Sassem, partie IV, chapitres 1-2
PARTIE IV : En retrait.
Chapitre 1 :
« Non, définitivement non.
Comment le pourrait-elle ? Tia était toute sa vie… » Mais elle
comprit douloureusement que lorsqu’il s’agissait de la mercenaire, toutes ses
convictions, toutes ses belles idées, passaient à la trappe. Tout ce qui lui
importait était qu’elle soit là. En vie et heureuse. Et après tout, quel mal y
avait-il à ça ? »
Sa vie n’était de toute évidence
plus définie par ses valeurs, mais par une personne. Et pourquoi pas ? Ses
convictions ne disparaissaient pas pour autant, elle changeait seulement son
échelle…
C’était ce qu’elle aurait dû faire
dès l’instant où il avait rejoint She-wolf. Elle voulait de l’aventure, elle
voulait aider les gens plus démunis qu’elle… cela nécessitait une revalorisation
de ses idées.
Tia le lui avait dit. Mais elle
n’avait pas voulu l’écouter. Maintenant elle n’avait plus le choix. Elle ne
pourrait plus jamais laisser les choses se décider sans elle. Elle venait de
voir ce qui se passait lorsqu’elle laissait les autres décider pour elle.
Ce qu’elle aurait perdu si elle
n’avait pas enfin pris une initiative. « Tia… »
Oh non, alors. Rien en ce monde ne
lui ferait regretter d’avoir défendu la vie de la femme qu’elle aimait.
Elle pénétra enfin dans la cabane
de terre et de paille et s’assit sur l’une des deux chaises en bois qui s’y
trouvait. Elle observa Tia aller et venir. Elle rassemblait les maigres
possessions dont elle allait avoir besoin. Si Alexia n’avait pas vu elle-même
le sang s’écouler de sa plaie à l’épaule, elle aurait juré que Tia n’avait
rien. Elle utilisait son bras comme si rien ne la gênait. Alexia trouvait cela
à la fois admirable et agaçant. Si elle n’était pas réellement attentive, elle
risquait souvent de passer à côté des blessures qu’elle pourrait se faire…
- Tia…
-Humm ? fit la jeune femme
tout en vérifiant qu’elle n’avait rien de plus à sa disposition.
- Assied-toi… s’il te plaît,
ajouta-elle en la voyant lever un de ses sourcils élégant.
Tia sourit et fit ce qu’on lui
demandait. Alexia se leva et examina sa plaie d’un air circonspect. Elle se
dirigea ensuite vers la table où Tia avait rassemblé le nécessaire et revint
vers elle les mains pleines. Elle fit signe à Tia d’enlever son haut et
rapprocha sa chaise de la sienne. Elle grimaça à la vue de la blessure.
- Ça ne te fait pas trop
mal ?
- Du tout, répondit la grande
brune d’un air suffisant.
- C’est ça, ricana Alexia. Allez
donne-moi ton bras.
Elle désinfecta la plaie sans
problème étant donné que la blessée semblait réellement ne pas avoir mal.
- Derrière aussi, lui indiqua la
mercenaire. La balle a traversé, lui expliqua-elle.
- Heureusement ! s’exclama
une Alexia horrifiée.
Elle ne se voyait pas du tout en
train de retirer la balle de son épaule ! Déjà qu’elle avait du mal à ne
pas faire la grimace lorsqu’elle la recousait…
Elle désinfecta le dos de la
plaie, puis entreprit de la recoudre comme Tia le lui avait appris. Elle mit du
temps car elle s’appliquait, ne voulant pas être la cause d’une cicatrice
disgracieuse et elle vérifiait constamment qu’elle ne faisait pas mal à la
grande femme. Lorsqu’elle eut terminé, elle entoura le tout d’un bandage serré.
- Tu as été très courageuse, dit
Tia en la remerciant d’un baiser sur les lèvres.
Puis elle récupéra son t-shirt et
le remit.
Alexia la fixa d’un air idiot
avant de se reculer pour la laisser travailler à son aise. « Quand même,
c’est elle qui endure les blessures sans un cri et c’est moi qu’elle qualifie
de courageuse ! Elle est vraiment incroyable. »
Le reste de la journée et une
partie de la nuit se déroulèrent à soigner plaie après plaie et à prévenir
infection et maladie.
Une fois, Tia fit une pause pour
se rendre au dehors et expliquer au nouveau chef du village qu’il fallait
rassembler et enterrer les morts au plus vite, afin d’empêcher la peste et
autres maladies, apportées par les cadavres, de s’installer.
Au milieu de la nuit, Tia eut
enfin terminé et Alexia l’emmena à leur hutte profiter d’un repos bien mérité.
La journée avait été horrible. Pleine de sang, de mort et de cris d’agonie.
Tia avait dû opérer en urgence un
homme dont le poumon avait été perforé, mais n’étant pas médecin, elle n’avait
rien pu faire. Cet échec avait été douloureux, Alexia l’avait vu à sa posture
et son regard grave et triste. Quelques heures plus tard, elle avait été
obligée d’amputer un enfant de sa jambe à partir de son genou. N’ayant aucun
anesthésique, elle avait dû l’attacher à la table pour qu’il ne bouge pas,
jusqu'à ce qu’enfin il s’évanouisse.
Alexia avait vu son amie
tressaillir sous les hurlements de douleur du jeune garçon. « On lui
demandait l’impossible » avait-elle soudain compris. Tia n’avait jamais
fait cela auparavant… elle n’avait que quelques notions de médecine, mais elle
n’était pas chirurgien… Elle avait sentit une vague d’amour la traverser devant
le courage et le stoïcisme de la mercenaire. Aucun doute devant ces échecs,
aucune hésitation devant un nouveau cas. Elle devait essayer, c’était la seule
chose à faire…
Cette nuit là, Tia se jura de faire
un stage auprès d’un chirurgien et de lire le maximum de livres sur la
médecine. Plus jamais… plus jamais elle ne voulait revivre une journée pareille
où l’impuissance et la peur l’avait totalement dominée.
Elles restèrent encore quelques
jours, afin de laisser au guérisseur du village le temps de se remettre de ses
blessures. S’il n’était pas assez guéri pour exercer lui-même, il l’était
suffisamment pour pouvoir donner des instructions à son apprenti. Tia elle-même
avait profité de ce temps pour parfaire la formation d’Alexia. Le peu de temps
libre qu’elle avait, la mercenaire le passait avec les membres du conseil des
villages.
Elle leur avait demandé qui
étaient ces soldats et pourquoi ils s’étaient attaqués à eux. On lui avait
répondu qu'il s'agissait de groupes de jeunes désœuvrés, refusés par l’armée de
Sassem, qui passaient leur temps à boire et à attaquer les villages sur leur
route pour s’amuser. Apparemment cela arrivait assez régulièrement. Alors, sur
l’insistance d’Alexia, qui décidément avait totalement oublié sa promesse de ne
pas se mêler aux décisions de Tia, la mercenaire avait accepté de leur
apprendre quelques « trucs ».
Les soirées étaient donc
consacrées à l’apprentissage, pour les volontaires, de la création et de la
pose de pièges artisanaux, des stratégies les plus simples d’attaques et de
défenses, des différentes ruses à utiliser en cas de capture, de quelques
conseils pour la négociation, mais aussi de mouvements d’auto-défense qu’ils
devraient répéter chaque jour au lever du soleil et chaque soir au coucher afin
de les intégrer parfaitement.
Pour finir, au moment de leur
départ, Tia leur donna le nom et le numéro de téléphone d’une personne de
confiance qui pourrait finir leur apprentissage. Ils les remercièrent
chaleureusement et leurs firent des grands signes alors qu’elles s’éloignaient.
