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  • Vous trouverez ici des Fans Fictions francophones et des traductions tournant autour de la série Xena la Guerrière. Consultez la rubrique "Marche à suivre" sur la gauche pour mieux utiliser le site :O) Bonne lecture !!
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29 juin 2009

Sassem, partie VII b

 

Chapitre 3 :

 

Après les explications vint le silence. Enfin, un silence relatif car des centaines de Nazaréennes et quelques dizaines de Nazaréens, les frères plus âgés, l’oncle et même un ou deux cousins du type à qui l’on fêtait l’anniversaire, faisaient la fête à côté.

Linya réfléchissait. Alexia pouvait le dire à son regard perdu dans le vague. Elle regarda sa compagne qui haussa les épaules et attendit. Après quelques minutes d’un silence plutôt bruyant, Linya prit enfin la parole.

- Donc, vous voulez que je sélectionne des personnes parmi mes connaissances mais aussi parmi les permanents des différents refuges pour qu’ils jouent les messagers lors de votre attaque contre Sassem, c’est ça ? demanda-elle lentement.

- C’est à peu près ça, oui, confirma Alexia.

- A peu près ?

- Hm, intervint la mercenaire, on veut qu’ils ou elles apprennent le grec ancien et jouent les officiers de liaison sur les différents continents et au sein des différentes équipes sur place. Certains ne seront que de simples officiers radio, pour d’autres… il vaudrait mieux qu’ils sachent se défendre, conclut-elle doucement.

- Heu… eh bien je peux y réfléchir ou… en parler directement aux intéressés. Je vais voir. C’est urgent ? Il vous faut une réponse rapide ?

- Non, on a encore un peu de temps, répondit Tia. C’est… on a quelques mois.

- Mais… ?

- Mais… c’est pour toute l’opération. Ta réponse… je dirais qu’il me faut une sélection dans deux semaines maxi. Après il faut les mettre au boulot. Y’a pas mal de choses à voir, pas seulement le code à apprendre.

Linya hocha la tête pensivement.

- Qui d’autres sera impliqué ?

- Certains gouvernements. Et quelques particuliers.

- Tu peux être plus précise ?

- Je peux mais je ne le ferais pas.

Linya l’étudia en silence. Enfin elle hocha la tête, acceptant la réponse pour ce qu’elle était.

- Bon, eh bien maintenant que ça c’est réglé, on peut peut-être profiter de la fête maintenant, vous ne croyez pas ?

- Je pense que c’est une chose qui peut se faire, acquiesça Alexia.

Elle se leva, épousseta son jean et tendit la main vers sa compagne qu’elle remit sur pieds assez facilement. Puis elle l’entraîna au milieu d’un groupe de jeunes, en pleine démonstration de danse. Elle s’appuya contre le corps solide de la mercenaire et se laissa emporter par la musique, l’ambiance et les rires. La brise douce qui souffla à cet instant emporta ses soucis, ses doutes et toutes idées autres que celles de s’amuser.

Elle s’écarta soudain de sa compagne avant d’attraper sa main et de l’entraîner dans le cercle de jeune.

- Montrons leur ce que deux « vieilles » comme nous savent faire, lui murmura-elle.

Tia n’hésita pas et suivit sa petite amie dans sa douce folie. « Se mesurer à des jeunes. Sur leur territoire qui plus est ! Non mais quelle idée ! » se dit-elle en souriant.

Elle fit tournoyer sa compagne avant de la mettre en face d’elle et de reproduire les gestes qu’elle observait autour d’elle avec une aisance née d’une longue pratique et que sa compagne envia la bouche ouverte, stupéfiée.

Linya qui les avait suivies, rit en voyant sa tête puis alors qu’elle concentrait son attention sur la grande femme, elle admit que c’était assez impressionnant. Surtout lorsque l’on savait comme elle, que la danse n’était pas une pratique courante chez la mercenaire.

Tia dansait comme si elle avait fait ça toute sa vie ! Avec une grâce, une fluidité et une économie de geste étonnante. Elle suivait chacun des gestes avec une acuité intense avant de les reproduire un par un lorsque son tour de danser venait. Rapidement, les démonstrations devinrent défis et les pas se complexifièrent. La rapidité fut bientôt un atout indispensable pour parvenir à suivre et beaucoup des jeunes abandonnèrent.

Il ne resta bientôt plus qu’un jeune de 18 ans et… Tia. Elle n’avait pas lâché, suivant sans se démonter, reproduisant, voir même mélangeant les différents pas qu’elle venait d’apprendre et impressionnant même son adversaire par une ou deux figures de son cru. « Empruntées au sport de combat », reconnut sa compagne avec admiration. Tia était surprenante. Elle, si réservée habituellement, s’entendait comme larrons en foire avec Linya, la plus méfiante de ses amies envers la mercenaire, et dansait maintenant devant des centaines de personnes, elle qui avait pourtant horreur d’être le point de mire.

La grande femme dut sentir son regard car elle tourna soudain la tête vers elle et lui sourit. Un grand, un large, un merveilleux sourire. « C’est pour moi qu’elle fait ça, comprit-elle soudain. C’est mon monde… un monde que j’aime et duquel je fais partie depuis des années. Elle veut s’y intégrer… pour moi. Me faire plaisir. Me rendre heureuse. Et… elle veut que je m’amuse. »

Elle forma le mot merci silencieusement et la mercenaire l’accepta d’un bref et petit hochement de tête. Puis elle retourna à sa danse, déterminée à flanquer une déculottée dont ce petit coq se souviendrait encore longtemps. « Ah tu croyais que tu gagnerais facilement hein ?!, songea-elle amusée en le voyant de plus en plus contrarié. Erreur. »

Le duel prit fin avec l’abandon du jeune homme qui au milieu d’une figure perdit l’équilibre et comprit que c’était la fin. Le jeune garçon dont c’était l’anniversaire s’approcha d’elle et lui leva le bras en l’air en la déclarant vainqueur dans un grand sourire. Puis, alors que la foule explosait en hourra et applaudissements en tout genre, il se pencha vers elle.

- Merci de lui avoir donné une leçon, murmura-il. Il est toujours en train de faire le cake au lycée. Tout ça parce qu’il sait danser et a remporté un concours avant de venir ici il y a deux ans.

- De rien, répondit-elle en lui retournant son sourire. Disons que c’était mon cadeau d’anniversaire.

- Un des plus chouettes alors. Parce que lui et moi on ne s’entend vraiment pas et le voir prendre aussi mal sa défaite c’est… tout simplement jouissif. Puis-je réclamer un bonus ? demanda-il un peu hésitant.

- De quel ordre ?

- Une danse ? Enfin je veux dire avec vous, pas une démo ou un entraînement.

- Tu veux danser avec moi ? fit-elle en riant devant sa maladresse et son hésitation.

- Ouais, répondit-il en rougissant un peu.

- En quoi c’est un bonus ?

- Ben, Tidjai en serait malade. Il vous trouve canon, expliqua-il devant son sourcil relevé.

