Sassem, partie VII a
Partie VII : Le plan
Chapitre 1 :
Alexia
revint peu après qu’elle en ait terminé avec ses affaires en cours. Elle lui
ramena un steak épicé de bonne taille accompagné de pommes de terre braisées.
Rien qu’à en sentir la bonne odeur, Tia sentit son estomac se réveiller et il
se mit à grogner, les faisant sourire.
Alexia
s’approcha et vit que le téléphone et l’ordinateur avait été proprement déposé
au sol.
-
Fini ? s’enquit-elle en les désignant.
Tia
hocha la tête en récupérant le sac de ses mains.
-
Laisse-moi au moins te dégotter une assiette chérie. Tu ne vas pas manger avec
les mains, non ?
Sa
compagne haussa les épaules et Alexia dut lui retirer le sac des mains. Elle
dénicha assiettes et couverts dans un tiroir, pas du tout prévu pour ça à la
base et disposa les aliments dedans.
-
La chance est avec nous on dirait, remarqua la jeune blonde.
Nouveau
haussement d’épaule de sa compagne. Alexia fronça les sourcils. « Y’a un
truc qui cloche. Elle est silencieuse habituellement mais pas à ce
point ». Mais peut-être étais-ce dû à sa blessure ? Elle s’approcha
d’elle en la détaillant. Elle avait des cernes noirs sous ses yeux bleus
fatigués. Et une expression lasse et préoccupée la fixait.
Elle
lui tendit son assiette et s’assit en face d’elle. Tout au long du repas elles
parlèrent du plan, discutant des détails et cherchant les meilleurs moyens, les
meilleurs transports et tentant d’évaluer le nombre de soldats dont elles
auront besoin pour faire tomber l’organisation.
A
la fin, Alexia leva une main, demandant le silence.
-
Tia, tu es fatiguée, alors on remet cette conversation à plus tard, ok ?
-
Je ne suis pas… commença-elle.
Mais
un regard éloquent la réduisit au silence. Et soupirant, elle acquiesça.
-
Allonge-toi, tu prendras une douche demain.
Là,
Tia tiqua et hésita longuement. Elle sentait encore la bouche de cet homme sur
elle et ses mains baladeuses. « Bon sang, reprends-toi, c’était calculé,
alors arrête ta parano ! » s’admonesta-elle. Elle finit par faire ce
que voulait Alexia et se coucha sur le côté du lit, laissant sa petite amie la
recouvrir.
Elle
ne la rejoignit qu’une heure plus tard, après avoir elle-même vaqué à ses
occupations. Elle se glissa sous les couvertures et passa un bras autour de la
taille nue de son amie. Son tressaillement la prit par surprise. Mais elle ne
chercha pas plus loin, elle était beaucoup trop fatiguée pour ça. Elle colla
son corps à celui plus grand et plus musclé de son amante mais celle-ci
s’écarta un peu et se retourna, lui faisant face.
Alexia
sourit et en profita. Elle posa ses lèvres sur celles toutes douces de sa
petite amie et pressa un peu pour qu’elle comprenne qu’elle voulait plus qu’un
léger bisou. Tia finit par entrouvrir ses lèvres, comme à contrecœur. Alexia
introduisit sa langue et embrassa son amie avec fougue.
Puis
elle se recula en fronçant les sourcils. Tia manquait singulièrement de passion
et son goût était bizarre.
-
Tia… y’a pas un truc que tu voudrais me dire ?
Les
yeux bleus clignèrent un peu surpris et la fixèrent un moment.
-
Pourquoi tu me demandes ça ?
-
Tu es bizarre. Y’a quelque chose qui ne va pas ?
Tia
hésita un peu, puis se dit qu’en parler l’aiderait peut-être à juguler la
panique sous-jacente qu’elle sentait en elle.
-
Je… eh bien… en fait, j’ai dû… heu… séduire… les hommes restés sur le bateau
et…
Alexia
se recula pour pouvoir mieux la dévisager. « Elle a bien dit
séduire ? »
-
Tu… tu as couché avec eux ? Pour une mission ?! s’écria-elle en
s’écartant d’un bond.
Tia
la fixait stupéfaite. Puis l’étonnement fut remplacé par une sourde colère, son
visage se ferma et ses yeux bleus prirent une teinte orageuse.
-
Tu me prends pour qui ?! gronda-elle d’une voix basse et menaçante.
La
réaction décontenança un peu son amie, mais elle ne se démonta pas.
-
Pour quelqu’un qui de toute évidence se laisse embrasser par le premier
venu !
Tia
se leva avec une économie de gestes qui trahissait sa tension. Elle toisa sa
compagne de toute sa hauteur en s’approchant d’elle d’un pas gracieux de
prédateur.
Elle
plongea son regard brillant de colère dans le sien et ouvrit la bouche pour
dire quelque chose, mais finalement, elle la referma et secoua la tête. Elle
tourna les talons et attrapant ses chaussures, les enfila et sortit en claquant
la porte.
Dès
que la porte se referma, Alexia se sentit mal. Elle avait encore pété un câble.
Bon sang, tout s’était si bien passé ces derniers temps pourtant !
Qu’est-ce qui n’allait pas chez elle ?!
C’était
évident qu’elle n’allait pas bien et que ça avait un rapport avec son
entreprise de séduction, mais elle, au lieu de l’écouter, elle l’accusait, et
d’être une fille facile en plus ! Elle s'écœurait.
Elle
se jeta sur la porte pour rattraper son amie et stoppa à peine après avoir fait
deux pas. Tia était là. La tête penchée en arrière, les yeux posés sur les
étoiles, des larmes coulaient sur ses joues. Le cœur d’Alexia se serra. La
culpabilité la submergea et elle eut honte.
Elle
s’approcha doucement de son âme-sœur et hésita.
-
Tia… je… pardon. Je ne pensais pas ce que j’ai dit. C’est juste… la simple idée
qu’une autre personne puisse poser ses lèvres sur toi… ça me rend dingue. Je
sais… c’est pas une excuse et… il faut vraiment que je me soigne. Mais… je
t’aime et je regrette vraiment.
-
Le problème Lex, c’est que tu regrettes à chaque fois, fit-elle la voix basse.
