Indiscrétions, chapitre 12
INDISCRETIONS
Deuxième saison
Parental Advisory
Rating: L, AC
Break out those V-Chips,
everyone!
Credits:
Created, Produced,
Directed and Written:
Fanatic
and TNovan
Episode Douze: Deux valent
mieux qu’un
Le bruit de Kels qui crie dans son
sommeil me réveille immédiatement.
“Non!” Elle s’agite violement dans le lit.
J’allume la lampe et me retourne pour la tirer dans mes bras. Elle se débat, les
mains contre mon cou et mon visage. Je sens un de ses ongles s’enfoncer dans ma
peau et griffer, mais je m’en fiche. Elle a besoin de moi. Bon dieu, elle
n’avait pas eu de cauchemar depuis des semaines.
Je sais qu’elle a eu une séance
difficile avec le Dr. Sherwin aujourd’hui, mais à ce point là, je ne m’en étais
pas rendu compte. Elle était silencieuse et morose au dîner, plus tôt dans la
soirée, mais visiblement pas d’humeur à en parler. J’aurais peut-être dû la
forcer à le faire.
“Kels, bébé, c’est Harper. Je te
tiens,” je chuchote dans son oreille, en essayant de garder une voix calme pour
ne pas l’effrayer d’avantage. “Tu es en sécurité. C’est fini. Tu es à la maison
en sécurité avec moi.” J’essaye de la réconforter, je la berce doucement, je la
serre contre moi. Elle s’agrippe à mon jersey en gémissant. Elle me brise le cœur. “Allez bébé, réveille-toi.
Tu es en sécurité.”
“Je l’ai tué, Harper.” Elle pleure
dans ma poitrine, s’accrochant à moi comme à une bouée de sauvetage.
“Chut, chér. Tout va bien.”
Elle secoue la tête contre moi.
“Non, c’est pas bien. Tu sais pourquoi je l’ai tué?”
Comment je réponds à une question
pareille? Alors je choisis de ne rien dire. A la place, j’enfouis mon visage
dans ses cheveux et murmure des mots sans suite.
“Il m’a dit qu’il t’avait tuée.”
Elle inspire par bouffées brusques, comme si on l’avait frappée, puis enfonce
de nouveau sa tête dans mon cou. “Il m’a dit qu’il t’avait tranché la gorge. Je
pensais que tu étais morte.”
Oh Seigneur, dite-moi que je ne
lui pas fait ça. Je ne pourrais pas vivre avec cette idée. “Kels…”
“Je voulais me venger, Harper. Je
voulais qu’il meure pour ce que je croyais qu’il t’avait fait. Mon bébé a une
meurtrière pour mère.” Ses sanglots sont presque incontrôlables maintenant.
“Kels, mon cœur… oh chérie…” Merde!
“Tu n’es pas une meurtrière, mon cœur.
Tu t’en es sortie vivante. Tu es revenue vers moi. J’aurais donné n’importe
quoi pour que tu me reviennes, Kels. J’aurais fait n’importe quoi. Et je suis
tellement reconnaissante que tu te sois sortie de là. ” Je presse mes lèvres
contre sa tempe, en souhaitant pouvoir soulager sa douleur.
“Mais, ce que j’ai fait, Harper,”
elle proteste.
“La seule chose que tu as fait
c’est de rentrer à la maison avec moi.” Je crois que je suis largement en
dehors de mes compétences, là. “Ma puce, je vais appeler le Dr. Sherwin. Je
pense vraiment que tu as besoin de lui parler, d’accord?” Je ne sais pas ce
qu’il vaut mieux faire : reconnaître qu’elle a tué cette pourriture –parce
que je suis bien contente qu’elle l’ait fait- ou plutôt minimiser ce qui s’est passé.
Je ne veux pas la blesser encore plus.
Elle hoche la tête contre ma peau,
mais je dois m’éloigner d’elle pour prendre le téléphone. J’essaye de me
dégager, mais elle s’accroche à moi. Il me faut quelques minutes pour l’apaiser
et glisser hors du lit prendre le téléphone.
Je suis choquée quand la doc
décroche effectivement son propre téléphone, mais avec ce qu’elle facture de
l’heure elle peut bien. “Doc, je suis terriblement désolée de vous réveiller,
mais c’est Harper Kingsley à l’appareil. Kels passe une nuit vraiment
difficile. Je pense qu’elle a besoin de vous parler.”
“Est-ce que vous pouvez me la
passer, Harper?”
Je me retourne vers Kels, qui est
toujours en train de pleurer, roulée en boule. “Non, je ne crois pas. Est-ce
que je peux vous l’amener? Je sais qu’il est tard et tout, mais… Seigneur, je
suis vraiment perdue là.”
“Je vais venir vous voir. Je doute
qu’à ce point vous puissiez la persuader de sortir.” Je l’entends bouger sur
son lit, allumer la lumière, repousser les couvertures. “Je serai là dans vingt
minutes. Restez avec elle et essayez de la garder tranquille.”
“Très bien.” Je raccroche et
retourne vers mon Gourou. “Chér, le docteur est en route.” Je tends la main et la
passe sur ses bras. “Kels… Gourou… s’il-te-plait, viens, ma chérie.” Je
m’enroule autour d’elle doucement, pour ne pas l’effrayer d’avantage qu’elle ne
l’est déjà.
Kels tremble et je l’entends
demander pardon encore et encore. Quand finalement j’entends ses mots
clairement, mon cœur se brise. Elle s’excuse auprès de notre bébé.
Je veux pleurer avec elle, mais au
lieu de ça je respire profondément et resserre mon étreinte autour d’elle.
“Tout va bien chérie. Je te le promets.”
* * *
Je suis assise sur le sol en
dehors de la chambre, la tête appuyée contre le mur, les yeux fermés, à prier
et à attendre. Je devrais être assise dans le salon, et me détendre sur le
canapé, mais je ne supporte pas l’idée d’être aussi loin de Kels. Même si la
porte est fermée. Le Dr. Sherwin est avec Kels depuis presque deux heures. On
n’entend plus rien à présent, mais je l’ai entendu pleurer à l’intérieur et ça
me tue d’être assise là et d’écouter.
Enfin, le Dr. Sherwin sort et referme
la porte derrière elle. Ah, comme j’aimerais avoir une vue aux rayons-X ! Il
me faut toute ma volonté pour ne pas bondir par-dessus la psychiatre et aller
voir Kelsey.
“Je lui ai donnée quelque chose
pour l’aider à dormir,” dit-elle.
“Le bébé…”
Elle lève la main pour couper
court à mon objection. “C’est parfaitement sans danger pour le bébé, mais
Kelsey avait besoin de se reposer. Y a-t-il un endroit où nous pourrions parler?
Quelque part où vous seriez mieux installée?”
Je hausse une épaule d’un air
embarrassé. “Absolument. Vous voulez une tasse de café?” Je me hisse debout et la
précède à travers l’appartement.
Elle acquiesce en attrapant son
sac. “Ce serait génial, merci.”
Une fois assise dans la cuisine, je
me contente de fixer mon café, en regardant le lait faire des volutes pendant
que je le mélange.
“Ça été très dur pour elle,” dit
enfin Sherwin.
“Je sais.” Pour cette perspicace
analyse le bon docteur se fait payer deux cents dollars de l’heure.
“Vous lui avez été d’une grande
aide. Le soutien fiable d’un partenaire est un don du Ciel après une épreuve
comme ce qu’elle a souffert.”