Les enfants les accompagnèrent même pendant quelques minutes, réclamant une
dernière histoire à Alexia. Ils finirent par s’éparpiller lorsqu’elles
arrivèrent à la rivière.
- Ils ne pourront jamais le payer,
fit remarquer Alexia.
- Qui ça ?
- Ton ami. Celui qui doit finir
leur formation.
- Ne t’en fait pas ce sera
gratuit, il me doit une faveur.
- Oh. Quel genre de faveur ?
Seul un sourire énigmatique lui
répondit.
- Oh allez Tia… dis-le moi…,
supplia son amie. Tia…
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Une semaine plus tard, elles
étaient ressorties de la
Colombie. Tia
- Même si tu me suppliais, je ne
te laisserai pas rentrer.
- C’est vrai ? avait-elle
demandé avec un sourire heureux.
- Oui. Sassem t’as reconnue tu te
souviens ? Il y a déjà probablement des tonnes de contrats sur ta tête. Tu
ne pourras plus te montrer au grand jour, tu es condamnée à la clandestinité
jusqu'à ce qu’il soit tombé, comme moi.
- Oh.
Ça n’était pas la réponse qu’elle
attendait.
- Mon père ne risque rien ?
demanda-elle soudain inquiète.
- Non. Rien. C’est toi que Sassem
veut. Il n’est pas du genre à tuer inutilement.
« Mais sa mort pourrait te
faire sortir de ton trou, ajouta-elle pour elle-même. Je vais le faire surveiller
par Karl. Je vais aussi payer un ou deux gars pour le protéger à
distance. » Mais ça elle ne pouvait pas le lui dire. Connaissant Alexia
elle aurait voulu se rendre auprès de son père pour le mettre en garde.
- Bien. Où va-t-on alors ?
- Une de mes planques.
- Tu en as une en Grèce
aussi ?
- J’en ai partout dans le monde.
Parfois plusieurs dans un même pays.
- Eh ben. Mais pourquoi ne pas
être retourné aux États-Unis ?
- Parce que je dois voir Kara et
qu’elle connait cette planque.
- Et pas celle des USA ?
- Non.
Alexia sentait qu’il y avait
quelque chose qu’elle aurait dû comprendre mais elle n’y parvenait pas.
- Et tu ne pouvais pas lui
indiquer le chemin ? Les États-Unis sont plus proches de la Colombie la Grèce.
- Tu es fatiguée ?
- Bien sûr ! Pourquoi, pas
toi ?
Tia haussa les épaules.
- Je fais toujours en sorte qu’on ne connaisse qu’une seule de mes
planques. Si possible la même pour tous. Enyalios ne connaît que celle-là
aussi.
- Mais pourquoi ?
- Question de sécurité.
Voyant qu’elle ne semblait pas
saisir, Tia poursuivit son explication.
- S’ils venaient à se retourner
contre moi, ils ne sauraient pas où me trouver.
- Pourquoi se retourneraient-ils
contre toi ?
- Pour pleins de raisons. Mais
s’il t’en faut vraiment une, je dirais Sassem.
- Mais Enyalios t’as formée !
Et Waco semble le haïr.
- On ne peut jamais prévoir. Il
peut très bien trouver un moyen. Un chantage, de l’argent… Tout le monde à ses
faiblesses.
- C’est si… pessimiste comme
vision. Ça n’est pas dur de vivre dans un tel isolement social ? Tu ne
fais jamais confiance à personne ? demanda Alexia triste pour elle.
Tia resta un moment silencieuse,
avant de répondre doucement :
- J’ai confiance en toi.
Alexia la regarda bouche bée,
avant de laisser un grand sourire bête s’installer sur son visage.
- C’est vrai que moi je vais
connaître une autre de tes planques, confirma-elle joyeusement.
Alexia vit l’aéroport se
rapprocher, annonçant leur atterrissage prochain, puis se pencha vers la grande
brune à ses côtés.
- J’ai confiance en toi, moi
aussi, fit-elle en lui plantant un baiser sur la joue.
- Je sais, répondit la mercenaire
avec un sourire triste.
- Pourquoi tu dis ça comme
ça ?
- Alexia, commença Tia en la regardant
bien en face, tu ne me connais pas. Tu ne devrais pas me faire confiance ainsi.
- C’est vraiment la chose la plus
idiote que j’ai jamais entendu, rétorqua-elle en secouant la tête.
Tia si tu me fais confiance alors
tu dois aussi avoir confiance en mon jugement.
Tia fit la moue. L’argument était
assez imparable.
- T’as jamais pensé à faire de la
politique ? lâcha-elle avec un soupir. C’est tuant d’essayer d’avoir le
dernier mot avec toi.
Cette déclaration fit un bien fou
à l’ego de la jeune blonde. Elle qui s’était toujours considérée comme une
jeune fille de bonne famille sans talent autre que celui apporté par l’argent,
découvrait grâce à Tia que les mots étaient réellement un don chez elle. Et
rien que pour cela, elle serait toujours reconnaissante envers la mercenaire.
Grâce à sa compagne, elle découvrait qui elle était vraiment. Et c’était si bon
de se rendre compte qu’elle était meilleure qu’elle ne le pensait.
- Alors on est d’accord ?
- On est d’accord, acquiesça Tia à
contrecœur.
- Brave fille, fit Alexia en lui
tapotant le bras.
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Alexia regarda le paysage par la
fenêtre. Elle s’était attendue à tout sauf à ça.
- C’est vraiment ta planque ?
interrogea-elle Tia en se retournant.
Tia était assise à la table du
salon devant son ordinateur portable. A peine arrivée à destination, elle avait
décrété qu’elle devait vérifier ses mails et était allée chercher un ordinateur
dans un placard, laissant Alexia faire seule, le tour du propriétaire.
- Une planque n’est pas forcément
un lieu perdu Alexia.
- Ben c’est sûr que ce n’est pas
ainsi que je décrirais cet endroit.
De fait, elles se trouvaient en
plein centre de Renriks près du mont Olympe. Certes Renriks n’était pas une
grande ville, mais s’en était quand même une !
D’où elle se trouvait, Alexia
pouvait apercevoir le centre commercial juste en face et le poste de police. La
planque de Tia ne méritait définitivement pas son nom tant son luxe était
flagrant. La maison, car c’en était une, était une grande propriété ancienne,
située entre deux autres maisons plus imposantes.
L’intérieur était constitué de
deux étages. Au premier se trouvaient les chambres, il y en avait trois, et une
immense salle de bain. Le second étage contenait une salle de sport dernier
cri, un bureau et une bibliothèque. Le rez-de-chaussée où elle se trouvait
était composé du salon (ou elles se trouvaient), d’une grande cuisine et d’une
chambre d’amis avec salle de bain intégrée.
- C’est à toi ?
- Comme toute mes planques.
- Mais ça ne te revient pas
cher ?
- Certaines ne me coûtent rien
comme tu as pu le remarquer, répondit-elle avec un petit sourire sarcastique.
Certaines me reviendraient effectivement moins cher si je les louais, mais il y
aurait deux inconvénients. Le premier, le propriétaire pourrait débarquer quand
ça lui chante, et/ou décider un jour de
ne pas renouveler mon bail. Le second, les transactions financières sont
traçables. Plus il y en a plus et plus on apprend des choses sur toi. Et plus
les chances de te faire repérer augmentent.
Alexia hocha la tête et s’assit en
face de la mercenaire.
- En tout cas c’est mignon chez
toi.
Tia lui jeta un regard bref avant
de répondre :
- Félicite le décorateur.
- Tu n’as pas choisi
toi-même ? s’étonna Alexia.
- Et quand j’aurais eu le temps
d’une telle chose ?
