Sassem, partie VII b
Chapitre 3 :
Après
les explications vint le silence. Enfin, un silence relatif car des centaines
de Nazaréennes et quelques dizaines de Nazaréens, les frères plus âgés, l’oncle
et même un ou deux cousins du type à qui l’on fêtait l’anniversaire, faisaient
la fête à côté.
Linya
réfléchissait. Alexia pouvait le dire à son regard perdu dans le vague. Elle
regarda sa compagne qui haussa les épaules et attendit. Après quelques minutes
d’un silence plutôt bruyant, Linya prit enfin la parole.
-
Donc, vous voulez que je sélectionne des personnes parmi mes connaissances mais
aussi parmi les permanents des différents refuges pour qu’ils jouent les
messagers lors de votre attaque contre Sassem, c’est ça ? demanda-elle
lentement.
-
C’est à peu près ça, oui, confirma Alexia.
-
A peu près ?
-
Hm, intervint la mercenaire, on veut qu’ils ou elles apprennent le grec ancien
et jouent les officiers de liaison sur les différents continents et au sein des
différentes équipes sur place. Certains ne seront que de simples officiers
radio, pour d’autres… il vaudrait mieux qu’ils sachent se défendre,
conclut-elle doucement.
-
Heu… eh bien je peux y réfléchir ou… en parler directement aux intéressés. Je
vais voir. C’est urgent ? Il vous faut une réponse rapide ?
-
Non, on a encore un peu de temps, répondit Tia. C’est… on a quelques mois.
-
Mais… ?
-
Mais… c’est pour toute l’opération. Ta réponse… je dirais qu’il me faut une
sélection dans deux semaines maxi. Après il faut les mettre au boulot. Y’a pas
mal de choses à voir, pas seulement le code à apprendre.
Linya
hocha la tête pensivement.
-
Qui d’autres sera impliqué ?
-
Certains gouvernements. Et quelques particuliers.
-
Tu peux être plus précise ?
-
Je peux mais je ne le ferais pas.
Linya
l’étudia en silence. Enfin elle hocha la tête, acceptant la réponse pour ce
qu’elle était.
-
Bon, eh bien maintenant que ça c’est réglé, on peut peut-être profiter de la
fête maintenant, vous ne croyez pas ?
-
Je pense que c’est une chose qui peut se faire, acquiesça Alexia.
Elle
se leva, épousseta son jean et tendit la main vers sa compagne qu’elle remit
sur pieds assez facilement. Puis elle l’entraîna au milieu d’un groupe de
jeunes, en pleine démonstration de danse. Elle s’appuya contre le corps solide
de la mercenaire et se laissa emporter par la musique, l’ambiance et les rires.
La brise douce qui souffla à cet instant emporta ses soucis, ses doutes et
toutes idées autres que celles de s’amuser.
Elle
s’écarta soudain de sa compagne avant d’attraper sa main et de l’entraîner dans
le cercle de jeune.
-
Montrons leur ce que deux « vieilles » comme nous savent faire, lui
murmura-elle.
Tia
n’hésita pas et suivit sa petite amie dans sa douce folie. « Se mesurer à
des jeunes. Sur leur territoire qui plus est ! Non mais quelle
idée ! » se dit-elle en souriant.
Elle
fit tournoyer sa compagne avant de la mettre en face d’elle et de reproduire
les gestes qu’elle observait autour d’elle avec une aisance née d’une longue
pratique et que sa compagne envia la bouche ouverte, stupéfiée.
Linya
qui les avait suivies, rit en voyant sa tête puis alors qu’elle concentrait son
attention sur la grande femme, elle admit que c’était assez impressionnant.
Surtout lorsque l’on savait comme elle, que la danse n’était pas une pratique
courante chez la mercenaire.
Tia
dansait comme si elle avait fait ça toute sa vie ! Avec une grâce, une
fluidité et une économie de geste étonnante. Elle suivait chacun des gestes
avec une acuité intense avant de les reproduire un par un lorsque son tour de
danser venait. Rapidement, les démonstrations devinrent défis et les pas se
complexifièrent. La rapidité fut bientôt un atout indispensable pour parvenir à
suivre et beaucoup des jeunes abandonnèrent.
Il
ne resta bientôt plus qu’un jeune de 18 ans et… Tia. Elle n’avait pas lâché,
suivant sans se démonter, reproduisant, voir même mélangeant les différents pas
qu’elle venait d’apprendre et impressionnant même son adversaire par une ou
deux figures de son cru. « Empruntées au sport de combat », reconnut
sa compagne avec admiration. Tia était surprenante. Elle, si réservée
habituellement, s’entendait comme larrons en foire avec Linya, la plus méfiante
de ses amies envers la mercenaire, et dansait maintenant devant des centaines
de personnes, elle qui avait pourtant horreur d’être le point de mire.
La
grande femme dut sentir son regard car elle tourna soudain la tête vers elle et
lui sourit. Un grand, un large, un merveilleux sourire. « C’est pour moi
qu’elle fait ça, comprit-elle soudain. C’est mon monde… un monde que j’aime et
duquel je fais partie depuis des années. Elle veut s’y intégrer… pour moi. Me
faire plaisir. Me rendre heureuse. Et… elle veut que je m’amuse. »
Elle
forma le mot merci silencieusement et la mercenaire l’accepta d’un bref et
petit hochement de tête. Puis elle retourna à sa danse, déterminée à flanquer
une déculottée dont ce petit coq se souviendrait encore longtemps. « Ah tu
croyais que tu gagnerais facilement hein ?!, songea-elle amusée en le
voyant de plus en plus contrarié. Erreur. »
Le
duel prit fin avec l’abandon du jeune homme qui au milieu d’une figure perdit
l’équilibre et comprit que c’était la fin. Le jeune garçon dont c’était
l’anniversaire s’approcha d’elle et lui leva le bras en l’air en la déclarant
vainqueur dans un grand sourire. Puis, alors que la foule explosait en hourra
et applaudissements en tout genre, il se pencha vers elle.
-
Merci de lui avoir donné une leçon, murmura-il. Il est toujours en train de
faire le cake au lycée. Tout ça parce qu’il sait danser et a remporté un concours
avant de venir ici il y a deux ans.
-
De rien, répondit-elle en lui retournant son sourire. Disons que c’était mon
cadeau d’anniversaire.
-
Un des plus chouettes alors. Parce que lui et moi on ne s’entend vraiment pas
et le voir prendre aussi mal sa défaite c’est… tout simplement jouissif.
Puis-je réclamer un bonus ? demanda-il un peu hésitant.
-
De quel ordre ?
-
Une danse ? Enfin je veux dire avec vous, pas une démo ou un entraînement.
-
Tu veux danser avec moi ? fit-elle en riant devant sa maladresse et son
hésitation.
-
Ouais, répondit-il en rougissant un peu.
-
En quoi c’est un bonus ?
-
Ben, Tidjai en serait malade. Il vous trouve canon, expliqua-il devant son
sourcil relevé.
Le
sourcil droit rejoignit son ami le gauche et ils restèrent là tous les deux
quelques temps, décidant que c’était un bon endroit pour faire une pause.
