Sassem, partie VI, chapitres 1-2
PARTIE VI : Ça se corse…
Chapitre 1 :
Tia raccrocha et
reposa pensivement son téléphone sur la table de chevet à ses côtés. Comment
allait-elle annoncer cela à Alexia ? Comment même expliquer ça ?
Cela supposait
qu’elle touche à certains sujets, qu’elle n’était pas encore prête à aborder.
Elle se retourna vers la forme endormie et cachée sous de multiples couches de
couvertures.
Elle n’avait pas le
temps. Len n’avait pas le temps. Elle tendait la main vers la bosse à ses
côtés, lorsqu’un bip retentit. Elle suspendit son geste et récupéra son
téléphone. C’était Frédéric qui lui avait envoyé le nom et l’adresse de
l’hôpital où ils se trouvaient. Elle nota les informations dans un coin de sa
tête et effaça le message.
Puis elle secoua sa
compagne et un grognement outragé lui répondit, lui tirant malgré elle un
sourire.
Elle la secoua de
plus belle et Alexia comprit qu’elle devait, au moins, montrer une partie de
son corps. Sa tête, ou plutôt ses yeux, émergèrent. Elle darda un regard
suspicieux sur son amante et gronda.
- Quoi ?!
Alexia n’avait
jamais été et ne serait jamais du matin. Surtout pas lorsqu’elle était couchée
depuis seulement 3h !
- Je dois partir,
annonça son amie.
- Ok, fit-elle avant
de retourner sous les couvertures.
- Lex, soupira la
mercenaire. Je dois réellement partir. Hors de l’Australie, ajouta-elle quand
elle n’obtint pas de réaction.
Un instant le
silence plana, laissant supposer qu’Alexia n’avait pas entendu ce qu’elle
disait, puis d’un bond brusque, elle émergea de sous les couvertures,
échevelée, nue et l’air absolument pas contente.
- Et
pourquoi ?! s’écria-elle.
La vision
enchanteresse fit bugger la grande brune et son train de pensée dérailla.
Alexia leva deux
sourcils courroucés
et après quelques clignements d’yeux perdus, Tia réussit à se rappeler le sujet
de la conversation.
- Euh, eh bien…,
fit-elle en se raclant la gorge, embarrassée de s’être laissée surprendre, j’ai
un truc personnel à régler.
Le sourcil droit
d’Alexia grimpa si haut sur son front que Tia crut qu’il allait s’envoler.
- Personnel,
hein ?
Elle hocha la tête.
- Quoi
exactement ?
- C’est personnel
Lex.
- Ok. D’accord je
peux comprendre que tu veuilles garder certaines choses pour toi, mais pourquoi
dis-tu que « tu » dois partir ? Pourquoi tu n’emploies pas le
« nous » ?
- Parce que je pars
seule Lex, ça me paraît évident.
- Non, non, non, mon
amour. Plus de séparation. Jusqu’ici ça ne nous a pas été le moins du monde
favorable, alors oublie cette idée complètement grotesque. Je ne te quitte
plus, conclut la jeune femme en croisant les bras sous sa poitrine.
Le mouvement remonta
involontairement la dite poitrine, attirant le regard de Tia qui perdit à
nouveau le fil de ses pensées. « Oh bon sang ! songea-elle exaspérée,
reprends-toi t’es plus une gamine ! »
Elle se leva
brusquement, attrapa un pull qui traînait et le lança vers son amie avec un
regard mauvais.
Alexia reçut le
vêtement un peu perplexe puis sourit en en comprenant la raison. Elle profita
de ce qu’elle était debout pour se repaître de la vue. Tia avait un corps
splendide, même après plusieurs semaines d’enfermement et de privation, elle
restait la plus belle femme qu’elle avait jamais vue…
- Lex je ne peux pas
t’expliquer pourquoi, mais tu ne peux pas venir.
- Et c’est sensé me
convaincre ? railla-elle.
Tia soupira. Elle
pouvait camper sur ses positions et se préparer à une longue et difficile
bataille, ou céder et gagner un temps précieux.
- Très bien,
capitula-elle. Habille-toi, je vais prévenir mon oncle. On part dès que l’avion
est prêt.
Et je ne veux aucune
question. Je n’ai ni l’envie, ni la force de vouloir m’expliquer. Si tu veux
venir, tu tiens ta langue.
Alexia hocha
vivement la tête et la regarda partir en enfilant un peignoir bleu nuit,
assorti à ses yeux. Elle était très intriguée, les exigences de son amie ayant
attisé plus que refroidi sa curiosité naturelle.
Elle prit une douche
et s’habilla rapidement puis entreprit de leur préparer un sac léger à chacune.
Lorsque Tia revint
elle était prête à partir. La mercenaire fila sous la douche puis se vêtit des
vêtements qu’Alexia lui avait choisi. Elle sourit en enfilant le pantalon noir
fendu sur les côtés qu’Alexia lui avait acheté lors de leur premier rendez-vous
et la chemise noire en soie dont elle s’était portée acquéreur lors de leur
mission en Italie. La chemise noire lui collait au corps et mettait ses formes
en valeurs.
Elle mit ensuite les
bottes en cuir noir qu’elle affectionnait et se regarda rapidement dans le
miroir en sortant.
« Ses cheveux raides
et décoiffés lui donnait un air sauvage qui va à merveille avec son regard
farouche », songea sa compagne blonde en la voyant revenir dans leur
chambre.
Elle lui sourit et
s’approcha d’elle. Tia la prit dans ses bras et la regarda longuement. Elle ne
savait pas comment elle allait prendre ce qu’elle allait lui apprendre, mais si
elle ne craignait plus un rejet, elle avait peur de la blesser.
Autant parce qu’elle
ne lui en avait jamais touché un mot que parce qu’il faudrait lui en expliquer
l’origine. Et ça… ça allait être douloureux pour elles deux.
********************************
Elles arrivèrent en
Ontario dans le courant de la soirée et se dirigèrent directement vers
l’hôpital.
Alexia mourrait
d’envie d’interroger son amie sur le pourquoi de la chose, mais elle se
retenait comme elle le lui avait promis. Le taxi les déposa devant l’entrée
d’un hôpital et son imagination se mit à battre la campagne.
Tia donna l’adresse
de leur maison et un large pourboire au chauffeur, pour qu’il y dépose leurs
bagages. Elle tourna ensuite les talons et entra d’un pas décidé dans
l’hôpital. Elle négligea l’accueil et entraîna Alexia dans l’ascenseur puis
dans un dédale de couloir qui lui donnèrent rapidement le tournis.
Enfin, Tia stoppa
devant une porte blanche dans la section pédiatrique. Des petits poissons
décoraient les murs et des petits singes aux grimaces rigolotes se trouvaient
sur chacune des portes de chambre.
Tia inspira
profondément et prit son courage à deux mains, elle tourna la poignée de la
porte et lui jeta un bref coup d’œil où Alexia discerna une angoisse latente.
Elle lui attrapa la main et la pressa gentiment. Tia lui rendit la pareille
puis entra dans la pièce avant de perdre son courage.
Elle fit quelques
pas dans la chambre puis se figea. Alexia contourna la grande femme et
découvrit l’objet de son angoisse.
Un jeune garçon,
d’une dizaine d’années environ, était étendu dans un lit d’hôpital à l’aspect
étroit, visiblement endormi. Alexia observa, fascinée, les traits de son visage.
Il avait la peau mate et les cheveux noirs comme la nuit. Ses traits fins et
délicats rappelaient sans aucun doute possible ceux de la femme qui se tenait à
ses côtés.
Elle dévisagea sa
compagne et la vit dévorer des yeux le jeune garçon.
- Il a tellement
grandi… dit-elle d’une voix basse.
Alexia déglutit,
abasourdie et serra la main qu’elle tenait avec une force surprenante.
- C’est…
commença-elle avant de se souvenir des demandes de son amie.