Le sourcil droit rejoignit son ami le gauche et ils restèrent là tous les deux quelques temps, décidant que c’était un bon endroit pour faire une pause.

- Heu… moi aussi, ajouta-il précipitamment. J’ai pas voulu insinuer que je vous trouvais pas jolie. Je veux dire, il faudrait être aveugle pour penser le contraire, bredouilla-il de plus en plus mal à l’aise.

Tia eut pitié de lui et mit fin à son embarras.

- Pas de problème, je veux bien danser avec toi.

- Merci, fit-il très soulagé.

- J’en conclus qu’il y a une certaine rivalité entre vous, fit-elle en l’attirant près d’elle pour la danse promise.

Il écarquilla les yeux et déglutit tout en posant ses mains autour de la taille fine mais musclée de la grande mais si incroyablement belle femme.

- Je… oui. Il… m’a piqué ma nana.

- Oh, je vois. Dans ce cas, faisons le trépigner.

- Comment ça ?

La mercenaire se rapprocha du jeune garçon, qui était presque aussi grand qu’elle et posa son front contre le sien.

Les yeux dans ceux profondément bleus de sa partenaire amenèrent un rougissement intense sur les joues du jeune garçon.

- Ça, c’… c’est sûr que ça va l’énerver, s’étrangla-t-il presque en n’osant pas croiser son regard. Il se croit irrésistible et il trompe Margareth dès qu’il le peut. Il pariait tout à l’heure sur le fait que vous ne lui résisteriez pas.

« Eh ben y’en a qui doute de rien ! » songea la guerrière ironique en posant les yeux sur le dit jeune homme. Il était plutôt beau gosse et apparemment il le savait. D’allure branché et assez bien fait, il en jouait au maximum, et le fait est qu’il y avait peu de garçons sur l’île, donc difficile de résister dans ces conditions. « En fait, les filles devaient se l’arracher, songea la grande femme, d’où sa complète et totale arrogance. Il faudra que j’en touche un mot à Linya. Je parie qu’elle n’avait pas pensé à ce problème là ».

Elle se tourna ensuite vers son partenaire de danse et le détailla. Lunettes à monture fine, cheveux châtain en bataille, yeux noirs un peu timides. Grand, mince mais pas très musclé. Mignon, mais il était plutôt évident de la raison pour laquelle sa copine avait pu le lâcher pour Tidjai. Cependant, elle pouvait peut-être lui donner un coup de main.

- Qu’est-ce que tu dirais de finir cette danse en beauté ? demanda-elle en croisant enfin son regard.

- Heu… comment ?

Elle lui sourit puis, alors que la musique s’éteignait doucement et qu’elle sentait le regard de Tidjai sur elle, elle se pencha et posa ses lèvres sur les siennes. Il se figea comme si il venait de marcher sur une mine, ce qui la fit bien rire. Elle maintint le contact quelques secondes, puis se recula et lui demanda :

- Comment tu t’appelles ?

- Je… heu…

Tia eut un petit rire devant son expression figée et lui donna une petite tape sur l’épaule.

- Hé ho ?

- Hein ? fit-il l’air d’émerger d’un rêve profond.

- Ton nom ? J’aime bien savoir qui j’embrasse.

- Ha, heu…Mickaël, répondit-il en rougissant et en baissant les yeux.

- Hé Mickaël, fit-elle en lui prenant le menton, ne baisse pas la tête. Ce soir c’est toi le caïd. Tu as dansé et embrassé la fille que convoitait ton rival. Tu es le roi de la fête, alors profites-en et vante toi. Je t’en donne la permission.

Il la fixa et hocha la tête un grand sourire sur le visage.

- Comment vous vous appelez ?

Elle hésita puis haussa les épaules mentalement.

- Tia.

- C’est drôlement beau. Merci, Tia pour cette soirée spéciale que vous avez rendu encore plus spéciale.

- A ton service beau gosse, fit-elle en s’inclinant pour jouer.

Il rougit et s’éloigna enfin rejoindre son groupe d’amis, qui le félicitèrent avec de grandes tapes dans le dos et force sifflements.

Alexia s’approcha un sourire indulgent accroché au visage et dit :

- C’était gentil.

- Surtout facile alors pourquoi pas ? rétorqua sa compagne en haussant les épaules.

- Tu es gentille, insista son amie.

Tia haussa les épaules mais rougit un peu et Alexia n’insista plus. Le message était passé. Elles s’éloignèrent et rejoignirent Linya qui disputait une partie de volley un peu plus loin.

 

***************************************

 

Le lendemain après-midi, Tia observait le ciel essayant de se représenter Alexia. Elle était partie trois heures plus tôt et Linya avait refusé de lui dire quel moyen de transport elle utiliserait. Elle espérait que ça ne durerait pas trop longtemps et que sa compagne réglerait vite le problème parce qu’en ce qui la concernait, elle en avait un gros.

Alexia lui manquait.

La mercenaire soupira en baissant la tête vers le sable sous ses pieds et reprit sa course. Elle fit le tour de l’île pour la troisième fois puis s’étira quelques minutes et retourna au chalet. Là, elle prit une douche et enfila un treillis et un marcel noir. Elle trouva ses baskets en cuir noir sur le dessus de l’armoire et les récupéra en fronçant les sourcils perplexes. « Elle n’aurait quand même pas… ? » fit-elle en songeant à son amie.

Elle se jeta sur son sac de voyage et l’ouvrit. Il était vide. « Ok, donc elle s’est amusée à cacher mes affaires. D’accord. T’avais peur que je m’ennuie ou quoi ?» Elle soupira. « Très amusant Lex. Je vais passer une bonne journée, moi, je l’sens. »

Elle se releva après avoir noué ses lacets et fit un rapide tour des yeux de la chambre. Elle repéra son dentifrice sur l’étagère du mur, coincé entre deux livres. Elle le récupéra en secouant la tête. Un petit sourire prit naissance au coin de ses lèvres lorsqu’elle découvrit une de ses petites culottes proprement mise sur la tête d’une plante en pot. Elle la retira et eut la joie de découvrir que c’était un cactus. Elle regarda à nouveau sa culotte et commença à retirer, en grimaçant, les petites pointes qui s’y étaient logé.

Malheureusement, ce fut tout ce qu’elle trouva. Elle se résigna donc à devoir fouiller la maison entière mais avisant l’heure elle dut remettre cela à plus tard si elle ne voulait pas arriver en retard, enfin pas trop, sur le terrain d’entraînement.

Aujourd’hui elle allait évaluer les combattantes par deux. Elle leurs ferait faire des duels qui détermineraient leur niveau. Elle ferait ensuite autant de groupe qu’il y aurait de niveau et elle les entraînerait ensuite séparément, en fonction de leurs besoins. Chaque groupe aurait deux heures de travail par jour. Du moins les nouvelles recrues. Pour ce qui concernait les miliciennes, elles, elles auraient droit à quatre heures chaque jour.