Je hausse les épaules ; je ne vais
pas à la pêche aux compliments mais je suis excessivement soulagée d’entendre
que j’ai aidé. “Je l’aime. Je ne savais pas quoi faire d’autre. Je ne sais
toujours pas.”
“J’ai sa permission pour vous
raconter deux ou trois choses dont elle avait peur de vous parler. Aimeriez-vous
les entendre?”
Non.
“Oui.” Je lève les yeux vers elle.
“S’il-vous-plait.”
“C’est loin d’être agréable. Si, après
notre discussion cette nuit, vous trouvez que vous avez des difficultés à gérer
tout cela, s’il-vous-plait venez me voir. Le soutien que vous avez donné à
Kelsey est quelque chose qu’elle ne peut pas se permettre de perdre.”
“Jamais. Surtout maintenant avec
la venue de notre bébé.”
Elle me sourit avec douceur.
“C’était un geste très courageux de votre part. Par coïncidence, c’était aussi
une des meilleures choses que vous ayez pu donner à Kelsey. Ce bébé la garde
concentrée sur l’idée d’aller mieux.”
“Comme je l’ai dit, je l’aime.
Jamais je ne la priverais de quoi que se soit.”
“C’est ce que je vois. Bien,” elle
prend une grande inspiration et avale une gorgée de café, “laissez-moi vous parler
de ce qui s’est passé.”
* * *
Après le départ du Dr. Sherwin, je
vais aussitôt à la salle de bain pour vomir. Entendre les choses que mon Gourou
a dû subir entre les mains de ce taré fils de pute m’a retourné l’estomac. Je
suis surprise d’avoir tenu jusqu’à ce qu’elle parte ; on peut pas dire que
c’était facile.
Je repose ma brosse à dents et me
dirige vers notre chambre. La tête de Kam se soulève depuis sa place au pied du
lit, où il monte la garde auprès de Kels. Je lui fais signe de descendre, ce
qu’il fait immédiatement. Il se rend jusqu’à son panier dans le coin où il se
roule en boule, sans quitter Kels des yeux une seule fois. C’est bien, le
chien.
Quand je grimpe sous les
couvertures, Kels vient immédiatement dans mes bras, malgré le fait qu’elle soit
profondément endormie. En regardant le réveil, je constate que je n’ai qu’une
heure avant de devoir me lever et me préparer pour le travail. Bon sang j’espère
que je passerai une meilleure journée au bureau. J’embrasse Kels sur le haut du
crâne et ferme les yeux. “Je t’aime, Gourou.” Je repose ma main sur notre bébé.
“Toi aussi, petit bout.”
* * *
Harper est dans une forme rare ce
matin. Elle enchaîne les blagues et se comporte comme à son habitude pendant
qu’on se prépare pour le travail. Elle ne dit pas un mot sur ce qui s’est passé
la nuit dernière. Pas un mot sur ce dont lui a parlé le docteur.
Alors qu’on s’apprête à passer la
porte, Harper me soulève dans ses bras, m’écrasant presque contre sa poitrine.
“Je t’aime, Kels. Rien ni personne ne pourra jamais changer ça. Pas question de
laisser le passé nous coller au cul, et on peut faire ce que l’on veut de notre
futur. Compris?”
Je souris et passe mon pouce
contre sa lèvre inférieure. “J’ai compris. Et tu me dois un dollar.”
“Pour cul?” demande-t-elle,
incrédule.
“Deux, maintenant.”
“Cul n’est pas un gros mot. C’est
une partie du corps. Et phonétiquement c’est une lettre.”
“Trois,” je rectifie. “Tu ne
faisais pas référence à la consonne, Harper Lee Kingsley.”
“Mais si. J’évoquais l’alphabet
comme parabole de la vie.”
“Trois dollars,” je répète. “Je
devrais te faire payer deux dollars supplémentaires pour une tentative aussi
pathétique de justifier ton langage.”
Elle gronde dans ma direction,
mais ça ne marche pas. Comme si elle pouvait m’intimider à ce point. Elle parle
quotidiennement à mon estomac. “Tu réalises que t’es en train de me ruiner,
j’espère?”
Je lui fais un bisou sur le
menton. “Ça va à une bonne cause, mon cœur.”
“Notre enfant va pouvoir se payer
Harvard, premier cycle et école de médecine.”
“Je ne savais qu’on avait un
médecin. Quand est-ce que ça a été décidé?”
“Ben, on a déjà trop de foutus
avocats dans la famille.” Elle grimace. “Merde, je t’en dois quatre
maintenant.”
“Cinq, en fait.”
Ce qu’elle vient juste de dire la
frappe. “Je vais peut-être devoir faire vœu de silence, Kels.”
“Bah, du moment que c’est la seule
chose que tu arrêtes de faire avec ta bouche.” Je me blottis plus profondément
dans ses bras.
Son rire secoue son corps tout
entier tandis qu’elle me tient. “Chérie, j’insiste pour que tu donnes un dollar
pour ce commentaire. Même le bébé pourrait comprendre de quoi tu parlais.”
* * *
Je suis assise dans mon bureau, et
mon esprit vagabonde comme il a coutume de le faire ces derniers temps. Je suis
doucement en train de devenir du matin comme ma partenaire. Harper et moi avons
toutes les deux promené Kam au parc avant de partir travailler. C’est en passe
de devenir mon moment préféré de la journée. On se détend et on joue avec Kam, en
profitant de l’extérieur. Et on discute. Dernièrement ces discussions tournent
autour du bébé et de notre mariage prochain. Il faut qu’on décide d’une date
pour la cérémonie avant qu’on commence vraiment à voir que je suis enceinte.
J’angoisse déjà à la pensée de la cérémonie des Peabody Awards. Je sais que je ne rentrerai pas dans cette
maudite robe maintenant.
Mon interphone bourdonne et Brian
se fait entendre. “Bureau du Dr. Solomon pour toi sur la ligne deux, boss.”
“Merci, Brian.” Je sais de quoi on
va parler et je souris en décrochant. “Bonjour, docteur.”
“Bonjour, Kelsey. Je vous appelle
pour vous faire savoir que je vous ai adressée au Dr. Kevin McGuire. C’est sans
aucun doute le meilleur obstétricien de la profession : très qualifié,
jeune, énergique et il connait toutes les techniques les plus récentes. Je
pense que vous allez vraiment l’aimer.”
“Super. Quand est-ce que je peux
le voir?”
“Appelez simplement son bureau
pour prendre une date. Je ne voulais pas prendre le rendez-vous moi-même sans
connaître vos disponibilités.”
“Pour mon bébé, je me rendrai
disponible d’une façon ou d’une autre.”
Je l’entends rire doucement.
“Brave fille. Encore félicitations, Kelsey. Saluez bien Harper de ma part.”
“Je le ferai. Merci pour tout, Dr.
Solomon.”
“Ce fut un plaisir. N’oubliez pas
de nous tenir au courant. On aime bien connaître l’aboutissement de notre
travail.”
“Je n’y manquerai pas.”
Dès que j’ai raccroché, je sors
mon agenda et bipe ma moitié par l’ordinateur. C’est vrai que c’est amusant de
communiquer par ce système.
KINGSLEY: Tu as
sonné? :-)
STANTON: Contente
de t’avoir captée. Tu as une minute?
KINGSLEY: Pour
toi, toujours. Keski se passe?
STANTON: Je
suis sur le point d’appeler l’obstétricien pour prendre rendez-vous. Tu
préfères quand?
KINGSLEY: Jeudi.
Je suis libre presque tout l’après-midi.