- Mon fils, oui,
répondit néanmoins la grande femme. Len. Il à 13 ans. Et…
La vue de son fils
dont elle avait si longtemps été privé, lui coupa la parole. Alexia le comprit
et n’insista pas. Alors que Tia s’approchait de son fils et lui prenait la main
avec une douceur délicate, Alexia se tourna vers la porte qui venait de
s’ouvrir.
Un homme ayant la
stature et l’attitude d’un cow-boy entra. Il avait le visage tanné et bronzé.
Des rides d’expression et de vieillesse parsemaient sa peau. Il possédait une
assurance brute qu’il dégageait sans en avoir conscience et porta la main à son
chapeau lorsqu’il la vit. Il la salua en lui serrant une main ferme et lui
envoya un sourire chaleureux quoique pâle car fatigué.
- Tu es venue,
fit-il en apercevant son amie.
Tia se retourna d’un
bloc et se jeta dans ses bras sans prononcer un mot. Deux larmes roulèrent sur
ses joues et elle murmura d’une voix enrouée :
- Comme si je
pouvais faire autrement…
- Je suis content
que tu sois là. Et j’en connais un qui ne se tiendra plus, lorsqu’il sera
réveillera, ajouta-il en faisant un geste vers le lit où se reposait son fils.
- J’espère…
Puis elle repoussa
son ami et regarda derrière lui. Une petite jeune fille la dévisageait les yeux
ronds et lorsqu’elle se vit découverte, son visage se ferma et elle darda un
regard noir sur la mercenaire. Celle-ci eut un sourire triste et s’agenouilla
devant elle.
- Bonjour Lara. Je
suis contente de te revoir enfin.
La jeune fille
recula d’un pas et croisa ostensiblement les bras sur son torse, refusant de
lui serrer la main.
- Lara, gronda
l’homme mécontent.
- Ce n’est rien,
laisse, contra Tia en se relevant. Je la comprends.
Elle se tourna
ensuite vers lui et désigna Alexia.
- Je te présente
Alexia, elle m’accompagne, fit-elle alors qu’Alexia fixait la gamine avec
incrédulité.
Elle avait les
cheveux blond-roux et des yeux d’un bleu aussi stupéfiant que ceux de sa
compagne. La peau aussi mate que Len, elle semblait néanmoins plus petite que
lui.
- Alexia, voici
Frédéric Koskov, mon Maître, continuait la mercenaire sans se rendre compte de
son trouble.
Alexia s’ébroua et
posa son regard sur l’homme qui faisait une tête de plus que Tia et qui
semblait aussi solide et indétrônable qu’une montagne.
- C’est aussi le
tuteur de Len et Lara.
- Tes enfants, lâcha
Alexia toujours pas remise de sa surprise.
Tia lui fit un petit
sourire d’excuse et pressa sa main, puis se retourna vers Frédéric.
- A qui je dois
m’adresser ?
- Pour les
tests ? Je vais aller chercher son médecin. Non Lara, dit-il à la jeune
fille blonde, tu reste ici.
Lara regarda son
père adoptif sortir de la pièce et se retourna avec une réticence manifeste
vers sa « mère ». Celle-ci lui dédia un petit sourire en coin, qui la
frappa tellement il était semblable à celui de Len, puis elle la vit se tourner
vers son frère et lui prendre la main, manifestement inquiète.
Alexia observait la
petite fille et celle-ci dut le sentir car elle se tourna soudain vers elle et
elles se dévisagèrent un long moment. Alexia avec curiosité et Lara avec
suspicion.
Alexia finit par détourner
son regard et partit s’asseoir dans un des fauteuils qui se trouvait sous la
fenêtre et faisait face au lit. Elle prit alors conscience du tableau que son
amante formait, ainsi entourée de ses enfants, et sa respiration s’arrêta.
« Incroyable »
songea-elle. Ils étaient à la fois si semblables et si différents…
Soudain, les yeux de
Len papillotèrent et fixèrent un instant le plafond, essayant probablement de
se souvenir où il se trouvait. Puis il sentit une pression réconfortante
s’exercer sur sa main et tourna les yeux dans cette direction. Il tomba sur le
regard de sa sœur et mit quelques secondes à comprendre que le reste du visage
ne correspondait pas du tout au sien.
Il ouvrit alors la
bouche et tel une carpe échouée sur le sable se mit à l’ouvrir et à la fermer
plusieurs fois sans parvenir à en tirer un son.
- Maman, réussit-il
enfin à dire d’un ton émerveillé.
L’inquiétude qui
avait saisi la grande femme se mua alors en soulagement et en joie émue.
C’était la première
qu’on l’appelait ainsi. Maman. Un mot si simple et pourtant si rare.
- Oui, fit-elle en
lui serrant la main.
- Maman !
s’écria-il avec une joie incrédule en se redressant d’un bond.
Il se jeta dans ses
bras et l’étreignit autant que ses petits bras le lui permirent, puis il se
tourna vers sa sœur et lui lança :
- Tu vois, je
t’avais dit qu’elle viendrait ! Je t’avais dit que c’était pas pour
toujours !
Lara loin d’être
aussi enthousiaste que son frère, se contenta d’affermir ses bras sur son torse
et appuya son dos contre le mur de la chambre, dans une posture hostile qui
n’était pas sans rappeler celle de sa mère.
Le médecin et
Fréderic choisirent ce moment pour revenir et la mère et l’enfant se séparèrent
à regret.
- Je vois que tu as
l’air d’aller mieux jeune homme ! remarqua le médecin en ébouriffant ses
cheveux.
- Ma mère est
là ! fit-il comme si cela expliquait tout.
Le médecin se tourna
vers elle et lui tendit la main.
- Dr Jean, enchanté
madame.
Tia hocha la tête.
- Pour les tests…
- Tout est prêt, on n’attend
plus que vous, s’exclama-il joyeusement.
Tia se leva et fit
signe à Alexia qu’elle ne serait pas longue. Celle-ci s’aperçut à peine de son
départ, toute son attention fixée sur les yeux du garçon. Len la regardait avec
un grand sourire et Alexia ébahie se demanda si elle était bien réveillée. Les
yeux de Len étaient l’exacte réplique des siens.
D’un vert profond
pailleté d’or.
*******************************
Lorsque Tia revint
beaucoup plus tard dans la nuit, Len s’était endormi, Frédéric avait ramené
Lara chez eux et Alexia avait eu tout le temps de se reprendre.
- Alors ?
l’interrogea-t-elle lorsqu’elle s’assit à côté d’elle.
Tia posa un regard
fatigué sur son fils et une petite étincelle prit vie. Elle sourit à sa
compagne et haussa les épaules.
- Le Dr Jean dit
qu’il faut attendre tous les résultats, mais il est plutôt optimiste. Déjà on a
le même groupe sanguin : AB négatif, alors ça nous laisse une bonne chance
pour la suite.
- Et quand le
saura-t-on ?
- Je ne sais pas.
D’ici demain sûrement. Tu veux rentrer ?
- Je ne sais même
pas où c’est. Et comme tu vas manifestement passer la nuit ici, je préfère
rester avec toi.
Tia détourna les
yeux de son fils et les posa sur sa compagne. Elle avait l’air fatiguée et un
peu désabusée aussi. Un pincement au cœur lui apprit qu’elle se sentait
coupable. Évidemment. Comment Alexia aurait-elle dû se sentir après de telles
découvertes ? C’était un peu comme une trahison. Et pourtant… elle ne lui
avait posé aucune question. Respectant sa parole donnée plus tôt dans la
journée avec une fidélité qui forçait l’admiration, lorsque l’on connaissait
l’insatiable curiosité et l’obstination farouche de sa belle blonde.
- Je t’aime,
fit-elle soudainement avec un regard des plus intense.
Alexia la dévisagea
et ce qu’elle trouva dans les yeux bleus qui la fixait avec résolution, lui
réchauffa le cœur. Elle lui retourna un sourire chaleureux et lui prit une main
qu’elle porta à ses lèvres.
- Moi aussi,
souffla-elle. Tu ne t’imagines même pas à quel point.