Deux avant le lever du soleil et deux après le dîner, histoire de les habituer à des conditions atmosphérique différentes. Elle arriva avec quinze minutes de retard et s’excusa en les saluant. Linya lui fit un signe de tête et un petit sourire, auquel elle répondit.

Elle fit ensuite aligner tout le monde, ce qui lui permis de remarquer la présence de deux adolescents, d’environ 14 ans. Elle vit les regards curieux de certaines des femmes mais ce qui l’ennuya plus ce fut les deux ou trois regards hostiles à leur encontre. « Juste parce qu’ils sont de sexe masculin » songea-elle en notant à qui appartenaient les regards.

L’une des femmes surtout lui semblait une futur source d’ennuis. Elle s’appelait Genshenka Barslov. Et elle vit avec une certaine contrariété, qu’elle était douée. En fait, elle était plus que ça. C’était une des militaires qui entraînait les filles. Elle était, apprit-elle plus tard par Linya, arrivée sur l’île il y avait trois ans et demi à la suite d’un harcèlement sévère au sein de son unité et qui avait dégénéré en un viol collectif, un soir après une journée difficile.

Elle avait trouvé ce qui lui manquait ici, parmi toutes ces femmes en souffrance comme elle. Elle avait rapidement récupéré ses forces, grâce surtout à une forte volonté et à une rage terrible. Elle avait fini par demander à rester et ses capacités professionnelles étant utiles au reste de la communauté, Linya avait accepté, même si elle pensait qu’au vu de sa très forte haine des hommes, il aurait mieux valu pour elle essayer de se réadapter au sein des siens, mais elle n’avait rien voulu entendre, et Linya n’était pas du genre à jeter une personne souffrante à la rue.

Genshenka était de taille correcte. Environ 1m75. Rousse, les yeux verts et des tâches de rousseurs partout sur le visage, elle avait un air trompeur d’adorable angelot. Elle se battait bien, avec assurance et maîtrise. Elle dominait facilement chacune de ses adversaires et possédait un très grand sens de l’observation et de la stratégie. Jolie, intelligente, forte et en colère. Tia avait quelque chose de potentiellement dangereux entre les mains.

Elle remarqua que les deux autres personnes à avoir regarder les deux adolescents de façon hostile, étaient de bonnes amies à Genshenka. De toute évidence ces trois là formaient un trio dont Genshenka était le leader.

Les deux femmes étaient plus petites que leur chef, environ 1m70 et 1m67. L’une était blonde et l’autre brune. La plus grande, la blonde s’appelait Jodie et était Américaine. Elle était carrée et costaud. Elle avait beaucoup de punch et ne s’en privait pour l’utiliser. En fait, elle semblait même beaucoup apprécier la domination que cela lui octroyait. Elle était arrivée un an plus tôt, à la suite d’une agression violente causée par un gang d’extrémistes homophobes. Elle avait vu sa sœur se faire violer et torturer par ses monstres qui voulaient lui montrer ce qu’était un homme selon eux. Elle-même avait été poignardée en voulant la défendre. Mais elle n’avait rien pu faire et sa sœur était morte.

L’autre femme, la brune, était arrivée deux ans plus tôt, à la suite d’une énième agression de son père. Elle avait entendu parler de l’association par un flic et avait décidé de l’utiliser pour se cacher de son père, mais aussi de son frère qui trouvait l’exemple paternel très intéressant. Elle n’avait pas pensé s’y plaire, encore moins y découvrir une raison d’être mais ce fut le cas. Si elle semblait partager les convictions de ses copines envers les mecs, elle semblait moins sauvage, moins en colère. Elle s’appelait Erika. Elle avait 21 ans et était plutôt menue, mais elle savait parfaitement jouer de sa stature. De toute évidence, une de ses nouvelles amies avait dû lui apprendre l’art de la manipulation. Elle savait aussi très bien se battre même si elle y mettait moins de hargne que Genshenka et moins de plaisir que Jodie.

Sans surprise, toute trois se retrouvèrent dans le même groupe. Celui des combattantes de haut niveau. Elles faisaient partie de la milice et étaient toutes trois des permanentes, enfin aspirantes pour Jodie, qui n’était pas encore guérie selon Linya, et Tia comprit qu’elle devrait faire preuve d’une grande prudence dans ce qu’elle allait leur apprendre. Elle allait devoir les surveiller aussi, étant donné qu’elle devait intégrer un des gamins au groupe. Il était brillant, et avait probablement pratiqué un art martial pendant de nombreuses années avant d’atterrir ici.

A sa grande surprise, Linya fut meilleure que la veille et elle démontra suffisamment d’aptitude pour qu’elle l’intègre au meilleur groupe des miliciennes. Elle était au même niveau qu’Erika en fait et avec un peu d’entraînement elle devrait pouvoir se hisser à celui de Jodie.

Lorsqu’elle fut satisfaite, Tia annonça la répartition des groupes et les différentes heures d’entraînement. Certaines soufflèrent, d’autre firent la moue, mais dans l’ensemble chacune était contente de la place attribuée.

 

*********************************************

 

Alexia de son côté, se préparait à la situation à laquelle elle allait de voir faire face. Elle naviguait depuis quelques heures maintenant et rejoindrait bientôt un petit avion de fret qui la déposerait non loin de leur destination. Linya lui avait donné trois gros dossiers sur les gens qu’elle serait amenée à rencontrer au cours de son séjour et la situation politique et géographique des villages.

Fatiguée de s’abimer les yeux sur le papier recyclé utilisé par Linya depuis les débuts de l’association, Alexia releva la tête et fixa sans les voir les vagues qui s’écrasaient contre la coque du cargo. Elle compara la couleur profonde et riche de l’océan avec celle des yeux de son âme sœur. Pas de doute, les yeux de Tia possédaient les plus belles couleurs.

Elle soupira en posant le côté de sa tête sur le bord du bastingage. Elle n’aimait pas vraiment naviguer. Ça avait une tendance régulière à la rendre malade, même quand elle prenait ses pilules anti mal de mer. Et là, elle n’en avait pas pris alors elle était vraiment mal.

Elle inspira profondément et laissa l’odeur iodée de l’eau faire reculer ses nausées. Puis elle concentra son esprit sur l’image de la mercenaire telle qu’elle était lorsqu’elle l’avait vu plusieurs heures plus tôt. Belle, solide, décontractée et une jolie lueur espiègle dans les yeux qui leurs donnaient un éclat incomparable. Les cheveux balayés par une brise douce, Tia lui avait sourit avec confiance en lui murmurant de revenir vite.

« Vite, oh oui… le plus vite possible » songea-elle désespérée d’être loin de sa belle mercenaire. « Consternant. Trois heures et déjà elle me manque tellement que j’ai l’impression d’avoir une blessure au cœur. » Parfois ça l’agaçait réellement d’avoir autant besoin d’elle. Elle ne pouvait plus rien faire, rien dire, sans penser à elle, à ce qui lui plairait ou non, à ce qu’elle en penserait, à si elle la trouverait jolie. L’approuverait-elle ? Serait-elle fière ou déçue ? M’aimera-t-elle toujours ?

