Et dans son propre rôle, chapitre 2
CHAPITRE DEUX
Je
frappai à la porte de la caravane de Liz avec la pointe de ma botte le
lendemain matin à 7H55, buvant à petite
gorgée dans une grande tasse de café en carton que je tenais dans une main, suspendu dans l’autre main se trouvait un
plateau en carton contenant deux autres tasses de café fumant.
La
porte s’ouvrit et Paula, l’assistante de Liz, me fit entrer. Je grognais en
guise de salutation et entrais dans la caravane, présentant le plateau et
montrant avec mon menton celui le plus proche de Paula.
« Mocha
blanc quelque chose. Avec du lait de soja. »
Elle
prit la tasse indiquée du plateau en murmurant, « Tu es un amour.
Merci. » Tandis que je la dépassais, elle me toucha le bras. « Et je
n’en crois pas un mot. »
Je
fronçais les sourcils. « Un mot de quoi ? »
« De
ce qu’ils disent. A propos de toi et du figurant et de la chèvre. »
Chèvre,
singe… il n’y a pas grande différence quand vous êtes supposé les baiser.
Je
souris poliment. « Merci Paula, je suis flattée que tu ais une si haute
opinion de moi. » Elle fronça les sourcils doutant de la sincérité de mes mots. Avant qu’elle ait pu dire quoi que
ce soit d’autre à propos des rumeurs sur
mon amour des chèvres, je poursuivis. « Comment va Liz ce
matin ? »
Liz
n’était pas du matin, et il était toujours bon de connaître son humeur avant
d’engager la conversation.
« Et
bien, elle est… »
La
porte de la caravane s’ouvrit en grand et Liz en sortit d’un pas lourd, nous
lançant un regard furieux.
« Liz
est une adulte qui n’aime pas qu’on parle comme si elle n’était pas là. »
Elle s ‘effondra sur le canapé, nous fixant toujours. « Et pour
l’amour de Dieu Paula, je t’ai dit que ce truc avec la chèvre n’était qu’une
rumeur stupide. Honnêtement, je sais pas qui a lancé cette horreur. »
« C’est
fou n’est ce pas ? » Je commentais sèchement et tendis le plateau
comme offre de paix. « Le plus caféiné et le plus sucré qu’ils
avaient. »
Ses
yeux s’adoucirent un peu et elle tendit les mains. « Ohhhhh. Donne
moi. »
Je
posai le plateau et lui tendis la tasse. Elle la renifla et prit une petite
gorgée, fermant les yeux et grognant d’une manière qui aurait du me faire
rougir, si l’on considérait l’admission récente de ma sexualité, mais je n’ai pas rougi. Liz, malgré ses attraits
indéniables, ne m’avait jamais fait de l’effet sexuellement. Ce qui me plaçait
dans un minuscule pourcentage de
personnes sur cette planète, et expliquait probablement le fait que Liz
m’aimait bien.
Quelqu’un
toqua à la porte de la caravane. « Une voiture est là pour Stokley et
Harris ! »
Je
tendis la main et mis Liz sur ses pieds. « Allez, autant en finir
rapidement. » je dis avec un entrain évident.
« C’est
pas si terrible que ça Caid, » Liz roucoula et me tapota la joue. « Tu as besoin de travailler sur ta
sociabilité de toute façon. »
Je
pris un air renfrogné et elle rit, nous guidant hors de la caravane, s’arrêtant un instant sur le seuil avec un petit
couinement lorsque le soleil éclatant lui toucha le visage. Elle se retourna
vers Paula qui était déjà en train de lui tendre une paire de lunettes de
soleil qui étaient plus conçues pour le style que pour la fonctionnalité. Elle
les prit sans un mot.
Je
secouais la tête, prenant mes propres lunettes du haut de ma tête pour les
glisser à leur place avant de suivre Liz et Paula au bas des escaliers et dans
la limousine grise où deux personnes du département Relations Publiques de la chaîne
nous attendaient.