-
Heu… moi aussi, ajouta-il précipitamment. J’ai pas voulu insinuer que je vous
trouvais pas jolie. Je veux dire, il faudrait être aveugle pour penser le
contraire, bredouilla-il de plus en plus mal à l’aise.
Tia
eut pitié de lui et mit fin à son embarras.
-
Pas de problème, je veux bien danser avec toi.
-
Merci, fit-il très soulagé.
-
J’en conclus qu’il y a une certaine rivalité entre vous, fit-elle en l’attirant
près d’elle pour la danse promise.
Il
écarquilla les yeux et déglutit tout en posant ses mains autour de la taille
fine mais musclée de la grande mais si incroyablement belle femme.
-
Je… oui. Il… m’a piqué ma nana.
-
Oh, je vois. Dans ce cas, faisons le trépigner.
-
Comment ça ?
La
mercenaire se rapprocha du jeune garçon, qui était presque aussi grand qu’elle
et posa son front contre le sien.
Les
yeux dans ceux profondément bleus de sa partenaire amenèrent un rougissement
intense sur les joues du jeune garçon.
-
Ça, c’… c’est sûr que ça va l’énerver, s’étrangla-t-il presque en n’osant pas
croiser son regard. Il se croit irrésistible et il trompe Margareth dès qu’il
le peut. Il pariait tout à l’heure sur le fait que vous ne lui résisteriez pas.
« Eh
ben y’en a qui doute de rien ! » songea la guerrière ironique en
posant les yeux sur le dit jeune homme. Il était plutôt beau gosse et
apparemment il le savait. D’allure branché et assez bien fait, il en jouait au
maximum, et le fait est qu’il y avait peu de garçons sur l’île, donc difficile
de résister dans ces conditions. « En fait, les filles devaient se
l’arracher, songea la grande femme, d’où sa complète et totale arrogance. Il
faudra que j’en touche un mot à Linya. Je parie qu’elle n’avait pas pensé à ce problème
là ».
Elle
se tourna ensuite vers son partenaire de danse et le détailla. Lunettes à
monture fine, cheveux châtain en bataille, yeux noirs un peu timides. Grand,
mince mais pas très musclé. Mignon, mais il était plutôt évident de la raison
pour laquelle sa copine avait pu le lâcher pour Tidjai. Cependant, elle pouvait
peut-être lui donner un coup de main.
-
Qu’est-ce que tu dirais de finir cette danse en beauté ? demanda-elle en
croisant enfin son regard.
-
Heu… comment ?
Elle
lui sourit puis, alors que la musique s’éteignait doucement et qu’elle sentait
le regard de Tidjai sur elle, elle se pencha et posa ses lèvres sur les
siennes. Il se figea comme si il venait de marcher sur une mine, ce qui la fit
bien rire. Elle maintint le contact quelques secondes, puis se recula et lui
demanda :
-
Comment tu t’appelles ?
-
Je… heu…
Tia
eut un petit rire devant son expression figée et lui donna une petite tape sur
l’épaule.
-
Hé ho ?
-
Hein ? fit-il l’air d’émerger d’un rêve profond.
-
Ton nom ? J’aime bien savoir qui j’embrasse.
-
Ha, heu…Mickaël, répondit-il en rougissant et en baissant les yeux.
-
Hé Mickaël, fit-elle en lui prenant le menton, ne baisse pas la tête. Ce soir
c’est toi le caïd. Tu as dansé et embrassé la fille que convoitait ton rival.
Tu es le roi de la fête, alors profites-en et vante toi. Je t’en donne la
permission.
Il
la fixa et hocha la tête un grand sourire sur le visage.
-
Comment vous vous appelez ?
Elle
hésita puis haussa les épaules mentalement.
-
Tia.
-
C’est drôlement beau. Merci, Tia pour cette soirée spéciale que vous avez rendu
encore plus spéciale.
-
A ton service beau gosse, fit-elle en s’inclinant pour jouer.
Il
rougit et s’éloigna enfin rejoindre son groupe d’amis, qui le félicitèrent avec
de grandes tapes dans le dos et force sifflements.
Alexia
s’approcha un sourire indulgent accroché au visage et dit :
-
C’était gentil.
-
Surtout facile alors pourquoi pas ? rétorqua sa compagne en haussant les
épaules.
-
Tu es gentille, insista son amie.
Tia
haussa les épaules mais rougit un peu et Alexia n’insista plus. Le message
était passé. Elles s’éloignèrent et rejoignirent Linya qui disputait une partie
de volley un peu plus loin.
***************************************
Le
lendemain après-midi, Tia observait le ciel essayant de se représenter Alexia.
Elle était partie trois heures plus tôt et Linya avait refusé de lui dire quel
moyen de transport elle utiliserait. Elle espérait que ça ne durerait pas trop
longtemps et que sa compagne réglerait vite le problème parce qu’en ce qui la
concernait, elle en avait un gros.
Alexia
lui manquait.
La
mercenaire soupira en baissant la tête vers le sable sous ses pieds et reprit
sa course. Elle fit le tour de l’île pour la troisième fois puis s’étira
quelques minutes et retourna au chalet. Là, elle prit une douche et enfila un
treillis et un marcel noir. Elle trouva ses baskets en cuir noir sur le dessus
de l’armoire et les récupéra en fronçant les sourcils perplexes. « Elle
n’aurait quand même pas… ? » fit-elle en songeant à son amie.
Elle
se jeta sur son sac de voyage et l’ouvrit. Il était vide. « Ok, donc elle
s’est amusée à cacher mes affaires. D’accord. T’avais peur que je
m’ennuie ou quoi ?» Elle soupira. « Très amusant Lex. Je vais
passer une bonne journée, moi, je l’sens. »
Elle
se releva après avoir noué ses lacets et fit un rapide tour des yeux de la
chambre. Elle repéra son dentifrice sur l’étagère du mur, coincé entre deux
livres. Elle le récupéra en secouant la tête. Un petit sourire prit naissance
au coin de ses lèvres lorsqu’elle découvrit une de ses petites culottes
proprement mise sur la tête d’une plante en pot. Elle la retira et eut la joie
de découvrir que c’était un cactus. Elle regarda à nouveau sa culotte et
commença à retirer, en grimaçant, les petites pointes qui s’y étaient logé.
Malheureusement,
ce fut tout ce qu’elle trouva. Elle se résigna donc à devoir fouiller la maison
entière mais avisant l’heure elle dut remettre cela à plus tard si elle ne
voulait pas arriver en retard, enfin pas trop, sur le terrain d’entraînement.
Aujourd’hui
elle allait évaluer les combattantes par deux. Elle leurs ferait faire des
duels qui détermineraient leur niveau. Elle ferait ensuite autant de groupe
qu’il y aurait de niveau et elle les entraînerait ensuite séparément, en
fonction de leurs besoins. Chaque groupe aurait deux heures de travail par
jour. Du moins les nouvelles recrues. Pour ce qui concernait les miliciennes,
elles, elles auraient droit à quatre heures chaque jour.
Deux
avant le lever du soleil et deux après le dîner, histoire de les habituer à des
conditions atmosphérique différentes. Elle arriva avec quinze minutes de retard
et s’excusa en les saluant. Linya lui fit un signe de tête et un petit sourire,
auquel elle répondit.