- Évidemment, marmonna-elle
contrariée d’être encore passée pour une fille irréfléchie aux yeux de son
aimée.
- Et puis, moins de gens
connaissent ma tête mieux je me porte.
Alexia hocha la tête avec
conviction avant de froncer les sourcils.
- Attends est-ce que ça s’applique
à moi aussi ?
Tia releva la tête de son écran et
détailla la jeune femme.
- Surtout à toi, lâcha-elle enfin.
Tu es trop connue dans les cercles de la haute.
- Mince ! Tout ça à cause de
ces contrats ?
Tia acquiesça.
- Alors je ne peux même pas
sortir ? fit-elle avec une petite moue. Même pour faire les
magasins ?
Tia réprima un sourire.
- On est dans une petite ville,
Alexia, je doute que tu croises beaucoup de tes connaissances dans le coin.
- Ça veut dire que je peux ?
s’exclama-elle ragaillardie.
- Bien sûr que tu peux.
- Yes ! s’écria-elle en
levant le bras dans un geste de victoire.
Tia la regarda faire amusée, avant
de reprendre sa lecture. Alexia se leva et fit le tour de la table. Elle se
pencha derrière sa compagne et entoura son cou de ses bras. Tia ne tressaillit
même pas. Étrange comme elle s’habituait vite à être touchée lorsqu’il
s’agissait d’Alexia.
- Qu’est-ce qu’il y a de si
intéressant sur ton mail pour que tu y passes autant de temps ?
- Les dossiers de Sassem.
- Oh mais c’est vrai !
J’avais complètement oublié !
- J’avais remarqué.
- Désolée. Je ne sais pas comment
j’ai pu zapper un truc aussi important.
- Facile. Tu as été malade et puis
tu as vu des innocents être abattus devant toi.
« Et j’ai tué un homme »
songea Alexia se sentant vide tout à coup.
- Hmmm, c’est vrai.
Alexia posa sa joue sur le crâne
de Tia et laissa son regard vagabonder. Tia sentit son changement d’humeur et cessa
sa lecture. Elle se leva et se retournant, elle prit Alexia dans ses bras.
Celle-ci l’étreignit avec force.
- Désolée, dit-elle la voix
étranglée.
- Ne le sois pas… Alexia j’ai déjà
vu et fait tout cela des centaines de fois. J’ai eu des années pour m’y
habituer alors tout ça ne me choque plus. Mais ce n’est pas ton cas. Alors si
tu éprouves le besoin d’en parler ou… de pleurer, ajouta-elle doucement,
n’hésite pas. Ça ne me choquera ni ne me gênera en aucune façon.
- Je… j’ai beaucoup de mal à croire
que j’ai pu… que j’ai été capable de tuer un être humain.
- Je sais… je suis désolée.
- Je… ce n’est pas… je ne le
regrette pas tu sais… c’est juste que… j’ai du mal à concilier cette vision de
moi avec ce que j’ai toujours été et… voulu être.
Tia ne répondit pas. A la place
elle posa une question.
- Pourquoi tu ne regrettes
pas ? Ce que tu as dit en Égypte…
- Oublie ce que j’ai dit, la
coupa-elle. Je ne savais pas de quoi je parlais. On ne sait jamais de quoi on
parle tant qu’on n'en a pas fait l’expérience soi-même. Je ne regrette pas…
parce qu’il s’agit de toi. Et… j’ai l’impression… enfin je crois, que dès qu’il
est question de toi… tout change. Mes idées, mes valeurs, mes désirs… Et même
si ce n’est pas facile, je sais que je peux vivre avec ce que j’ai fait. Alors
que je savais ne pas pouvoir vivre sans toi.
Tia s’était raidie. Elle ne savait
pas comment réagir. Devait-elle se sentir coupable ? Flattée ? Partir
à toutes jambes ? Elle qui avait évité les complications de cette sorte
toute sa vie se retrouvait avec l’une des plus grosses jamais imaginée blottie
dans ses bras.
- Bien sûr que tu pourrais vivre
sans moi, répondit-elle enfin.
- Qu’est-ce que tu en sais ?
rétorqua gentiment la petite blonde en la regardant dans les yeux. Tu n’es pas
moi.
- Et c’est tant mieux, répliqua la
grande brune en se perdant dans le vert profond qui la fixait avec une évidente
tendresse. Parce que sinon je n’aurais pas le plaisir de pouvoir faire ça,
fit-elle en se penchant pour l’embrasser avec fougue.
- Ou ça, dit-elle en l’agrippant
par les hanches et en la plaquant contre le mur.
Elle passa ensuite sa main sous le
t-shirt blanc d’Alexia et caressa le sein tendu. Elle quitta sa bouche et sema
des dizaines de petits baisers le long de sa mâchoire et dans son cou, qui
envoyèrent des décharges de plaisir dans tout le corps de la jeune blonde.
- Ou encore ça, murmura-elle
en léchant le creux sensible au dessus
de la clavicule tout en relevant une des jambes d’Alexia pour glisser sa cuisse
contre son sexe.
Elle appuya fortement et entendit
Alexia gémir.
- Et je n’aurais pas le plaisir de
ressentir ça, confirma la jeune blonde dans un soupir.
Tia recouvrit sa bouche pour un
baiser qui transforma la douce chaleur entre ses jambes en un feu brûlant.
- Heureusement que je suis moi
alors, reprit Alexia lorsque Tia délaissa sa bouche.
Tia releva la tête du lobe qu’elle
était en train de lécher et la fixa avec un grand sourire.
- Puisqu’on est d’accord…
Tia souleva la jeune femme et sans
cesser de l’embrasser, se dirigea rapidement vers la chambre la plus proche.
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Quelques heures plus tard, une Tia
toute ragaillardie revint à ses préoccupations premières. Alexia dormait encore
et elle avait décidé de la laisser se reposer. Elle avait vécu des choses
difficiles et honnêtement elle s’adaptait aux évènements avec une plus grande
facilité que ce à quoi elle se serait attendue. Alexia était bien plus forte
que ce qu’elle s’imaginait.
S’installant devant son ordinateur,
Tia s’ébroua un peu, pour chasser l’image d’une Alexia nue et allongée,
l’observant se déshabiller de ses yeux verts à demi-fermés. Cette vision était
si érotique qu’elle failli se relever et retourner dans la chambre pour la
réveiller. Elle fit un effort sur elle-même et se força à lire ses emails.
Alexia finit par la rejoindre, une
heure après, à moitié éveillée. Elle l’observa en entrant dans la pièce et
sourit devant le tableau à la fois aguicheur et incongru. Tia était penchée sur
son écran, vêtue en tout et pour tout de ses sous-vêtements noirs. Elle
s’approcha sur la pointe des pieds et l’enlaça par derrière, la faisant
sursauter.
- Tu ne m’as pas entendu
arriver ? chuchota-elle très fière d’elle.
- Non… c’est bizarre.
- En quoi ? Je suis une bonne
élève voilà tout.
- Hmmm, peut-être. Mais ça ne
change rien. J’aurais dû t’entendre.
- Tu cherches à me vexer ?
- Non, désolée, fit-elle en
laissant tomber ce qui devenait un sujet délicat. Tu veux savoir ce que j’ai
trouvé ?
- Bien sûr, s’exclama Alexia
surprise et ravie que la mercenaire veuille partager ses pensées.
Elle s’assit à ses côtés et
attendit. Mais Tia ne dit rien, se contentant de la regarder. Elle finit par se
racler la gorge et dit d’un ton embarrassé :
- Hum. Heu… peut-être que… tu
pourrais aller t’habiller d’abord ?