STANTON: Bien
bien. Va pour jeudi, j’espère. Je te tiens au courant.
KINGLSEY: Fais-moi
savoir si je peux faire quoi que ce soit pour toi, chér. 8-]
Oh, je sais bien ce qu’elle veut
dire par là. Et ça me donne l’occasion de la taquiner un peu.
STANTON: En
parlant de ça. Il faut qu’on discute d’un truc.
KINGSLEY: Vraiment?
De quoi? Il y a un problème?
STANTON: Plus
tard.
KINGSLEY: Kels?
Je regarde l’écran et tends la
main vers le téléphone.
KINGSLEY: Gourou?
Je tape le numéro du bureau du
nouveau docteur. La ligne commence à sonner.
KINGSLEY: Chérie?
Une voix au ton plaisant répond au
téléphone. “McGuire, Nelson et Adams.”
KINGSLEY: Ne
m’oblige pas à venir jusqu’ici !
Je retiens mes gloussements.
“Bonjour, je suis adressée par le Dr. Solomon. Je dois prendre rendez-vous avec
le Dr. McGuire pour mon premier examen de grossesse.”
“D’accord. Quel est votre nom?”
“Kelsey Stanton.” Hmm je me
demande ce qu’en penserait Tabloïde si je prenais Kingsley comme nom de famille
après le mariage?
KINGSLEY: Je
suis sérieuse Kelsey ! Tu vas avoir de gros ennuis si tu m’obliges à venir
jusqu’ici.
Ouais, ouais, Tabloïde. Garde ça
pour quelqu’un qui te prendra au sérieux.
“Quelle est l’avancée de la
grossesse, Mme Stanton.”
“C’est Ms Stanton et environ 7
semaines.”
“Très bien. Mercredi ça vous convient?”
“Je suis surbookée mercredi. Vous avez quelque chose jeudi
après-midi?”
“Oui, en fait. C’est bon pour quatorze heure trente?”
Juste à pic, ma porte s’ouvre grand
en claquant. Je la regarde avec un sourire innocent. “Salut chérie. Jeudi à quatorze
heure trente, ça te va?”
* * *
La réunion de script ne pourrait
pas être plus ennuyante s’ils avaient appelé Al Gore pour faire un discours.
Même avec sa nouvelle personnalité de mâle dominant. C’est une des parties de
mon boulot que je déteste.
Je me demande comment ça se passe
pour Harper. La dernière fois que je l’ai vue, elle se rendait vers les salles
de montage. Elle n’avait pas l’air ravie. Elle a pas mal de soucis avec un des
monteurs de son équipe. J’espère qu’il est bien fourni en assurances pour
handicap à long terme. J’ai la sensation que je vais devoir refaire du travail
de voix-off plus tard dans la journée.
Larry est absent pour cause
d’affectation à la Maison Blanche
Bizarrement, il ne m’a même pas jeté
un regard ce matin. J’ai remarqué qu’il avait un air douloureux sur le visage
quand il croisait les jambes. Quelqu’un a peut-être fini par lui mettre un coup
de pied là où ça fait mal. Bien sûr, la seule personne que je connaisse
suffisamment dingue pour faire ça dans le coin, c’est Harper. Mais Bruce m’en
aurait parlé si c’était elle.
Je sens un coup de coude sur mon
bras droit et lève les yeux sur Kendra. Je constate que tous les autres sont en
train de quitter la table de conférence. Oups, j’ai raté la fin de la réunion.
Merci Seigneur.
“Hé bien, hé bien, on est
préoccupée par quelque chose?” Elle me fait un grand sourire, avec juste un soupçon
de reluquage.
“Non. Enfin, pas vraiment. Je me
demande juste qui a mis Harper dans cette humeur de chien aujourd’hui. Je l’ai
vu rentrer en trombe dans les salles de montage il y a un petit moment.”
“Dans ce cas, je parierais que
c’est Silverman. Aucun des producteurs n’apprécie son travail.” Elle boit une
gorgée d’eau. “Elle a un sacré caractère, hein?”
“Oh oui. Pas de doute là-dessus.
Harper ne supporte pas les imbéciles sans broncher. Mais heureusement, elle
sait engueuler le coupable et pas les intermédiaires.” C’est vrai. Elle est
juste.
“Félicitations pour le Peabody, au
fait.”
Je hoche la tête en soupirant,
repensant à Omaha. “Merci. Il était sinistre celui-là.”
Kendra se penche en avant dans sa
posture d’interview. “Et le pistolet qu’on t’a mis sous le nez, il était gros
comment?”
Je ris et écarte les mains,
suffisamment pour tenir un pamplemousse. “Le pistolet, je ne sais pas, mais le
canon était au moins grand comme ça. J’ai vraiment cru que c’était la fin.” Je
souris maintenant en y repensant, mais à ce moment là je ne souriais pas du
tout. “Après, tout ce que je sais c’est que je ne vois plus rien et que je suis
par terre avec Harper au-dessus de moi, qui me dit de ne pas bouger.”
Elle ne suit plus mon histoire et
m’attrape la main, en la tirant plus près pour l’inspecter. “Grand Dieu,
Stanton ! D’où est-ce que ça vient?”
Je sens un énorme sourire prendre
possession de mon visage, au souvenir de la demande en mariage de Harper. “Des cloches
de Pâques.”
“Harper?”
Question bête. “Ça parlait et
marchait comme elle. Ça embrassait certainement comme elle. J’espère bien que
c’était elle.”
“Vous avez déjà décidé d’une
date?”
“Non.” Je soupire, et me lève en
rassemblant mes notes. “J’ai quelques difficultés à la coincer là-dessus. Je
sais qu’on retournera à la Nouvelle Orléans
De fait, Kendra rougit. “Hé bien,
de nouveau félicitations. Toi tu passes un mois de folie, non?”
“T’as pas idée.”
* * *
Je ne sais pas pourquoi ces salles
d’examen me mettent si mal à l’aise, mais ça ne rate jamais. Kels est allongée
sur la table dans une robe d’hôpital qui s’ouvre sur le devant. C’est le
premier truc qui me met mal à l’aise. J’aime pas partager. Elle est préparée
pour l’examen qu’elle est sur le point de recevoir, quoiqu’elle ne soit pas
encore dans les étriers, merci mon Dieu.
Okay, c’est le deuxième truc qui
me met mal à l’aise. Je trouve que cette table d’examen ressemble à un appareil
de torture médiéval. Et mon Gourou est dessus. J’aime pas ça du tout.
“Qu’est-ce qui ne va pas, Harper?”
“Tout va bien, ma puce. Cette
salle me donne un peu mal au cœur, c’est tout.” Peut-être que c’est l’odeur de
tout cet antiseptique. Ouais, ça doit être ça.
“Ooh, Tabloïde, ne dis pas ça
assez fort pour que Bébé Gourou t’entende.” Elle lève les yeux vers moi en souriant,
elle essaye de me mettre de bonne humeur.
“Désolée.” Je me penche et écarte
les pans de sa robe d’hôpital, plaçant mes lèvres contre son ventre nu. “Tu
n’as pas entendu ça.”
Elle me claque le dessus de la
tête. “Remonte par là, toi.”
Je me rassois droite, contente de
l’avoir fait rire. “J’essayais d’aider.”
“Tu faisais l’andouille.”
Je hausse les épaules. C’est mon
droit en tant que future parent.
La porte s’ouvre et un
aide-soignant entre. Je me demande où est le docteur McGuire. On attend déjà
depuis presque quinze minutes. Je suppose que le gamin va nous dire ce qui se
passe.