Elle
fit ensuite aligner tout le monde, ce qui lui permis de remarquer la présence
de deux adolescents, d’environ 14 ans. Elle vit les regards curieux de
certaines des femmes mais ce qui l’ennuya plus ce fut les deux ou trois regards
hostiles à leur encontre. « Juste parce qu’ils sont de sexe masculin »
songea-elle en notant à qui appartenaient les regards.
L’une
des femmes surtout lui semblait une futur source d’ennuis. Elle s’appelait
Genshenka Barslov. Et elle vit avec une certaine contrariété, qu’elle était
douée. En fait, elle était plus que ça. C’était une des militaires qui
entraînait les filles. Elle était, apprit-elle plus tard par Linya, arrivée sur
l’île il y avait trois ans et demi à la suite d’un harcèlement sévère au sein
de son unité et qui avait dégénéré en un viol collectif, un soir après une journée
difficile.
Elle
avait trouvé ce qui lui manquait ici, parmi toutes ces femmes en souffrance
comme elle. Elle avait rapidement récupéré ses forces, grâce surtout à une
forte volonté et à une rage terrible. Elle avait fini par demander à rester et
ses capacités professionnelles étant utiles au reste de la communauté, Linya
avait accepté, même si elle pensait qu’au vu de sa très forte haine des hommes,
il aurait mieux valu pour elle essayer de se réadapter au sein des siens, mais
elle n’avait rien voulu entendre, et Linya n’était pas du genre à jeter une
personne souffrante à la rue.
Genshenka
était de taille correcte. Environ 1m75. Rousse, les yeux verts et des tâches de
rousseurs partout sur le visage, elle avait un air trompeur d’adorable angelot.
Elle se battait bien, avec assurance et maîtrise. Elle dominait facilement
chacune de ses adversaires et possédait un très grand sens de l’observation et
de la stratégie. Jolie, intelligente, forte et en colère. Tia avait quelque
chose de potentiellement dangereux entre les mains.
Elle
remarqua que les deux autres personnes à avoir regarder les deux adolescents de
façon hostile, étaient de bonnes amies à Genshenka. De toute évidence ces trois
là formaient un trio dont Genshenka était le leader.
Les
deux femmes étaient plus petites que leur chef, environ 1m70 et 1m67. L’une
était blonde et l’autre brune. La plus grande, la blonde s’appelait Jodie et
était Américaine. Elle était carrée et costaud. Elle avait beaucoup de punch et
ne s’en privait pour l’utiliser. En fait, elle semblait même beaucoup apprécier
la domination que cela lui octroyait. Elle était arrivée un an plus tôt, à la
suite d’une agression violente causée par un gang d’extrémistes homophobes.
Elle avait vu sa sœur se faire violer et torturer par ses monstres qui
voulaient lui montrer ce qu’était un homme selon eux. Elle-même avait été
poignardée en voulant la défendre. Mais elle n’avait rien pu faire et sa sœur
était morte.
L’autre
femme, la brune, était arrivée deux ans plus tôt, à la suite d’une énième
agression de son père. Elle avait entendu parler de l’association par un flic
et avait décidé de l’utiliser pour se cacher de son père, mais aussi de son
frère qui trouvait l’exemple paternel très intéressant. Elle n’avait pas pensé
s’y plaire, encore moins y découvrir une raison d’être mais ce fut le cas. Si
elle semblait partager les convictions de ses copines envers les mecs, elle
semblait moins sauvage, moins en colère. Elle s’appelait Erika. Elle avait 21
ans et était plutôt menue, mais elle savait parfaitement jouer de sa stature.
De toute évidence, une de ses nouvelles amies avait dû lui apprendre l’art de
la manipulation. Elle savait aussi très bien se battre même si elle y mettait
moins de hargne que Genshenka et moins de plaisir que Jodie.
Sans
surprise, toute trois se retrouvèrent dans le même groupe. Celui des
combattantes de haut niveau. Elles faisaient partie de la milice et étaient
toutes trois des permanentes, enfin aspirantes pour Jodie, qui n’était pas
encore guérie selon Linya, et Tia comprit qu’elle devrait faire preuve d’une
grande prudence dans ce qu’elle allait leur apprendre. Elle allait devoir les
surveiller aussi, étant donné qu’elle devait intégrer un des gamins au groupe.
Il était brillant, et avait probablement pratiqué un art martial pendant de
nombreuses années avant d’atterrir ici.
A
sa grande surprise, Linya fut meilleure que la veille et elle démontra
suffisamment d’aptitude pour qu’elle l’intègre au meilleur groupe des
miliciennes. Elle était au même niveau qu’Erika en fait et avec un peu
d’entraînement elle devrait pouvoir se hisser à celui de Jodie.
Lorsqu’elle
fut satisfaite, Tia annonça la répartition des groupes et les différentes
heures d’entraînement. Certaines soufflèrent, d’autre firent la moue, mais dans
l’ensemble chacune était contente de la place attribuée.
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Alexia
de son côté, se préparait à la situation à laquelle elle allait de voir faire
face. Elle naviguait depuis quelques heures maintenant et rejoindrait bientôt
un petit avion de fret qui la déposerait non loin de leur destination. Linya
lui avait donné trois gros dossiers sur les gens qu’elle serait amenée à
rencontrer au cours de son séjour et la situation politique et géographique des
villages.
Fatiguée
de s’abimer les yeux sur le papier recyclé utilisé par Linya depuis les débuts
de l’association, Alexia releva la tête et fixa sans les voir les vagues qui
s’écrasaient contre la coque du cargo. Elle compara la couleur profonde et
riche de l’océan avec celle des yeux de son âme sœur. Pas de doute, les yeux de
Tia possédaient les plus belles couleurs.
Elle
soupira en posant le côté de sa tête sur le bord du bastingage. Elle n’aimait
pas vraiment naviguer. Ça avait une tendance régulière à la rendre malade, même
quand elle prenait ses pilules anti mal de mer. Et là, elle n’en avait pas pris
alors elle était vraiment mal.
Elle
inspira profondément et laissa l’odeur iodée de l’eau faire reculer ses
nausées. Puis elle concentra son esprit sur l’image de la mercenaire telle
qu’elle était lorsqu’elle l’avait vu plusieurs heures plus tôt. Belle, solide,
décontractée et une jolie lueur espiègle dans les yeux qui leurs donnaient un
éclat incomparable. Les cheveux balayés par une brise douce, Tia lui avait sourit
avec confiance en lui murmurant de revenir vite.
« Vite,
oh oui… le plus vite possible » songea-elle désespérée d’être loin de sa
belle mercenaire. « Consternant. Trois heures et déjà elle me manque
tellement que j’ai l’impression d’avoir une blessure au cœur. » Parfois ça
l’agaçait réellement d’avoir autant besoin d’elle. Elle ne pouvait plus rien
faire, rien dire, sans penser à elle, à ce qui lui plairait ou non, à ce
qu’elle en penserait, à si elle la trouverait jolie. L’approuverait-elle ?
Serait-elle fière ou déçue ? M’aimera-t-elle toujours ?
Toutes
ces questions qui lui traversaient l’esprit étaient si vaines qu’elles en
devenaient exaspérantes. Et pourtant elle ne pouvait s’empêcher de se les poser
et reposer à longueur de temps.
