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24 mai 2010

Le poids du futur et du passé, parties V à IX (fin)

PARTIE V : Quand le futur s’en mêle.

 

Chapitre 1 :

 

Elles arrivèrent l’après-midi même au Cap. Lance les félicita pour leur union en disant que leur mère était devenue verte en l’apprenant et que leur obligation de fuite n’était pas une raison pour exclure Linya.

Elles avaient grimacé et Lance avait ri en repartant.

- Elle ne va jamais accepter de nous croire, fit Lex découragée. On va avoir droit à une engueulade du tonnerre !

Tia haussa les épaules.

- Si on lui explique clairement les choses, elle et ta mère finiront bien par comprendre.

- Ce serait possible, ouais… déclara Lex en lui jetant un regard en coin, si tu cessais d’embrasser goulument sa fille à chaque fois qu’elle est dans les parages.

Tia ne put retenir un gloussement.

- Désolée. Mais l’expression de Linya est impayable ! Je ne peux pas m’en empêcher.

- Ben maintenant on est mariée, mon cœur et il va falloir que tu trouves un moyen de te retenir.

Le récent incident qui les avait opposées, incita Tia à acquiescer sans rien dire. Certaines choses devenaient plus claires depuis.

- Bon et maintenant ? demanda la petite blonde. On les rejoint comment ?

- On loue un 4x4 et on roule. On devrait y être d’ici deux heures. Enyalios a prévenu Frédéric. Il nous attend.

La cache d’Enyalios était située à l’extérieur de la ville, un peu en retrait de la route qui menait à la grande ville de Kinshasa. Elle bordait le désert Africain qui couvrait toute la partie Ouest de l’Afrique du Sud jusqu’au Gabon, la capitale de l’Afrique du centre, et où vivait encore certaines tribus aborigènes réputées dangereuses. Si dangereuses en fait que même les autorités et l’armée évitaient d’y aller malgré leurs armes plus sophistiquées et leur nombre supérieur. Le désert Africain était leur territoire. En conséquence, on ne s’approchait que très peu et par nécessité de ses frontières.

- Bien. Mais… heu, on n’a pas le temps de se faire une petite sortie toutes les deux avant ?

Tia la regarda agréablement surprise. L’incident Enrick était vraiment pardonné, alors. Tia était immensément soulagée et absurdement joyeuse. Maintenant qu’elle s’en était rendue compte, elle ne parvenait pas comprendre comment elle avait pu faire une chose pareille à Lex. Elle se sentait vraiment mal vis-à-vis de ça et ne pensait pas pouvoir se pardonner avant longtemps.

Mais si Lex le faisait alors elle pouvait vivre avec sa culpabilité.

- Ca serait bien, sourit-elle, mais… les jumeaux sont plutôt impatients. Et j’aimerais discuter avec Frédéric aussi vite que possible.

- Oui. Bien sûr. Normal.

Tia vit la déception sur le visage de son amie et secoua la tête en souriant. Elle posa une main sur son épaule et dit :

- Mais une fois la discussion expédiée, on pourrait revenir ici. Je comptais donner une leçon à Len, histoire de lui changer les idées. Et peut-être que Lara voudra nous accompagner. Connaissant Frédéric, il préférera rester à la cache et profiter de quelques moments de solitude. Après cela on pourrait se faire un dîner au restaurant.

Lex réprima une grimace.

- Je pensais plutôt à un tête-à-tête.

- Et bien, on pourrait inciter les jumeaux à aller au cinéma ? Ca fait un moment qu’ils n’y sont pas allés et tu sais combien ils aiment ça. En plus ici, y’en a en Français, ça les fera travailler un peu.

- Dit comme ça, ça à l’air tentant, accepta sa petite compagne en souriant largement.

- Alors on y va.

Elles trouvèrent le concessionnaire particulier d’Enyalios et lui prirent un petit 4x4 bleu foncé. Lex aurait voulu celui avec des paillettes mais Tia l’avait fixée comme si elle était un monstre descendu de Mars et elle avait fait semblant de trouver son choix meilleur.

- Pourtant, insista la petite femme, avec des paillettes il serait pas mal.

- N’importe quoi ! Déjà une voiture avec des paillettes, on se demande d’où ça sort… marmonna la mercenaire encore incrédule.

- Ben, elle est déjà moins tape à l’œil que celle avec des petits pois rouges ou la rose avec des cornes de buffle sur le devant. Ou encore celle avec le nœud papillon en acier noir sur le pare-choc.

Tia secoua la tête. Elle n’en revenait pas du nombre de voitures bizarres qu’elle venait de voir. Mais vu que c’était le concessionnaire d’Enyalios, elle n’aurait pas dû être surprise. Il avait toujours eu des goûts des plus étranges.

Elles roulèrent deux heures, prenant différentes petites routes poussiéreuses et s’enfonçant de plus en plus dans les terres. Lorsqu’elles se pointèrent aux coordonnées données par Enyalios elles restèrent stupéfaites un long moment.

- C’est ça la cache d’Enyalios ?! S’exclama Lex en tournant vers elle des yeux ronds.

- Apparemment, acquiesça la grande femme toute aussi surprise.

La cache d’Enyalios était en faite une superbe maison de style Tudor, en pierre et bois ancien. La majesté de sa stature était en contraste complète avec son environnement désertique. Seul un bois le cachait à la vue. C’était… totalement déplacé.

- C’est pas très discret, constata Lex.

- Eh bien… dans un certain sens si. C’est… au milieu de nulle part et loin de toutes les routes et lieux civilisés. Et c’est au milieu d’un bois. Mais bon… c’est vrai que ça aurait pu être moins… énorme. Si quelqu’un vient ici, même par hasard, aucune chance qu’il la rate.

- Ouais…

Elles poursuivirent enfin leur chemin et se garèrent devant la maison. Elles grimpèrent les escaliers en secouant la tête devant tant de faste et entrèrent sans frapper. Elles s’annoncèrent mais n’eurent aucune réponse.

Elles mirent quelques minutes à les retrouver et se faisant, visitèrent les trois étages de la maison sans parvenir à y croire.

- Enyalios a des goûts de luxe. Je ne l’aurais pas cru, remarqua Alexia en avisant une cheminée de marbre noir dans une des chambres, et des peintures de renom dans les couloirs. Mais il a aussi les goûts les plus bizarres que j’aie jamais vu, ajouta-t-elle en se souvenant du second étage où des statues de centaures, de fées et de vampires de toutes les couleurs s’étalaient un peu partout.

- Oui. Il a toujours été ainsi.

- Bon, ils sont où ? demanda Lex en posant les mains sur ses hanches.

Tia la regarda et sourit. Lex était si adorable lorsqu’elle était agacée.

Finalement, elles trouvèrent les jumeaux de l’autre côté de la maison, une demi-heure plus tard. Ils leur dirent que Frédéric était en train de jardiner et les filles grimacèrent. Len rit et dit :

- Je sais, on croyait ça nous aussi, mais en fait…

- … il se débrouille vraiment bien, finit sa sœur pour lui.

- Un jardin, répéta Tia, ici ?

- Une serre en fait, expliqua Lara. Elle appartient à Enyalios, il dit que l’intérêt d’une cache est justement de vivre en indépendance totale.

- En effet.

- Ca vous dit une balade en ville ? lança Lex enthousiaste pendant que sa compagne suivait la direction indiquée par Len pour rejoindre Frédéric.

Tia passa derrière un bouquet d’arbres aux formes insolites et trouva la serre, une bulle de plexiglas brillante dissimulée sous le couvert des arbres. Elle entra dans la serre et vit Frédéric pencher sur un plant de tomate.

Elle le regarda un moment s’occuper avec patience et douceur des plantes et des fleurs. « Des fleurs ?! » songea la jeune femme stupéfaite. De qui était cette initiative ? Frédéric ou Enyalios ?

Quel qu’en soit l’homme responsable, cela leur ressemblait si peu qu’elle avait bien du mal à y croire. Décidément… c’était une journée vraiment surprenante.

Le contraste entre cet homme si grand et si solide et la petitesse et la délicatesse des plantes étaient saisissantes. Son air concentré était mignon et le simple fait de trouver mignon cet homme ressemblant à une montagne, était surprenant.

- Frédéric ?

Le grand homme se redressa vivement et un sourire ravi autant que soulagé éclaira son visage. Elle lui rendit son sourire et se rapprocha. Parvenu devant lui il vérifia d’un rapide coup d’œil qu’elle était entière et, satisfait, demanda :

- Comment était ce voyage ?

- Fructueux.

- Vraiment ?

Elle hocha la tête.

- Ce n’est pas Enrick qui t’en veut.

- Ah bah ça me soulage, parce que je commençais à me dire que j’étais sénile ! Rit-il. Je ne me souviens pas de lui ou d’une éventuelle famille a qui j’aurais put causer du tort.

- Normal, ce n’est pas lui ! répliqua joyeusement la grande femme.

- Alors qui est-ce ?

- Aniock Gretchev.

Le choc lui fit ouvrir de grands yeux. Il resta un moment figé, les yeux perdus dans le vague. Les souvenirs affluaient et leur douce amertume le submergea. Tia comprit en le voyant qu’elle n’était pas la seule à avoir un passé troublé et amer. Mais le sien semblait plus doux aussi. Comme si quelque chose avait tordu ses meilleurs souvenirs pour en faire quelque chose de douloureux.

Elle aurait aimé savoir ce qui en était responsable, comme elle aurait aimé connaître les souvenirs qui défilaient devant ses yeux en cet instant. Mais il avait fait preuve de retenue lorsqu’elle en avait eu besoin et elle lui devait la même chose.

- Tu sais ce qu’il te reproche ? demanda-t-elle doucement, interrompant le fil de ses pensées.

- Je… en fait, oui.

Il s’arrêta et fixa le sol sans le voir.

- Il… nous étions ami avant…

- … avant Sassem ?

Il hocha la tête.

- On s’est rencontré à l’orphelinat. On s’est enfui ensemble, avons fait les quatre cents coups. Sassem… senior, nous avait recrutés tous les deux mais… il a rapidement montré sa préférence pour moi et… il a financé mon éducation, m’a traité comme son second fils et… ça nous a éloigné.

- Et il t’en veut pour ça ?

Frédéric secoua la tête.

- Après quelques années de ce régime la jalousie avait pris le pas sur l’amitié mais… ce n’était pas encore la haine. Et puis un jour il a commis une erreur. Une erreur qui aurait dû lui être fatale. Si Sassem Senior était plus souple que son fils, il n’acceptait pas les erreurs, pas plus que les échecs et Aniock avait fait les deux.

A ce moment de son récit, il fit une pause et prit une inspiration.

- Sassem m’a demandé de me débarrasser de lui, de le virer. Mais dans son organisation on payait les indemnités de licenciement avec des blocs de béton ou des balles de 45.

- Tu devais le tuer ? fit Tia incrédule. Il t’a demandé à toi de le tuer ? Son ami d’enfance ?

- Oui. Il pensait que je préfèrerais m’en occuper plutôt qu’un inconnu et… il avait raison. Mais je n’ai pas pu le faire. Je… je lui ai dit qu’il était viré et qu’il n’avait pas intérêt à revenir dans les parages. Pour qu’il me prenne au sérieux j’ai… j’ai été obligé de lui tirer dans la jambe mais je tremblais tellement que c’est son genou que j’ai eu.

Il releva la tête et croisa son regard compatissant.

- Depuis il est boiteux. Lui qui avait toujours été si fier de son physique d’athlète et de sa démarche sexy…

- Alors… c’est pour ça ?

- Il… m’en veut de l’avoir rendu boiteux, mais aussi de l’avoir viré, de l’avoir laissé derrière quand j’aurais pu parler de lui à Sassem… et de bien d’autres choses encore. La haine a pris le pas ce jour là et n’a cessé de croître à chacun de mes succès. Je lui avais dit d’être discret, parce que Sassem le voulait mort alors… il n’a même pas pu entamer de carrière digne de ce nom. Il avait pourtant un grand potentiel.

- Il pense que tu es responsable du ratage de sa vie.

- Exact.

- Pourtant il a aujourd’hui assez de fric pour engager une légende pour t’éliminer. Il a donc réussi, non ?

Frédéric haussa les épaules.

- Je n’en sais rien. Du jour où je l’ai viré, j’ai cessé de m’intéresser à lui. Il me haïssait tant. Et je me sentais si coupable.

Tia comprenait ce sentiment. Trop bien.

- Donc tu ne sais pas ce qu’il est devenu ?

Il secoua la tête tristement.

- Tu es sûr que c’est lui ?

- Certaine, confirma la mercenaire.

- Je vois. Et… que préconises-tu ? Tu sais où le trouver ?

- Pas encore, mais j’ai mis des personnes dessus. Ca ne tardera pas.

- Et en attendant, que fait-on ? Tu t’es débarrassée d’Enrick ?

- Non. Je sens qu’il pourrait faire un allié de poids dans le futur.

- Je vois. Ceci dit, c’est risqué comme manœuvre.

- Je sais, mais on n’a rien sans rien. Et ici, on est à l’abri. Tant qu’on reste discret.

Il hocha la tête et attendit.

- Bon, on va sortir avec les enfants. Un petit tour discret dans la grande ville, on risque de rentrer tard. Tu veux nous accompagner ?

Comme elle s’y attendait, il secoua la tête négativement.

- Ok, alors peux-tu me faire un portrait complet d’Aniock ? Son profil à l’époque de votre enfance et celui au moment de votre séparation ? Après ça j’aimerais que tu me fasses une extrapolation de ce qu’il pourrait être aujourd’hui. Ca te paraît possible ?

- Oui. Pas de problème. Tu as pris les précautions d’usage vis-à-vis d’Enrick ?

- Oui, ne t’en fait pas. J’ai mis Karl et Enyalios sur le coup. Quant à Linya elle reste sur son île.

- Bien. Alors bonne soirée.

- A toi aussi, sourit-elle en le regardant se remettre devant ses plants délicats de roses blanches et de melon.

« Les melons à côtés des roses… n’importe quoi », songea-t-elle en retournant près de sa famille.

 

****************************************

 

Tia et Alexia avaient envoyé les enfants au cinéma dès leur arrivée en ville. Ils devaient se retrouver aux environs de minuit devant un Karlmart ouvert 24h/24 pour la leçon que Tia voulait donner à son fils. Lara l’avait fixée curieusement mais n’avait rien dit.

Et Tia avait entraîné une Lex agréablement surprise dans un petit restaurant indien coincé entre deux boutiques à l’air ruiné. La façade ne payait pas de mine et la rue où il se trouvait était mal éclairée.

Mais Lex y suivit sa compagne en toute confiance et elle ne fut pas déçue. En entrant dans le restaurant sans prétention, elle découvrit une atmosphère totalement différente de ce à quoi elle s’attendait.

Lex détailla la décoration avec émerveillement. Les murs étaient peints en jaune et des tableaux de collages modernes étaient suspendus. Certains des collages ressemblaient à une mosaïque d’images qui une fois assemblées en formaient une autre. D’autres avaient des couleurs si vives qu’on pouvait rester devant des heures durant tant leur harmonie était fascinante. D’autres encore étaient si minutieux qu’une ville entière avec tous ses habitants s’y trouvaient.

Lex s’arrêta devant chacun d’entre eux et les observa longuement. Tia finit par la tirer par la manche et la forcer à avancer. Lex prit alors conscience de l’ambiance chaleureuse et induite par les multitudes de bougies disséminées dans la pièce. Les tables étaient recouvertes de nappe en papier blanc et si les couverts et les assiettes étaient tout ce qu’il y avait de plus ordinaire, le rendu, grâce aux bougies, était magnifique.

Tia se dirigea directement vers une table située au fond de la salle et s’y installa. Lex prit place en face d’elle et elle lui sourit.

- C’est magnifique ici ! déclara Lex enthousiaste.

- Oui. Mais ce n’est pas du tout fait exprès.

- Comment ça ?

- Dans ce quartier l’électricité saute régulièrement. Les bougies sont fiables elles, et beaucoup moins cher que des dépannages continuels ou la mise à niveau du réseau électrique.

- Oh. Alors on a de la chance !

La petite femme détailla sa compagne avec plaisir. Tia était vêtu d’un jean de facture classique mais bien coupé et qui moulait son postérieur avec perfection, avait-elle remarqué plus tôt dans la soirée. Elle avait mis la chemise de soie noire qu’elle lui avait achetée trois ans plus tôt et qu’elle trimballait partout avec elle depuis en disant que c’était son porte-bonheur. Elle l’avait si souvent mise que Lex se demandait encore par quel miracle elle n’était pas plus usée.

L’attention, autant que la signification de celle-ci, la touchait à chaque fois aussi fort que la première. Elle détacha ses yeux de l’attractive silhouette de sa femme pour détailler la salle dans laquelle Tia l’avait entraînée et vit qu’elle était pratiquement vide.

- Ca ne marche pas très bien on dirait.

- La façade décourage pas mal les touristes. Mais les habitués font tourner l’établissement.

- Donc tu es une habituée ? Depuis quand ? Je ne me rappelle pas qu’on y soit déjà venue ?

La question sonnait comme une accusation et Tia ne s’y trompa pas.

- Je n’y suis pas revenue depuis quelques années, en fait. Mais avec Enyalios on y venait souvent au début de notre collaboration.

«  De leur relation », corrigea la jeune blonde dans sa tête en réprimant un pincement de jalousie.

- Donc je récolte les restes d’Enyalios ? demanda Lex avec un sourire amer.

« Pas si réprimée finalement », songea-t-elle en buvant une gorgée du vin apporté par le serveur quelques minutes plus tôt.

Tia sursauta et lui jeta un regard surpris. Lex fit la grimace mais ne put calmer sa jalousie. Entre Enyalios, sa si manifeste influence dans la vie de sa femme, et l’incident Enrick, elle avait beaucoup de mal à refreiner sa jalousie habituelle.

Pourtant elle savait qu’Enrick n’était rien pour Tia et qu’Enyalios était du passé mais… elle pensait pourtant avoir surmonté l’incident mais… elle avait juste enfoui la douleur. C’était nul…

Elle s’en voulait de faire une scène à sa compagne alors que tout allait si bien et…

Mais c’était plus fort qu’elle. Elle voulait que Tia ait aussi mal qu’elle. 

- Je… heu… ne voyais pas ça comme ça. Désolée. Je… si tu veux on peut aller ailleurs ?

- Ha ? Y’a d’autres endroits que tu as testés avec ton premier petit ami ? Railla-t-elle.

Tia cligna des yeux et se redressa sur sa chaise. Ok, les choses lui échappaient un peu, là. Elle ne comprenait pas bien ce qui se passait, mais elle savait que c’était de sa faute et elle avait bien l’intention de passer une soirée romantique avec sa femme.

Elle devait pour cela, commencer par trouver un moyen de calmer la jeune femme. Elle choisit avec soin les mots qu’elle allait prononcer.

- Quelques-uns uns, oui, mais je pensais plutôt à trouver un endroit nouveau qui nous plairait à toutes les deux. Un endroit à nous, quoi.

Les mots apaisèrent la petite blonde, ce qui la contraria. Pour une raison qu’elle ne voulait pas analyser, elle voulait rester en colère contre sa compagne.

- Très bien, fit-elle en se levant brusquement. Alors, voyons ça.

Elle se dirigea sans attendre vers la porte et la franchit au moment où une Tia stupéfaite se levait enfin de son siège.

Elle la rattrapa dans la rue et lui prit la main en lui souriant, tentant de rétablir un semblant de douceur entre elles, mais Lex se dégagea sèchement et partit à grands pas. Tia réprima un mouvement d’humeur et la suivit.

Elles cheminèrent de longues minutes à travers différentes petites rues et à chaque fois que Tia montrait un restaurant qui pouvait faire l’affaire, Lex trouvait une excuse pour le rejeter. Trop grand, trop bruyant, trop tape à l’œil, trop guimauve et cetera et cetera.

A la fin, Tia était exaspérée et succombant à son énervement elle leva les yeux au ciel et lança :

- Très bien ! Puisque rien de ce que je te propose ne te plait, choisit donc, toi !

Lex s’arrêta soudainement et lui fit face.

- Parce qu’en plus il faut que je choisisse ?! Tu n’es donc pas capable de savoir ce qui me plaît ?! Après quatre ans ?!

Tia la dévisageait choquée par ses propos et complètement perdue. Mais qu’est-ce qui s’était passé bon dieu ?!

- Lex qu’est-ce qui t’arrive, bordel ?! On passait une bonne soirée et soudainement, sans raison, tu te mets en colère et bousilles tout !

- Moi ?! s’écria la petite femme. Moi, je bousille tout ?!! C’est l’hôpital qui se fout de la charité, là !!

Tia fronça les sourcils et les mains sur les hanches se pencha vers sa compagne.

- Mais de quoi tu parles bon sang ! C’est pas moi qui ai foutu la soirée en l’air !

- De quoi je parle ?! De quoi je parle ?! T’es… t’es la pire petite amie qu’une fille puisse rêver d’avoir !! hurla-t-elle au comble de l’exaspération.

Elle tourna les talons et partit à grandes enjambées loin de la grande femme. Tia la regarda faire, la colère montant de plus en plus et elle sentit la flamme de la louve s’agiter. Elle inspira profondément pour la repousser et garder le contrôle de ses émotions. Lorsqu’elle la sentit se calmer elle se jeta sur les traces de Lex.

Elle lui prit le bras et la tourna vers elle.

- Qu’est-ce qu’il y a ? Dis-moi ce que tu me reproches, ça nous évitera de nous faire perdre du temps. Allez !

- Ce que je te reproche ? Gronda la petite femme d’une voix basse et furieuse. De coucher avec des inconnus alors que tu es mariée et de trouver ça parfaitement naturel. De m’emmener dans les endroits qui plaisent à ton premier amant et de me montrer ainsi combien il a compté et compte encore pour toi sans te soucier une seconde de savoir si ça me blesse. 

Tia la fixait complètement dépassée et un brin mal à l’aise.

- Tu… heu… je…

La mercenaire passa une main frustrée dans ses cheveux et posa ses yeux sur elle dans une tentative désespérée pour comprendre la petite femme.

- Tu as dit que tu me pardonnais pour Enrick, fit-elle finalement à cours d’idée.

- EH BIEN J’AI MENTI !!!!!!!!!!! hurla la petite femme enragée.

Tia eut un mouvement de recul.

- Lex, calme-toi fit-elle en posant ses mains sur les épaules de sa compagne. Je… suis désolée ok ? Je ne pensais pas à mal et tu m’as dit que tu comprenais. Je t’ai promis de ne jamais recommencer. Qu’est-ce que tu veux que je fasse d’autre ?

- RIEN !! JE N’ATTENDS RIEN DE TOI !!! Cria-t-elle en se dégageant. TU NE COMPRENDS RIEN DE TOUTE FACON !!

Elle se détourna en lançant :

- J’ai jamais rencontrée une handicapée des sentiments pareille !

Tia tressaillit, les mots autant que le mépris perceptible dans la voix de sa femme l’avait touchée profondément. Elle ne comprenait pas ce qui avait provoqué un dérapage pareil. Elle n’avait jamais entendu Lex la mépriser aussi ouvertement et aussi profondément. Et, découvrit-elle dans la douleur, ça avait le pouvoir de la blesser bien plus que ce qu’elle s’était imaginée. 

Elle était concentrée sur Lex s’éloignant à grands pas furieux mais elle vit malgré tout l’homme qui la dévisageait stupéfait. Elle reconnut un ancien client, pas très satisfait de ses services, puisqu’elle avait accompli son contrat pour ensuite réparer les dégâts chez le concurrent qu’il lui avait demandé de saboter, annulant ainsi le travail pour lequel il l’avait payée.

Il ne l’aimait pas et ne se gênerait pas pour parler d’elle.

Autrement dit : ils étaient repérés.

Tia baissa la tête. Elle commençait en avoir ras le bol des complications.

Chapitre 2 :

 

Elle récupéra sa compagne et avant que Lex ne reparte dans une nouvelle diatribe elle lui expliqua qu’elles avaient été repérées. Elles récupérèrent les enfants et, reléguant la leçon de combat en situation réelle à plus tard, rejoignirent Frédéric.

Ils arrivèrent à la cache bien après minuit et le réveillèrent pour débattre de ce qu’il convenait de faire.

- Me connaissant, commença Tia, Enrick s’attendra à ce que je nous aie emmenés le plus loin possible d’ici. Je pense qu’il ne s’attendra pas du tout à nous voir rester.

- Rester ? l’interrompit sa compagne incrédule. Tu es dingue ?! Tu penses bien qu’il va faire fouiller les environs aussi minutieusement que possible !

Tia lui jeta un regard agacé puis expliqua :

- Je n’ai jamais dit que nous devions rester ici. Je parlais du continent voir de la région, pas de la ville. Si nous nous enfonçons dans le désert qui commence ici même, nous devrions être à l’abri. Il ne pensera jamais que nous ayons pu rester aussi près d’un endroit où on a été repéré.

- Eh bien, fit Frédéric avec lenteur, c’est une bonne idée, cependant…

- Oui ?

- Le désert Africain… n’a pas bonne réputation.

- Ca je le sais, fit-elle avec un sourire en coin. Et je compte sur celle-ci pour qu’il soit évident pour tous qu’on ne serait pas assez fou pour s’y aventurer.

- Mais on l’est, c’est ça ?

- Eh bien oui et non. Je ne pense pas qu’on risque grand chose si on ne s’aventure pas trop loin. Les tribus n’aiment pas la civilisation. Ils évitent les frontières tout autant que nous. Donc si on ne va pas trop loin, ça devrait aller.

- Pourquoi ne pas simplement s’en aller ? L’interrogea Alexia.

- Parce que c’est ce qu’il s’attend à ce que l’on fasse. Il va faire surveiller attentivement le trafic aérien, ferroviaire et naval. Il distribue beaucoup d’argent tu sais, pour être au courant de la moindre chose suspecte qui pourrait lui être utile. Rester est bien plus sûr.

- Et on fait quoi une fois qu’on est sûr qu’il est reparti. On revient ?

- A ton avis ? L’interrogea sa femme.

Lex prit la question pour ce qu’elle était, un test, et se mit à réfléchir sérieusement.

- Non, il aura certainement laissé un homme derrière lui pour le cas où. Il faudra que l’on continue jusqu'à la prochaine ville, pas la grande ville, parce qu’il aura sûrement posté des hommes dans les

50 kilomètres

à la ronde, mais celle d’après.

Tia hocha la tête.

- Et comment s’y rend-t-on ? Continua la grande femme.

- A pied, répondit-elle instantanément. En longeant les frontières du désert, on échappera aux guetteurs sans problème et c’est le plus sûr moyen d’arriver sain et sauf là bas.

- Excellent, approuva la grande femme en se levant.

Lex leva la tête et lui sourit, très fière et l’espace d’un instant, toutes deux oublièrent leur différent. Puis la réalité reprit ses droits et Tia détourna le regard.

- Bien, alors allons préparer nos affaires et dissimuler toutes traces de notre séjour ici. Inutile de dévoiler que cet endroit est une des caches d’Enyalios, fit-elle en sortant du séjour.

 

***********************************

 

Il était près de cinq heures du matin lorsque enfin, ils franchirent la frontière séparant le monde civilisé, du désert Africain. Celui-ci regroupait différents territoires. La maison d’Enyalios était située pile entre deux d’entre eux. Le premier, le désert du Kalahari était le moins rude. Y vivait une tribu appelée les fils du vent qui vénéraient les dieux naturels des airs et du ciel et pensaient que chaque étoile représentait un ancêtre de leur tribu, devenu dieu en mourant et qui veillait sur eux.

Ils pensaient que chacun d’entre eux accédait à cet état divin en mourant et que ceux dont la conscience était trop lourde, de crimes commis, tombaient fatalement de leur paradis et s’écrasaient sur terre pour s’y éteindre. Ainsi, interprétaient-ils les étoiles filantes.

C’était la tribu la plus connue du peuple Africain, car la plus « civilisée » et « pacifique ». Ils commerçaient parfois avec les caravanes qui demandaient le droit de traverser leur territoire.

L’autre désert, était appelé le désert de Namib. On ne savait rien sur ceux qui y vivaient. Leur territoire était plus petit, mais entouré de mystère. Les fils du vent ne s’aventuraient jamais près de ces frontières et les rares choses qu’ils en avaient dites, incitaient à la plus grande prudence.

Si on continuait plus loin, en remontant vers le Nord, on tombait sur le désert de Rambi, un petit territoire où vivait un peuple farouche de guerriers forts et résistants qui vénéraient les dieux de la chasse et de la destruction. Ils étaient relativement fermés aux extérieurs et n’acceptaient aucune intrusion. Ils ne traitaient jamais avec les étrangers et tuaient quiconque posait le pied sur leur territoire.

Le Désert du Kaamal était le dernier et le plus vaste des quatre déserts recouvrant la partie Sud Ouest de l’Afrique. Différentes tribus y vivaient, mais toutes étaient regroupées sous l’égide d’un grand chef, nommé Le Grand Roi.

Le Grand Roi exerçait son pouvoir d’une main de fer et étonnamment politique pour une tribu primitive. Il avait négocié, plusieurs années auparavant l’indépendance de son désert et qu’il soit traité comme une nation souveraine. Tia ne savait pas comment ces tribus sauvages et primitives étaient parvenues à une telle chose, mais Le Grand Roi avait obtenu ce qu’il demandait.

Le Président d’Afrique avait abandonné les déserts aux peuples qui y vivaient, alors même que Le Grand Roi n’avait réclamé que le sien et que les peuples des autres déserts ne s’étaient même pas manifestés, et déclaré dans son discours officiel, qu’il l’avait fait car les peuples y vivant possédaient une culture à part, provenant de leurs ancêtres et qui méritait d’être préservée.

Autrement dit, il avait été obligé de céder mais personne ne savait comment Le Grand Roi était parvenu à cela. Cependant depuis ce jour, les déserts et les peuples qui y vivaient étaient considérés avec crainte et non plus mépris. Et s’ils étaient considérés comme Africain, ils n’y avaient ni police, ni hôpitaux, ni quoi que se soit de moderne. Les frontières n’étaient pas gardées mais si on entrait dans le désert, on n’était plus sous la juridiction des autorités civilisées et tout ce qui pouvait arriver, ne les intéressaient pas et ils ne voulaient pas en entendre parler.

Même si aucun accord n’avait été passé avec les peuples des trois autres déserts et qu’aucun papier n’avait été signé, faisant que les peuples du désert et les incidents s’y passant, étaient en réalité toujours sous leur juridiction, les autorités et les habitants des villes, avaient adopté les dires du Président comme un fait et ne s’occupaient pas de ce qui s’y passait.

Les touristes avaient effectué des incursions curieuses dans ces terres spécifiques en pensant que légalement ils étaient toujours protégés par les autorités des grandes villes. Ils avaient vite renoncé à leurs prétentions. Il devint évident qu’il n’en était rien et que ce qui s’y passait ne les regardaient pas.

Plusieurs incidents diplomatiques avaient opposé le Président Africain aux autres nations lorsque certains ressortissants de leurs pays avaient disparu dans ces terres inhospitalières et que les autorités n’avaient rien fait.

Le tribunal international avait alors jugé le Président puisque celui-ci ne pouvait, exception faite du désert du Kaamal, produire de papier prouvant leur dessaisie du terrain. Il fut donc jugé coupable et démis de ses fonctions.

Lorsque son successeur parvint au pouvoir, sans raison apparente et à la stupéfaction de tous, il réitéra les propos de son prédécesseur et les autres pays comprirent qu’il y avait là un mystère qu’ils ne résoudraient pas. Ce renouvellement inconditionnel fit comprendre à tout le monde que ces territoires recelaient sûrement des dangers qu’ils ne tenaient pas à affronter et contribua à augmenter le nombre de rumeurs existant déjà sur les peuples du désert. Les pays civilisés incitèrent leurs ressortissants à ne plus se rendre là-bas et l’économie de l’Afrique du Sud s’effondra.

Sans les soutiens de la famille Royale d’Egypte et d’Algérie, le président Africain n’aurait pu maintenir son pays à flot.

Aujourd’hui, si les touristes évitaient soigneusement les quatre Déserts comme ils les nommaient, ils n’en étaient pas moins revenus.

Et ce que Tia et sa famille faisaient en cet instant serait considéré comme de la folie pure par le reste du monde.

- J’espère que tu sais ce que tu fais, murmura Frédéric pour ne pas que les jumeaux l’entendent.

- Ne t’en fait pas, fit la grande femme avec assurance. On ne va pas s’enfoncer très loin. Et tu sais comme moi, qu’une grande partie des rumeurs, ne sont que ça, des rumeurs. Les fils du vent évitent les frontières mais quand bien même nous tomberions dessus, ils nous laisseraient une chance de nous expliquer et de payer notre passage.

Frédéric hocha la tête. Tia avait raison. Au pire, ils devraient négocier avec les fils du vent. Et même si cette tribu n’était pas commode et très dangereuse, ils ne les tueraient pas sans leur laisser une chance de gagner leur liberté.

Il inspira l’air frais de la nuit et regarda le soleil de cette nouvelle journée apparaître paresseusement à l’horizon.

- Est-ce qu’au moins une fois, on pourrait fuir de jour ? Grogna Lara. Et faire une nuit complète et reposante avant de devoir marcher pendant des heures et des heures ?

Tia aurait ri à la réflexion de sa fille si elle avait été de meilleure humeur. Elle n’était pas inquiète pour leur sécurité. Ils n’allaient pas aller très loin dans le désert et étaient partis suffisamment tôt pour qu’Enrick ne puisse leur mettre la main dessus.

Mais la marche avait toujours été pour elle propice aux réflexions et il ne cessait de lui revenir en tête sa dispute avec Lex et les propos que celle-ci lui avait tenus vrillaient son cœur un peu plus à chaque minute.

Elle était partagée entre la colère contre sa femme et sa propre honte. Elle n’avait même pas été capable de voir combien elle l’avait blessé et combien elle était inquiète de sa relation avec Enyalios.

Alors non seulement elle faisait du mal à la seule personne qui avait jamais fait battre son cœur, mais en plus elle n’était pas capable de la rassurer correctement sur les sentiments qu’elle lui portait, au point qu’elle ait peur d’une simple amitié !!

Tia se dégoûtait. Pas étonnant que Lex la traite d’handicapée des sentiments !

Cependant, la réflexion, même si elle était vraie, faisait mal. Lex devait pourtant savoir qu’elle ne lui aurait jamais fait de mal délibérément ! Qu’elle se couperait les deux mains plutôt que de risquer d’amener de la douleur dans les yeux de sa compagne.

Mais hier soir… hier soir, Lex avait semblé oublier ce fait.

Et comment lui en vouloir ?

Après l’incident Enrick, elle aurait été bien injuste de faire cela. La façon dont elle s’était comportée avec elle, était tout simplement dégoûtante. Encore maintenant elle ne comprenait pas comment ça avait pu lui sembler normal.

Pas étonnant que Lex ait pété un plomb.

Elle soupira intérieurement et se demanda si Lex lui pardonnerait vraiment un jour. Et si elle le faisait, le mériterait-elle vraiment ?

Elle jeta un regard en coin à sa compagne et vit qu’elle n’était pas du tout d’humeur à discuter. Elle détailla la silhouette plus petite et féminine qui dégageait une aura de force étonnante pour sa carrure. Lex était vêtue d’un pantalon en coton noir et d’un t-shirt noir à manches longues qui la protégerait de la brûlure du soleil quand celui-ci serait plus haut dans le ciel.

Elle avait mis des bottes de marche solides et un chèche sur la tête. Tia était vêtue à l’identique mais en blanc et l’échange des couleurs ne lui échappa pas. Elle se demanda pourquoi elle avait voulu s’habiller en blanc aujourd’hui. Surtout sachant que le blanc était une couleur évité dans le désert parce qu’il laissait passer les rayons du soleil.

Ils marchèrent jusqu'à ce que le soleil rende l’atmosphère trop insupportable et ils cherchèrent un abri, le temps qu’il redescende suffisamment pour continuer leur chemin. Ils ne parlèrent quasiment pas de la journée, chacun se perdant dans ses propres réflexions, doutes et regrets.

Tia ne cessa quasiment pas de se torturer l’esprit de la journée. Elle mourrait d’envie de se réconcilier avec Lex, ne supportant pas de se sentir si loin d’elle, mais elle n’osait pas. Elle craignait de retrouver le même mépris qu’elle avait entendu pour la première fois en quatre ans dans la voix de Lex, hier soir.

Et des milliers de regrets tournoyaient dans son esprit. Elle aurait dû faire les choses ainsi, dire cela. Et si elle l’avait fait, aurait-ce réellement changé quelque chose ? Aurait-elle pu éviter ce qui s’était passé ? Ce qui avait été dit ? La douleur ?

Parce qu’en cette seconde, au souvenir obsédant de sa femme la méprisant, la douleur était atroce et menaçait de submerger sa maîtrise d’elle-même. Elle aurait donné n’importe quoi pour remonter le temps et changer les choses.

Elle regarda la femme de ses rêves en coin et vit la mâchoire douce, tendue à l’extrême et savait que c’était de sa faute. Elle détourna le regard et se concentra sur le chemin encore à parcourir. Elle ne pouvait pas continuer à se miner le moral ainsi. Cela émoussait sa vigilance et ce n’était certainement pas le lieu pour ça.

De son côté Lex ne cessait de se demander quel diable avait pu la posséder pour débiter toutes les conneries qu’elle avait dites. Tout comme Tia, mais pas pour les mêmes raisons, elle aurait tout donné pour revenir en arrière et changer les choses.

Elle sentait la tristesse de Tia depuis la seconde où elle lui avait tourné le dos dans cette rue éclairée de la grande ville. Et dès cet instant elle s’en était voulue.

Mais c’était plus fort qu’elle. Elle avait eu tellement mal quand elle avait senti l’odeur d’Enrick sur elle… la seule chose qui l’avait retenue de déverser toute la rage et la douleur que cela avait mis en elle était sa promesse. Sa promesse de lui apprendre ce qui était normal ou non et ça… ça ne l’était définitivement pas. Mais maintenant Tia savait que ce qu’elle avait fait n’était pas normal et…

« Et quoi ? Songea la petite blonde. Qu’est-ce que ça change ? » Elle n’avait pas plus le droit de lui en vouloir pour autant, puisqu’au moment où elle l’avait fait, elle ne savait pas. Une fois de plus elle maudit Sassem et ses troupes. Et la perversion avec laquelle il l’avait « élevée ».

Tia avait grandi avec l’idée que son corps était au choix, une arme ou un outil, mais en aucun cas une chose sacrée qui méritait le respect. Tout au plus pouvait-elle le considérer avec mépris lorsqu’il lui faisait défaut par sa faiblesse.

Et soudain la colère et la douleur cédèrent la place à la compassion et à l’horreur. Comment pouvait-on faire croire une telle chose à un être humain. Qu’il n’avait de valeur que par ce qu’il rapportait. Qu’il ne valait que par ses résultats, ses performances…

Elle étudia le profil tendu de sa compagne avec compassion. Comment osait-elle lui en vouloir ? Tia avait une vision pervertie, par ses bourreaux, d’elle-même. Une vision tordue des relations entre êtres humains.

L’âme même de Tia avait été abîmée par ces monstres.

Pourtant… elle était encore profondément humaine. Possédait une compassion, une générosité, un amour et un courage qui aurait fait défaut à n’importe quel être humain ayant vécu ce qu’elle avait vécu. Et au lieu de se réjouir que son âme sœur ne soit pas devenue dingue ou sans cœur, au lieu de louer le miracle qui avait réussi à garder la femme qu’elle aimait presque intact, elle lui reprochait des choses qu’elle n’était pas à même de comprendre. Et ce miracle se nommait Tia. Sa volonté farouche, sa détermination… c’était ce qui l’avait préservée des sévices subits. Et c’était si merveilleux… si foutument incroyable…

Comment pouvait-elle la juger ? Elle ne lui arrivait pas à la cheville. Et quand bien même se serait le cas… elle ne pouvait pas la juger avec ses critères à elle. Ils ne s’appliquaient pas à Tia et ne le pourraient peut-être jamais. Si vraiment elle voulait la juger, elle devait le faire avec les critères de Tia, parce qu’elles n’avaient pas vécu les mêmes choses. On ne peut pas juger une personne qui n’a pas vécue normalement avec des critères normaux. C’est déséquilibré et injuste.

Et selon les critères de Tia… la mercenaire ne l’avait pas trompée. Elle avait été tentée mais avait résisté. Par amour pour elle. Oh bien sûr, elle aurait pu lui mentir, mais là aussi cela supposait de la juger avec des critères normaux. Selon les critères de Tia, le mensonge n’était pas toléré entre des personnes qui s’aimaient. Elle en avait trop connu dans sa vie pour pouvoir les supporter dans le monde protégé qu’elle s’était construit avec elle et les jumeaux.