“Bonjour, Ms Stanton. Je suis le
Dr. Kevin McGuire.”
Oh, il vaudrait mieux que ce soit
une blague. Impossible qu’il ait plus de douze ans. Mon Dieu, il marche depuis
deux ans à peine et il ne peut pas avoir déjà atteint la puberté. Je fixe sa
mâchoire. Il ne se rase même pas, je parie.
Bordel, pas question qu’il soit le
médecin de Kels et de mon enfant. Certainement pas.
Je suis dans un genre d’univers
alternatif avec Doogie Howser ou quoi? [NDLT :
Doogie Howser est le héros de la série « Docteur Doogie », l’histoire
d’un adolescent surdoué médecin à 14
ans]
Le petit garçon prend un siège de
l’autre côté de Kels. Il lève les yeux de son dossier et me sourit. “Vous devez
être Harper Kingsley.”
Je hoche la tête, resserrant ma
prise sur la main de Kels. Comment puis-je poliment récupérer mon bébé et
sortir d’ici? Je vais tuer le Dr. Solomon, aussi.
“Doucement,” chuchote Kels en desserrant
ma poigne sur sa main.
Je regarde Kels, puis le
soi-disant docteur.
Il se penche en arrière et écarte
les mains, semblant s’apercevoir que je suis sur le point de nous faire sortir
d’ici. “D’accord, je sais, je fais jeune.”
Je renifle. “Vous faites douze
ans. Sans vouloir vous vexer.” Je mens.
“Je ne me vexe pas. Faites-moi
confiance, je suis médecin.” Il rit, sachant que sa phrase fait cliché.
Ça ne m’amuse pas. Pas de clowns
autour de ma fiancée.
Il se recompose. “Désolé. Ecoutez,
je suis médecin et j’ai trente-trois ans. Mon permis de conduire peut vous le
prouver. Tous les hommes de ma famille ont le visage très poupin. Néanmoins, je
vous assure que j’ai passé l’examen en tête de ma classe à Harvard et que je
suis un obstétricien et gynécologiste reconnu par le conseil de l’Ordre. J’ai
accouché des centaines de bébés et je suis pleinement qualifié.” Il nous fait
un clin d’œil.
J’inspire profondément. Peut-être
qu’il fera l’affaire.
Il doit sentir que je cède, parce
qu’il lance l’argument qui achève de me convaincre. “Je vous assure à toutes
les deux que je n’ai rien d’autre que les meilleurs intérêts de cette famille
et de son nouveau membre à l’esprit.”
Famille. Il reconnaît que c’est ce
qu’on est. C’est peut-être pour ça que le Dr. Solomon nous a adressées au
gamin. Je regarde Kels et fait un hochement de tête. “D’accord,” je dis enfin.
On verra comment se passe le premier rendez-vous. Un seul faux pas, un seul regard
de perplexité et bon dieu on sort de là.
La tension dans la salle diminue
légèrement, et il se rapproche de Kelsey. “Alors comme ça vous voulez avoir un
bébé?”
Kels rit légèrement. “Absolument.”
“Hé bien, tant mieux parce que vos
analyses sanguines me disent que vous êtes enceinte. Maintenant vérifions ça.”
Il bouge vers le bout de la table
et sans lâcher les yeux de Kels ou les miens, il se positionne pour l’examen
physique. “Kelsey, il faudrait que vous avanciez un tout petit peu.” Elle obéit
et il me sourit. “Voilà, comme ça c’est bien. Alors, depuis combien de temps
essayez-vous d’avoir un enfant?” demande-t-il tandis qu’il commence son examen.
Je me doute que c’est pour la distraire, mais je lui en suis reconnaissante.
“Nous avons eu de la chance à
notre premier essai. J’ai fait une insémination et je suis tombée enceinte.”
“Vous avez eu de la chance, en
effet. Normalement le taux de succès n’est que de vingt-cinq pour cent pour une
première tentative.” Il termine son examen et l’aide avec délicatesse à sortir
ses jambes des étriers.
Okay, il se pourrait que j’aime
bien ce type. Il est amical, obligeant et il ne se
comporte pas en malotru quand il tient ma fiancée dans une situation
compromettante.
Il retire ses gants en latex et
les jette à la poubelle avant de se laver les mains dans l’évier. Il inscrit
une note dans le dossier. “Pas de doute, vous êtes enceinte.” Il sourit en se
rasseyant puis regarde à nouveau dans le dossier. “Très bien, alors le père
biologique est un donneur appartenant à votre famille, c’est cela, Harper?”
“Oui. Un de mes frères mais on ne
sait pas lequel.” Okay, légère exagération là, mais c’est entre moi et la
clinique.
“Bien. J’ai noté que nous avons un
historique médical plutôt complet de votre côté. C’est bien. Cependant,” il
fait une pause et lève le regard vers Kelsey, “de votre côté nous n’avons pas
autant de chance.”
“Non. Je suis brouillée avec mes parents
et je n’ai pas beaucoup d’informations.”
“D’accord. Ce n’est pas un énorme
problème et j’aime les défis.” Il lui fait un autre clin d’œil.
Normalement, je le tuerais pour
ça, mais je vois qu’il le fait pour être amical et garder Kels détendue. Donc
il vit. Pour l’instant.
“Kelsey, vous avez trente-deux ans
et vous en aurez trente-trois à l’arrivée du bébé, exact?”
“Oui.”
“Bon, la plupart des grossesses pour
les femmes de plus de trente-cinq ans sont considérées à haut risque. Comme
vous êtes proches de trente-cinq et que nous n’avons pas d’historique médical
de votre côté de la famille, je suis enclin à vous mettre dans la catégorie à
haut-risque. Je veux être sûr que nous serons prêts quand ce bébé viendra.”
Kels me lance un regard nerveux.
“C’est bon… ” je chuchote, en espérant comme jamais que ce le soit.
“Oh, oui, Kelsey, ce n’est pas un
problème.” Il lui tapote l’épaule. “Une notation à haut risque dans votre
dossier ne veut rien dire d’autre excepté que l’hôpital sera complètement prêt
pour vous lorsque vous commencerez le travail. Je devine que cette grossesse va
être heureuse, facile et sans complications.” Il tend la main vers une table pour
s’emparer d’un mètre-ruban, et mesure l’estomac de Kels dans deux directions
différentes. “Vous avez déjà des symptômes précoces?”
“Mes seins sont vraiment
douloureux et les nausées matinales sont tout simplement… oh mon Dieu…” Kels
fait la grimace. “Et je vais sans arrêt aux toilettes.”
Il acquiesce en faisant une note
dans le dossier. “Absolument enceinte. Harper, comment gérez-vous les nausées
matinales, si vous me permettez de vous poser la question? Je suis les
réactions des partenaires à la grossesse, dans le cadre d’un étude que je
fais.”
“Hé bien, moi-même je commence à
en avoir marre de vomir le matin.”
Il se penche sur la table et
secoue la tête. “Vous êtes impliquée n’est-ce pas? J’ai découvert que les
partenaires lesbiennes ont tendance à créer une connexion plus forte avec leur
compagne durant la grossesse. Au point de ressentir beaucoup des mêmes choses.”
Il a un petit sourire en coin. “Je parie que vous allez détester le mal de
dos.”
Je prends mon air le plus doux vers
Kels. “Chér, je t’aime, mais les problèmes de dos je fais pas. Vomir est déjà
suffisamment emmerdant comme ça.” Je m’arrête et secoue la tête. Je sors un
dollar de mon portefeuille et lui tends. “Désolée, bébé.”