Si
la distance qui les séparait la contrariait, elle s’inquiétait aussi de la
relation qui naissait entre son amante et sa meilleure amie. Elles se
connaissaient mal et depuis peu de temps et pourtant elles plaisantaient et
blaguaient comme si elles étaient amies depuis des années. Et cette façon
qu’elles avaient de flirter… bon ok, elles plaisantaient mais… et s’il y avait
plus ? Et si ces blagues n’étaient qu’une excuse ?
« Non,
non, non, Lex, arrête ça tout de suite ! Je t’interdis de rabaisser ainsi
les sentiments de Tia, ou de mettre en doute son honnêteté ! Et Linya non
plus ne ferait rien et puis bon sang, elle n’est pas gay ! »
« Ouais
c’est ça, comme si ça pouvait avoir la moindre importance quand il s’agissait
de Tia… Bon Lex, soit tu leur fais confiance, soit tu passes ton temps à te
torturer et à les soupçonner et tu feras du mal aux deux personnes les plus
importantes de ta vie ».
Elle
réfléchit pendant le reste de la traversée et conclut qu’elle n’avait pas
réellement le choix. Elle devait leur faire confiance. Elles le méritaient et…
elle ne se voyait pas se fâcher avec elles, elle les aimait trop et avait
besoin d’elles.
« Bon
Lex, et si tu passais à des choses plus terre-à-terre hein ? Des trucs
concrets et sur lesquels tu as un certain contrôle ? » Elle secoua la
tête et se dit qu’elle devrait un jour se décider à faire quelque chose à
propos de cette jalousie maladive qui risquait de tout gâcher.
Elle
soupira et revint aux papiers entre ses mains.
Linya
lui en avait fait un résumé détaillé le matin même et lui avait expliqué les
différentes options qui avaient été tentées pour finalement conclure que la
parole, surtout la sienne, était la seule qui n’avait pas encore été essayée.
Elle
devrait donc faire preuve de diplomatie et de créativité dans les arguments
qu’elle exposerait aux deux parties. Tout d’abord, il faudrait qu’elle convoque
les porte-paroles des deux villages sur un terrain neutre. La frontière
peut-être ?
Puis
elle écouterait leurs griefs et leurs solutions et elle devrait ensuite y
réfléchir au calme. Elle espérait que sa présence ne serait pas vue comme une
inspection ou un truc comme ça. Enfin, elle verrait bien. Elle rouvrit le
dossier numéro 2 et relut le profil des personnes qui posaient problème et
tenta de voir quelle stratégie elle allait bien pouvoir adopter à la vue de
caractères aussi semblables et différents à la fois.
Ça
ne s’annonçait pas très simple…
************************************
Gamora
Pastamor était tel que le dossier de Linya la décrivait. Petite, courtaude et
grande gueule. Mais elle avait à cœur le bien-être des habitants de chaque
village sous sa responsabilité et elle croyait et respectait les principes de
vie Nazaréens qui prônait l’égalité, le pardon et l’amour. Et si elle n’aimait
pas trop son arrivée en une zone qu’elle considérait comme la sienne, elle
était soulagée d’avoir de l’aide.
Elles
discutèrent autour d’un café dans un petit restaurant que Gamora connaissait et
Alexia eut ainsi un meilleur aperçu de ce qui se passait vraiment. Son escorte
fit lever un sourcil à son hôte mais elle sembla approuver la démonstration de
force, ce qu’elle confirma lors de leur entretien.
-
C’est une bonne idée d’arriver ainsi, les Nazaréens subversifs y réfléchiront à
deux fois avant de crier et ils vous prendront plus au sérieux aussi. Et… je
pense que dans le coin, c’est une protection utile.
-
C’est ce que Linya a pensé aussi.
-
Quand souhaitez-vous les voir ?
-
Le plus tôt possible.
-
Ok, je vous organise ça pour demain matin alors.
-
Très bien. Choisissez un terrain comme la frontière ou un endroit pas trop loin
des territoires Nazaréens mais qui n’appartient à aucun des deux villages.
Gamora
hocha la tête sèchement.
-
Et pendant que je suis là, il y a d’autres problèmes sur lesquels tu as besoin
d’aide ?
-
Non. Tout va bien.
Alexia
l’observa un moment. Gamora n’était pas mauvaise, mais elle était du genre à
vouloir se débrouiller seule et à penser que les gens comme elle, ne voulait
qu’envahir son territoire et jouer les petits chefs. Autrement dit, si elle
l’accueillait avec soulagement dans l’affaire qui l’amenait c’est que la
situation était vraiment critique. Cela annonçait des discussions difficiles et
fatigante qui nécessiterait toute son attention. Elle soupira et insista
néanmoins.
-
Gamora…
Elle
attendit d’avoir toute son attention avant de poursuivre.
-
.n’attends pas d’être dans ce genre de situation pour demander de l’aide. Ça
n’arrange personne, encore moins les habitants des refuges. Ta fierté est une
bonne chose. Mais tu dois en déterminer les limites et t’y tenir.
-
Je…
-
Je n’ai pas fini, la coupa-elle. Je n’aime pas être catapultée ici en plein
milieu d’une guerre potentielle alors que nous sommes pacifiques. Tu
as laissé les choses traîner. Et tu as pris
des décisions en fonction de ce que tu voulais et non en fonction de ce
qu’il fallait. Tu as ignoré Linya alors qu’elle est ta présidente. Et ça, tu
m’excuseras mais ce n’est pas acceptable. Elle est la
fondatrice du mouvement, celle qui, par ses contacts et ses capitaux vous
permet à toi et aux tiens de vivre et de guérir. Elle est ta supérieure dans la
chaîne de hiérarchie et en refusant purement et simplement de l’écouter tu as
bafoué les principes d’entraide et de solidarité qui régissent le mouvement. Tu
n’as pas montré l’exemple alors même que tu es la dirigeante sur ce continent.
Alexia
laissa passer un silence et termina.
-
Je ne suis pas Linya. Je ne suis ni aussi gentille, ni aussi patiente qu’elle.
Ne recommence pas, ne nous mets plus dans une situation pareille ou ta place
aux seins des permanentes pourrait être réexaminée.
Elle
vit Gamora déglutir et aperçut un mélange de honte devant sa défaillance sur
une croyance et une fonction qu’elle prenait très au sérieux et de colère et de
vexation devant le pointage de celle-ci par une complète inconnue.
Néanmoins,
elle acquiesça et lui toucha deux mots d’un problème identique au Sud du pays,
mais entre deux villages de femmes, qui pourrait rapidement dégénérer si ça
éclatait entre les deux villages ici.
Le
reste de la journée passa vite et Gamora invita Alexia à manger au restaurant
pour finir leur entretien de façon plus détendue, mais ne souhaitant pas
attirer l’attention plus que nécessaire, Alexia déclina et Gamora l’invita avec
ses deux gardes du corps à venir dormir chez elle.
Chapitre 4 :
Les
jours passèrent, parfois lentement, parfois rapidement, mais toujours très
chargés. Alexia passa un temps infini à rencontrer et tenter de calmer les
différents protagonistes des deux villages. Elle les écouta de longues heures
durant, compatissant à leurs problèmes, prêtant une oreille attentive à leurs
doléances et toujours, toujours tentant en vain d’apaiser les esprits.
