodes (en tout cas c'était le cas il y a quelques temps). C'est franchement sympas à regarder. :)<br /> <br /> Sinon il y a un Wiki sur lequel vous devriez pouvoir trouver quelques infos (et vous faire une idée des personnages propres à Star Trek aussi :) ) http://fr.wikipedia.org/wiki/Star_Trek_Voyager<br /> <br /> Sinon j'ai aussi trouvé ça : http://stvoyager.free.fr/ (Mais ça pique un peu les yeux je trouve. Cela dit, ça doit être une excellent mine d'informations. :) ).<br /> <br /> Si ça peut aider. ^^
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