Alexia se regarda et vit qu’elle
était toujours nue. Avec un sourire coquin elle lança :
- Pourquoi ? Ça te
gêne ?
- Hum. Pas tellement, non. Mais…
si tu tiens vraiment à entendre ce que j’ai découvert il vaudrait mieux que tu
sois habillée.
- Pourquoi ? demanda une
Alexia joueuse.
- Lex… lança Tia d’un ton plaintif
sans quitter son corps des yeux.
- Hummm ?
Alexia leva un sourcil, décidée à
arracher les mots à Tia s’il le fallait. La grande brune jura puis lâcha avec
irritation :
- J’ai du mal à me concentrer avec
une toi toute nue devant moi.
- Vraiment ? rétorqua Alexia
avec un sourire aussi énorme que la planète Eris.
- Lex, gronda la grande femme.
- Ok, ok… suffisait de le dire…
dit-elle en filant en direction de la chambre qu’elle venait de quitter.
Tia soupira de soulagement et de
déception en secouant la tête.
- Elle va finir par me tuer,
marmonna-elle entre ses dents.
Alexia revint quelques minutes
plus tard et reprit sa place à ses côtés. La mercenaire lui exposa ses
découvertes à propos du projet Oméga et ce qui le concernait
indirectement : les coordonnées des dépôts d’armements, de ses camps
d’entraînements, les noms des hommes de Sassem infiltrés dans les gouvernements
encore libres, les noms de ses associés dans ses affaires illégales, les
chantages, les pots-de-vin, le lieux de résidences de ses généraux et de ses
lieutenants dans chaque pays lui appartenant, les itinéraires des convois de
drogue et les dates des prochaines redistributions, ses projets concernant les
pays encore libres…
- C’est énorme !
Tia acquiesça avant de
conclure :
- Et tout ça ne nous sert plus à
rien.
- Comment ça ?
- Il nous a surpris. Il sait que
je lui ai pris quelque chose. Ça l’oblige à repenser tous ses plans, à
délocaliser tous ses entrepôts et camps d’entraînement, bref à tout changer
dans les plus brefs délais.
- Tu veux dire qu’on à fait tout
ça pour rien ?! s’exclama Alexia dépité.
- Non, pas pour rien. On sait ce
qu’il mijote et dans quel délai il compte réaliser ses plans. Même s’il change
les dates des putschs prévus dans certains pays, cela ne change rien aux
délais, si ce n’est qu’il va les raccourcir pour être sûr que je ne puisse me
mettre entre lui et ses projets.
- Ok, alors pas pour rien mais
presque… répliqua-elle pas convaincue.
- Alexia… fit Tia avec un petit
sourire, je te rappelle que j’ai posé des traceurs sur nos amis au complexe…
A ces mots la jeune blonde, releva
la tête soudain plus attentive.
- Même s’ils changent de
résidences, je saurai où se trouvent les nouvelles. À partir de là, il me
suffit de me rendre sur place et de placer de nouveaux traceurs, un peu plus
sophistiqués ceux-là, et je saurai où se trouve leurs nouveaux entrepôts, camps
d’entraînement et lieux de réunions. Ainsi que l’emplacement de leurs
différentes unités dans le pays. Au final je pourrais même connaître les
nouvelles dates du projet Oméga et les troupes engagées dans le processus,
ainsi que les stratégies utilisées. Et cerise sur le gâteau, à leur prochaine
grande réunion, j’aurais Sassem. Et puis nous possédons les noms de ses
contacts et de ses gens dans les différents gouvernements, et ça, ça ne
changera pas. On peut apprendre beaucoup d’eux.
« Du moins si on peut leur
mettre la main dessus avant Sassem » termina Tia en pensée. Alexia était
bouché bée.
- Waouuu ! Je suis
impressionnée… Heu… je peux poser deux questions ?
- Bien sûr.
- C’est quoi le projet
Oméga ?
Tia la fixa avec un sourire
amusée.
- Tu n’as pas écouté ce que je t’ai
expliqué hein ?
- Si, si, s’empressa de la
détromper la jeune femme. C’est juste que je n’ai pas tout compris.
Tia fit semblant d’accepter son
explication, pas du tout dupe, puisqu'elle avait vu ses regards concupiscents
glisser plus d’une fois sur son corps, pendant ses explications.
- Ouais. Donc, le projet Oméga
c’est la prise de pouvoir de Sassem sur les pays infiltrés. Les putschs quoi. A
la base, il voulait le faire dans quelques années, une fois les quelques pays
libres suffisamment à sa merci. Mais nos découvertes vont l’obliger à avancer
la date du renversement des gouvernements, limitant de ce fait, le nombre de
pays sous sa coupe. Ce n’est pas rien.
- Ok. Cette fois j’ai compris,
fit-elle en posant son regard sur le ventre plat et bronzé de sa compagne.
- Et la deuxième question ?
- Oh… euh…
« Je lui demande d’aller
s’habiller ou pas ? » relevant les yeux sur le visage goguenard elle
s’empressa de poser sa question.
- C’est quoi ces traceurs plus
sophistiqués ?
- Des traceurs qu’on place sous la
peau à l’aide d’une petite incision. Ils renvoient la position de la personne
mais aussi les sons qui l’entourent. Il suffit de les surprendre dans leur
sommeil, et ni vu ni connu ils sont marqués.
- Sous la peau ? Ça veut dire
qu’il faut que tu les approches ?
- Hum hum.
- Mais…
- Ne t’en fait pas, ce n’est pas
moi qui vais m’en occuper. Sassem attend qu’on bouge tu te souviens ? Ce
serait trop risqué de m’impliquer personnellement.
- Alors qui ?
- Waco et quelques autres de mes
connaissances. Je les ai contactés ce matin. Waco, arrivera demain. Et Karl
aussi. On discutera de nos plans d’infiltration pour la pose à ce moment là.
- Karl c’est le type du FBI ?
- Oui.
- Et son gouvernement est d’accord
pour ça ?
- Sassem est une grande menace.
Avec les preuves que je vais lui remettre ils seront plus que ravis de nous
donner un coup de main.
-Mais tu es sûre qu’ils feront
comme tu l’entends ? Ils voudront sûrement faire selon leurs propres plans
- J’y ai pensé. Je ne leur
donnerais que ce pour quoi j’ai besoin d’eux. Par exemple : les quelques
résidences de généraux où j’aimerais qu’ils envoient des hommes pour la pose
des traceurs. Le reste je me le garde et ne leur donne qu’au compte-goutte.
Ainsi s’ils veulent le nom des agents infiltrés dans leur pays, il faudra
qu'ils m'obéissent.
- Tu as réfléchi à tout, fit
Alexia admirative.
Tia acquiesça avec un sourire
satisfait.
- Hum… et aurais-tu pensé à ce
qu’on va faire jusqu'à demain aussi, par hasard ? s’enquit la jeune blonde
avec un air innocent.
- Eh bien, maintenant que tu le
dis, j’ai une ou deux idées oui…
- Hum… puis-je te demander
lesquelles ?
- Je pensais à une bonne séance
d’entraînement dans la pièce du haut… commença-elle en réprimant un sourire à
la vue de la déception manifeste de sa compagne, puis un dîner en ville, suivie
pourquoi pas d’un cinéma ? Ou le contraire, ciné puis dîner en ville ?
- Ciné puis dîner en ville !
s’exclama une Alexia soudainement excitée.
Elle se leva et se dirigea
rapidement vers les escaliers.
- Alors qu’est-ce que tu
fais ? demanda-elle en voyant la mercenaire qui ne la suivait pas. On à un
entraînement là !
Tia se leva puis désignant son
corps, précisa avec son éternel sourire amusé en coin, qu’elle devait se mettre
en tenue. Alexia acquiesça et bondit vers son sac pour se changer pendant que
Tia retournait dans la chambre d’amis.