Alexia
la regarda mais Tia s’obstinait à contempler le ciel étoilé. Elle avait peur
soudain. Elle sentait que c’était différent aujourd’hui.
-
Je… je…
Alexia
déglutit, une peur glacée étreignant son ventre.
-
Tu… veux me quitter ? demanda-elle finalement, les yeux grands ouverts
d’appréhension. Je… je comprendrais… je ne suis pas facile à vivre et je…
Elle
s’interrompit ne sachant plus quoi dire, une seule pensée tournoyant dans son
esprit : « Oh dieu, ne me quitte pas Tia ! »
La
mercenaire soupira et ses épaules s’affaissèrent. Elle quitta les étoiles des
yeux et fixa le goudron à ses pieds avant d’enfin se tourner vers son amante.
Elle l’observa un long moment. Notant son air angoissé, qu’elle tentait de
maîtriser sans y parvenir (et) les regrets et les larmes qui rendaient ses yeux
plus brillants. Tia tendit une main et caressa la joue douce qu’elle avait
apprit à aimer. A qui elle devait tout.
-
Comme si je le pouvais…
Aussitôt
un poids énorme s’envola du ventre d’Alexia et des larmes de soulagement
coulèrent sur ses joues. Elle ne dit pas un mot et attendit. Tia suivit des
yeux une larme qui était stoppée par sa main. Plusieurs autres larmes la
rejoignirent et finalement, elles grimpèrent le long de sa main et dévalèrent
sa peau.
-
Je t’aime Lex. Je te l’ai déjà dit. Tu es… trop importante pour que je puisse
un jour envisager de vivre sans toi. Rien que l’idée… Non, Lex… aucune chance
qu’un jour je le puisse.
Alexia
se jeta alors dans ses bras et la serra de toutes ses forces.
-
Pardon, pardon… je suis nulle, je dis n’importe quoi ! Je sais que ça
n’avait aucune signification et que ça faisait partie d’un plan, excuse-moi. Je
ne sais pas pourquoi j’ai toujours peur que tu t’en ailles, c’est nul.
-
Ce n’est pas une chose facile à maîtriser. Je ne sais pas comment je réagirais
si la situation était inversée. Alors ça va. Arrête de te flageller comme ça.
-
Non, ça ne va pas. Tia je sens bien que je t’ai fait mal et je ne sais pas quoi
faire pour effacer mes erreurs. A chaque fois je me dis que cette fois je
serais à la hauteur et à chaque fois je me plante ! Pourtant je t’aime et
je veux bien faire, mais je… je n’y arrive pas. J’ai un problème, conclut-elle
découragée.
-
Ouais bon ben. Tu es jalouse. Je le suis aussi alors, on ne peut pas vraiment
dire que se soit un problème. Ça en serait un si tu ne reconnaissais pas tes
tords et ne faisait pas d’effort pour changer. Mais tu le fais, et la plupart
du temps tu te contrôle plutôt bien, alors… je peux bien passer sur quelques
crises de temps à autres. Mais juste quelques unes ok ? ajouta-elle avec
un petit sourire.
Alexia
se mordit la lèvre en fermant les yeux, resserrant son étreinte autour de la
mercenaire.
-
Ok, souffla-elle. Et tu as le droit à quelques crises toi aussi.
-
Ça me paraît équitable, fit la grande femme en posant son menton sur la tête de
sa compagne.
Un
silence s’installa seulement interrompu par le bruit des voitures qui passaient
au loin.
-
Ne crois pas que tu plantes, Lex, fit Tia doucement. Tu as quelques défauts
c’est vrai, mais tout le monde en a et à chaque fois que j’ai eu besoin de toi,
tu étais là. Ne crois pas que je ne l’ai pas remarqué ou que je ne mesure pas
la chance que j’ai de t’avoir dans ma vie. Ta jalousie… c’est un détail. Pour
les choses importantes tu es là. Et comme je l’ai dit… tu fais des efforts
alors, je ne vais pas t’en vouloir plus que ça.
Alexia
hocha la tête.
-
Je vais continuer alors.
-
C’est ça. Et moi je vais en faire aussi, pour que tu n’aies aucune raison de
douter comme tu le fais.
Sa
compagne leva la tête pour protester, mais Tia l’arrêta.
-
Il faut être deux pour que ça aille bien. Et deux pour que ça aille mal. Si tu
doute aussi facilement de moi, c’est que je ne fais pas ce qu’il faut pour que
tu sois sûre de mes sentiments.
-
C’est faux Tia ! contra son amie. Je… c’est moi qui ai un problème !
Je… ne suis pas sûre de moi et des sentiments des autres à mon égard depuis des
années déjà… et ça n’a rien à voir avec toi !
La
mercenaire la dévisagea quelques minutes, absorbant les paroles et en débattant
intérieurement.
-
Ok. Je veux bien te croire. Mais tu ne penses pas que c’est aussi mon rôle de
t’en guérir ?
-
Je… je ne sais pas. Je ne pense pas non.
-
Ben moi je te le dis. Comme tu veux me guérir de mon obsession pour Sassem et
de ma haine, je veux te guérir de ton insécurité. Alors y’a pas trente-six
solutions pas vrai ? Patience et encore patience et aussi un peu de
compréhension. Et enfin de la patience.
Tia
se pencha vers son oreille et murmura :
-
Je t’attendrais Lex. Le temps qu’il faudra. Parce que je suis persuadée que tu
es celle qui me convient, celle qui est faite pour moi. Le meilleur choix
possible, tu te souviens ? Tu es mon âme-sœur. En fait non, c’est plus que
ça. Tu es la moitié de mon âme. Et s'il te faut du temps pour comprendre que tu
n’as rien à craindre et que je serais avec toi quoiqu’il arrive, alors je t’en
donnerais autant qu’il faudra. N’oublie pas que tu fais la même chose pour moi.
Alexia
resserra encore son étreinte, provocant un léger grognement rieur en levant la
tête.
-
Tu vas m’étouffer si tu continue de me serrer comme ça.
-
Pardon, fit la jeune blonde en souriant cette fois.
Elle
se mit sur la pointe des pieds et attira le visage de son amante vers elle.