Toutes ces questions qui lui traversaient l’esprit étaient si vaines qu’elles en devenaient exaspérantes. Et pourtant elle ne pouvait s’empêcher de se les poser et reposer à longueur de temps.

Si la distance qui les séparait la contrariait, elle s’inquiétait aussi de la relation qui naissait entre son amante et sa meilleure amie. Elles se connaissaient mal et depuis peu de temps et pourtant elles plaisantaient et blaguaient comme si elles étaient amies depuis des années. Et cette façon qu’elles avaient de flirter… bon ok, elles plaisantaient mais… et s’il y avait plus ? Et si ces blagues n’étaient qu’une excuse ?

« Non, non, non, Lex, arrête ça tout de suite ! Je t’interdis de rabaisser ainsi les sentiments de Tia, ou de mettre en doute son honnêteté ! Et Linya non plus ne ferait rien et puis bon sang, elle n’est pas gay ! »

« Ouais c’est ça, comme si ça pouvait avoir la moindre importance quand il s’agissait de Tia… Bon Lex, soit tu leur fais confiance, soit tu passes ton temps à te torturer et à les soupçonner et tu feras du mal aux deux personnes les plus importantes de ta vie ».

Elle réfléchit pendant le reste de la traversée et conclut qu’elle n’avait pas réellement le choix. Elle devait leur faire confiance. Elles le méritaient et… elle ne se voyait pas se fâcher avec elles, elle les aimait trop et avait besoin d’elles.

« Bon Lex, et si tu passais à des choses plus terre-à-terre hein ? Des trucs concrets et sur lesquels tu as un certain contrôle ? » Elle secoua la tête et se dit qu’elle devrait un jour se décider à faire quelque chose à propos de cette jalousie maladive qui risquait de tout gâcher.

Elle soupira et revint aux papiers entre ses mains.

Linya lui en avait fait un résumé détaillé le matin même et lui avait expliqué les différentes options qui avaient été tentées pour finalement conclure que la parole, surtout la sienne, était la seule qui n’avait pas encore été essayée.

Elle devrait donc faire preuve de diplomatie et de créativité dans les arguments qu’elle exposerait aux deux parties. Tout d’abord, il faudrait qu’elle convoque les porte-paroles des deux villages sur un terrain neutre. La frontière peut-être ?

Puis elle écouterait leurs griefs et leurs solutions et elle devrait ensuite y réfléchir au calme. Elle espérait que sa présence ne serait pas vue comme une inspection ou un truc comme ça. Enfin, elle verrait bien. Elle rouvrit le dossier numéro 2 et relut le profil des personnes qui posaient problème et tenta de voir quelle stratégie elle allait bien pouvoir adopter à la vue de caractères aussi semblables et différents à la fois.

Ça ne s’annonçait pas très simple…

 

************************************

 

Gamora Pastamor était tel que le dossier de Linya la décrivait. Petite, courtaude et grande gueule. Mais elle avait à cœur le bien-être des habitants de chaque village sous sa responsabilité et elle croyait et respectait les principes de vie Nazaréens qui prônait l’égalité, le pardon et l’amour. Et si elle n’aimait pas trop son arrivée en une zone qu’elle considérait comme la sienne, elle était soulagée d’avoir de l’aide.

Elles discutèrent autour d’un café dans un petit restaurant que Gamora connaissait et Alexia eut ainsi un meilleur aperçu de ce qui se passait vraiment. Son escorte fit lever un sourcil à son hôte mais elle sembla approuver la démonstration de force, ce qu’elle confirma lors de leur entretien.

- C’est une bonne idée d’arriver ainsi, les Nazaréens subversifs y réfléchiront à deux fois avant de crier et ils vous prendront plus au sérieux aussi. Et… je pense que dans le coin, c’est une protection utile.

- C’est ce que Linya a pensé aussi.

- Quand souhaitez-vous les voir ?

- Le plus tôt possible.

- Ok, je vous organise ça pour demain matin alors.

- Très bien. Choisissez un terrain comme la frontière ou un endroit pas trop loin des territoires Nazaréens mais qui n’appartient à aucun des deux villages.

Gamora hocha la tête sèchement.

- Et pendant que je suis là, il y a d’autres problèmes sur lesquels tu as besoin d’aide ?

- Non. Tout va bien.

Alexia l’observa un moment. Gamora n’était pas mauvaise, mais elle était du genre à vouloir se débrouiller seule et à penser que les gens comme elle, ne voulait qu’envahir son territoire et jouer les petits chefs. Autrement dit, si elle l’accueillait avec soulagement dans l’affaire qui l’amenait c’est que la situation était vraiment critique. Cela annonçait des discussions difficiles et fatigante qui nécessiterait toute son attention. Elle soupira et insista néanmoins.

- Gamora…

Elle attendit d’avoir toute son attention avant de poursuivre.

- .n’attends pas d’être dans ce genre de situation pour demander de l’aide. Ça n’arrange personne, encore moins les habitants des refuges. Ta fierté est une bonne chose. Mais tu dois en déterminer les limites et t’y tenir.

- Je…

- Je n’ai pas fini, la coupa-elle. Je n’aime pas être catapultée ici en plein milieu d’une guerre potentielle alors que nous sommes pacifiques. Tu as laissé les choses traîner. Et tu as pris des décisions en fonction de ce que tu voulais et non en fonction de ce qu’il fallait. Tu as ignoré Linya alors qu’elle est ta présidente. Et ça, tu m’excuseras mais ce n’est pas acceptable. Elle est la fondatrice du mouvement, celle qui, par ses contacts et ses capitaux vous permet à toi et aux tiens de vivre et de guérir. Elle est ta supérieure dans la chaîne de hiérarchie et en refusant purement et simplement de l’écouter tu as bafoué les principes d’entraide et de solidarité qui régissent le mouvement. Tu n’as pas montré l’exemple alors même que tu es la dirigeante sur ce continent.

Alexia laissa passer un silence et termina.

- Je ne suis pas Linya. Je ne suis ni aussi gentille, ni aussi patiente qu’elle. Ne recommence pas, ne nous mets plus dans une situation pareille ou ta place aux seins des permanentes pourrait être réexaminée.

Elle vit Gamora déglutir et aperçut un mélange de honte devant sa défaillance sur une croyance et une fonction qu’elle prenait très au sérieux et de colère et de vexation devant le pointage de celle-ci par une complète inconnue.

Néanmoins, elle acquiesça et lui toucha deux mots d’un problème identique au Sud du pays, mais entre deux villages de femmes, qui pourrait rapidement dégénérer si ça éclatait entre les deux villages ici.

Le reste de la journée passa vite et Gamora invita Alexia à manger au restaurant pour finir leur entretien de façon plus détendue, mais ne souhaitant pas attirer l’attention plus que nécessaire, Alexia déclina et Gamora l’invita avec ses deux gardes du corps à venir dormir chez elle.