Tia ne l’avait pas trompée. Elle n’y avait probablement même pas songé. Lex secoua la tête.

Tout ceci elle le savait depuis déjà plusieurs années. Ce n’était pas une révélation, seulement un rappel. Alors qu’est-ce qui s’était passé ?

Lex y réfléchit et lorsqu’elle en découvrit la raison, elle grimaça. Elle avait fait un caprice. Un foutu caprice. Elle n’en revenait pas ! Bon sang, les habitudes avaient la vie dure ! Comme une gamine qui voit que quelqu’un d’autre a joué avec sa poupée préférée sans sa permission, elle avait piqué une crise. 

C’était son jouet, à elle ! On ne le lui prenait pas sans demander ! Même si la poupée était restée dans sa chambre, même si l’enfant qui jouait avec l’avait fait devant elle, on n’avait pas le droit de toucher à sa poupée.

Et puis elle s’était rappelée qu’un autre enfant avait joué avec la poupée avant qu’elle ne l’ait et là, la crise avait pris des proportions épiques !

Pourtant qu’elle importance cela avait-il ? La poupée était à elle aujourd’hui. Et elle ne quitterait jamais sa chambre d’elle-même.

Lex secoua la tête. Elle pensait en avoir terminé avec ses gamineries. Mais encore une fois, elle comprenait que ce n’était pas le cas. Tia n’avait pas été la seule à acquérir une vision pervertie du monde à cause de son éducation. La mercenaire n’était pas sa propriété personnelle. Elle avait un passé, avec lequel elle devait composer.

Son enfance de petite fille pourrie gâtée avait laissé des traces et plus grosses qu’elle ne le pensait !

« Qu’elle bordel, songea-t-elle. Va-t-on un jour se sortir de ces conneries qui nous éloignent constamment ? » Elle jeta un œil à sa compagne et se demanda comment aborder le sujet. « Et quand surtout », songea-t-elle en entendant les jumeaux et Frédéric discuter doucement derrière elles.

C’était un sujet bien trop délicat et personnel pour pouvoir l’aborder devant les jumeaux mais elle ne cessait d’entendre les dernières paroles qu’elle avait adressées à Tia et sentait combien cela lui avait fait mal. Elle n’aurait jamais pensé être une personne cruelle mais pourtant en s’entendait à nouveau dire ces horreur, elle sut qu’elle en était une. 

Tia ne méritait certainement pas de tels propos. C’était comme nier tous les efforts qu’elle avait fait pour devenir plus humaine et comprendre ce qui était normal pour elle et les jumeaux.

Elle avait voulu que Tia ait aussi mal qu’elle et bien… elle avait réussi. Mais elle n’en ressentait qu’une honte profonde. La mercenaire n’avait pas cherché à lui faire mal. Elle ? Si.

Ce n’était pas le bon moment mais elle ne pouvait pas attendre plus longtemps. Alors elle se rapprocha d’elle et, timidement, glissa sa main dans la sienne. Elle n’osa pas regarder la réaction de sa femme, alors elle garda les yeux obstinément baissés.

L’aurait-elle fait, qu’elle aurait vu l’expression stupéfaite qui passa de l’étonnement au ravissement soulagé avec une intensité sans faille. Tia serra doucement sa main autour de la sienne et Lex sentit la flamme appartenant à la mercenaire faire un bond joyeux dans son cœur. 

Elle sourit pour elle-même et releva la tête. Elle posa un regard plein d’espoir sur la grande femme et fut rassurée de voir la joie dans les yeux bleus. Elles cheminèrent ainsi, accrochées l’une à l’autre et silencieuses, le reste de la journée.

Ils trouvèrent un abri peu avant que la nuit ne tombe et installèrent leur campement. Les tentes des jumeaux furent mises entre celles de Frédéric et des filles. Ils firent un feu pour se réchauffer et sortirent de la viande à faire griller.

- Profitez-en aujourd’hui, fit Tia aux jumeaux, demain il n’y aura ni feu, ni repas chaud.

- Pourquoi ?! demandèrent-ils en cœur.

Tia se tourna vers sa petite compagne et leva deux sourcils. Lex sourit et se tourna vers les enfants.

- Parce qu’il y aura toutes les chances qu’Enrick soit arrivé sur place. Et un feu dans le désert, ça se remarque. De plus, si on est encore assez proche de la frontière pour ne pas s’inquiéter des fils du vent, demain on sera suffisamment à l’intérieur des terres, pour ne pas vouloir se faire repérer par eux.

Les jumeaux ouvrirent la bouche dans un bel ensemble et leurs expressions furent si identiques que cela fit rirent leurs mères.

- Mais, comment vous pouvez être sûre que ce type que t’as vu va contacter Enrick ? demanda Lara à sa mère.

- Parce qu’Enrick offre beaucoup d’argent à quiconque peut l’aider et que ce genre de proposition fait vite le tour du milieu. Rare sont les gens à ne pas vouloir gagner de l’argent facilement. Ce type comme tu dis, ne m’aime pas, mais alors pas du tout. Et rien que pour se venger il le ferait. Ajoute à cela que pour le prix d’un coup de téléphone il gagnera quelques milliers d’Euros et tu as là une probabilité plutôt sûre.

Lara hocha la tête. C’était logique, en effet.

- Et pourquoi ce type t’aime pas ? L’interrogea Len.

- Ca, c’est à cause de votre mère, rit Tia en désignant sa compagne. 

Les jumeaux tournèrent un regard étonné vers Lex.

- C’est pas de ma faute, protesta la petite blonde, pour commencer tu n’aurais jamais dû accepter ce contrat.

- Pourquoi ? Fit Lara.

- Il voulait que Tia balance une BVI chez son concurrent.

- Une BVI ? Répéta Len.

- Bombe Virale Informatique, expliqua la petite blonde d’un ton docte ce qui amusa sa compagne qui se rappelait sa propre ignorance.

- Il voulait qu’elle fasse du sabotage ? S’insurgea Lara.

Puis se tournant vers sa mère :

- Et tu as accepté ?!

Tia prit une expression outrée et innocente :

- Eh, c’était pas mon contrat ! C’était celui d’Enyalios. Et il m’a demandé un coup de main. Je ne savais pas ce que c’était mais de toute façon je ne pouvais pas refuser.

- Pourquoi ?

- Ben, c’est comme ça entre mercenaire. On s’entre aide. Et puis c’est mon mentor. Quoi qu’il se passe, s’il me demande de l’aide, je l’aide, fit-elle en haussant les épaules.

- Même s’il te demandait de tuer quelqu’un ? L’interrogea son fils.

- Il ferait jamais ça, répliqua sa sœur en le fusillant des yeux.

Tia haussa de nouveau les épaules.

- Il ne le ferait pas en effet. Pas parce que je refuserais, mais parce que Lex n’apprécierait pas et qu’il ne veut pas d’ennui avec elle.

- Pourquoi ? Demanda Len intrigué. Il a peur d’elle ?

Lex ricana.

- Ca serait bien.

Tia sourit et secoua la tête.

- Non. Mais contrarier Lex, c’est me contrarier et il ne veut pas me contrarier.

- Tu lui fais peur ? Répéta Len impressionné.

Il avait voyagé avec le mercenaire pendant quelques jours et le moins qu’on puisse dire c’est qu’il l’avait vu faire des choses incroyables. Qu’un homme pareil puisse être effrayé par sa mère était… stupéfiant. Sa mère devait vraiment être quelqu’un d’incroyable ! Et l’admiration qu’il éprouvait pour elle, redoubla de force.

Tia secoua la tête en même temps que Lex répondait :

- Oh oui !

La mercenaire croisa son regard et Lex insista :

- Il a peur de toi, et tu le sais. Enyalios est une légende parmi les mercenaires, mais tout le monde sait que la numéro un, c’est toi.

Les sourcils de Tia s’élevèrent sur son front et l’expression de chouette que cela lui donna la fit rire. Elle se renversa sur le dos en se tenant le ventre. Lorsque la crise fut passée, elle se redressa et dit ;

- Tu devrais écouter ce que les autres disent de toi. Vraiment. C’est très très instructif. Il ne fait aucun doute que tu es considérée comme la meilleure. J’en ai de la chance, d’être formée par la meilleure ! fit-elle avec un grand sourire.

Tia rougit sous le compliment et s’agita mal à l’aise. Elle se savait bonne, très bonne même, mais n’aurait jamais pensé que les mercenaires, qui avaient tous un ego démesuré, puissent être unanimes à son sujet et faire d’elle la numéro un.

Elle se mordit la lèvre et sous le regard gentiment railleur de sa compagne, se rengorgea. Après tout, qu’est-ce que ça avait de si étonnant ? Elle était la meilleure non ? Normal que les autres finissent par s’en rendre compte ?

Lex se mordit la lèvre pour ne pas recommencer à rire lorsqu’elle vit Tia passer d’un malaise adorable à la plus parfaite suffisance. Elle croisa son regard arrogant et sûr et Lex fondit. C’était quand même dingue d’aimer autant son arrogance. Ca agissait comme un aphrodisiaque sur elle.

Ca l’émoustillait au plus haut point. Immédiatement, elle se pencha vers elle et l’embrassa avec intensité. Des bruits d’écœurement lui parvinrent et elle rompit le baiser en souriant. Se tournant vers les jumeaux, elle les vit se mettre un doigt dans la gorge et mimer des hauts le cœur.

- Vous pourriez attendre d’être dans votre tente quand même ! Lança Len dégoûté.

Voir ses mères se faire des papouilles le dégoûtait toujours en même temps que cela lui faisait plaisir. Il adorait voir l’amour qu’il y avait entre elles, mais les voir en action c’était trop. Aucun enfant n’a envie d’imaginer ses parents le faisant et lui et sa sœur ne faisaient pas exception à la règle.

Sur ce, il se leva et les saluant, rejoignit sa tente. Lara ne tarda pas à rejoindre la sienne, elle aussi, épuisée par la marche du jour. Les filles et Frédéric discutèrent un moment de la journée du lendemain et des différentes options qui pourraient surgirent.

Puis chacun sentit la fatigante journée peser sur ses épaules. Ils éteignirent le feu et chacun partit dans sa tente. Frédéric retint Tia quelques minutes de plus puis ils se dirent bonsoir. En entrant à la suite de Lex, Tia vit que sa compagne avait arrangé leur couche à sa façon et cela fit briller ses yeux.

Les deux sacs de couchage avaient été attachés l’un à l’autre et Lex s’était glissée dedans. Complètement nue.

- Tu me rejoins ? fit-elle langoureuse. Il fait froid.

- Et se serait criminel de ma part que de te laisser congeler sur place, acquiesça la grande femme en se débarrassant de ses vêtements plus vite que la lumière.

Ils s’entassèrent dans un coin de la tente et Tia se glissa sous les duvets avec délice. Aussitôt la blonde se colla à elle et c’est avec un frisson de joie et d’anticipation qu’elle enroula son corps autour du sien, le réchauffant instantanément.

A quelques millimètres l’une de l’autre, elles se regardèrent longuement. Yeux verts se fondant dans les yeux bleu océan. Yeux bleus se perdant dans les yeux vert forêt. Et sans même qu’aucune d’elles ne s’en rendent compte… elles s’endormirent, épuisées par les sentiments ravageurs qui les avaient tourmentées une bonne partie de la journée.

Chapitre 3 :

 

Le lendemain, elles se réveillèrent avec l’aube, un peu surprise de la facilité avec laquelle elles reprenaient le rythme du travail. Elles se sourirent, amusées par la façon dont elles s’étaient endormies. Puis Lex n’y tint plus.

- Excuses-moi, fit-elle avec un regard contrit. Pour avant-hier. Je… je ne pensais pas ce que je t’ai dit tu sais.

Tia garda le silence un moment. Puis soupira. Son souffle chaud faisant fourmiller la peau des joues de Lex.

- Tu n’as pas à t’excuser. Tu n’as rien fait de mal. Moi, oui. Ce que je t’ai fait… Lex, tu ne peux pas savoir à quel point je m’en veux. Et je comprends parfaitement que tu aies été en colère. Et que tu le sois encore.

Lex secoua la tête et mit une main sur la bouche de la mercenaire.

- Tu te trompes Tia. Je ne suis plus en colère. Et je n’aurais même pas dû l’être. Je t’ai jugé avec des critères qui ne pouvaient pas s’appliquer à toi vu la vie que tu as menée. Nos valeurs n’étaient forcément pas les mêmes. Et je le savais. Ce qui m’a énervée, en fait, c’est… juste un caprice. Je… j’ai fait un caprice parce que tu as été avec Enyalios avant et que je suis quelqu’un de très possessif. Et que je ne supporte pas que tu sois à quelqu’un d’autre ou que tu aies pu l’être. Et… c’était juste un caprice Tia… je t’assure et je suis désolée…

- Je… eh bien, ça me rassure mais… Lex, le fait que je n’aie pas la même vision ou que notre éducation n’ait pas été la même, n’enlève rien à la douleur que tu ressens. Et tu as le droit de la ressentir. Que j’en comprenne ou pas la raison, ta souffrance est réelle. Tu n’as pas à t’en excuser. Et si tu as besoin de me la faire sentir pour aller mieux, alors fait-le. Puisque j’en suis la cause, il est plutôt normal que je sois celle qui te permet d’aller mieux.

La logique de Tia, une fois de plus, était confondante. Et cela enleva un poids des épaules de Lex. Elle caressa la joue de sa compagne avec une affection profonde puis dit :

- Merci. Néanmoins j’ai été méchante. Délibérément et ça… je m’en veux vraiment.

- Ca va, c’est pas grave, fit-elle avec désinvolture.

- Si ça l’est et ne prétends pas le contraire, s’il te plaît ! Je le sens, maintenant.

Tia grimaça. C’était vrai. Elle aussi sentait les états d’âmes de sa compagne, même si elle n’était pas aussi attentive qu’elle. Il faut dire qu’elle passait beaucoup de temps à éviter de ressentir son lien avec la louve, donc dans le même temps elle évitait forcément son lien avec Lex. Mais si elle se concentrait un peu, elle pouvait ressentir ce qui la tourmentait. Et ce nouveau lien la ravissait.

- Ok, mais de toute façon tu n’avais pas tort.

- Bien sûr que si ! Tia tu n’es pas une handicapée ! Je… c’était nul et méchant et gratuit et crois-moi j’ai honte de moi !

- Ok, alors disons que tu es pardonnée.

- Je ne le pensais pas tu sais. Du tout. J’ai juste voulu te faire mal et c’est la première chose qui m’est venue à l’esprit. Et…

- Lex ! La coupa-elle. Calme-toi, ok ?

La petite blonde inspira bruyamment et expira. Puis inspirant une nouvelle fois, elle hocha la tête.

- Tu es sûre que tu ne le pensais pas ? demanda Tia en cachant l’importance que cette question revêtait.

- Sûre et certaine, affirma la petite femme en hochant vigoureusement la tête.

Une vague de soulagement déferla en Tia et elle aspira une grande goulée d’air.

- Bon, alors… je te pardonne, ok ? 

Lex resta un instant silencieuse puis déclara :

- J’accepte d’être pardonnée si tu acceptes de te pardonner pour… Enrick.

Tia fit la moue. Lex la connaissait décidément trop bien. Maintenant qu’elle avait pris conscience de ce que son comportement avait eu de mal, elle n’accepterait pas facilement de se pardonner. Elle ne supportait pas de voir la douleur dans les yeux de sa compagne et savoir qu’elle en était responsable était une chose qu’elle ne se pardonnerait pas de si tôt.

Cependant elle savait que pour Lex être pardonnée pour sa méchanceté était extrêmement important, une chose dont elle avait besoin et elle sentirait si le oui de Tia était sincère ou pas. Et Tia voulait que Lex cesse de s’en vouloir.

En clair, elle était piégée.

Elle soupira et se plongea en elle, essayant de trouver une raison de se pardonner. Puis elle se souvint des paroles de Lex et s’y accrocha. Elle avait raison, son enfance avait joué un grand rôle dans la façon dont elle avait envisagé ce qu’elle avait fait avec Enrick. Et ça, elle n’y était pour rien.

Si elle acceptait cette idée, elle pouvait se pardonner. Alors c’est ce qu’elle fit.

- Ok, dit-elle finalement après un long moment de réflexion silencieuse.

Tia ressentit autant qu’elle vit, la joie et le soulagement profond submerger sa compagne. Et elle se félicita d’avoir fait cet effort. Lex prit sa main et emmêla ses doigts aux siens.

- Tu m’es précieuse Tia, chuchota la petite blonde ses yeux plongés dans les eaux bleues en face d’elle. Mais pour éviter d’autres scènes de ce genre, à l’avenir, j’aimerai que ton corps ne soit réservé qu’à mon unique usage. Comme ton cœur.

Et comme pour marquer ses propos, elle descendit la bouche sur le ventre de Tia qu’elle mordilla doucement puis goûta avec délectation. Elle sentit le frisson parcourir sa femme et elle sourit avant d’embrasser encore la peau si douce puis de remonter.

- Je ne dirais pas que tu es à moi, parce que tu t’appartiens avant toute chose, mais j’aimerais que tu te préserves pour moi. Que tu comprennes que ton corps est une chose importante et non un vulgaire outil qui te sert ou te dessert. Que tout en toi est sacré pour moi et qu’il le devienne aussi pour toi.

Tia était touchée par les mots et ils guérirent d’autres plaies restées encore à vif malgré tout l’amour dont elle était entourée depuis trois ans. La guérison n’était qu’une affaire de temps et d’amour lui avait-on dit.

Mais ça n’allait jamais assez vite. C’était toujours trop long et cela pouvait gâcher bien des choses. A nous de nous battre pour que ce processus difficile ne mette pas par terre tous ce à quoi nous rêvions et qui faisait de nous des êtres heureux.

Tia était particulièrement heureuse d’être tombée amoureuse de la personne extraordinaire qui partageait sa couche aujourd’hui. Lex était patiente avec elle, réfléchie et savait reconnaître ses erreurs. Et comme elle, elle ferait tout ce qui était en son pouvoir pour faire de leur couple une réussite. Elle croyait en leur amour, en elles et Tia savait, qu’il en faudrait beaucoup, beaucoup, pour que leur couple soit un échec.

En cet instant, elle sentait même que rien, ne pourrait les séparer. Si elle en croyait la louve, dans leur première existence, seule la mort les avait séparées. Et même ça, ça n’avait marché qu’un temps. Toutes deux avaient combattu la donnée inéluctable qu’était cette condamnation et s’étaient cherchées vie après vie, pour finalement se retrouver.

Si leur destin était d’être ensemble alors rien, pas même la mort, ne saurait les séparer. C’était ce que disait la bénédiction qu’avait prononcé Lex à la fin de leur union sur l’île déserte et Tia y croyait. Dur comme le diamant.

- Je suis à toi, Lex. J’étais à toi au moment même de ma naissance. Et ne pas le savoir n’en rendait pas moins cette chose réelle. Je suis à toi depuis toujours. Si j’ai du mal à accepter les propos de la louve, le fait est que de ça, je suis certaine. Je suis à toi depuis toujours. Je n’ai fait que survivre jusqu'à ce que tu arrives dans ma vie. Tu es la seule, Lex. Et tu seras toujours la seule. Je n’en veux aucune autre. Ni de corps, ni d’âme. Que toi.

Tia avait pris le visage de sa compagne entre ses mains et Lex passait un pouce tendre sur la main qui la tenait, caressant de son autre index le nez, les sourcils et la mâchoire de sa compagne.

- Je suis à toi. Tu peux le dire Lex. Parce que c’est la vérité. Même lorsque j’étais avec Enyalios, je t’attendais. Tu n’as pas à t’inquiéter de lui. Il est… important c’est vrai. Et tu sais pourquoi, mais… il ne le sera jamais autant que toi. Même mes enfants ne le sont pas. J’ai un peu honte de dire ça et de le ressentir, mais Lex, c’est la vérité. Tu es plus importante pour moi, qu’eux.

Sous le choc, Lex en sentit sa mâchoire se décrocher. Elle était partagée entre une joie sans pareille et la honte de voler l’amour d’une mère à ses enfants. Rien ne devait être plus important pour un parent que ses enfants. Tia sentit son dilemme et se rapprochant chuchota :

- Ne t’en veux pas. Ce n’est pas une chose que toi ou moi avons voulue ou provoquée. C’est arrivé c’est tout. Je t’aime et c’est comme ça. Les jumeaux le sentent, tu sais. Et si parfois ils se montrent jaloux, ils savent que personne n’y peut rien. L’amour ne se commande pas. Pas plus que son intensité. Alors cesse de te flageller et profites-en.

Lex secoua la tête une fois de plus soufflée par l’éloquence et la justesse des propos de sa compagne.

- Et dire que les gens te prennent pour une rustre par ce que tu ne leur parles presque jamais. S’ils savaient ! fit-elle en roulant des yeux.

- Moi, je suis contente qu’il n’y ait que toi à savoir, répondit la grande femme en déposant un doux baiser sur les lèvres douces. En plus, il n’y a que toi qui m’inspire comme ça. Crois-moi, je ne parle pas aussi bien avec les autres !

- Je suis sûre que si tu te forçais…

Tia secoua la tête.

- Non, Lex, c’est toi la discoureuse de la famille, n’essaies pas de m’embaucher là dedans...

Lex rit et haussa les épaules.

- Je pouvais toujours essayer.

Tia sourit et déposa un dernier baisé sur le nez de sa femme avant de se lever. Sa femme. Décidemment, ce mot lui plaisait infiniment.

Lex protesta lorsque l’air frais du matin toucha sa peau et elle se dépêcha de rabattre le duvet sur sa tête. Tia rit et s’habilla en toute hâte. L’air du matin portait encore les traces de la nuit.

Puis elle sortit et se dit qu’elle pouvait bien faire un petit feu, du moment que celui-ci n’était que braise. Cela lui prit quelques longues minutes mais elle parvint à faire rougeoyer du bois sans qu’il ne fume et elle posa une casserole d’eau dessus. Elle retourna ensuite dans la tente et rit en voyant une Lex complètement rendormie avec des nœuds de la taille de nid dans les cheveux.

Elle secoua la tête, récupéra les sachets de thé et de café, ainsi que les des tasses et ressortit. Elle passa les minutes suivantes au-dessus du feu, à préparer le thé pour elle et les enfants et le café pour Lex et Frédéric.

Lorsque tout fut près elle réveilla tout le mode, en commençant par sa compagne qui agrippa la tasse avant même de rouvrir les yeux. Elle obtint un éveil instantané de Frédéric qui la fit presque sursauter et des grognements rageurs de ses jumeaux.

Lorsqu’elle eut fini, ils se retrouvèrent tous autour des braises chaudes à moitié endormis. Seule Tia avait l’air parfaitement éveillé. Elle leur sourit et chacun d’entre eux la fusilla du regard, exception faite de Lex qui avait les yeux toujours fermés et les mains fermement enroulées autour de sa tasse de café. Elle savourait ce nectar comme si un dieu lui-même l’avait fait.

Tia secoua la tête en avalant une gorgé de son thé au caramel.

Le petit déjeuné fut donc particulièrement silencieux, chacun tentant vainement de se réveiller avec le soleil. De temps en temps elle voyait Len et Lara jeter des coups d’œil en direction de Lex et cligner des yeux devant l’improbable coupe de cheveux qu’elle avait. Puis ils retombaient dans leur demi-somnolence et avalaient leur thé.

Lorsqu’ils eurent tous finis, elle les houspilla pour qu’ils s’habillent et remballent le campement. Elle voulait être repartie pendant que la chaleur était encore supportable.

Chacun fit ce qui lui était demandé et elle prit la carte du désert qu’Enyalios avait laissée à son attention pour le cas où et s’interrompit en entendant un cri outragé en provenance de sa tente. Elle attendit l’inévitable reproche.

- Tia ! Faudrait penser à grandir un jour !

Elle rit et entendit les jumeaux ricaner.

Un quart d’heure plus tard, ils étaient tous prêts à partir. Ils se mirent en route, Lex grommelant en passant une brosse rageuse dans ses cheveux tout en fusillant sa femme des yeux.

Tia ricana dans son coin et échangea des sourires avec les jumeaux. Ils firent passer la matinée en jouant à « à qui je pense ? » Les jumeaux étaient très forts à ce jeu mais pas autant que les deux femmes. Cependant Frédéric décida soudain de participer et à la stupeur générale, il les écrasa tous.

Un peu dégoûtée, Tia décida de renoncer à jouer. Lex la traita de mauvaise joueuse et Tia haussa les épaules et pressa le pas. Les jumeaux ricanèrent.

Lorsqu’il devint évident que la chaleur n’allait faire qu’augmenter encore, ils cherchèrent un coin où se mettre à l’abri et ne le trouvèrent que deux heures plus tard. Un énorme rocher semblable à celui se trouvant en Australie leur permis une pause qu’ils accueillirent avec soulagement.

Les jumeaux s’affalèrent en soupirant et Frédéric, s’il ne s’écroula pas, n’avait pas meilleure mine.

- Ce n’est plus de mon âge, soupira-t-il en s’essuyant le front.

Len et Lara n’eurent même pas la force de se moquer. Tia s’accroupit et sortit de son sac des rations de viande sèche et de l’eau et distribua le tout. La mercenaire s’assit contre le rocher et avala avec avidité plusieurs gorgées d’eau.

Lex s’assit à côté et malgré la chaleur qui faisait coller leurs vêtements à leur peau, elle s’appuya contre la grande femme et posa sa tête contre son épaule. Avec un mépris, pour la chaleur moite, proche de l’héroïsme, Tia passa un bras autour de ses épaules et la pressa contre elle.

Lex profita de leur proximité pour se repaître de sa dose de câlins. Elles finirent par s’endormirent et les autres firent de même. Lorsqu’ils se réveillèrent trois heures plus tard, le soleil avait amorcé sa descente depuis suffisamment longtemps pour qu’il fasse moins chaud.

Ils se levèrent, s’étirèrent et poursuivirent leur chemin sous la houlette ferme de Tia et les grommellements fatigués des jumeaux.

Le soir venu, ils installèrent leur campement au point décidé par Tia. Ils se réunirent tous, emmitouflés dans leur grosse doudoune et leur couverture, pour manger leur ration.

- Je pense que l’on s’est assez enfoncé dans les terres, annonça la mercenaire. Enrick n’osera jamais venir jusqu’ici et de toute façon, il y a peu de chance qu’il y pense. Si on continue sur cette ligne, montra-t-elle sur la carte étalée au milieu d’eux, dans une semaine, on arrivera au niveau de Goutjav. On sera suffisamment loin des terres qu’il fait surveiller pour pouvoir se montrer.

- Et on restera là-bas ? L’interrogea sa fille.

- Oui. J’y ai une cache. On y restera jusqu'à ce que j’aie les renseignements que j’attends.

- Et une fois que tu les auras ? demanda Len.

- Alexia et moi régleront le problème et on pourra rentrer.

- Vraiment ? fit-il surpris. Aussi simplement que ça ?

- Oui, fit-elle sans préciser que c’était loin d’être aussi simple qu’il se l’imaginait.

- Cool !!! S’exclama Lara en même temps que Len.

Leur visage s’étaient brusquement éclairés. Et ils étaient beaucoup plus enthousiastes à l’idée de la marche qui les attendait. Tia voulut profiter de cette bonne humeur.

- Ca te dirait un peu d’exercices ? Demanda-t-elle à son fils.

Len se leva d’un bond en devinant à quoi elle faisait allusion et se mit en position. Tia rit et rejeta ses couvertures. Ils jouèrent quelques instants et luttèrent pour rire sous le regard indulgent de Frédéric, amusé de Lex et envieux de Lara.

La jeune fille observa attentivement les leçons que leur mère donnait à son frère. Elle ne comprenait pas pourquoi elle se sentait comme ça. Elle n’aimait pas particulièrement se battre et pourtant elle aurait adoré être à la place de Len. Et, se rendit-elle compte avec un certain étonnement, elle lui en voulait.

Elle retint facilement les gestes et mouvements, les répétant tranquillement plusieurs fois dans son esprit et observa sa mère avec une grande attention.

C’est fou ce qu’elle était belle… toutes ses amies à l’école ne cessaient de s’extasier sur sa beauté et elles trouvaient toutes génial qu’elle ait les mêmes yeux qu’elle. Et Lara était elle aussi très heureuse de ça. Mais lorsque ses amies lui disaient qu’elle devait ressembler à son père parce qu’a part les yeux, elle n’avait rien de commun avec elle, elle ne trouvait plus cela génial.

Elle ne savait pas qui était son père. Ni même à quoi il ressemblait. Etait-il vivant ? Mort ? Leur mère ne disait rien à son propos et malgré leur curiosité, ni elle, ni Len n’osaient l’interroger.

Ils sentaient qu’il y avait quelque chose là-dessous. Les seules fois où ils avaient essayé, l’expression de leur mère avait été si douloureuse et pleine de colère qu’ils n’avaient pas poussé plus loin.

Alors ils avaient extrapolé. Lara pensait que leur père avait été quelqu’un d’important dans la vie de leur mère. De très important. Qu’elle l’avait aimé. Plus que tout et que pour une raison, la mort peut-être ?, ils avaient été séparés.

Len pensait qu’il était mort, parce qu’autrement leur mère ne serait pas avec Lex. Lara se demandait parfois comment sa mère avait pu continuer sans leur père. Vu comme elle aimait Lex, et sachant qu’elle avait dû l’aimé plus encore, Tia devait être une vraie force de la nature pour ne pas avoir cédé à sa disparition.

Sa nature romantique, lui disait que c’était là, la bonne version et que leur mère souffrait rien qu’à entendre parler de lui, alors Len et elle avaient décidé d’un commun accord de ne jamais l’interroger.

Mais certain jour, c’était difficile. Elle aurait aimé savoir si elle tenait de lui ou pas. Savoir comment il avait aimé leur mère. S’il était au courant pour sa grossesse. Et s’il les avait aimés elle et son frère.

Lara avait du mal aujourd’hui. Elle voulait poser plein de questions. Voulait que sa mère s’occupe un peu d’elle. Aurait donné cher pour revoir David, même si lui ne le voulait pas. Et aurait vraiment aimé être chez elle.

Mais rien de tout ceci n’arriverait aujourd’hui, elle le savait. Alors elle quitta le petit groupe et partit se coucher. Elle ne parvint pas à s’endormir tout de suite et entendit les autres aller se coucher l’un après l’autre.

Elle entendit les rires de ses mères et se demanda comment sa mère avait aimé son père. Qui préférait-elle ? Lequel aimait-elle le plus ? Elle aimait vraiment beaucoup Lex. Depuis leur fuite du ranch, elles s’étaient beaucoup rapprochées et cela lui faisait plus plaisir qu’elle ne l’aurait cru.

Cependant son père était son père et comme tous les enfants, Lara voulait être sûre que pour sa mère celui-ci avait été unique. Spécial.

Elle soupira et se retourna dans son sac de couchage. A quoi bon toutes ces questions ? Elle n’en aurait jamais les réponses.

Elle se repassa la journée qui s’était écoulée, s’attardant sur les meilleurs moments et finit, enfin, par trouver le sommeil, le sourire aux lèvres.

 

************************************

 

Cela se passa au milieu de la nuit et malgré les précautions et alarmes misent en place par Frédéric et Tia, ils furent complètement pris au dépourvu.

Aucun des pièges ne se déclencha. Aucune alarme ne sonna. Aucun bruit de pas n’alerta les mercenaires et même l’ouïe fine et l’état de quasi alerte permanent dans lequel Tia vivait ne la prévint.

Seule une main ferme et solide s’abattit sur leur bouche dans le but évident de les empêcher de parler. Se réveillant en sursaut Tia se redressa ou plutôt tenta de le faire, mais de multiples mains la maintenaient au sol et alors qu’elle tournait la tête pour voir où était Lex, elle sentit une piqure dans son cou et redoubla d’efforts pour s’échapper.

Elle s’agita tant que ses agresseurs n’eurent d ‘autre choix que de l’écraser de leurs propres corps.

Une panique soudaine la saisie et Tia eut l’impression de replonger dans son passé. Elle s’efforça de juguler sa peur. Ce n’était pas le moment. Lex. Où était Lex ? Elle tourna la tête une fois de plus à sa recherche mais ne vit rien.

Soudain elle fut traînée hors de sa tente et surprise pensa que c’était sa chance. Mais alors qu’elle essayait de se redresser tout en accrochant ses doigts à ce qu’elle pouvait, elle se rendit compte que tous ses muscles réagissaient non seulement avec un temps de retard mais avec une grande faiblesse aussi.

Droguée. Elle avait été droguée. Une fois dehors, elle regarda autour d’elle et vit ses enfants allongés face contre terre, les pieds et les poings liés et elle eut peur. Elle tendit la main vers eux, mais une autre main, plus grande et plus dure, s’en empara.

On la retourna et on croisa ses mains dans son dos pour les attacher. Se faisant, elle remarque Frédéric dans le même état que les jumeaux et chercha Lex des yeux. On la mit sur le dos et une des silhouettes perdues dans l’ombre se pencha vers elle.

On la dévisagea longuement et elle devina un sourire. Un chuchotement suivit mais elle ne reconnut pas la langue. « Les fils du vent, songea-t-elle les idées embrouillées. Ca doit être les fils du vent »

Elle cligna des yeux pour essayer d’éclaircir sa vision et ouvrit la bouche.

- Lex ? fit-elle d’une vois faible. Où… est… Lex ?

Elle distingua la silhouette pencher la tête comme pour réfléchir. La comprenait-il ? Il se redressa soudain et l’entraîna avec lui. Tia se retrouva sur ses pieds, mais la faiblesse avait atteint ses jambes et elle s’effondra sur les genoux.

L’homme, la retint pour ne pas qu’elle bascule en avant et s’accroupit à son côté. Il allongea le bras devant lui et montra un endroit.

De plus en plus vacillante, la conscience pleine de brouillard, Tia suivit la direction indiquée et dut se concentrer sérieusement pour arriver à voir ce qu’il lui montrait. Lorsque ce fut fait elle écarquilla des yeux horrifiés.

Lex était entouré d’une bande d’homme qui étaient tous penchés sur elle. Elle ne distinguait pas vraiment ce qu’ils faisaient, mais elle voyait sa compagne se tortiller pour échapper à leurs mains baladeuses et le sang de la grande femme ne fit qu’un tour.

Elle s’appuya sur un pied et se redressa vivement. La voyant retrouver des forces subitement, l’homme à côté d’elle récupéra quelque chose et le planta dans le cou de la grande femme avant de la laisser aller.

Le temps que Tia rejoigne sa compagne, la nouvelle dose du produit que l’homme lui avait injectée se fit sentir. Elle tomba à genoux au bord du cercle dans lequel se trouvait Lex et elle gémit.

Elle tenta de glisser sur les genoux mais le produit se propageait plus vite qu’elle ne bougeait. Et elle tomba rapidement face contre terre. Avant de sombrer dans l’inconscience, elle vit Lex regarder vers elle et s’accrocha à son regard avec la force du désespoir.

Yeux verts dans yeux bleus.

Jusqu’à ce que le noir gagne sur sa lumière.

Chapitre 4 :

 

Elle ne se réveilla que tard le lendemain après-midi. Elle avait la tête posée sur les genoux de Lex et celle-ci lui caressait les cheveux tout en la veillant d’un air anxieux et plein d’affection. Lex était relativement calme et lorsque sa compagne ouvrit enfin les yeux et qu’elle croisa le bleu océan vif qui hantait les moindres minutes de son existence, elle sourit avec affection, un soulagement profond l’envahissant.

Puis une impression de déjà-vu puissante la frappa et une image brouillée de sa compagne la frappa. Elle était allongée comme aujourd’hui sur ses genoux, mais son visage était tuméfié et elle était vêtue non pas de son pantalon en coton et de son débardeur noir mais d’une sorte de drap blanc, sale.

Le regard de cette femme n’était pas tout à fait celui de sa Tia, mais il lui ressemblait tant et ce qu’elle voyait et sentait de sa condition physique était si grave qu’elle en eut les larmes aux yeux.

- Lex ? fit la voix incertaine de sa femme.

Une main lui toucha la joue et Lex ferma les yeux en se mordant la lèvre. Lorsqu’elle les rouvrit le regard bleu douloureux fut remplacé par un regard tout aussi bleu mais empli d’inquiétude brumeuse.

Tia avait du mal à faire le point. Elle avait la tête en coton et ses idées s’embrouillaient.

- Ca… va ? demanda-t-elle d’une voix rauque.

Lex hocha la tête.

- Maintenant, oui.

Elle n’était pas très sûre de ce qu’elle avait vu, mais pensait que cela devait avoir un rapport avec ce qu’avait dit la louve de leur vie passée. Elle ne voyait pas d’autres explications à son hallucination. Si tel était bien le cas, alors il semblerait qu’elles avaient déjà traversé ce genre d’épreuves.

Elle aurait juste aimé savoir si elles y avaient survécu. Parce que vu l’état de la Tia d’autrefois… Soudain, Lex fronça les sourcils. Et si c’était un avertissement ? Elle baissa les yeux sur sa compagne à la recherche d’une quelconque blessure mais ne découvrit rien.

Tia qui avait toujours du mal à savoir où elle était et ce qui avait bien pu l’y amener, la laissa faire avec perplexité.

- Tu… crois que c’est… le moment ? fit-elle d’une voix hésitante.

La petite femme s’arrêta une seconde et secoua la tête en levant les yeux au ciel quand elle saisit l’allusion.

- Même dans cet état c’est la première chose à laquelle elle pense, marmonna-t-elle pour elle-même. Je ne sais pas si je dois être flattée ou consternée.

Puis Lex arrêta son exploration en poussant un soupir de soulagement et se tourna vers sa compagne qui ne comprenait toujours pas ce qui lui avait pris.

- Je vérifiais que tu n’étais pas blessée, expliqua-t-elle.

- Pourquoi je le serais ?

Lex la fixa un instant étonnée puis se pencha sur elle et étudia ses pupilles.

- Purée, mais ils t’ont donné quelle dose ? S’exclama-t-elle abasourdie de les voir si dilatées.

Ca expliquait aussi la longueur du sommeil. Frédéric, les jumeaux et elle étaient réveillés depuis plusieurs heures déjà. Elle et Tia, pour une raison qui lui était inconnue étaient enfermées dans la même « cellule ». Et Frédéric et les enfants dans celle d’à côté.

Lex se redressa après avoir déposé un baiser sur le front de sa bien-aimée et lui avoir enjoint de se rendormir, ce qu’elle fit presque aussitôt. Il valait mieux qu’elle se repose, le temps que la drogue s’évacue complètement de son organisme.

Pour la centième fois depuis qu’elle était réveillée, elle évalua sa « cellule ». Elle ne voyait pas d’autre mot à lui appliquer même si celui-ci ne lui semblait pas approprié. Elle se trouvait dans une hutte assez grande dont l’unique pièce était coupée en deux par un grillage dont le maillage était si solide que rien ne semblait pouvoir le déformer.

Exception faite du grillage qui paraissait incongru dans une hutte, rien ne laissait supposer qu’ils étaient en prison. Des paillasses avaient été disposées contre les murs pour que chacun puisse se reposer. Des couvertures d’allure chatoyantes et plutôt douces les recouvraient. Le sol poussiéreux était par endroit recouvert de grands tapis tissés à la main. Et des lampes à huile étaient disposées sur des caisses en bois contre le mur du fond. Elles étaient dans des petites cages à oiseaux, si bien qu’on ne pouvait rien enflammer avec. Une petite ouverture sur le mur, à hauteur des lampes, permettait à leur geôlier de les allumer et de les éteindre quand bon leurs semblaient.

Deux portes donnaient sur leurs cellules mais elles étaient précédées d’un grillage cadenassé et Lex et Frédéric avaient déjà essayé de le retirer sans aucun succès. Ils n’avaient même pas pu le faire bouger.

Il n’avait aucun moyen de sortir. Lex secoua la tête et croisa le regard de Frédéric.

- Maman va bien ? Interrogea Len qui les avait observées se parler, sans rien entendre.

- Oui, ne t’en fais pas. Mais ils lui ont donné une dose plus importante qu’à nous, alors elle doit dormir.

- Pourquoi ils lui en ont donnée plus ? Intervint Lara en s’approchant du grillage qui les séparaient.

Lex haussa les épaules.

- Tu connais ta mère. J’imagine qu’elle ne s’est pas laissée faire.