Elles échangèrent un baiser où la passion et le désir n’avaient pour une fois
pas leur place. Elles renouvelèrent ainsi leur engagement l’une envers l’autre,
dans un baiser plein de tendresse et de pardon, d’espoir et de promesse.
Lorsqu’elles se séparèrent, elles échangèrent un long regard pétillant d’amour
et de joie tranquille. Puis en se tenant par la main, elles retournèrent dans
leur chambre.
**************************************
Après
une nuit où le sexe n’avait, pour une fois, pas eu de place, elles regardèrent
le soleil filtrer à travers les rideaux plutôt fins du motel. Blotties dans les
bras l’une de l’autre, elles se regardaient sans rien dire.
Enfin,
Alexia sentit que c’était le moment d’aborder le sujet.
-
Qu’est-ce que tu avais commencé à dire hier soir avant que je ne pique ma
crise ? demanda-t-elle doucement.
Tia
cligna des yeux. Elle ne s’attendait pas à un retour sur le sujet. Alors comme
ça malgré sa jalousie aveugle, elle a senti que quelque chose clochait ?
Alexia la surprenait une fois encore. Elle lui toucha le bout du nez avec un
doigt en souriant.
-
Eh bien, j’ai dû séduire ces deux gars et…
Soudain,
elle ressentit son malaise de la veille resurgir et eut du mal à poursuivre.
Alexia lui pressa la taille gentiment.
-
Et bien, j’ai… j’ai un peu perdu le contrôle.
-
Comment ça ?
-
Je… c'est-à-dire que j’ai fait ça des dizaines, des centaines de fois. Je …
c’est un truc que je maîtrise à la perfection, mais… hier j’ai… et bien… j’ai,
pffooouuuuu, souffla-elle en posant son front contre le sien.
Elle
ferma les yeux et déclara :
-
J’ai paniqué et… ça a bien failli aller trop loin.
-
Tu… tu n’as pas été… ? demanda Alexia les yeux agrandis par la crainte.
-
Non.
Alexia
relâcha un souffle qu’elle n’avait pas conscience d’avoir retenu. « Ok,
alors c’est déjà ça. Juste la panique à régler. Ok, je peux l’aider avec
ça. »
-
D’accord, tu… tu sais pourquoi ?
-
Je crois.
Tia
roula sur le dos, entrainant sa petite amie avec elle. Alexia se retrouva sur
sa poitrine et appuyant ses avant-bras sur elle se redressa afin de garder une
vue dégagée sur les yeux bleu sombre de sa compagne.
-
Je pense que ça vient de mes souvenirs. Les avoir ravivés… a ramené d’autres
choses à la surface, comme… ma peur et d’autres choses. Je… ne vois pas d’autre
raison à cette soudaine panique.
-
Tu parles de… Sassem ?
-
Oui.
-
Je… pardon. J’ai tellement voulu savoir ce qui t’étais arrivé que je n’ai pas
réfléchi à ce que ça risquait de créer en toi.
-
Non, Lex, tu n’as pas t’excuser de ça. Tu as voulu savoir pour mieux me
comprendre, ça n’es pas égoïste. Au contraire, je trouve ça très touchant.
-
Vraiment ?
-
Oui. Et puis on ne pouvait pas prévoir ce que ça aurait comme conséquence.
Maintenant, est-ce que c’est vraiment une mauvaise chose ? Peut-être que
j’ai besoin de ça pour définitivement pouvoir le mettre de côté ? Et comme
tu es là… ça devrait bien se passer.
La
confiance que cette simple phrase exprimait mit un baume sur les plaies
douloureuses que son cœur gardait encore. Une chaleur diffuse se répandit dans
tout son corps et son amour pour sa grande compagne monta encore d’un cran.
C’était
fou d’aimer autant. Effrayant, douloureux et fou. Mais aussi très bon et
gratifiant. Et… pourquoi essayer de mettre des mots là-dessus ? C’était
impossible de décrire ce que l’amour faisait. C’était à la fois puissant et
impalpable. Magnifique et terrifiant. Et ça montrait la vie sous un autre jour.
Mais ça ne se décrivait pas avec des mots, rien ne sonnait assez juste. Ça se
vivait, c’est tout.
-
Ça se passera bien. J’en suis sûre. Tu es forte. Et je serais là. Toujours.
Tia
sourit au plafond et passa ses deux mains sur le dos lisse d’Alexia, dans un
mouvement lent et sensuel. Elle releva ensuite la tête et murmura, yeux dans
les yeux :
-
C’est le matin et je veux mon câlin.
Alexia
accepta gracieusement le changement de sujet et de registre.
-
Ooooooh, petite coquine va. Mais ce que madame veut, madame a.
Alexia
combla les quelques centimètres qui les séparaient et embrassa sa petite amie.
*******************************
-
Où on va maintenant ? l’interrogea-t-elle quelques heures et de nombreuses
galipettes plus tard.
Tia
se tourna vers elle, délaissant l’écran de son ordinateur et elle ne put
empêcher un sourire de faire écho à celui stupide qui ornait le visage
d’Alexia.
-
J’ai pensé à l’île de Linya.
-
Oh ! Mon idée t’a plu alors ?! s’exclama-elle avec joie.
-
Elle est plutôt bonne, alors pourquoi pas ? On pourrait ainsi en toucher
deux mots à Linya et voir ce qu’elle en pense. Et puis, on pourrait aussi en
profiter pour parler de toi.
-
De moi ?
-
Oui. De toi et… Waco.
-
Oh. Et bien… je suppose qu’il est temps.
Le
sourire qui lui répondit était éclatant et la réchauffa entièrement.
-
J’ai repensé à d’autres de tes idées et je pense qu’on va utiliser le grec
ancien. Tu le maîtrises et tu pourras l’enseigner aux recrues. Qu’est-ce que tu
en penses ?
-
J’en pense, j’en pense que c’est génial !!! s’écria-elle en faisant un
bond gigantesque dans les airs.
Elle
atterrit sur le lit et rebondit en riant. Elle resta allongée et la regarda.
-
Quoi d’autre ?
Un
sourcil levé.
-
Tu as téléphoné à Karl ?