Chapitre 4 :

 

Les jours passèrent, parfois lentement, parfois rapidement, mais toujours très chargés. Alexia passa un temps infini à rencontrer et tenter de calmer les différents protagonistes des deux villages. Elle les écouta de longues heures durant, compatissant à leurs problèmes, prêtant une oreille attentive à leurs doléances et toujours, toujours tentant en vain d’apaiser les esprits.

Elle se retirait, après des journées interminables de discussions inutiles, un peu plus fatiguée et énervée à chaque fois. Finalement, comprenant que la parole n’avait aucune prise cette fois, Alexia tenta d’imaginer ce qu’aurait fait Tia. Elle réfléchit et en vint à la conclusion suivante : absolument rien. Tia évitait les affaires des autres avec une très grande persévérance.

Puis elle se rappela ce que la mercenaire avait fait pour Mickaël et pour Lizzie et… tout ce qui avait changé en elle depuis leur rencontre et repensa sa conclusion. Qu’aurait fait la mercenaire à sa place ? Un truc physique sûrement. Histoire de relâcher la pression…

Mais oui, bien sûr ! Elle allait organiser un tournoi entre les deux villages ! Une multitude de duels ou chaque habitant qui le voudrait, pourrait participer. Et le village gagnant aurait la priorité sur l’autre village dans tous les domaines pendant un an. Et cela comprenait : le territoire de chasse, d’entraînement et les fêtes qu’ils organisaient. Un tournoi donc renouvelable. « Oui, ça pourrait marcher », pensa-elle de plus en plus excitée.

Elle se rua dans le salon et interpella Gamora. Elle lui fit part de son idée et elles s’installèrent autour de la table dans la cuisine, pour mettre au point tous les détails du tournoi. Elles avaient rendez-vous à 9h, le lendemain, comme tous les matins depuis trois jours. Elles se levèrent à tour de rôle pour se servir en café, en refaire ou se faire quelque chose à grignoter.

Elles convinrent que le village perdant organiserait les fêtes du village gagnant et lors des périodes de vaches maigres, ils partageraient les fruits de leur chasse, mais en période faste, le perdant donnerait deux de ses meilleurs prises au village gagnant. Pour ce qui concernait l’entraînement, le village gagnant devrait entraîner ses habitants ainsi que ceux du village perdant.

Elles déterminèrent d’autres détails ainsi que les modalités de participation, de combat et d’arbitrage, de même que l’endroit où il aurait lieu et d’autres menus détails. Le jour pointait ses premiers rayons du soleil, lorsqu’enfin elles en eurent terminé avec les préparatifs. Elles se regardèrent, épuisées, de larges cernes sous les yeux, mais très contentes d’elles-mêmes.

Elles se sourirent par-dessus leur tasse et se sentirent enfin sur la même longueur d’onde.

- On va avoir du boulot aujourd’hui, lança joyeusement Gamora.

- Ouais, mais ça en vaut la peine si on voit enfin le bout de ce conflit.

- Humm. C’est une idée brillante en tout cas. Un tournoi d’art martiaux pour départager deux villages pacifistes, c’est… il fallait y penser, conclut la petite femme en face d’elle.

- J’ai eu de l’inspiration, lui confia Alexia.

- Vraiment ? Et elle a un nom cette inspiration ?

Alexia fit le geste de fermer sa bouche et en jeta la clé au loin.

- Ok, fit sa collègue en riant. En tout cas, je vous remercie. Je suis sûre qu’il y a moyen de décliner ce tournoi pour régler d’autres problèmes, qu’ils soient inter ou intra villages.

- Ça je vous laisse en juger. Je vous demanderai juste de tenir Linya informée régulièrement et d’écouter ses suggestions.

- Bien sûr, acquiesça Gamora encore gênée de s’être fait remonter les bretelles, quelques jours plus tôt. Vous pensez utiliser cette idée dans d’autres pays ?

- Seulement dans ceux qui connaissent votre situation financière et politique. Il est évident que pour les refuges situés dans les pays riches, un tournoi pour obtenir de bonnes proies en chasse n’intéressera personne, puisqu’il n’y a pas de chasse.

- Avec quelques ajustements cela pourrait être utile.

- Je pense oui. Il faudra y réfléchir, mais là je verrai avec Linya.

- Je me demande comment fonctionne et à quoi ressemble les autres refuges, hors de ce continent, marmonna-elle.

Alexia haussa les épaules.

- Linya compte organiser une réunion des différents dirigeants. Elle estime qu’après cinq ans, la mise en place est solide et qu’une réunion tous les ans devient nécessaire. Alors si ça vous intéresse vraiment, vous n’aurez qu’à en discuter cette semaine-là.

- Vraiment ? Fantastique ! Je n’en espérais pas tant.

- Bon, fit-elle en lui rendant son sourire, il est temps de se préparer. Je n’ai aucune envie d’être accueillie par des cris à cause de notre retard.

Elle se leva et déposa sa tasse de café dans l’évier avant de se rendre dans la salle de bain. Elle attrapa sa brosse à dent et sourit en la voyant. « Je me demande si elle à réussit à remettre la main dessus ?, se demanda-elle en souriant à son reflet. Je suis sûre que si ce n’est pas le cas, elle doit me maudire ! Oh, ce que j’aimerais voir sa tête ! »

 

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Tia était à cent lieux de là, concentrée sur un combat pour le moins vicieux. Genshenka, comme tous les jours, s’était portée volontaire pour faire les démonstrations avec elle et bien sûr, à la fin de chaque entraînement, elle avait droit à son duel personnel. Genshenka n’avait pas apprécié d’être détrônée de son rôle d’instructeur par une nouvelle venue, aussi douée soit-elle. Pas plus qu’elle n’aimait son attitude nonchalante avec elle, comme si elle n’était pas assez dangereuse pour mériter plus que son indifférence, ou sa gentillesse avec les garçons, notamment le jeune Droqkwé, qui attirait sa bienveillance avec sa bouille ronde et ses grands yeux bruns de joyeux cocker.

Genshenka qui n’appréciait pas que quiconque soit meilleure qu’elle, surtout pas un homme, avait, dès le premier jour, défié le jeune garçon. Elle l’avait bien évidemment battu, mais elle avait poussé la malice jusqu’à porter quelques mauvais coups qui lui avaient laissé des marques sur le visage et les côtes. Heureusement qu’il avait de bons réflexes et une certaine expérience des combats, sans quoi il aurait pu avoir bien plus mal.

Elle avait été obligée de lui faire la leçon après le cours, ce qui avait augmenté encore un peu plus son hostilité à son égard. Elle en aurait bien discuté avec Conception avant, puisque c’était la chef de la milice, mais elle donnait des cours à cette heure-là et ne participait qu’aux entraînements du soir, ce dont elle aurait fort bien pu se passer vu son niveau. Mais Conception lui avait dit qu’on avait toujours quelque chose à apprendre quelle que soit notre force et elle avait insisté pour participer à ses cours comme simple élève.