Elles restèrent
ainsi, les yeux dans les yeux, de longues minutes qui leur parurent être de
petites gouttes d’éternité. Finalement Tia se pencha au dessus d’elle et posa
ses lèvres sur les siennes en passant une main derrière sa nuque. Leurs langues
se touchèrent, se goûtèrent et dansèrent ensemble avec la tranquille assurance
qu’elles avaient toute la vie devant elles pour s’explorer plus avant.
Tia se recula
légèrement, dessellant sa bouche de la sienne et son souffle chaud chatouilla
la peau autour des lèvres de sa compagne, envoyant de petites décharges de
plaisirs qui voyagèrent à travers son corps jusqu’à son ventre, qui se
contracta d’anticipation.
La mercenaire frotta
doucement son nez contre le sien, puis continua le jeu en caressant les lèvres
d’Alexia à l’aide de sa langue, ce qui lui arracha un gémissement et fit
sourire sa compagne.
Brusquement, elle
planta un baiser sonore sur ses lèvres et se réinstalla confortablement dans
son fauteuil.
Alexia sentit monter
un gémissement de frustration, qu’elle s’interdit de laisser sortir et posa un
regard noir sur le visage satisfait de sa compagne. Elle se renfonça dans son
siège, particulièrement agacée, mais les mots qui flottèrent un instant plus
tard entre elles, le lui fit totalement oublier.
- Je t’expliquerais
tout une fois au ranch, déclara Tia sans la regarder, d’où ils viennent,
pourquoi je ne les ai pas revus depuis leur naissance et pourquoi je ne t’ai
rien dit. Mais, comme tu t’en doute certainement, ça ne sera pas un récit très
drôle et… en fait… pour moi… ça va être la partie la plus difficile de mon
enfance… je… je vais vraiment avoir besoin de toi… alors, si à un moment tu
sens que tu n’y arriveras pas, dis-le moi. N’hésite pas. Interrompt-moi. Mais
si je le fais, sache que je ne ré-aborderais plus jamais le sujet. C’est une
partie de ma vie que je souhaite plus que tout autre effacer de ma mémoire.
Devoir le revivre encore une fois… pour toi, je veux bien le faire… mais plus
jamais après ça.
Au ton grave et aux
mots choisis par sa compagne, Alexia sentit la crainte s’installer dans son
estomac. Comme l’avait dit Tia, ça n’allait pas être un récit facile à vivre
encore moins à écouter.
Mais elle le ferait.
Parce qu’elle était certaine que Tia en avait besoin et parce qu’elle voulait
connaître toutes les blessures qui avaient marqué et laissé de tels bleus à une
âme par ailleurs magnifique.
*********************************
Le lendemain
après-midi, sur l’insistance de Frédéric, Tia et Alexia étaient rentrées au
ranch se reposer, le laissant seul avec Lara et Len. Son fils, lorsqu’il avait
compris que sa mère était restée à son chevet toute la nuit avait arboré
un sourire très fier qui ne l’avait pas
encore quitté lorsqu’elles s’étaient absentées. Pour convaincre Tia de partir, il
avait fallu que le médecin lui explique l’importance pour son corps d’être
vraiment reposé, lorsqu’elle passerait en salle d’opération pour le
prélèvement.
Le matin, Alexia et
elle avaient été tirées du sommeil inconfortable où elles avaient sombré tard
dans la nuit, en leur donnant le résultat des examens. Tia était compatible et
le médecin avait donc programmé l’intervention pour le lendemain matin, 7h.
Ainsi son fils s’était éveillé avec deux bonnes nouvelles.
Alors qu’Alexia
partait en exploration dans la propriété, ravie de voir d’aussi près un vrai
ranch, Tia se rendit directement dans la chambre que son maître lui avait attribuée 13 ans plus
tôt. Elle y pénétra en bloquant les souvenirs amers qui l’avaient conduite ici
et les sentiments qui étaient alors les siens.
Elle rangea leurs
affaires respectives dans la grande armoire en bois de hêtre et s’assit sur le
lit, après avoir retiré ses bottes.
Lorsqu’Alexia trouva
enfin leur chambre, une bonne heure s’était écoulée. Elle trouva son amie appuyé
contre la tête du lit, les genoux relevés, ses bras les entourant et son menton
reposant dessus. Son regard sombre lui apprit qu’elle avait replongé dans des
souvenirs douloureux.
Elle entra et
s’assit à ses côtés en se disant que le moment n’était pas plus mal choisi
qu’un autre.
Elle posa une main
sur les cheveux soyeux de sa compagne et attendit.
- J’avais 12 ans
lorsque ma milice m’a envoyée à l’école militaire comme ils la nommaient,
commença-elle d’une voix sourde. Sassem… Sassem l’avait fondée pour les enfants
qu’ils jugeaient prometteur. Tous les trois ans, il lançait un appel à ses
chefs de milice à travers le monde et les meilleurs de ses jeunes soldats,
comme ceux qu’ils avaient lui-même sélectionnés, étaient envoyés en Colombie.
C’est là-bas qu’était située son école. Il… il fallait avoir au minimum 12 ans
pour pouvoir y être envoyé. C’était considéré comme un grand honneur.
A ses mots sa bouche
se tordit et Tia fit une pause qui dura un long moment.
- « Lorsque je
suis arrivée, nous étions 15, reprit-elle. Mais plus que 8 après nos trois
années d’apprentissage.
Une fois là-bas, on
nous attribuait un numéro. C’était notre nouvelle identité et nous devions
oublier l’ancienne. Moi, ça ne me gênait pas car à cette époque je n’avais d’autre
appellation que fillette ou gamine. Ce jour là je devins numéro 7. Et pendant
les trois années qui suivirent ce fut, à quelques exceptions près, mon seul
nom.
La première année se
passa plutôt bien. On nous donnait des cours, on apprenait ce que devenait les
numéros encore en vie et quel serait notre place à la fin de notre cursus. Les
cours que l’on suivait étaient basiques mais comme aucun de nous n’avait jamais
été à l’école, c’était une discipline à laquelle il nous fut difficile de
s’astreindre. En une année, nous devions assimiler les cinq années de
primaires. C’était dur, mais nous avions une motivation qui contraignit chacun
de nous à faire son maximum.
Sassem en personne
était venu en début d’année nous expliquer à quoi nous devions nous attendre en
fin d’année. Le premier de la classe recevait une chambre individuelle avec
salle de bain personnelle. J’étais la seule fille de la promo, alors inutile de
te dire l’effet que m’a fait cette nouvelle. Pourtant ce n’est pas ça qui m’a
motivé. Le premier avait aussi droit à deux milles dollars, tandis que le
dernier de la classe était exécuté lors d’une cérémonie de remise des prix où
il était pris comme exemple d’inutilité.
Bizarrement, ce
n’est pas la possibilité de mourir qui m’a incité à me battre, mais celle des
deux milles dollars. Sassem me donnait les moyens de m’enfuir, d’échapper à mon
enfer personnel et je ne voulais pas manquer cette chance. Je me suis battue de
toutes mes forces et avec une avance considérable sur les autres, je devins la
première de la classe. Mes notes furent si impressionnantes que Sassem lui-même
est venue me féliciter. C’est ce jour-là qu’il a décidé que j’étais
spéciale. »
Après cette
déclaration Tia se tut et Alexia se rapprocha d’elle, sentant qu’elle était loin
d’avoir abordé le plus difficile… et pourtant, c’était déjà bien assez. Elle
caressa dans un mouvement inconscient le bras de son amie qui n’avait pas
changé de position.
- L’exécution…
l’exécution était effectuée par le premier de la classe. C’était une chose que
Sassem avait omis de préciser, de même que la façon dont elle se passait.
Là, le cœur d’Alexia
se serra d’appréhension, à l’idée de ce qu’elle allait entendre, et de douleur,
à la vue de la souffrance qui traversa le regard de son amie.