-
Oui, oui, ne t’inquiète pas. Il est en pourparlers avec ses supérieurs depuis
que M. Renjil l’a appelé. Il a pas mal de contacts dans les pays libres, il est
donc le parfait intermédiaire et il veut engager une partie de ses capitaux
aussi. Enfin bref, ils sont en train de régler la partie administrative du plan
anti-Sassem. Le budget, les effectifs, la coordination entre les différents
gouvernements et d’autres trucs comme ça… Karl me préviendra quand toutes ces
choses seront au point. Et là, se sera à nous de jouer. On doit s’occuper de la
stratégie, de l’entraînement, de la répartition des hommes sur les territoires
à attaquer, des moyens de communications, des équipes à former…
-
Ouaaah, ça à l’air… on dirait que ça devient sérieux. Vraiment je veux dire.
C’est un peu effrayant.
-
Ouais.
Une
pause.
-
Ça fait si longtemps que j’en rêve que… je ne sais pas… c’est bizarre de voir
que ça arrive enfin. Et… l’envergure du projet est si grandiose. C’est un peu
irréel je trouve, admit Tia.
-
Pareil pour moi, fit-elle en levant une main.
-
Mais au final, j’en suis contente. Plus vite ça sera terminé, plus vite je
pourrais retrouver mes enfants et toi une vie plus normal.
Alexia
éclata de rire.
-
J’ai jamais mené une vie normale et avec toi c’est pas demain la veille que ça
arrivera ! Ne fais pas cette tête chérie ! C’est une vie qui me
plaît. Même si c’est dangereux. Ça me plaît. La vie avec toi me plaît.
Alexia
disait avec une telle joie, un tel naturel et une telle assurance que la
mercenaire dut convenir que se devait être la vérité.
-
Ok.
-
Mais c’est vrai qu’on aura droit à une vie différente. Plus besoin de cacher sa
famille au moins.
-
Oui, enfin, on reste des mercenaires quand même. Ça exige une certaine
discrétion.
-
Bien sûr. Tu viens maintenant ? fit-elle en lui tendant la main.
-
Pourquoi faire ?
Un
sourire coquin fut sa seule réponse.
-
Quoi encore ?! Tu… t’es insatiable !
Alexia
laissa échapper un petit rire.
-
C’est de ta faute, déclara-t-elle en la pointant du doigt. Tu n’as qu’a pas
être aussi outrageusement belle !
-
Outrageusement belle ?!
Tia
éclata de rire.
-
N’importe quoi ! rétorqua-elle en secouant la tête. Mais en même temps qui
je suis pour oser contredire une belle femme sur ce point ? Je suis un
canon il faut que je l’accepte… et que j’en paye le prix.
-
Ça va les chevilles ? fit son amie en riant.
-
Ouais, et les tiennes ? Attends, je vais vérifier moi-même, fit-elle en
sautant sur le lit pour attraper une de ses jambes et la tirer à elle. Hmmmm,
jolie.
Elle
commença à caressa la cheville en question, puis y passa la langue avec un
regard très très excitant. Alexia s’allongea sur le dos en appui sur ses coudes
et la regarda remonter lentement jusqu’à sa bouche.
Chapitre 2 :
Le
lendemain à la même heure, elles étaient sur l’île. Tia était sur le balcon qui
donnait sur l’arrière de la demeure de Linya. Elle surplombait tout le côté Sud
de l’île et donnait un aperçu pour le moins époustouflant de ce qu’était la vie
sur l’île pour les permanentes.
Déjà,
se lever chaque matin et avoir droit à un tel paysage… « Si un jour je me
pose, j’aimerais vivre dans un endroit comme celui-ci ».
Ensuite,
il y avait l’ambiance, électrique. Un mélange de douceur de vivre et de tension
nerveuse. Les Nazaréennes de l’île se divisaient en deux groupes, celles qui
faisaient vivre l’île et celles qui protégeaient l’île.
Mais
si toutes ne faisaient pas partie de la milice, toutes la soutenaient. C’était
pourquoi, ce mélange de douceur et d’énergie ne paraissait pas incongru mais au
contraire complémentaire. C’était une ambiance qu’elle aimait vraiment.
D’autant plus qu’Alexia et elle y trouvaient chacune leur compte.
« Peut-être
quand tout ce cirque avec Sassem serait terminé, pourrait-on en faire un
pied-à-terre ? En plus de celui du Texas. Lex adore cet endroit et y a
investi beaucoup d’elle-même. Et je pourrais peut-être y apporter ma
contribution ? »
La
veille, lors de leur arrivée, Linya et Conception, la chef de la milice de
l’île étaient venues lui demander de leur apprendre quelques petites choses.
Elles savaient qu’elle était mercenaire et l’une des meilleures sur le marché,
alors elles voulaient en profiter. Au début, la demande l’avait un peu surprise
et elle avait été tentée de refuser, mais l’air enthousiaste de sa compagne
l’avait poussée à répondre qu’elle y réfléchirait. Et maintenant, à observer
l’île et ses habitantes, le calme mêlé à la détermination qui se dégageait
d’elle, la brise qui balayait son visage et le paysage sublime… pourquoi
pas ?
Ça
aurait au moins l’avantage de la maintenir en forme.
Laissant
son regard errer, elle repéra une petite tête blonde qui se dirigeait d’un air
résolu vers le terrain d’entraînement, situé sur la partie Est de l’île. Elle
était beaucoup trop loin pour être certaine de ce qu’elle distinguait, mais
quelque chose, sa démarche peut-être, lui disait qu’il s’agissait de sa
compagne. Et bien, sûr le sourire idiot qui lui venait immanquablement à sa vue
était aussi un gros indice.
Elle
se décida enfin à rentrer et délaissant la rambarde, elle s’étira puis retourna
d’un pas paresseux dans sa chambre.
Linya
s’y trouvait et elles se sourirent.
-
Salut marmotte ! lança la jeune blonde en riant. Je n’aurais jamais pensé
que tu puisses dormir autant !
-
Ça arrive parfois, répliqua-elle en haussant les épaules.
« Surtout
après une blessure qui m’a fait perdre beaucoup de sang et qui a nécessité
toute ma concentration pour ne pas perdre conscience avant le retour sur la
terre ferme. »
-
Parfois seulement ? la taquina-elle.