Elle le prend, mais est embêtée
pour le ranger. Elle est un peu en manque de poches en ce moment précis. “C’est
bon, je comprends.”
“Je ne vais même pas demander pour
le dollar.” rigole Doogie… euh… le Dr. McGuire en tirant une machine à côté de
Kels. “Alors, aimeriez-vous avoir un aperçu de votre bébé?”
“Oui !” répond Kels en un
instant et le sourire sur son visage n’a pas de prix. Il me regarde. “Et vous,
Maman?”
“Mama,” je corrige sans même y
penser, “et tu parles.”
Il allume l’appareil. “C’est une
machine à ultra-sons. Elle va nous donner des images du bébé. Je ferai en sorte
que vous en ayez deux chacune pour que vous puissiez les faire admirer et les
mettre dans un album bébé, si vous en avez commencé un.” Il saisit une
bouteille de gel. “Kelsey, cette procédure ne va pas vous faire du mal ou en
faire au bébé, mai le gel est vraiment froid.”
Il accentue le ‘vraiment’ de son
commentaire avant de l’appliquer sur son estomac. Ça doit être froid parce
qu’elle fait un bond de quelques centimètres au-dessus de la table au premier
contact.
“Qu’est-ce qu’il y a dans ce truc?
De l’azote liquide?” Elle se tortille un peu.
“Ça pourrait. Mais ne dites pas
que je ne vous avais pas prévenue. Maintenant voyons ce que nous avons là.” Il
prend la baguette dans sa main et débute un lent chemin sur l’estomac de
Kelsey. Il regarde un écran affichant une zone remplie de petits points ayant
l’air d’un bulletin météo pour du très mauvais temps.
“Hmm,” murmure-t-il. “Commençons
la visite.” Il bouge la baguette et pointe une tâche. “Voilà le placenta. On
dirait qu’il est bien positionné et qu’il reçoit tous les nutriments
nécessaires de la Maman.” Il
Il est super grand ce placenta. Il
est où notre gamin?
“Je devrais vous dire que
d’ordinaire deux placentas ne peuvent signifier qu’une seule chose.”
Oh mon Dieu.
“Qu’est-ce que vous pensez des
jumeaux?”
“Des jumeaux?” Kels me regarde
avec des yeux grands comme des soucoupes.
“Oui. Des faux jumeaux,” confirme-t-il.
“Laissez-moi comprendre,” je
réussis à balbutier, “vous nous demandez ce qu’on pense des jumeaux dans
l’absolu ou bien dans le ici et maintenant? En voulant peut-être impliquer
qu’on va en avoir.”
Il pointe vers l’écran. “Pour,
voici bébé numéro un.” Il pointe la première petite tâche. Il bouge son doigt
juste un peu sur la droite. “Et voici bébé numéro deux.”
“Nom de Dieu!” Je tends un autre
dollar à Kels. “Tu t’es bien débrouillée, bébé. Vraiment bien.” Je me penche et
lui donne un baiser, qu’elle retourne avec une bonne dose d’affection.
Doogie se racle la gorge et nous
interrompt. “Le docteur travaille là. En plus, vous êtes déjà enceintes vous
deux. Pas la peine de continuer à essayer.”
Je me retiens de lui expliquer la
biologie. Je suis trop heureuse pour l’instant. Je repousse les cheveux de Kels
de ses yeux. “On va avoir des jumeaux, Gourou. Pas étonnant qu’on ait vomi
autant.”
“Ah oui,” confirme Doogie.
“Kelsey, vous allez découvrir qu’avec des jumeaux tout est plus intense.” Il
continue à scanner et à regarder l’écran. “Okay, regardez ça.” Il tire un
pointeur de sa poche et pointe une petite tâche sur un des bébés puis sur
l’autre. “Vous voyez ces petits battements? Ce sont les cœurs de vos bébés qui
battent. Ça m’a l’air de bons battements forts de vos deux petits. Tout a
vraiment l’air bien. A ce stade, vous avez deux bébés parfaits.”
“Evidemment.” Je vole un autre
bisou. “Regardez leur mère.”
Il rit avec indulgence. “Je dirais
qu’ils sont plutôt chanceux de vous avoir toutes les deux.” Il imprime quatre
photos et les tend à Kels. “Et voilà pour vous. Profitez-en.”
Je regarde pendant qu’il nettoie
le gel du ventre de Kels et ferme la robe. Il retire le dossier du comptoir à
côté et écrit quelques notes de plus. “Si Kelsey n’était pas en haut-risque
avant, elle l’est maintenant car toutes les grossesses multiples sont
considérées à haut risque. Encore une fois, ça ne veut pas dire que vous
n’aurez pas une grossesse heureuse et en bonne santé. C’est juste une
précaution supplémentaire pour préparer l’arrivée des deux nouvelles aditions à
votre famille.” Son attitude devient la plus sérieuse que je lui ais vue depuis
qu’il a passé la porte. “Okay Maman, voici le marché. Des jumeaux vont être
beaucoup plus pénibles pour vôtre corps. Je vais vous faire suivre un régime
spécial. Je vais aussi vouloir vous voir plus souvent que si vous n’aviez qu’un
seul bébé. Un souci avec ça?”
“Absolument pas,” répond rapidement
Kelsey, mais ensuite elle ajoute, “Docteur, mon travail exige que je voyage
beaucoup. Est-ce un problème?”
Il soupire un peu. “Non. Mais, si
vous pouvez, il faut que vous arrangiez votre planning de voyage de telle sorte
que vous puissiez bien vous reposer. Si vous ne pouvez pas faire ça, vous
devrez peut-être étudier d’autres options.”
Il ferme le dossier et tapote la
jambe de Kels avec. “Vous pouvez aller vous rhabiller. Je vais dire à mon
infirmière de rassembler quelques informations pour vous et d’arranger votre
prochain rendez-vous. Je vais aussi vous donner quelque chose pour les nausées
matinales.” Il me sourit. “Je ferai une prescription suffisamment large pour
que vous puissiez en prendre aussi, si vous voulez.”
Avec un dernier clin d’œil il nous
laisse seules. J’aime bien Doogie. Je pense qu’on va le garder.
* * *
Je crois qu’Harper doit être sous
acide.
Elle sautille pratiquement depuis
qu’on a quitté le bureau du docteur. Si moi je suis Gourou, là elle se comporte
comme Tigrou. Même si je ne lui dirai jamais ça.
Elle termine son coup de fil au
bureau. “C’est officiel. On fait l’école buissonnière.”
“Et qu’allons-nous faire?”
j’interroge, en capturant sa main. Si elle continue à sautiller je vais être
malade.
“On va fêter ça! Mon Dieu, bébé,
des jumeaux!” Elle me soulève et me fait tournoyer en l’air dans la rue, en
riant. “Je suis tellement fière de toi!”
Je secoue la tête. Je suis
amoureuse d’une gamine de trois ans trop grandie. “Mon cœur, je ne crois pas y
être pour grand chose.”
“Pas pour grand chose?” Elle me
frotte le ventre. “C’est toi qu’as tout fait!” Elle tombe à genoux et commence
à parler à mon estomac. “Enfin, vous deux y êtes aussi un peu pour quelque
chose.”
“Harper,” je chuchote, en passant
par douze tons de rouge sur le trottoir. Je glisse un coup d’œil aux quelques
personnes qui nous regardent bizarrement. “Mon cœur, nous sommes en public.”