Liz
qui détestait absolument partager une limousine avec des gens qu’elle ne
connaissait pas, s’assit dans un silence maussade durant le trajet vers
l’hôtel, ses yeux lançant des couteaux aux deux passagers. Ils avaient l’air
mal à l’aise, mais je n’avais pas assez de sympathie pour lancer une
conversation qui aurait pu apaiser la tension. La préférence de Liz pour les
trajets en solo était connue de tous, et ces derniers auraient du le savoir. A
la place je m’assis et bus doucement mon café qui se refroidissait, laissant la
caféine faire son travail pendant que Paula tapait intensément sur son ordinateur portable et utilisait
occasionnellement son téléphone portable.
A
l’hôtel, on nous escorta dans une petite salle de conférence et on nous offrit
des croissants, des muffins et plus de café. Quelques minutes plus tard, 45
journalistes venant de différentes sources de média nationales et
internationales se regroupèrent, s’assirent et commencèrent un torrent de
questions.
J’étais
nerveuse au début, toujours pas habituée à la notoriété grandissante que
« Central 9 » m’avait apportée et peu sûre de moi face à la presse.
La plupart des questions étaient pourtant pour Liz, et bientôt je me relaxais
et appréciais le spectacle qu’était Elizabeth Ann Stokley. Cette femme était
vraiment un maître quand il s’agissait de faire face à la presse ; déviant les questions avec un charme qui
laissait les journalistes souriant, sérieuse un instant et charmeuse un autre,
contrôlant la pièce sans les laisser réaliser qu’ils étaient contrôlés.
Finalement,
au bout d’une heure et demi, l’animateur donna le signal des dernières
questions.
« Une
question pour Ms. Stokley et Ms. Harris, » dit une femme courte et forte
dans le fond. « Êtes-vous conscientes qu’au cours des deux dernières
années il y a eu une explosion d’histoires en ligne vous décrivant dans une
relation homosexuelle toutes les deux ou avec d’autres personnages du casting
de « Central 9 » ? Est-ce que ceci a affecté vote manière de
travailler, et que pensez vous des chances qu’une telle histoire apparaisse
pendant les heures de prime time ? »
J’entendis
Liz prendre une inspiration choquée à
côté de moi, mais je gardais mes yeux fixés sur la journaliste et ce que
j’espérais être un sourire détendu sur mon visage, même si mon cœur battait si
fort que c’était un miracle que les micros ne l’entendent pas.
Inspirant
calmement, je regardais Liz, remarquant qu’elle tremblait plus que je ne l’avais jamais vue. Je sentis un éclair de contrariété. Qu’est ce qui était si épouvantable, le fait
d’être lesbienne ou bien le fait d’être prise pour une lesbienne.
Je
repoussais immédiatement ma contrariété, ma propre réaction n’avait pas été
beaucoup mieux, et j’étais lesbienne.
Au moins en théorie.
C’est
fou ce que la société nous conditionne.
« Je
pense que je vais prendre celle la, si ça ne te dérange pas Liz ? »
Je dis lui souriant de manière rassurante.
Elle
sembla reprendre son aplomb, et réussi même à me sourire. « Vas y. »
Je
reportais mon attention sur la journaliste, remarquant que les autres
journalistes étaient vraiment silencieux.
Je
réfléchis un instant.
Okay, Caid, vas y
tranquillement avec celle là. J’avais
à peine fait mon coming out pour moi, je n’étais certainement pas prête à le
déclarer au monde entier.
« Oui,
je suis consciente qu’il existe des sites internet contenant des histoires sur
les personnages de « Central 9 », et que certaines de ces histoires
sont de nature lesbienne. »
J’étais
surprise de combien ça sonnait naturel d’utiliser le mot.
Lesbienne.
J’étais
lesbienne.
Je
ne me l’étais pas encore dit à moi même ; c’était beaucoup plus facile que
je ne le pensais.
Je
fis une pause en réaction à ma révélation interne, et la journaliste qui avait
posé la question ouvrit la bouche pour parler, je la coupais avant qu’elle
puisse développer sur la question.