- On a un rencard, on a un
rencard, chantonna-elle tout bas sans parvenir à contrôler son excitation.
Lorsqu’elle vit revenir son amie,
le chant se fit pensée mais ne cessa pas de toute la séance.
Chapitre 2 :
Alexia était épuisée par
l’entraînement. Tia ne rigolait pas avec ce genre de choses ! « Bon
sang j’espère qu’il me restera assez d’énergie pour profiter de la
sortie ! Ça serait ballot de m’endormir pendant notre première sortie
en amoureuse !... OK, pensa-elle avec un soupir, ce n’est probablement pas
ainsi que Tia voit les choses, mais j’ai bien le droit de rêver, non ? »
Elle sortit de la douche et se
sécha avec des gestes assez lents. Puis chercha parmi les vêtements qu’elle
avait emmené à leur départ de Colombie, une tenue adéquate. Elle n’avait pas
emmené grand-chose, étant donné qu’elle devait rentrer sitôt la mission
terminée, et elle regarda avec frustration le jean et le t-shirt blanc tout
simple. « Et comme chaussures qu’est-ce que j’ai à ma disposition ?
songea-elle avec dégoût. Des rangers et des baskets ! »
Elle s’assit sur le sol parqueté
de sa chambre avec irritation.
C’est ainsi que la trouva Tia,
lorsque lassée d’attendre, elle partit la chercher. Alexia était assise en
tailleur sur le sol, dos au mur, les bras croisés et une expression furieuse
sur le visage.
- Qu’est-ce qui ne va pas
Alexia ? demanda-elle en appuyant une épaule sur le chambranle de la
porte, les pouces dans les poches de son pantalon et les chevilles croisées.
La jeune femme releva la tête et
ses sourcils froncés opérèrent une fulgurante remontée sur son front
lorsqu’elle l’aperçut. Tia était… sublime. Ok, elle était toujours sublime.
Mais cette fois c’était différent. Plus intense, plus choisi. Aujourd’hui
c’était voulu.
Elle avait mit des bottes en cuir
noir, à talons moyens, qui disparaissaient sous son pantalon. Le pantalon s’il
était également en cuir, était lui de couleur marron. « Et il doit mouler
son sublime postérieur comme une peau de serpent son propriétaire » songea
Alexia en se retenant de baver. Elle portait une ceinture en cuir marron, mais
d’un ton plus soutenu, joliment travaillée qui avait une fonction plus
artistique qu’utile et soulignait sa taille mince. Elle avait un haut en daim
noir, lacée sur le devant. Un peu comme un gilet qui serait refermé avec des
lacets à la place de boutons. Mais beaucoup, beaucoup plus sexy qu’un
gilet ! Il était sans manche, moulant, avec un décolleté qui laissait
entrevoir la naissance de ses seins et suffisamment court pour apercevoir un
bout de peau au dessus de son pantalon.
Pour parfaire le tableau, Tia
avait enfilé de nombreux bracelets fins en cuir et en tissu aux poignets, ainsi
qu’un tour de cou noir en velours.
Alexia soupira en arrivant au
visage. Ses cheveux lisses et brillants pendaient librement sur ses épaules.
Elle avait mit peu de maquillage, mais c’était suffisant pour appuyer l’extrême
perfection de ses traits. Du crayon, du fard à paupières et du mascara noir
soulignait le bleu profond de ses yeux. Elle avait même mit un rouge à lèvre
rose saumon pailleté d’or qui invitait aux baisers.
Alexia ne pouvait détacher son
regard de la silhouette qui attendait toujours une réponse. « Je ne tiendrais
jamais toute la soirée… je ne tiendrais même pas 5 minutes ! »
- Alexia ?
- Il faudrait une loi pour ça…
soupira-elle. Une qui te déclarerait marchandise hautement dangereuse à
approcher avec précaution. Et dès que tu approcherais trop près d’un lieu
public, on t’attraperait et on te jetterait dans un endroit sombre où personne
n’aurait le droit de t’approcher sans avoir au préalable passé une
batterie de test complet pour vérifier son coeur !
- Hein ?
Tia fronçait les sourcils
complètement perdue devant sa tirade. Ça lui arrivait souvent avec Alexia.
C’était déconcertant d’être à ce point perdu devant une si petite chose.
- C’était… un compliment ?
hésita Tia.
Alexia hocha la tête avec un air
de chien battu.
- Ok… heu… si c’est un compliment
pourquoi tu fais une tête pareille alors ? interrogea Tia perplexe.
- Tu n’as aucune pitié. Tu sais à
quel point c’est dur pour moi de te regarder et de m’empêcher de te sauter
dessus dans la seconde ? Et tu veux que je tienne toute la soirée ?! Et tu as pensé aux pauvres gens
dehors ? ajouta-elle encore. Tu veux tous les tuer ou quoi ?
Tia la bouche ouverte de
stupéfaction, finit par éclater d’un grand rire qui menaça son équilibre.
- C’est pas drôle Tia, fit Alexia
boudeuse. Pour la peine je devrais rester nue tiens !
- Oh non ! argua la grande
brune en reprenant son souffle difficilement. Pour le coup, les gens auraient
réellement une crise cardiaque !
Elle s’essuya le coin des yeux et
s’approcha d’Alexia qui se mit à paniquer.
- Stop ! Reste où tu
es ! Cria-elle avec de grands gestes des bras.
Tia s’arrêta et attendit.
- Tu… si tu t’approches, tu fous
en l’air notre rendez-vous ! Et c’est le premier alors bien qu’une partie
de jambe en l’air soit très, et j’insiste sur le très, tentante, je préfèrerais
qu’on le réserve pour la fin !
- Un rendez-vous hein ?
fit-elle amusée par sa panique.
Elle n’avait jamais rencontré
quelqu’un qui la désire à ce point et le montre de façon aussi candide. Ce
mélange d'acceptation totale de son désir et d’embarras face à sa force était
touchant.
- Euh… oui… enfin non… c’est pas
une obligation… je veux dire…
Alexia soupira en baissant les
bras. Elle ne savait plus quoi dire. Tia la laissa mariner un peu avant de la
rassurer.
- Un rendez-vous. Ça me va.
Un sourire rayonnant la
récompensa.
- Alors quel est le
problème ?
- Hein ? Quel problème ?
Y’a pas de problème, rétorqua Alexia sur son petit nuage.
- Hum, ok. Alors pourquoi
boudais-tu lorsque je suis arrivée ?
- Je ne boudais pas !
lança-elle avec un regard noir.
- Hum. Sûr.
- J’avais… oh oui ! J’ai un
problème de fringue ! J’ai rien à me mettre. D’ailleurs où tu as trouvé
tout ça toi ? Tu as emmené encore moins d’affaires que moi et je ne t’ai
jamais vu avec.
- Je laisse des affaires dans
toutes mes planques.
- Oh. T’en as de la chance, lui
dit-elle avec un regard noir.
- On va aller t’en acheter avant
le dîner, ça te convient ? s’enquit la grande femme en réprimant un
sourire.
- On va faire les magasins ?!
s’écria une Alexia aux anges.
- Ouais. Donc mets ce que tu as.
Tu t’achèteras une tenue pour ce soir en ville. Mais je te préviens on y reste
une heure pas plus !
- Ouais, ouais… je sais tu n’aimes
pas le shopping. Rabat-joie, lança-elle en riant.
*************************************
Une heure plus tard, comme
convenu, Alexia avait fini ses achats. Elle avait revêtu les vêtements qu’elle
avait achetés spécialement pour la soirée et laissé les autres dans le coffre
de la voiture de location de Tia. Elle était particulièrement fière de son
allure.