Elle se renfrogne et se relève sur
ses pieds. “D’accord, d’accord. Rentrons à la maison où on peut fêter ça en
privé.” Elle se penche vers moi et chuchote dans mon oreille, avec un souffle
chaud qui réussit pourtant à envoyer des frissons le long de mon dos. “Et je
veux dire, fêter ça.”
* * *
Plusieurs heures plus tard, nous
sommes allongées emmêlées sur le lit. S’il me restait des doutes sur ce que
pensait Harper d’avoir des enfants ensemble, maintenant je les ai perdus.
Personne ne peut feindre autant de bonheur. Je le sais. J’avais l’habitude
d’essayer.
Mais plus maintenant.
Je ne sais pas ce que j’ai fait de
bien pour l’avoir dans ma vie, mais je vais la garder.
Elle embrasse mon estomac où sa
tête repose. “J’espère qu’on ne vous a pas trop bousculé les p’tits gars.”
Je ris et sa tête rebondit deux ou
trois fois.
Elle la soulève et me fixe.
“Arrête ça. Sois un bon oreiller,” me gronde-t-elle. “Où en étais-je? Alors
maintenant, je veux que vous soyez gentils et que vous arrêtiez de faire vomir votre
Maman tout le temps. C’est pas très sympa. Et ça tracasse beaucoup votre Mama.
Et ça c’est jamais un bon truc.”
Je suis obligée d’approuver. “Ce
n’est jamais une bonne chose de fâcher votre Mama, ça c’est sûr.”
“Mama!” répète Harper en se soulevant
immédiatement. “Il faut qu’on appelle Mama et Papa pour les bébés!” Elle se
penche vers le bas et chuchote. “On est sur le point d’appeler votre Grand-mère.
Elle est autoritaire comme tout, mais on l’aime.” En s’étirant en travers de
mon corps, elle attrape le téléphone sur la table de chevet.
J’en profite pour peloter.
“Hey!” couine-t-elle et elle se
retourne en roulant, en laissant presque tomber le téléphone. “Joue franc-jeu!”
Elle retourne à sa position ultérieure. “Tu ne veux vraiment pas commencer ce
genre de bataille avec moi là maintenant.” Elle tape le chiffre de raccourci
automatique. “Mais, avant d’appeler votre Grand-mère, on va appeler votre
oncle.”
Je me demande duquel elle parle.
Mais si, je sais. C’est Robie bien sûr. Qui d’autre?
Quand qu’il répond au téléphone,
Harper commence à chanter : "Anything you can do, I can do
better." [Tout ce que tu peux faire,
je peux le faire en mieux] [NDLT: de la
même comédie musicale « Annie get your gun » dont sont tirées les
chansons de l’ép. 11]
Ah, les enfants. J’en ai trois.
* * *
« J’aime vraiment bien la
manière dont cette histoire est enfin bouclée. »
Je souris à la tension derrière le
mot ‘enfin’ de Tabloïde tandis qu’elle glisse la cassette dans la machine.
C’est exactement le même ton que j’entends quand je l’ai taquinée plus
longtemps que je ne devrais en d’autres matières. Oh, ne va pas par là, Kels.
Ça ne serait pas idéal si quelqu’un entrait dans cette salle de montage pour te
trouver en train de plaquer ta productrice contre un mur et…
Arrgggh!
Pas par là, Kels.
Pense à du froid.
Une crème glacée. Une douche
froide. Une tempête de glace. Ta mère.
D’accord, là ça a marché. En fait,
je crois que j’ai des gelures sur les fesses. Retour au boulot. « Ça s’est
bien arrangé. Ça m’étonne. »
Elle croise les bras et continue à
regarder la vidéo. « La bonne nouvelle c’est qu’on n’a qu’un ajustement
mineur à faire sur ton travail de voix-off. Je pense qu’on peut faire ça en le superposant
à un autre endroit. »
« Hmm, donc ce que tu es en
train de dire c’est que tu n’as plus besoin de moi et que je peux prendre le
reste de ma journée? » C’est un sous-entendu et elle le sait.
Je veux sortir d’ici pour pouvoir aller
chez les bijoutiers. Avec elle, organiser une surprise devient si fichtrement
compliqué que ce n’est même plus drôle.
Harper grogne. « Ouais,
t’emballe pas. On doit toujours faire des plans de toi supplémentaires pour
pouvoir plier le reportage sur les cultes. »
D’accord, c’est un non.
« C’était un sujet amusant. J’ai bien aimé y travailler. Et j’ai beaucoup
appris. »
Elle lève les yeux au ciel.
« Oui oui. »
Je lui donne une tape sur le bras.
« Quoi? C’est vrai que j’ai beaucoup appris. »
« Est-ce que toi et Brian
vous voyez toujours Madame Jesaisplusqui? »
« Pas exactement. »
Cette petite bonne femme me terrifie. Elle a une connexion directe avec un
endroit de l’univers où je ne suis jamais allée. Je me pose sur le coin du
bureau et regarde la cassette qui déroule notre reportage. « Moi je vais
la voire et Brian utilise ça comme excuse pour aller voire Doug. »
« Tu joues les
entremetteuses. »
« Mais non! Comment peux-tu
dire une chose pareille? »
« C’est la vérité. » Harper
se penche, fait un peu avancer la cassette. « Tu deviens aussi
terrible que Mama. C’est ça ce qu’elle enseigne dans sa fameuse cuisine? »
« Oh mon cœur, tu ne veux
vraiment pas savoir le genre de chose dont on parle dans la cuisine. » Je
repense à notre lit à la maison.
La porte s’ouvre en claquant et
Langston entre. Il tient un épais dossier dans les mains. « Je viens de
jeter un œil au planning. On dirait que le duo dynamique a terminé toutes ses
tâches en avance. » Son regard passe de moi à Harper.
Comme si on allait se disputer
avec lui. S’il veut nous appeler le duo dynamique, je vais le laisser faire.
C’est toujours mieux que les Wonder Twins. Il joue les sournois, donc en gros
je l’ignore.
Harper se redresse et lui fait un
sourire professionnel. « On se prépare à plier la dernière cet après-midi.
On essaye de voire si Kels doit faire de la voix-off en plus pour celle-là,
d’abord. Toutes les conclusions sont faites aussi. »
Je glousse. Je suis devenue la
reine des conclusions avec dénouements émotionnels par ici. Je parierais que
j’en ai mis une quinzaine en boîte pour la fin de l’émission ces deux dernières
semaines. Faut-il qu’ils aiment ces fins pleines de bons sentiments. Je sais
que c’est mon cas.
Surtout les fins pleines de bons
sentiments de Harper.
Kelsey Diane Stanton, tiens-toi
bien !
Je glousse de nouveau.
Langston me lance son meilleur
regard de Producteur Exécutif. Mon pote, je vis avec Harper Kingsley. Tu crois
que ça va marcher sur moi? Essaye encore. « Très bien. Voici le prochain
truc dans lequel vous pouvez planter les dents. » Il plaque le dossier
dans les mains d’Harper. « Vous êtes ma seule équipe disponible en ce
moment donc c’est pour vous. »
« On le prend, » annonce-t-elle
fièrement, en me faisant un petit clin d’œil.
« Bien. C’est un sujet brûlant.
Je suis sûr que vous apprécierez cet aspect. »
« Pas de
briefing ? » demande Harper en le voyant se tourner pour partir.
Lentement, il revient en
face-à-face. « Lisez le dossier, Kingsley. » Puis il me regarde.