Lara hocha la tête sérieusement. Sa mère n’était pas n’importe qui, on ne pouvait pas l’avoir comme ça. C’était donc logique qu’elle ait reçu plus de tranquillisant qu’eux. Lex la regarda réfléchir un peu amusée. Le culte du héros était si visible…

- Et comment on sort d’ici ? Demanda Len.

Lex croisa le regard de Frédéric et ce fut lui qui répondit.

- Pour l’instant, on ne sort pas.

- Pourquoi ?!

- Parce que ta mère est dans les vapes et qu’on ne peut pas la traîner. Ca se remarquerait un peu. De plus c’est elle qui fait les meilleurs plans.

- Tu ne sais pas en faire ? demanda Len à Alexia.

La jeune femme s’agita, mal à l’aise.

- Si, mais…

- Mais quoi ?

- Sans une Tia éveillée, de toute façon on ne peut pas sortir, éluda-t-elle.

- Mais tu peux quand même y réfléchir, non ? Insista le garçon.

- Et que crois-tu que je fais depuis ce matin ? Répondit-elle sèchement.

Loin de mal le prendre, Len hocha la tête et se rencogna dans son coin.

- Je vais y réfléchir aussi, déclara-t-il sérieusement.

Lex fut impressionnée par le calme des jumeaux. Peut-être était-ce leurs gènes ? Ou bien ils n’avaient pas encore réalisé ? Ou cela pouvait aussi être l’habitude. Depuis 3 mois déjà, ils fuyaient devant divers ennemis. Avec la mère qu’ils avaient, ils pouvaient très bien s’être seulement adaptés à la situation.

Mais la personne qui lui semblait avoir le plus retiré de ces expériences négatives était Lara. La jeune fille gardait désormais son calme et son sang-froid en toute circonstance. Elle ne geignait plus à chaque petit problème, bien qu’elle ne se gêne pas pour râler de temps en temps.

En ce moment même, elle observait leur cellule comme si elle y cherchait un passage. Elle essayait de se rendre utile. Tia serait très fière de sa fille, quand elle le saurait. Lex lui sourit et Lara le lui retourna.

Puis la petite blonde revint à sa couverture humaine et passa une main douce sur le front de son amie. Son regard tomba sur la bague qu’elle lui avait offerte. Et elle regarda la sienne. Les émeraudes brillèrent lorsqu’elles accrochèrent les quelques rayons qui filtraient de l’ouverture au-dessus de sa tête.

En cet instant elle ne rêvait que d’une seule chose : avoir la possibilité de partir en lune de miel avec sa bien-aimée.

« A ce rythme, elles n’étaient pas prête d’y parvenir » songea-t-elle un brin découragée par toutes les complications qui jalonnaient leur vie depuis trois mois.

Elle posa la tête contre le mur et s’assoupit au milieu de ses pensées moroses.

 

**********************************

 

Lorsqu’elle se réveilla, elle sentit tout de suite la différence de température… et l’absence de sa compagne sur ses genoux. Elle ouvrit les yeux brusquement et se leva d’un bond. Tia se tenait devant elle, interloquée par son brusque éveil.

- Un cauchemar ? demanda-t-elle en s’avançant.

Lex secoua la tête et prit le temps de rejeter le sommeil qui ralentissait son cerveau avant de parler. Elle s’aperçut qu’il faisait nuit et fronça les sourcils.

- Il est quelle heure ? demanda-t-elle en montrant le ciel noir.

Tia leva deux sourcils parfaits, quelque peu surprise.

- Quelle importance ?

- Heu… ben, aucune.

Lex secoua la tête et revint à des préoccupations plus pratiques. Elle regarda derrière Tia et vit que les jumeaux dormaient, blottis l’un contre l’autre. Frédéric somnolait à leur côté, semblant monter la garde.

Tia suivit son regard des yeux et sourit.

- Je lui ai dit de se reposer un peu. Je le réveillerais lorsque se sera son tour.

- Son tour ?

- De monter la garde.

- Est-ce vraiment utile ? On est dans une prison, fit-elle en montrant la pièce d’un geste ample.

- Sans blague, railla la grande femme. Lex, vu la façon dont ils nous sont tombés dessus, je ne pense pas qu’aucune précaution soit inutile.

La petite blonde se souvint qu’aucun des pièges et alarmes ne fonctionnaient avant qu’une main ne s’abatte sur ses lèvres, la réveillant en sursaut.

- Tu as raison. J’aurais dû y penser.

- Oui. Tu aurais dû.

Lex se raidit devant le reproche à peine voilé. Puis haussa les épaules. Elle l’avait mérité.

- Tu as une idée pour nous sortir de là ?

- On est dans le désert. A moins qu’ils nous laissent partir de leur plein gré, je ne vois pas comment nous pourrions nous échapper.

Alexia la dévisagea, choquée.

- Tu… tu es sérieuse ?

- Ca serait testable si on n’était que toutes les deux, mais là… y’a pas assez de végétation dans le coin et je n’ai pas la moindre foutue idée de l’endroit où on est. Ca limite sérieusement les options.

Lex était abasourdie. Elle était persuadée que dès que Tia se réveillerait, elle trouverait un moyen de les sortir de là.

- Ceci dit, je pense qu’on a une chance d’être relâchés.

Lex releva la tête vivement.

- Vraiment ? Qu’est-ce qui te fait dire ça ?

- On est chez les fils du vent, tu te souviens ? Ils font parfois du commerce avec les gens de la ville alors ils ont pris l’habitude d’écouter leurs prisonniers avant de les tuer. Si les raisons de leur présence sont valables, ils leur font passer une épreuve et s’ils la réussissent, ils repartent sains et saufs. Si le prisonnier est un émissaire, il repart sans avoir à passer d’épreuve et avec un message de retour. Ils sont plutôt civilisés pour une tribu primitive, alors ça devrait aller.

Sur ces mots, elle retourna à son inspection méticuleuse de la cellule. Elle n’avait jamais rien vu de pareil chez des peuples primitifs et c’était si contraire à leur nature, qu’elle était hautement intriguée.

Lex sentit un gros poids s’envoler de ses épaules. Tia avait bien un plan. Certes, il s’agissait de respecter les règles pour une fois, mais au moins, elle avait un plan. Elle n’aurait pas dû douter. Tia avait toujours un plan de secours.

- Tu sais pourquoi ils nous ont séparés ? demanda-t-elle soudain.

Tia rit doucement et se retourna vers elle.

- Je crois qu’ils ont compris qu’on était un couple.

- Comment ils ont fait ça ?

- Mon comportement lors de notre capture. Je crois qu’ils ont eu peur de ce que je pourrais faire si je n’étais pas avec toi.

- Ah oui ?

Lex était perplexe. Elle allait poser une question lorsqu’elle remarqua enfin ce que faisait sa compagne. Elle s’accroupit à ses côtés et déclara.

- J’ai déjà regardé partout et y’a pas moyen de s’enfuir.

- Ce n’est pas ce que je regarde, fit-elle en grattant le mur de l’ongle. Regarde.

Lex fit ce que Tia lui demandait et elle vit la terre du mur s’effriter et laisser bientôt la place à une pierre dure et plate. Parfaitement lisse. Comme si elle avait été polie.

La terre n’était qu’un leurre. Cette tribu était bien plus avancée qu’ils ne le laissaient supposer. Mais pourquoi se cacher ?

- Qu’est-ce que… ? Bon sang, Tia mais qui sont-ils ?

La grande femme haussa les épaules en se relevant.

- On ne sait pas grand chose des fils du vent. Mais il ne vaut mieux pas qu’ils sachent qu’on a remarqué quoi que se soit si on veut repartir vivant.

Lex acquiesça et s’empressa de recouvrir le petit coin gratté par sa compagne. Puis elle se leva et passa les bras autour de sa taille et se colla à elle, appréciant avec délice, la chaleur qu’elle dégageait.

Tia sourit et se retourna. Elle l’attira sur une des paillasses et s’allongea sur le dos. Lex s’installa sans complexe sur le ventre de sa mercenaire et dit doucement :

- On n’a plus qu’à attendre alors ?

Elle sentit Tia acquiescer et son regard se posa sur les jumeaux.

- C’est fou, souffla -t-elle, comme ils peuvent s’endormir n’importe où, quelle que soit la situation.

Tia rit.

- Ils tiennent ça de moi.

- C’est sûr, oui.

Lex se redressa un peu pour croiser le regard de sa compagne.

- On ne devrait pas réveiller Frédéric ?

Un lent sourire sensuel naquit sur les lèvres de Tia.

- Qui a dit qu’on allait dormir ?

Un frisson d’anticipation remonta le long de la colonne de la petite blonde.

- On ne peut pas faire ça, Tia, protesta-t-elle à regret. Les jumeaux sont juste à côté.

- Il suffira d’être discret, fit-elle en faisant rouler sa femme sur le dos.

Sans lui laisser le temps de répondre, elle l’embrassa à pleine bouche et enroula sa langue autour de la sienne. Aussitôt un feu brûlant se propagea le long des membres de Lex et elle se pressa contre le grand corps chaud tentateur.

Les mains commencèrent à se toucher, s’explorer et un gémissement sonore sortit de la gorge de Lex. Tia reprit possession de la bouche pour la faire taire et fit glisser ses mains sous le t-shirt.

La respiration haletante, Lex se dégagea les lèvres et les posa sur la peau douce du cou de la mercenaire. Au moment où Tia pressait les seins aux pointes tendues, Lex se cambra et poussa un soupir qui se mua en gémissement lorsque Tia fit rouler les pointes entre ses doigts à travers le tissu du soutien-gorge.

La main de la grande femme lâcha un des seins et plus rapide que l’éclair s’abattit sur la bouche de sa femme. Elles se figèrent toutes les deux, le souffle court et virent les jumeaux bouger sans se réveiller. Elles poussèrent un soupir de soulagement et entendirent alors un raclement de gorge peu discret.

Frédéric les fixait hautement gêné.

- Je sais que je me fais vieux, dit-il sans les regarder, mais mon ouïe est loin d’être à ce point mauvaise.

Lex devint rouge comme une pivoine et Tia roula sur le dos en gloussant, pas le moins du monde embarrassée.

- Désolée Silent, dit-elle néanmoins. C’est la faute à la drogue. Elle m’émoustille.

- C’est marrant, répliqua-t-il en levant un sourcil broussailleux, moi, ça m’a plutôt donné envie de dormir.

Tia rit sans répondre et attira Lex sur elle. Celle-ci essaya de lui échapper tellement elle était gênée, mais la grande femme tint bon. Elle se pencha vers son oreille et dit :

- Cesse de t’agiter, amour, je veux juste te sentir contre moi. Même si je suis loin d’être aussi pudique que toi, je ne me vois pas faire l’amour avec toi sous les yeux de Frédéric.

Instantanément la petite femme cessa de remuer et se nicha confortablement contre l’épaule de Tia. La grande femme attrapa la couverture et les en couvrit avant de passer ses bras autour de la petite femme et de croiser les mains derrière son dos.

- Je te laisse le reste de la garde, jeta Tia à Frédéric qui acquiesça sans les regarder.

Il n’était pas très sûr de pouvoir un jour effacer les images et les sons qui l’avaient tiré de son demi-sommeil mais il avait bien l’intention de tout faire pour cela. Pour commencer, il ne les regarderait plus jusqu’à ce que l’image soit floue. Avec un peu de chance, au matin, il ne se souviendrait que ce petit bout de tapis recouvert de terre qu’il fixait obstinément et détaillait au point de s’en faire mal aux yeux.

Il allait apprendre par cœur les motifs du tapis et passerait ensuite au suivant, jusqu’au petit matin.

 

****************************************

 

Le lendemain aux premières lueurs du jour, non seulement Frédéric connaissait chaque motif du tapis par cœur, mais il en avait aussi saisi le sens. Les tapis n’étaient pas qu’ornementaux. Ils voulaient dire quelque chose.

Il associa chacun des tapis au suivant et les retournant sous différents angles et changeant, dans son esprit, les places de chacun des tapis, il finit par en décoder le sens global.

Il ouvrit de grands yeux stupéfaits et se jeta sur le grillage, ses pauvres articulations criant de douleurs devant cet effort sans préparation et appela :

- Tia ! Tia, réveille-toi ! fit-il avec un ton urgent.

La grande femme se réveilla d’un seul coup et se redressa, serrant Lex contre elle pour l’empêcher de tomber. Elle braqua un regard clair sur lui et fronça les sourcils. Puis balaya les lieux du regard avant de revenir à lui.

- Qu’est-ce qu’il y a ?

- Les tapis, fit-il en les montrant du doigt.

- Eh bien quoi ? Fit-elle en réinstallant sa compagne sur la paillasse.

Tia lui jeta un coup d’œil lorsque Lex se blottit contre elle sans se réveiller. Sa capacité de sommeil était aussi importante que celle d’un nouveau-né songea-t-elle en la contemplant avec un sourire.

- Les tapis, répéta Frédéric avec un air alarmé qui éveilla tout à fait la grande femme. Ils content une histoire ou un avertissement je ne sais pas exactement. Je ne crois pas qu’on soit chez les…

Au même moment la porte de la hutte s’ouvrit avec fracas et noya les derniers mots de Frédéric.

Horrifié, il vit deux hommes entrer dans la pièce où se trouvait les jeunes femmes. Tia se mit d’un bond sur ses pieds et protégea sa femme. Les hommes lui firent signes de la suivre sans paraître menaçant et après un échange de regards entre elle et Frédéric qui l’intrigua au plus haut point, tant Frédéric semblait vouloir qu’elle reste, elle les suivit.

Elle sortit à l’air libre au moment où Lex se réveillait et avant que son escorte ne referme la porte, elle entendit sa compagne l’appeler et se concentra sur son feu interne pour lui faire savoir que tout allait bien.

Un petit bond de la flamme de Lex lui répondit et elle sourit. Ce lien avait du bon parfois. Elle détailla l’endroit où elle se trouvait et stupéfaite découvrit que le village se situait au cœur d’une immense oasis. On se serait crut en plein milieu de l’Amazonie.

Entourée par la végétation, une cascade rugissante derrière un énorme bâtiment qui faisait penser à un temple de couleur noir, elle réalisa que le village se trouvait dans un ancien cratère. « Un volcan ? » songea-t-elle brièvement. Elle n’avait jamais entendu dire qu’il y en avait dans les parages. 

Elle avança escortée des deux hommes tout en détaillant son environnement avec une curiosité fascinée. Les deux hommes pour commencer étaient vêtus de pagne en lierre tressé. Une couronne de feuilles tressées serrées était aussi posée sur leur tête comme s’il s’agissait d’une distinction précise.

Ce que c’était, découvrit-elle en regardant les habitants du village la dévisager. S’ils portaient tous un pagne en lierre ou en feuille, aucun n’avait ce genre de chapeau. Ils devaient donc désigner les gardes. Elle remarque ensuite que quelque uns d’entre eux avaient droit au pagne en peau.

Peut-être que cela désignaient les meilleurs guerriers du groupe ? Les hommes qui l’accompagnaient portaient aussi des espèces de bracelets en os et un grand collier fait de…

Elle plissa les yeux puis les ouvrit en grands.

… de dents. Animaux et humains confondus. En traversant le village, elle vit qu’il était disposé de telle manière que le temple vers lequel ils se dirigeaient en était le centre.

« Super, railla-t-elle, une civilisation de plus avec un gourou pour chef. » Ceci dit, elle savait comment traiter avec ce genre d’individu imbu d’eux-mêmes et de leur soi-disant pouvoir divin.

Les habitations étaient toutes faites de terre sèche mais Tia soupçonnait que c’était un leurre, comme pour la prison et qu’elles étaient bien plus solides qu’elles n’y paraissaient. En arrivant au pied du temple, elle haussa des sourcils surpris et dégoûtés.

Le temple était bien plus grand qu’elle ne l’avait d’abord cru. Une volée de marches menait à un autel où, au vue du sang séché qui s’y trouvait, devait être pratiqué différents sacrifices rituels. Elle espérait vivement qu’ils ne prévoyaient pas de l’y placer. D’autres escaliers se trouvaient derrière et grimpaient, assez haut, jusqu’à l’entrée du temple.

Heureusement pour elle, ils poursuivirent leur ascension vers le temple lui-même. En montant les marches étonnamment lisses et peu froides, Tia comprit à quoi était dûe l’étrange couleur du temple. Il était fait en magma séché. Ils se trouvaient donc bien dans un ancien cratère de volcan.

Elle ne comprenait pas comment ces êtres primitifs avaient pu utiliser une telle matière et réussir à la modeler pour en faire un bâtiment. De même qu’elle ne comprit pas comment ils avaient fait pour lui donner une apparence aussi lisse et translucide. Des bulles d’air étaient visibles un peu partout et donnaient un aspect irisé magnifique à la construction.

C’était stupéfiant.

Il était impossible que les fils du vent aient pu construire eux-mêmes une telle chose. Tia était un peu perdue. Mais très intéressée. Elle avait une furieuse envie de négocier son retour amical afin d’étudier leur population.

Elle secoua la tête. Une chose à la fois. D’abord sortir vivant d’ici. Après, on verra pour y revenir.

En arrivant en haut de l’édifice, elle se retourna et embrassa la vue incroyable que ce point lui offrait. Le village était bien plus vaste que ce qu’elle avait cru et elle fut stupéfaite de voir sur une des extrémités du village, un bâtiment bas, mais large qui avait l’air d’un hôpital.

Un peu plus loin, sur un terrain dégagé, elle vit une floppée de gardes en train de s’entraîner avec la même discipline et rigueur que les soldats d’une armée.

« Ca ne collait pas, songea-t-elle complètement abasourdie. Rien ne collait. »

Les gardes finirent par s’impatienter et la poussèrent à entrer. Ce qu’elle fit. Aussitôt elle se retrouva plongée dans le noir. L’entrée s’ouvrait sur un couloir sombre à peine éclairé par des torches aux murs.

Elle le longea un long moment, puis descendit un escalier étroit. Enfin ils parvinrent devant une porte en acier trempé qui déconcerta une fois de plus la grande femme. Les gardes la poussèrent et elle s’ouvrit en grinçant.

Ils lui firent signe d’entrer et refermèrent la porte après l’avoir suivie. Ils s’installèrent de part et d’autre et la poussèrent en avant. Tia regarda autour d’elle avec curiosité et ne trouva d’autre mot pour décrire l’endroit que caverne. Une immense et très haute caverne. Et vide. Exception fait d’une sorte d’autel ou de table faite d’un très gros rocher plat, posée près du mur en face d’elle.

Il y avait aussi une table en bois massif posée sur sa gauche avec divers instruments et potions, ingrédients et papiers… un tas de bric-à-brac de l’avis de la mercenaire. Il y avait aussi un âtre ou une sorte d’âtre, parce qu’elle ne voyait aucun conduit de cheminé, derrière la table. Des peaux de bêtes diverses étaient déposées devant et du sang tachait le sol.

Tia fit quelques pas et s’arrêta. Une intense sensation de froid gluant s’insinua en elle et elle eut l’impression de connaître ce sentiment. Pourtant elle ne se souvenait pas de l’avoir déjà ressentie.

Un rire retentit en face d’elle et elle leva la tête, scrutant la pénombre d’où il provenait. Le rire retentit encore une fois et il fut comme un écho effrayant. Il était froid et plein d’une joie mauvaise. Enfin, un visage se matérialisa, les reflets des torches jouant sur ses traits et deux yeux noirs et pleins d’une joie glaciale se fixèrent sur les siens.

Une image émergea violemment de son inconscient, comme un souvenir qui ne lui appartenait pas. L’image d’une femme mauvaise vêtue, presque comme aujourd’hui, de peaux de bête. Une femme avec un démon en elle. Une femme dangereuse… lui souffla son inconscient. « Qu’est-ce que … ? » mais sa pensée fut coupée par la femme en face d’elle.

- Xena… souffla la voix froide. Enfin, on se retrouve…

Chapitre 5 :

 

La voix comme la pensée, la glacèrent, mais ce qui la figea sur place, ce qui lui fit peur comme elle l’avait rarement eu, ce fut son visage. Il était séduisant pourtant mais… elle le connaissait. Elle l’avait déjà vu et jamais dans des circonstances plaisantes. La mort avait rodé si près d’elle à chacune de ses apparitions que Tia était terrifiée de seulement la revoir.

Puis elle secoua la tête et évacua les pensées qui n’étaient pas les siennes. Mais les certitudes, elles, ne disparurent pas. Elle connaissait cette femme. Elle était aussi dangereuse qu’un serpent à sonnette. Et elle avait déjà essayé de la tuer. Et presque réussi, bien des fois.

Pourtant, la sensation gélifiante qui parcourait ses membres devenus gourds, lui firent comprendre, qu’aussi dangereuse qu’ait pu être cette femme auparavant, ce n’était rien en comparaison de maintenant.

« Bon sang, fit-elle en se forçant à avancer, ce que je déteste quand ces foutues pensées s’immiscent dans mon esprit ! » Elle ne pouvait pas nier leur existence bien qu’elle essayait vraiment. Mais elles étaient comme le lien entre elles, Lex et la louve ou comme ces images qui parfois effaçaient le présent. Elles existaient et avaient une raison d’être.

Elle se résigna donc à être à l’écoute et prit ces pensées pour un avertissement. Un du genre très sérieux.

Elle continua d’avancer vers la femme qui ne disait plus un mot. Elle se contentait de la regarder un grand sourire joyeux de reptile plaqué sur le visage. A mesure qu’elle avançait, Tia sentait le sang en elle se réchauffer, bouger lui était bénéfique. Pourtant, à chaque nouveau pas, l’air déjà lourd se densifiait en se faisant plus froid.

Elle avait la véritable impression d’être au Pôle Nord.

Elle s’arrêta et presque aussitôt ses membres s’engourdirent. Soudain une flamme bondit en elle et la réchauffa entièrement. C’était la flamme sombre de sa louve. Son âme noire. Elle respira mieux une fois réchauffée et pour une fois, remercia son autre elle-même d’être intervenue.

Elle se redressa et fit face à la femme qui devant sa nouvelle immobilité, sortit complètement de l’ombre. Elle était grande. Presque autant qu’elle. Brune, ses cheveux lisses tombant dans son dos. Les yeux noirs. Des lèvres pleines et une intelligence vive et acérée.

Elle avança vers elle avec un air pétri d’arrogance et de suffisance, avec un léger balancement des hanches. La flamme de sa louve palpita plus fort à mesure que la femme approchait et Tia eut peur.

C’était comme si sa louve réagissait positivement à la présence de cette femme. C’était vraiment une mauvaise idée. Elle essaya de tempérer la flamme de sa louve mais c’était difficile. La femme était si proche maintenant.

Elle se raidit et contrôla la flamme en respirant profondément et aussi calmement que possible. La femme serpent, car elle ne voyait pas d’autre nom à lui appliquer, fit le tour de sa personne en la détaillant avec délice.

- Ta résurrection a été longue à se faire, cette fois, fit-elle d’un ton traînant. Mais ton nouveau corps est … à la hauteur du précédent. Exception faite de ta peau plus foncée, tu es identique.

Tia secoua la tête, elle ne comprenait pas vraiment ce qu’elle disait mais sentait la vérité en émaner.

- Tu ne sais pas de quoi je parle, n’est-ce pas ? fit la femme serpent en se plantant en face d’elle. C’est presque vexant. Souviens-toi…, lui souffla-t-elle, Alti…

La femme serpent se recula.

- Bien que dans cette vie l’on me nomme Ashee. Assez proche, non ? Alors ? Tu ne te souviens toujours pas ?

Elle attendit mais l’absence de réaction de Tia fut assez explicite.

- Attends, susurra-t-elle en souriant, je vais t’aider.

Sur ces mots intrigants, elle tendit une main et la posa sur la joue de Tia qui frémit à ce contact. Une multitude d ‘images envahirent soudain sa tête et explosèrent derrière ses yeux. Si cela n’avait été que des images, ça aurait été supportable, seulement, chaque image s’accompagnait des odeurs, sensations et pensées d’alors.

Et les images qui défilaient étaient toutes plus horribles les unes que les autres. Elle, sur une croix. Un homme lui brisant les jambes. Elle hurla.

Elle, se faisant frapper par un tronc tombant d’un arbre, un piège, la douleur de la projection lui coupa le souffle.

Elle, se faisant traîner derrière le cheval de sa fille, dans l’arène de Rome. Le plus douloureux fut la haine de son enfant. Cela la transperça. Elle gémit et tomba à terre.

Elle en Inde. Alti devant elle, tenant entre ses mains sa précieuse Gabrielle. Son chackram se retournant contre elle. Son arme fétiche. La douleur vrilla sa gorge. Elle étouffa.

Elle en impératrice de Rome, accrochée à une croix, les mains et les pieds transpercés. Alti riant à gorge déployée .Une douleur suffocante lui déchirait la peau. Tia cria.

Elle tenta de se soustraire au toucher de son ennemi mais elle était trop faible.

Elle, se noyant dans les eaux gelées d’un lac. Sa dernière pensée… Gabrielle…

Enfin, la femme serpent la relâcha et Tia s’effondra sur le sol, haletante, frissonnante et avec l’impression atroce qu’on avait martyrisé son âme autant que son corps. Elle gémit et cela fit rire la femme-serpent.

Tia aurait aimé la tuer.

Elle se redressa en tremblant et lutta pour retrouver l’usage complet de ses membres. Une fois parvenue à la station debout, elle vérifia que son corps ne portait aucune marque et fixa stupéfaite la femme en face d’elle.

Elle l’avait connue, elle s’en souvenait et pourtant… ce n’était pas vraiment elle. Et les pouvoirs de cette femme étaient stupéfiants. Elle les avait déjà subis, elle ne devrait pas être surprise… pourtant elle l’était.

C’était trop compliqué, trop de pensées, trop de contradictions. Trop de nouveautés. Trop d’anciennes. Elle secoua la tête.

- Alors, ma chère… Xena. Te souviens-tu de moi maintenant ?

Tia ne quittait pas des yeux la femme serpent. Elle hocha la tête prudemment, elle tremblait encore tant, qu’un mouvement trop vif menacerait son équilibre.

La femme serpent se retourna vivement. Ses yeux brillaient lorsqu’ils se posèrent sur elle.

- Mais si tu es là, ta petite blonde l’est aussi, non ?

L’air réjoui de la femme serpent fit frémir la mercenaire. Elle serra les poings et se raidit.

- Où est-elle cette irritante petite blonde ? L’interrogea-t-elle. Elle savait toujours tout mieux que tout le monde ! Je n’ai jamais compris ce que tu lui trouvais.

Ashee secoua la tête.

- Elle était si faible.

- Tu ne sais pas de quoi tu parles.

La réflexion fit sourire la femme qui baissa la tête et la fixa par en dessous.

- Bien sûr que si. Ta grande faiblesse. Tu aurais dû te débarrasser d’elle. Ou me laisser le faire. Ensemble on aurait pu tout obtenir, fit-elle en se rapprochant. Mais non, tu préférais rester avec cette petite idiote qui se prenait pour une reine !

« Une reine ? » Tia haussa les sourcils.

- Mais elle t’a rendue faible Xena. Et m’a facilité la vie un bon nombre de fois ! Ricana-t-elle.

Elle se retourna brusquement et lança :

- Garoj !

Les deux hommes près de la porte de la caverne se raidirent aussitôt et firent un pas en avant. Ils la fixèrent et attendirent.

- Courun num yogaj namev !

Les deux gardes hochèrent la tête et s’inclinèrent dans un bel ensemble puis sortirent. Ashee lui fit de nouveau face.

- La petite blonde va nous rejoindre, déclara-t-elle avec un sourire gourmand.

Une lueur de terreur passa dans les yeux bleus ce qui sembla beaucoup distraire la femme serpent.

- Les gardes m’ont dit que tu étais accompagnée de deux enfants et d’un vieil homme. Je me demande ce qu’ils représentent pour toi, susurra-t-elle en lui tournant autour.

Tia rêvait de lui envoyer son poing dans la figure mais elle n’en avait ni la force, ni le courage. Toucher cette femme était comme de plonger en enfer. C’était effrayant. Elle devait découvrir ce qu’elle lui voulait. Le plan était toujours le même, sortir d’ici en vie.

Elle se racla la gorge et demanda :

- Comment s’appelle ta tribu… Ashee ?

Elle sut qu’elle avait bien fait de l’appeler par son nom lorsque ses yeux brillèrent soudainement.

- Le vent de la destruction.

Tia sursauta.

- Je ne savais pas que les fils du vent venaient de là.

La femme rit. D’un rire profond, riche et moqueur.

- Tu te crois dans le désert du Kalahari ? Xena, tu as perdu ton légendaire sens de l’orientation ? Nous ne sommes pas les fils du vent, chérie. Nous ne vénérons pas les esprits de la nature. Enfin, pas de celle là. Nos dieux à nous sont… plus ténébreux, sourit-elle avec perfidie.

- Et... tu es leur chef ?

- Leur chaman ou grand sorcier, appelle-moi comme tu veux.

- Où as-tu appris notre langue ?

- Oh Xena, voyons. Tu me sous-estimes, on dirait ? Ou bien ta mémoire n’est pas totalement revenue ?

Elle s’approcha et se plantant bien en face d’elle, la scruta.

- Hummm. On dirait presque… que tu n’es pas entière, c’est bizarre.

Elle secoua la tête et se recula. Croisant les bras, elle la considéra pensivement. Cette femme savait et devinait trop de chose. Tia n’aimait pas ça, elle s’empressa de détourner son attention.

- Alors où l’as-tu apprise ?

La femme serpent lui sourit.

- Dans mes souvenirs voyons.

Elle passa un doigt sur la joue de Tia et descendit.

- Ceux de mes vies passées.

- Et maintenant tu diriges ta propre tribu.

- Oui. Et tu n’en imagines pas la puissance. Ni leur fidélité. Ils me suivraient au bout du monde.

A ce moment là, la porte d’acier s’ouvrit de nouveau et les deux hommes entrèrent en encadrant sa compagne. Celle-ci cligna des yeux et regarda autour d’elle avec perplexité. Puis ses yeux tombèrent sur les peaux de bêtes et le sang et elle se raidit avant de chercher la personne que les deux hommes fixaient.

Lex vit d’abord sa compagne. « Elle voyait toujours sa compagne en premier », se dit-elle en souriant. Celle-ci avait l’air terrifié, bien qu’elle s’efforçait de le cacher. Et une Tia effrayée signifiait des tas d’ennuis. Lex déglutit et étudia un peu plus en détails sa femme.

Elle tremblait. Lex était stupéfaite. Mais elle se rendit vite compte que ce n’était pas de peur. Non, quelque chose d’autre. De la faiblesse et un peu de douleur aussi. Elle était pâle et avait l’air au bord de l’évanouissement.

Bon sang, que lui avait-on fait ?!

Elle se tourna vers la silhouette féminine qui quittait la proximité de sa femme pour venir vers elle et elle darda un regard furieux sur elle. La suffisance qui émanait d’elle, son sourire à la fois provocateur et perfide, « cruel », songea-t-elle, lui laissait entendre que c’était elle la responsable de l’état de Tia.

Et probablement leur chef aussi. Vu l’immense édifice où elle se trouvait et l’emplacement stratégique de celui-ci, ce n’était pas difficile à deviner.

Elle ne dit pas un mot lorsque la grande et séduisante femme s’arrêta devant elle et l’examina comme si elle était une espèce de race équine très intéressante, mais elle mit un mépris évident dans son regard.

La femme étrange rit devant son air buté et lui faisant face, plongea les yeux dans les siens.

- Toujours aussi arrogante petite reine.

Lex fronça les sourcils. Cette femme lui parlait comme si elles se connaissaient. Et Petite reine ? Que voulait-elle dire par-là ? Lex jeta un regard à sa compagne qui haussa imperceptiblement les épaules avec un air très inquiet.

Soudain la femme serpent se pencha sur la petite femme et tendit la main.

- Tu ne sais pas de quoi je parle, hein ? On va arranger ça, murmura-t-elle comme une promesse.

Les doigts touchèrent sa joue et leur froideur la firent sursauter, puis elle fut submergée par une flopée d’images hétéroclites, toutes aussi familières qu’étrangères.

Elle, habillée de peaux de bêtes assise sur un trône devant une multitude de femmes qui l’écoutaient avec ferveur.

Elle, avec un bâton, vêtue de vêtements courts et bien plus jeune qu’elle ne l’était aujourd’hui, fixant une femme… Tia, reconnut-elle avec saisissement, vêtue de cuir et assise sur un cheval.

Elle, vêtue de cuir rouge, des saïs en main, les cheveux courts et défendant du mieux qu’elle le pouvait sa compagne amnésique.

Elle, enfin, faisant face à cette femme, dans un rêve qui n’en était pas un, cette femme tenant sa vie entre ses mains.

Lex tomba à genoux et du sang coula de son nez.

Elle, encore, sur une croix, clouée. Elle hurla et des flots de sang jaillir de ses poignets et de ses pieds. Elle se recroquevilla en gémissant.

Tia se jeta sur la femme serpent et la plaqua au sol. Elle lui fit une clé de cou et l’air commença à manquer à la femme serpent, mais elle ne paniqua pas.

Le contact fut rompu entre elle et Lex et celle-ci retrouva la vue du monde réel et la douleur disparue. Elle ouvrit de grands yeux prudents et se redressant un peu chercha sa compagne. Elle la vit à côté d’elle, tentant de maîtriser la chef de cette tribu.

Lex jeta un rapide coup d’œil vers la porte et vit que les gardes les fixaient sans pour autant avoir l’intention d’aider leur chef. Si c’était étrange, c’était aussi une aubaine.

Lex reporta son attention sur sa compagne et se mit sur ses genoux au moment où sa compagne fut violemment projetée au loin. Elle la vit tomber sur le sol dur et se raidir. Elle sentit en elle-même le craquement qui retentit dans le corps de Tia et elle tressaillit. Se relevant en trébuchant, elle se précipita vers elle sans plus se préoccuper de la femme à terre.

Elle s’agenouillait devant Tia lorsqu’un rire froid et démoniaque retentit dans son dos. Sans briser le contact avec sa compagne, Lex releva la tête et fixa la femme qui se relevait. Le sourire réjoui et sadique qui relevait ses lèvres la frappèrent soudain.

- Alti…. Souffla-t-elle abasourdie.

A ce nom était associé une multitude de sentiments négatifs et de sensations désagréables. Des souvenirs brefs traversèrent sa mémoire mais aucun ne resta et Lex secoua la tête. Elle était en pleine confusion, tout était trop soudain, trop irréel, elle avait du mal à tout intégrer.

La seule chose tangible était la femme sous sa main et elle décida de reporter son attention sur elle.

Tia gisait sur le dos, le visage crispé en un masque de douleurs et de frayeur, Lex passa sa main sur sa joue et se pencha vers elle.

- Aide-moi, souffla la grande femme en essayant de se redresser.

Lex la fixa avec un mélange d’incertitude et de crainte.

- Tu es sûre ? Tia j’ai entendu quelque chose craquer…

Tia lui jeta un bref regard et lui montra son poignet droit tout en s’appuyant sur la main gauche pour se relever.

La voyant faire, Lex soupira et l’aida à se remettre sur pied en prenant bien garde à ne pas taper dans son poignet blessé. Une fois debout, Tia poussa sa compagne dans son dos et darda un regard noir et déterminé sur la femme serpent.

Lex ne s’en rendait même pas compte mais elle tremblait, oh pas autant que sa femme, mais cela suffisait à redonner des forces à Tia. Elle devait protéger son âme sœur.

La femme répondant au nom d’Ashee, s’approcha puis effectua une brève courbette :

- En effet. Mais aujourd’hui on me nomme Ashee, petite reine. Ravie de te revoir. Te dépecer va être un vrai plaisir. Et qui sait ? Cela me permettra peut-être de retrouver ma chère Xena ? fit-elle en tendant une main caressante vers la grande femme.

Celle-ci se raidit et recula précipitamment, ce qui fit rire la femme serpent.

- Oh allons Xena, un petit effort. Destructrice des nations, tu te souviens ? C’était ton plus grand rêve.

Tia secoua la tête et déclara d’une voix ferme et déterminée.

- Désolée, Ashee, mais ça ne me dit rien. Je m’appelle Tia, fit-elle ensuite. Pas Xena. Et mon plus grand rêve n’a rien avoir avec la destruction.

Ashee plissa les yeux et l’étudia un moment.

- Oui, on dirait bien, murmura-t-elle un peu déçue. Remarque, ça n’a pas grande importance. Je peux avoir ce monde sans toi.

Elle s’avança vers la table près de l’âtre et s’y appuya en se retournant pour leur faire face.

- Comme tu peux le voir, je suis bien plus puissante que je ne l’ai jamais été. Et j’ai une aide inestimable et très précieuse pour ce faire, fit-elle en levant la main pour désigner l’âtre derrière elle.

Elle se pencha en avant et dit sur le ton de la confidence :

- Un dévoreur d’âmes.

Tia ne savait pas ce que c’était mais elle frémit et Lex fit de même. Comme si elle connaissait leur inculture en la matière, Ashee expliqua :

- C’est un démon des enfers. Un des plus puissants. Un des plus dangereux. C’est pourquoi Perséphone, notre si majestueuse déesse du tartare, l’a enfermé dans le neuvième cercle. Mais j’ai trouvé comment communiquer avec lui. Et nous avons passé un marché.

Ashee se redressa et s’approcha de nouveau d’elles.

- Il aime bien les sacrifices. Le corps lui donne une consistance dans le réel, l’âme le nourrit et lui donne force et puissance.

Elle avait dit tout ceci en gardant le regard pointé sur Lex.

- Et ton âme est ancienne, chou. Ancienne et puissante. Il lui faut beaucoup de corps et d’âmes. Mais plus celles-ci sont puissantes, plus il pourra revenir vite. Et une fois, ici… il mènera le monde à sa destruction. Et nous le suivrons…. Comme ses plus fidèles serviteurs. Tu vois Xena… en définitive j’ai trouvé pire que toi.

Elle leva la main et les gardes à la porte s’approchèrent des femmes. Tia et Lex reculèrent en se serrant l’une contre l’autre.

Ashee rit.

- Calmez-vous les filles. Ce n’est pas pour tout de suite. J’ai pas mal d’affaires en cours, ajouta-t-elle avec un sourire pervers. Et puis, je meurs d’envie de savoir ce que ma chère princesse guerrière fait ici, avec deux gosses et un vieux, bon pour le rebus.

Tia ne se détendit pas pour autant et ne quitta pas Ashee des yeux jusqu'à ce que la porte d’acier se referme sur elle. Là, Tia tourna un regard tendu vers sa compagne et vacilla légèrement.

Lex passa précipitamment un bras derrière son dos et un autre autour de sa taille et la serra contre elle.

Tia soupira et clopin-clopant, elles rejoignirent leur cellule après un chemin de retour plus difficile que l’aller, sans dire un mot.

Les gardes les encadraient mais ne les surveillaient pas étroitement comme n’importe qui l’aurait fait. Vu les pouvoirs de leur chef et le lieu plutôt difficile d’accès où ils se trouvaient, ce comportement négligeant s’expliquait.

Tia n’en revenait pas de la galère dans laquelle ils se trouvaient. Et elle ne voyait pas le moins du monde comment en sortir.

Elle soupira de soulagement lorsqu’elles parvinrent enfin à leur cellule. Elles entrèrent et firent un signe de tête à Frédéric avant de s’installer sur une des paillasses. Tia fut heureuse de constater que les jumeaux dormaient toujours.

Elle s’appuya contre le mur et attira Lex entre ses bras. Elle vérifia les poignets et les pieds de sa compagne constatant que le sang ne provenait pas de blessures. Puis elle tourna le visage de Lex vers elle et plongea ses yeux dans les siens.

- Ca va ?

- Oui. C’était… vraiment étrange et déstabilisant mais… ça va. Et toi ?

- Ca va. Comme toi.

Lex hocha la tête et appuya sa joue contre le torse de sa compagne. Tia posa son menton sur les cheveux blonds et soupira une fois de plus.

- Ce n’est pas les fils du vent, hein ?

- Non.

- C’est ce que je voulais te dire, intervint Frédéric à voix basse, pour ne pas réveiller les jumeaux. Les tapis racontent comment les fils du vent perdent régulièrement du terrain sur cette tribu. Ils racontent aussi les massacres, le dieu qu’ils vénèrent, un démon, et les pouvoirs exceptionnels de leur chaman qui est aussi leur guide.

Tia hocha la tête.

- J’ai cru comprendre, oui.

- Ou es-tu allée ?

- Voir leur chaman. C’est une vieille connaissance apparemment.

- Vraiment ? Qui ça ?

- Tu ne connais pas.

- Elle veut me sacrifier à son dieu. Il adore les démembrements apparemment, ajouta Lex d’une voix fatiguée.

Frédéric la fixait bouche bée.