Un
sourcil relevé de façon totalement dédaigneuse lui répondit, lui arrachant un
petit rire en secouant la tête. Cette fille était toujours de bonne humeur.
Elle l’aimait bien en fait. Et c’était une chose suffisamment rare pour qu’elle
se pose des questions.
-
Qu’est-ce qui t’arrive ?
-
Comment ça ?
-
Tu fronces les sourcils d’un air soucieux, soudain. Un problème ?
-
Ça dépend.
-
Tu… veux en parler ? demanda la jeune femme, incertaine.
Tia
la contempla d’un air pensif, puis une idée diabolique germa dans son esprit et
elle prit un air préoccupé et embarrassé.
-
En fait, je me disais que je t’aimais bien.
La
révélation fit ouvrir de grands yeux à la jeune blonde.
-
Oh… euh. Je… moi aussi je t’aime bien, répondit-elle nerveusement. En quoi
est-ce un problème ?
Tia
se rapprocha l’air de plus en plus soucieuse.
-
Eh bien, en fait...
Elle
s’arrêta à quelques pas à peine de sa compagne et se mordit la lèvre avant
d’avouer à contrecœur :
-
Je… je n’arrête pas de penser à… à notre baiser.
Les
yeux écarquillés parurent sortir de leurs orbites.
-
Qu… quoi ?! bredouilla Linya qui ne savait plus quoi dire ou faire.
-
Oui… je… c’est un problème. Et… je me disais…
-
Ouiiii ?
Linya
était vraiment gênée mais aussi complètement perdue. Qu’est-ce que tout ça
voulait dire ?
-
Je me disais… que si je pouvais t’embrasser à nouveau, je pourrais enfin savoir
ce que je ressens vraiment pour toi.
-
Hein ?!
Linya
était stupéfaite. C’était une blague ?!
-
Heu… écoute Tia, enfin je veux dire She-wolf…
-
Tu peux m’appeler Tia, si tu veux.
Linya
ne savait plus où se mettre. Elle savait parfaitement ce que signifiait le
droit de l’appeler par son vrai prénom.
-
Écoute… je tiens énormément à Alexia… je ne veux pas lui faire de mal.
-
Moi non plus, affirma la mercenaire en lui prenant la main.
« Ooookkk ».
Linya essaya tant bien que mal de calmer les battements précipités de son cœur.
« Comment je vais me sortir de cette impasse ? »
-
Mais… j’ai besoin de savoir où j’en suis et… tu m’as déjà beaucoup aidé… est-ce
que tu pourrais encore le faire ? interrogea la grande femme suppliante.
« Ola
ola ! Qu’est-ce qu’elle sous-entend là ?! »
-
Je ne coucherais pas avec toi ! s’exclama-elle soudain paniquée.
-
Bien sûr que non ! se récria Tia. Je ne ferais jamais une chose pareille à
Alexia !
La
déclaration rassura la blonde avant de voir que la grande brune se rapprochait
encore en se penchant vers elle, au point qu’elles se retrouvèrent à un souffle
l’une de l’autre.
« Ok,
ok, trouve un truc et trouve-le vite Lin ! » se dit la chef de l’île
de plus en plus paniquée.
-
Mais j’ai besoin de savoir…
La
mercenaire posa une main d’une douceur surprenante sur la joue de la jeune
femme et plongea un regard d’une intensité brutale qui fit bondir son cœur. Tia
se pencha vers elle et les yeux perdus dans l’océan azur de ceux de sa compagne,
Linya ne réagit pas. Alors qu’elles étaient sur le point se s’embrasser, une
voix courroucée se fit entendre.
-
On peut savoir ce que vous faites ?!
Linya
sursauta et s’écarta d’un bond de la grande femme en se tournant vers
l’embrasure de la porte de la chambre. Alexia se trouvait là, les poings sur
les hanches, l’air particulièrement furieuse.
-
Heu… heu… je… c’est pas….
« Oh
seigneur et maintenant comment j’explique ça ?! » se dit-elle au
désespoir. Un éclat de rire soudain la fit se retourner. Tia était renversée
sur le lit, riant en se tenant le ventre, des larmes plein les yeux. Linya se
retourna vers Alexia et vit un grand sourire s’épanouir sur son visage
auparavant furibond.
« Qu’est-ce
que… ? » Son regard allait de l’une à l’autre en tentant de
comprendre. Enfin Tia se redressa en essuyant les larmes qui avaient coulées
sur ses joues.
-
Je me demandais combien de temps tu allais tenir, fit-elle en direction de sa
compagne.
-
Je n’étais pas très sûre de ce que tu faisais, en fait, répondit Alexia.
Puis
elle leva un doigt menaçant.
-
Ce n’était pas très gentil !
-
Désolée, fit celle-ci pas du tout convaincante.
-
Attendez, attendez ! intervint Linya. Vous… c’était une blague ?!
-
Ouaip ! confirma la grande femme.
-
Et… et tu étais au courant ? s’insurgea-elle en se tournant vers son amie.
-
Oui, enfin. Pas au début. J’ai compris en voyant ton expression de faon
effarouché dans le miroir. Mais tu sais, je crois que ça mettait aussi destiné.
-
Comment ça ?
-
Tia est une spécialiste des blagues tordues. Elles nous a eu toutes les deux.
Quoique, toi plus que moi quand même ! finit-elle dans un éclat de rire.
Linya
plissa les yeux, pas très sûre d’apprécier la blague. Puis décidée à reprendre
l’avantage, elle fit trois grands pas en direction de Tia, attrapa son visage
goguenard et y pressa ses lèvres fortement. Le rire d’Alexia s’éteignit
brutalement alors que les yeux de la mercenaire s’écarquillaient subitement.
« Un partout » songea la jeune blonde en souriant intérieurement.
Elle se recula légèrement et murmura tout contre les lèvres de la grande
femme :
-
Ça c’était pour t’être moquée de moi.
Puis
elle l’embrassa à nouveau, la renversant sur le lit brutalement. A nouveau elle
s’écarta.
-
Et ça, c’était pour emmerder Alex.