« Ou bien faites-le vous lire par le Talent. »
Sur cette petite vanne, il nous
laisse seules. « Connard, » je grommèle.
Harper fouille dans son portefeuille
et me tend deux dollars. « Celui-là est pour moi. Je pensais la même
chose. »
* * *
Brian m’apporte le dossier et la
copie que je lui ai demandé de faire. Harper et moi sommes confortablement
installées dans mon bureau et sur le point de parcourir le dossier pour cerner
le nouveau défi. « Je me demandais, » commence Brian, sans pouvoir
tout-à-fait me regarder dans les yeux. Mon Dieu, il a l’air tout timide. Qui
aurait cru ça possible ? « Est-ce que je peux prendre une demi-journée
vendredi ? Doug m’a invité chez lui ce week-end et je voudrais éviter
l’heure de pointe en sortant de la ville. »
« Absolument. » Je me rendosse
dans mon fauteuil et savoure ce moment. « Mais tu dois promettre de
rapporter à Kam un de ces os en cuir qu’il aime tellement. Il les enfile comme
des bonbons. »
« Considère ça comme fait.
Merci, boss. » Il me laisse avec Harper pour travailler. Dès qu’il est
parti, j’entends qu’elle fredonne ‘Matchmaker, Matchmaker’ [Entremetteuse] de ‘Un violon sur le toit’. Je lui jette un stylo bille
à la tête qu’elle pare avec le dossier.
« Oh, ça c’est un très bon exemple pour
les jumeaux, Gourou. Leur apprendre à éborgner les gens. Mets un dollar dans le pot. »
« Ils entendent, Tabloïde,
mais ils ne peuvent pas voir. Il y a ma peau dans le passage. Donc ça ne compte
pas. »
« Oh c’est ça ! Et tu
n’as pas accepté quand j’ai dit coller au… » Elle s’arrête et me tire la
langue. « Tu m’as pas eue cette fois. »
« Tu vois, ça marche. Il y a
encore de l’espoir pour toi. » Je me lève pour aller lui verser une tasse
de café et prendre une bouteille de jus de fruit pour moi dans le frigo. Je
rassemble ma copie du dossier et la rejoins sur le canapé. Je fais bien
attention à garder une distance de sûreté entre nous, mais seulement parce
qu’on travaille et que je suis d’une de ces humeurs dernièrement.
Ça, j’essaye toujours de le
comprendre. Je sais que ma libido va augmenter durant le deuxième trimestre.
Mais personne ne m’a rien dit pour le premier. Jusque là elle ne demande pas
grâce, mais j’ai le sentiment qu’on ne fait que commencer.
« C’est incroyable, » murmure-t-elle
au dessus de sa tasse de café.
Ah oui, l’histoire.
Je regarde le dossier et lis les
notes de briefing. Il faut une minute pour que je réalise. Je regarde ma
partenaire. « C’est une blague, n’est-ce pas ? »
Elle secoue la tête. « Non.
GeoTech veut stocker des déchets nucléaires sur des réserves indiennes. »
* * *
Je sais que je devrais la laisser
dormir. Je sais que je devrais la laisser dormir.
C’est mon nouveau mantra.
Harper est allée travailler tôt
hier matin et n’est pas rentrée avant très tard la nuit dernière. Parfois elle
se laisse absorber par une histoire. Et celle-ci sur les malheurs de la Nation Navajo
Elle a l’air tout simplement
épuisée. Pour qu’elle reste endormie pendant que les jumeaux me jettent hors du
lit tôt le matin, c’est qu’elle est même plus qu’épuisée.
Les jumeaux. On va avoir des
jumeaux. On a fait deux petits bébés.
Ooh, faire des bébés. Ça c’est
amusant.
Je devrais vraiment la laisser
dormir.
Mais j’ai un bon gros grand souci.
Je pourrais essayer une douche
très froide. Évidemment, je viens juste d’en sortir. Et ça n’a pas aidé. Tout
ce qui s’est produit c’est que j’en suis sortie encore plus consumée par le
désir qu’avant d’y entrer.
On est samedi. Elle pourrait se
rendormir après.
Ça n’aide pas qu’elle soit allongée
sur notre lit, nue avec les draps en travers de la taille et la poitrine
dénudée qui supplie simplement d’être inspectée. Inspectée très manuellement.
Elle m’invite pratiquement à la
toucher.
Non, je devrais la laisser dormir.
Elle est fatiguée. Elle a travaillée dur. Trop dur. Et elle part pour le
Nouveau Mexique tôt lundi matin. Elle ne prend jamais soin d’elle sur la route.
Si ne se repose pas maintenant, elle ne se reposera pas avant qu’on soit de
nouveau ensemble.
Je baisse le regard vers Kam.
« Je devrais la laisser dormir, hein ? »
Mon fidèle compagnon baisse la
tête et se couvre la face d’une patte. Je jurerais qu’il a compris chaque mot.
Je le regarde pendant qu’il va s’allonger dans le hall, là où il est toujours relégué
quand Harper et moi faisons l’amour.
Bon, c’est visiblement un vote en
faveur de ne pas la laisser dormir.
Intelligent, ce chien.
J’avance vers le lit et me penche
en avant, les lèvres tout près de son oreille. « Harper ? » Elle
grogne un peu et bouge, faisant glisser les draps un peu plus bas.
Oh Seigneur.
Je me gratte le cou. Je devrais la
laisser dormir. « Harper ? Chérie ? Tu es
réveillée ? »
Elle marmonne quelque chose qui
ressemble à un ‘non’ et roule sur le ventre, me cachant la vue.
Oh, et puis zut. Vous savez, elle
ne s’est pas gênée pour me réveiller pour emmener le chien faire du roller
l’autre week-end. Ce que j’ai envie de faire serait bien plus amusant que ça.
Bon, quelles sont mes options
là ? Je peux prendre une autre douche froide et essayer de travailler.
J’ai quelques scripts à revoir.
Je pourrais prendre moi-même le
problème en main. Ça, c’est une suggestion stupide. On raye. Si je n’ai pas
Harper, ça ne se passe pas.
Elle grogne et se renfonce dans le
matelas. Ça ne joue pas en faveur de mon cas de conscience. Bon sang, Kels,
reprends-toi et laisse dormir cette pauvre femme. Tu es excitée. Elle est
fatiguée. Vous survivrez toutes les deux.
Je n’arrive pas à croire que je
suis encore là debout à la regarder comme un morceau de viande. Je devrais
avoir honte de moi pour ne serait-ce que la moitié des choses que je pense à
lui faire.
Elle bouge de nouveau, grognant et
grattouillant les draps. Je pense qu’elle me cherche. Soit ça soit elle rêve
qu’elle est en train de caresser le chien. J’espère vraiment que ce n’est pas
la seconde option.
Vous savez, ça ne peut pas faire
de mal de m’allonger à côté d’elle. Je peux peut-être la réveiller avec un
petit massage et voir ce qu’il se passe à partir de là. Je pourrai dire si elle
est trop fatiguée et si j’arrête.
Mais bien sûr, Kels, écoute un peu
ce que tu racontes. Ouais.
Je jette un œil à Kam devant la
porte, et le regard qu’il me décerne semble dire ‘finis-en avec ça parce que le
sol est froid et que je veux retourner dans mon propre lit’. J’ai pitié de lui
–j’ai toujours aimé les animaux, je traîne son panier dans le hall et ferme la
porte. Il ne rentrera pas ici de sitôt.