Elle
se retirait, après des journées interminables de discussions inutiles, un peu
plus fatiguée et énervée à chaque fois. Finalement, comprenant que la parole
n’avait aucune prise cette fois, Alexia tenta d’imaginer ce qu’aurait fait Tia.
Elle réfléchit et en vint à la conclusion suivante : absolument rien. Tia
évitait les affaires des autres avec une très grande persévérance.
Puis
elle se rappela ce que la mercenaire avait fait pour Mickaël et pour Lizzie et…
tout ce qui avait changé en elle depuis leur rencontre et repensa sa
conclusion. Qu’aurait fait la mercenaire à sa place ? Un truc physique
sûrement. Histoire de relâcher la pression…
Mais
oui, bien sûr ! Elle allait organiser un tournoi entre les deux
villages ! Une multitude de duels ou chaque habitant qui le voudrait,
pourrait participer. Et le village gagnant aurait la priorité sur l’autre
village dans tous les domaines pendant un an. Et cela comprenait : le
territoire de chasse, d’entraînement et les fêtes qu’ils organisaient. Un
tournoi donc renouvelable. « Oui, ça pourrait marcher », pensa-elle
de plus en plus excitée.
Elle
se rua dans le salon et interpella Gamora. Elle lui fit part de son idée et
elles s’installèrent autour de la table dans la cuisine, pour mettre au point
tous les détails du tournoi. Elles avaient rendez-vous à 9h, le lendemain,
comme tous les matins depuis trois jours. Elles se levèrent à tour de rôle pour
se servir en café, en refaire ou se faire quelque chose à grignoter.
Elles
convinrent que le village perdant organiserait les fêtes du village gagnant et
lors des périodes de vaches maigres, ils partageraient les fruits de leur
chasse, mais en période faste, le perdant donnerait deux de ses meilleurs
prises au village gagnant. Pour ce qui concernait l’entraînement, le village
gagnant devrait entraîner ses habitants ainsi que ceux du village perdant.
Elles
déterminèrent d’autres détails ainsi que les modalités de participation, de
combat et d’arbitrage, de même que l’endroit où il aurait lieu et d’autres
menus détails. Le jour pointait ses premiers rayons du soleil, lorsqu’enfin
elles en eurent terminé avec les préparatifs. Elles se regardèrent, épuisées,
de larges cernes sous les yeux, mais très contentes d’elles-mêmes.
Elles
se sourirent par-dessus leur tasse et se sentirent enfin sur la même longueur
d’onde.
-
On va avoir du boulot aujourd’hui, lança joyeusement Gamora.
-
Ouais, mais ça en vaut la peine si on voit enfin le bout de ce conflit.
-
Humm. C’est une idée brillante en tout cas. Un tournoi d’art martiaux pour
départager deux villages pacifistes, c’est… il fallait y penser, conclut la
petite femme en face d’elle.
-
J’ai eu de l’inspiration, lui confia Alexia.
-
Vraiment ? Et elle a un nom cette inspiration ?
Alexia
fit le geste de fermer sa bouche et en jeta la clé au loin.
-
Ok, fit sa collègue en riant. En tout cas, je vous remercie. Je suis sûre qu’il
y a moyen de décliner ce tournoi pour régler d’autres problèmes, qu’ils soient
inter ou intra villages.
-
Ça je vous laisse en juger. Je vous demanderai juste de tenir Linya informée
régulièrement et d’écouter ses suggestions.
-
Bien sûr, acquiesça Gamora encore gênée de s’être fait remonter les bretelles,
quelques jours plus tôt. Vous pensez utiliser cette idée dans d’autres
pays ?
-
Seulement dans ceux qui connaissent votre situation financière et politique. Il
est évident que pour les refuges situés dans les pays riches, un tournoi pour obtenir
de bonnes proies en chasse n’intéressera personne, puisqu’il n’y a pas de
chasse.
-
Avec quelques ajustements cela pourrait être utile.
-
Je pense oui. Il faudra y réfléchir, mais là je verrai avec Linya.
-
Je me demande comment fonctionne et à quoi ressemble les autres refuges, hors
de ce continent, marmonna-elle.
Alexia
haussa les épaules.
-
Linya compte organiser une réunion des différents dirigeants. Elle estime
qu’après cinq ans, la mise en place est solide et qu’une réunion tous les ans
devient nécessaire. Alors si ça vous intéresse vraiment, vous n’aurez qu’à en
discuter cette semaine-là.
-
Vraiment ? Fantastique ! Je n’en espérais pas tant.
-
Bon, fit-elle en lui rendant son sourire, il est temps de se préparer. Je n’ai
aucune envie d’être accueillie par des cris à cause de notre retard.
Elle
se leva et déposa sa tasse de café dans l’évier avant de se rendre dans la
salle de bain. Elle attrapa sa brosse à dent et sourit en la voyant. « Je
me demande si elle à réussit à remettre la main dessus ?, se demanda-elle
en souriant à son reflet. Je suis sûre que si ce n’est pas le cas, elle doit me
maudire ! Oh, ce que j’aimerais voir sa tête ! »
****************************************
Tia
était à cent lieux de là, concentrée sur un combat pour le moins vicieux.
Genshenka, comme tous les jours, s’était portée volontaire pour faire les
démonstrations avec elle et bien sûr, à la fin de chaque entraînement, elle
avait droit à son duel personnel. Genshenka n’avait pas apprécié d’être
détrônée de son rôle d’instructeur par une nouvelle venue, aussi douée
soit-elle. Pas plus qu’elle n’aimait son attitude nonchalante avec elle, comme
si elle n’était pas assez dangereuse pour mériter plus que son indifférence, ou
sa gentillesse avec les garçons, notamment le jeune Droqkwé, qui attirait sa
bienveillance avec sa bouille ronde et ses grands yeux bruns de joyeux cocker.
Genshenka
qui n’appréciait pas que quiconque soit meilleure qu’elle, surtout pas un
homme, avait, dès le premier jour, défié le jeune garçon. Elle l’avait bien
évidemment battu, mais elle avait poussé la malice jusqu’à porter quelques
mauvais coups qui lui avaient laissé des marques sur le visage et les côtes.
Heureusement qu’il avait de bons réflexes et une certaine expérience des
combats, sans quoi il aurait pu avoir bien plus mal.
Elle
avait été obligée de lui faire la leçon après le cours, ce qui avait augmenté
encore un peu plus son hostilité à son égard. Elle en aurait bien discuté avec
Conception avant, puisque c’était la chef de la milice, mais elle donnait des
cours à cette heure-là et ne participait qu’aux entraînements du soir, ce dont
elle aurait fort bien pu se passer vu son niveau. Mais Conception lui avait dit
qu’on avait toujours quelque chose à apprendre quelle que soit notre force et
elle avait insisté pour participer à ses cours comme simple élève.
Ce
qu’elle avait fait n’était pas très digne d’une adulte, encore moins de la part
d’une militaire et elle le lui avait fait sèchement remarquer. Depuis, elle
faisait systématiquement un pas en avant pour être sa partenaire lors de
l’entraînement, pendant qu’une de ses amies se mettait en face de Droqkwé. Et
si jusqu’à présent, Genshenka n’était pas parvenue à la battre, à peine
arrivait-elle à la toucher !, elle ne renonçait pas pour autant et
attaquait chaque jour avec un peu plus de hargne et de haine.