- Il… il a fait
tracer un cercle au sol et il a mis le dernier au centre. Ses poings étaient
attachés et il était à genoux. J’ai dû… entrer dans le cercle et… Sassem m’a
donné un… truc hérissé de pointes et m’a ordonné de le frapper avec… Je… au
début je ne voulais pas mais… il a dit que si le dernier n’était pas exécuté
dans les règles, c’était toute la promotion qui était considéré comme
défectueuse et… tout le monde serait supprimé car on ne garde pas les échecs.
Alors j’ai… j’ai dû… obéir aux ordres.
- Tia… fit la jeune
femme en se serrant contre elle, les bras entourant son corps tendu.
- « Je… de ce
moment… je me souviens surtout des cris, dit-elle perdu dans ses souvenirs.
Sassem poussait ma promotion à m’encourager. C’était… il voulait qu’on soit
tous coupables de sa mort. Qu’aucun de nous ne soit innocent. Alors il les
poussait, et eux obéissaient. Ils criaient, ils me hurlaient de le massacrer,
de ne pas faire de quartier. Le gamin lui… il était terrifié. Il… je me
rappelle qu’il avait mouillé son pantalon et qu’il pleurait comme un bébé. Il…
regardait autour de lui et ne voyait que des visages vociférant et réclamant sa
mort. Puis il tournait les yeux vers moi et… il voyait son bourreau. Il avait
si peur… Je… je n’avais pas le choix alors… j’ai levé le poing et détourné les
yeux. J’ai laissé les cris m’envahir et la colère devant cette situation
injuste a pris le contrôle.
J’ai frappé le
visage de cet enfant en pensant à celui de Sassem. J’ai frappé et frappé
encore, jusqu’à que deux soldats me maîtrisent. Lorsque j’ai regardé à nouveau
vers le gamin, il ne restait presque rien de son visage, je l’avais
littéralement réduit en bouillie. Les soldats m’ont lâché et Sassem m’a
félicitée. Et moi… je suis restée là, à fixer ce visage qui n’avait plus rien
d’humain. Et tout ce à quoi je parvenais à penser était : il s’appelait
numéro 2. Ça tournait en boucle dans ma tête, je n’arrivais pas à penser à
autre chose, parce que je me suis rendu compte que c’était tout ce que je
savais de lui. Que c’était tout ce que tout le monde connaissait de lui. Et
qu’il allait être enterré ainsi. Il était mort en tant que numéro 2 et personne
ne saurait jamais qui il avait été, et qui il aurait pu être d’autre. Personne,
même ne se souviendrait jamais de lui, parce qu’il était un échec. »
Tia pinça ses
lèvres, retenant les pleurs qui menaçaient de la faire céder. Les sentiments
d’alors l’envahissaient à nouveau mais elle ne pouvait pas se laisser aller.
Elle devait aller jusqu’au bout.
Parce que si elle
voulait enfin pouvoir laisser tout ça derrière elle, il lui fallait d’abord
l’affronter. Elle inspira profondément et relâcha un souffle tremblant.
- « L’année
suivante, poursuivit-elle, on nous fit suivre le programme des deux premières
années du collège. On nous apprit le tir, la stratégie militaire et le travail
en équipe en extérieur. La stratégie militaire nous était enseignée par
l’ancien bras droit du père de Sassem : Frédéric. Il… c’était un ancien
gosse des rues qui a sauté sur l’offre que lui avait fait M. Ricardo senior.
Sassem avait été si
impressionné par ma façon de m’acharner sur numéro 2 qu’il se mit à me porter
un intérêt particulier. Il venait parfois à l’école et m’emmenait avec lui. Il
me faisait sortir au dehors, et pour la première fois de ma vie, je vis à quoi
ressemblait la ville. Des fois je me disais qu’il le faisait exprès. Il venait
tout le temps alors qu’on était au milieu d’un cours et les autres m’enviaient
et me détestaient. J’étais la chouchoute du grand patron, alors j’étais encore
plus isolée qu’avant. Ça a été une période difficile.
Mais ça a été encore
pire après, lorsqu’il a remarqué ma voix. Il disait qu’elle était
exceptionnelle, alors il a nommé un professeur de chant pour me faire suivre
des cours. Et lorsqu’il avait des soirées mondaines importantes, il m’emmenait
avec lui et m’exhibait. J’étais l’attraction de la soirée. J’en ai détesté
chaque minute, dit-elle avec une violence rageuse. Ces foutues soirées lui ont
donné d’autres idées. Il s’est mis à vouloir m’éduquer. Il me fit donner des
cours de piano et d’informatique. Il m’a attribué un professeur d’art et un
autre de langue. C’est là que j’ai appris le japonais et l’anglais.
Il veillait toujours
à ce que j’apprenne bien mes leçons, parce qu’il voulait que je sois la
première. Il veillait aussi à ce que je n’en sache pas trop, parce qu’il ne
fallait pas que j’ai l’air plus cultivé que lui. J’étais une femme et je
pouvais me montrer meilleure que tout le monde, mais certainement pas meilleure
que lui. J’ai bien sûr finie première de l’année et j’ai eu droit à ma
récompense : deux autres milles dollars et le droit de sortir du centre
une fois par mois. Sous haute surveillance bien sûr ! ironisa-elle
amèrement.
Les deux derniers de
la promo ont dû être exécutés par moi et le second. Il s’agissait de numéro 14
et de numéro 6. La troisième année… dit-elle sa voix se brisant. La troisième
année, on a terminé le programme du collège. On nous a appris des techniques de
manipulation et de torture et on faisait des sorties en milieu hostile. On nous
a appris à… résister à la torture aussi.
Pendant ces deux
années là, Frédéric nous a donné des leçons d’arts martiaux et nous appris à
nous battre quel que soit notre état physique ou émotionnel. Cette année là… on
a été poussé à bout. Les trois derniers de la promo devaient être tués et ça
ajoutait une pression monstrueuse à la tension déjà bien présente.
Je… au milieu de
l’année… Sassem… »
Tia dut
s’interrompre car elle tremblait de tout son corps. Inquiète Alexia resserra
son étreinte et voyant l’inutilité de la chose, la décala un peu et se plaça
derrière elle. Elle l’installa contre son torse et Tia, ainsi entourée de sa
chaleur et de son amour, sembla enfin se calmer un peu. Elle se racla la gorge
et reprit son récit.
- Sassem il… en
milieu d’année, il a pensé… que j’étais assez vieille et… assez bien formée
pour… pour qu’il puisse… pour qu’il puisse enfin assouvir son désir.
L’étreinte d’Alexia
se resserra et elle se raidit à la perspective de ce qui allait suivre.
- Il… un soir après
une de ces foutues soirées, il m’a tendu un verre… il… dedans, il y avait du
GHB et je n’ai pas tardé à m’écrouler… il…
- Tia, la coupa
Alexia le cœur battant si fort qu’il lui faisait mal, tu n’es pas obligée, je
comprends.
Comme si elle ne
l’avait pas entendu, Tia poursuivit.
- Il a fait de
moi ce dont il avait envie. Toute la nuit. Je me souviens de son poids sur moi,
de ses mains partout sur mon corps et de ses halètements de plaisirs. Son
souffle me brûlait le visage et je fermais les yeux dans l’espoir que si je ne
voyais pas son visage, si je ne manifestais rien, il se lasserait vite et me
laisserait tranquille. Mais, bien sûr, ça aurait été trop facile.
Je me rappelle
encore l’horrible sensation de déchirement lorsqu’il s’est insinué la première
fois en moi. J’avais si mal… j’avais l’impression qu’on enfonçait un tison
brûlant en moi… c’était horrible et j’ai voulu mourir. Mais il était loin d’en
avoir fini avec moi et j’ai dû le supporter.
Elle prit une
inspiration tremblante et l’impuissance rageuse qui l’avait submergée alors,
l’envahit de nouveau. Alexia n’en pouvait plus. Imaginer que cet enfoiré avait
osé toucher à son amour, avait osé la salir, la souiller. Elle se colla aussi
près que possible d’elle et posa sa joue contre la sienne, tremblant de la même
rage impuissante, mais retenant les sanglots qui risquaient d’interrompre le
récit si douloureux de son amie.