- Pour l’instant les sacrifices ne sont pas d’actualité. Elle veut savoir ce que je fais dans le coin et qui vous êtes.

Frédéric se reprit rapidement et hocha la tête.

- Tu as vu un peu où l’on se trouve ? Tu as une idée de comment se sortir de là ?

Tia secoua la tête.

- On est dans un cratère. Entouré de murs infranchissables et de végétation. C’est comme une immense oasis mais… pas moyen de s’échapper.

- Ils sont venus nous chercher, il doit donc y avoir un chemin, intervint Lex.

- Mais où ?

Là était toute la question, songea la grande femme en reposant sa tête contre le mur. L’unique question importante. Celle qui déterminerait s’ils vivraient ou mourraient.

Et comment y répondre, coincer dans cette cellule ? Tia était hautement découragée. Elle n’avait jamais autant eu à perdre et avait pour la première fois de sa vie, une peur atroce de ne pas être à la hauteur.

Chapitre 6 :

 

La journée passa et peu de mots furent échangés. Alexia essaya tant bien que mal de dégoter quelque chose de suffisamment rigide pour immobiliser le poignet de Tia, mais ne trouva rien et dut se résigner à lui faire un bandage très serré et de le lui mettre en écharpe.

Les jumeaux les interrogèrent sur les traces de sang qui maculaient leurs vêtements et le poignet cassé de leur mère et les filles répondirent de façon vague. A leurs questions sur la façon dont ils allaient sortir de là, elles ne furent pas plus précises, expliquant qu’ils n’étaient pas du tout à l’endroit prévus et que cette tribu était un brin plus agressive que les fils du vent.

Ils eurent l’air inquiet de cette nouvelle mais relativement confiant dans les capacités de leur mère à les sortir de là. Ils passèrent le temps en jouant à dessiner c’est gagner dans la poussière du sol.

Frédéric participa autant pour les garder calme que pour laisser les filles parler en toute tranquillité. Ils avaient conclu d’un commun accord de discuter de ce qu’ils convenaient de faire, le soir venu, lorsque les jumeaux seraient endormis. Certains aspects de cette tribu et de ce qui s’y passait pouvaient être vraiment trop choquants pour eux, et ils n’avaient pas besoin d’avoir deux ados paniqués sur les bras.

Lex et Tia les regardèrent faire en souriant et lancèrent quelques blagues de temps en temps. Tia resta de longs moments perdue dans ses pensées. Ashee n’avait pas fait que remonter les mauvais souvenirs, elle en avait fait revenir des dizaines d’autres. Elle s’était juste attardée sur les plus mauvais.

Elle faisait maintenant remonter les plus beaux. Ceux concernant… Gabrielle. Ce nom fit naître un sourire sur ses lèvres et de merveilleuses sensations l’envahir. Elle ferma les yeux et rappela toutes ces images à elle, s’attardant sur chacune aussi longtemps qu’elle le voulait, appréciant pour la première fois depuis le début de cette étrange histoire, d’avoir eu une autre existence.

Devant ces images et ces sensations, elle allait devoir accepter l’idée que tout ceci était réel. Ce n’était pas une super nouvelle, mais elle ne pouvait pas continuer de se voiler la face. Et puis une partie des images qu’Ashee avait ramenées était si belle et pleine d’amour que ça aurait été dommage de se dire qu’elles étaient fausses.

Elle vit sa compagne plus jeune, les cheveux blond-roux et une frange sur le front, ses yeux verts lumineux et des vêtements vraiment très courts sur le dos. Elle aimait particulièrement ce haut vert qui dévoilait une grande partie de son superbe ventre et mettait très bien en valeur sa poitrine.

Elle se tenait devant elle, un sourire plein de malice et d’innocence, appuyée sur son bâton de reine des amazones et la fixait l’air goguenard.

Une autre image remplaça celle-ci. Sa Gabrielle plus âgée, les cheveux devenus blond et plus courts. Un vêtement digne des mille et une nuit sur le dos. Des tresses dégageant l’ovale superbe de son visage, un maquillage digne d’une princesse. Des bijoux la couvrant… elle était à tomber.

Elle dansait sur un rythme envoutant pour Gurkhan un Tyran qui possédait un harem époustouflant. Gabrielle ondulait sans jamais quitter celui-ci des yeux, mais en ayant une conscience aiguë du regard de sa compagne sur elle.

Une autre image fit sauter celle-ci. Une Gabrielle ensorcelante, vêtue d’un soutien-gorge en cuir noir assorti à une jupe de cuir qui tombait au dessus de ses genoux, fendu sur le coté qui mettait merveilleusement ses jambes en valeur.

Elle s’approchait d’elle avec un regard empli d’un désir sous jacent, le corps envahi d’une langueur sensuelle. Gabrielle effleurait à peine sa peau mais envoyait des milliers de frissons dans tout son corps. Elle attrapa son visage et le tourna vers elle, l’envie d’elle si forte qu’elle aurait pu tuer cet impudent crétin qui était venu les interrompre.

Elle dut se rappeler qu’il était leur ami et le fils d’un homme bon qu’elles avaient beaucoup aimé.

Une tape sur son bras la fit revenir à la réalité et elle découvrit les yeux verts, qui hantaient ses rêves éveillés, avec délice.

- A quoi tu penses pour faire une tête pareille ? Demanda la petite femme.

Tia sourit et se penchant, embrassa avec fougue la bouche tentatrice. Elle repoussa sa compagne sur leur couche et la recouvrit de son corps sans cesser de l’embrasser. Lorsque pour reprendre son souffle, elle dut se détacher d’elle, Lex le souffle court lâcha avec un petit rire :

- Je vois. Avant que tu n’entames le second round, fit-elle en la voyant se pencher de nouveau sur elle, sache que nous ne sommes toujours pas seules.

- Et alors ? Répliqua la grande femme, je ne vais pas te déshabiller, juste te chauffer, fit-elle avec un sourire diabolique.

Sur ces bonnes paroles, Tia reprit possession de ses lèvres et lorsque sa langue entra de nouveau en contact avec la sienne, elle fut incapable de la repousser. Ses mains voyagèrent sur le dos de sa compagne sans jamais passer la barrière des vêtements.

Tia échauffa ses sens, de sa seule langue. Elle s’empara de ses mains et les plaqua au-dessus de sa tête, enroulant ses doigts aux siens, oubliant totalement son poignet douloureux, et inspirant profondément, fit en sorte que sa poitrine frôle la sienne ce qui arracha un petit halètement à sa compagne.

Lex soupira lorsque la jambe ferme de sa compagne entra en contact avec son entrejambe et Tia embrassa de nouveau la petite femme et la mena si haut dans l’excitation qu’elle en oublia le public.

C’est ce moment que la grande femme choisit pour se redresser. Lex ouvrit de grands yeux frustrés et interrogateurs et le sourire moqueur de sa femme lui rappela qu’elle n’avait eu que l’intention de jouer. Elle se rassit avec toute la dignité dont elle était capable dans ces circonstances et fusilla la grande femme des yeux.

Puis elle vit les yeux ronds des jumeaux et la rougeur sur les joues de Frédéric et se prit la tête entre les mains particulièrement embarrassée et furieuse contre sa compagne que rien ne semblait gêner.

- Vous avez une nouvelle image à dessiner, lança Tia à ses enfants. J’espère que vous en avez pris bonne note, rit-elle devant leur air effaré. Oh, allez remettez-vous, ce n’était rien qu’un petit baiser, railla-t-elle.

Lex fit la moue et les jumeaux haussèrent les épaules avant de revenir à leur jeu. Lara lança un regard curieux vers elles et Tia haussa un sourcil moqueur. Sa fille rougit et s’empressa d’essayer de trouver le mot que son frère essayait de lui faire deviner. Mais il dessinait vraiment comme un pied et elle ne voyait pas du tout ce que cela pouvait être.

- Notre fille est curieuse, chuchota Tia à l’oreille de sa femme. Il va falloir lui trouver une initiatrice sympathique à notre retour.

Lex lui jeta un regard incrédule. Sans s’attarder sur le fait qu’aucune d’elle n’avait la moindre idée de comment se sortir de là, elle n’en revenait pas de la proposition de Tia.

- T’es dingue ou quoi ? Répondit-elle enfin sur le même ton. On ne va pas jouer les entremetteuses !

- Bien sûr que non, rétorqua la grande femme en fronçant les sourcils. Il s’agit de curiosité là, pas de relations amoureuses. Pour s’engager là-dedans, il faut d’abord qu’elle sache si c’est son truc. Donc je propose une initiatrice, comme ça elle saura et nous serons rassurées de savoir avec qui elle l’a appris.

Lex ouvrit de grands yeux ronds. Elle secoua la tête. Tia avait vraiment une façon bien à elle de voir le monde !

- Non, Tia. C’est une très mauvaise idée.

- Pourquoi ?

Avant qu’elle n’ait pu répondre, la porte de leur cellule s’ouvrit et les deux femmes se raidirent en reculant. Les deux hommes, les mêmes que le matin même, entrèrent mais ne firent pas mine de les remarquer.

Cette attitude négligente aurait pu être insultante si elle ne servait autant leur plan.

Ils se dirigèrent vers le grillage séparant la pièce en deux et actionnant un mécanisme dans le mur à l’aide d’un code précis, entrèrent et se dirigèrent vers les jumeaux.

Lex et Tia se levèrent d’un coup et pénétrèrent dans la cellule à leur suite. Les hommes empoignèrent chacun un des jumeaux et se tournèrent pour sortir. Frédéric et les deux femmes leur faisaient face avec la ferme intention de ne pas les laisser aller.

Les gardes sourirent et l’un d’eux dit, dans un grec ancien approximatif :

- Si vous pas laissez passer, Ashee très très en colère. Vous pas vouloir Ashee en colère.

« Alors comme ça, Alti avait gardé certaines de ses anciennes manies », songea la grande femme en les entendant parler une langue morte depuis des siècles.

Frédéric et Lex firent un pas en avant, ignorant l’avertissement. Tia réfléchit à toute allure et prit une décision difficile. Elle posa une main sur le bras de Lex et lui fit signe de se reculer. Un signe à Frédéric et il se recula visiblement mécontent.

Laissant le passage aux gardes Tia fixa ses enfants et dit :

- Quoi que vous voyiez, entendiez ou viviez, n’oubliez pas que vous reviendrez ici. Et qu’on vous y attend.

Incertains, les jumeaux gardèrent les yeux fixés sur leur mère et hochèrent la tête. Lorsque la porte se referma sur eux, les deux autres se tournèrent vers elle avec un regard noir.

- T’as intérêt à avoir une bonne raison pour avoir laissé cette tarée emmener nos enfants, lança Lex tremblante de rage.

Frédéric s’appuya contre le mur du fond et posa un regard pensif sur elle.

- Je ne sais pas qui est cette femme et ce dont elle est capable, dit-il d’une voix calme, mais je ne pense pas que Tia soit une si mauvaise mère, fit-il à l’attention de Lex.

Ces mots calmèrent instantanément la petite femme et elle hocha la tête. Forçant ses muscles à se détendre, elle inspira profondément plusieurs fois et, plus sereine, se tourna vers sa compagne.

- Ok. Va-y. On t’écoute.

- Ils vont probablement passer un mauvais moment. Et dès qu’elle saura qu’ils sont de moi, se sera même certain. Mais elle ne les tuera pas. Et puis le garde avait raison. Je n’ai aucune envie de voir Ashee en colère. Nous ne sommes pas de taille. Ceci dit j’ai remarqué quelques petites choses qui devraient nous permettre de nous enfuir dès le retour des jumeaux. 

- Quoi donc ? S’enquit Lex soudain intéressée.

- Pour commencer leur totale confiance en eux. Ils sont si persuadés que nous ne pouvons pas nous enfuir qu’ils ne se donnent pas la peine d’effectuer une vraie surveillance. On ne devrait avoir aucune difficulté à s’esquiver. J’ai repéré un passage sur le côté de la prison qui se perd directement dans la végétation qui entoure le cratère. Ca va être long et difficile mais si on bouge sans arrêt on devrait pouvoir faire le tour du village jusqu'à la cascade. Je suis certaine que le chemin pour sortir d’ici est là-bas.

- Qu’est-ce qui te fais penser ça ? demanda Frédéric. Et puis une cascade ? Tu es sûre ? On n’entend rien d’ici.

- Non, en effet. Mais une fois dehors on ne peut ni la rater, ni ne pas l’entendre.

Lex confirma d’un hochement de tête.

- Tu veux dire que cet endroit est insonorisé ? Demanda-t-il sceptique. Pour quelle raison feraient-ils ça ?

Tia haussa les épaules.

- Pour qu’on est le moins d’infos possibles sur l’extérieur ? Tu sais que les meilleurs sont tous un peu parano. Et le moins qu’on puisse dire, c’est que celle-là l’est.

- Timbrée de chez timbrée, acquiesça Lex. Elle a la folie des grandeurs et un méga grain !

- Enfin bref, pour le chemin menant à l’extérieur, je pense qu’il est situé dans la cascade parce que celle-ci est en hauteur et va parfaitement avec le sens du drame d’Ashee. Elle peut ainsi faire une entrée remarquée digne de son ego. Et puis je ne vois pas d’autre endroit.

- Ok. Ce n’est pas comme si on avait le choix de toute façon, acquiesça-il. Quand passe-t-on à l’acte exactement ?

- Au retour des jumeaux. Ils ne seront probablement pas en bonne forme. Je compte sur vous deux pour vous occuper d’eux. Moi, je m’occuperais des gardes. Il ne va pas tarder à faire nuit, ça nous facilitera la tâche.

Elle fixa les deux autres avec attention. Ils hochèrent la tête dans un bel ensemble et elle poursuivit.

- On n’aura avec nous aucune de nos affaires ce qui compliquera les choses une fois dans le désert. D’autant plus qu’il n’y aura aucun endroit où nous cacher. En conséquence, on ne pourra pas s’arrêter, pas même une seule minute ; ça va être difficile, long et épuisant, mais c’est la seule façon pour nous de survivre.

- J’ai étudié un peu les tapis, intervint Frédéric. Et je pense savoir où nous sommes.

Il traça une carte dans la poussière et nota leur position ainsi que celle de la ville civilisée la plus proche, celle d’où ils venaient, celle où ils allaient et Tia forma un plan.

- Ok. Nous sommes là et vu nos moyens limités, je propose que nous allions directement ici, fit-elle en posant le doigt sur le territoire des fils du vent. Nous allons leur demander protection. Une protection temporaire afin de ne pas leur porter trop préjudice et j’imagine que le paiement sera coton, mais c’est notre meilleure chance.

Tia leva la tête.

- Vous êtes ok ?

Une fois de plus les deux autres hochèrent la tête.

- Bon, ils ne vont pas tarder à nous amener nos repas. On va les mettre de côtés de même que l’eau. Lex prends ce drap et fais-en un fourre-tout, on y mettra l’eau et la nourriture.

Lex acquiesça et s’empressa de le faire.

- Ok. Je ne sais pas combien de temps ça va prendre, reprit-elle une fois que Lex eut terminé, mais il faut que nous nous reposions, parce qu’on aura plus de répit après ça. Je sais que vous vous inquiétez pour les jumeaux et moi aussi. Mais ils vont revenir alors… dormez. Parce que si vous ne voulez pas qu’ils leur arrivent pire dans les jours à venir, on n’a pas le droit à l’erreur.

Lex et Frédéric savaient qu’elle avait raison mais c’était étrange de la voir parler de ses enfants avec un tel détachement. Ils attendirent le repas puis les enroulèrent dans des morceaux de draps propres et les mirent dans le drap qui leur servirait de sac à dos. Puis chacun s’installa sur une paillasse et tenta de se reposer.

Tia attira sa compagne dans ses bras et l’étreignit, repoussant une fois de plus la douleur qui traversa son poignet et lui envoyait des petites décharges dans le bras. Elle réprima une grimace et espéra que cela ne serait pas trop gênant dans leur fuite ? Même si elle savait d’avance que ça l’handicaperait.

Soudain, Lex se redressa et se mit en quête de son écharpe qu’elle l’obligea à passer.

- S’il te plaît Ti. J’ai bien conscience que tu vas avoir besoin de la retirer pour nous enfuir mais gardes-la pour le moment. Te sentir souffrir m’empêchera à coup sûr de dormir.

Comme prévu, l’argument fit flancher sa compagne et elle garda l’écharpe en soupirant. Lex ressentait bien des choses depuis qu’elle s’était liée avec Tia et plus le temps passait, plus leur lien devenait puissant et envahissant. Si elle appréciait d’être aussi proche de sa compagne, elle se demandait jusqu’où leur lien allait les mener et craignait un peu que leur esprit ne se mélange trop. Les sentiments de Tia bouillonnaient sous son air de « je contrôle tout, y’a pas de souci » et Lex en était foutrement étonnée. Elle était loin de s’imaginer que Tia pouvait être à ce point sous tension et aussi sensible à tout ce qui se passait autour d’elle. Tout, absolument tout, l’affectait et c’était épuisant de ressentir autant de choses.

Heureusement Tia avait fini par trouver un moyen de bloquer leur lien la plupart du temps, mais ça exigeait de sa compagne pas mal d’effort et cela se relâchait pendant la nuit. Du coup son argument pouvait paraître vrai, même si Lex souhaitait seulement que Tia prenne soin d’elle.

Elle s’adossa à la grande femme et ferma les yeux. Elle se concentra sur la calme respiration de sa femme, sur son odeur enivrante et sur les étranges images qu’avaient implantées dans son cerveau Ashee, et qui montrait sa mercenaire sous un autre angle, pleines de cuir et d’épées et avec un corps splendide, très dénudée, qui l’aida a repousser son inquiétude pour les jumeaux.

 

******************************************

 

Les jumeaux furent introduits dans une pièce différente de celle où leurs mères étaient le matin même. C’était une sorte de salon privé qui était à mille lieux de la pièce sombre et froide où Ashee pratiquait ses « communions » avec le démon.

Elle se trouvait au bout d’une table en chêne bien entretenue recouverte aux trois quarts par une nappe en lin brodée, posée en diagonale. Elle était en train de déguster un succulent repas et elle invita les enfants à faire de même.

Les jumeaux étaient perplexes. Ils venaient de traverser un village semblant particulièrement primaire et de passer à côté d’un autel manifestement utilisé pour des sacrifices, vu le sang séché s’y trouvant, et voilà qu’ils entraient dans une pièce plus raffinée que leur propre chez eux.

Ils s’assirent prudemment à table sans s’éloigner l’un de l’autre et posèrent un regard méfiant sur la femme à l’autre bout. Ils n’oubliaient pas l’état dans lequel leurs mères étaient revenues ce matin et si cette femme était le chef de cette tribu, c’était à elle qu’elles le devaient.

- Bonjour jeunes gens, fit la grande femme avec un sourire chaleureux.

Lara et Len hésitèrent mais leur bonne éducation fut la plus forte et ils hochèrent la tête en guise de salut. La femme se leva et s’approcha d’eux sans cesser de sourire. Elle était vêtue d’un pantalon en lin noir et d’un haut en daim primitif mais très bien coupé.

- Je me présente. Ashee, fit-elle en courbant la tête et je suis la chaman de cette tribu.

Elle tira une chaise près d’eux et s’assit.

- Je crains que nous ne nous soyons pas compris avec Tia et Alexia. Elles se sont plutôt montrées méfiantes et agressives et je me suis dit que si je discutais avec vous, nous pourrions nous comprendre et peut-être parviendrez-vous à convaincre ces jeunes femmes que nous ne vous voulons aucun mal. 

Les jumeaux hésitèrent. Il était vrai que leurs mères étaient du genre soupçonneux et un peu rentre dedans mais ils étaient quand même tous en prison. En même temps, les gardes semblaient pour le moins détendus avec eux et ils n’avaient pas été agressifs ou quoi que se soit.

- On vous écoute, fit Len.

Lara, elle, avait le visage fermé. Elle n’oubliait pas le poignet de sa mère et le manque de soin. Elle ne croyait pas un mot de ce que cette femme disait, mais cette femme pensait les amadouer avec un environnement civilisé, des propos les mettant en valeur et un sourire mielleux. Lara voulait voir jusqu’où elle avait l’intention d’aller pour les mettre dans sa poche et comptait bien en profiter, c’est pourquoi elle laissa son frère parler pour eux.

La femme sourit et hocha la tête.

- Eh bien pour commencer, j’aimerais savoir la raison de votre présence sur notre territoire.

Len haussa les épaules.

- Maman vous l’a pas dit ?

Lara leva les yeux au ciel et se retint de filer un coup de pied à son frère.

- Ta mère ? Tu veux dire Tia ? Fit la femme l’air de rien.

Len hocha la tête.

- Et Alexia qui est-elle pour toi ? Serait-ce ta mère ? Demanda-t-elle en se tournant vers Lara. Tu lui ressemble.

L’affirmation surprit la jeune fille qui fronça les sourcils. Len répondit à sa place.

- Tia est notre mère et Lex notre deuxième mère. Elle nous a adoptés il y a un peu plus de trois ans maintenant.

- Vous êtes jumeaux ? Fit Ashee étonnée.

Len acquiesça et Lara eut la furieuse envie de dévisser la tête de son cher frère. Pour l’empêcher de commettre d’autre bévue, elle lui mit la main sur le bras et lorsqu’il tourna la tête vers lui (« elle »), le fusilla du regard puis leva un sourcil. Il écarquilla les yeux puis hocha la tête un brin contrit.

Lara tourna un visage déterminé vers la chaman, ils étaient là pour avoir des infos pas pour en donner. Mais la chaman ne les regardait plus. Elle semblait perdue dans ses pensées. Soudain elle releva la tête et darda un regard intense sur eux et Lara frissonna devant la malice et la froideur qu’elle y décelait.

- Vous êtes jumeaux, murmura la femme pour elle-même. Et Xena est votre mère…

Lara et Len froncèrent les sourcils. Xena ? Ils se regardèrent et haussèrent les épaules. Lara, qui n’aimait pas être laissé de côté, interrompit la femme dans ses réflexions.

- Que doit-on faire pour sortir d’ici ? L’interrogea-t-elle.

L’éclair d’agacement qu’elle perçut confirma Lara dans ses positions, même s’il fut vite remplacé par une obséquiosité qui lui mit la puce à l’oreille.

- Mais rien voyons. Vous êtes libres de circuler comme bon vous semble.

- Et de partir ?

- Je suis désolée de devoir dire non, fit-elle avec un air de commisération feint. Nous ne pouvons vous laisser vous en aller sans savoir ce qui vous à amener ici. Nous devons protéger notre village, vous le comprenez j’en suis sûre. Mais même si je disais oui, je ne pense pas que vous soyez le genre d’enfant à laissez leurs mères derrières eux.

- Donc le droit de circuler ne concerne que moi et mon frère c’est ça ?

- Oui. Mais c’est parce que vos mères sont dangereuses. Tant que nous ne parviendrons pas à un accord, nous ne pourrons les libérer. Cependant avec votre aide, je suis certaine que nous dépasserons vite ce petit incident.

«  C’est ça oui, songea Lara railleuse, et la mère du père noël va débarquer ! »

Len hocha la tête et Lara le fusilla du regard. Quand donc cet idiot allait-il se réveiller ?! Cette femme n’était pas leur amie, bordel !

- Je me demandais si vous accepteriez de partager mon repas, fit-elle en désignant la table, emplie de victuailles plus alléchantes les unes que les autres.

Les yeux de Len brillèrent mais il tourna la tête vers sa sœur, quêtant son approbation. Elle hocha la tête et ils se mirent joyeusement à table. Ashee retourna à sa place et tout en dégustant son verre de vin, elle les interrogea :

- Qui est donc cet homme qui vous accompagne ? Votre grand-père ?

Lara vit que comme à son habitude, Len allait répondre sans réfléchir, elle lui flanqua un coup de pied, peu discret et il retint une grimace.

- Un ami, fit Lara en fixant la chaman dans les yeux.

Ashee hocha la tête en souriant et retourna à son plat. La petite était de toute évidence la chef de leur petit duo. Et elle était aussi méfiante que sa mère. Le garçon en revanche tendait plus à ressembler à sa mère adoptive, avec sa spontanéité et son côté à voir le bon en chacun.

Si ces enfants étaient bien ce qu’elle pensait qu’ils étaient, alors elle allait devoir trouver un moyen de briser la méfiance de la petite. Car ils avaient besoin des deux pour leur projet. Elle devrait pouvoir utiliser le garçon pour atteindre la fille.

Mais elle devait d’abord vérifier qu’ils étaient bien ceux qu’ils attendaient. Sans cela son peuple ne la suivrait pas. Mais elle était certaine de ne pas se tromper. Sinon pourquoi Xena serait-elle ici ? Elle avait toujours mis un point d’honneur à se trouver sur sa route pour foutre en l’air tous ces plans.

Cependant, cette fois-ci, il semblerait qu’elle annonce la venue de ceux qu’ils attendaient autant que son opposition à ses projets.

La femme sourit. C’était une belle soirée qui s’annonçait.

 

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Lizzie en avait ras le bol de se promener partout avec des gardes chiourmes. Son père et sa sœur étaient partis voilà deux jours pour leurs affaires et lui avait laissé des gardes du corps en plus d’agents du FBI pour la surveiller.

C’était du vrai délire ! Elle ne pouvait même plus aller voir ses amis sans entendre ces pots de colle grincer des dents ou essayer de les coincer pour trafics de drogue ou d’autres trucs soi-disant illégal !

Elle en avait sa claque ! Ses amies lui avaient dit de ne pas revenir si c’était pour les fourrer dans les ennuis. Et Lizzie n’appréciait pas qu’on la mette à l’écart comme ça. C’était elle qui décidait quand elle partait ou non !

Ils la prenaient tous pour une petite fille pourrie gâtée. Même les agents de Karl ! Les idiots.

Elle vivait dans ce monde de richards depuis 4 ans, certes. Mais elle avait passé bien plus de temps encore dans la rue et ce qu’elle y avait appris ne c’était pas effacé comme par magie de sa mémoire !

Elle allait fausser compagnie à ces idiots et leur montrer qu’une gamine, les crétins, elle avait 19 ans !, pouvait parfaitement les doubler.

Par la même occasion, elle allait faire comprendre à son père, qu’il ne pouvait pas contrôler sa vie sous prétexte qu’il l’avait adoptée ! Bon sang, elle était adulte ! Même si Tia refusait de le voir !

Elle profita du milieu d’après-midi, alors que ses gardes du corps se reposaient après le repas copieux et riche dont les avait gratifié Magdala à sa demande et se faufila à l’arrière de la maison sans que qui que se soit ne le remarqua.

Elle devrait remercier Magdala comme il se doit plus tard, de les avoir gratifié d’un bon cognac pour terminer le repas et non pas d’un café serré comme ils en avaient fait la demande. Magdala les avaient convaincus que c’était un des meilleurs et qu’ils avaient bien le droit d’y goûter.

La cuisinière en chef de la maison s’était prise d’affection pour elle dès son arrivée et cela avait été réciproque. Magdala ne pouvait pas lui résister. Elle la trouvait adorable et cédait à tous ces caprices. Lizzie l’adorait.

Cette affection sans condition lui avait manqué toute sa vie et bien que la femme ne soit que la cuisinière de la maison, elle l’aimait comme une mère. Et elle, elle l’aimait comme une fille.

Elle lui avait dit qu’elle se sentait comme un oiseau en cage et qu’elle ne les avait jamais supportés. Que Gin faisait preuve d’un excès de paternalisme et Magdala avait cédé. Bien sûr, elle s’en voulait un peu de lui avoir mentie, mais si elle lui avait dit la vérité sur la présence de ces gens, Magdala ne l’aurait jamais aidée et Lizzie en avait marre qu’on la prenne pour une gosse. Elle était tout à fait capable de se défendre.

Elle sourit en faisant un petit signe de la main à Magdala tout en se faufilant entre les haies qui cachaient la route où l’attendait une de ses amies.

 

Chapitre 7 :

 

Les jumeaux revinrent assez tard dans la nuit. Tia et les autres ne dormaient pas malgré ce qui avait été décidé et ils les entendirent arriver. Ils firent tous semblant de dormir et laissèrent les deux hommes aller jusqu’au grillage.

A ce moment là tout se passa très vite. Lex et Tia se levèrent d’un bond. Tia plaqua le plus grand des deux hommes contre le mur, pendant que Lex fauchait le second et le clouait au sol.

Frédéric attira les jumeaux vers lui et les repoussant alla aider Alexia. Tia étrangla presque son prisonnier. Elle l’étouffa doucement et malgré son gabarit musclé et sa détermination, l’homme sentit ses forces décliner. Le regard de cette femme était semblable à celui d’un prédateur assoiffé et il eut peur.

Alors qu’il se figeait, tétanisé par une frayeur que seule leur chaman et chef avait été capable de déclencher, il vit que la petite femme avait envoyé son frère à terre et il fut stupéfait de la voir le réduire à l’impuissance en à peine quelques mouvements.

Ces femmes étaient bien plus que ce qu’ils s’étaient imaginés. Alors que ces yeux se révulsaient à cause du manque d’oxygène, la grande femme retira son bras de sa gorge et il prit une grande goulée d’air en toussant.

Après qu’il eut pris sa respiration, elle lui parla dans la même langue qu’elle avait utilisé pour discuter avec leur chaman le matin même. C’était une langue qu’il ne comprenait pas et elle s’en aperçut puisqu’elle lui parla ensuite dans une des deux langues qu’ils utilisaient ici.

C’était celle que leur instruisait leur chef.

- Où est la sortie ?

Il ouvrit de grands yeux effrayés. S’il ne disait rien, il sentait que la femme devant lui pourrait lui faire très mal et s’il n’était pas un trouillard, il n’aimait pas particulièrement souffrir. Seulement, Ashee n’accepterait jamais une trahison pareille et ce que cette femme pouvait lui faire ne serait rien en comparaison de ce que sa chaman lui ferait.

Il garda donc la bouche fermée en posant de grands yeux inquiets sur la grande femme qui le maintenait contre le mur.

Tia le secoua en grognant et vérifia que ses enfants allaient bien. Lorsqu’elle remarqua qu’ils semblaient être en pleine forme, elle fronça les sourcils intrigués mais ne put s’attarder sur ce mystère.

Elle revint à son prisonnier et dut se résigner à ne pas avoir de réponse. Ashee lui faisait bien trop peur.

- Où sont nos affaires ? Tenta-t-elle encore.

Les lèvres de l’homme se mirent alors à trembler et furieuse, Tia se rendit compte qu’il ne dirait rien du tout. Elle grogna et il trembla comme une feuille. Elle leva un poing et l’abattit avec force sur sa tempe. L’homme s’écroula instantanément.

Elle le fixa d’un regard noir puis reporta son attention sur sa famille. Ils la fixaient tous dans l’attente de la prochaine chose à faire. Len hésita un peu puis déclara :

- Peut-être qu’on n’est pas obligé de faire ça ?

Sa mère le fixa stupéfaite.

- Qu’est-ce que tu racontes ?

- Peut-être que toi et la chef d’ici vous vous êtes mal comprises et qu’elle ne veut pas nous faire de mal.

Lex était sciée. Elle ne s’attendait pas à ça. Tia posa sur lui un regard froid et il frissonna. Lara lui marcha sur le pied et le regarda avec mépris.

- Elle a essayé de nous embobiner et il s’est complètement fait avoir, expliqua-t-elle à sa mère.

Len baissa les yeux un peu honteux.

- Je la connais, dit enfin la grande femme. Et Lex aussi. C’est le plus perfide et le plus cruel des êtres peuplant cette terre. Ne crois jamais un seul mot qui sort de sa bouche. N’écoutes jamais ce qu’elle te dit et ne passes aucun accord avec elle. Ils seront toujours à son avantage même si elle te fait croire le contraire.

Len gardait la tête baissée et Tia l’apostropha durement.

- Len tu as compris ?!

Il sursauta et hocha la tête vivement.

- Bien alors maintenant tout le monde me suit et fait ce que je lui dis. Sans discussion.

Ils acquiescèrent tous.

- Len tu restes avec Frédéric et toi Lara avec Alexia. Quoi qu’il se passe vous ne vous séparez pas, est-ce que c’est clair ?

Elle attacha solidement les deux hommes au grillage, vérifia leur bâillon et passa la tête au dehors pour vérifier si la voie était libre. Constatant que c’était le cas, elle se tourna vers les autres et dit :

- Vous restez courber et imitez chacun de mes mouvements. Si je rampe, vous rampez, si je cours vous courez. Des questions ?

Ils secouèrent la tête et Alexia ajusta leur sac de fortune sur son dos. Enfin prêt, ils suivirent Tia au dehors. Ils se collèrent au mur de leur prison et se courbant, ils la contournèrent.

Parvenus derrière la prison, Tia sourit. La végétation du cratère commençait effectivement ici. Quelle bonne idée de toujours construire les prisons à l’écart du village ! Elle entraîna son petit monde à l’intérieur du sous-bois et ils s’y enfoncèrent en silence.

Une fois suffisamment loin du village, elle les fit s’accroupir en cercle et chuchota :

- On doit aller dans cette direction, fit-elle en montrant leur but du doigt. On devra accéder à la cascade et j’imagine qu’il y a un chemin mais comme je ne sais pas où exactement, je pense qu’il faudra qu’on grimpe un peu.

- C’est là que tu te dis que finalement c’est génial que Lex nous ait appris l’escalade, hein ? Se moqua Len.

Tia sourit et acquiesça.

- Vous vous en sentez capable ? Fit-elle à l’attention de ses enfants et de Frédéric.

- On n’a pas le choix de toute façon alors ne t’en fait pas, répondit son ancien tuteur. On le fera. 

Les jumeaux acquiescèrent et ils se mirent tous en route. Le chemin était long jusqu'à l’autre bout du cratère et ne sachant pas si leur fuite avait été repérée ils durent se montrer très prudent. Régulièrement, Tia ou Lex les stoppaient et partaient en reconnaissance ou vérifier si leur fuite était toujours inconnue.

Avec toutes les précautions qu’ils durent prendre, ils mirent près d’une heure pour faire seulement la moitié du chemin et c’est à ce moment là que leur fuite fut découverte.

Tia revint vers eux aussi silencieuse qu’un chat et leur fit signe de se tasser un peu plus vers le sol. 

- Ils ont découvert les gardes ligotés. La bonne nouvelle c’est qu’ils ne savent pas par où nous sommes partis et que nous sommes très proche de la cascade. La mauvaise c’est qu’Ashee est avec eux et qu’elle va vite deviner où nous nous dirigeons. Il faut se dépêcher.

Elle se leva et abandonnant sa position courbée s’élança à travers la végétation dense qui les entourait.

 

*****************************

 

Ashee était à la fois furieuse et terriblement excitée. C’était du Xena tout craché. Elle sonda le passé des arbres entourant la prison et vit par où ils étaient partis. Elle leva les yeux et vit la cascade briller sous les rayons clairs de la lune. Elle sourit. Elle savait où ils allaient.

Elle se tourna vers son peuple et déclara :

- Il faut les rattraper coûte que coûte. La grande femme est la gardienne. Et les enfants sont les jumeaux que nous attendions. Ils ne doivent pas partir d’ici. Tout le monde connaît la prophétie. La gardienne doit mourir

Ses paroles provoquèrent un remous parmi les siens et si certains manifestèrent leur joie de voir enfin l’ère tant attendue arrivée pendant leur plan d’existence, d’autres parurent sceptiques.

- As-tu des preuves ? Demanda un des anciens du village.

Ashee s’agaça mais ne le montra pas. Elle n’était pas née ici et si elle avait su se faire respecter et s’imposer comme leur guide en leur montrant la puissance qu’ils pouvaient acquérir grâce à elle, elle n’avait pas oublié que c’était l’acceptation des anciens qui avait permis tout cela.

Parmi les peuples du désert, la sagesse accordée par les peuples à leurs anciens était légendaire. Les anciens étaient respectés, vénérés et écoutés. Elle ne pouvait passer outre leurs opinions et elle le savait. Néanmoins, elle avait hâte que le dévoreur d’âmes arrive et la débarrasse de ces gêneurs qui bien souvent, comme en cet instant, la ralentissaient.

Si elle l’avait pu, elle se serait débarrassée du peuple tout entier pour se débrouiller seule, mais elle avait vu l’avenir. Et c’était à leurs côtés que ses projets auraient une chance de se réaliser. Elle n’avait donc pas le choix.

- Je connais bien cette femme, fit-elle avec un sourire patient. Je la croise dans chacune de mes vies et toujours, elle se tient devant moi pour empêcher mes projets d’aboutir. Elle est aussi la mère des jumeaux. Cela ne fait aucun doute, elle est la gardienne.

L’un des aînés secoua la tête.

- Cela ne suffit pas. Rien ne nous dit que ces enfants sont les bons, n’est-ce pas ? Les as-tu vus dans l’avenir ?

- Non, répondit-elle à contrecœur, mais je sais qu’il s’agit d’eux.

- Nous sommes d’accord pour les rattraper, avant tout parce qu’ils ont violé notre territoire. Nous avons aussi beaucoup de respect pour tes dons et ce qu’ils apportent à notre peuple. Nous sommes plus forts depuis ta présence parmi nous, mais nous ne pouvons accepter tes dires sans une preuve concrète. Il ne s’agit pas de n’importe quoi. Mais de LA prophétie attendue et crainte par notre peuple depuis des siècles. Nous espérons que tu dis vrai. Dans cette optique, rien ne sera fait aux enfants. Les autres en revanche….

- J’aimerais qu’on les garde en vie, fit-elle tranquillement. Leurs sacrifices peuvent être ceux que nous attendons et surtout ceux que le dévoreur attend.

A ce nom, les têtes se courbèrent et le respect et l’admiration illuminèrent les yeux de tous ceux présents lorsqu’ils se posèrent sur elle. Elle se redressa fièrement. Même les anciens semblaient partagés entre crainte et profonde admiration.

Elle devrait utiliser le nom du dévoreur plus souvent. Cela rappelait à tous, qu’elle était la seule en mesure de lui parler et de le faire venir. La seule aussi qu’il tolérait. Cela augmentait encore son prestige.

Décidant qu’ils avaient suffisamment perdu de temps, Ashee leva la main et donna des ordres brefs. Deux secondes plus tard, trois hommes très bien bâtis et à l’air décidé, prirent la tête de trois équipes différentes qui partirent dans les directions que leur chaman leur avait indiqué.

L’une s’enfonça dans les bois, l’autre longea la forêt et la troisième se dirigea directement vers la cascade.

La chaman ferma les yeux et inspira profondément. Elles sentaient leurs odeurs. Leurs peurs. Leurs espoirs. Et elle rit. Ils ne lui échapperaient pas.

 

*******************************

 

Lizzie descendit de la moto de son amie en souriant. Elle n’avait pas mis de casque et avait adoré sentir le vent dans ses cheveux et sur son visage. Elle prit le casque de son amie et le lui tint pendant qu’elle posait son antivol.

Elle le lui rendit et la suivit dans la boite mal famée tenue par une de leurs connaissances. Elle fit un petit signe au videur et s’enfonça dans la pièce bruyante et enfumée à la suite de son amie. Elles traversèrent la première salle et entrèrent dans la seconde. Ici la musique, si elle était tout aussi forte, était néanmoins plus plaisante pour Lizzie. Il ne s’agissait pas de techno mais de danse.

Lizzie aimait beaucoup la danse. Elle aimait aussi le disco et le r’nb. Pour danser c’était génial !

Elle passa la seconde pièce en se trémoussant en rythme et arriva enfin dans la troisième pièce de la discothèque, celle où se regroupait toujours la bande. Le box du fond était entièrement utilisé par le groupe et Lizzie et son amie Max les rejoignirent en se dandinant.

Leur arrivée fut remarquée et amplement saluée.

- Tes gardes chiourmes ne sont pas là ? S’enquit Tamara en regardant derrière elle.

- Non, lui répondit-elle en souriant d’un air triomphant. Je me suis esquivée pendant leur petite digestion.

Tamara rit et lui tendit la main. Les yeux de Lizzie brillèrent. Tamara était la chef de leur petit groupe et elle était aussi la plus âgée. Elle avait 29 ans et ne la prenait pas pour une enfant sous prétexte qu’elle avait 10 ans de moins qu’elle.

Tamara était brune. Elle avait des cheveux coupés court et des yeux noirs comme la nuit. Des anneaux aux oreilles et du mascara lui couvrant les yeux, elle s’habillait toujours en noir ce qui mettait en valeur ces muscles fins et déliés. Comme à son habitude, ses bottes de rangers étaient posées sur la table et elle était renversée contre le dossier de la banquette.