Avec
son indéfectible calme, sa si grande assurance, sa force, son expérience et sa
bienveillance envers les garçons de l’île, la mercenaire rassemblait tout ce
que Genshenka et ses amies haïssaient. Elle était devenue la nouvelle icône des
ses femmes qui haïssaient les hommes car elle rassemblait tout ce qu’elles
estimaient qu’il y avait en eux. La supériorité, l’indifférence à leurs égards,
la force brute… tout ce qu’elles avaient appris à haïr en eux.
Tia
était assez surprise, mais… elle s’en fichait un peu alors… Elle rendait
service à Linya, faisait plaisir à Alexia et les autres et bien… c’était à eux
de voir. De toute façon, tout le monde ne la détestait pas, alors finalement à
part ces séances particulières, elle ne le ressentait pas trop.
L’entraînement
était divisé en quatre étapes. La première étape comprenait l’échauffement et
les étirements. Puis les démonstrations suivaient avec les répétitions de
mouvements individuellement et en groupe. Enfin, venait les combats. Ils
passaient deux par deux, parfois quatre par quatre, et Tia les évaluait et les
départageait, leur montrant ce qui allait et ce qui n’allait pas.
Pour
terminer, venait la partie amusante, appelée « le grand n’importe
quoi ». Chacun prenait un partenaire et combattait sans réfléchir. Tous
les combats avaient lieu en même temps. C’est pourquoi ce moment était plus
considéré comme un moment de détente et d’amusement. Les coups portés étaient
lents et sans réelle force, l’idée étant d’habituer le corps et l’esprit à ne
pas ressentir de peur et à rester calme lors des combats, ainsi que de faire
retomber la tension et l’énervement.
Mais
aujourd’hui, après sa 6ième défaite d’affilée, Genshenka était
vraiment en colère et frappait avec toutes ses forces tentant vainement de la
toucher. Évidemment, ça ne changeait pas grand chose pour Tia, qui trouvait que
sa « partenaire » n’avait pas l’air de comprendre l’intérêt de
ce moment, tant elle prenait toujours celui-ci trop au sérieux. Pourtant il y
avait bien une différence. Elle avait vu les amies de Genshenka, Jodie et Erika
encercler le pauvre Droqkwé un peu plus tôt et elle partageait son attention
entre son combat et le sien. Elle sentait bien que ça participait à un plan,
mais à part faire ce qu’elle faisait habituellement, c'est-à-dire la battre et
rester calme, elle ne voyait pas quoi faire.
Elle
surveilla Droqkwé du coin de l’œil. Pour l’instant ça allait. Il se
débrouillait comme un chef et une des anciennes instructrices lui donnait un
coup de main, en fronçant les sourcils devant les coups puissants peu
appropriés à cette phase des exercices. De toute évidence elle n’était pas la
seule à voir qu’un truc clochait.
Alors
que la femme prenait un coup de côté, à moitié protégé par un bras levé par
réflexe, Droqkwé reçut un violent coup de pied à l’estomac qui l’envoya au
tapis un peu sonné. Tia fronça les sourcils et s’apprêtait à mettre un terme
aux combats lorsqu’elle saisit un mouvement rapide et vicieux dans sa vision
périphérique.
C’était
le moment que Genshenka attendait. La grande femme venait de voir son attention
détournée au loin. Elle n’aurait pas de meilleure occasion de lui faire ravaler
sa superbe. Elle lança un puissant coup de pied tournant en direction de sa
tête.
Tia
se baissa a une vitesse surhumaine, en même temps qu’elle se retournait vers
son adversaire, qui, emporté par son élan fouetta le vide et s’étala comme une
crêpe sur le sol. Devant le coup tordu de Genshenka, la grande femme sentit
monter une colère qu’elle n’eut plus aucune envie de réprimer. Il était temps
de remettre cette idiote à sa place. Et ses amies avec. Sa voix claqua comme un
coup de fouet.
-
Ça suffit !
Étrangement
son ton vibrant mais bas fut entendu au milieu du brouhaha des coups portés et
reçus et des blagues et plaisanteries diverses. Tout le monde se figea et fixa
son attention sur elle. Elle se releva et désigna Erika et Jodie.
-
Vous. Ici.
Puis
elle se tourna vers Genshenka.
-
Toi. Debout. A côté d’elles. Les autres, vous vous détendez et vous profitez du
spectacle. Ceci n’est pas un exercice. Ni une démo. Encore moins un défi.
Ceci…, fit-elle en regardant chacun de ses élèves dans les yeux quelques
secondes, ceci… est une leçon, ou dans un langage moins poli, une raclée. La
leur, déclara-elle en les pointant du doigt.
Les
trois femmes alignées sursautèrent et lui jetèrent un regarda noir et arrogant.
-
Quelqu’un peut-il me dire pourquoi elles ont besoin d’une raclée, alors que
l’on sait que c’est une raclée qui vous à toutes menées ici ? En quoi
est-elle nécessaire ? En quoi cela peut-il être thérapeutique ?
Le
silence seul lui répondit. Elle le laissa s’installer, sans lâcher aucun de ses
élèves du regard, les toisant tour à tour, jusqu’à ce qu’enfin, tous soient mal
à l’aise. Elle parla ensuite d’une voix basse, vibrante et intense, sur un
rythme lent, détaché, presque hypnotique.
-
Un raclée… devient nécessaire… lorsque… des personnes fortes… et parfaitement
capables… de tuer ou de blesser… une personne visiblement moins bien lotie
qu’elle… le fait… alors que rien ne l’y oblige… ni la survie… ni la défense…
seulement la colère… et le plaisir de faire mal. Si un jour… l’envie vous prend
de vous défouler sur une personne moins forte… simplement pour vous sentir
mieux… alors souvenez-vous de deux choses : la première vous tomberez
fatalement un jour sur plus fort que vous, quelqu’un qui voudra vous faire
passer l’envie de recommencez.... La deuxième : que celui a cause de qui
vous en êtes venue à apprendre l’art du combat et de la défense… celui là… vous
ressemble énormément. Le jour où pour être bien dans votre peau, vous ferez
comme ces trois idiotes, vous serez votre bourreau.
Elle
termina son sermon en croisant le regard de Linya qui lui donna d’un petit
mouvement de tête, son accord pour ce qui allait suivre. Elle se tourna alors
vers ses victimes.
-
Vous trois. Contre moi. Ensemble. Pas de pitié, pas de supplication. On frappe
pour faire mal. Le dernier encore debout à gagné.
A
ces mots, deux des trois femmes sourirent avec arrogance. Elle fixa la
troisième, Erika. Elle n’osait pas croiser son regard. Tia nota qu’elle
semblait avoir honte. Elle avait entendu son discours. Bien. « Tu auras
moins mal que les deux autres » se dit-elle en leur faisant signe de
venir.