- Je ressens encore
la sensation dégoûtante de son sperme qui s’écoulait en moi et plus tard dans
la nuit, sur moi. Je le haïssais. J’aurais voulu lui arracher les yeux à mains
nues, lui marteler le visage à coups de poing et ne m’arrêter qu’en ne sentant
rien de plus que ses os brisés en milliers de petits morceaux minuscules.
Tia serrait les
poings si forts qu’ils en tremblaient.
- « Le
lendemain, j’étais si pleine de haine et de rage que je n’ai pas pris le temps
de me sentir malheureuse. Il m’a laissé en me prévenant qu’il ne pourrait pas
revenir avant la fin de l’année mais qu’il penserait à moi. Il a caressé mon
visage et m’a embrassée pour la première fois. Il a introduit sa sale langue
comme il avait introduit son membre en moi. Avec brutalité, violence et
domination.
Je me suis rhabillée
avec lenteur, tellement je tremblais de rage. Puis je me suis rendue aux cours
de combat individuel que Frédéric nous donnait tous les matins et j’ai passé
mes nerfs sur mes adversaires. Ils étaient dans un état si pitoyable après que
j’en ai fini avec eux, que plus personne n'a voulu se battre avec moi pendant
longtemps.
Ce jour-là, mon
maître, Frédéric, m’a donné mon nom. She-wolf. Et il m’a expliqué que c’était
parce que j’avais la même lueur dangereuse au fond des yeux. La même sauvagerie
nécessaire à leur survie. Il m’a raconté des histoires sur eux pendant
plusieurs heures et j’ai fini par me calmer suffisamment pour ne plus risquer
de tuer quelqu’un.
C’est aussi ce
jour-là que j’ai noué des liens avec lui, qui me permettent aujourd’hui d’avoir
Fréderic comme père de substitution.
Cette année là… j’ai
basculé… j’ai…
J’ai fini première,
à nouveau. Mais délibérément cette fois. Je voulais gagner car je savais
qu’alors je pourrais tuer. Et je le voulais. J’en avais besoin. Il fallait que
je tue quelqu’un en imaginant que c’était Sassem. J’avais besoin d’évacuer
cette rage qui ne me lâchait plus depuis six mois. Et je l’ai fait. J’ai tué ce
garçon. Le dernier de la promotion. Et je l’ai fait avec une joie sauvage. J’ai
massacré ce gamin. Je ne connaissais même pas son numéro et je m’en fichais. Je
m’en foutais totalement. Après ça, quand j’ai compris que j’étais devenue comme
lui, j’ai vomi. C’était tout ce que je pouvais faire.
Sassem est venu me
voir et il m’a emmenée. Pour me féliciter à sa façon si particulière. Mais
cette fois je ne me suis pas laissé faire. Je l’ai frappé, je l’ai griffé,
faisant couler son sang si précieux. Ça l’a mis dans un état de rage
indescriptible, il m’a frappée, m’a battue et j’étais si faible, si
bouleversée. Je n’ai rien pu faire et il a recommencé.
Après ça, il s’est
rhabillé en déclarant que le lendemain avait lieu le tournoi tri-annuel qu’il
organisait. C’était un grand évènement auquel beaucoup de ses alliés et de ses
relations professionnelles assistaient. Des paris avaient lieu et le tournoi
était l’enjeu de beaucoup d’argent mais aussi d’une enchère.
Les numéros 2, 3 et
4 étaient mis aux enchères et vendus aux plus offrants comme mercenaires,
soldats ou ce que voudrait bien en faire leur acquéreur. Le premier avait droit
à sa propre milice quelque soit son âge et devenait une figure incontournable
et hautement respecté parmi les hommes de Sassem. Le dernier était bien sûr tué
et les restants, retournaient dans leur milice respective avec un grade de
Sergent.
Je n’ai pas pu
gagner ce tournoi, j’ai à peine pu me maintenir dans les survivants. J’ai fini
avant dernière. Et tu sais pourquoi ? Parce que Sassem m’avait violée. La
première fois n’a fait que décupler ma hargne et ma haine, mais cette fois là…
ça m’a détruite… je ne sais pas pourquoi ça à été différent… mais ça l’a été.
Comme je l’ai
compris plus tard, c’est cette fois là que je suis tombée enceinte... de
jumeaux. »
Chapitre 2 :
- Comme si un seul
ne suffisait pas… poursuivit Tia d’une voix éteinte.
Alexia s’y attendait
et pourtant elle tressaillit. Cet enfoiré, ce fils de pute… était le père de
Len et Lara… Elle inspira et expira plusieurs fois. Elle devait se calmer, Tia
n’avait pas besoin de sa colère elle en avait déjà suffisamment. Elle se
détacha du dos de son amie et se posant à ses côtés, l’attira contre elle.
Au début, Tia se
raidit, refusant de pleurer, puis elle comprit que le récit était fini et elle
s’agrippa à sa compagne. Elle pleura longtemps, violemment et avec un abandon
dont seuls les enfants étaient capables.
Après un long moment
de douleur partagé, elle finit par s’endormir, la tête posée sur le ventre de
sa compagne. Alexia sentit son souffle se régulariser et s’approfondir et, une
main posée sur les cheveux soyeux de son amie, laissa libre cours à sa colère.
Elle ne parvenait
pas à comprendre comment un être humain pouvait être aussi cruel.
Pourquoi ?! Oh nom du ciel, pourquoi ce genre de choses
arrivaient-elles ?! Et pourquoi à Tia ?! Merde ! Une seule des
épreuves qu’elle avait vécues était amplement suffisante !!! Une seule de
ces foutues épreuves aurait détruit quelqu’un de moins fort qu’elle, alors
pourquoi avait-elle dû en subir autant ?!!!
Putain, elle avait
la haine !! Aujourd’hui elle haïssait Sassem presque autant que la
mercenaire devait le faire depuis toute ces années. Elle comprenait mieux son
obsession, sa rage et ses pertes de contrôle.
Bon dieu, n’importe
qui d’autre serait devenue dingue ! Et Tia s’inquiétait de quelques
crises ?!
Bordel !!!
Alexia tenta de
reprendre le contrôle de ses émotions. Si elle aussi piquait une crise, ça
n’aiderait personne. Il fallait qu’elle se calme !
« Bon sang…,
songea-elle en fixant le sommet de son crâne, comment fait-elle pour encore
être capable d’aimer après avoir vécu dans une telle cruauté ? » Cela
la dépassait. Et ça montrait une si grande force morale, une telle volonté de
croire en la vie… c’était peut-être bien la plus belle preuve d’amour qui
puisse exister sur cette terre…
Tia croyait en
l’amour et en sa force parce que par-dessus tout elle voulait croire en la vie
et en sa bonté. Elle refusait de penser qu’il ne puisse rien exister d’autre
que la noirceur et la mort, malgré le fait de n'avoir connu que ça.
Elle était si
courageuse…
L’espoir… était une
chose si douloureuse à entretenir… si difficile à vouloir garder… D’où tenait-elle
cette force ?
Une vague d’amour
intense la prit par surprise et lui noua l’estomac. C’était impossible… elle ne
pouvait l’aimer encore plus… et pourtant ce sentiment était bien présent…
Alexia se mordit la
lèvre, décidée à ne pas céder à l’émotion qui l’étreignait. En tout cas
beaucoup de chose s’expliquaient… Enyalios…
Il n’avait pas
vraiment été son premier.
Elle comprenait
pourquoi elle lui était si attachée, si reconnaissante. Malgré son passé, elle
l’avait laissé la toucher… et il lui avait montré que le sexe n’était pas
forcément un rapport de force ou de domination. Il lui avait montré que cela
pouvait être bon, excellent même, et qu’il n’y avait aucune honte à avoir.
En fait elle devrait
le remercier. Sans lui, et sans sa sœur… jamais elle n’aurait connu Tia comme
aujourd’hui. C’était eux qui avaient montré à la mercenaire que le sexe
possédait une facette positive.