Ce qu’elle avait fait n’était pas très digne d’une adulte, encore moins de la part d’une militaire et elle le lui avait fait sèchement remarquer. Depuis, elle faisait systématiquement un pas en avant pour être sa partenaire lors de l’entraînement, pendant qu’une de ses amies se mettait en face de Droqkwé. Et si jusqu’à présent, Genshenka n’était pas parvenue à la battre, à peine arrivait-elle à la toucher !, elle ne renonçait pas pour autant et attaquait chaque jour avec un peu plus de hargne et de haine.

Avec son indéfectible calme, sa si grande assurance, sa force, son expérience et sa bienveillance envers les garçons de l’île, la mercenaire rassemblait tout ce que Genshenka et ses amies haïssaient. Elle était devenue la nouvelle icône des ses femmes qui haïssaient les hommes car elle rassemblait tout ce qu’elles estimaient qu’il y avait en eux. La supériorité, l’indifférence à leurs égards, la force brute… tout ce qu’elles avaient appris à haïr en eux.

Tia était assez surprise, mais… elle s’en fichait un peu alors… Elle rendait service à Linya, faisait plaisir à Alexia et les autres et bien… c’était à eux de voir. De toute façon, tout le monde ne la détestait pas, alors finalement à part ces séances particulières, elle ne le ressentait pas trop.

L’entraînement était divisé en quatre étapes. La première étape comprenait l’échauffement et les étirements. Puis les démonstrations suivaient avec les répétitions de mouvements individuellement et en groupe. Enfin, venait les combats. Ils passaient deux par deux, parfois quatre par quatre, et Tia les évaluait et les départageait, leur montrant ce qui allait et ce qui n’allait pas.

Pour terminer, venait la partie amusante, appelée « le grand n’importe quoi ». Chacun prenait un partenaire et combattait sans réfléchir. Tous les combats avaient lieu en même temps. C’est pourquoi ce moment était plus considéré comme un moment de détente et d’amusement. Les coups portés étaient lents et sans réelle force, l’idée étant d’habituer le corps et l’esprit à ne pas ressentir de peur et à rester calme lors des combats, ainsi que de faire retomber la tension et l’énervement.

Mais aujourd’hui, après sa 6ième défaite d’affilée, Genshenka était vraiment en colère et frappait avec toutes ses forces tentant vainement de la toucher. Évidemment, ça ne changeait pas grand chose pour Tia, qui trouvait que sa « partenaire » n’avait pas l’air de comprendre l’intérêt de ce moment, tant elle prenait toujours celui-ci trop au sérieux. Pourtant il y avait bien une différence. Elle avait vu les amies de Genshenka, Jodie et Erika encercler le pauvre Droqkwé un peu plus tôt et elle partageait son attention entre son combat et le sien. Elle sentait bien que ça participait à un plan, mais à part faire ce qu’elle faisait habituellement, c'est-à-dire la battre et rester calme, elle ne voyait pas quoi faire.

Elle surveilla Droqkwé du coin de l’œil. Pour l’instant ça allait. Il se débrouillait comme un chef et une des anciennes instructrices lui donnait un coup de main, en fronçant les sourcils devant les coups puissants peu appropriés à cette phase des exercices. De toute évidence elle n’était pas la seule à voir qu’un truc clochait.

Alors que la femme prenait un coup de côté, à moitié protégé par un bras levé par réflexe, Droqkwé reçut un violent coup de pied à l’estomac qui l’envoya au tapis un peu sonné. Tia fronça les sourcils et s’apprêtait à mettre un terme aux combats lorsqu’elle saisit un mouvement rapide et vicieux dans sa vision périphérique.

C’était le moment que Genshenka attendait. La grande femme venait de voir son attention détournée au loin. Elle n’aurait pas de meilleure occasion de lui faire ravaler sa superbe. Elle lança un puissant coup de pied tournant en direction de sa tête.

Tia se baissa a une vitesse surhumaine, en même temps qu’elle se retournait vers son adversaire, qui, emporté par son élan fouetta le vide et s’étala comme une crêpe sur le sol. Devant le coup tordu de Genshenka, la grande femme sentit monter une colère qu’elle n’eut plus aucune envie de réprimer. Il était temps de remettre cette idiote à sa place. Et ses amies avec. Sa voix claqua comme un coup de fouet.

- Ça suffit !

Étrangement son ton vibrant mais bas fut entendu au milieu du brouhaha des coups portés et reçus et des blagues et plaisanteries diverses. Tout le monde se figea et fixa son attention sur elle. Elle se releva et désigna Erika et Jodie.

- Vous. Ici.

Puis elle se tourna vers Genshenka.

- Toi. Debout. A côté d’elles. Les autres, vous vous détendez et vous profitez du spectacle. Ceci n’est pas un exercice. Ni une démo. Encore moins un défi. Ceci…, fit-elle en regardant chacun de ses élèves dans les yeux quelques secondes, ceci… est une leçon, ou dans un langage moins poli, une raclée. La leur, déclara-elle en les pointant du doigt.

Les trois femmes alignées sursautèrent et lui jetèrent un regarda noir et arrogant.

- Quelqu’un peut-il me dire pourquoi elles ont besoin d’une raclée, alors que l’on sait que c’est une raclée qui vous à toutes menées ici ? En quoi est-elle nécessaire ? En quoi cela peut-il être thérapeutique ?

Le silence seul lui répondit. Elle le laissa s’installer, sans lâcher aucun de ses élèves du regard, les toisant tour à tour, jusqu’à ce qu’enfin, tous soient mal à l’aise. Elle parla ensuite d’une voix basse, vibrante et intense, sur un rythme lent, détaché, presque hypnotique.

- Un raclée… devient nécessaire… lorsque… des personnes fortes… et parfaitement capables… de tuer ou de blesser… une personne visiblement moins bien lotie qu’elle… le fait… alors que rien ne l’y oblige… ni la survie… ni la défense… seulement la colère… et le plaisir de faire mal. Si un jour… l’envie vous prend de vous défouler sur une personne moins forte… simplement pour vous sentir mieux… alors souvenez-vous de deux choses : la première vous tomberez fatalement un jour sur plus fort que vous, quelqu’un qui voudra vous faire passer l’envie de recommencez.... La deuxième : que celui a cause de qui vous en êtes venue à apprendre l’art du combat et de la défense… celui là… vous ressemble énormément. Le jour où pour être bien dans votre peau, vous ferez comme ces trois idiotes, vous serez votre bourreau.

Elle termina son sermon en croisant le regard de Linya qui lui donna d’un petit mouvement de tête, son accord pour ce qui allait suivre. Elle se tourna alors vers ses victimes.

- Vous trois. Contre moi. Ensemble. Pas de pitié, pas de supplication. On frappe pour faire mal. Le dernier encore debout à gagné.

A ces mots, deux des trois femmes sourirent avec arrogance. Elle fixa la troisième, Erika. Elle n’osait pas croiser son regard. Tia nota qu’elle semblait avoir honte. Elle avait entendu son discours. Bien. « Tu auras moins mal que les deux autres » se dit-elle en leur faisant signe de venir.