Elle portait une jupe souple en
satin rouge qui s’arrêtait au dessus du genou. Elle était retenue par une
ceinture noire également en satin, nouée
sur le côté. Elle avait mis un chemisier sans manche, blanc avec un col large
et haut. Des bracelets fins tintaient à chacun de ses mouvements. Elle avait
souligné ses yeux de noir et ses lèvres d’une touche de rouge. Et ses cheveux
blonds étaient lâchés sur ses épaules.
Tia elle-même ne pouvait la
quitter des yeux. Elle était superbe et Alexia le savait. La soirée s’annonçait
grandiose !
Et elle le fut, effectivement.
Toute la soirée, Tia fut attentive
à ses humeurs, devançant ses envies, lui prêtant une oreille attentive et la
couvant d’un regard si intense qu’il envoya plus d’une fois des frissons le
long de sa colonne vertébrale.
Pendant le dîner, Tia fit quelques
remarques spirituelles sur le film qu’elles venaient de voir, mais malgré tous
ses efforts, Alexia fut incapable de se souvenir du sujet du film. Elle ne se
rappelait que de la main de la grande brune sur sa cuisse, qui à chacun de ses
rires ou de ses commentaires, pressait doucement le muscle et faisait naître
une chaleur qui l’obligeait à croiser les jambes assez régulièrement afin
contrôler ses ardeurs.
De même à la fin du repas, elle
était incapable de se rappeler ce qu’elle avait bien pu ingurgiter, tellement
l’éclat de ses yeux bleus la happaient à chaque fois qu’elle croisait son
regard.
Elles rentraient maintenant,
marchant lentement le long de la rue piétonne et profitant de l’air frais qui
véhiculait l’odeur typique des oliviers.
- J’aime ce pays, déclara soudain
Tia.
- Vraiment ? Pourquoi ?
- Ça me rappelle des souvenirs.
Des bons.
- Et il y en a si peu…
Tia la regarda surprise d’être
aussi transparente et ne pu empêcher la remarque qui suivit.
- Plus depuis que je t’ai
rencontrée… dit-elle doucement.
Alexia leva des yeux pleins de
tendresse.
- Je peux dire la même chose.
- Je ne pense pas non.
- Tia ! On ne va pas
recommencer !
- Ça gâcherait l’ambiance hein ?
Tu es magnifique…, dit-elle pour changer de sujet.
- Merci. Je… j’ai passé une soirée
incroyable. Un vrai rêve, fit-elle soudain intimidée.
Un petit rire retentit à ses
côtés.
- Lex, gronda-elle gentiment. Je
suis sûre que tu as passé des soirées plus intéressantes, mais c’est gentil.
- Je ne suis pas gentille,
lâcha-elle agacée. Je te rappelle que tu n’es pas à ma place, alors cesse de
croire que tu ne m’apporte rien à part des ennuis ! Dieu, Tia tu es si
belle et adorable. Tu es aussi drôle et attentive. Tu es la personne la plus
fascinante qu’il m’ait été donné de rencontrer. Tu transformes un simple dîner
en ville en rêve de princesse… Tia tu es la seule à avoir reconnu une
quelconque valeur en moi. Avec toi j’ai l’impression d’être intelligente. De
compter pour autre chose que mon argent ou la position de mon père. Ne te
trompe pas mon père m’aime, mais il n’a jamais cru en moi… pas comme toi tu le
fais depuis notre première rencontre. Tu m’apprends qui je suis Tia… Et quand
tu me regardes comme tu l’as fait ce soir, j’ai l’impression d’être la personne
la plus importante au monde, la seule qui compte vraiment. Si tu savais à quel
point tu es bonne pour mon ego Tia…
- …
Tia ne s’attendait certes pas à
une tirade pareille ! Que pouvait-elle dire qui ne paraîtrait pas
fade à côté ? Alors c’était ça qu’elle pensait d’elle ? C’était si
inattendue… Elle n’aurait jamais cru, même dans ses rêves, qu’elle pourrait un
jour apporter quelque chose de positif dans la vie de quelqu’un.
Encore moins dans celle d’une
personne aussi pure qu’Alexia. Émue, Tia encercla le visage de sa compagne
entre ses mains.
- Merci, fit-elle simplement.
Puis elle déposa un baiser si
tendre qu’il en fut presque chaste. Mais pas totalement, on parlait de Tia
quand même ! Ensuite elle lui prit la main et l’entraîna sans un mot de
plus vers leur refuge.
Alexia était soulagée d’avoir
convaincu la grande brune, et émerveillée d’avoir pu la toucher. Elle était si
distante en générale et si réservée. Elle avait l’impression d’avoir ouvert une
petite lucarne dans le bunker qu’était sa tête.
Tia ne perdit pas de temps. Une
fois rentrée, elle attira Alexia dans la chambre d’amis qu’elle avait décidé de
leur attribuer. Elle la poussa sur le lit et s’installa à califourchon sur elle.
Elle attrapa les mains qui commençaient à se balader sur son corps et les
plaqua au dessus de sa tête avec un sourire carnassier.
Alexia lui sourit en retour et
attendit, impatiente. Tia se pencha sur elle et attrapa ses lèvres. Elle les
embrassa puis se recula un peu pour lui échapper, toujours souriante. Elle
sortie sa langue et suivit le contour de sa bouche dans une caresse érotique.
Et se recula à nouveau. Elle plongea ses yeux dans ceux de sa compagne et resta
ainsi un long moment à absorber le désir et l’amour qu’elle y lisait.
Puis comme submergée par ces
sentiments elle l’embrassa avec force et passion. Alexia lui rendit son baiser
avec un gémissement.
- Tia…
La mercenaire ferma les yeux et
frotta doucement son nez contre le sien, puis posa son front contre celui de la
jeune femme.
- Je t’aime Alexia… souffla-elle.
Elle rouvrit les yeux et ses cils
touchèrent ceux de sa compagne. Les yeux pleins de larmes, celle-ci la fixait
silencieusement, ne parvenant pas à croire en sa chance. Tia se laissa
renverser sur le dos lorsqu’Alexia la poussa. Elle la laissa la dominer… sans
jamais quitter son visage des yeux, la regardant avec une tendresse dont elle
ne serrait pas cru capable.
Alexia avait posé ses mains de
chaque côté de la tête de Tia et la fixait à travers un rideau de larmes.
- Ne pleure pas, dit Tia doucement
en levant la main pour essuyer une larme sur sa joue.
- C’est…pas de ma faute…,
bredouilla-elle. Je suis si heureuse Tia...
- Tu ne peux pas l’être plus que
moi, rétorqua-elle avec un sourire.
« Je ne pensais pas cela
possible… je ne le suis plus depuis tant d’années… » Tia se redressa
soudain en posant sa main sur la joue d’Alexia. Elle la caressa et plongeant
son regard dans le sien, essaya de faire passer tout ce qu’elle ressentait pour
elle. Son amour, sa reconnaissance, son admiration…
- Merci Alexia…
- De quoi ? demanda-elle
d’une voix étranglée.
- De m’aimer.
- Tia… s’exclama-elle en se jetant
dans ses bras, les faisant basculer toutes deux sur le matelas.
Elles se blottirent dans les bras
l’une de l’autre, jambes emmêlées et front contre front à se regarder,
emmitouflées dans leur bulle de bonheur.
Elles finirent par s’endormirent
ainsi, sans plus se toucher… comme pour célébrer cet état de grâce.