Ça expliquait aussi
toutes ces aventures sans lendemain.
« Bon sang,
réalisa-elle soudain, comment Tia avait-elle pu prendre le risque de se lier à
elle ?! Ça demandait une telle force ! Il fallait vraiment qu’elle
croit en son droit à être heureuse pour prendre un tel risque, surtout pour
parvenir à s’engager avec si peu de doute… »
L’admiration qu’elle
ressentit alors, lui fit comprendre qu’elle venait de trouver autre chose. Une
chose à laquelle elle n’aurait jamais pensé. Jamais même imaginé qu’elle en
avait besoin.
Elle venait de
trouver un modèle.
« Et voilà. Tu
es ma compagne, mon soutien, mon maître, mon amie, mon amante, la moitié de mon
âme et à partir d’aujourd’hui tu deviens aussi mon modèle. Pas seulement en
tant que mercenaire, mais aussi en tant qu’être humain. »
- Je veux être aussi
forte que toi, chuchota-elle à sa compagne endormie. Je veux être digne de toi.
Je veux qu’un jour tu puisses m’admirer aussi fort que je t’admire et surtout…
surtout j’aimerais que tout le monde sache quelle personne incroyable ils ont
la chance de côtoyer. Quelle personne exceptionnelle partage le même air qu’eux
sur cette planète... Tu rends ma vie plus belle, Tia. Tu me fais découvrir et
comprendre des choses sur la vie si importantes, et sur lesquelles on passe si
souvent sans s’en rendre compte… Tu m’as fait comprendre l’importance de
mériter la vie. La seule priorité dans notre existence doit être la vie
elle-même. Mais sous prétexte que l’on ne demande pas à venir au monde, on se
permet de la trouver injuste ou de lui en vouloir de nous faire souffrir. Alors
que c’est à nous… de nous battre pour elle.
- Je t’ai fait comprendre
tout ça moi ? interrogea une voix enrouée dont les vibrations envoyèrent
des petits piques de plaisir le long de son estomac.
- Je… tu
écoutais ?
- En partie
seulement. Je me suis réveillée à « Tu rends ma vie plus belle ».
La mercenaire releva
la tête pour croiser son regard et lui fit un petit sourire en reposant son
menton sur le ventre confortable.
- Je ne peux que me
réjouir d’une telle affirmation. Surtout après le joyeux récit que je viens de
te faire. Mais une chose est certaine pour moi. Toi, tu rends vraiment ma vie
plus belle.
Le regard sérieux et
ouvert qui lui faisait face toucha Alexia.
- Je… merci.
- Y’a pas d’quoi.
Alexia lui retourna
son sourire et soudain, elle sentit une main s’aventurer sous son t-shirt gris
et elle vit Tia commencer à ramper sur elle et à remonter lentement, avec un
regard de louve ayant repérée sa proie, vers sa bouche.
Elle la captura et
insinua la langue dans l’ouverture qu’offraient ses lèvres. Elle l’embrassa
avec passion puis se recula légèrement et fit passer son t-shirt gris
par-dessus sa tête. Elle posa ses lèvres sur les siennes puis descendit,
lentement, doucement, le long de son cou, de son torse, s’arrêtant un moment
affolant sur le creux juste au dessus de sa clavicule, pour continuer son
chemin brûlant, alternant lèvres, langue et souffle sur chaque parcelle de sa
peau. Enfin elle arriva aux tétons tendus à l’extrême qui réclamaient sa
bouche.
Elle les testa
d’abord avec sa langue, avant de les embrasser légèrement et de jouer avec eux
à l’aide des ses dents. Aux petits cris qu’elle entendait au dessus d’elle, Tia
savait que sa compagne appréciait l’attention mordilleuse. Elle mit alors un
peu plus de pression et Alexia se cambra attrapant sa tête de ses mains et
pressant celle-ci contre ses seins.
Puis elle reprit sa
lente et folle descente. Elle traça un chemin de feu sur son ventre avec le
bout de sa langue et titilla longtemps le nombril qui était un des points
érogènes de son corps, elle le savait. Elle arriva bientôt au centre névralgique
du corps en sueur et elle écarta les mains de sa tête, pour pouvoir reculer un
peu et descendre plus bas que son sexe humide. Elle se mit à souffler sur
l’intérieur sensible des cuisses de sa compagne qui grogna à la fois
d’excitation et de frustration. Puis
elle lécha doucement le creux qui reliait la cuisse au sexe et souffla sur les
poils humides qu’elle sentait.
Alexia frémit et
s’arqua un peu plus.
- Tia…
balbutia-elle.
- Un peu de patience
mon ange, répondit la voix rauque mais joueuse de son amante.
Elle entreprit alors
de prendre en bouche le clitoris gonflé de sa compagne et le lécha
consciencieusement. Elle remplaça bientôt sa bouche par son pouce et posa ses
lèvres sur le sexe ouvert d’Alexia. Elle goûta tout d’abord les bords de sa
vulve puis introduisit, lentement, sa langue dans le trou humide et chaud. Le
spasme qui contracta brutalement le ventre de son amie, la fit sourire. C’était
exactement la réaction qu’elle souhaitait.
Elle passa un long
moment à embrasser avec fougue l’intérieur de son sexe avant d’enfin… enfin…
apporter la délivrance qu’Alexia attendait tant, en introduisant deux doigts
dans l’ouverture béante.
Pendant que sa main
s’activait à la fois sur le clitoris et à l’intérieur de son sexe, Tia remonta
vers la bouche avide qui ne cessait plus de gémir son plaisir. Elle posa ses
lèvres sur les siennes et alors qu’elle augmentait la force et la vitesse de sa
poussée, elle recueillit dans sa bouche chaque petit gémissement, chaque petit
cri que Lex laissait échapper pour enfin introduire sa langue et recueillir dès
sa naissance le hurlement d’extase de son amante.
Alexia retomba
bientôt, tremblante, sur le matelas et Tia roula sur le dos l’entrainant avec
elle.
- C’est…bon sang… tu
es une vraie déesse du sexe Tia, soupira-elle en clignant des yeux afin de
chasser toutes les petites tâche noires qui persistaient à s’imprimer sur sa
rétine. Je vais avoir du mal à faire mieux.
- Ton mieux me
convient parfaitement, la taquina-elle très satisfaite de son réveil.
- Ah oui ?
dit-elle en levant les yeux vers elle. On va voir ça tout de suite…
*********************************************
Plus tard dans la
soirée, elles se préparèrent un repas à quatre mains, c'est-à-dire qu’elles
prirent chacune divers ingrédients qui leurs faisaient envie et les associèrent
à ceux de l’autre. Cela donna lieu à d’énormes fous rires et pas mal de lancer
de farine. Il y eu même un œuf qui crut qu’à l’état de fœtus, un poulet pouvait
voler.
L’écrasement, sur le
visage surprit d’Alexia, lui apprit qu’il n’en était rien. La jeune femme
répliqua par un ajout de piment dans le récipient de sa compagne lorsque
celle-ci eut le dos tourné.
Malheureusement pour
elle, Tia se trouvait face au four en acier rutilant et la vit faire. Elle
échangea alors subrepticement leurs plats et continua sa recette, pour le moins
hasardeuse, le visage neutre. Alexia riait sous cape, à l’idée de la tête que
son amie allait faire en goûtant son plat.
Elles mirent leurs
essais culinaires au four et partirent dans le séjour, profiter du large écran
plat et du son cinéma. Tia inspecta la vidéothèque de son Maître et fila dans
sa chambre piocher son ordinateur portable. Elle revint quelques minutes plus
tard avec un tout nouveau dvd gravé qu’elle inséra dans le lecteur de Frédéric.
Alexia regarda avec
curiosité l’écran de télévision. Qu’était-donc allé pêcher sa compagne ?
Elle sourit en découvrant les premières images.
- Bones hein ?
Quelle saison ?
- La quatrième.
- Où les as-tu
trouvés ? s’étonna Alexia. Ils ne sont même pas encore tous sortis aux
USA !