-
H… ha… euh… bien.
Linya
reprit possession de sa bouche une nouvelle fois forçant le barrage de ses
lèvres et y introduisant sa langue. Tia sursauta sous l’assaut et se redressa
en repoussant la jeune femme. Elles se retrouvèrent à un souffle l’une de
l’autre, Linya sur les genoux fermes de la mercenaire qui jetait un regard
paniqué à sa compagne. Un lent sourire de triomphe s’étala sur le visage de
Linya. Elle passa les bras autour du cou de la grande femme avec un sourire
sensuel et approcha la bouche de son oreille :
-
Et ça, murmura-elle, c’était pour répondre à ta question.
Elle
donna un coup de langue et mordilla brièvement le lobe, provoquant un nouveau
sursaut et un déglutissement nerveux, avant d’enfin s’écarter du corps vraiment
très bien foutu de la grande femme et de se remettre sur ses pieds d’un air
satisfait. Elle passa près d’Alexia en lui lançant un grand sourire qui ne lui
fut pas retourné et referma la porte de la chambre en gloussant.
C’était
amusant finalement, même si à un moment elle avait vraiment eut l’impression de
perdre pied. La mercenaire était une femme dangereuse et pas seulement en tant
que guerrière. Elle était si intense… Elle saisissait mieux ce qui avait tant
charmé sa meilleure amie. Elle-même, si elle n’était pas aussi sûre de son
orientation sexuelle…
Heureusement,
elle l’était !
***********************************
Alexia
entendit le déclic de la porte et tourna un regard noir vers sa petite amie.
-
Je me trompe ou elle t’a embrassée trois fois sans que tu ne la repousses
? Et avec la langue si je ne m’abuse ?
Tia
était mal. Il fallait reconnaître qu’elle avait sous-estimé la dirigeante de
l’île. Niveau blague tordue elle était au moins aussi douée qu’elle. Elle
devait reconnaître, avec une certaine admiration, qu’elle avait su très vite
rebondir et reprendre l’avantage. Elle était faite et refaite. « Mais ça
pourrait être intéressant d’avoir enfin une adversaire à sa taille en ce
domaine » songea-elle avec une certaine excitation. Puis elle posa les
yeux sur sa compagne et revint brutalement à la réalité. « Ok Tia, trouve
quelque chose et vite ».
Soudain
Alexia éclata de rire et Tia se figea, avant de se détendre.
« Ok.
Tu t’es encore fait avoir. Deux fois de suite, tu te ramollis ! »
songea-elle en secouant la tête néanmoins réellement soulagée. Alexia se
rapprocha d’elle et prit la place laissée vacante par son amie et s’assit sur
les genoux de SA mercenaire.
-
Je t’avais dit qu’on était très amies, souffla-t-elle près des lèvres tentantes
de son amie, on partage tout.
Tia
se figea une nouvelle fois avant de secouer la tête devant sa crédulité. Ce
n’était décidément pas sa matinée.
-
Très amusant, petite fille. Ok, tu m’as eu. Je me rends. Cela dit tu pourras
dire à TON amie qu’elle embrasse divinement bien, finit-elle avec un sourire
arrogant.
Ce
fut le tour d’Alexia de se statufier. Elle se reprit cependant très vite et
retourna le sourire.
-
Ok.
Un
froncement de sourcil lui répondit. « Ok, laisse tomber Tia, elles sont en
forme aujourd’hui et de toute évidence pas toi. »
-
On va petit-déjeuner ? lança-elle pour revenir à un sujet plus neutre.
-
Je te suis, fit sa petite amie en plantant un baiser sur ses lèvres avant de se
lever.
« Par
contre demain… » se dit la mercenaire en se laissant tirer par la main.
*******************************************
Plus
tard dans la journée, Tia se mit en quête de Conception. Elle se dirigea donc
vers le terrain d’entraînement. Avec une surprise ravie, elle découvrit que
Linya y était aussi. Elle s’approcha par derrière et souffla dans son oreille,
provocant un bond de deux mètres et une collision entre le crâne très solide de
Linya et le nez un peu moins costaud de Tia.
-
Aouuh ! lâcha-elle en posant une main sur son nez.
-
Désolée, fit Linya une main sur sa tête.
« Il
faut vraiment que je renonce aux blagues aujourd’hui »
-
Ça va. Je… hum voulais te remercier pour ce matin.
-
Me remercier ?
-
Mmm oui. J’ai jamais connu de pareil baiser, déclara-elle avec un sourire
coquin.
-
Oh… euh… de… de rien.
Un
léger rougissement sur les joues de Linya apprit à la mercenaire qu’elle avait
enfin marqué un point. « Je sens que ça va être amusant de t’avoir comme
adversaire. »
-
J’ai comme l’impression que tu ne suis pas les cours dispensés à tes recrues,
remarqua-elle en montrant l’entraînement qui se déroulait devant elles.
-
Bien sûr que si. Pourquoi tu dis ça ?
-
Le bond de deux mètres peut-être ?
-
Heu ben, ça prouve rien.
-
Manque d’entraînement.
Linya
plissa les yeux.
-
C’est un conseil ou une remarque de coach ?
-
A ton avis ?
-
A mon avis, tu ne te trouverais pas ici si tu ne voulais pas accepter notre
proposition.
-
Tu vois quand tu veux, tu trouves, fit-elle en posant l’index sur le bout de
son nez, taquine.
-
C’est marrant j’ai l’impression que tu sous-entends que je suis bête.
-
Nooon. Juste blonde parfois, dit-elle avec un petit geste désinvolte des
épaules.
-
Oh que c’est drôle ! répondit Linya en lui frappant gentiment le bras. Tu es
rigolote, tu sais, déclara-elle brusquement.
-
Ah ?
-
Je comprends mieux ce que te trouve Alexia.
Tia
laissa échapper un petit rire.
-
Vraiment ? Et qu’est-ce qu’elle me trouve selon toi ?
-
Eh bien… tu es belle, et c’est de loin l’euphémisme du siècle, tu es drôle,
bien plus gentille que tu n’en as l’air, tu es intelligente et terriblement
sexy. Si tu ne fais pas plus attention, je pourrais bien finir par tomber
amoureuse, dit-elle avec un adorable sourire.