Elle la fixait d’un regard langoureux et Lizzie n’y résista pas. Elle prit la main tendue et s’assit à ses côtés. Tamara appuya sur sa nuque et l’embrassa avec fougue. Lizzie frémit et moula son corps au sien.

Ce n’était pas Tia, mais c’était drôlement bon et Lizzie aimait beaucoup le contact de Tamara. Celle-ci n’était pas du genre fidèle mais cela n’embêtait pas Lizzie. Il lui était même arrivée de partager la couche de ses coups d’un soir. Ou de participer à une partouze improvisée.

Elle n’était pas une grande fan de ces choses là, cependant, cela plaisait à Tamara et elle voulait plaire à Tamara. Donc elle faisait avec.

Un homme s’approcha soudain de leur table et un regard suffit pour que Tamara se dégage de ses bras et plonge la main dans sa poche. Elle en sortit un petit paquet dans laquelle une poudre blanche miroitait et la tendit à l’homme. Il lui donna le paiement requis et disparut dans la foule ambiante.

Tamara se réadossa au siège et passa son bras autour de ses épaules. Lizzie se blottit contre elle avec un certain sentiment de malaise. Ce que faisait Tamara était trop proche de ce que faisait l’homme qu’elle avait elle-même tué pour venger la mort de sa meilleure amie voilà quatre ans maintenant. Pourtant elle n’avait pas vraiment le choix. Tamara n’accepterait pas de l’entendre remettre ses activités en question.

Elles passèrent les minutes suivantes à boire, rire et se peloter. La soirée avança et plusieurs clients à Tamara défilèrent. Puis un homme, différent des clients habituels, se planta en face d’elles.

Il posait un regard empli d’admiration sur Lizzie et son air ouvertement concupiscent excita Tamara. Si bien que lorsqu’il invita Lizzie à danser, Tamara l’incita à le suivre sur la piste. Lizzie n’avait jamais vu d’homme aussi beau et son air de surfeur californien et son sourire malicieux la charmèrent instantanément.

Elle ne se fit donc pas prier pour accepter et se dit que pour une fois, les désirs de Tamara et les siens se rejoignaient. Un petit trio avec cet homme ne l’embêterait pas du tout. Ou bien un duo si les trios n’était pas à son goût et Tamara se contenterait alors de jouer les voyeuses.

L’homme lui sourit, prit sa main et l’entraîna sur la piste de danse. Il l’attira tout de suite à elle et colla son bassin au sien puis ondula avec un art de la séduction consommé. Lizzie sentit le feu embraser ses sens.

Elle ne résista pas lorsque quelques minutes plus tard, il prit possession de sa bouche. Ils continuèrent de danser sans se lâcher, utilisant la musique comme un prétexte à leurs explorations rythmées, puis l’homme pressa ses hanches contre les siennes et Lizzie ne put retenir un gémissement (lorsque son érection appuya sur son entrejambe).

Il l’attira doucement dans un coin moins fréquenté et la plaqua contre un mur sans cesser d’onduler des hanches, (ce qui frottait contre son intimité et envoyait des langues de feu dans tout son corps.) Il glissa une main dans son dos et l’autre sur son ventre (repoussant le tissu de son vêtement et empoignant fermement un de seins.)

(Il en titilla la pointe et elle se cambra.) Soudain il la souleva et elle enroula ses jambes autour de sa taille. Il la mena sur la terrasse au dehors de la pièce enfumée et trouva un coin tranquille où personne ne serait susceptible de les interrompre.

Lizzie fut consciente que Tamara n’apprécierait pas d’avoir été ainsi tenue à l’écart de ses ébats, mais en cet instant elle s’en fichait. Cet homme avait un touché enivrant et elle ne souhaitait qu’une chose… prendre un maximum de plaisir.

L’homme déboutonna son chemisier (et engloutit ses seins puis se redressa) et la dévisagea un sourire, presque de regret sur le visage. Il passa la main dans son dos et murmura :

- Je regrette… vraiment.

Lizzie était un peu confuse. Que regrettait-il au juste ?

Un mouvement furtif attira son regard derrière l’homme. Avant qu’elle ne réalise quoi que se soit, elle se retrouva projetée au sol avec violence. Et gémit lorsque le sol dur écorcha ses paumes et ses genoux.

Elle entendit des bruits de lutte et se redressa rapidement. Elle ramena dans le même mouvement, les pans de son chemisier contre elle. Elle ouvrit de grands yeux lorsqu’elle découvrit Enyalios aux prises avec son amant du soir.

Et de plus grand encore lorsqu’elle vit que son beau surfeur était aussi doué pour le combat à main nue qu’Enyalios. Elle les fixa bouche bée durant tout le temps que dura leur combat. Elle ne comprenait rien du tout.

Que faisait Enyalios ici ?

La fraîcheur de la brise, finit par la ramener à la réalité et elle reboutonna son corsage. Soudain, Enyalios prit un formidable coup de pied sauté en plein visage et se retrouva rejeté contre les chaises derrière lui qui s’effondrèrent avec fracas.

Son surfeur californien ne perdit pas de temps et se retourna sauta par-dessus le petit mur de la terrasse. Avant de disparaître dans la nuit, il la fixa et lui sourit lui envoyant un petit clin d’œil coquin.

- On finira ça la prochaine fois ma belle !

Puis il s’évanouit littéralement dans les ombres et Lizzie se retrouva à fixer le vide avec une expression proche de l’ébahissement. Entendant du mouvement vers les chaises, elle en conclut qu’Enyalios était toujours en vie et se dépêcha à ses côtés.

Elle s’accroupit et demanda :

- Tu vas bien ?

Il grogna en se frottant la mâchoire et se releva avec son aide.

- Tia va me tuer, souffla-t-il agacé en ne voyant son adversaire nulle part.

Lizzie fronça les sourcils et l’interrogea :

- Qui était ce type ? Et pourquoi l’as-tu attaqué ? D’ailleurs qu’est-ce que tu fais ici ?

Enyalios se tourna vers elle et secoua la tête, la mâchoire vraiment douloureuse et un bourdonnement vrillant encore ses oreilles. Sacré coup de pied ! Ce type était vraiment aussi fort que le disait sa réputation !

- Je ne l’ai pas attaqué, rétorqua-t-il. Je l’ai empêché de te tuer. Tu n’as pas écouté ton père ou quoi ?! Vous avez un tueur à gage aux basques.

Lizzie écarquilla de grands yeux stupéfaits.

- Lui ?!

- Oui, Lui ! Alors tu serais bien sympa de rester avec tes protecteurs à l’avenir. Parce que tu as eu de la chance que je sois dans les environs. Je ne peux pas te suivre à chaque minute Lizzie. Tu n’es pas la seule cible potentielle ! déclara-t-il sèchement.

Lizzie baissa la tête consciente d’être passée très près de la mort et d’y être entièrement pour quelque chose.

- Je ne pense pas qu’il revienne cependant, fit-il en se radoucissant. Tu es prévenue. Il cherchera une autre cible, je repars donc demain. Mais tu ferais bien de ne plus quitter tes gardes du corps, pour le cas où je me tromperais.

Lizzie hocha la tête et il lui prit le bras.

- Qu’est-ce que tu fais ? demanda-t-elle intriguée.

- Je te ramène chez toi.

Lizzie ne protesta pas, mais regretta de ne pas avoir put aller jusqu’au bout avec son beau surfeur. Elle était vraiment frustrée et n’aimait pas du tout ça. Elle aurait aimé apaiser ça avec Tamara mais après ce qui venait de se passer, Enyalios ne la lâcherait pas alors inutile de demander.

- Tu ferais bien de revoir tes critères niveau fréquentations, fit-il en la poussant dans son van pourri.

Elle fronça les sourcils et lorsqu’il monta à son tour dans le véhicule, elle désigna l’engin d’un air dégoûté.

- Tu ne pouvais trouver plus pourrie ?

- Dans un milieu pareil, il passe inaperçu.

Lizzie dut convenir qu’il avait raison.

- Mes fréquentations ne concernent que moi et de toute façon tu es mal placé pour me dire quoi que se soit. T’es un tueur. Tu es plus dangereux que ne l’est Tamara.

- Tu ferais bien de le dire à ta petite copine, parce que s’il t’arrive quoi que se soit, je l’écorche vive.

La déclaration, faite sur un ton farouche la surprit autant que lui.

Il haussa une épaule gênée sous son regard étonné et se concentra sur la route du retour.

Chapitre 8 :

 

Il ne fallut qu’une demi-heure d’une prudence démesurée au groupe de Tia pour parvenir à contourner, éviter et échapper aux différents gardes qu’Ashee avait lancé contre eux et parvenir au pied de la cascade. Si on avait été en plein jour l’ascension aurait été à la fois moins et plus risquée.

Le fait était que les ténèbres nocturnes ne laissaient pas une vision suffisante pour qu’on les repère en train de grimper mais cela les empêchaient aussi de bien voir où ils mettaient les mains et les pieds. 

Tia soupira en voyant la hauteur de la roche à escalader. Elle se retourna vers sa compagne et toutes deux communiquèrent silencieusement. Ce lien particulier qui les unissait maintenant réchauffait leurs deux cœurs épuisés de leur amour respectif et elles y puisèrent la force nécessaire pour continuer et faire ce qu’il y avait à faire.

Tia hocha la tête et le regard plus serein se posa sur Frédéric et les jumeaux.

- Vous allez vous lier les uns aux autres, dit-elle en leur tendant une corde de lierre tressée comme Enyalios le lui avait appris des années auparavant. Puis vous grimperez aussi lentement qu’il vous le faudra ok ? Je ne veux pas que vous tombiez ou quoi que se soit de ce style, donc s’il faut que vous soyez lent, soyez le, point.

- Et vous ? demanda Len en les désignant elle et Lex.

- Nous on va occuper nos amis aussi longtemps que vous en aurez besoin pour monter là haut. Il ne faut pas qu’ils vous voient, expliqua-t-elle comme il ouvrait la bouche. Vous faites des cibles parfaites sur la roche. Et si l’absence du soleil nous donne un avantage certain, la lune est presque pleine cette nuit et elle brille un peu trop à mon goût.

Len referma sa bouche et ravala sa protestation. Comme toujours sa mère avait raison. Il se sentait d’autant plus coupable des risques que ses mères allaient courir que c’était sa faute s’ils avaient quitté la protection de la Grèce.

C’était aussi une des raisons qui l’avait poussé à vouloir croire ce que disait cette femme chaman. Il aurait aimé que tout s’arrange. Même si personne ne lui avait rien reproché, il traînait son erreur comme une chape de plomb sur ses épaules et souhaitait tout arranger pour pouvoir oublier qu’il avait failli faire tuer tout le monde.

Mais ça n’était apparemment pas possible et le meilleur moyen qu’il avait d’aider ses mères aujourd’hui était de leur obéir. Il hocha donc la tête une nouvelle détermination l’envahissant. Sa mère sembla s’en rendre compte car elle lui sourit avec affection et passa une main douce dans ses cheveux ailes de corbeaux.

Il était heureux. C’était idiot, mais en cet instant malgré l’absence de Jenny et tout ce qu’il avait à se reprocher, il était heureux. Sa mère l’aimait. Et le lui montrait. Comme tous les enfants, il avait besoin de sentir l’amour parental même s’il savait qu’il existait, il avait besoin de preuve concrète. D’autant plus lorsque les 13 premières années de sa vie s’étaient passées sans elle.

Et comme d’habitude, dans ce regard bleu si semblable à celui de sa sœur, il ne vit que de l’amour et une profonde affection. Aucun reproche. Pas de colère. De doute ou de regret. Il était presque aussi grand qu’elle, mais à ses côtés il se sentait toujours un tout petit garçon. Sa mère était si exceptionnelle. Si unique.

Il partageait totalement l’adoration de Lex envers elle. Même sombre, même en colère, sa mère était l’être le plus exceptionnelle qu’il lui avait été donné de voir. Il voyait et connaissait ses défauts, mais pour lui cela ne ternissait pas ce qu’elle était.

Au contraire. Pour lui, elle était comme ces héros incroyables à qui rien ne résistait. Il plongea son regard vert dans le sien puis accepta la corde tressée qu’elle lui tendait et l’accrocha autour de lui en suivant les indications de Frédéric.

Tia se tourna alors vers sa fille et sourit en voyant son regard si sérieux. Elle aimait sa fille mais sentait qu’elle s’éloignait d’elle au contraire de Len et elle ne comprenait pas bien pourquoi. Elle n’avait pas encore eu l’occasion de tenter de se rapprocher d’elle et le déplorait. Mais peut-être pouvait-elle … ?

Elle s’approcha d’elle et lui releva le menton d’un index doux. Lara posa sur elle un regard interrogatif et sa mère lui offrit un sourire rempli de tout l’amour que cette petite jeune fille lui inspirait malgré ces traits parfois si semblables à ceux de son père.

Plus le temps passait et plus elle parvenait à occulter ce fait pour ne plus voir que l’enfant de sa chair, son enfant à elle. Elle se pencha vers elle et chuchota :

- Je ne pense pas que tu mesures à quel point je peux t’aimer.

En effet, Tia avait souvent vu comme un doute au fond de ses yeux bleus et si Tia ne doutait pas de l’amour de sa fille pour elle, elle savait que son enfant doutait parfois du sien. Et comment lui en vouloir ? Elle les avait abandonnés 13 années durant, elle et son frère. On n’effaçait pas une telle chose d’un coup de baguette magique.

Et elle avait bien conscience de ne pas avoir été une mère exemplaire ces dernières années. Elle était tellement prise dans ses propres souffrances. Elle n’avait pas su jouer un rôle suffisant auprès d’elle pour la rassurer, elle le savait. Mais les regrets ne servaient à rien à par à vous tirer en arrière.

C’était maintenant, alors qu’elle se sentait enfin revivre et prenait conscience de ses erreurs qu’elle devait y remédier. Que la situation s’y prête ou non, importait peu en fait. Des choses devaient être dites et d’autres faites et l’instant ne se choisissait pas. Il se vivait.

Les yeux écarquillés, Lara ne comprenait pas pourquoi sa mère lui disait cela, mais la chaleur qui envahit tout son corps lui donna une nouvelle énergie.

Elle scruta les yeux océan de sa mère et n’y lut qu’une profonde sincérité.

- Tu m’es extrêmement précieuse Lara et je m’arracherais un bras plutôt qu’il ne t’arrive quoi que se soit. Soit prudente là-haut. Ne t’occupes ni de moi, ni de Lex. Prends le temps qu’il te faudra.

Tia connaissait sa fille, même si elles n’étaient pas aussi proche que ce qu’elle aurait voulu. Lara était une fonceuse impulsive qui ne mesurait pas toujours les risques. Rien que pour que ses mères se mettent à l’abri aussi rapidement que possible, elle pourrait vouloir accélérer son ascension et ce n’était pas une bonne chose.

Lara entendit l’avertissement et elle hocha la tête les yeux aussi brillants que ceux de son frère et elle termina de s’attacher à la corde.

Tia serra ses enfants dans ses bras puis les relâcha en disant :

- Faites attention, ok ?

Ils hochèrent la tête et acceptèrent les bras de Lex avec un sourire. Celle-ci les serra fort contre elle, puis attira le visage de Len, l’obligeant à se baisser, pour déposer un baiser sur son front. Elle fit de même pour Lara puis leur rappela les règles de bases en escalade pour terminer sur un avertissement :

- N’oubliez jamais que la montagne est instable et dangereuse, même lorsque vous pensez maîtriser la situation. Grimper est déjà une épreuve de jour alors inutile de vous dire combien c’est risqué de nuit. Si Frédéric trouve un chemin, suivez-le. Quoi qu’il dise ou fasse, faites comme lui sans discuter, ni vous posez de questions.

Lex fixa tour à tour chacun des jumeaux et ils acquiescèrent. Elle les serra à nouveau contre elle et ils firent de même.

Ils se tournèrent vers Tia qui discutait avec Frédéric.

- Une dernière chose, leur dit-elle à tous. Une fois là-haut, ne nous attendez pas. On se débrouillera. Je t’ai montré où aller, fit-elle à Frédéric. Rendez-vous chez les fils du vent.

- Mais maman, protesta Lara…

- Pas de ça, Lara ! L’interrompit sèchement la mercenaire, en dehors d’ici c’est le désert, souviens-t-en. Aucune cachette, aucune embuscade possible. Là haut, seule la vitesse compte. Alors mettez à profit le temps que l’on vous donne et rejoignez les fils du vent. Parlez-leur et convainquez-les de nous aider, parce que lorsque l’on arrivera jusqu'à vous, on ne sera pas seule. Loin de là. 

Lara réprima un mouvement d’humeur devant la sécheresse de sa mère. Pourquoi ne pouvait-elle jamais lui expliquer les choses aussi gentiment qu’à Len ?! Mais comme ce n’était pas le moment, elle refoula ses pensées et se concentra sur ses propos. Elle avait raison. Comme d’habitude ; aussi elle promit de faire ce qu’elle leur demandait mais avec une pointe d’inquiétude.

Elle aimait sa mère mais ne pensait pas comme Len qu’elle était invincible. Oh, elle était incroyable et il y avait peu de chance qu’il y ait qui que se soit de plus fort qu’elle sur cette terre, mais ça ne la mettait pas à l’abri des accidents, comme le prouvait son poignet cassé.

D’ailleurs comment allait-elle grimper avec ça ?! Lara jeta un regard alarmé à son poignet et Lex le vit. Elle aurait voulu la rassurer, mais qu’aurait-elle pu lui dire ? Elle partageait ses craintes.

Elle s’approcha tout de même de sa fille adoptive et mit une main sur son bras.

- Je prendrais soin d’elle, ne t’en fais pas.

Une fois de plus la confiance qu’elle lut dans son regard, stupéfia et toucha Lex profondément. Elle n’aurait jamais pensé qu’entre les deux jumeaux elle serait celle qui aurait le plus confiance en ses capacités. Puis elle se souvint d’une conversation qu’elles avaient eu. Lara lui avait dit voir combien Lex aimait sa mère. Elle avait vu son courage aussi et savait que Lex préfèrerait mourir que de laisser quoi que se soit arriver à sa Tia chérie.

Lara avait simplement confiance en l’amour de Lex pour sa mère. Néanmoins cette confiance la touchait énormément et lui rendit une partie de son assurance.

Lara dit alors une chose qui la toucha encore plus et lui donna une force qu’elle ne se soupçonnait pas posséder.

- Fais attention à toi aussi, lui dit-elle avec inquiétude. Je n’ai pas plus envie de perdre maman que toi. Je tiens à mes deux mères, ajouta-t-elle avec un petit sourire, même si j’ai mis le temps.

Le sourire de Lex fut comme un véritable rayon de soleil qui transperça la nuit et Lara vit pour la première fois combien sa seconde mère tenait à elle. Elles se serrèrent l’une contre l’autre avec force puis se séparèrent, un peu embarrassées.

Tia les vit faire avec un sourire puis lançant un dernier regard à sa petite famille, fit un geste d’adieu et entraîna Lex dans les profondeurs de la forêt.

 

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Tia et Alexia s’étaient séparées un peu avant, dans l’optique de ne pas être deux à se faire capturer en cas de problème. Mais elles étaient à porter de vue, afin de pouvoir se porter secours rapidement. Cela faisait une demi-heure qu’elles piégeaient avec une grande efficacité, née de leur expérience, tous les gardes et équipes de soldats passant à leur portée.

Jusqu’a présent, si elles avaient surpris, elles n’avaient elles-mêmes jamais été surprises. Ceci dit cela ne tarderait pas à changer elles le savaient. Ils étaient bien plus nombreux qu’elles. Mais elles ne cherchaient pas à remporter la victoire, juste à gagner du temps.

Tia était gênée par son poignet. La douleur était constante et elle savait bien que l’utiliser n’arrangerait rien. Mais que pouvait-elle faire d’autre ? Avec Ashee dans les parages elle ne pouvait s’handicaper volontairement.

Elle savait faire avec la douleur, la repousser ou s’en servir comme d’un motivateur. Mais elle était relativement fatiguée et avait un peu de mal à se concentrer. Cela venait principalement du fait que la flamme de sa louve ne cessait de s’agiter et de tenter de prendre le contrôle sur elle.

Tia ne reniait pas l’avantage que la force de la louve pouvait lui apporter mais sa soif du sang lui faisait prendre des risques irréfléchis et dans leur situation actuelle, elle avait besoin de son intellect et non de ses muscles. Et puis elle n’était pas vraiment sûre de pouvoir revenir à elle aussi facilement qu’elle le pouvait avant la cérémonie de liaison des âmes.

Elle n’était pas du tout prête pour leur fusion.

Elle repoussait donc sans arrêt la louve en elle et se fatiguait de plus en plus à le faire. Cela la distrayait trop et lui prenait son énergie.

A chaque fois qu’elle et Lex se retrouvaient au-dessus d’un des corps inanimés de leurs ennemis, Lex voyait les traits de sa femme se creuser un peu plus. Elle aurait aimé se concentrer sur leur lien mais cela demandait un peu de temps, de l’immobilité et une concentration dont elle avait besoin pour l’instant.

Lex n’était pas encore suffisamment habituée à ce lien entre elles pour le maîtriser correctement mais si elles se sortaient de ce guêpier, elle avait bien l’intention de s’entraîner autant qu’il le faudrait. Tia avait besoin de toutes ses capacités dans ce genre de situation et la louve ne faisait que compliquer les choses.

Une fois de plus, elle regretta son impulsivité à vouloir célébrer la cérémonie d’union. Elle aurait dû poser plus de questions au vieux petit bonhomme, à se renseigner plus en profondeur sur les conséquences d’une telle chose.

Mais l’avertissement de l’étrange boutiquier de même que sa frayeur au retour de Tia l’avait poussé à précipiter les choses.

Tia ne lui reprochait rien, et même semblait heureuse de cette union mais Lex s’en voulait lorsqu’elle voyait les difficultés que sa compagne avait à rester elle-même. Cependant ce n’était pas l’endroit pour se poser ce genre de question et elle repoussa le tout loin en elle.

Alors qu’elles avançaient aussi silencieuses que deux panthères, Ashee surgit soudain aux côtés de Lex alors même que quatre hommes tombaient sur sa compagne.

Au moment où la main d’Ashee entrait en contact avec sa peau, Alexia fut plongée dans son passé. Ou plutôt ses passés. Des flots d’images ininterrompues défilèrent dans sa tête au point qu’elle en eut mal.

Alexia vit, qu’excepté lors de son existence en tant que Gabrielle, elle n’avait plus jamais pu vivre une histoire avec son âme sœur. Elle l’avait parfois rencontrée mais à peine celle-ci faite, son aimée mourrait.

Elle se vit en train de pleurer, âme perdue qui cherchait sa moitié sans jamais la trouver parce qu’aussitôt morte, Xena renaissait. Le nombre de vie que Gabrielle avait passé à la chercher était incalculable. Elle avait maudit les dieux de leur cruauté. Et maudit Xena de l’avoir quitté pour des âmes qui réclamaient une chose dont elle n’était pas responsable.

Elle avait essayé de la haïr, et y était presque parvenue lorsqu’elle avait sacrifié leur amour pour une dette qui n’était pas la sienne.

Pourtant jamais, malgré la douleur, elle n’avait abandonné l’espoir de pouvoir la retrouver enfin. Et en tant qu’Alexia, elle avait retrouvé sa Tia.

Ashee arrêta le défilement de sa mémoire sur une image. Elle en train de lire sa feuille de résultat. Elle risquait à nouveau de la perdre. Tia, Xena, Gaïa ou Maréva… peut importe le nom qu’elle avait porté au cours de ses vies. Elle allait à nouveau perdre son âme sœur.

Et la terreur à cette idée était aussi puissante que sa douleur. Elle avait mis tant de siècles à la retrouver. Combien de vies devrait-elle encore vivre avant de pouvoir enfin la retrouver ? Quand allaient-elles toutes deux avoir droit au repos ? Que devaient-elles faire pour gagner ce droit ?

Lex accepterait des milliers d’années d’existence sans jamais aucun répit si elle pouvait les passer avec son aimée. Mais le destin, karma ou les dieux… étaient joueurs et elle savait qu’elle passerait bien plus de siècles seule qu’avec son âme sœur.

Cette perspective était si douloureuse, si horrifiante, qu’elle tomba à genoux en se recroquevillant. Elle ne voulait pas mourir. Elle ne voulait pas quitter Tia encore une fois. Pourquoi ne pouvait-elle pas vivre simplement avec elle ?!

Depuis le début de leur fuite, elle avait refoulé sa peur et sa douleur pour simplement profiter du temps qu’elles avaient ensemble. Mais là… en cet instant… Ashee faisait remonter tout ce qu’elle cachait en elle et elle ne parvenait pas à le contrôler. 

Ashee rit de la voir si impuissante et alors qu’elle s’apprêtait à lui donner le coup de grâce, elle eut un flash. L’avenir ouvrit une brèche devant elle et elle vit.

Un sourire incrédule et ravi naquit sur ses lèvres et elle se baissa vivement pour se mettre à la hauteur de la petite blonde. Elle se pencha vers son oreille et rompit le contact avec son passé. Lex revint à elle, tremblante et suffocante pour entendre la voix perfide de la chaman lui chuchoter son futur.

- Tu la trahiras, dit-elle avec une joie sauvage.

Sachant parfaitement de qui Ashee parlait, Lex secoua la tête refusant de la croire.

- Tu la trahiras pour nous, insista Ashee. Regarde, fit-elle en se reculant.

Elle posa une main presque douce sur sa joue et Lex vit.

Ses lèvres horrifiées formèrent un cri muet et un non inaudible hurla en elle. Ce qu’elle voyait était impossible et pourtant…

Ashee coupa le contact et Lex se rejeta en arrière.

- Non, non, non, c’est impossible, non. Je ne ferais jamais une chose pareille, non.

Choquée au-delà du possible par le futur entrevu, Lex ne pouvait que répéter encore et encore son horreur. Elle ne pouvait pas, ne voulait pas accepter une telle chose.

Profitant de son immobilisme, Ashee s’approcha de nouveau d’elle. Alexia pouvait être une très bonne source d’informations. Beaucoup de questions étaient posées et elle possédait si peu de réponses.

Elle posa à nouveau sa main sur la tête remuante de la petite blonde et laissa le passé, le présent et le futur se mélanger pour lui montrer ce dont elle aurait besoin.

Un lent sourire triomphant déforma son visage et Ashee apprit tout ce dont elle aurait besoin pour mener à bien ses projets. Concentrée sur ses propres visions, elle ne fit pas attention aux images qui frappaient Alexia.

La petite femme revoyait les pires moments de ses existences passées. Les images la percutaient avec la force de battes de base-ball lancées à pleine puissance. Elle se recroquevilla sur le sol, en se tordant à chaque fois qu’elle revivait une torture, une blessure ou une souffrance morale.

Bientôt son visage ressembla à un patchwork de rouge, jaune, bleu et noir. Des bleus et des coupures le couvraient entièrement. Son corps n’était plus qu’une immense plaie qui la faisait souffrir à chaque inspiration et elle perdit bientôt le contact avec la réalité.

Ashee se releva satisfaite et contempla le corps frissonnant à ses pieds avec un sourire sadique. Elle avait vu le futur. Si Alexia mourrait maintenant, cela ne le changerait pas. Mais dans le cas où elle survivrait, elle lui serait d’une aide précieuse.

Immensément satisfaite elle leva la main pour que ses soldats viennent s’occuper de la petite blonde, mais personne ne vint. Elle fronça les sourcils et regarda autour d’elle. Ses hommes gisaient un peu partout, plus ou moins vivant, mais très certainement d’aucune utilité.

Elle siffla une trille ardente et attendit quelques secondes. On lui répondit et elle attendit qu’une autre équipe la rejoigne. Elle ne voyait la mercenaire nulle part ce qui la surprenait beaucoup. Xena n’aurait jamais abandonné Gabrielle.

Toute ces vies sans son âme sœur les auraient-elles finalement plus éloignées qu’elle ne l’aurait cru ?

Quoi qu’il en soit, ce qu’elle avait vu dans l’esprit d’Alexia confirmait ses soupçons. Tia était la gardienne et son peuple allait très bientôt en avoir la preuve. Ses enfants étaient leurs élus et ils étaient hors de questions qu’ils lui échappent. Et même si elle ne savait pas exactement où ils se trouvaient… ils avaient des oreilles comme tout le monde.

 

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Les jumeaux étaient en train de grimper à la suite de Frédéric. Faisant très attention à l’endroit où ils posaient les pieds et cherchant l’anfractuosité suivante avec concentration. Ils étaient fatigués, la varappe n’était pas un sport facile dans de bonnes conditions, alors ici…

Les muscles tremblants et douloureux, le souffle court et la sueur dégoulinant dans leurs yeux, ils gardaient les yeux fixés sur le sommet comme le leur avait appris Alexia. Ainsi ils ne voyaient que leur objectif, le but à atteindre et restaient concentrés.

Alors qu’ils rejoignaient Frédéric sur une petite corniche qui leurs permettraient de reprendre leur souffle et détendre leurs muscles tout en se réhydratant, une voix résonna dans tout le cratère.

La voix provenait du centre du village et couvrait, on ne sait comment, le bruit de la cascade à leur gauche. Ils fixèrent le village à leurs pieds et se regardèrent perplexe. Puis la voix retentit à nouveau et ils comprirent qu’elle s’adressait à eux.

Frédéric les repoussa contre la roche et les incita à se fondre dans le noir. Puis ils écoutèrent attentivement ce que la voix disait.

- Je sais que vous m’entendez les enfants.

A ces mots les jumeaux surent qui parlait. La chaman.

- Vous vous êtes toujours demandé ce qui était advenu de votre père, n’est-ce pas ?

Les jumeaux se figèrent. Comment savait-elle ça ? Même leur mère n’en savait rien. Mais Lex en revanche… elle devinait des choses et… Len lui avait posé des questions. Elle savait que ça les préoccupaient mais par loyauté envers Tia peut-être, elle n’avait jamais rien dit.

Ceci étant, ça n’expliquait pas comment cette femme pouvait savoir une telle chose.

- Et si je vous disais que votre père est mort ? Mort assassiné il y a trois ans.

Les jumeaux ouvrirent de grands yeux choqués.

- Assassiné… C’était un grand homme vous savez ? Lara lui ressemble beaucoup d’ailleurs.

Lara jeta un regard à son frère. Ils étaient tous les deux troublés. Qu’est-ce que tout cela voulait dire ? Et pourquoi leur révélait-elle ça ? Ils sentirent une main forte se poser sur leurs épaules et levèrent les yeux vers leur ancien tuteur. Ils furent rassurés par sa présence et écoutèrent la suite.

- Vous savez comment il est mort ?

Sans s’en rendre compte ils secouèrent la tête.

- On l’a battu à mort. Et vous savez qui l’a fait ? Qui à son sang sur les mains ?

A nouveau les jumeaux secouèrent la tête.

- Votre mère.

Le silence s’abattit soudain sur le village et quelque part dans la forêt, Tia se figea. La peur remplaça la colère et lui tordit le ventre. « Pourvu qu’ils n’aient rien entendu », songea-t-elle avec un espoir vain.

Elle se tourna vers la paroi où ils devaient se trouver mais ne les distingua pas dans la pénombre ambiante. Elle déglutit et essaya de repousser la frayeur qui menaçait de la distraire définitivement.

Elle se concentra sur Lex. Sa Lex se tordant de douleurs au pied de cette salope d’Alti. Son rire retentit soudain et elle en eut marre. Elle cessa sa lutte et laissa la louve l’envahir. Et soudain elle fut là. A ses côtés. Pelage noir, sur nuit noire. Seuls ses yeux bleu glacier brillaient dans l’obscurité.

Elles échangèrent un long regard et Tia sentit une force sauvage courir dans ses veines et lui donner une nouvelle énergie. Tia rompit le contact et se tourna vers la source de la voix. Elle était partie en laissant Lex derrière elle dans l’espoir que la chaman la suive, mais ça n’avait pas marché.

Elle avait toujours été une obsession pour Alti, elle s’en souvenait, mais comme une arme lui permettant d’assouvir ses fantasmes et ses ambitions. Elle pouvait se passer d’elle à la différence de Sassem.

Si cette salope ne la suivait pas alors, se serait elle qui la traquerait. Elle n’était plus une victime et comme l’avait si bien souligné cette chère Ashee, elle était en mesure de détruire ses bourreaux.

Et Ashee allait vite s’en rendre compte.

 

Chapitre 9 :

 

Les jumeaux ne bougeaient plus. Ils n’entendaient ni ne sentaient plus rien. C’était impossible. Cette femme mentait. Puis cela frappa Lara. Bien sûr que cette femme mentait ! C’était évident ! Elle voulait les ralentir pour les reprendre !

Sa mère les avait mis en garde de ne rien croire de ce qui sortait de la bouche de cette femme. A rester prostrés ici, ils faisaient son jeu et mettaient leurs mères d’autant plus en danger. Lara se tourna vers son frère et le secoua.

Il cligna des yeux et secoua la tête posant un regard perdu sur elle. Elle lui prit la main et dit d’un ton ferme :

- Elle ment Len ! Elle veut juste que nous oublions de fuir, histoire de mettre nos mères en danger. N’oublie pas qu’elle n’est pas notre amie. On doit arriver en haut aussi vite que possible.

Len acquiesça et Frédéric soupira soulagé. Il ne voyait pas du tout ce qu’il aurait pu leur dire s’ils l’avaient interrogé. Il sentait toutefois que cette discussion était loin d’être terminée et que l’avenir réservait, décidément, à sa protégée beaucoup d’ennuis.

Ils reprirent leur ascension sans plus attendre, une détermination toute fraîche animant les jumeaux et le passage derrière la cascade apparut rapidement.

Une fois parvenus à la corniche qui y menait, il tira les jumeaux au sol et espéra que l’une des deux femmes les verraient et sauraient qu’a leur tour, elles pouvaient grimper. Cependant, même s’il en mourrait d’envie, ils ne pouvaient pas les attendre. Il entraîna les enfants derrière le rideau d’eau, appréciant les éclaboussures d’eau qui rafraîchissaient son corps en sueur.

Une fois à l’abri des regards, il se rapprocha du bord et scruta le terrain en contrebas et Len et Lara firent de même. Tous trois fixèrent le village et les bois l’entourant un moment, espérant contre toute attente apercevoir Lex et Tia, mais rien ne se passa et ils durent prendre la route.

Un dernier regard en arrière et Frédéric entraîna les jumeaux au loin.

 

**********************************

 

Tia fonçait à travers les bois à une vitesse vertigineuse. Suivit de sa louve, Tia fondait sur la chaman au dernier endroit où elle l’avait aperçue. Près de Lex.

Elle arriva très vite et vit sa compagne sur le sol. Recroquevillée en position fœtal, elle était parcourue de spasmes irréguliers. Un rapide tour d’horizon lui apprit que trois gardes l’attendaient en embuscade sur la droite et trois autres sur sa gauche.

Sans même se consulter, la louve et elle se séparèrent et pendant que Tia se chargeait des hommes sur sa droite, la louve bondissait avec un grognement sauvage sur ceux à sa gauche.

Tia entendit des cris de peur, de douleur et sentit l’odeur du sang et celui de la peur. Elle tomba sur sa première victime avec un rictus digne de sa louve. Elle lui arracha sa machette et la lui planta directement dans le cœur. Elle n’avait pas de temps à perdre en conséquences, elle virevolta sur elle-même et trancha la gorge du second bien trop vite pour qu’il ait le temps de voir quoi que se soit.

Le sang gicla et l’éclaboussa mais elle n’en tint pas compte. Le troisième homme recula, effrayé par cette furie aux yeux de loup qui bougeait si vite qu’il la voyait à peine. Un sifflement soudain derrière lui, lui fit comprendre que sa chef était là et il remercia les dieux de sa chance. Elle lui ordonna de retourner au village et de rameuter les renforts avant de se rendre directement auprès des anciens pour leur raconter en détail ce qu’il venait de voir.

Au moment où il acquiesçait la femme aux yeux de loup se jeta sur lui mais fut heureusement repousser au loin par les pouvoirs de sa chaman.

Il la remercia et partit en courant. Il savait ce qu’elle voulait qu’il fasse et pourquoi et après ce qu’il venait de voir, il ne pouvait que s’incliner devant la vérité. La grande femme était bien la Gardienne et ses jumeaux ne pouvaient donc qu’être les élus attendus par leur peuple.

Il frissonna d’anticipation à l’idée qu’enfin leur temps était venu. Il était heureux de savoir qu’il verrait la réalisation de la prophétie de son vivant.

Tia frappa le tronc derrière elle et tomba lourdement à terre, lâchant la machette. Pourtant elle se releva aussitôt, ne ressentant pas la douleur. C’était toujours ainsi lorsque la louve la possédait. Il n’y avait rien d’autre en elle que sa soif de vaincre et ni la peur, ni la douleur n’entrait en ligne de compte.

Elle se jeta sans plus réfléchir sur Ashee qui lui envoya une nouvelle image douloureuse à l’esprit. Tia tomba à genoux mais se releva aussitôt. Dans le même mouvement elle se jeta sur Ashee et celle-ci surprise par sa résistance sentit deux mains fortes enserrer son cou.

La chaman porta ses mains sur celles de la mercenaire dans un réflexe inutile. Tia était beaucoup plus forte qu’elle et Ashee sentit le souffle commencer à se faire rare. Les yeux brillants de crainte, elle ne pouvait pas mourir ici, comme ça, si proche de la réalisation de son rêve, elle puisa dans leur contact tout ce que Tia avait vécu de plus horrible et le lui envoya en rafale.

Tout d’abord cela ne sembla même pas l’affecter puis Ashee vit la grande femme se mettre à trembler, clignant furieusement des yeux pour chasser les images qui s’y incrustaient.

Du sang commença à couler de son nez, mais Tia ne lâchait toujours pas prise. Alors Ashee sans cesser l’envoie de ces images en boucle, puisa dans toutes les anciennes vies de Tia et ajouta les images à celles déjà passantes.

Tia écarquilla les yeux et tomba à genoux. Des flots de sang coulaient le long de son corps et elle hurla. Dans une ancienne vie elle était morte le bras arraché par un camion et la brûlure de l’impact, l’étirement des muscles, leurs arrachement brutal et pourtant trop lent, les os craquants tout lui revint comme si cela arrivait de nouveau maintenant.

Le sang coula de son épaule et pourtant son bras était toujours présent. Mais il ne fonctionnait plus, il était comme un poids mort contre son torse. Elle sentit les os de ses jambes se briser lorsque César ordonna à Brutus d’abattre la masse sur elle. Elle entendit ses côtes se briser lorsque son mari, dans une autre de ses vies, la frappa comme si elle était son putching-ball. Elle vit un morceau de sa cervelle voler au loin avant de comprendre dans une dernière pensée, qu’elle était morte.

Du sang coula de ses oreilles et un bourdonnement envahit totalement son esprit. Sa vue se brouilla et elle tomba en avant.

Soudain un hurlement sauvage retentit et brouilla la concentration de la chaman. Ashee tourna la tête vers le bruit et vit un éclair de crocs et de bleu fondre sur elle. Et elle se souvint du loup. Comment avait-elle pu l’oublier ?!

Elle n’eut pas le temps de se poser plus de questions car la bête s’abattit de tout son poids sur elle. Avec la violence propre à sa race, elle déchiqueta la peau à sa portée et Ashee hurla en sentant les dents percer la peau de son visage et le sang se répandre dans son cou.

Mais la louve n’en avait pas terminé avec elle et elle planta ses crocs dans son épaule et l’arracha.

Ashee porta une main tremblante sur le pelage de l’animal mais ne put faire remonter un seul souvenir qui soit utile. Ce loup était plein de noirceur et de ténèbres et la soif de sang coulait en lui. Il y avait bien des images de mort et destruction mais il s’agissait de souvenirs mettant en scène Xena et elle ne comprenait pas pourquoi ce loup en avait.

Elle tenta tout de même de les retourner contre lui mais rien ne se passa, le loup semblait au contraire tirer plus de force de ces souvenirs.

Tia gémit et roula sur le dos. Elle vit sa louve ou plutôt l’autre partie d’elle-même s’acharner sur la chaman et elle rit. Elle était au diapason de son âme noire. Sa souffrance alliée à l’énergie sombre qui la parcourait la rendait aussi impitoyable que la louve.

Puis son regarda tomba sur sa femme et la colère enfla. Elle serra les poings et sentit la bague s’enfoncer dans sa peau. Elle la regarda et se souvint des mots qui y étaient inscrits. « Prends soin de toi ». Si elle laissait la louve tuer cette femme ainsi… se serait comme si c’était elle qui l’avait fait.

Cette femme pourrait mourir de façon aussi atroce que Sassem. Et ce n’était assurément pas la bonne façon de prendre soin d’elle-même.