- Hey, hey, hey.
J’ai quelques talents utiles, ricana la grande brune.
Alexia sourit devant
sa bonne humeur puis se blottit contre elle pour visionner les deux premiers
épisodes de la nouvelle saison.
L’épisode se passait
en Angleterre où Bones donnait une conférence dans une grande université. Elle
était là à l’invitation de son homologue britannique, à qui elle semble bien
plaire. Elle et Booth qui se trouvait là pour la même raison, à savoir une conférence,
se retrouvèrent rapidement mêlés à une enquête sur un meurtre locale. Tout deux
enquêtèrent avec une flic de Scotland Yard et l’homologue de Brennan, qui la
draguait ouvertement.
Ce qu’il y avait de
marrant dans cet épisode était l’attitude de Booth, pour le moins déconcerté de
devoir conduire à l’envers, qui plus est dans une voiture de la taille d’un
ongle, exit l’agent fédéral, et de ne
pas avoir le droit de porter une arme. De plus son attitude surprotectrice et
très désapprobatrice envers le soupirant de Brennan qui se fait assassiner dans
le second épisode était assez rigolote.
On arrivait aux
dernières minutes de l’épisode lorsque pour une raison inconnue, le dvd bogua.
Alexia grogna de frustration et poussa sa compagne à se lever de son fauteuil
pour régler le problème. Tia leva un sourcil hautain et croisa les bras en la
regardant ostensiblement. Alexia fit une moue dépitée et se leva avec regret de
sa place bien chaude et moelleuse.
Elle retourna
l’appareil dans tout les sens, nettoya le dvd, le lecteur, le démarra et le
redémarra, mais rien n’y fit. En désespoir de cause, elle se tourna vers sa
compagne avec une expression suppliante. Tia leva deux sourcils condescendants
et s’extirpa de son siège.
« C’est vrai
qu’un seul aurait été trop peu humiliant » grommela intérieurement la
jeune blonde en fixant les sourcils de sa compagne. Elle s’écarta ensuite pour
lui laisser la place et après quelques minutes, elle ne put empêcher un sourire
de triomphe de s’épanouir sur ses lèvres.
- On n’est pas si
douée que ça finalement, hein ? railla-elle.
Celle-ci lui jeta un
regard noir et poursuivit sa tentative de réparation. En vain. Elle dut
finalement admettre sa défaite et se releva en époussetant une poussière
imaginaire, sur son jean.
- Bon, on va voir où
en sont nos repas ? lança-elle l’air de rien, en prenant la direction de
la cuisine.
Alexia la suivit en
ricanant devant sa déconfiture. « Rira bien qui rira le dernier »
songea la grande femme en sortant leur plat du four. Leur mixture, car ce
qu’elles avaient fabriqué, ne méritait pas d’autre mot, ne semblait vraiment
pas appétissante.
Alexia se pencha sur
son plat avec une grimace mais Tia la défia du regard et piquée au vif, elle
attrapa une fourchette et la plongea avec ostentation dans le plat devant elle.
Elle attendit ensuite que Tia fasse de même, et tenta de cacher son sourire en
voyant la grande femme porter le morceau à sa bouche.
Elle la vit mâcher
puis avaler sans manifester le moindre problème. Alexia la vit alors se tourner
vers elle et un nouveau sourcil levé la poussa à mettre dans sa bouche sa
fourchette en grommelant devant l’injustice de la vie.
Sans blague, Tia
s’était tiré de la bataille de farine avec à peine une ou deux petites tâche de
blanc, une sur sa pommette et une autre sur son jean, qui la mettait en valeur
et donnait à Alexia la furieuse envie de lécher l’objet du délit à même la peau
de son amante, alors qu’elle-même en était littéralement recouverte et que ça
n’avait rien de sexy. Elle s’était vue dans une glace et elle savait qu’elle
ressemblait à Casper.
Et voilà que
maintenant, Tia ne sentait même pas le piment qu’elle avait ajouté à son
insu ! La vie était vraiment injuste. Elle mâcha d’un air absent son
morceau de pâte immonde et une brusque brûlure envahit sa langue et se propagea
au reste de sa bouche. Elle cracha et se rua sur l’évier en quête d’un peu
d’eau, quand un brusque éclat de rire retentit derrière elle.
Alexia se tourna
vers la mercenaire, la main sur la bouche, le visage très rouge, du moins ce
qu’on en distinguait derrière l’écran de farine, et la dévisagea avec stupeur.
Tia riait si fort
qu’elle se tenait le ventre, pliée en deux et menaçait à tout instant de
s’écrouler par terre.
- Tel est pris… qui…
qui croyait prendre, lâcha-elle en bredouillant.
Alexia posa alors
son regard sur leur plat et comprit.
- Oh toi !
s’écria-elle en retournant prendre une nouvelle gorgée d’eau.
Puis elle sauta sur
le torchon qui se trouvait à ses côtés et se jeta sur Tia, qui s’enfuit
difficilement, tellement elle était écroulée de rire.
****************************************
Le lendemain matin,
elles arrivèrent à l’hôpital bien avant le lever du soleil. Tia fit une halte
au chevet de son fils avant de se rendre dans la salle où un médecin allait la
préparer pour l’intervention.
Elle trouva son fils
totalement réveillé qui fixait d’un air morose le paysage au dehors. Lara et
Frédéric dormaient à côté. Un lit avait été ajouté pour Lara et Frédéric avait
choisi un gros fauteuil à l’air rembourré.
Elle sourit à son
fils lorsqu’il tourna la tête vers la porte et fut récompensé par un sourire
identique au sien. Elle s’approcha de lui et lui prit la main. Il pencha la
tête en arrière sans rien dire, attendant simplement qu’elle comprenne.
Cela lui prit
quelques secondes et elle rougit, un peu embarrassée, en déposant un baiser sur
sa joue.
- Salut,
chuchota-elle pour ne pas réveiller les dormeurs.
- Je suis content de
te voir, répondit-il sur le même ton. Tu m’as manqué, déclara-il, désarmant de
simplicité.
Alexia ricana à la
vue de la rougeur diffuse qui envahissait le visage de sa mercenaire.
« C’était donc ça, songea-elle moqueuse. Il fallait juste un petit bout
d’à peine un mètre de haut et elle se retrouve battue à plate
couture ! J’en prends bonne note. »
- Hum, toi aussi,
dit-elle d’une petite voix en détournant le regard, gênée. Ta sœur et Frédéric
ne t’ont pas trop ennuyé ?
- Non, ça va. Mais
j’aurais préféré que tu sois là !
- Moi aussi, mais
Frédéric m’a forcée à rentrer. Il a dit qu’il fallait que je me repose. Bref,
tu sais comment il est.
- Ouais ! Il
veut toujours que je range ma chambre et que je mange bien et que je dorme bien
aussi ! s’exclama-il indigné.
La réflexion fit
sourire sa mère. Ils discutèrent encore quelques minutes à voix basse avant que
le médecin ne vienne les interrompre. Il invita Tia à rejoindre ses collègues
pendant que lui-même s’occuperait de Len.
Tia embrassa son
fils, lui pressa la main et lui murmura un encouragement avant de le quitter.
En passant devant le lit de sa fille, elle fit une petite pause et Alexia put
voir tout les regrets qu’elle nourrissait envers elle. Au contraire de Len,
Lara était très hostile à sa mère. Il était plutôt clair qu’elle lui en voulait
beaucoup de son abandon et qu’elle n’était pas prête de lui pardonner.
Enfin Tia sortit
après avoir passé une main légère comme l’air sur les cheveux blond cendré de
sa fille.
Alexia l’accompagna
et resta avec elle aussi longtemps que cela lui fut permis et lorsqu’elle vit
Tia partir sur son chariot, elle retourna avec un certain malaise dans la
chambre de Len, tenir compagnie à Lara et Frédéric. Qu’allaient-ils pouvoir se
dire ?
*****************************************
Cela faisait
maintenant des heures que l’intervention avait débutée et plus d’une, que les
sujets banals et sans risque avaient été épuisés.