Genshenka
et Jodie furent les premières à passer à l’attaque. Ensemble. Comme elle s’y
attendait. Elle n’eut donc aucun mal à éviter leur assaut. Elle se baissa alors
que Jodie lançait sa jambe au niveau de sa tête et fit un mouvement de côté
quand, au même moment, Genshenka faisait le même mouvement à l’opposé de son
amie. Tia tendit les deux mains et attrapa leurs jambes d’appui en souriant,
puis tira d’un coup sec vers elle.
Les
deux femmes perdirent l’équilibre. Jodie s’écrasa comme une masse, mais
Genshenka se laissa rouler sur le sol de terre battue, amortissant le choc et
se remettant sur pied dans le même temps. Elle jeta un coup d’œil à Erika qui
n’avait pas bougé et d’une grimace colérique l’obligea à passer elle aussi à
l’action.
Erika
s’élança vers elle, et alors que Tia se préparait à l’éviter d’un simple pas
sur le côté, la jeune fille la surprit. Elle fit un bond dans les airs et au
milieu de son saut périlleux elle tendit une jambe solide et frappa vers sa
tête. Tia eut juste le temps de lever ses avant-bras pour retenir le coup.
« Elle est rapide et agile. Ne la sous-estime pas Tia. Ça serait mauvais
pour ta leçon » se dit-elle en agrippant le pied avec ses deux mains
croisées, faisant perdre automatiquement l’équilibre à la jeune fille, qui ne
put que battre des bras dans le vide et les lança finalement vers sa tête pour
se protéger du sol qui se rapprochait à une vitesse vertigineuse. Elle se
retrouva nez à nez avec la poussière, sans comprendre pourquoi elle n’avait pas
encore touché le sol. Elle leva les yeux et vit que la grande femme la
maintenait haut dessus du sol grâce à la prise qu’elle avait sur sa cheville.
La
mercenaire lui fit un sourire torve et lâcha sa cheville. Erika écarquilla les
yeux et s’effondra tête la première sur le sol. Heureusement, elle ne tombait
pas de haut.
Ce
répit avait été suffisant pour que Jodie se relève et se jette sur la grande
brune avec un hurlement sauvage. Tia la vit venir, de même qu’elle avait vu
Genshenka la contourner alors qu’elle s’occupait d’Erika. Elles tentèrent de la
prendre en sandwich, mais la grande brune n’était pas née de la dernière pluie
et elle décida de les humilier tout en les impressionnant. Elle éclata d’un
grand rire et sans élan, fit un bond dans les airs, passa au dessus de la tête
de Jodie qui suivit sa trajectoire d’un air ahuri et ne regarda plus devant
elle. Tête en bas, Tia effectua une petite vrille qui lui permis de se
retourner dans les airs et atterrit sans dommage, derrière Jodie, à temps pour
voir son visage s’aplatir sur la chaussure militaire de Genshenka.
Elle
s’effondra, du sang coulant de son nez maintenant brisé et des larmes plein les
yeux. Sous la poussée de son amie, Genshenka fut repoussée en arrière mais
réussit à ne pas perdre l’équilibre. Elle se remit en position et passant près
d’Erika l’attrapa pour la remettre sur pied. Elle lui murmura quelque chose à
l’oreille qui n’eut pas l’air de plaire à la jeune fille qui secoua la tête.
Genshenka serra alors son bras fortement en plongeant son regard dans le sien
tout en insistant. Erika déglutit et eut un petit hochement de tête.
Tia
qui avait vu le mouvement de recul, fut un peu déçu de la capitulation d’Erika.
« Tant pis pour toi gamine, je ne t’épargnerais plus. » Elle décida
que l’humiliation serait plus amusante et plus percutante qu’une réelle raclée,
alors elle décida de s’amuser un peu. Pendant les cinq minutes qui suivirent,
elle les laissa attaquer ensemble, séparément, ou par deux, se contentant de
les éviter, de parer et de faire en sorte qu’elles se tapent entres elles.
Après ce temps, elle secoua la tête. « Vous ne voulez pas comprendre
hein ? Regardez donc, ouvrez les yeux, et voyez comme il m’ait facile de
vous battre sans même vous frapper ou en être essoufflée, et comprenez combien
il serait douloureux et humiliant que je m’y mette vraiment. »
Mais
les trois femmes ne voulurent rien comprendre et Tia en eut assez de cette
perte de temps. Elle se redressa, changeant ses appuis et bandant ses muscles.
Genshenka et Erika eurent l’air de saisir la différence. Elle passait aux
choses sérieuses. Mais Jodie comme à son habitude, ne prit pas la peine
d’analyser son adversaire et fonça dans le tas. Idiote.
Dans
une série de mouvement maintes fois répétés, si naturels qu’elle les faisait
sans y penser et avec une rapidité presque inhumaine, un peu comme des
réflexes, elle enchaîna les coups qui envoyèrent Jodie, Erika et Genshenka très
vite au tapis. Et pour être sûre qu’elles y restent, elle balança un coup
vicieux qui assomma à moitié Jodie et fit avoir un mouvement de recul à Erika,
qui se protégea le visage des mains.
« Bien,
y’en a au moins une qui a compris. » Ce coup, elle le destinait uniquement
à Jodie. Elle comptait sur l’esprit d’analyse et le réalisme d’Erika pour
comprendre que sa bataille était perdue d’avance. Elle ne voulait pas lui faire
trop mal, elle était moins perdue que les deux autres. Contente que sa
stratégie ait fonctionnée au moins sur l’une d’elles, elle se retourna vers
Genshenka qui la dévisageait, particulièrement haineuse. Mais elle savait
reconnaître quand elle était battue et sans l’aide de Jodie, à moitié dans le
cirage et d’Erika, bien trop effrayée par leur grande et forte instructrice,
elle savait n’avoir quasiment aucune chance. Elle leva donc les deux mains en
signe de défaite mais sans baisser son regard noir.
Tia
secoua la tête. « Décidément cette fille ne comprend rien. » Elle
s’approcha des trois corps étendue sur le sol et s’accroupit pour être à leur
hauteur.
-
Vous êtes minables, siffla-elle. Et stupides. Vous n’avez même pas essayé de
réfléchir à mes propos. Je suis plus forte que vous. Et de très loin. Vous
pourriez vous mettre à dix, que cela ne changerait rien. Je peux tuer de 25
façons différentes sans même avoir à toucher une arme. Et j’ai déjà tué. Je
connais le goût du sang et celui de la haine. L’odeur enivrante de la
domination et du combat. L’envie submergeante de détruire et de se venger. Je
suis si forte que si je le voulais vraiment, je créerais tellement de mort dans
mon sillage que mon simple nom ferait frémir même les enfants qui savent à
peine parler. Mais je ne le fais pas. Pourquoi ?... Demandez-vous
pourquoi. Cherchez la réponse. Et lorsque vous penserez l’avoir trouvé. Venez
m’en parler.
Tia
se releva et nota avec satisfaction que son discours, ou peut-être le mépris
qu’elle y avait mis, semblait avoir presque eu autant d’impact que ses poings
sur Genshenka. Elle évita de croiser son regard et Tia y lut de la gêne et une
pointe de honte. « Peut-être tout n’était-il pas perdu pour elle, en
définitive ? » Elle fit signe à deux filles de s’occuper des trois
blessées. Puis tourna les talons. Linya la suivit et dut se mettre à trotter
pour la rattraper. Elle lui prit le poignet pour attirer son attention. Elle
n’aurait pas dû.