Genshenka et Jodie furent les premières à passer à l’attaque. Ensemble. Comme elle s’y attendait. Elle n’eut donc aucun mal à éviter leur assaut. Elle se baissa alors que Jodie lançait sa jambe au niveau de sa tête et fit un mouvement de côté quand, au même moment, Genshenka faisait le même mouvement à l’opposé de son amie. Tia tendit les deux mains et attrapa leurs jambes d’appui en souriant, puis tira d’un coup sec vers elle.

Les deux femmes perdirent l’équilibre. Jodie s’écrasa comme une masse, mais Genshenka se laissa rouler sur le sol de terre battue, amortissant le choc et se remettant sur pied dans le même temps. Elle jeta un coup d’œil à Erika qui n’avait pas bougé et d’une grimace colérique l’obligea à passer elle aussi à l’action.

Erika s’élança vers elle, et alors que Tia se préparait à l’éviter d’un simple pas sur le côté, la jeune fille la surprit. Elle fit un bond dans les airs et au milieu de son saut périlleux elle tendit une jambe solide et frappa vers sa tête. Tia eut juste le temps de lever ses avant-bras pour retenir le coup. « Elle est rapide et agile. Ne la sous-estime pas Tia. Ça serait mauvais pour ta leçon » se dit-elle en agrippant le pied avec ses deux mains croisées, faisant perdre automatiquement l’équilibre à la jeune fille, qui ne put que battre des bras dans le vide et les lança finalement vers sa tête pour se protéger du sol qui se rapprochait à une vitesse vertigineuse. Elle se retrouva nez à nez avec la poussière, sans comprendre pourquoi elle n’avait pas encore touché le sol. Elle leva les yeux et vit que la grande femme la maintenait haut dessus du sol grâce à la prise qu’elle avait sur sa cheville.

La mercenaire lui fit un sourire torve et lâcha sa cheville. Erika écarquilla les yeux et s’effondra tête la première sur le sol. Heureusement, elle ne tombait pas de haut.

Ce répit avait été suffisant pour que Jodie se relève et se jette sur la grande brune avec un hurlement sauvage. Tia la vit venir, de même qu’elle avait vu Genshenka la contourner alors qu’elle s’occupait d’Erika. Elles tentèrent de la prendre en sandwich, mais la grande brune n’était pas née de la dernière pluie et elle décida de les humilier tout en les impressionnant. Elle éclata d’un grand rire et sans élan, fit un bond dans les airs, passa au dessus de la tête de Jodie qui suivit sa trajectoire d’un air ahuri et ne regarda plus devant elle. Tête en bas, Tia effectua une petite vrille qui lui permis de se retourner dans les airs et atterrit sans dommage, derrière Jodie, à temps pour voir son visage s’aplatir sur la chaussure militaire de Genshenka.

Elle s’effondra, du sang coulant de son nez maintenant brisé et des larmes plein les yeux. Sous la poussée de son amie, Genshenka fut repoussée en arrière mais réussit à ne pas perdre l’équilibre. Elle se remit en position et passant près d’Erika l’attrapa pour la remettre sur pied. Elle lui murmura quelque chose à l’oreille qui n’eut pas l’air de plaire à la jeune fille qui secoua la tête. Genshenka serra alors son bras fortement en plongeant son regard dans le sien tout en insistant. Erika déglutit et eut un petit hochement de tête.

Tia qui avait vu le mouvement de recul, fut un peu déçu de la capitulation d’Erika. « Tant pis pour toi gamine, je ne t’épargnerais plus. » Elle décida que l’humiliation serait plus amusante et plus percutante qu’une réelle raclée, alors elle décida de s’amuser un peu. Pendant les cinq minutes qui suivirent, elle les laissa attaquer ensemble, séparément, ou par deux, se contentant de les éviter, de parer et de faire en sorte qu’elles se tapent entres elles. Après ce temps, elle secoua la tête. « Vous ne voulez pas comprendre hein ? Regardez donc, ouvrez les yeux, et voyez comme il m’ait facile de vous battre sans même vous frapper ou en être essoufflée, et comprenez combien il serait douloureux et humiliant que je m’y mette vraiment. »

Mais les trois femmes ne voulurent rien comprendre et Tia en eut assez de cette perte de temps. Elle se redressa, changeant ses appuis et bandant ses muscles. Genshenka et Erika eurent l’air de saisir la différence. Elle passait aux choses sérieuses. Mais Jodie comme à son habitude, ne prit pas la peine d’analyser son adversaire et fonça dans le tas. Idiote.

Dans une série de mouvement maintes fois répétés, si naturels qu’elle les faisait sans y penser et avec une rapidité presque inhumaine, un peu comme des réflexes, elle enchaîna les coups qui envoyèrent Jodie, Erika et Genshenka très vite au tapis. Et pour être sûre qu’elles y restent, elle balança un coup vicieux qui assomma à moitié Jodie et fit avoir un mouvement de recul à Erika, qui se protégea le visage des mains.

« Bien, y’en a au moins une qui a compris. » Ce coup, elle le destinait uniquement à Jodie. Elle comptait sur l’esprit d’analyse et le réalisme d’Erika pour comprendre que sa bataille était perdue d’avance. Elle ne voulait pas lui faire trop mal, elle était moins perdue que les deux autres. Contente que sa stratégie ait fonctionnée au moins sur l’une d’elles, elle se retourna vers Genshenka qui la dévisageait, particulièrement haineuse. Mais elle savait reconnaître quand elle était battue et sans l’aide de Jodie, à moitié dans le cirage et d’Erika, bien trop effrayée par leur grande et forte instructrice, elle savait n’avoir quasiment aucune chance. Elle leva donc les deux mains en signe de défaite mais sans baisser son regard noir.

Tia secoua la tête. « Décidément cette fille ne comprend rien. » Elle s’approcha des trois corps étendue sur le sol et s’accroupit pour être à leur hauteur.

- Vous êtes minables, siffla-elle. Et stupides. Vous n’avez même pas essayé de réfléchir à mes propos. Je suis plus forte que vous. Et de très loin. Vous pourriez vous mettre à dix, que cela ne changerait rien. Je peux tuer de 25 façons différentes sans même avoir à toucher une arme. Et j’ai déjà tué. Je connais le goût du sang et celui de la haine. L’odeur enivrante de la domination et du combat. L’envie submergeante de détruire et de se venger. Je suis si forte que si je le voulais vraiment, je créerais tellement de mort dans mon sillage que mon simple nom ferait frémir même les enfants qui savent à peine parler. Mais je ne le fais pas. Pourquoi ?... Demandez-vous pourquoi. Cherchez la réponse. Et lorsque vous penserez l’avoir trouvé. Venez m’en parler.

Tia se releva et nota avec satisfaction que son discours, ou peut-être le mépris qu’elle y avait mis, semblait avoir presque eu autant d’impact que ses poings sur Genshenka. Elle évita de croiser son regard et Tia y lut de la gêne et une pointe de honte. « Peut-être tout n’était-il pas perdu pour elle, en définitive ? » Elle fit signe à deux filles de s’occuper des trois blessées. Puis tourna les talons. Linya la suivit et dut se mettre à trotter pour la rattraper. Elle lui prit le poignet pour attirer son attention. Elle n’aurait pas dû.