Alexia se renfonça
dans son siège particulièrement gênée par le regard insistant et hostile de
Lara. Un peu plus tôt dans la matinée elle lui avait demandé avec la franchise
brutale des enfants, qui elle était et elle n’avait pu se résoudre à dire la
vérité, se contentant d’un : une amie de ta mère, assez vague.
Malheureusement, le
regard n’était pas la seule chose qu’elle avait hérité de sa mère. Lara sentait
qu’il y avait autre chose et elle tentait de savoir quoi, en lui posant toute
une série de questions plus embarrassantes les unes que les autres.
- Tu habites
où ?
- Heu… un peu
partout en fait.
- T’es une
clocharde ?
- Non, non !
C’est juste que je voyage beaucoup.
- Et elle
aussi ?
Comprenant à qui le
« elle » faisait référence, elle ne demanda pas de précision.
- Oui.
- Vous voyagez
ensemble ?
- Eh bien oui.
- Pourquoi ?
- Euh… on travaille
ensemble.
- Dans quoi ?
« Oh bon
sang ! Comment je lui explique le boulot de mercenaire moi ?! »
- Euh…
- Et alors, tu sais
pas ce que tu fais exactement ? lança-elle en croisant les bras.
- Si, bien sûr. On…
on aide les gens. Ceux qui en ont besoin et qui peuvent nous payer.
- Et vous dormez
où ?
- Ça dépend. Maison
ou hôtel.
- Dans la même
chambre ?
Et qu’est-ce qu’elle
répondait à ça ?
- Ça, ça veut dire
oui, répondit-elle à sa place avec dédain.
« Morveuse »
songea Alexia agacée.
- Pourquoi ?
Vous êtes trop pauvre pour vous en payer deux ? Ça doit pas marcher si
bien que ça le boulot alors.
- Lara, intervint
enfin Frédéric, va donc choisir à la cafétéria un truc à manger. Et ramène-nous
un menu.
Lara acquiesça sans
lâcher sa proie des yeux. Enfin elle se leva, prit l’argent que lui tendait son
tuteur et sortit.
« Pfiouuu.
C’est bien la fille de sa mère ! Stoïque, froide, hautaine… et très très
intimidante. »
- Il ne faut pas lui
en vouloir, fit la voix rocailleuse à l’accent Russe de Frédéric. Elle est un
peu bouleversée par l’arrivée de sa mère. Elle est très curieuse et aussi très
rancunière.
« J’en connais
une autre » se dit la jeune blonde.
- Je les gave elle
et son frère, d’histoires sur leur mère depuis leur naissance. Ils sont très
enthousiastes et me demandent souvent de leur les raconter. Mais si Len a
toujours bien compris que sa mère avait une bonne raison de ne pas être avec
eux, Lara n’a jamais pu y parvenir. Ces questions, c’était seulement un moyen
pour elle de le comprendre. Elle aime sa mère, vous savez. Elle l’adule presque
autant que Len, peut-être même plus. Mais elle a peur, si elle s’attache à
elle, d’en souffrir, lorsqu’elle repartira. C’est d’ailleurs une des choses que
même Len ne parviendra pas à comprendre. Pour lui, elle est là et cela signifie
que dès maintenant elle va s’occuper d’eux et s’installer avec nous au ranch.
- Ok. Donc si j’ai
bien saisi, Tia va devoir leur expliquer pourquoi elle doit repartir après leur
avoir expliqué pourquoi elle les a abandonnés ?
- En gros oui.
- Ça n’est pas
possible, décréta Alexia d’un ton sans réplique.
- Et pourquoi
cela ? demanda-il très surprit.
- Vous savez
pourquoi, répondit-elle en fronçant les sourcils.
Un instant, le
silence sembla suspendre le temps entre eux.
- Je crois savoir.
Mais je n’en suis pas sûr. Dois-je comprendre qu’elle vous en a parlé ?
- Oui.
Frédéric la
dévisagea un moment avant de poursuivre.
- Alors vous devez
être très spéciale pour elle.
- Je… et bien… je
l’espère.
Le grand homme lui
fit un sourire chaleureux.
- Si elle est
heureuse…
- Je fais de mon
mieux, répondit-elle soulagée.
« Ouf, elle
n’avait créé de problème à Tia. Et il a même l’air sincèrement heureux »
- Donc, vous n’êtes
pas au courant d’où… euh… ils viennent ?
- Lorsque j’étais
jeune, j’avais 8 ans en fait, j’ai rencontré un homme d’affaire à la volonté
farouche et à l’intelligence retorse. Il m’a pris sous son aile et m’a appris
beaucoup de choses. Son regard était aussi vert que le vôtre et celui de Len.
Et ses cheveux avaient la même couleur que ceux de Lara. Cet homme… c’était
Sassem Ricardo, premier du nom.
- Premier du
nom ?
- Le père de Sassem.
C’est ainsi que j’ai compris qui était leur père. Elle avait 16 ans à peine à
l’époque et… elle était tout sauf intéressée par les garçons. Alors… j’ai une
assez bonne idée de la façon dont cela a pu arriver. J’imagine bien que
She-wolf ne puisse pas leur expliquer cela mais peut-être…
- Non, le
coupa-elle. Elle sort à peine d’une période réellement difficile et perturbante
et… il n’est pas question que je vous laisse la jeter dans une situation aussi
délicate avec une telle pression.
Frédéric la
dévisagea sincèrement surprit.
- Eh bien, jeune
dame, j’ai bien l’impression de vous avoir sous-estimée. Vous la protégez comme
une vraie tigresse !
Alexia refusa de se
laisser distraire par le compliment et garda son regard planté dans le sien.
Peu à peu, l’homme redevint grave et hocha la tête.
- Une période
difficile hein ?
- Très. Elle en sort
à peine et je ne laisserai rien, pas même ses enfants, risquer de perturber le
fragile équilibre qu’elle vient tout juste de retrouver.
Fréderic posa les
coudes sur ses jambes et se pencha en avant, le regard perdu sur le sol.
- Elle a toujours
été plus fragile que ce que tout le monde semblait penser. Je l’ai appelé
She-wolf car comme eux, elle était forte, sauvage, courageuse et puissante.
Mais comme eux aussi, la famille signifiait, et signifie toujours, tout pour
elle. Et lorsqu’ils la perdent, ils
s’effondrent, tournent en rond et hurlent à la mort, s’abîmant dans leur
souffrance. Les loups ont besoin d’une meute pour vivre et pour elle ils sont
prêts à tout, tuer comme mourir. Mais sans elle… ils ne sont plus rien.
Pourtant, certains survivent et recherchent une nouvelle meute à laquelle
s’intégrer. Lorsqu’ils y parviennent, ils lui restent aussi fidèles qu’à leur
meute d’origine. She-wolf ou Tia comme tu l’appelles, est comme une louve
réincarnée dans un corps de femme. Forte mais fragile. Sauvage mais aimante.
Libre mais fidèle.
Alexia hocha la
tête. Il avait raison. Tia était une louve et She-wolf lui allait à la
perfection. C’était d’ailleurs ce qu’elle s’était dit la première fois qu’elle
l’avait vu.
- Vous lui avez
trouvé un très beau nom.
- Tia n’est pas mal
nom plus, même si je trouve que c’est un peu trop féminin pour elle.
- Je n’ai rien
choisi du tout, fit-elle avec un sourire amusé. Tia est son vrai nom.
- Elle a retrouvé sa
famille ?! s’exclama-il en se redressant.
- Oui. Elle a un
oncle et une, enfin deux, cousines. « Et maintenant moi, aussi »
- C’est… waouh… fantastique !
- Karl ne vous en a
pas touché un mot ? Je pensais que vous étiez en contact ?
- Eh bien, il a dû
juger que c’était à elle de me l’apprendre, j’imagine.
Ils discutèrent
quelques minutes des parents de Tia et Alexia les lui décrivit de son mieux.
Puis Lara revint enfin et ils s’interrompirent pour choisir leur repas.