Tia siffla.

- Laisse-la.

La louve s’interrompit et releva la tête. Son regard, aussi sauvage que si elle était réellement une des bêtes de la forêt, se vrilla au sien et lui communiqua sa soif de sang. Tia lutta et se cambra, gémissant de douleur autante que de colère.

- Tu n’as pas à me dicter mes pensées !! Hurla-t-elle.

La louve sursauta soudainement et recula comme frappée par un poing de pierre. Elle gémit et courba la tête. Tia la vit faire stupéfaite. C’était la première fois qu’elle soumettait la louve. Peut-être que Lex avait eu raison finalement. Le jour où elle sera capable de fusionner avec elle et de rester elle-même pourrait peut-être arriver finalement

La chaman profita de leur conflit pour sauter sur ses jambes et s’enfuir. Tia la vit chanceler mais n’essaya pas de l’empêcher de fuir. Tia aurait déjà bien du mal à se lever. Elle tremblait de tous ses membres et Lex ne bougeait même plus.

La crainte pour sa compagne lui donna la force de se relever et, avec la même volonté qui lui avait permis de survivre malgré les sévices qu’elle avait subi dans son enfance, elle repoussa douleur, fatigue et désespoir pour se concentrer sur son objectif. Celui qui primait sur tout.

Emmener Lex en sécurité.

Elle s’agenouilla près d’elle et vérifia avec une main tremblante son pouls. Comme pour elle, exception faite des bleus et du sang qui restait, Lex n’avait plus aucune blessure. La magie d’Ashee n’agissait que dans l’instant heureusement.

Elle tourna un regard douloureux vers sa louve et dit :

- Trouve un chemin. Il faut qu’on sorte d’ici, mais je ne pourrais jamais grimper cette paroi avec Alexia sur le dos. Je ne suis vraiment pas en état.

La louve partit aussitôt sans rien dire. Tia se mit sur ses pieds en gémissant et tira Lex à elle. Elle passa un bras sous ses jambes et l’autre sous sa nuque et se redressa en tremblant. Ca allait être coton. Mais elle n’avait pas le choix.

Elle prit la direction par laquelle la louve venait de disparaître. Elle ne savait pas si c’était la bonne direction mais elles ne pouvaient pas rester ici. Ashee ne tarderait pas à revenir avec des renforts.

« Pourquoi n’avait-elle pas laissé la louve la tuer ? » Se demanda-t-elle fatiguée. « Ah oui ! Pour garder le contrôle ! » Et c’était une réussite. Espérons que cette réussite ne les tuerait pas !

Elle avança avec détermination et comme lorsqu’elle était enfant et que son corps martyrisé par Pedro la faisait souffrir à chaque pas, elle se concentra sur son objectif. Survivre. Encore et toujours. Il serait toujours temps de se venger plus tard.

Elle repoussa la douleur, la fatigue et le découragement et garda ancré en elle, la rage qui lui permettait d’avancer. Elle tomba sur son âme noire presque par hasard et celle-ci lui indiqua le chemin. Tia avait l’impression qu’il s’éloignait de la cascade mais la suivit quand même.

La louve les emmena près d’un chemin en terre qui grimpait en serpentant le long du cratère. Tia leva la tête et ne voyant pas de fin, soupira.

- Ca mène au sommet ? demanda-t-elle à sa louve.

Celle-ci pencha la tête sur le côté et la fixa avec l’air de dire,  « tu me prends pour qui ?! » ce qui fut exactement la pensée qui retentit dans l’esprit de Tia. Celle-ci sursauta et regarda autour d’elle avant de se souvenir que c’était la voix de la louve.

Elle suivit la louve sur la pente en terre et commença son ascension.

- J’espère qu’il n’y a pas de grimpette.

«  Mais non ! répondit une voix agacée dans son esprit. J’ai remarqué ton état, je ne suis pas aveugle ! »

Tia sourit devant l’agacement manifeste de l’animal. Elle avait aussi mauvais caractère qu’elle. Ce qui était plutôt logique quand on y songeait. En tout cas, elle avait peut-être trouvé une utilité marrante à la présence du prédateur. L’agacé serait sûrement aussi marrant que d’ennuyer Lex.

Elle jeta un œil au visage tuméfié de sa compagne et toute trace de gaieté disparut.

 

****************************************

 

Après deux heures d’une ascension épuisante car en pente constante, elles parvinrent au sommet. A aucun moment elles n’avaient été rattrapées par le vent de la destruction et elle en fut soulagée.

- Ils ne connaissent pas ce chemin, pas vrai ? demanda-t-elle à sa louve.

Celle-ci secoua la tête et eut une expression presque humaine. « Ils sont bien trop content de leur entrée par la cascade pour s’amuser à en chercher une autre. Ils sont si arrogants ! » Tia hocha la tête en accord avec… elle-même. Ce constat lui arracha un petit rire fatigué.

- Par où va-t-on maintenant ?

«  Où veux-tu aller ? »

- Rejoindre les jumeaux et Frédéric.

«  Alors suis-moi » fit l’animal en se mettant à trotter.

- Attends, soupira la mercenaire. Pas besoin de courir. Ils ne savent même pas qu’on est sortie du cratère.

« Peut-être mais Alti est loin d’être stupide. Et ses pouvoirs sont puissants. Elle n’aura qu’à chercher ton essence pour comprendre. Et même si pour l’instant, elle n’est pas trop en état,… »

Les mots, pleins d’une (« de la ») férocité joyeuse du prédateur firent écho en Tia.

« … elle le sera bien assez tôt. Autant être aussi loin que possible d’elle à ce moment là. Elle n’a jamais su te lâcher, ajouta l’animal en secouant la tête ».

Soupirant, la grande femme se mit en route, trottant d’un pas qu’elle s’efforça de rendre ferme, derrière le prédateur.

- Comment sais-tu où il faut aller ? demanda-t-elle soudain.

« Economise ton souffle. Tu as une charge précieuse dans les bras je te le rappelle. » La sécheresse du ton rappela à la mercenaire qu’elle n’était pas la seule à aimer Lex. « Enfin si, je suis la seule puisqu’elle est moi… » se dit-elle en secouant la tête devant ces pensées inutiles.

«  Pour répondre à ta question sache que c’est une chose qui fait partie de toi. N’as-tu pas un sens de l’orientation exceptionnel ? »

Tia hocha la tête sans rien dire.

«  Et bien sache que lorsque tu es complète, tu sens ces choses là de façon plus profonde. Tu es comme les animaux sauvages, reliés au monde, à la nature, au souffle du vent, à la sensibilité de la terre… tu sens toutes ces choses là au plus profond de toi même et chacune d’entre elles te donnent des indices précieux sur ce qui les traverse, martèle et vit à travers eux. Et tu sais. Qui, où et quand. »

Tia hocha à nouveau la tête en réfléchissant aux propos. C’était quand même fou. Etait-elle vraiment capable de telles choses ? Cette Xena devait vraiment être exceptionnelle… Et pourtant, elle avait choisi de se séparer d’une partie d’elle-même.

Une fois de plus, Tia se demanda si c’était vraiment une bonne idée de récupérer cette âme qu’elle avait elle-même mutilée. Elle devait pourtant savoir ce qu’elle faisait à l’époque, non ?

«  Non »

Le refus fut comme un cri dans sa tête et il fit trébucher la grande femme qui faillit s’étaler par terre. Elle rétablit son équilibre et fusilla l’animal du regard.

- Ne recommence jamais ! Pourquoi crois-tu que je te parle à voix haute ?! Mes pensées sont à moi !

«  Et à moi par conséquent, rétorqua la louve sans tenir compte de son avertissement. Tu ne savais pas ce que tu faisais. Tu n’as même pas réfléchi. C’est ta douleur et ta culpabilité qui t’ont fait agir. Sans Gabrielle tu étais comme déséquilibrée. Tu t’en voulais de l’avoir quittée et tu n’étais pas sûre de pouvoir la revoir. Elle avait droit au paradis et toi à la renaissance. Tu t’en aies voulu d’avoir décidé pour vous deux, une fois de plus, sans lui laisser le choix, comme si celui-ci ne la concernait pas. Tu lui as demandé de te laisser morte et elle l’a fait, parce qu’elle a toujours respecté tes volontés et tu t’es rendue compte que tu n’avais jamais fait la même chose… à cause de moi… »

La louve resta silencieuse un moment puis reprit.

« Alors tu as décidé, pour elle, par amour et surtout culpabilité, de te débarrasser de moi. »

La louve secoua la tête.

«  Si Gabrielle avait été là, elle t’en aurait empêchée. Elle t’aurait dit que c’était vain et que cela allait t’abîmer profondément et pour des vies entières. Que se mutiler n’était pas la solution… que tu aurais dû te contrôler… et non te détruire. Et elle aurait été infiniment malheureuse de savoir qu’elle était la cause de ta propre mutilation. »

La louve s’arrêta soudain et leva sa tête triangulaire vers elle.

«  Tu sais que ce que tu as fait laissera des traces, n’est-ce pas ? Que même lorsque je serais à nouveau en toi, il restera une profonde cicatrice dans ton âme. Et qu’il va te falloir de nombreuses autres vies pour l’effacer. Les dieux ne te pardonneront pas ce sacrilège. En temps normal, ils t’auraient envoyé directement en enfer pour ça. Mais tu as toujours de très bon amis parmi eux, alors ils t’ont laissé une chance. Cependant… cependant je ne suis pas sûre qu’à la fin de cette existence ils t’accordent aussi le temps de cicatriser. »

Tia reprit son souffle et rajusta sa prise sur sa compagne. Elle mourrait d’envie de faire taire la louve, mais elle savait qu’elle devait être au courant de ce qui l’attendait.

«  Te rends-tu compte de ce à quoi tu as condamné Gabrielle ? Tu devais bien savoir qu’elle n’accepterait pas le repos sans toi, Xena. Et les dieux lui ont accordé le droit de renaître dans les mêmes existences que les tiennes. Mais elle ne pouvait te rencontrer tant que tu n’étais pas toi entièrement. Parce que c’est nous qu’elle aime. Le bien comme le mal. C’est une chose qu’elle a apprise au cours de ses voyages avec nous. »

La louve reprit sa marche et Tia la suivit.

«  S’ils t’ont accordé tout ces siècles, c’est uniquement parce que le dévouement de Gabrielle n’a jamais faibli et sa tristesse de ne pas t’avoir retrouvée ou trop brièvement à chacune de ses morts était poignante. Mais ils commencent à s’impatienter. Et je ne pense pas que tu auras droit à d’autres vies pour redevenir normale. J’imagine que ton sort sera jugé sur la façon dont tu auras vécu cette vie. »

« Alors c’est mal barré, songea la grande femme avec une inquiétude sourde. Associé à ça, elle avait l’impression d’être la fille la plus nullissime qui n’est jamais existée. De tout temps, elle n’avait jamais su que faire du mal à sa bien-aimée. La culpabilité se fit plus forte à chacun de ses pas. En posant les yeux sur le visage blessé de sa compagne, elle comprit qu’elle ne saurait jamais rien faire d’autre.

La vie avec elle serait toujours une immense douleur pour Lex. Enfin, Gabrielle. Une résolution nouvelle prit forme dans son esprit.

Elle ne savait pas encore comment, mais Tia était bien décidée à y mettre un terme. Dut-elle accepter de se rendre en enfer et d’y passer l’éternité, elle n’accepterait plus que ce soit Gabrielle/Lex qui paye pour ses erreurs à elle.

Mais connaissant son âme sœur, cette décision risquait de lui faire du mal. Y-avait-il une vraie solution ?

Tia ralentit et leva les yeux au ciel. Elle n’avait jamais cru aux dieux. Parce que pour elle s’ils existaient ils lui avaient offert une vie bien cruelle et qu’elle était déjà suffisamment en colère sans devoir en plus leur en vouloir. Seulement maintenant elle savait que c’était de sa faute.

Peut-être pourrait-elle leur demander quoi faire, une fois là haut ? Tia secoua la tête et se remit en route. Il fallait vraiment qu’elle arrête de penser à la mort. Pour l’instant ce qui comptait c’était leurs vies.

Elle se concentra donc sur le chemin encore à parcourir et se dit que si elle devait réfléchir à quelque chose se devrait être au moyen de guérir Lex de sa maladie.

Sur ses pensées positives, elle força ses jambes à accélérer. Elle sentait que le vent de la destruction ne tarderait plus à se rendre compte de son évasion.

 

************************************

 

Elle ne cessa pas sa course lorsque la nuit céda la place au jour et lorsque la chaleur étouffante du désert la frappa impitoyablement, elle poussa ses jambes à poursuivre et repoussa loin au fond d’elle la soif acérée qui lui mordait la gorge et lui brûlait le ventre.

Elle savait que si elle s’arrêtait, elle ne poursuivrait pas. Alors elle se concentrait sur le chemin à parcourir, sur le pelage de sa louve qui lui montrait le chemin et l’incitait à poursuivre.

Elle ne sentit pas le soleil la frapper avec violence et lui brûler la peau, pas plus qu’elle ne sentit la sueur dégouliner le long de son dos et de son visage comme un ruisseau intarissable. Elle ne fit pas attention aux tremblements de ses bras et de ses jambes, qui annonçaient des crampes terribles. Et lorsque des spasmes prirent ses muscles, elle trébucha à chacun de ses pas mais continua quand même.

Elle était comme hypnotisée et seule la volonté formidable qui l’avait menée depuis sa première naissance et avait fait d’elle cet être d’exception lui permettait de poursuivre. Elle focalisait ses pensées sur un seul être. Et comme un mantra elle se répétait en boucle, « fais-le pour Lex, fais-le pour Lex ».

Lorsqu’elle avait la force de s’interroger sur ce qui la motivait ainsi, elle sentait l’amour profond qui la reliait à sa compagne l’encourager.

Le jour céda sa place à la nuit et la chaleur au froid quasi polaire. Des frissons parcoururent la peau humide de Tia et la pulsation dans son poignet était revenue plus forte que jamais. Elle était si épuisée, qu’elle ne parvenait même plus à éloigner la douleur et celle-ci finit par envahir totalement son esprit.

Douleur physique, avec ses blessures, ses muscles raidis par l’effort et la soif torturante qui ne la lâchait pas et douleur morale, avec la culpabilité venue de la connaissance et de l’acceptation de ses erreurs.

Tia courait avec la peur, pour la première fois de ne pas réussir à aller au bout. « Mais Alti avait toujours eu cet effet sur nous. Alors ne t’attarde pas sur cette pensée, lui dit sa louve, car au final nous avons toujours vaincu. »

 Tia ne répondit pas, elle n’en avait de toute façon plus la force. Lorsque les premières lueurs de la nouvelle aube apparurent et l’aveuglèrent, elle trébucha une nouvelle fois mais ne put se rattraper et tomba tête la première. Elle n’eut que le réflexe de s’enrouler autour du corps de Lex pour la protéger de l’impact.

Elle toucha la terre dure et sèche sans un bruit. Ses lèvres craquelées par la déshydratation ne pouvaient plus former un son. Elle ne put que fixer le visage de sa bien-aimée en se demandant une fois de plus, pourquoi elle ne s’était pas réveillée.

Que lui avait donc fait cette folle d’Ashee ?

Les rayons du soleil commencèrent à les nimber d’un halo rosé qui firent briller les beaux cheveux blonds de sa compagne et Tia trouva en elle la force de lever une main pour dégager une mèche de ses cheveux du visage innocent de Lex.

Elle ne pouvait pas se relever malgré les exhortations de sa louve. Elle était en bien trop mauvais état et la louve elle-même ne parvenait pas à lui communiquer sa force. Elle aussi était fatiguée. Mais Tia surtout bloquait leur lien.

Comment ? Pourquoi ? La louve n’en savait rien, mais sentait que cela pourrait être la fin pour elles deux.

«  Tu ne peux pas renoncer maintenant ! Martela-t-elle en désespoir de cause Pense à Lex ! »

- Je ne fais que ça, souffla la grande femme fatiguée.

« Crois-tu que la vie que je lui offre soit bon pour elle ? Elle souffre depuis si longtemps par ma faute. Elle a le droit au repos. »

«  Mais bon sang tu ne comprends donc toujours pas ?!! S’exclama la louve dans son esprit. Elle ne renoncera pas à toi ! »

«  Je sais, lui répondit-elle doucement. Mais si moi je renonce à elle… elle n’aura d’autre choix que d’accepter le repos. Et elle le mérite tant. » Fit-elle en fermant les yeux.

«  Tu ne sais plus ce que tu dis ! C’est la fatigue et toutes ces révélations qui parlent ! Relève-toi ! Relève-toi et marche ! Tu n’as jamais renoncé de toutes tes existences et ce n’est pas maintenant que ça va commencer ! »

«  Tu ne comprends pas. Parfois, par amour pour quelqu’un… il faut renoncer. »

«  Ce n’est pas ce qu’elle veut !!!!!! Elle n’a jamais choisi le repos, bordel !! Tu te reproches de ne pas avoir pris ses désirs en compte en tant que Xena et voilà que tu recommences !! Elle a traversé les siècles pour toi !! Elle a accepté des souffrances inimaginables pour simplement pouvoir être à tes cotées !! A nos cotées !! Qui es-tu pour rejeter tout ce courage et cette bravoure comme si cela ne comptait pas ?!!! Tu n’as pas le droit de lui faire ça ! Pas le droit de me faire ça !! Nous t’avons attendue toutes les deux aussi patiemment que cela nous était permis ! Alors tu nous le dois !! Tu nous dois de poursuivre !! »

Les mots se gravèrent dans l’esprit de Tia et touchèrent quelque chose. La louve avait raison. Elle posa ses mains sèches et douloureuses sur le sol et poussa. Après d’intenses efforts, elle parvint à se mettre à genoux.

Mais cela lui avait demandé une énergie considérable et elle haletait, la langue comme du papier de verre, elle avait l’impression d’être en feu de l’intérieur. Elle avait si soif…

Et soudain l’enfer se déchaîna. Elle entendit d’abord les cris… puis elle les vit. Le vent de la destruction l’avait retrouvée.

Elle gémit et fixa l’horizon qui se noircissait à leur approche avec désespoir.

 

Fin partie V

 

Partie VI : Une nouvelle mercenaire.

 

Chapitre 1 :

 

 Elle cligna des yeux alors que la sueur ruisselait de nouveau dans ses yeux et se remit debout tant bien que mal. Tremblante sur ses jambes, elle prit une profonde inspiration et fit face à la tribu hurlante.

Elle posa un regard de regret sur sa compagne.

«  Laisse-moi t’aider » entendit-elle soudain. Tia fixa l’animal qui était une autre partie d’elle et haussa les épaules.

- Je n’ai pas le choix de toute façon, fit-elle d’une voix cassée.

Elle jeta un dernier regard à sa compagne et fermant les yeux s’ouvrit à la flamme de sa louve. Presque immédiatement un courant d’énergie parcourut ses veines, redonnant une vigueur nouvelle à ses muscles épuisés.

Mais à travers leur connexion, elle sentit la fatigue de son âme noire. Son énergie n’était pas inépuisable et elles allaient avoir du mal à faire face aux hommes arrivants. Mais pour Lex… elles allaient essayer.

Tia se mit en position de combat et déglutit. La sécheresse de sa gorge lui envoyant des petits pics de douleur. Elle regarda son poignet et le bandage fait par sa femme deux jours auparavant. Il était sale et lâche et ne servait plus à rien. La douleur était forte mais elle pourrait faire avec. De toute façon, elle n’avait pas le choix. 

Ils furent rapidement sur elles et elle se jeta en avant, n’ayant pas pour habitude d’attendre les coups. Elle lança son poing dans le premier visage à sa portée tout en pivotant pour jeter son pied dans le visage du second.

Sa louve ne resta pas en arrière, d’un coup de dents, elle arracha une gorge avant de bondir sur un second homme pour enfoncer ses crocs dans le bras qui menaçait d’envoyer une lance sur Tia.

Toutes deux se mirent dos à dos et virevoltèrent, utilisant leur vitesse bien supérieure à la moyenne pour garder l’avantage. Elles donnèrent coup sur coup, frappant sans répit avec précision et de façon impitoyable mais leurs adversaires étaient plus nombreux, en meilleure forme et apparemment, très motivés.

Tia ne comprenait pas cette soudaine flambée de violence. Elle contrastait tellement avec la nonchalance dont ils avaient fait preuve jusqu’à présent qu’elle avait du mal à les associer à cette sauvagerie nouvelle.

Ils possédaient tous une lueur de folie dans les yeux qui la mit très mal à l’aise, d’autant qu’elle semblait avoir décuplé leurs forces. A mesure que le temps passait, les forces de Tia et de la louve déclinaient. Si elle sentait que sa louve avait encore des réserves, la mercenaire, elle, savait qu’elle arrivait au bout.

Elle repoussa l’attaque d’un assaillant mais ne réussit pas à éviter celle du suivant et prit son poing en pleine figure. Elle sentit une douleur aveuglante déchirer son cocon de fatigue et du sang couler de son nez en abondance.

Elle vacilla mais tint bon et frappa la glotte de son adversaire qui s’écroula en se tenant le cou comme une carpe cherchant son air. «  Si seulement ils ne se relevaient pas systématiquement », songea-t-elle découragée.

Elle ne comprenait pas comment certains faisaient pour tenir encore debout. Comme l’homme dont sa louve avait déchiqueté la jambe ou celui qui n’avait qu’une gorge béante en guise de cou. Elle prit un mauvais coup dans les côtes et se plia en deux. Aussitôt l’un d’eux en profita pour l’envoyer au sol d’un coup de poing à la mâchoire.

Elle s’affala sur le sol comme un pantin privé de vie.

Elle était si fatiguée.

Elle se retourna sur le dos et les vit s’approcher. Soudain un éclair noir surgit devant elle et un claquement suivit d’un grondement aussi puissant que l’enfer se fit entendre.

C’était sa louve qui se tenait devant elle, les crocs saillants, poil hérissé, elle maintenait leurs adversaires à distance.

Tia se rendit compte qu’aucun des hommes présents n’osait toucher la louve et que pendant la bataille aucun d’entre eux n’avait cherché à la blessée. Ils étaient tous concentrés sur elle, même lorsque la louve déchiquetait leurs membres.

Elle ne chercha pas à comprendre, ni même à profiter de l’aubaine pour se relever. Elle était allée au bout de ses forces. Elle fixa la louve et les guerriers du vent de la destruction au-delà d’un regard presque sans vie.

Elle en vit certains commencer à contourner la louve pour l’atteindre, elle, Tia, par derrière et la mercenaire sut qu’elle n’en avait plus pour très longtemps. Elle aurait aimé bouger, pour au moins, mourir comme elle avait vécu. Comme une guerrière, les armes à la main, mais ses muscles étaient si tétanisés qu’ils ne répondaient plus.

Elle essaya encore pourtant et tout ce que cela lui valut fut une douleur déchirante et un cri. Un voile noir commença à recouvrir ses yeux et elle sut que c’était la fin. Elle entendit vaguement au loin d’autres cris et reconnut le pas caractéristique de sabots martelant le sol à un train d’enfer.

Puis le monde sombra. Sons, couleurs, formes, sensations… tout disparu.

 

*********************************

 

Lex se réveilla au son d’un tambour. Elle passa de longues minutes à essayer de deviner si le son qu’elle entendait était réel ou un prolongement de son rêve. Puis la douleur qui crispait tout son corps lui fit comprendre qu’elle était bel et bien réveillée.

Elle ouvrit des yeux prudents, surtout parce qu’une pulsation frappait son crâne avec insistance et qu’elle craignait la réaction de sa tête lorsqu’elle rencontrerait les rayons du soleil. A sa grande surprise, il ne se passa rien.

Elle dut plisser un peu les yeux devant la luminosité de la pièce où elle se trouvait mais elle ne perçut aucune souffrance. Elle ouvrit donc de grands yeux curieux et tout en testant doucement ses muscles elle observa son environnement. Il était lumineux et convivial.

Ses muscles étaient raides mais aucun élancement douloureux ne la traversa. Satisfaite, elle se redressa. Et grimaça. Elle se tâta le visage et sentit son côté droit gonflé et chaud. Comment s’était-elle fait ça ?

Elle repoussa le drap pour vérifier le reste de son corps et constata qu’elle avait des bleus aussi sur le torse. Etrangement, cela ne lui faisait quasiment pas mal. Puis son regard tomba sur le drap qui la recouvrait et vit qu’il était fait d’une étoffe d’une rare douceur et d’une grande finesse.

Elle fronça les sourcils et regardant un peu plus attentivement autour d’elle, vit qu’elle se trouvait sous une tente meublée avec goût et de riches atours. Où diable était-elle ?! Elle se leva avec précaution et posa ses pieds nus sur le tapis tissé à la main et si large qu’il couvrait la totalité du sol de la tente. Il était rouge sang avec des dessins noirs tribaux et doux comme de la soie.

Lex se tint debout un instant et sentant une douce brise sur sa peau en conclut deux choses. D’une, au vu des endroits inhabituels où elle sentait le vent passer, elle était entièrement nue. Deux, le vent ne passait pas à travers les tentes comme ça. Autrement dit, quelqu’un venait d’entrer.

Elle se retourna vivement vers l’entrée de la tente et vit une femme de sa taille, à la peau mate et au sourire aussi doux que le miel la toiser avec gentillesse. Elle avait de longs cheveux nattés en une multitude de petites tresses perlées. Son regard détaillait avec une grande curiosité son corps pâle et ses cheveux dorés.

Elle put même voir une lueur appréciative ce qui lui fit monter le rouge aux joues et la fit se précipiter sur le drap dont elle se recouvrit.

La femme rit doucement et s’approcha. Elle s’inclina et déclara avec un geste vers le drap.

- Cela est inutile, j’ai vu tout ce qu’il y avait à voir lorsque je te soignais.

- Ben apparemment pas, vu le regard que vous m’avez lancé y’a pas trois secondes, marmonna-t-elle embarrassée et un peu en colère.

La femme rit de nouveau.

- C’est juste que j’ai toujours le même choc à chaque fois que je vois votre peau et vos cheveux. Et maintenant que je vois vos yeux, fit-elle en se penchant sur elle, je dois dire que je ne vais plus pouvoir vous lâcher du regard ! Vous êtes si différente de nous.

Alexia recula un peu en considérant cette femme étrange.

- Ok. Euh… rembobinons ok ? Euh… où suis-je et qui êtes-vous ?

- Oh pardon, fit la femme en écarquillant de grands yeux contrits. Je me nomme Ashantra et tu es dans la tente du chef de la tribu Est des fils du vent. Je suis sa petite sœur et n’étant pas mariée, je vis avec lui, expliqua-t-elle joyeusement. 

- La … tribu Est ? Répéta-t-elle l’air de ne pas comprendre.

Elle secoua la tête.

- Je ne comprends rien. es Tia ? Et comment a-t-on atterri ici ?

- La grande femme aux superbes cheveux noirs ?

- Oui, c’est ça ! fit Lex en se disant que cette femme était vraiment étrange.

Elle faisait une fixation sur les cheveux ou quoi ?

- Elle est encore dans la tente du guérisseur.

Lex se redressa aussitôt.

- Du guérisseur ? Fit-elle avec inquiétude. Pourquoi ? Qu’est-ce qui lui est arrivée ? Elle va bien ?

Ashantra sourit et secoua doucement la tête.

- Elle va bien. Le désert à juste eut un mauvais effet sur elle et elle est un peu faible. Mais ça va aller.

- Ok. Je veux la voir, fit Lex en se dirigeant vers l’entrée de la tente.

Elle ne serait véritablement rassurée que lorsqu’elle l’aurait vue de ses propres yeux. La sœur du chef rit.

- Si mon regard vous a gêné, je vous conseille de passer quelques vêtements auparavant. Mais si vous êtes pressée, je veux bien vous y conduire dans ce drap. Même s’il ne cache pas grand chose de votre superbe corps, ajouta-t-elle taquine.

Lex rougit, particulièrement embarrassée, mais sans savoir si c’était l’intérêt neutre de la femme qui en était la cause ou sa propre distraction. Elle chercha des yeux ses vêtements mais ne les vit pas.

Ashantra fouilla quelques instants dans une des armoires se trouvant de l’autre côté de la vaste tente puis se retourna vers elle avec une pile de linge propre.

- Tenez, fit-elle avec un sourire espiègle, mettez ça.

Lex hocha la tête et prit le linge d’une seule main puis se dirigea vers le lit d’où elle venait. Elle s’y assit et voyant Ashantra s’agenouiller à ses côtés, se figea.

- Qu’est-ce que vous faites ?

- Je vous aide, expliqua-t-elle avec un amusement évident.

- A quoi faire ?

- Vous habillez, voyons.

Lex hésita et cela tira un petit rire à la femme.

- Je vous l’ai déjà dit il me semble, rien de ce que je vais voir, n’est un mystère pour moi.

- Hum.

Lex ne savait pas comment se sentir. Mais son envie de voir Tia était la plus forte et elle rejeta la notion de pudeur qui de toute façon avait toujours fait défaut aux mercenaires avec qui elle avait travaillé. Elle laissa le drap glisser de ses épaules et déplia le linge.

Elle enfila un pantalon blanc bouffant puis se rassit. Elle prit le reste des vêtements et les déplia.

Elle le considéra un instant, perplexe, avant que sa nouvelle amie, ne prenne les choses en main et ne la fasse se lever pour l’habiller. Elle prit quelques secondes pour détailler son corps de façon tout à fait impudique et Lex dut résister fortement à son envie de se couvrir de ses mains.

- Ca vous plaît ? Fit-elle sarcastique.

- Très ! Répondit la femme avec un grand sourire.

Lex cligna des yeux et la laissa l’emmailloter dans le linge saumon qu’elle lui avait prêté. C’était en fait une sorte de tunique dont les premiers tours étaient si serrés qu’ils faisaient un parfait soutien pour ses seins. Le reste était disposé de façon plus lâche sur ses épaules et autour de ses bras et faisait comme une sorte de toge romaine.

Ashantra finit son habillage en lui donnant deux bracelets épais à mettre à ses poignets. Lex écarquilla les yeux. Il s’agissait de larges anneaux plats fait en or, elle en était certaine et ornés de pierres précieuses de jade vert entourées d’un cercle de platine.

C’était… stupéfiant.

- Je ne peux pas accepter ça, fit-elle en secouant ses poignets.

La sœur du chef sourit avec sérénité et déclara :

- Vous préférez discuter de cela ou aller voir votre amie ?

Lex fit une grimace et se rendit.

- Ok, je vous suis.

Ashantra hocha la tête et la précéda hors de la tente. En mettant enfin le nez dehors, Lex vit qu’ils se trouvaient près d’une oasis verdoyante. Elle sourit en découvrant la splendeur des fleurs et arbustes en tout genre. Des trilles joyeuses retentirent, attestant de la présence de bêtes ailées et elle secoua la tête devant cette anomalie.

On avait beau être dans une oasis, elle n’avait jamais vu d’oiseaux de ce type au milieu du désert. Mais bon… elle n’était jamais venue dans ce désert auparavant aussi.

Elles longèrent plusieurs tentes aux couleurs aussi riches que la nature environnante et s’étonna d’une telle voyance, même si elle appréciait cette touche de vie dans ce lieu désertique.

Elle croisa plusieurs femmes et enfants qui la fixèrent tous avec curiosité, certaines des femmes la détaillaient avec la même lueur appréciative qu’Ashantra et certains des rares hommes qui passèrent firent de même.

Elle en conclut que pour une tribu primitive, ils avaient des mœurs plutôt ouvertes. Elle ne savait pas si elle devait se sentir à l’aise ou embarrassée. Décidément, ce lieu était surprenant. Soudain une image traversa son esprit.

- Et les jumeaux ? Il n’y aurait pas des jumeaux qui seraient arrivés par hasard ? Et un vieil homme ?

Lex grimaça à la description de Frédéric, qui lui correspondait si peu et rectifia le tir.

- Du genre géant ?

Ashantra sourit et hocha la tête. Passant devant une trouée entre deux tentes servant manifestement d’école, Lex secoua la tête devant cette nouvelle manifestation de la « civilité » d’une tribu que l’on disait sauvage et dangereuse.

« En même temps, on dit la même chose de Tia, songea-t-elle avec une moue. » Ca aurait dû la mettre en garde contre les préjugés du prétendu monde moderne, mais apparemment ça n’avait pas été le cas.

Lex suivit des yeux la direction qu’indiquait sa guide et vit Len debout au milieu d’un groupe de jeunes de la tribu, écoutant attentivement ce qu’ils disaient. Si Len était là et calme, alors sa sœur et Frédéric ne devaient pas être très loin et en bonne santé.

Elle vit d’ailleurs Lara en train de suivre une jeune adolescente qui transportait des peaux. Puis se retournant, sur la suggestion d’Ashantra, elle vit Frédéric au milieu des enfants se trouvant dans la tente-école, qui leur parlait d’une voix douce dans une langue qu’elle ne connaissait pas. Chacun des enfants l’écoutait avec une extrême attention et un grand sourire sur les lèvres.

Ils avaient tous les trois l’air d’aller bien et pas un n’avait un air anxieux. Donc Tia n’était pas en danger. Ceci dit, ce que sa raison concluait ne satisfaisait pas son cœur et elle fit signe à Ashantra qu’elle voulait poursuivre sa route. Celle-ci lui lança un sourire entendu et avança.

Enfin, elles parvinrent à la tente du guérisseur, située sur le bord du village de tentes. Celle-ci était de couleur sable et se fondait facilement dans le paysage et Lex devina pourquoi cette tente précisément bénéficiait d’un camouflage. Elle devait bouger aussi souvent que les guerriers de ce peuple, au contraire des autres qui devaient rester ici.

Elle était un peu surprise, elle pensait qu’ils étaient nomades. Mais apparemment pas. Encore une idée préconçue qui volait en éclat.

Elle pénétra dans la tente à la suite de sa guide et trouva sa compagne immédiatement. Celle-ci était allongée sur une paillasse à l’air confortable et ne bougeait pas. Comme il faisait assez sombre, elle ne put distinguer correctement son visage et se précipita à ses côtés.

Elle se laissa tomber sur les genoux et détailla le visage de sa bien-aimée avec anxiété. Bien qu’elle soit un peu pâle et que quelques bleus vicieux marbraient sa mâchoire et son front, elle avait l’air vivante. Et c’était tout ce qui importait à la jeune femme en cet instant.

Elle poussa un soupir de soulagement et passa des doigts légers sur la pommette ouverte et soigneusement recousue de sa compagne. Lex savait en l’observant qu’aussi étrange que cela paraîtrait au commun des mortels, Tia n’en garderait aucune cicatrice. Oh, bien sûr, elle serait un peu longue à s’estomper, mais au final il n’en resterait rien.

Elle se pencha sur elle et déposa un petit baiser sur les lèvres sèches. Lex grimaça. Elle comprenait mieux ce qu’avait voulu dire Ashantra à propos des effets du désert. Elle avait eu soif. Beaucoup apparemment. Et le soleil n’avait pas épargné sa peau non plus, remarqua-t-elle.

Le peu qui n’était pas couverte de bleus ou de coupures était brûlée par le soleil. Lex se pencha à nouveau pour l’embrasser.

- Merci, mon cœur. Tu es le meilleur ange gardien qu’il m’est été donnée d’avoir, murmura-t-elle. 

Elle laissa sa main glisser plus bas et trouva bientôt celle de sa compagne. Elle emmêla ses doigts aux siens et joua un peu avec la bague de Tia.

- Mais on dirait que tu ne prends pas ce que j’ai t’ai dit au sérieux.

- Détrompez-vous, fit la voix douce d’Ashantra tout près d’elle.

Lex sursauta. Elle ne l’avait pas entendue approcher.

- Comment ça ?

- C’est parce qu’elle a pris les mots gravés sur cet anneau très au sérieux qu’elle est encore là aujourd’hui.

Lex ouvrit des yeux quelque peu inquiets en se demandant si elle devait se montrer outrée que quelqu’un ait lu quelque chose d’aussi intime mais Ashantra poursuivit et elle l’oublia.

- Lorsque nous sommes arrivés à votre secours, elle était complètement submergée par les membres de la tribu du vent de la destruction. Et elle était dans un tel état de faiblesse physique que c’était un miracle qu’elle soit seulement encore en vie, alors en train de se battre.

Ashantra s’interrompit et posa un regard rêveur sur Tia.

- Elle a une telle volonté ! Fit-elle admirative.

Lex hocha la tête et repoussa la morsure malvenue de jalousie. Se déferait-elle jamais de cette mauvaise habitude ?

- Le vent de la destruction était si occupé avec votre amie et son loup qu’ils ne nous ont pas entendus arriver. Non pas qu’ils l’auraient pu en d’autres circonstances, nous sommes le peuple le plus silencieux qui soit, mais ils auraient au moins senti quelque chose dans l’air. Enfin bref, lorsque votre amie s’est écroulée et que son loup s’est interposé, les faisant reculer par sa seule présence, nous avons profité de leur confusion sur ce qu’il convenait de faire, pour leur tomber dessus. Ca n’a pas été long, le loup de votre amie nous a été d’un grand secours.

Lex hocha la tête. Ca ne l’étonnait pas. Dans les moments critiques, la louve était toujours là.

- est la louve maintenant ?

Ashantra ouvrit de grands yeux brillants d’excitation.

- Vous voulez dire que c’est une femelle ?

Lex acquiesça. La nouvelle sembla faire trépigner la femme et Lex se demanda brièvement pourquoi.

- Et alors ? Fit-elle. est-elle ?

Le regarda qu’Ashantra posa sur elle sembla tout à coup beaucoup plus respectueux et Lex se sentit de plus en plus intriguée.

- Elle a disparu, souffla-t-elle en se penchant vers elle. On s’est occupé de vous et de votre amie vous chargeant sur nos meilleurs chevaux de courses et lorsque nous l’avons cherchée pour l’inciter à nous suivre, elle n’était plus là.

Lex hocha la tête, de nouveau elle n’était pas surprise et Ashantra le remarqua. Cela fit briller un peu plus ses yeux et elle trépigna sur place, très excitée.

- C’était quand ? Demanda Lex décidée à ignorer son étrange comportement.

- Il y a deux jours.

Lex lui retourna un regard consterné. Deux jours ?!!

- Et elle ne s’est pas réveillée ?!

La sœur du chef secoua la tête.

- Et ça ne vous paraît pas inquiétant ?! S’exclama-t-elle.

- Non. Vous non plus ne vous étiez pas réveillé avant aujourd’hui.

Lex referma la bouche et une évidence la frappa.

- Attendez une seconde, si ça fait deux jours que je suis alitée comment se fait-il que je ne sois pas plus faible ?

Ashantra sourit amusée, puis dit :

- Notre guérisseur est très doué.

Puis elle cessa de la taquiner et dit d’un ton sérieux :

- Perfusion. Notre guérisseur a fait un séjour dans la grande ville pour apprendre certaines choses. Nous donnons des nutriments essentiels par cet intermédiaire mais bien entendu cela ne remplace pas une bonne nourriture solide. Aussi, je vous engage à prendre un vrai repas rapidement. Vous ne devriez plus tarder à vous sentir bien plus faible. Vous avez fait beaucoup d’efforts.

- Je veux rester ici.

Ashantra acquiesça et lui montra une autre palliasse qu’elle pourrait rapprocher de Tia lorsqu’elle aurait besoin de se reposer.

- Je vais vous chercher un repas, fit-elle en se relevant. Ensuite, je pense que vous devriez avoir une conversation avec notre chef.

Lex hocha la tête et la regarda partir. Puis se tourna vers sa femme. Elle semblait vraiment fragile ainsi. Et sans défense. Cela lui rappelait la très mauvaise période qui avait suivi la mort de Sassem.

Lex chassa ses pensées de son esprit. C’était le passé, Tia avait surmonté ça. Même si une certaine fragilité en avait résulté, sa compagne était redevenue elle-même et ce n’était plus qu’une question de temps pour que Tia retrouve toute son assurance.

Bien entendu depuis quelques temps les ennuis et choses déstabilisantes s’enchaînaient et ça n’aidait pas tellement sa compagne. Enfin, c’est ce qu’on aurait pu penser, mais parfois, Lex avait l’impression que cela aidait finalement sa femme à accélérer le processus.

Lex soupira. En vérité, elle ne savait pas vraiment ce qui se passait dans la tête de sa mercenaire. Elles ne parlaient pas de ces choses. Elles avaient, certes, d’autres préoccupations mais… Lex savait que c’était une excuse. Elle avait juste peur. De quoi ? Elle n’aurait su le dire. Peut-être était-ce de se rendre compte que ce qui faisait le plus souffrir Tia était la perspective de sa disparition ?