« En
quoi ces histoires affectent ma relation professionnelle ou personnelle avec
Liz ? » je haussais les épaules. « Elles ne l’affectent pas. Liz
et moi sommes amies, et avons une relation de travail très confortable,
contrairement à ce que certains journaux et magazines peuvent dire. Aucun
d’entre vous, bien sûr, » Je souriais de mon sourire le plus charmant,
écoutant la leçon de Liz, et j’étais satisfaite d’entendre quelques rires. « Je ne vois pas pourquoi ces relations
changeraient à cause de gens qui écrivent des histoires sur les personnages que
l’on joue dans une série TV. »
« Et
si je pense ou non qu’une intrigue
homosexuelle prendra place pendant les horaires prime time… je pensais que
c’était déjà fait. Il y a eu plusieurs personnages gays dans la télévision
prime time. Il est vrai qu’il y a encore du chemin à parcourir pour que ce soit
un personnage récurrent dans une série comme « Central 9 », et que sa
sexualité soit traitée avec la même décontraction qu’un personnage
hétérosexuel mais je pense qu’on va
finir par y arriver. » Je souris à la femme. « Donc, pour répondre à
vote question, je dirais que les chances que ce genre d’intrigue arrivent en
prime time sont plutôt bonnes, mais je ne vais pas deviner une
chronologie. »
Plusieurs
journalistes levèrent la main après que j’aie terminé, mais une des personnes
des relations publiques – il me semble que son nom était Nick – annonça que
nous avions d’autres engagements, et la conférence se termina poliment si ce n’est à contre cœur.
Nous
signâmes quelques autographes à un groupe de personnes attendant dans le hall
et remontâmes dans la limousine, les deux hommes des Relations Publiques ayant
choisi sagement de prendre un taxi.
Dès
que que la porte se ferma, Liz se tourna vers moi et m’agrippa le bras.
« Putain, c’était pour quoi tout ça ? Les gens pensent que je suis
lesbienne et ils écrivent des choses à ce sujet sur le net ? C’est
illégal ! Je peux les poursuivre ? Merde, j’ai besoin d’appeler Woody
pour voir si je peux attaquer. Paula passe moi Woody. »
Je
soupirais. Merci de t’inquiéter aussi de
ma carrière, Liz.
« Liz…
calme toi. » Je dégageais mon bras et me rassis, passant une main dans mes
cheveux par contrariété. « Ce ne sont pas des histoires sur toi, nom de
Dieu ; ce sont des histoires sur Jen Hastings. Un personnage de
fiction. »
Ça
sembla la calmer un peu, mais elle prit quand même le téléphone quand Paula le
lui tendit.
« Woody ?
Bien sûr c’est Liz. J’ai une journée de merde, merci beaucoup. Est ce que tu
savais que ces gens de l’Internet croient que je suis lesbienne ? »
Je
roulais des yeux. « Liz… »
« Eh,
Woody, je te passe Caid. Elle sait. »
Elle
poussa le téléphone dans ma main, et résignée je le mis à mon oreille.
« Woody ?
C’est Caid. »
« Caid,
de quoi elle parle ? » La voix troublée et nasale de Woody Stein
me parvint de l’autre côté de la ligne.
Je
mis mes doigts sur le haut de mon nez et fermais les yeux. « Ecoute,
laisse moi te rappeler, okay ? »
« Caid… »
« Je
te rappelle. » Je fermais le téléphone en le claquant, sachant que ça
énerverait Woody, mais sachant aussi que Liz arrangerait les choses pour moi.
« Qu’est
ce que tu fais ? » me demanda Liz rageusement. « Tu
dois … »
« Liz. »
« …
raconter ça à Woody… »
« Liz. »
« Je
les poursuivrai …»
« Liz,
ferme la ! »
Liz
cligna des yeux et Paula me regarda d’un ai choqué mais la voiture était enfin
calme.
« Merci.
Maintenant écoute moi pendant une seconde, okay. ? Ces histoires sont
appelées FanFiction. Des gens écrivent des histoires sur les personnages d’une
série. Elles ne parlent pas de toi. Tu ne peux poursuivre personne parce que ça
ne parle pas de toi. Ça parle des personnages de la série. »
« Je
ne peux pas. »
« Non,
tu ne peux pas. »
Elle
était silencieuse pendant un moment puis fronça les sourcils. « Comment tu
connaît ces trucs ? Et pourquoi tu ne m’en as pas parlé ? »
Je
me grattais inconsciemment la nuque. « Je faisais des…ah… recherches sur
Internet un soir et je suis tombée sur un site qui avaient des trucs sur la
série. J’étais curieuse donc j’en ai lu quelques uns. » Je ne pense pas
qu’elle avait besoin de savoir exactement sur quoi mes ‘recherches ‘ portaient. « Je ne te l’ai pas dit parce
que je ne pensais pas que c’était important. Ce sont juste des histoires Liz.