*****************************************
Le lendemain matin, Tia fut la
première à se réveiller comme à son habitude. Elle fixa longtemps les paupières
closes en face d’elle, sans parvenir à croire à ce qu’elle avait dit. Elle ne
regrettait pas non… mais c’était quelque chose qu’elle ne pensait pas avoir un
jour la chance de vivre et ce que cela impliquait… elle ne le savait pas en
fait. Elle imaginait bien qu’Alexia allait attendre un autre comportement de sa
part que celui qu’elle avait eu jusqu’à présent. Mais elle ne savait pas
lequel.
Et bien sûr ces quelques relations
épisodiques ne l’aidaient pas à savoir quel serait l’attitude appropriée.
Déjà elle ne savait pas ce
qu’était l’amour avant de la rencontrer alors connaître le comportement qui
allait avec ! Elle sentait qu’elle allait faire pas mal de bourdes à
l’avenir… « Espérons que ça ne gâchera pas tout. Mais qui sait ?
Peut-être qu’Alexia sera compréhensive ? Après tout jusqu’à présent elle
avait été pleine de surprises, alors même si parfois elle ressemble à une
gamine capricieuse, y’a des chances pour qu’elle comprenne que je n’ai pas
l’habitude de tout ça… »
« Pour commencer je pourrais
peut-être lui monter le petit-déjeuner au lit » songea-elle en se
dégageant doucement pour ne pas la réveiller. Elle avait vu que c’était une
chose que les gens faisaient à la télé.
Elle attrapa une chemise dans la
commode et enleva ses vêtements de la veille pour l’enfiler, avant de se rendre
dans la cuisine. Elle aimait bien faire la cuisine quand elle avait le temps.
Cuisiner était un art, disait sa mère, et l’art exige du temps. C’était une des
dernières choses dont elle s’était souvenue après sa mort. Et elle s’y était
accrochée avec la force que donne le désespoir, et ne l’avait jamais oublié.
Elle prit donc son temps pour
préparer des pancakes maisons, des toasts aux raisins et deux coupes de fruits
frais. Elle avait passé une commande d’ingrédients couvrant une large palette
de possibilités lorsqu’elle avait décidé d’emmener Alexia ici. Elle aurait dû comprendre
à ce moment là qu’elle l’aimait. Elle qui n’avait jamais montré plus d’une de
ces cachettes à une même personne…
Enfin, mieux vaut tard que jamais.
Au début, elle aurait pu craindre que cela interfère avec sa mission. Mais ce
n’était plus le cas, la jeune blonde était trop impliquée et se débarrasser de
Sassem devenait le seul moyen de lui rendre sa liberté. « Est-ce qu’elle
partirait après ça ? » s’inquiéta-elle soudain. Non, aucune
chance. Elle lui avait dit qu’elle souhaitait rester à ses côtés. Mais une fois
qu’elle lui aurait apprit tout ce dont elle aurait besoin ?
« Et pourquoi je m’inquiète
de ça ? Ça n’arrivera pas avant plusieurs années. »
Elle lécha la cuillère dont elle
se servait pour remuer la pâte d’un gâteau au chocolat qu’elle s’apprêtait à
mettre au four, en secouant la tête. « Arrête de penser… c’est pas le
moment »
Elle régla la température et le
temps de cuisson du gâteau et partit chercher deux plateaux sur lesquels elle
disposa le tout. Elle sortit ensuite à l’arrière de la maison et sourit avec
satisfaction en voyant le jardin bien entretenu. Le type qu’elle payait pour
l’entretien de la maison et du jardin méritait bien son argent. Elle cueillit
une rose dont la riche couleur rouge lui faisait penser à la couleur de l’amour
et non plus celle du sang et la mit dans un petit vase en terre cuite, qu’elle
se rappelait avoir acheté en Afrique à un gamin des rues, qu’elle posa sur le
plateau d’Alexia.
Elle attrapa ensuite une carafe de
jus de fruits pressés, un mélange d’orange et de citron, et en versa dans leurs
verres. Elle récupéra quelques boules de Kitkats, dont elle raffolait, et en
grignota en attendant la fin de cuisson du gâteau. Lorsque le four sonna, elle
le sortit et le laissa refroidir un peu avant de le transférer dans une
assiette et d’en couper deux parts, qu’elle mit sur leur plateau.
Enfin, satisfaite, elle prit le
déjeuner d’Alexia et l’emmena dans la chambre. Elle le déposa au sol puis
s’assit au bord du lit et sourit devant le charmant tableau qui lui faisait de
l’œil. Elle respira à fond pour faire taire sa libido et secoua doucement la
jeune endormie. Lorsqu’elle vit ses yeux papilloter, elle se pencha et déposa
une ribambelle de baisers légers sur son visage avant de terminer sa course sur
ses lèvres qu’elle pressa un peu plus fort.
Tia sentit un sourire se former
sous sa bouche et elle suivit le mouvement en se reculant un peu.
- Bonjour toi.
- Bonjour belle apparition.
Le sourire de Tia s’agrandit.
- Je t’ai fait le petit déjeuner.
- Vraiment ?
- N’ai pas l’air si étonnée, j’en
suis capable tu sais, fit Tia avec un sourire ironique.
- Mais c’est toujours moi qui
faisait la cuisine à la maison, rétorqua-elle en se redressant.
« La maison
hein ? » répéta la mercenaire dans sa tête. Elle ne savait pas trop
quoi faire de cette déclaration, alors elle la mit dans un coin de sa tête pour
y réfléchir plus tard.
- C’était juste plus pratique. Il
me faut de l’espace, du temps et des ingrédients de bonne qualités, sinon je
trouve que c’est gâcher mon talent.
- Mais pas le mien ? demanda
Alexia estomaquée.
- Non. Ton talent à toi c’est de
faire de bons repas avec presque rien. Le mien de créer des ?uvres d’art
culinaire. Et l’art demande du temps.
- Et de qui tu tiens ça ?
- De ma mère.
- Oh.
Alexia posa son regard sur elle un
long moment et Tia se demanda si elle allait lui poser des questions sur sa vie
d’avant. Mais elle ne le fit pas, à son grand soulagement, et elle se pencha
pour récupérer le plateau sur le sol et le lui donner. « Pourtant un jour il faudra bien que je la lui raconte.
Elle est bien trop curieuse pour
se contenter de réponse vague » songea-elle en la regardant s’émerveiller
devant le repas et la remercier d’un sourire et d’un baiser. « Y
arriverais-je ? Le voudrais-je seulement ? Y repenser est douloureux,
alors en parler… et puis c’est ma vie, mon enfance, mes cauchemars, ma haine…
ils n’appartiennent qu’à moi. »
Pourtant, lorsqu’elle la vit se
mordre la lèvre pour retenir les larmes qui montaient à la vue de la rose, et
la délicatesse avec laquelle elle la prit pour la sentir, elle douta. Son
sourire tremblant, amena sa main à sa joue, qu’elle caressa avec douceur.
« Peut-être… Si comme en cet instant cela les rapprochait, alors peut-être
que partager ne serait pas une si mauvaise chose… »
Tia repartit vers la cuisine
récupérer son propre petit déjeuner et elles mangèrent côte à côte, parlant de
tout et de rien, jusqu’à ce qu’un carillon les interrompe.
Tia se leva d’un bond furieuse
contre elle-même.
- Qu’est-ce qui se passe ?
s’inquiéta Alexia.
- Waco et Karl. Je les avais
complètement oublié.
- Vas prendre une douche pendant
que je vais leur ouvrir.
- Attends ! Tu ne vas pas y
aller comme ça ?!
Mais la mercenaire avait déjà
quittée la pièce. Elle se leva avec un soupir puis se dépêcha de prendre une
douche. Elle ne voulait pas manquer la réunion. Elle revêtit ensuite une des
tenues qu’elle avait acheté la veille. Un jean délavé et un pull léger en coton
noir avec col en V. Elle enfila des baskets blanches et rejoignit tout le monde
au salon.