Elle
se retrouva si vite sur les fesses, une main enroulée autour de son cou,
l’étouffant à moitié, qu’elle se demanda ce qui s’était passé. Elle croisa le
regard bleu acier de la mercenaire et comprit. Elle avala, ou tenta de le faire
et croassa :
-
D… désolée…
Tia
cligna des yeux et sembla reprendre pied avec la réalité. Elle relâcha son
étreinte et s’excusa en la remettant doucement sur ses pieds.
-
Excuse-moi… je… il ne faut pas me toucher quand je sors d’un combat. Il faut…
me laisser le temps de faire retomber l’adrénaline.
-
Ok, excuse-moi, accepta-elle en se massant la gorge.
-
Non, c’est moi.
-
Oh allez, on ne va pas passer la nuit là-dessus, hein ! fit-elle avec un
petit rire.
Tia
haussa les épaules.
-
Que me voulais-tu ?
-
Oh rien, enfin… savoir si tu allais bien, c’est tout.
-
C’est tout hein ? répéta-elle en secouant la tête incrédule.
«
C’est pourtant tellement… ». Pendant des années… personne ne se souciait
de son bien-être… mais depuis Alexia… Elle avait l’impression que Linya
essayait réellement de devenir son amie, et pas seulement pour Alexia. Elle
avait envie d’accepter son amitié, elle s’entendait bien et… elle avait
confiance en elle, comprit-elle soudain avec un sentiment de profonde surprise.
Comment était-ce possible ? Si vite qui plus est ?
Elle
secoua la tête et se dit que ce devait encore être un « effet
Alexia ». Et tout ce qui venait de cette si jolie petite blonde aux yeux
verts était forcément bon pour elle, alors elle décida de ne plus se poser
autant de questions et d’accepter, tout simplement.
-
Ça va, répondit-elle enfin. Maintenant, ça va.
-
Tant mieux. Tu rentres ? ajouta-elle en montrant le chemin qui menait à la
colline où se trouvait leur demeure.
Tia
hocha la tête.
-
Il est tard et je suis fatiguée.
-
Et tu t’en fais pour Alex.
Tia
tourna vivement la tête vers elle et l’étudia. Elle n’avait pas l’air de jouer
ou quoi que se soit d’autre. Juste de la sincérité et de l’intérêt.
-
Oui.
-
Elle a eu beaucoup de boulot apparemment. Je ne l’ai pas eu au téléphone non
plus. J’essaierais demain. Tu veux que je t’attende ?
-
Je… oui, fit-elle brusquement.
Alexia
lui manquait et se mentir n’apporterait rien. Elle avait besoin d’entendre sa
voix. D’être sûre que tout allait bien pour elle. De vérifier… qu’elle avait
bien l’intention de rentrer. En être sûr. Et lui faire comprendre que c’était
une chose qu’Alexia elle-même voulait. Pour ça, il suffisait de lui rappeler
combien Alexia l’aimait, et combien elle lui manquait. Une petite manipulation
pour la bonne cause.
-
Ok. Je te le ferais savoir quand je pourrais le faire.
Tia
hocha la tête et passa la porte du chalet. Elle s’arrêta ensuite dans le hall
et les mains sur les hanches, fit un tour d’horizon des pièces. Le salon était
devant elle, vaste pièce illuminé qui menait à la cuisine, de laquelle il
n’était séparé que par un mur bas. Sur le côté du hall, devant elle, se
trouvait l’escalier qui menait aux étages. Au premier la chambre de Linya, sa
salle de bain, un bureau et une salle de sport. Au deuxième, la chambre d’ami,
autrement dit la sienne et celle d’Alexia, une autre salle de bain, un bureau
aux allures de débarras, une autre chambre d’ami et une vaste bibliothèque.
Elle
avait déjà fouillé le deuxième étage de fond en comble et n’y avait pas dégotté
ce qu’elle cherchait. Il était temps de passer aux autres pièces.
-
Qu’est-ce qui t’arrive ? l’interrogea Linya perplexe devant son air
songeur et son immobilité soudaine. Un problème ?
-
Hmmm, oui.
Elle
tourna un regard ennuyé vers elle et fit une petite grimace.
-
Alexia a caché mes affaires avant de partir et y’en a certaines que je ne
parviens pas à retrouver. C’est… un peu énervant, admit-elle embarrassée.
Linya
se mit à rire. C’était bien du Alexia ça ! « Quelle gamine quand
même ! » songea la jeune femme en riant devant l’air misérable de sa
compagne. Elle posa une main sur l’épaule musclée.
-
Ok, je vois le genre. Qu’est-ce qui te manque ? fit-elle en riant
toujours.
-
Ben, ma brosse à dent, deux heu… culottes et heu… un… hum… soutien-gorge.
Le
sourire de Linya s’élargit mais elle tint sa langue. Elle lui fit signe de la
suivre et d’un geste exagéré, ouvrit la porte du frigo. Elle chercha des yeux
un instant puis tendit la main et sortit du compartiment à légumes,
l’introuvable brosse à dent, qu’elle remit à une Tia stupéfaite.
Celle-ci
la prit et décrocha, avec une grimace dégoûtée, des morceaux de salade des
poils blancs.
-
Comment tu as fait jusqu’à maintenant ? demanda-elle en riant de sa
déconfiture.
-
Ben, j’en ai acheté une autre, qu’est-ce que tu crois ? Dans le frigo,
marmonna-elle ensuite pour elle, elle est cinglée.
-
Et tu n’as pas tout vu ! s’exclama la jeune femme en face d’elle.
Elle
referma la porte du frigo, fit deux pas sur sa droite et ouvrit celle du
congélateur. L’appréhension de Tia grimpa d’un cran à cette vue. Elle pencha la
tête dans l’appareil et ne put retenir un gémissement. Elle croisa le regard
mort de rire de son amie et se renfrogna un peu plus. Puis elle fixa sa culotte
en dentelle rouge, achetée exprès pour Alexia qui disait que le rouge lui
allait à merveille, d’un œil morne.
-
Et comment je m’y prends pour la sortir de là ? grogna-elle dépitée. Elle
est congelée !
-
Ouaip ! Congelée et bien congelée !
-
Ravie que mes mésaventures t’amusent !
-
Faut bien qu’elles servent à quelques choses ! rétorqua la jeune femme
sans se démonter.
Tia
secoua la tête et leva les yeux au ciel.
-
Peut-être qu’avec un pic à glace… ? lui suggéra-elle.
-
Peut-être, acquiesça la mercenaire. T’as une idée pour le reste ?
-
Hmmm, ouais mais…
-
Mais quoi ?
-
Ça sera bien plus marrant de te regarder chercher partout en grognant, fit-elle
en sautant vivement en arrière pour éviter la prise de la grande femme.
Elle
se rua ensuite en riant à l’étage, s’enfermer dans la salle de bain, consciente
que se serait le seul endroit où elle serait vraiment en sécurité.
Tia
la suivit un peu puis la laissa monter seule, les bras croisés sur sa poitrine,
réfléchissant à une vengeance à laquelle la gentille Linya ne pourrait pas
échapper.