Et là, elle devrait-elle aussi envisager cette perspective comme une réalité. Elle l’avait déjà fait mais… c’était différent. Le choc était encore présent et… les fois où sa vie avait été en danger de part son travail, cela n’entraînait pas une agonie lente et douloureuse. Huntington… c’était une façon de mourir qui vous enlevait jusqu'à votre dignité humaine.

C’était une chose qu’elle ne pouvait plus se cacher aujourd’hui. Ashee avait fait remonter toutes ces choses à la surface. Notamment sa terreur de vivre à nouveau sans Tia. Elle ferma les yeux et repoussa ses angoisses. Ce n’était, une fois de plus, ni le lieu, ni le moment.

Mais lorsque enfin elle et Tia aurait du temps pour elles, alors elle allait devoir s’ouvrir à sa compagne et partager ses peurs. Les garder pour elle, comme elle avait pu le constater, ne faisait que les éloigner et ne protégeait Tia en rien.

« Eh oui, c’est ça aussi le mariage ! Partager même ce qu’on ne veut pas.» pensa-t-elle ironique. Elle posa son regard sur le visage abîmé mais toujours superbe de la mercenaire et songea à ce que lui avait montré Ashee de son futur. Du leur en fait.

La simple idée de ce qui l’attendait la terrorisait. Allait-elle réellement la trahir ? Ashee était une manipulatrice mais… elle possédait des dons de voyance indéniables. Elle lui avait déjà montré sa mort dans une autre vie.

Mais rien n’était immuable. Elle pourrait peut-être changer les choses ? Les images horribles de sa trahison traversèrent son esprit et elle les repoussa. Elle ne pouvait pas se concentrer sur trente-six choses en même temps et décida de ne pas s’attarder sur cette angoisse là. Après tout, on ne pouvait pas faire confiance à cette femme. Elle lui avait peut-être montré son avenir mais peut-être pas.

Lex se sentit envahie d’une nouvelle assurance. Elle aimait Tia. Elle l’aimait depuis des siècles. Elle l’avait trahie en tant que Gabrielle c’était vrai, elle s’en souvenait maintenant grâce à Ashee et elle en avait tiré des leçons.

Elle ne commettrait pas deux fois la même erreur.

Ashee avait menti. Lex en était convaincue. Elle mourait plutôt que de la trahir.

Forte de cette nouvelle certitude, elle se concentra sur sa compagne et sur ce qu’elles devaient faire dans l’immédiat. Lorsqu’elle entendit Ashantra revenir, elle lui sourit heureuse de pouvoir éclaircir un peu plus la situation.

Chapitre 2 :

 

Lex avait dû laisser Tia au bon soin du guérisseur avec l’absolue promesse d’être prévenue dès que sa compagne manifesterait un quelconque signe de retour à la conscience et avait suivi Ashantra jusqu'à son frère.

Celui-ci était le portrait de sa sœur. De sa taille avec sa couleur de peau, des traits aussi fins que les siens et le même sourire chaleureux. Il était aussi curieux et franc qu’elle, mais sa position de chef faisait qu’il était plus diplomate et subtile.

Il la fit assoir sur un parterre de coussins aussi somptueux que doux et lui offrit des rafraîchissements. Après s’être enquis de son état de santé, sans cesser de jeter des coups d’œil intéressés à ses cheveux, il entra dans le vif du sujet.

- Ashantra m’a informé que le loup qui accompagnait votre amie était en fait une louve.

Lex eut une expression surprise devant le sujet abordé mais hocha la tête, l’invitant ainsi à poursuivre.

- Et nous l’avons vue disparaître. Nous en avons conclu qu’elle était liée à votre amie. Est-ce correct ?

Lex hésita, puis se dit qu’elle ne pouvait pas passer son temps à se méfier et que ces gens avaient tout du moins pour l’instant, prouver qu’ils étaient de leur côté. Elle acquiesça. Le chef eut un grand sourire et échangea un regard excité avec sa sœur.

- Par ailleurs nous savons que les jeunes qui nous ont demandé de l’aide sont jumeaux et que leur mère est votre amie.

«  Ok, songea Lex de plus en plus perplexe, ils ont l’intention de m’énumérer tout ce qu’ils savent sur nous ? ». A nouveau elle acquiesça et se demanda vaguement combien de temps encore elle allait le faire.

- Nous avons vu sa bague, reprit-il avec une excitation perceptible dans la voix, et la vôtre, ajouta-il en désignant sa main droite où l’anneau de platine que Tia lui avait offert se trouvait. Vous êtes liées vous aussi.

Lex fronça les sourcils, essayant de voir où diable il voulait en venir.

- Vous êtes son âme sœur pas vrai ?

Lex le fixa un moment sans rien dire et le chef sembla se calmer. Il inclina la tête et déclara :

- Je suis désolé, fit-il avec un regard d’excuse, je me suis montré grossier. Pour commencer, je vais me présenter. Je me nomme Gardan. Je suis le chef de cette tribu. Et comme vous pouvez-le constater nous sommes loin de correspondre aux descriptions qui courent sur nous dans vos pays. Et c’est entièrement fait exprès. Nous voulons que ceux avec qui nous traitons nous craigne. Mais nous sommes plus proches du peuple bédouin qui peuple le désert du Sahara que d’une tribu primitive, comme vous pouvez le constater. Nous avons vu comment ce peuple-ci est traité par leurs semblables des grandes villes et avons conclu qu’il était préférable pour nous que l’on nous croit très primitifs, afin de garder un avantage dans les négociations.

- Les autres tribus sont comme vous ? interrogea la petite blonde.

- Seulement celles qui peuplent le désert du Kalahari. Nous sommes quatre grandes tribus, réunies sous l’égide d’un grand roi, un peu comme la tribu du désert du Kaamal, mais en plus structurée et évoluée. Nous sommes les seuls à être aussi « civilisés ». Mais nous sommes les seuls à en voir l’avantage aussi. Je me demande d’ailleurs comment le grand roi du Kaamal a réussi à négocier un accord de souveraineté alors qu’ils sont si… primitifs, fit-il avec une grimace.

Il secoua la tête.

- Je ne me risquerais cependant pas à le lui demander. Bien que primitifs, ils sont extrêmement dangereux et au final il nous a permis à nous aussi d’être un peuple souverain.

Il fit une pause, puis reprit :

- Etes-vous satisfaite ?

Lex n’avait pas appris grand chose de l’exposé que venait de lui faire Gardan.

- Comment se fait-il que votre territoire ait rétréci ? Demanda-t-elle. Lorsque nous nous sommes aventurés ici, nous pensions vous rencontrer et non tomber sur le vent de la destruction. 

- Depuis quelques temps, le vent de la destruction s’agite et est devenu plus vindicatif et agressif et revendique les quatre déserts comme étant le sien. Pour l’instant il ne s’est attaqué qu’à nous, mais nul doute que lorsqu’il nous aura asservis il s’attaquera aux deux autres.

- Vous ne pensez donc pas gagné ? S’étonna Lex de le voir envisager leur défaite de façon aussi inéluctable et calme. Vous êtes pourtant beaucoup plus nombreux.

- En effet. Et c’est ce qui nous fera gagner du temps. Mais au final nous perdrons. Les fils de la destruction ont, depuis la mise à leur tête de cette étrange femme, d’étranges capacités. Notamment celle de ne pas sentir la douleur ou peu et de mettre beaucoup plus de temps à mourir. Leur force est décuplée et leur vitesse également. Ils sont bien plus forts que nous et ils ont l’étrange facilité de se mouvoir comme des ombres parmi les ombres. On ne les entend ni le voit avant qu’ils ne soient sur vous.

- Mais vous aussi, non ? Vous êtes un peuple silencieux d’après ce qu’en a dit Ashantra.

- En effet. C’était même la raison pour laquelle aucun des peuples des trois autres déserts n’a jamais cherché à agrandir son territoire sur le nôtre. Ils craignaient bien trop nos représailles. Mais comme je vous l’ai dit, c’était avant l’arrivée au pouvoir de cette femme. Depuis, le vent de la destruction, est devenu plus silencieux que nous et s’il ne peut nous entendre approcher, il peut nous détecter d’une façon que nous ne comprenons pas. Nous nous défendons mais savons parfaitement ne pas faire le poids. Et leur ambition ne s’étend pas seulement aux déserts.

Le hocha la tête.

- C’est la raison de votre présence ici. Et la raison pour laquelle nous vous aidons sans attendre aucune contrepartie de votre part.

Lex fronça les sourcils.

- Comment ça ? De quoi parlez-vous ?

- Depuis maintenant dix décennies ou si vous préférez, un siècle, nous savons que les Varecks changeraient pour devenir une entité d’une puissance inégalable.

- Hein ?

Lex était complètement perdue. « Varecks ? »

- Le vent de la destruction ne s’est pas toujours appelé ainsi vous savez. Cela fait cinq ans seulement que leur nom a changé. Et trois qu’ils s’agitent et nous attaquent sans répits. 

- Donc avant ils se nommaient Varecks ?

- C’est ça.

- Pourquoi ce changement ?

- La femme. Elle est arrivée il y a dix années chez eux. Elle est devenue leur chef il y a cinq et a rebaptisé leur tribu en fonction de leurs nouvelles ambitions. Auparavant les Varecks n’étaient pas commodes, un peu comme les Gomor du désert du Rambi, mais ils étaient loin d’être aussi ambitieux et cruels. Et forts aussi, ajouta-t-il un peu à contrecœur. Cette femme…

- Ashee.

Gardan leva un regard étonné sur elle puis hocha la tête comme si cela répondait à une question personnelle et poursuivit :

- Ashee, oui, elle a visité toutes les tribus des déserts de ce monde ces vingt dernières années et a réussi, je ne sais comment à non seulement, survivre, mais aussi partir en un seul morceau. Elle nous a rendu visite aussi. Elle cherchait quelque chose, je ne sais pas quoi exactement. Peut-être une trace de mal ? Elle respirait le mal par tous les pores de sa peau, mais ayant réussi nos épreuves nous ne pouvions la renvoyer ou la tuer sans une raison concrète. Elle est restée quelques mois puis a soudainement disparu. Nous ne l’avons revue qu’il y a trois ans, elle était à la tête des Varecks, nouvellement nommés : vent de la destruction. En visitant toutes les tribus des quatre déserts, elle a probablement acquis un grand savoir sur nous tous. Mais comme nous communiquons très peu entre nous, aucune des tribus ne l’a su à temps.

- Pourquoi communiquez-vous si peu ?

Gardan lui fit un sourire indulgent.

- Vos gouvernements ne communiquent pas vraiment non plus. Mais pour tout vous dire, avant nous ne communiquions pas du tout. Avant la prophétie j’entends.

- La prophétie ?

Gardan hocha la tête.

- Et j’en reviens à votre raison d’être ici. Comme je vous l’ai dit nous savions depuis un siècle déjà que l’une de nos tribus deviendrait une chose d’une grande puissance. Je dis une chose car le terme peuple ou tribu ne peut être approprié pour ce qu’elle est sensée devenir. Nous ne savions seulement pas laquelle des tribus devait connaître ce changement.

- Ashee non plus, murmura Alexia. C’est pour cela qu’elle a entrepris son tour des tribus.

Gardan hocha la tête.

- Probablement, oui. C’est aussi pour cette raison que les peuples des quatre déserts ont conclu un pacte. Nous voulions être au courant de ce qui se passe dans les autres déserts et être en mesure de nous liguer contre cette menace lorsque le temps viendrait. D’où la communication minimum. Mais l’échange d’informations, nécessite une certaine confiance. Et cela nous a pris un siècle pour le comprendre. Mais nous ne l’avons compris que trop tard. Ashee était la menace et notre manque de confiance mutuelle, lui a permis non seulement de récolter des informations sur nous tous, mais aussi d’accomplir la prophétie.

Gardan fit une pause et but quelques gorgées de son thé les yeux perdus dans le vague avant de redresser les épaules et de poursuivre.

- N’ayant pu empêcher sa venue nous nous sommes réunis, nous le peuple des quatre déserts mais aussi ceux des autres pays. Ce fut une réunion sécrète réunissant tous les chefs et chamans. Les meilleurs voyants et guérisseurs furent liés lors d’une cérémonie créée spécialement pour l’occasion. Nous voulions lancer un sort sur le vent de la destruction et plus précisément sur Ashee mais ce qui en sortie fut tout autre chose.

Ashantra prit alors la parole.

- Peut-être était-ce dû à notre faiblesse, ou bien n’étions nous plus jugé dignes de nos dieux, après tout malgré leur avertissement nous avions tous failli, ou bien encore Ashee était-elle trop bien protégée ? Nous n’en savons toujours rien, toujours est-il que le sort ne fonctionna pas.

- Lorsque nous l’avons lancé, poursuivit son frère, il est resté stagnant au-dessus de nos têtes un long moment. Il a changé de couleur, passant d’un rouge profond au bleu le plus doux et le plus éthéré que nous avions jamais vu. Puis il a fondu sur nos voyants. Il est entré en chacun d’eux.

- Nous avions eu peur de les avoir tués, continua Ashantra lorsque son frère s’interrompit. Mais ce ne fut pas le cas. Chacun d’entre eux s’est figé puis ils ont tous parlé d’une seule voix. Ils ont répété les mêmes phrases inlassablement, toute la nuit durant, dans toutes les langues que le monde connaissait. Lorsque le jour se leva, le sort cessa de fonctionner et les voyants revinrent à eux, mais dans un état d’épuisement avancé.

- Ils mirent plusieurs jours à s’en remettre, murmura Gardan d’une voix perdue dans ses souvenirs.

Ashantra le couva d’un regard doux et compatissant avant de se tourner vers Lex.

- Nous avons craint de les perdre pendant de nombreuses semaines. Notre jeune frère, notre mère et sa femme faisaient partie des voyants. Il est très lié à sa femme et il a toujours beaucoup de mal à se remémorer ces semaines d’angoisse intense.

- Mais vous non, constata Lex

- Détrompez-vous, rétorqua la femme avec un sourire triste. Mais la situation de mon frère était différente. Avec sa femme il avait procédé à l’union de leur âme. Il ne s’agissait pas d’un mariage tout simple mais d’une union sacrée et dangereuse. L’union des âmes… disons simplement que tout ce qui arrive à l’un touche l’autre. Et la disparition de l’un… provoque un vide si profond et une douleur si intense dans le survivant qu’il en devient fou. Généralement, le survivant ne le reste pas longtemps.

Lex cligna des yeux sous le choc.

- Je… moi et Tia avons procédé à cette cérémonie.

Ashantra lui fit un grand sourire.

- Nous le savons. La bague que Tia porte… nous l’a indiquée.

- Que… hein ?

Ashantra gloussa devant sa totale incompréhension.

- Nous devrions finir notre récit pour que vous compreniez tout.

Elle se tourna alors vers son frère et lui toucha le bras en lui disant quelques mots à l’oreille. Gardan sembla se réveiller et tourna vers son invitée un regard d’excuse.

- Pardonnez-moi. Je me suis perdu dans des souvenirs déplaisants.

- Pas de problème, je connais ça, sourit-elle gentiment.

Il hocha la tête et poursuivit.

- Au matin, lorsque le sort s’est dissipé, nous nous sommes occupés des voyants puis avons planché sur ces paroles étranges. Comme elles étaient dans des langues différentes, nous avons mis plusieurs jours à toutes les traduire. Lorsque ce fut fait, nous nous sommes rendus compte que seule la langue changeait. Les paroles étaient toutes les mêmes. Bien sûr, nous nous en sommes doutés avant cela, mais nous préférions attendre une confirmation avant de spéculer.

- Et quelles étaient ces paroles ? S’enquit Lex très intéressée.

- Celle d’une nouvelle prophétie, expliqua Ashantra. Elles décrivaient l’arrivée de ceux qui seraient nos sauveurs ou …

- … nos destructeurs…, acheva son frère.

- La prophétie parle d’une gardienne, reprit Ashantra, reconnaissable à sa réputation de guerrière invincible. Elle serait accompagnée de son animal totem, celui qui révèlera sa véritable nature de guerrière.

- La louve… souffla Lex abasourdie.

- C’est ce que nous pensons, confirma Gardan.

- Mais… qu’est-elle sensée garder ?

- Des jumeaux.

La mâchoire de Lex sembla se décrocher.

- Ces jumeaux sont sensés être les guides du vent de la destruction. Ils sont sensés mener cette tribu sur le chemin de la domination. Nous ne savons pas comment, mais Ashee, elle doit le savoir.

- Cette gardienne sera accompagnée de son âme sœur. Cette autre moitié d’elle-même sera sa force…, déclara Ashantra.

- … ou sa faiblesse, termina son frère. Elle sera son garant de réussite…

- … ou celui de son échec.

- En d’autre terme, fit Gardan, Tia nous sauvera ou échouera selon ce que tu décideras d’être à ses côtés ou de la trahir. Le sort des jumeaux dépend de Tia. Le sort du monde dépend d’elle. Et le sien de toi.

- Donc tout repose sur moi ? Déclara Lex d’une voix blanche.

Finalement, la prédiction d’Ashee n’était peut-être pas un mensonge.

- Vous vous trompez, vous devez parler d’autres personnes.

Gardan et Ashantra secouèrent la tête, navrés pour elle.

- Les signes sont clairs. Tia est la gardienne. Mais tout ne repose pas sur vous. C’est plus un ensemble de choses imbriquées, expliqua Gardan. Si l’une faillit, les autres suivent. Chacun d’entre vous, Tia, vous et les jumeaux, avez votre propre libre arbitre. Si Tia faillit à sa mission de gardienne, les jumeaux seront tentés de rejoindre Ashee. Et si les jumeaux cèdent à cette tentation, le monde sera perdu. Mais que Tia faillisse ou non, n’implique pas obligatoirement que les jumeaux cèdent. Cela dépendra d’eux. De même que s’ils cèdent, cela ne veut pas dire que Tia ne pourra pas inverser la vapeur. Tant qu’elle sera en vie, elle sera la gardienne et sera donc capable de changer les choses.

- Tu n’es qu’une partie de ce tout, poursuivit Ashantra. Ton soutien peut la faire réussir mais cela peut aussi être ta trahison. Rien n’est certain sur ton rôle. C’est peut-être l’amour qui vous lie qui lui donnera la force de tenir, mais ce peut aussi être la haine que ta trahison lui inspirera qui la lui donnera.

- Rien n’est très sûr.

Les yeux de Lex brillèrent d’un éclat dur.

- Je ne la trahirais jamais.

- Eh bien c’est de toute évidence ce que pense Harry, fit Ashantra avec un grand sourire, en montrant sa bague du doigt.

Lex fronça les sourcils.

- Harry ?

- Le vieil homme qui t’a vendu la bague de Tia et t’a expliqué la cérémonie d’union des âmes. C’est un grand voyant. Il navigue entre les différentes tribus et les continents civilisés depuis la première prophétie, voilà un siècle déjà. Personne ne sait comment il fait pour être encore en vie mais personne ne le lui demande. Il est un peu irascible et hors du temps dirons-nous. Il nous a dit une fois que la gardienne porterait une bague très précise, une bague en sa possession, qui ne pouvait être portée que pour deux personnes célébrant leur union des âmes. Il nous l’a montrée à tous, pour que nous sachions rien qu’en la voyant à qui nous avions à faire.

- Il a de toute évidence pensé que c’est de votre amour que Tia tirerait sa force puisqu’il vous l’a vendue, expliqua Gardan. Certaines bagues forgées par nos ancêtres et notre tribu, ne peuvent-être portées que si les mariés ont l’intention d’unir leurs âmes car elles sont porteuses d’un pouvoir spécifique qui brûlerait l’âme de la personne qui la porterait pour une autre raison.

Lex ouvrit une bouche stupéfaite. Elle ne savait pas si c’était parce que toutes ces révélations étaient difficiles à croire ou parce qu’elle était indignée que le vieil homme ait pris un tel risque !

- Mais j’aurais pu décider de ne pas faire la cérémonie ! Protesta-t-elle finalement s’étant décidée pour l’indignation.

- Mais tu ne l’as pas fait, répondit Gardan en haussant les épaules. Et je ne sais pas si tu l’as remarqué mais ta bague est différente de celle que tu portais avant la cérémonie. Elle porte la marque d’union.

Lex fronça les sourcils en baissant les yeux vers sa bague. Elle la retira et l’étudia puis ouvrit de grands yeux ébahis. Comment avait-elle fait pour ne pas le remarquer avant ?! Une minuscule flamme noire traversait à la verticale l’un des petits diamants. Lex fit tourner la bague et vit qu’a l’opposé exact de la flamme, se trouvait une autre flamme, orange celle-ci.

Lex comprit que ces flammes symbolisaient les âmes de Tia et de la louve. La dualité de son âme sœur en fait.

- Harry ne pouvait pas te proposer une autre bague, cela t’aurait incité à te méfier alors il a dû ajouter un élément à la cérémonie pour que ta bague devienne un dépositaire de pouvoir comme l’est celle de Tia.

- Ca veut dire qu’il ne faut pas que je la retire ?

Gardan éclata de rire.

- Bien sûr que tu le peux ! Tu peux même la perdre, si ça te chante. Tu ne risques rien. Mais cela renforce le lien entre vos âmes. Et il vaudrait mieux, qu’au moment de vos morts, vous la portiez. Elle vous permettra de vous retrouver lorsque le moment sera venu de vous rejoindre. Sans elles, les âmes liées ont bien du mal à se retrouver après la mort et encore plus dans leur prochaine existence. Ces bagues sont les dépositaires de vos âmes en quelque sorte. Et elles vous lient par delà la mort. La cérémonie a pour but de réveiller le pouvoir de ces bagues autant que la liaison des âmes dans cette vie. Mais si vous voulez poursuivre votre lien au-delà de cette existence, il vous faut les avoir au moment de votre mort. Et si vous avez besoin de renforcer votre lien pour échanger des choses, telle que force, amour, ou tout autres sentiments divers, vous avez besoin d’elles. Elles abolissent les distances, le temps et l’espace.

Lex était… sur le cul. Il n’y avait pas de meilleures expressions pour décrire son émerveillement associé à son ébahissement et à une très grande frayeur devant le pouvoir et la responsabilité qu’impliquait tout ceci. 

Gardan et Ashantra s’en rendirent compte. Ashantra s’assit près d’elle et posa une main sur son bras.

- Je pense que tu as besoin de temps pour digérer tout ça, fit-elle doucement. Veux-tu que l’on te ramène vers ton amie ?

Lex hocha la tête lentement et se leva. Elle suivit Ashantra, perdue dans ses pensées. Ca faisait vraiment beaucoup de choses auxquelles elle devait réfléchir. Et chacune d’entre elles éveillaient autant d’émerveillement que de frayeur.

Elle mourrait d’envie d’en parler avec Tia. Elles arrivèrent enfin à la tente du guérisseur et Lex s’installa à ses côtés. Elle observa le visage endormi et vit qu’il n’y avait eu aucun changement.

Elle s’allongea et la prit dans ses bras posant sa tête au creux de son épaule. Elle était encore fatiguée par sa confrontation avec Alti et les images qu’elle lui avait mis en tête. Et maintenant il y avait toutes ces choses qu’on venait de lui apprendre et son inquiétude pour sa compagne…

Elle était fatiguée… et elle ferma les yeux, décidant de réfléchir à tout ça plus tard. Peut-être bien que Tia serait réveillée et qu’elles pourraient en parler ensemble ?

Elle se serra contre elle et inspira l’odeur personnelle de sa compagne. Elle déposa un petit baiser sur ses cheveux et soupira d’aise. C’était de ça dont elle avait besoin. De Tia. Et de sommeil.

Chapitre 3 :

 

Lex se réveilla une heure plus tard et mit quelques secondes à se souvenir de l’endroit où elle était. Elle sentit un poids sur elle et baissa les yeux. Elle sourit en reconnaissant sa compagne et se souvint de ce qui l’avait amenée ici.

Elle fixa un moment le plafond en caressant les cheveux de Tia.

Elle devait réfléchir à pas mal de chose et elle ne pouvait attendre que Tia se réveille. Les gens sur leurs traces n’étaient pas des rigolos. Et il y avait Aniock et Enrick aussi. Lex soupira. La tentation était grande de tout laisser en attente jusqu’au réveil de Tia, mais elle n’avait pas le luxe du temps.

Elles croulaient sous les ennuis et Lex devait s’en occuper. Elle avait décidé de laisser de côté ce que son rôle futur avait d’inquiétant et d’incertain pour se concentrer sur les problèmes concrets qu’elles avaient. C’était plus productif et du moins, ça, elle pouvait le contrôler. Mais elle se connaissait, elle ne pourrait rien faire tant qu’elle ne serait pas rassurée sur l’état de Tia.

Elle se rappela les paroles de Gardan et Ashantra sur le lien qui les liait toutes deux. Elle leva sa main et contempla la petite flamme noire qu’elle avait mise bien en vue, afin de ne pas oublier qui était réellement Tia et combien cela importait peu par rapport à ce qu’elle ressentait et ce que Tia lui apportait.

Oui, la louve et sa soif de sang étaient effrayantes. Et oui, elle avait peur de Tia lorsque la louve prenait possession d’elle. Mais surtout parce qu’elle craignait de perdre ce côté tendre et amoureux, malicieux et rigolo qui était tout autant sa partenaire que son âme noire. Lorsque toutes deux seraient liées de nouveau, lorsque la louve fusionnerait avec Tia, sa compagne ne serait plus la personne qu’elle connaissait.

Cette personne serait toujours présente bien sûre, mais son côté sauvage, qui n’apparaissait jusque là que dans les moments de batailles et de combats, serait présent tout le temps. Lex devrait s’y adapter. Et pour se préparer à ce changement, elle voulait garder sous les yeux cette flamme… Et se rappeler que c’était ainsi, avec ce côté destructeur et impitoyable, qu’elle aimait depuis toujours Tia… alias Xena.

C’était une chose qu’elle avait mis longtemps à comprendre. Elle avait toujours attendu quelque chose de Xena… quelque chose d’autre que ce côté guerrier et compétitif qu’elle connaissait.

Et puis, elles étaient mortes et Eli les avaient ramenées. Et Xena avait perdu ce qui faisait d’elle la guerrière légendaire que tous connaissaient et craignaient. Et elle avait compris.

« Quelle leçon, la mort et la résurrection lui avait-elle donnée », songea la petite femme. Les souvenirs qu’Ashee avaient ramenés n’étaient pas tous mauvais en définitive. Ou plutôt, ils en avaient amené d’autres, qui eux lui rappelaient des choses meilleures.

Sa bataille avec Xena en tant que démon lui avait fait comprendre que le bien ne prévalait pas sur l’amour. Elle avait été prête à tuer Xena pour préserver le monde. Et comme pour la punir d’avoir fait défaut à leur amour, à leur réveil Xena n’avait plus été elle-même.

Puis les années avaient passé et Jappa était arrivé. Et Xena y était morte. Définitivement cette fois. Et elle avait compris, que si elle ne pouvait pas laisser Xena déséquilibrer le monde, elle était prête à sacrifier de nombreuses âmes innocentes pour la garder avec elle.

Etait-ce elle qui avait changé ? Ou bien son amour qui avait grandi ? Et puis elle avait réalisé que la seule chose qui lui avait permis au paradis de s’opposer à sa bien-aimée était la certitude que Xena n’aurait pas supporté qu’elle perde ses convictions. Combien de fois lui avait-elle dit qu’elle était sa lumière ? Que c’était ce qu’elle aimait le plus en elle ? Sa capacité à faire le bien. Et sa volonté de s’y tenir coûte que coûte.

Et Xena aurait été horrifiée, après toutes ces années à lutter contre son côté noir, de voir les conséquences de ses actes. 

Lex était heureuse aujourd’hui de pouvoir se souvenir de tout cela. Elle avait l’impression que cela la rapprochait encore plus de sa compagne « Peut-être devrait-elle remercier Alti finalement ? » sourit-elle.

Puis elle revint à des préoccupations plus terre à terre. Avant de se lever pour aller discuter avec Frédéric, elle se concentra sur son lien avec Tia. Elle ferma les yeux puis les rouvrit. Elle avait décidé de s’entraîner à faire appelle à leur lien.

Et si elle voulait y parvenir en plein combat, ce qui était son but, elle ne pouvait pas se permettre de fermer les yeux. Elle tenta donc de ressentir la flamme spécifique à Tia en gardant les yeux ouverts. Cela prit plus de temps que d’habitude surtout parce que ce que ses yeux captaient ne cessait de la distraire, mais elle y parvint.

Elle sentit la flamme brûler doucement et perçut distinctement son manque de vivacité coutumière. Cela l’inquiéta et elle oublia l’entraînement. Elle ferma les yeux et se concentra sur elle.

Bon, en même temps Tia dormait, ça expliquait sûrement la faiblesse de sa flamme. Elle s’efforça de transférer une partie de ses forces en elle. Mais elle ne savait pas comment faire et elle échoua. Lex soupira.

Bon, au moins la flamme brûlait et elle était stable donc Tia devait aller bien. Le guérisseur savait sûrement ce qu’il faisait.

Elle devait se résigner et attendre que Tia se réveille d’elle-même. Après tout, elle aussi avait été la victime des pouvoirs d’Ashee et elle l’avait apparemment portée sur une très longue distance dans le désert. Seule, blessée et sans nourriture ou eau. Elle était juste fatiguée. Comme elle l’avait été.

Lex se dégagea doucement et reposa délicatement la tête de sa compagne sur l’oreiller. Elle s’assit sur le bord de la paillasse et la contempla un moment. Elle savait que le guérisseur avait raison et que Tia allait se remettre mais elle était toujours mal à l’aise de la voir dans cet état de vulnérabilité totale. Et inquiète. Tia incarnait la force et l’invincibilité. Ceci… lui rappelait un peu trop son état post-Sassem.

Enfin, Lex se força à bouger. Elle se leva puis se concentra sur son lien avec Tia. Elle n’avait pas besoin de forcer ou de chercher vraiment. Il était là et au moindre problème, elle le sentirait.

Elle prit une profonde inspiration et sortit de la tente en quête de Frédéric.

 

****************************************

 

Elle l’avait trouvé une demi-heure auparavant en train d’apprendre aux enfants un jeu qu’ils ne connaissaient pas : le foot. Frédéric était un grand fan de football. Pas le football Américain, trop tape à l’œil selon lui, mais du foot normal où l’adresse avec un ballon était de l’art pour lui parce qu’il nécessitait une adresse hors du commun avec tout le corps sauf les mains.

C’est un sport qui valorisait le travail, puisqu’il reposait sur autre chose que l’adresse innée que nous donne les mains, et mettait en avant le corps dans son entier tout en utilisant chaque partie de façon indépendante. 

Il était en train de leur apprendre comment utiliser un ballon, une boule de tissus entourée de scotch, lorsqu’elle l’avait interrompu. Les jumeaux, qui étaient aussi présents, lui avaient sauté dessus, ravis de la revoir en forme et elle avait passé les dix minutes suivantes à les rassurer et prendre de leur nouvelle.

Elle leur avait ensuite demandé de remplacer Frédéric avec les enfants car elle devait discuter avec lui de ce qu’il convenait de faire. Leurs visages joyeux s’étaient faits inquiet et ils avaient demandé :

- Maman n’est toujours pas réveillée ?

Elle avait secoué la tête et ils avaient paru contrariés.

- Qu’est-ce qu’il y a ? Elle va bien vous savez. Elle se repose seulement.

Len avait haussé les épaules et Lara avait répondu pour eux.

- On pensait juste que dès que tu serais réveillée, elle aussi le serait. Que… eh ben… que tu pourrais la réveiller quoi.

Lex les avait dévisagés un peu étonnée puis avait souri. Ils posaient en elle une telle confiance. A chaque fois cela la réchauffait entièrement.

- Vous me prenez pour le prince charmant ?

Len et Lara l’avaient fixée puis avaient grimacé des sourires penauds.

- C’est vrai que c’est un peu idiot, avait acquiescé le jeune homme.

- Pas vraiment, avait-elle répondu les yeux dans le vague, un souvenir la traversant brièvement, mais ce n’est pas moi le prince alors ça ne risque pas de marcher.

Les jumeaux s’étaient regardés un brin perplexe puis avaient haussé les épaules avant de relayer Frédéric auprès des enfants. Celui-ci l’avait rejointe et ils avaient marché tranquillement en discutant de tout et de rien durant quelques minutes.

Parvenus à l’extrémité du village, ils avaient continué un peu droit devant eux avant de s’arrêter et de se retourner. Ils avaient contemplé les tentes de toutes les couleurs un moment, les fils et filles du vent rompant le silence quasi religieux qui régnait dans le désert, en riant, courant ou simplement conversant.

Le soleil disparaissait presque derrière les toiles tendues et nimbait le décor sous leurs yeux d’une lueur angélique. Lex sourit puis se tourna vers son ami.

- Il faut qu’on parte d’ici.

Il hocha la tête, pas du tout surpris de son assertion.

- On les met en danger et ils le disent eux-mêmes, expliqua-t-elle, ce n’est qu’une question de temps avant qu’ils ne soient tous complètement écrasés. Autant ne pas leur attirer plus d’ennuis.

Frédéric acquiesça de nouveau. Puis il l’observa et demanda :

- Qu’est-ce qui te contrarie ?

Elle lui jeta un regard surpris puis sourit, désabusée, avant de hausser les épaules.

- Je préfère n’en parler qu’une fois que j’aurais fait un peu le tri dans ma tête, si ça ne te dérange pas. Il y a certaines choses dont il faudra que toi et Tia soyez au courant, par ailleurs. Mais…, elle haussa encore les épaules, pour l’instant ce n’est pas le plus important.

Frédéric accepta de changer de sujet et demanda :

- Tu préfères que l’on parte maintenant ou que l’on attende le réveil de Tia ?

Lex se mordit la lèvre en réfléchissant et Frédéric contempla ce petit bout de femme avec un léger étonnement. Il lui remettait, avec une facilité déconcertante et un naturel confondant, les rênes du pouvoir et les décisions pour eux tous. Il était assez surpris. Après tout, elle avait beaucoup moins d’expériences que lui.

Pourtant, il constata qu’il avait une grande confiance en elle. Comme en Tia. Pourquoi ? Il ne l’avait pas vraiment vu en pleine action. Même s’il savait que Tia l’avait formée et qu’elle était du genre exigeante, il ne comprenait pas pourquoi cela lui paraissait normal de la laisser décider pour eux quand ça aurait dû être à lui de le faire.

Il remarqua qu’à elle aussi cela semblait naturel. Elle n’avait pas eu l’air surprise du tout quand il avait remis entre ses mains le choix de décider. Il tourna son regard vers l’horizon et, avec ironie, se dit que peut-être il se faisait tout simplement trop vieux pour tout ça.

Que ça ne l’intéressait plus de décider, diriger et qu’il aspirait à une vie plus simple. Et laisser les autres décider était une bonne façon de se simplifier la vie et de se reposer un peu. Surtout lorsque l’on avait confiance dans son dirigeant.

Et il avait indéniablement confiance en Alexia.

C’était assez étonnant de voir comme elles se passaient les rênes du pouvoir avec facilité en fonction de la situation et des circonstances. Il avait pu le remarquer au court de leur fuite à travers le monde et peut-être était-ce de là qu’il tenait sa confiance en Lex.

Dans tous les cas, il était heureux de ne pas être celui qui dirigeait. Il attendit patiemment que la petite femme à ses côtés lui fasse part du fruit de ses réflexions.

- Je préfèrerais maintenant, mais…

Lex secoua la tête.

- Nous ne sommes pas en mesure d’assurer le transport de Tia, à moins…

- A moins ?

- Tu crois qu’ils nous prêteraient des chevaux ?

- Sûrement, oui. Pour une raison que j’ignore ils sont très serviables. Je ne veux pas dire qu’ils ne le sont pas en général, mais ils ne nous connaissent pas et pour un peuple sauvage, ils ne sont pas très méfiants.

Lex rit.

-Ne t’en fait pas, il y a une raison à ça. Cela fait partie des choses auxquelles je dois réfléchir avant de vous en parler.

- Très bien. Mais… tu es sûre que l’on peut avoir confiance en eux ?

Lex haussa les épaules.

- Rien n’est jamais certain, mais jusqu’ici ils n’ont pas montré de signe d’hostilité et… il faut bien prendre des risques parfois.

- C’est vrai, acquiesça-t-il avec un sourire. Donc on s’en va ?

- Oui. L’état de Tia n’est pas mauvais, mais je serais plus rassurée si on se trouvait à proximité d’un hôpital. Et rester est trop dangereux. Surtout que le vent de la destruction sait parfaitement où nous trouver.

- Cela me paraît sage. Quand partons-nous ?

- Dès que les préparatifs du voyage seront au point. Je vais en parler avec Ashantra ce soir.

- Très bien.

- Tu mets les jumeaux au courant ? J’aimerais rester avec Tia ce soir.

Frédéric sourit. Comme si elle ne pouvait pas être avec elle pendant le voyage. Lex parut lire dans ses pensées car elle le fixa d’un air indigné.

- Pendant le voyage je devrais me concentrer sur d’autres choses, dit-elle d’un ton accusateur.

Il gloussa et elle se renfrogna. Il lui tapota l’épaule.

- Y’a pas de souci. Je m’occupe des enfants.

Elle hocha la tête en faisant la moue et le regarda rejoindre le village. « Non, elle n’était pas accro », songea-t-elle butée. Elle laissa couler le moment. « Bon, ok, je suis accro. Mais j’étais loin de me douter que c’était aussi visible. » Un autre instant passa. « Bon, d’accord, il faudrait être aveugle pour ne pas le voir. »

Elle fixa l’horizon. « Ce que ça peut être vexant. » Elle fit une grimace aux derniers rayons su soleil couchant puis se raisonna.

C’est pas super génial d’être à ce point transparente mais en même temps, ça permettait une certaine compréhension de son entourage, ce qui finalement pouvait s’avérer utile comme maintenant.

« Et pourquoi diable je me prends la tête avec ça, alors que je pourrais être auprès de ma femme ?! »

Elle se redressa et partit d’un pas déterminé vers la tente du guérisseur. Elle s’assit à côté d’elle en s’appuyant contre des coussins. Elle leva une main et repoussa du front de sa compagne quelques mèches noires.

« Elle avait la peau douce, constata-t-elle. Comment était-ce possible ? » Ashantra entra à ce moment là et lui sourit.

- Comment se fait-il que sa peau soit aussi douce ? Demanda-t-elle.

- Je l’ai enduite d’un onguent apaisant et hydratant.

- Vous ? Répéta la petite blonde en fronçant les sourcils. Pas le guérisseur ?

Ashantra gloussa et se mit sur ses genoux, face à elle.

- Je pensais que vous l’auriez compris. Je suis le guérisseur du village.

Lex ouvrit puis referma la bouche et se traita d’idiote.

- Remarquez, je peux comprendre que cela vous ait échappé, se moqua la femme sombre en riant, vous avez été plutôt occupée.

La sœur du chef posa le regard sur la grande femme endormie.

- Elle se remet bien, rassurez-vous. Et elle a un corps à se damner.

La dernière remarque fit ciller Lex. Ashantra le vit et posa un regard pétillant sur elle.

- Rassurez-vous, le vôtre est extrêmement attirant aussi.

Lex rougit. Cette femme était peut-être guérisseuse mais certainement pas médecin ! Elle manquait totalement du détachement propre à cette profession. Lex se racla la gorge.

- Ce n’est pas le propos, fit-elle sans la regarder.

Ashantra rit.

- Oui, et c’est bien dommage, parce qu’il y en aurait beaucoup à dire.

Lex posa un regard vif sur elle.

- Vous draguez toujours aussi ouvertement vos patients ? S’enquit-elle un peu agacée de se sentir aussi mal à l’aise.

- Seulement lorsqu’ils sont attirants, confirma sa vis-à-vis avec un sourire.

Lex la fixa un long moment, mais rien ne semblait devoir mettre cette femme dans l’embarras alors elle renonça et soupira.

- Vous n’avez aucune chance avec moi. Pas plus qu’avec elle, dit-elle néanmoins.

- Oh, mais je le sais ! Répondit Ashantra en riant. Ce n’est pas le but de mes propos.

- Alors quels sont-ils ?

- Juste vous faire part du plaisir que vous et votre amie sont pour mes yeux.

Une fois de plus, Lex resta sans voix. Elle détourna le regard puis décida de changer de registre.

- Bien que votre hospitalité nous honore et que votre aide nous ait été très précieuse, nous ne pouvons pas rester.

- Pour quelle raison ? Le vent de la destruction ne sait pas que vous êtes ici, vous savez. Notre village est plutôt hors de leur vue et suffisamment loin dans nos terres pour qu’ils aient du mal à nous repérer. Surtout que leur élément est la nuit et notre défense bien meilleure depuis leur dernière incursion sur nos terres. Sans parler de leur défaite d’il y a deux jours. Ils vont mettre un moment avant de tenter quoi que se soit de nouveau.