Elle se retrouva si vite sur les fesses, une main enroulée autour de son cou, l’étouffant à moitié, qu’elle se demanda ce qui s’était passé. Elle croisa le regard bleu acier de la mercenaire et comprit. Elle avala, ou tenta de le faire et croassa :

- D… désolée…

Tia cligna des yeux et sembla reprendre pied avec la réalité. Elle relâcha son étreinte et s’excusa en la remettant doucement sur ses pieds.

- Excuse-moi… je… il ne faut pas me toucher quand je sors d’un combat. Il faut… me laisser le temps de faire retomber l’adrénaline.

- Ok, excuse-moi, accepta-elle en se massant la gorge.

- Non, c’est moi.

- Oh allez, on ne va pas passer la nuit là-dessus, hein ! fit-elle avec un petit rire.

Tia haussa les épaules.

- Que me voulais-tu ?

- Oh rien, enfin… savoir si tu allais bien, c’est tout.

- C’est tout hein ? répéta-elle en secouant la tête incrédule.

« C’est pourtant tellement… ». Pendant des années… personne ne se souciait de son bien-être… mais depuis Alexia… Elle avait l’impression que Linya essayait réellement de devenir son amie, et pas seulement pour Alexia. Elle avait envie d’accepter son amitié, elle s’entendait bien et… elle avait confiance en elle, comprit-elle soudain avec un sentiment de profonde surprise. Comment était-ce possible ? Si vite qui plus est ?

Elle secoua la tête et se dit que ce devait encore être un « effet Alexia ». Et tout ce qui venait de cette si jolie petite blonde aux yeux verts était forcément bon pour elle, alors elle décida de ne plus se poser autant de questions et d’accepter, tout simplement.

- Ça va, répondit-elle enfin. Maintenant, ça va.

- Tant mieux. Tu rentres ? ajouta-elle en montrant le chemin qui menait à la colline où se trouvait leur demeure.

Tia hocha la tête.

- Il est tard et je suis fatiguée.

- Et tu t’en fais pour Alex.

Tia tourna vivement la tête vers elle et l’étudia. Elle n’avait pas l’air de jouer ou quoi que se soit d’autre. Juste de la sincérité et de l’intérêt.

- Oui.

- Elle a eu beaucoup de boulot apparemment. Je ne l’ai pas eu au téléphone non plus. J’essaierais demain. Tu veux que je t’attende ?

- Je… oui, fit-elle brusquement.

Alexia lui manquait et se mentir n’apporterait rien. Elle avait besoin d’entendre sa voix. D’être sûre que tout allait bien pour elle. De vérifier… qu’elle avait bien l’intention de rentrer. En être sûr. Et lui faire comprendre que c’était une chose qu’Alexia elle-même voulait. Pour ça, il suffisait de lui rappeler combien Alexia l’aimait, et combien elle lui manquait. Une petite manipulation pour la bonne cause.

- Ok. Je te le ferais savoir quand je pourrais le faire.

Tia hocha la tête et passa la porte du chalet. Elle s’arrêta ensuite dans le hall et les mains sur les hanches, fit un tour d’horizon des pièces. Le salon était devant elle, vaste pièce illuminé qui menait à la cuisine, de laquelle il n’était séparé que par un mur bas. Sur le côté du hall, devant elle, se trouvait l’escalier qui menait aux étages. Au premier la chambre de Linya, sa salle de bain, un bureau et une salle de sport. Au deuxième, la chambre d’ami, autrement dit la sienne et celle d’Alexia, une autre salle de bain, un bureau aux allures de débarras, une autre chambre d’ami et une vaste bibliothèque.

Elle avait déjà fouillé le deuxième étage de fond en comble et n’y avait pas dégotté ce qu’elle cherchait. Il était temps de passer aux autres pièces.

- Qu’est-ce qui t’arrive ? l’interrogea Linya perplexe devant son air songeur et son immobilité soudaine. Un problème ?

- Hmmm, oui.

Elle tourna un regard ennuyé vers elle et fit une petite grimace.

- Alexia a caché mes affaires avant de partir et y’en a certaines que je ne parviens pas à retrouver. C’est… un peu énervant, admit-elle embarrassée.

Linya se mit à rire. C’était bien du Alexia ça ! « Quelle gamine quand même ! » songea la jeune femme en riant devant l’air misérable de sa compagne. Elle posa une main sur l’épaule musclée.

- Ok, je vois le genre. Qu’est-ce qui te manque ? fit-elle en riant toujours.

- Ben, ma brosse à dent, deux heu… culottes et heu… un… hum… soutien-gorge.

Le sourire de Linya s’élargit mais elle tint sa langue. Elle lui fit signe de la suivre et d’un geste exagéré, ouvrit la porte du frigo. Elle chercha des yeux un instant puis tendit la main et sortit du compartiment à légumes, l’introuvable brosse à dent, qu’elle remit à une Tia stupéfaite.

Celle-ci la prit et décrocha, avec une grimace dégoûtée, des morceaux de salade des poils blancs.

- Comment tu as fait jusqu’à maintenant ? demanda-elle en riant de sa déconfiture.

- Ben, j’en ai acheté une autre, qu’est-ce que tu crois ? Dans le frigo, marmonna-elle ensuite pour elle, elle est cinglée.

- Et tu n’as pas tout vu ! s’exclama la jeune femme en face d’elle.

Elle referma la porte du frigo, fit deux pas sur sa droite et ouvrit celle du congélateur. L’appréhension de Tia grimpa d’un cran à cette vue. Elle pencha la tête dans l’appareil et ne put retenir un gémissement. Elle croisa le regard mort de rire de son amie et se renfrogna un peu plus. Puis elle fixa sa culotte en dentelle rouge, achetée exprès pour Alexia qui disait que le rouge lui allait à merveille, d’un œil morne.

- Et comment je m’y prends pour la sortir de là ? grogna-elle dépitée. Elle est congelée !

- Ouaip ! Congelée et bien congelée !

- Ravie que mes mésaventures t’amusent !

- Faut bien qu’elles servent à quelques choses ! rétorqua la jeune femme sans se démonter.

Tia secoua la tête et leva les yeux au ciel.

- Peut-être qu’avec un pic à glace… ? lui suggéra-elle.

- Peut-être, acquiesça la mercenaire. T’as une idée pour le reste ?

- Hmmm, ouais mais…

- Mais quoi ?

- Ça sera bien plus marrant de te regarder chercher partout en grognant, fit-elle en sautant vivement en arrière pour éviter la prise de la grande femme.

Elle se rua ensuite en riant à l’étage, s’enfermer dans la salle de bain, consciente que se serait le seul endroit où elle serait vraiment en sécurité.

Tia la suivit un peu puis la laissa monter seule, les bras croisés sur sa poitrine, réfléchissant à une vengeance à laquelle la gentille Linya ne pourrait pas échapper.

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