Tia
se figea pour la dixième fois de la journée. Le petit sourire et la lueur
malicieuse dans les yeux marrons qui lui faisait face, lui apprit que c’était
sa revanche pour ce qu’elle avait dit plus tôt. « Ok Tia, reconnaît
qu’elle est plus forte que toi et laisse tomber les taquineries, parce qu’elle
est vraiment, vraiment douée. »
-
T’as gagné, lâcha-elle avec un petit rire. Je reconnais ta supériorité.
-
C’est bien, tu es une brave petite, répondit-elle en posant une main sur son
torse.
-
Une brave petite ? Ne prends pas
la grosse tête, gamine. C’est ton jour, mais ce ne sera pas toujours le cas,
alors prends garde.
-
Ouuuuuh, je tremble de peur. J’ai hâte d’être au prochain round.
-
Ouais bon, on verra ça plus tard, marmonna la grande femme. Et si tu me
présentais à mes futurs élèves ?
-
Avec plaisir, ô grand maître.
Une
petite courbette et un geste, invitèrent Tia à la précéder.
-
Au fait, déclara la mercenaire l’air de rien, tu peux réellement m’appeler Tia.
Après tout, on a été si proches l’une de l’autre… tu l’as bien mérité.
Linya
se redressa en riant.
Enfin
une adversaire à sa hauteur !
*************************************
Le
soir un anniversaire était prévu. C’était les 17 ans du fils d’une permanente
et une grande fête sur la plage était organisée. Toutes les femmes de l’île et
leurs enfants seraient là. Et d’après Linya, quelques hommes débarqueraient
bientôt sur l’île. Quand Tia l’avait interrogée sur leur présence, elle lui
avait expliqué qu’en fait les Nazaréennes n’étaient qu’une moitié de
l’association Lyoko. Les mêmes refuges avec les mêmes valeurs et lignes de vie
existaient pour les hommes car eux aussi étaient maltraités et exploités. Ce
n’était pas que l’apanage des femmes.
Tia
avait accepté l’explication et convenu que c’était vrai. Même si ce n’était pas
une chose si évidente. Le fait est que cette découverte lui montrait une
nouvelle facette de Linya.
-
T’es vraiment impressionnante, lui avait-elle dit sur un ton admiratif.
La
jeune femme l’avait considérée un moment.
-
Tu le penses vraiment ? lui avait-elle enfin demandé.
-
Évidemment, avait répondit la mercenaire un peu surprise.
« C’est
bizarre, songea Linya, je n’aurais jamais cru que son avis puisse m’importer
autant. »
-
C’est dingue, dit-elle soudain.
-
Quoi donc ?
-
Je crois que je t’aime.
Les
yeux grands ouverts la firent rire.
-
Pas dans ce sens grosse bêtasse. Je tiens à toi comme je tiens à Alexia, voilà
tout. Je te rappelle que je ne suis pas gay.
-
Heureusement pour moi, répliqua-elle avec conviction. Si tu étais gay, je
pourrais craquer devant une aussi drôle et jolie jeune fille.
-
Tu veux bien arrêter ! fit Linya en riant.
-
Oh non, c’est bien trop amusant !
-
Ok. Bon je voulais juste que tu le saches. Je t’aime bien et je veux que tu
saches que tu es mon amie. Une amie dont l’avis et l’opinion compte beaucoup.
Et… que ça marche ou non avec Alexia… je continuerais de le penser.
-
M… merci. Ça… me touche… vraiment.
-
Cool ! Alors, chef qu’as-tu pensé de mon entraînement ?
-
Assez nul. T’as plutôt intérêt à t’y remettre sérieusement.
-
Beuh, je suis pas si nulle.
-
Oh si.
-
On t’as déjà dit que t’avais aucun tact ?!
-
Non.
-
Sérieusement ?
-
Jamais.
-
Sûrement parce que tu leur fiches la trouille, acquiesça-elle finalement.
-
Alors comme ça y’a des Nazaréens ? demanda Tia curieuse. Tu les diriges
aussi ?
-
Plus ou moins. C’est surtout mon cousin qui le fait. Il me fait des rapports
assez réguliers mais sinon il se débrouille seul.
-
Et ça arrive souvent ce genre de mélange ?
-
Pour les grandes occasions surtout. Tu sais, ce n’est pas par plaisir qu’on les
isole. La plupart du temps leur bourreau est du sexe opposé, alors si on veut
leur faire commencer une thérapie qui puisse avoir un minimum de succès, ils
doivent se retrouver dans un lieu sécurisant, entourés de personne qui ne les
terrorisent pas par leur simple présence. Mais lorsqu’ils sont suffisamment
remis, on estime que le mélange devient nécessaire pour qu’ils ou elles ne
développent pas une aversion ou une phobie envers le sexe opposé. En ce moment
par exemple, au Guatemala, deux villages veulent entrer en guerre.
-
Explique, demanda la mercenaire bien plus intéressée qu’elle ne l’aurait cru.
-
Un village de femmes et un autre d’hommes connaissent des conflits depuis
quelques mois déjà. Le problème est qu’ils sont bien trop proches l’un de
l’autre et qu’il y a des tensions sur ce que chacun considère comme les
frontières les séparant. On a trop attendu pour les faire se rencontrer ou
peut-être simplement qu’on leur à laisser trop d’autonomie. Les fortes têtes de
chaque village en ont pris la tête et ont décrété que le problème était leur
voisin.
-
Il n’y a pas de régent sur place ?
-
Il y en avait, mais un réseau de prostitution d’enfants a été mis au jour au
Honduras et le régent du village des hommes a dû se rendre sur place avec ses
deux meilleurs recrus pour essayer de convaincre les gamins de les rejoindre.
Et quelques jours après, la régente des femmes, s’est faite renverser par une
voiture. Un « accident » selon les autorités locales, mais on sait
que ce n’est pas le cas, et on a dû lui laisser trois des meilleurs miliciennes
pour veiller sur elle, en attendant son rétablissement.
-
Tu as essayé de parler avec eux ?