Ça ne parle pas de toi. Personne ne t’accuse d’être lesbienne. »
Elle
fronçait toujours les sourcils, son front obscurci par ses pensées. « Je
voudrais en voir quelques unes, » dit-elle brusquement.
Je
haussais les épaules. « Très bien, je t’enverrai quelques liens. »
« Quelques
quoi ? »
Liz était nulle avec les ordinateurs. Je
regardais Paula qui hocha la tête.
« Paula
sait ce que je veux dire et elle te montrera. »
« Montre
moi maintenant. Utilise l’ordinateur de Paula. On est à mi chemin du
studio. »
Parfois
son attitude m’agaçait vraiment.
« Dis
s’il te plait. »
Liz
cilla. « Quoi ? »
« Dis
s’il te plait. Je suis pas ta putain d’assistante Liz – sans vouloir
t’offenser Paula, » je regardais l’assistante pour m’excuser. Elle sourit légèrement et secoua la tête.
« Je suis ton amie et ta collègue. Dis s’il te plait. »
Nous
nous fixâmes un long moment et elle finit par soupirer. « Je suis désolée
Caid ». Sa voix était contenue. « S’il te plait. »
Je
lâchais mon propre soupir et me tournais vers Paula. « Paula, je peux
t’emprunter ton ordinateur un moment s’il te plait ? Cette voiture a le
wifi non ? »
« Bien
sûr Caid ». Elle acquiesça, cliquant quelques fois pour quitter ce qu’elle
faisait, et me tendit le portable.
J’ouvris
le navigateur, googlais quelques mots clés dont je savais qu’ils me donneraient
ce que je cherchais, naviguais dans les résultats, en choisissant finalement
un, le parcourant rapidement et plaçais le portable sur les genoux de Liz.
« En
voici une. Appuie sur ce bouton quand tu veux descendre. »
« Merci »
elle murmura poliment et commença à lire.
Je
partageais mon attention entre regarder les voitures qui comme nous étaient
coincées dans le trafic du déjeuner, et
regarder l’expression de Liz passer de curieuse et légèrement ennuyée à absorbée et concentrée. En fait, je n’avais
pas lu beaucoup de fan fiction ‘C9’ – ça m’avait semblé être un peu
égocentrique – mais j’avais beaucoup apprécié celle là.
Liz
était toujours en train de lire lorsque la limousine se gara à l’extérieur du
studio, relevant les yeux à contre cœur lorsque Paula annonça que nous étions
arrivées.
« Mais… je n’ai pas fini. Je ne peux
pas le sauvegarder ? » Elle demanda honteusement.
Paula lui assura qu’elle pouvait et lui
prit l’ordinateur, mit un marque page sur le site et me fit un clin d’œil.
Je lui souris et suivis Liz hors de la
limousine et dans l’immeuble, curieuse de l’expression pensive de son visage.
Quand nous atteignîmes la caravane elle se
tourna, l’expression pensive se changeant en légèrement calculatrice.
« Donc il y en a beaucoup de ces histoires ? »
J’acquiesçais. « Des centaines…des
milliers même, je suppose. »
Ça la surpris. « Toutes sur Jen et Rita ? »
« Oh… non, non. Ils mettent toute
sorte de personnages ensemble. » Ça sembla la décevoir. « Combien
sont des histoires lesbiennes ? Beaucoup ? »
« Beaucoup. »
Ceci la satisfit et elle monta les
escaliers de sa caravane, me lançant un vague, « A plus tard, »
au dessus de son épaule.
Je fixais la porte de sa caravane pendant
un moment, me demandant ce qui lui passait par la tête, et pensant que quoi que
ce soit, je n’allais sûrement pas l’apprécier.
Enfin, je haussais les épaules et me
dirigeait vers ma propre caravane, me demandant si Robyn était sur le plateau
aujourd’hui.