Je me glisse sous les couvertures
et me blottis contre son dos, allongée à moitié sur elle. Je tends le bras
autour d’elle pour passer la main sur son bras et entrelacer nos doigts sous
l’oreiller. « Harper ? »
« Hmm ? »
grogne-t-elle, soulevant légèrement la tête.
« J’aimerais vraiment
beaucoup faire des choses à ton corps qui feraient peur à un être humain
normal. »
Elle arrête de respirer. Ouaip,
j’ai toute son attention maintenant. Elle ouvre un œil dans ma direction.
« Comme quoi ? » Son ton est amusé, presque sceptique.
« Hé bien, » je me
hausse à califourchon sur ses hanches, m’abaissant sur le bas de son dos. Ça
seulement devrait rendre mes intentions claires. Je me penche en avant et chuchote
dans son oreille. « Disons qu’on commence avec un massage. Je ne suis pas
trop lourde ? »
« Oui, et non. »
grogne-t-elle, relâchant ma main et reposant sa tête sur ses mains croisées. J’attrape
un pot de crème que je garde près du lit et commence à la chauffer dans mes
mains avant de l’appliquer sur son dos. Je suis récompensée par un long
grognement heureux.
« Alors, » sa voix sonne
rocailleuse et endormie, très sexy, « où est-ce qu’on va à partir de
là ? »
« Où tu veux, bébé. » Je
me penche près de son oreille après avoir défait et lancé hors du lit mon
peignoir. « Je suis là, toute nue et consentante. »
« Oh Dieu ! » Elle
enfonce son visage dans le matelas.
« Ou bien, » je donne un
petit coup de dent au lobe de son oreille. « Est-ce ça te plairait que je
conduise ce matin ? »
« Oh, ça me dit bien. »
Je suis un peu surprise. Je n’ai
pas souvent l’occasion de faire ça, sachant qu’Harper aime bien être en
contrôle. Pourtant, à l’occasion il faut prendre le taureau par les cornes,
pour ainsi dire. « Alors retourne-toi. »
Je me soulève juste assez pour lui
permettre de se retourner sur le dos. Elle est voluptueusement étirée sous moi,
les yeux fermés, un sourire paresseux fixé sur les lèvres. Je me penche de
nouveau, me frottant contre son anneau au nombril et amenant nos torses en
contact. Oh bon sang ça c’est bon. Je lui prends les mains et les enroule
autour des barreaux de la tête du lit. « Accroche-toi et ne lâche pas. Si
tu lâches, j’arrête. Compris ? »
Elle hoche la tête, déglutit
lentement et gronde quelque chose qui ressemble à accord.
« Bien. » Je débute une
très lente piste de petits baisers le long de son corps, en commençant par son
front, sans oublier de couvrir ses yeux, son nez, son menton. Après ça je passe
à son cou et commence une campagne de petites morsures et mordillements faits
pour stimuler et ne pas laisser de marque.
« Oh Seigneur, Kels. »
Je sens son corps se contracter sous mes mains, y compris les deux tétons qui
font plus qu’implorer mon attention à ce point. Je ne les déçois pas. La
sensation de son corps qui se cambre contre le mien est délicieuse tandis que
je passe de l’un à l’autre de ses seins, m’en délectant immensément. Je
m’étends et couvre son corps du mien, nos jambes entremêlées, nous rapprochant
plus près l’une de l’autre.
Je remonte la tête pour un long
baiser profond. J’autorise une main à rester sur un sein tandis que l’autre
explore lentement et longuement sa peau, et devient vite chaude et humide de
transpiration. Oh bébé, ça va être une longue, longue journée.
Je prends le contrôle du baiser,
alors même que la main qui se promène trouve sa cible et se glisse entre nos
deux corps. Je sens ses hanches se soulever, me pressant de lui donner plus que
les légères caresses qu’elle reçoit en ce moment.
« Kelsey Diane, » gronde-t-elle quand
notre baiser se termine. Elle ne m’appelle jamais comme ça sauf quand je vais
avoir des ennuis. « Arrête de m’allumer. »
« Mais, » je donne un
autre mordillement à son oreille, « c’est exactement ce que j’ai
l’intention de faire. Toute la journée, dans une multitude d’endroits et une
variété de positions. »
C’est un grondement très satisfait
que j’entends cette fois. Puis un sérieux hoquet quand je prends réellement le
contrôle et lui donne exactement ce qu’elle veut. Puis je commence à chuchoter
une suite de commentaires dans son oreille. Je lui dis à quel point j’aime faire
ce que je lui fais et combien elle a besoin que je le fasse. Elle hoche son
accord. Elle n’a toujours pas lâché le lit. Bon sang elle est douée.
Je peux sentir son corps commencer
à trembler et frissonner, alors je ralentis mes attentions. Ça me vaut un long
gémissement frustré que nos voisins deux étages plus bas ont pu entendre.
« Kels ! »
« Ah, ah, ah, c’est moi qui
conduis et j’ai l’intention de prendre la longue route panoramique. » je
lui rappelle.
« Conductrice du
dimanche, » grommelle-t-elle, en resserrant sa prise sur la tête de lit.
* * *
Je fais rouler le verre contre mon
front en espérant que sa condensation rafraîchira ma peau surchauffée. Je suis
assise là sur le canapé, en train d’essayer de reprendre mon souffle pendant
que Kels est dans la cuisine en train d’essayer de nous trouver de la vraie
nourriture à avaler. Je lui sers d’orgasmotron depuis huit heures ce matin,
mais on ne m’entendra pas me plaindre.
Seigneur, qui l’aurait cru ?
Apparemment mon Gourou a aussi sauté quelques chapitres dans ce bouquin de
grossesse. Note à moi-même : acheter une copie du Kama Sutra demain et
voir ce que ça me vaut. Autre qu’une hospitalisation.
Je ne m’embête même pas à fermer
mon peignoir, vu que j’ai des ennuis à chaque fois que j’essaye. Finalement
j’ai réussi à lui faire accepter que je le porte, au moins. Je commençais à
avoir froid. Mince, elle peut être exigeante quand elle veut. Je pense que je
me suis peut-être froissé le muscle du mollet dans la chambre il y a environ
deux heures. Forcément, à tenir une position comme celle-là trop longtemps, tu
finis par te faire mal quelque part.
Je crois aussi qu’on a fichu la
trouille au poisson dans son aquarium, dans le salon. Quand j’y pense, je n’ai
pas revu le chien depuis qu’on m’a donné un répit suffisamment long pour le
promener. C’était la ballade la plus courte de sa jeune vie. Kels m’a menacé si
je ne revenais pas vite fait. Le pauvre Kam n’a pu lever la patte qu’une seule fois
avant de rentrer tout de suite, sans même pouvoir renifler le lampadaire.
En levant les yeux je découvre
qu’elle me sourit depuis le couloir. Elle porte un plateau de nourriture, mais
me regarde comme si j’étais le dernier repas qu’elle allait consommer de sa
vie. Ses yeux ne quittent jamais les miens pendant son approche. Elle pose le
plateau sur le canapé, à ma droite, et s’agenouille entre mes jambes. « Tu
ne vas pas manger ? » Les mots sortent de ma bouche avant que j’ai le
temps de les retenir. C’était stupide comme commentaire, vu nos activités de ce
matin.
Kels rit légèrement et me mord
délicatement sur le haut de la cuisse droite. « Ça c’est pour toi. »
Elle désigne le plateau. « Et ça c’est pour moi » Elle me désigne
moi.
Oh Seigneur.
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