-
Bien sûr ! Seulement c’est difficile d’être prise au sérieux quand c’est
une interprète qui parle pour vous. Et la dirigeante d’Amérique centrale,
refuse de m’écouter alors ça devient compliqué.
-
La dirigeante ? Je croyais que c’était toi ?
-
Ça l’est, mais je ne peux pas être partout à la fois et m’occuper de tout le
monde. Il a bien fallu que je délègue. Il y a un dirigeant par continent
environ.
-
Pourquoi tu ne la vires pas si elle ne t’écoute pas ?
-
Tia, commença-elle avec indulgence, mon cœur…
Linya
s’interrompit et réprima un sourire au sursaut provoqué par son petit nom.
-
C’est une association, reprit-elle enfin, pas une entreprise. Et sais-tu
combien il est difficile de dégoter une personne qui possède à la fois la
confiance des hommes et des femmes ? De plus, Gamora n’est pas mauvaise,
juste butée.
-
Ok, alors pourquoi tu ne déplaces pas un des villages ?
-
A part le fait évident que se sera pris comme une défaite devant l’ennemi par
celui que je choisirai ? Eh bien, il faut aussi qu’ils apprennent à vivre
ensemble. L’isolement n’est qu’une solution à court terme. Le but est de guérir
pas de créer une milice armée et vindicative. Sans parler du fait que déplacer
un village entier est plutôt visible, que le terrain est protégé car perdu dans
la jungle et qu’il n’y en a pas des millions aussi grand et aussi isolé. Bref,
c’est compliquer quoi.
-
Je vois ça. Et tu penses faire quoi ?
-
Envoyer Alex. Apaiser les conflits est sa grande spécialité et elle parle
Guatémaltèque.
-
Tu… lui en as déjà parlé ?
-
Oui, ce matin. Et elle est ok.
-
Oh.
-
Ça ne t’ennuie pas, j’espère ? demanda Linya en posant une main sur son
bras, un peu inquiète d’avoir créé des problèmes.
Tia
réfléchit.
-
Non, répondit-t-elle enfin. Elle aime cet endroit et ça lui fera du bien de se
replonger dans une chose moins dangereuse pendant quelques temps. Ça lui
changera les idées et lui rappellera qu’elle a plein de qualités très utiles.
Et, j’aime bien cet endroit moi aussi.
-
Cool, fit Linya soulagée.
-
En plus, ça nous laissera plein de temps pour apprendre à mieux nous connaître,
fit-elle en se penchant d’un air très suggestif vers elle.
Un
rougissement adorable colora ses joues.
-
Tu sais qu’t’es très mignonne comme ça, fit-elle d’un ton traînant.
-
Je vais finir par être jalouse, fit Alexia en plantant ses deux mains sur ses
hanches en face d’elles.
-
Tu peux chérie, déclara Tia en la fixant avec un grand sourire. J’ai décidé de
séduire ta meilleure amie quand tu seras au Guatemala, alors je m’entraîne un
peu.
« Oh
oh, je vais avoir des ennuis, se dit-elle en regardant avec appréhension le
sourire torve de sa petite amie. Je savais que j’aurais dû lui en toucher un
mot plus tôt. »
-
Heu, ok, mais alors quand je reviens tu l’oublies, tenta-elle de blaguer.
-
Faut voir, répliqua son amie en haussant les épaules. Si elle me dit qu’on ne
doit plus voyager l’une sans l’autre et qu’elle tient parole, j’aurais
peut-être envie de la garder.
« Ok.
Celle-là tu la bien cherché ».
-
D’accord, j’aurais dû t’en parler plus tôt mais je ne savais pas comment
aborder le sujet et je me suis dit que… eh bien… le réseau Nazaréen est
vraiment très sûr, alors je ne risquais rien et que comme ça tu aurais pu te
reposer sans avoir à t’inquiéter ou à t’occuper de moi.
Tia
la dévisagea surprise.
-
Mais… tu crois que tu es un poids pour moi ou quoi ?! J’aime m’occuper de
toi, s’exclama-elle un peu en colère.
-
Heu... je sais, je me suis mal exprimée. Je… « Décidément je suis vraiment
nulle »… excuse-moi.
-
C’est rien, soupira-elle en sentant sa colère s’évanouir. De toute façon je
trouve que c’est une bonne idée.
-
Vraiment ?
Cette
fois, c’était au tour d’Alexia d’être surprise.
-
Oui.
« Comme
ça j’ai tout le temps d’organiser ta surprise avec Linya » songea-elle
satisfaite. « Même pas besoin de trouver une excuse pour t’éloigner »
-
Heu… eh bien… c’est cool alors.
Tia
hocha la tête et échangea un regard entendu avec Linya. Alexia aperçut cela
avec un certain malaise. Non, elle se faisait des idées. Linya ne lui ferait
jamais ça et puis elle aimait les mecs et puis ce n’était pas le genre de Tia
et puis… il fallait qu’elle arrête de penser, ça ne lui réussissait pas dans ce
domaine.
-
Ok. Alors quand est-ce que je pars chef ? demanda-elle à Linya.
-
Quand ton escorte sera là. Autrement dit demain en début d’après-midi.
-
Une escorte ? interrogea Tia.
-
Comme si je laissais mon personnel en mission officielle partir sans assurance.
Cette
initiative parut rassurer la mercenaire autant qu’elle l’inquiéta. Elle avait
bien envie de l’accompagner finalement. Mais... dans ce cas, elle ne pourrait
pas parler de la surprise avec Linya et se serait rater une occasion en or.
Sans parler du fait qu’Alexia avait vraiment besoin de voir de quoi elle était
capable sans elle et elle pourrait croire qu’elle n’avait pas confiance en ses
capacités si elle insistait pour l’accompagner.
-
Alors cette opération anti-Sassem ? Vous allez finir par m’en parler ou
bien vous allez passer ça sous silence ? lança la grande Linya en
souriant. J’imagine que vous êtes ici pour ça. Enfin ça doit bien avoir un
rapport non ?
Les
deux amantes se consultèrent du regard un moment puis Tia hocha la tête et
Alexia s’assit enfin à côté de sa compagne. Elle dévisagea sa meilleure amie
avant de commencer à lui raconter leur plan et sa possible implication dans
celui-ci.