Tia vêtue en tout et pour tout
d’un T-shirt taille XXL rouge vif, était assise en tailleur sur un des
fauteuils en cuir. Karl et Waco étaient quant à eux sur le canapé d’en face.
Elle voulu s’assoir sur l’accoudoir du fauteuil de Tia mais se retint, elle ne
savait quelle attitude adopter face à d’autres personnes et ne voulait en aucun
cas gêner la mercenaire. Elle choisit donc le fauteuil à côté d’elle en saluant
tout le monde.
- Oh elle est encore là
elle ? lança Waco sarcastique. Toujours pas lassée ? fit-elle à Tia.
Alexia la fusilla du regard et
écouta Tia reprendre son exposé en ignorant l’autre mercenaire. Elle remarqua
le regard tantôt sérieux, tantôt gêné de l’agent du FBI. De toute évidence Tia
ne le laissait pas indifférent. « Ouais et qui le serait dans une tenue
pareille ?! » railla-elle. Elle ne manqua pas non plus les regards
appréciateurs de Waco et son attitude ouvertement intéressée. Tia elle ne
semblait rien remarquer. Elle n’avait même pas l’air gênée de se trimballer
dans cette tenue devant tout le monde !
« Holà calme Alexia, se
morigéna-elle, elle n’a jamais caché son absence de pudeur ! Ça a
même donné lieu à de sacrés rêves érotiques ! Elle est comme d’habitude
alors ne va pas faire ta jalouse. Je doute que se soit le genre de truc qu’elle
apprécie. » Elle prit plusieurs longues inspirations et tenta de se
concentrer sur l’entretien. Mais comme Tia reprenait l’intégralité de leur
conversation de la veille, elle s’en désintéressa vite. Elle observa Waco et au
vu des regards qu’elle lançait à Tia, en vint à la conclusion que soit elle
rêvait de coucher avec elle, soit elle l’avait déjà fait, voire les deux.
Alexia se retint difficilement de
sauter par-dessus la table basse pour arracher les yeux de la blonde et ainsi
de marquer son état de propriétaire. « Ok, ça s’annonce rude » se
dit-elle en serrant les mains à s’en blanchir les phalanges sur les accoudoirs
du fauteuil. Elle avait toujours eu un sens extrême de la propriété. Et sur le
plan amoureux, elle avait adopté l’attitude son père. Machiste à souhait. Mais
ce n’était pas un comportement qui passerait avec Tia, elle en avait
conscience. Ce n’était pas une relation qui s’annonçait facile, parce que Tia
attirait les regards comme le miel les abeilles.
Sa psy lui avait toujours dit
qu’elle avait cette conduite parce qu’elle manquait d’assurance. Elle n’était
jamais sûre des autres et se sentait menacé à tout instant de perdre
l’affection des personnes qu’elle aimait. Et c’était ça qui la poussait à avoir
ce comportement de propriétaire. « Ben si elle à raison, j’ai pas fini de
péter les plombs. C’est pas Tia qui pourra me rassurer. Qu’elle m’ait dit
qu’elle m’aimait tient déjà du miracle ! » songea Alexia de mauvaise
humeur.
Elle ne prit conscience du départ
des deux invités que lorsque Tia mit une main sur son épaule en lui demandant
si cela allait.
- Non, ça va pas, lâcha-elle avant
d’avoir pu se retenir. Tu trouves normal de se balader à moitié à poil devant
les gens ?! Remarque peut-être que ça te plaît ? Peut-être que tu
voulais aguicher Waco ? Et bien bravo, ça a marché ! Alors qu’est-ce
que tu attends pour la rejoindre ?! Une invitation ? Elle a passé
tout le temps qu’elle était présente à le faire !
Tia la regardait
éberluée. « Qu’est-ce qui lui prenait ? Et pourquoi elle
m’insulte ? se demanda-elle en regardant son t-shirt, il n’a rien
d’indécent ». Il tombait juste au dessus de ses genoux et couvrait tout ce
qui aurait pu choquer.
- A qui il est ce t-shirt
d’abord ? Il est bien trop grand pour toi !
- A Enyalios. Il est trop grand
pour lui aussi. Il aime bien en mettre des fois.
Alexia grinça des dents à
l’évocation de celui qu’elle sentait comme un rival depuis le début.
- Et à quelle occasion il l’a
laissé ici ?
- … Tu n’as pas envie de le
savoir, répondit finalement une Tia irritée.
Elle ne comprenait pas pourquoi
cette conversation avait démarrée. Alexia garda un moment le silence.
- Je vois, lâcha-elle. Juste pour
savoir, t’as couché avec Karl aussi ? Ou tu préfères seulement les
mercenaires ?
Le visage de Tia se changea en un
masque inexpressif.
- J’ai un passé Alexia. Si tu ne
peux pas l’accepter, autant arrêter là tout de suite.
Dire ces mots lui arrachait le
cœur, mais elle ne voyait pas quoi faire d’autre. La vie serait vite un enfer
si ça se passait ainsi à chaque fois.
Alexia sentit une douche glacée
lui tomber dessus. La panique remplaça instantanément la colère.
- Non, attends, pardon. Je ne le
pensais pas. Je suis désolée. Ce… je suis très jalouse et j’ai beaucoup de mal
à me contrôler. Ma psy n’arrête pas de me dire qu’il faut qu’on en parle
sérieusement. Excuse-moi s’il te plaît. Je… j’ai besoin de toi, ajouta-elle
doucement. Et… on a passée une si bonne soirée hier… ne me laisse pas tout
gâcher.
Tia garda le silence un long
moment, contemplant le plancher et hocha finalement la tête. Alexia soupira de
soulagement et s’approcha de la mercenaire. Elle posa une main sur son bras,
hésitante.
- Je t’aime Tia, fit-elle au bord
des larmes.
- Il faut que tu me fasses
confiance, dit-elle enfin en la regardant dans les yeux.
- J’ai confiance en toi Tia. Le
problème vient de moi.
- Alexia je ne suis pas sûre de
pouvoir accepter ce genre de scène, tu sais. Je ne sais pas ce que signifie
être avec quelqu’un, mais je ne pense pas que ça en fasse partie. Et si c’est
le cas…
- Non, non, ça n’en fait pas
partie. Enfin pas à ce degré là, fit-elle avec une grimace.
- Comment changer ça ?
- Je ne sais pas, fit Alexia une
larme coulant sur sa joue.
- On pourrait peut-être contacter
ta psy ?
- Bonne idée.
Elles se regardèrent un long
moment, puis Tia attira la jeune femme qui pleurait, dans ses bras.
- Je suis désolée… dit-elle dans
un sanglot.
- Ce n’est pas grave, fit-elle
tranquillement. On va arranger ça.
- Tu crois que c’est
possible ?
- Ben, dans les films ils disent
toujours que l’amour peut tout permettre de surmonter. Et je t’aime assurément
assez pour vouloir tenter l’expérience.
Un petit rire lui répondit.
- Quoi ?
- Ta référence aux films. Ça m’a
fait rire.
- C’est mon seul point de
comparaison, fit-elle en haussant les épaules.
- Moi ça ma va, dit Alexia en se
blottissant de nouveau contre son amie. Au fait à quoi a aboutit la
réunion finalement ?
Un éclat de rire retentit soudain.
- J’ai l’impression de te répéter
toutes nos conversation ces derniers temps, réussit à dire Tia entre deux
hoquets.
Tout son corps tremblait et Alexia
ne tarda pas à ressembler à un prunier, mais elle refusa de lâcher prise. Elle
était trop bien.