- Pas si ce que vous pensez que nous sommes est vrai. Pas si Ashee le pense aussi. Et je ne serais pas tranquille tant que nous ne serons pas loin d’ici.

- Je comprends. Que vous faut-il ?

- Euh… eh bien nous aurions besoin de chevaux. Et de provisions. Et si vous vouliez bien nous prêter quelques armes, nous vous en serions très reconnaissants.

Ashantra sourit gentiment.

- Vous ne semblez pas comprendre. Nous vous attendions. Vous êtes la réponse à nos prières. Tout ce qui est à nous est à vous. Et je peux déjà vous assurer que toutes les tribus des déserts pensent de même. Alors nous vous prêterons tout ce que vous demanderez. Nous avons des contacts un peu partout autour de nos frontières, vous n’aurez qu’à leur laisser nos chevaux lorsque vous n’en aurez plus besoin.

Ashantra se leva.

- Je vais aller voir Gardan pour mettre au point votre départ. Demain matin vous irait-il ?

Lex hocha la tête et la guérisseuse sortit. Elle s’allongea alors près de sa compagne et se blottit contre elle. Elle ne savait comment prendre les révélations d’Ashantra. Ils les attendaient. Elle ne voulait pas y croire. C’était trop de responsabilités. Et puis elle ne voulait pas y penser maintenant.

Bien sûr, il faudra bien qu’elle s’y résolve mais comme elle l’avait dit à Frédéric, ce n’était pas leur priorité. Enrick et Aniock oui. Pour le reste… elle y réfléchirait lorsque Tia serait en meilleure forme.

Elle inspira doucement l’odeur de l’onguent mélangé à l’odeur de mousse distincte de son amie et soupira d’aise. Elle savait que les jumeaux et Frédéric ne tarderaient pas à arriver pour prendre le dîner avec elles, mais elle avait quelques minutes pour elles seules et elle comptait bien en profiter.

Elle posa un baiser sur la joue abîmée et reposa sa tête près de celle de sa compagne. En cet instant, elle ne rêvait que d’une chose… voir les beaux yeux bleus de sa compagne plonger dans les siens.

Tia lui manquait. La chaleur dans ses yeux lorsqu’elle la regardait. Son rire bas et sexy. Sa voix mélodieuse qui promettait bien des plaisirs ou des frustrations. Son sérieux. Sa gravité. Sa douleur. Sa mauvaise fois. Sa malice. Ses bras forts qui lui faisaient sentir que rien ne lui arriverait jamais tant qu’elle y resterait.

« Pathétique », songea-t-elle. Tia n’était ni partie, ni morte. Elle était juste à côté d’elle, en train de simplement dormir. Et elle lui manquait. Elle repensa soudain à son père et sa haine de sa compagne. Elle ne le comprenait pas. Tia était merveilleuse. Elle prenait soin d’elle. S’efforçait de la comprendre.

Elle était patiente et aimante. Passionnée et folle d’elle. C’était la personne qu’il lui fallait et elle était heureuse. Pourquoi ne voulait-il pas le comprendre ?

A l’époque où elle avait dû choisir entre eux deux, elle n’aurait jamais imaginé qu’elle aimerait Tia à ce point. A cette époque là, elle était déjà dingue d’elle. Mais chaque jour qui passait, même les mauvais, renforçait ses sentiments et les sublimait au point qu’ils en étaient douloureux.

Si elle avait su ce qui l’attendait, les épreuves, le danger et la douleur… et cette insupportable dépendance qui la faisait se sentir si vide lorsque Tia n’était pas juste dans la même pièce qu’elle…, aurait-elle fait un autre choix ?

Elle n’eut pas besoin de plus deux secondes pour y répondre. Non. Ce qu’elle ressentait pour Tia… c’était ce qu’elle avait attendu toute sa vie et puis, se souvint-elle, de toute façon elle n’avait jamais vraiment eu le choix.

Elle avait effectivement attendu Tia toute sa vie. Plusieurs vies durant même. Alors, non, elle n’avait pas vraiment eu le choix. Ou plutôt si. Et elle l’avait fait, il y avait de nombreux siècles déjà. Et elle ne le regrettait pas du tout.

 

Chapitre 4 :

 

Bien avant l’aube, ils se retrouvèrent tous prêt au départ. Les jumeaux comme à leur habitude étaient mal réveillés et grognons. Et ils posaient un regard noir sur leur mère adoptive, mais ne protestaient pas.

Lex jeta un œil à Frédéric qui lui fit un sourire rassurant. Il maintenait fermement son ancienne protégée contre lui et Lex hocha la tête. Elle regrettait de ne pas être assez grande et forte pour pouvoir le faire elle-même.

Elle s’ébroua finalement et se força à se concentrer sur la route à suivre. La veille Ashantra lui avait fourni une carte des quatre déserts très détaillée ainsi que les noms et fonctions des personnes importantes dans chacune des tribus.

 Tia s’était réveillée très brièvement pendant la nuit et Ashantra avait déclaré avec un sourire :

- Maintenant, vous pouvez partir sans que je n’aie de regret. Cela m’aurait frustrée de ne pas avoir pu voir ce magnifique visage en mouvement.

Lex l’avait fixée sans parvenir à se décider quelle réaction avoir.

- Elle est sur la bonne voie, avait poursuivi Ashantra. Elle est encore un peu faible mais au vu de ce qui lui est arrivé, c’est plutôt étonnant qu’elle s’en remette si vite. Les attaques mentales d’Ashee sont perverses et destructrices. Peu de gens y survivent et aucun n’a réussi jusqu'à présent à s’en remettre aussi rapidement. Ton propre rétablissement est plutôt stupéfiant.

«  C’est le fait des vieilles âmes » avait-elle songé avec un petit rire intérieur sans vraiment savoir si c’était vrai, mais très heureuse de partager ce point commun avec son âme sœur.

Lex était soulagée de voir que Tia allait mieux. D’ici à ce qu’ils arrivent à la frontière des terres désertiques, ce qui devrait prendre deux jours tout au plus, elle devrait être à nouveau sur pied.

Ils se mirent en route peu après avoir remercié Gardan et Ashantra pour leur hospitalité et leur aide, en leur promettant de revenir dès que leur problème serait réglé. Ashantra l’avait dévisagée puis avait eu un petit sourire désabusé. Enfin, elle s’était penchée vers elle et avait murmuré à son oreille :

- Tu sais que tu ne reviendras pas. Pas la peine de te mentir. Mais tu peux fuir aussi loin que tu veux… cela ne changera rien. La prophétie se réalisera que tu sois d’accord… ou non. 

Alexia s’était raidie mais n’avait pas dit un mot. Elle ne savait pas elle-même si elle reviendrait, mais ça aurait été la chose la plus sage… après tout, elles avaient besoin d’infos pour savoir dans quoi on les entraînait malgré elles.

Cependant, elle devait reconnaître qu’elle n’en avait pas tellement envie. Ce qu’on lui prédisait de son avenir ne la réjouissait pas des masses et si elle n’était pas lâche, elle ne voyait pas pourquoi elle devrait gâcher le peu d’années qu’on lui donnait à vivre avec sa compagne en accomplissant une prophétie qui la ferait peut-être la trahir.

Finalement, elle avait haussé les épaules.

- Je verrais ça avec Tia.

Ashantra avait souri et posé une main sur son épaule.

- Au moins retournez voir Harry. Il vous expliquera dans le détail à quoi vous vous êtes engagées avec la cérémonie.

- Pourquoi ne l’a-t’il pas fait avant ? L’avait-elle interrogé un peu irritée de toutes ces cachotteries.

Ashantra avait ri et Gardan avait répondu.

- Parce que vous ne l’auriez jamais pratiquée sinon. Mais vous en aviez besoin. Si Harry vous avait tout expliqué vous auriez probablement pris la bague et la procédure d’union des âmes, mais vous ne l’auriez sûrement pas fait. Et la bague de Tia, sans la cérémonie, aurait brûlé son âme comme vous le savez. Il comptait sur votre nature curieuse et fleur bleue pour le faire.

- Et une fois de plus, il a eu raison, asséna Ashantra. Allez le voir aussi rapidement que possible, cependant. Il y a des choses que vous devez savoir à propos de l’engagement que vous avez pris l’une envers l’autre. Cela a des effets que vous ne connaissez pas et nécessite un certain apprentissage qui vous permettra de maîtriser ces phénomènes. Evidemment, si vous reveniez ici, nous pourrions aussi vous apprendre tout cela avec une meilleure ambiance que celle qu’Harry vous réserve, mais… c’est vous qui voyiez.

Lex avait hoché la tête sans rien dire. Elle y réfléchirait avec Tia. Elle n’aimait pas trop Harry, mais revenir ici, c’était se rapprocher d’Ashee.

Puis ils avaient grimpé sur leurs chevaux. Un dernier signe d’adieu et ils étaient partis. Ils chevauchèrent jusqu’au lever du soleil. Là, Lex vérifia la carte que lui avait fourni Ashantra et décida de mettre le cap sur une montagne désertique située plus à l’est.

Ils devraient y arriver au environ des heures les plus chaudes et pourraient s’y reposer en attendant qu’elles passent. Plusieurs points étaient ainsi marqués, leur permettant d’avancer tout en étant assuré de trouver de l’ombre et un point d’eau.

Armés et sûr de leur chemin, ils pouvaient enfin profiter du spectacle qu’offrait le paysage insolite et quasiment vierge du désert du Kalahari. C’était un mélange étonnant de steppe et de roches nues et de sol poussiéreux. Il y avait plus de points d’eau qu’on aurait pu le croire, ce qui permettait aux fils du vent de bouger autant qu’ils en avaient besoin. Ce qui compliquait un peu plus les raids du vent de la destruction.

Ils croisèrent des animaux, des chacals, des lynx, des oiseaux, des rapaces. La plupart s’en allèrent en les voyants. Lex en chassa quelque uns pour agrémenter leur dîner.

Lex et les autres cheminèrent la plupart du temps en silence. Ils s’arrêtaient régulièrement pour réhydrater les chevaux et se dégourdirent les jambes. Ils en profitaient pour réveiller Tia quelques secondes et la faire boire.

Les jours passèrent et se ressemblèrent. Plus le temps passaient et plus Tia restait éveillée longtemps. Le deuxième jour, elle obligea Frédéric à lui laisser les rênes une partie de la journée. Son état s’améliorant, la joie revint sur le petit groupe et Lex put mesurer pour la première fois, combien la présence de sa femme et son humour tordu pouvait alléger une atmosphère.

Tia avait beau être plutôt une personne sombre et taciturne, sa simple présence, illuminait les personnes qui l’aimaient. Et Lex réalisa que la mercenaire comptait bien plus que ce qu’elles s’imaginaient toutes deux. Tia n’avait peut-être pas été très présente dans leur vie avant ces dernières années, et elle partait souvent en voyage pour son travail, mais apparemment le peu qu’elle était resté au ranch avait suffit à créer un lien, un attachement très puissant dans le cœur de ses jumeaux.

Bien sûr, elles avaient toujours su que Tia comptait mais elles n’avaient jamais pensé que c’était à ce point. Pourtant elles auraient dû. Tia n’était pas la meilleure mère du monde et Lex non plus, mais cela ne semblait pas poser de problème aux jumeaux. Ils avaient appris à se contenter de ce que Tia leur donnait et Lex en prit conscience dans le désert.

Les jumeaux étaient incroyables. Bien plus sages et matures que ce qu’aucune d’elles deux ne s’était imaginée.

Lex allait de surprise en surprise. Et à chacune d’entre elles, elle se demandait pourquoi elle l’était. Len et Lara étaient les enfants de Tia. Une personne a la volonté, au courage et la maturité hors norme. Il était normal que ses enfants montrent son intelligence et son adaptabilité.

Le soir du troisième jour, ils s’installèrent dans une grotte creusée dans une roche solitaire, plantée au milieu du désert de façon incongrue. Une petite rivière coulait en son centre et Lex se demanda brièvement où elle allait.

Ils trouvèrent une grande pièce sous terre où ils décidèrent de passer la nuit. Ils allumèrent un feu et s’assirent autour. Ils devisèrent tranquillement, heureux d’arriver dès le lendemain en terre connue. D’après le plan fournit par Ashantra, ils arriveraient demain soir, au alentour de minuit s’ils poursuivaient leur route après la tombée de la nuit, à Lusaka, en Zambie.

Ils pouvaient s’arrêter à la première ville venue en sortant du territoire désertique, mais Lex pensait qu’il serait plus sûr de se perdre directement dans une grande ville. Leur arrivée de nuit leur donnait aussi une discrétion qu’ils n’auraient pas eu la journée, d’autant plus dans une petite ville.

Lex avait tracé un chemin qui leur ferait éviter les deux petits villages bordant la frontière et les mèneraient directement vers l’habitation d’un des contacts de Gardan. Ils laisseraient les chevaux là-bas et pourraient récupérer un véhicule motorisé en échange.

Lex voulait les emmener sans attendre dans une des planques de Tia, située pour une fois, en plein milieu d’une grande ville. Celle-ci possédait la particularité d’être au nom de quelqu’un d’autre. Cette personne ne connaissait Tia ni d’Eve ni d’Adam. Pas plus qu’un Enyo ou une She-wolf.

En fait, leur transaction, ce prêt de nom, avait été conclue par l’intermédiaire d’une ligne web que Tia avait soigneusement pris soin d’effacer du réseau une fois l’affaire conclue. La personne avait été grassement payée pour lui céder cet appartement sans y enlever son nom. Et lorsque Lex s’était étonnée d’un tel risque, Tia lui avait expliqué qu’il s’agissait en réalité d’une personne choisie très spécifiquement.

C’était un marginal qui haïssait le gouvernement, les polices et tout ce qui ressemblait de près ou de loin à un être humain et vivait hors du monde, comme un ermite en pleine forêt. Il avait hérité de cet appartement faute d’héritier plus proche et s’était empressé d’accepter sa proposition lorsqu’il l’avait mis en vente. Il avait parfaitement accepté son explication comme quoi c’était pour que le fisc et ses agents avides lui fichent la paix.

Tia payait donc en son nom à lui, des impôts et taxes sur cette propriété. Il avait ainsi une existence officielle en Afrique qui permettait au gouvernement de ne pas le chercher ailleurs et de vivre comme il l’entendait pendant qu’elle faisait de même. Ils étaient tous deux parfaitement satisfaits de cet arrangement.

Alors que Len avait finalement ressorti un jeu de cartes offert par un des cousins de Gardan, et continuait d’apprendre les règles du poker avec Frédéric, Lara elle lisait un des deux livres qu’elle avait tenu à emmener à leur départ de Grèce. Elle l’avait déjà lu trois fois, mais ne se lassait pas de cette histoire d’amour impossible entre un vampire ultra sexy et une jeune ado arrivée chez son père.

Lex en avait lu quelques passages et reconnaissait que c’était vraiment bien écrit. Et très poétique. Elle porta son regard sur sa compagne qui si elle ne dormait pas avait posé la tête sur la paroi derrière elle et avait fermé les yeux.

Les flammes du feu crépitant entre elles se reflétaient sur le visage tiré de sa femme et Lex la trouva, même ainsi, magnifique. Tia l’avait écoutée plus tôt dans la journée lui exposer ses plans et avait acquiescé sans rien dire. Elle n’avait rien remis en cause et comme à son habitude, peu parlé, mais elle était éveillée et cela avait suffit à tout le monde.

En arrivant devant leur abri pour la nuit, Tia avait déclarée qu’elle chevaucherait seule le lendemain. Lex avait ri et protesté qu’il n’y avait pas assez de chevaux. Tia l’avait alors fixée et déclaré, très sérieusement :

- Si. Si tu marches à côté du mien.

Lex avait ouvert des yeux ronds puis sourit. Elles s’étaient dévisagées longuement, partageant les mêmes souvenirs, les mêmes sensations et sentiments, d’un passé si lointain qu’il n’aurait pas dû être en elles. Elle avait hoché la tête et répliqué :

- Du moment que de temps en temps je peux chevaucher derrière toi.

Le double sens contenu dans la phrase avait fait rougir sa grande compagne encore un peu déstabilisée par la fatigue dûe aux épreuves violentes qu’elle avait traversées.

Tia ouvrit soudain les yeux et croisa son regard émeraude. Lex laissa le bleu profond, assombri par les flammes, la capturer. Lex savait qu’elle devrait faire part de ce que Gardan et Ashantra lui avait appris dès le lendemain, lorsqu’ils seraient tous en sécurité. Elle devait donc profiter de leur relative sécurité actuelle pour s’éclaircir un peu les idées.

Mais les yeux de Tia étaient bien plus attirants et intéressants que les élucubrations de prophètes, voyants et timbrés comme Ashee. Elles partagèrent ainsi, un long et serein regard. Le monde alentour disparut et ne restèrent qu’elles deux… le bleu se baignant dans le vert. Le vert se plongeant dans le bleu… rien d’autre que leurs sentiments respectifs se mélangeant les uns aux autres.

Une communication silencieuse et intense s’établit alors. Des choses s’agitèrent en chacune d’elle et les envahirent totalement. La chaleur et l’amour qu’elles ressentaient firent comme un nuage moelleux et doux à l’intérieur d’elles-mêmes. Et elles se fondirent dans cette fièvre avec un délice inouïe.

Elles soupirèrent en chœur et leurs yeux se plissèrent et s’assombrirent. Leurs bas-ventres entrèrent en éruption et elles bougèrent, comme si une main les caressait. Une chair de poule soudaine recouvrit leur bras et elles levèrent leurs mains dans un même mouvement pour la passer sur leurs bras.

Elles se fixaient par dessus les flammes, perdues dans un monde de sensations et de sentiments partagés. Aucune d’elles n’avait jamais ressenti ça. Aucune d’elles ne remarqua la différence. Elles plongèrent là dedans sans même s’en rendre compte. Avec un naturel stupéfiant.

Puis Len tapa sur le bras de sa mère et leur étrange échange prit fin. Elles clignèrent des yeux et reprirent pied dans la réalité. Elles échangèrent un regard surpris et un peu perplexe. Puis Tia se tourna vers son fils et accepta sa demande de se joindre à leur partie de cartes.

 

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Ils arrivèrent comme prévu le lendemain dans la nuit et se rendirent directement dans l’appart de Tia. Celui-ci s’apparentait plus à un loft qu’a un appartement et les meubles choisis par le précédent propriétaire étaient tous très design et loin de Tia.

Tout était en inox, couleurs vives et formes géométriques tendances. Tia fit la grimaces en entrant mais les jumeaux poussèrent des cris admiratifs et foncèrent visiter le reste. Le loft possédait trois vastes chambres et une salle de sport. Une salle de bains digne de celle d’un Taj Mahal et une piscine située en plein milieu du salon.

Lex marcha jusqu’à elle et la fixa d’un air perplexe. En forme de cœur dont le fond et les murs étaient d’un rouge profond, elle était, ce que tous ici s’accordèrent à dire, le summum du mauvais goût.

- C’est kitschissime au possible, lâcha Lex en se tournant vers elle.

Tia haussa les épaules.

- Et encore t’as rien vu, fit-elle en se dirigeant vers le meuble situé près de l’immense écran plat sur le mur du fond.

Elle en sortit des coffrets DVD et les lui montra. Lex plissa les yeux et lut :

- Les aventures de Rhenna, la grande princesse guerrière.

Lex se redressa.

- C’est vrai qu’en matière de kitsch, cette série fait très fort, confirma-t-elle.

Elles échangèrent un regard puis se sourirent.

- On en regarde des épisodes ce soir ? Suggéra Lex avec un sourire en coin et une lueur amusée dans les yeux.

Tia acquiesça et dit :

- Je parie que ce que tu préfères dans cette série c’est Marielle, la gentille petite brune.

- Pas du tout ! La contredit sa compagne avec véhémence. Je préfère Rhenna ! Elle est grande, forte, et sa nouvelle coupe de cheveux courte lui va à merveille !

Tia fit la moue en fixant le coffret.

- Moi je préférais quand elle avait les cheveux longs. Ils étaient blond vénitien et ça lui donnait un air tout mignon.

Lex ricana.

- Ouais, ben une princesse guerrière avec un air tout mignon c’est pas très crédible !

Tia haussa les épaules.

- C’est ce qui était marrant. Les gars ne se méfiaient jamais d’elle.

Lex se rendit à ses côtés et lui prit un coffret des mains. Elle l’observa un moment puis demanda :

- Tu crois qu’elles ont une relation lesbienne ?

- Ca crève les yeux !

- Ben, je n’en suis pas aussi sûre, protesta la petite blonde. C’est vrai qu’elles ont l’air proche et tout, mais…

- Attends, la coupa sa compagne en se tournant vivement vers elle, et le suçon dans l’épisode un jour sans fin ? Tu vas me dire que c’est Rago qui lui a fait ? Ou mieux… Boxer ? J’t’en prie Lex, sois pas aussi naïve ! Fit-elle en posant le coffret sur la table basse et en se rendant dans la chambre que les jumeaux leur avaient attribuée près de la porte d’entrée.

Lex lui tira la langue puis la suivit en marmonnant :

- Ben, moi je parierais pas dessus quand même…

 

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Le dîner se passa dans la bonne humeur. Tout le monde était content de pouvoir s’asseoir sur de vraies chaises et de manger quelques choses de frais, chaud et qui n’était pas vivant à peine quelques minutes avant. La perspective de douches chaudes et de lits douillets n’était pas pour rien dans la joie ambiante.

Les jumeaux se battirent pour savoir qui serait le premier à profiter de la douche et Tia profita de leur bagarre pour prendre la place. Ils se rendirent compte de sa fourberie au moment où ils entendirent le clic de la fermeture à clé de la porte.

- Mamaaaaaaaaaaann !!! Fit Len en tambourinant contre la porte en colère. T’as pas le droit de faire ça !!!!!!!!! C’est pas juste !!!!!!!!!!!

Lara avait croisé les bras et fulminait. Elle tourna les talons et revint quelques minutes plus tard avec Lex. La jeune fille lui expliqua la situation et la petite blonde réprima un sourire qui aurait envenimé les choses. Elle se planta devant la porte et toqua.

- Tia, c’est moi. Ce n’est pas très sympa. Tu ne peux pas attendre qu’ils en aient terminé ?

- Se serait une attitude digne d’une vraie mère ! Lança Lara indignée derrière elle.

Lex se mordit la lèvre pour ne pas ricaner. Ce genre d’argument donnait en générale à sa compagne, envie de faire un autre pied de nez.

Le clic d’ouverture se fit entendre à peine deux secondes avant que la porte ne s’ouvre brusquement. Tia apparut, à demi-dévêtue, un sourire énorme sur le visage et une lueur diabolique dans les yeux.

Elle fixa ses enfants et, sans les quitter des yeux, attrapa le poignet de Lex et tira. Celle-ci se retrouva appuyée contre un torse très familier et alors qu’elle souriait devant une paire de seins plutôt contente de la voir, elle entendit la porte de la salle de bains se refermer.

Deux cris outrés et fulminant d’une grande frustration retentirent. La porte vibra de leur colère, puis, après un délai qui leurs sembla raisonnable, ils cessèrent leurs jérémiades et tournèrent les talons.

Lex n’avait pas attendu la fin des hostilités pour s’occuper des pointes dressées devant sa bouche. Tia avait enfoncé ses doigts dans les cheveux blonds de sa compagne et rejeté la tête en arrière.

Elle recula en trébuchant vers le bain et balbutia :

- J’ai envie d’un bain un peu spécial.

Sans lâcher les deux superbes globes dont elle se repaissait avec avidité, Lex souffla :

- Ca me va très bien.

Tia recula encore et lorsque ses genoux touchèrent le bord de la très très grande baignoire, elle relava la tête de Lex et l’embrassa à pleine bouche tout en se débarrassant de ses vêtements avec une célérité digne d’une championne olympique.

Lex lui donna un coup de main et lorsqu’elle fut enfin nue, elle se jeta sur sa compagne avec une vigueur due à une trop longue abstinence. Tia acculée contre le rebord en marbre rose, perdit l’équilibre et bascula dans la baignoire avec un grand splash.

Lex la regarda disparaître sous l’eau une main sur la bouche. La tête de sa compagne ne tarda pas à réapparaître et Lex blagua faiblement :

- Heureusement que la baignoire tient de la piscine parce que sinon je t’aurais renvoyé aux pays des songes…

Tia secoua la tête en riant.

- Mon corps te manquait tant que ça ?

Elle se releva, ruisselante et alors que Lex ouvrait de grands yeux fascinés, Tia baissa les mains vers sa culotte complètement trempée, et commença à la baisser avec une lenteur calculée.

- Laisse-moi te rendre un peu plus dingue…

Lex déglutit et profita du spectacle hypnotisant que sa mercenaire lui offrait.

 

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Deux heures plus tard, elles ressortirent de la salle de bains toute propres et très satisfaites. Tia se rendit dans la chambre de Len pour leur dire que la place était libre, pendant que Lex allait faire un tour dans le frigo.

Elle trouva son fils en pyjama et sous les couvertures. Frédéric avait mis la climatisation en marche dès leur arrivée mais les nuits étaient quand même trop froides pour se contenter d’un simple drap.

Elle s’assit sur le rebord de son lit et lui sourit.

Len mit la BD qu’il avait trouvé de côté et posa un regard grave sur sa mère. Il n’avait pas cessé de retourner la question dans son esprit. Elle l’avait taraudé tout au long de leur fuite dans le désert et il savait qu’il ne pourrait réellement trouver la paix que lorsqu’il en aurait le cœur net.

Il prit donc une profonde inspiration et pria pour que Lara ait eu raison.

- Maman…

Tia leva deux sourcils interrogateurs et posa un regard attentif sur lui. Son ventre se noua mais il se força à poursuivre. Il avait besoin d’être sûr.

- Est-ce que… est-ce que tu as tué papa ?

Tia se figea et son sang se glaça. Le visage encore abimé par endroit, se vida de son sang et Len sentit une sueur glacée se répandre dans tout son corps.

Chapitre 5 :

 

- Que… ? D’où… ?

Tia avait la gorge nouée et ne parvenait pas à articuler. Elle dardait sur son fils un regard effrayé. Il y lut tout ce qu’il avait besoin de savoir et détourna les yeux, fixant le mur à ses côtés.

- Tu l’as vraiment tué alors… souffla-t-il sans parvenir à y croire.

Il avait vraiment cru Lara, vraiment cru que la femme avait menti. Que jamais sa mère ne leur aurait caché un truc pareil. Ou… Et si la femme chef avait dit vrai là dessus, elle avait sûrement dit vrai pour le reste aussi.

Son père avait été un grand homme. Un être de valeur. Quelqu’un de si connu que même cette femme dans son coin reculé en avait entendu parler. Il avait toujours cru que parler de lui était trop douloureux pour sa mère… et en effet c’était le cas… mais par parce qu’elle l’avait aimé. Non. Mais parce qu’elle l’avait tué.

Et pas n’importe comment apparemment. Elle l’avait battu à mort. Battu à mort. Il leva un regard horrifié sur sa mère.

- Tu l’as battu à mort… tu… tu l’as… écrabouillé avec tes poings… tes pieds… tu… l’as… tué… de façon horrible.

Tia tressaillit. Chacun des mots, son regard, sa voix… tout lui faisait mal. Et la replongeait en un lieu sombre duquel elle avait eu du mal à s’extirper.

- Ce n’est pas…, balbutia-t-elle d’une voix rauque, ce n’est pas ce que tu crois. Je… il…

Len se redressa soudain, manquant de frapper sa mère se faisant.

- Il était vivant !!! cria-t-il.

- Qu… quoi ?

- Il y a quatre ans… il était vivant !! Tu n’as jamais voulu nous parler de lui et on a toujours pensé que c’était parce qu’il n’était plus là, mais il l’était !!!!! On aurait pu le connaître !!!!! Et tu nous en as empêchés !!!!!!! Pire que tout, tu l’as tué !!!!!! Tu l’as tué !!!!!!!!!!! J’arrive pas à y croire, fit-il en la repoussant pour se mettre debout en prise à une colère comme elle ne lui en avait jamais vu. Tu l’as tué !!!!!! Et tu es là, à nous dire ce qui est bien de ce qui est mal !!!! Alors que TU AS TUE NOTRE PERE !!!!!!!!!! Hurla-t-il au comble de la rage.

Tia tressaillit violemment mais ne dit rien. Qu’aurait-elle pu dire d’ailleurs ? Il avait raison. Elle avait tué leur père. Les avaient empêché de le voir. Elle n’était pas une bonne mère, et il semblait enfin s’en rendre compte.

Elle avait toujours redouté ce moment autant qu’espérer qu’il arrive. Elle n’aimait pas passer pour ce qu’elle n’était pas et ses enfants étaient si persuadés qu’elle était quelqu’un de bien.

- MAIS DIT QUELQUE CHOSE, MERDE !!!! Cria-t-il exaspéré par son silence. Pourquoi t’as fait ça ?!! Pourquoi t’as menti ?!! Pourquoi tu l’as TUE ?!!!

Tia posa un regard empli d’une détresse si profonde sur lui, qu’il hésita un instant, mais la colère et le sentiment d’être passé à côté de quelque chose, de trahison et de tristesse fut le plus fort.

Il la fixa avec rage, dégoût et mépris. Et le cœur de Tia sombra. Elle lut dans le regard si vert de son enfant, la même haine que dans celui de son père. La même haine qu’elle se portait à elle-même.

Dans la chambre de Lara, Lex entendit les cris sans les comprendre. Mais la flamme qui s’étouffa soudain dans son cœur lui fit réaliser que c’était sérieux. Elle se leva d’un bond et traversa les quelques mètres qui la séparaient de la chambre de Len, Lara sur ses talons, en quelques secondes.

Là, elle trouva sa femme assise sur le lit du fond, son fils debout en face d’elle, le corps vibrant de rage contenue. Lara la percuta et Lex avança d’un pas dans la chambre, attirant l’attention des deux autres.

Le regard plein de colère de Len et celui de douleur de Tia la frappèrent en plein cœur. « Ok, qu’est-ce qui c’est passé ? »

- Len ? Tia ? Qu’est-ce qu’il y a ?

Len cracha plein de hargne :

- Elle a tué mon père !!!

Lex ouvrit de grands yeux stupéfaits. Que… comment ce sujet était-il venu sur le tapis ?! Et pourquoi diable Tia avait-elle avoué cela ?!

- Arrête de dire n’importa quoi Len ! L’apostropha une voix dans son dos.

Lex se retourna et découvrit une Lara un brin perplexe et agacée. Elle avança vers son frère dans le but de le calmer mais il la transperça du regard et répéta :

- Elle a tué notre père, la chaman n’a pas menti ! Tu t’es trompée ! 

Lara s’arrêta et le fixa. Il avait l’air de vraiment le croire.

- Demande-lui si tu me crois pas ! Cria-t-il en désignant leur mère.

Lara tourna un regard incertain vers sa mère et ce qu’elle la vit la figea. Sa mère avait un air malheureux et coupable qui voulait tout dire. L’expression de Lara se fit suppliante :

- Dis-lui que c’est faux, maman. S’il te plaît…

Tia ferma les yeux, inspira un peu puis les rouvrit. Elle planta un regard ferme mais douloureux dans ce regard si semblable au sien et dit :

- Je suis désolée, mon cœur, mais je ne peux pas.

Tia garda le regard fixé sur celui de sa fille et la vit écarquiller légèrement les yeux, envahit par le choc de la révélation. Contrairement à Len, Lara n’explosa pas en une montagne de colère et de sentiment de trahison. Dans ses yeux, Tia lut une déception qui fit mal.

Lara la dévisagea un long moment, son frère vibrant de colère, à côté d’elle, puis tourna les talons sans rien dire. Len jeta un dernier regard à sa mère et suivit sa sœur. Lex les regarda passer devant elle avec une nervosité patente. Elle se tourna ensuite vers sa femme et ce qu’elle vit lui déchira le cœur.

Tia avait les yeux fermés, le visage pâle, le corps tendu à l’extrême. Lex se précipita vers elle avec une inquiétude affreuse. Elle avait l’impression de revoir Tia après la mort de Sassem et quelque part, elle savait que c’était le cas. 

Elle s’assit à côté d’elle et l’entoura de ses bras. Tia resta comme un morceau de bois entre ses bras et Lex finit par se lever. Elle prit la main de sa femme et la força à se mettre debout. La mercenaire finit par ouvrir les yeux et se laissa guider jusqu’à leur chambre.

Là, Lex l’assit sur leur lit et lui retira ses vêtements avec lenteur et douceur. Puis lui enfila un grand t-shirt large qu’elle gardait pour dormir et l’incita à se coucher. Tout ceci, les gestes, les mots de réconforts, le silence, lui rappelaient tellement un passé dont elle avait eu peur de ne pas sortir sa compagne, que son ventre se noua.

Elle retira ses propres vêtements et enfila un t-shirt à Tia avant de s’allonger à ses côtés. Elle l’attira à elle, la tête de son amie contre sa poitrine et caressa les cheveux avec une douceur patiente.

Elle ferma les yeux et se concentra sur leur lien, ce lien magnifique qui les avait rapprochées, ce lien qui venait subitement de refroidir, la flamme de Tia ne s’agitant plus que comme des braises enflammées. Lex avait peur. Et la situation était si spécifique, tellement délicate… qu’elle craignait de dire ou de faire une connerie.

Après un long moment, passé à guetter la moindre amélioration, Lex sentit Tia se détendre imperceptiblement et se décida à l’interroger.

- Qu’est-ce qui s’est passé ?

La respiration de Tia se bloqua puis se relâcha lentement.

- Ashee, souffla-t-elle en entourant d’une étreinte forte la taille de sa compagne.

Lex fronça les sourcils.

- Ashee ?

- Tu ne l’as pas entendue, hein ?

- Non.

- Dans le cratère, pendant… notre fuite… elle… elle a voulu foutre le bordel et… déstabiliser les jumeaux était une bonne façon j’imagine…

Tia se tut et Lex ne la pressa pas de question. Tia livrait les infos à son rythme. Elle avait toujours du mal à parler des choses qui la blessaient, plus que les autres gens. Cela venait autant de son caractère de dur à cuire que de la nécessité de son enfance.

Et la dépression n’avait rien arrangé. Avant, même si c’était difficile, un moment très délicat à passer et à expliquer à ses enfants, elle n’aurait pas craqué ainsi. Elle ne se serait pas effondrée aussi facilement. Elle aurait mal, mais serait restée debout et aurait réfléchi à comment désamorcer la situation. Là…

Là… Tia… s’était de nouveau enfermée en elle-même.

- Je ne sais pas comment, elle l’a su, reprit la grande femme, mais elle a appris que j’avais tué Sassem et leur a dit.

- Les souvenirs…, murmura Lex.

- Oui… les souvenirs. 

- C’est Len ou toi qui avaient abordé le sujet ?

- Len. Je… j’avais oublié.

« Oublié. Oui, bien sûr que tu as oublié »

- Je ne comprends pas pourquoi il n’en a pas parlé avant, dit Lex presque pour elle-même.

- Je ne sais pas…

Lex laissa couler un autre moment de silence entre elles puis se lança :

- Il va falloir que tu parles de Sassem Ti. De ce que… ça t’a fait et de pourquoi…

Tia se raidit.

- Pourquoi, je devrais faire ça ? Ca n’a rien à voir.

- Ca a tout à voir, mon cœur, répliqua la petite femme sans cesser ses caresses sur les cheveux noirs de sa compagne. Tu ne t’en es pas remise. Et ça te rend plus fragile.

- Je ne suis plus dépressive ! Protesta la grande femme vivement.

L’énergie mise dans la réponse ravit la petite femme qui sourit au plafond.

- Ce n’est pas ce que je dis Ti. Juste que sa mort… la façon dont elle est survenue… te hante encore. Comme bien d’autres choses de ton passé. Mais celle-ci… celle-ci te gâche la vie et je pense… que tu devrais en parler. Ca… je pense que ça pourrait t’aider à… mieux aborder le sujet avec tes enfants. A mieux le vivre. Et leur expliquer.

Tia enroula ses doigts autour de la peau de la taille de Lex, soudain tendue.

- Je ne crois pas que ça ait un rapport.

Lex passa une main douce sur la tête qui reposait contre ses seins et laissa l’autre errer sur la taille ferme de sa compagne.

- Ca en a un et tu le sais. Ne te mens pas Ti. Tu plonges bien plus facilement dans ce genre d’humeur lorsque ton passé revient te taper la tête. Il faut que tu en parles Ti. Pour ne plus le laisser te dominer ainsi.

Lex laissa ses paroles faire leur chemin puis reprit :

- Tu es une maniaque du contrôle. Alors reprends le contrôle de tes souvenirs mon amour. Ne les laisse plus t’écraser ainsi.

La gorge de Tia se serra et les larmes affluèrent derrière ses paupières closes. C’était vrai. Complètement et totalement vrai. Mais c’était si difficile…

Elle déglutit et resserra son étreinte sur le corps chaud et rassurant de sa femme et lâcha un soupir tremblant.

- Rien ne presse, fit la voix de son aimée. Rien, ni personne ne t’oblige à parler avant que tu n’y sois prête. Mais Tia… réfléchis-y, ok ? Et sache que je serais là… toujours… n’importe quand… dis-moi juste ce dont tu as besoin et je te le donnerais.

L’image du futur montré par Ashee passa dans son esprit mais ne s’attarda pas. Ce n’était pas le moment et puis, elle savait que ce n’était qu’un futur possible. Pas une obligation et il y avait toutes les chances même pour que se soit un mensonge, une manipulation de son esprit pour les séparer.

Lex aimait Tia et jamais… jamais elle ne ferait ce qu’elle avait vu à Tia. Jamais. Plutôt s’arracher bras et jambes dans l’instant.

Tia hocha la tête et soupira. Deux larmes roulèrent sur ses joues et tombèrent sur le tissu frais du t-shirt de Lex. Tia les regarda imprégner le vêtement et l’assombrir, puis se blottit plus profondément dans l’étreinte de sa compagne.

Lex sentit le besoin d’être dorlotée de sa compagne et elle ne se fit pas prier. Elle resserra son étreinte et se mit à la bercer. Elle embrassa le sommet de son crâne et souhaita de toutes ses forces être capable de chasser la souffrance du cœur de son âme sœur.

Pourquoi la vie s’acharnait-elle ainsi ? Tia avait enduré les pires souffrances pour arriver là où elle en était… avec elle. Et était-elle récompensée ? Avait-elle été remerciée de ses efforts continuels pour ne pas céder à la facilité des tueries sans fin ?

Non. Bien au contraire. On ne cessait de mettre des obstacles sur sa route et Lex en était peinée au-delà du possible. Tia avait tellement morflé. Et tout ça pourquoi ? Parce qu’un crétin de dieu avait décidé que le geste d’amour le plus pur et le plus magnifique que Tia, Xena, avait eu pour elle était une abomination ! Ca n’avait rien d’abominable.

C’était une erreur. Une erreur faite par amour. Pour réparer une autre erreur.

Lex secoua la tête. Chacune de leur séparation avait été un échec. Une source d’ennui profond. Que ça ai été lors de leur première existence ou dans cette vie ci. Elles avaient pris les mauvaises décisions ou ça ne leur avait pas porté chance tout simplement.

Elles étaient faites pour être ensemble. A chaque minute de chaque seconde de leurs vies.

Et ça Ashee devrait se l’enfoncer dans le crâne une bonne fois pour toute.

 

***************************************************

 

Elles se réveillèrent aux premières lueurs du jour, le bruit de la circulation et des voix en arrière fond. Elles s’étaient endormies sur le dessus de lit, lovées l’une contre l’autre et Lex ouvrit les yeux la première, même si elle sentit au changement de rythme respiratoire de Tia que celle-ci était réveillée aussi.

Elles se trouvaient vraiment près, le visage tourné l’une vers l’autre et Lex leva une main. De son index elle traça légèrement les sourcils si parfaitement dessinés de sa femme et poursuivit avec ses pommettes puis sa mâchoire et enfin ses lèvres.

La respiration de Tia s’accéléra imperceptiblement et une langue taquine sortit de la bouche rouge et tentatrice et captura le doigt voyageur. Lex sourit lorsque des dents le mordillèrent. Les yeux bleus s’ouvrirent soudain et plongèrent intensément dans les siens. Lex en frissonna jusqu'à au plus profond d’elle-même.

Puis les yeux bleus s’assombrirent et Tia rompit le contact en roulant sur le dos. Elle fixa le plafond un long moment et Lex se redressa sur un coude pour l’étudier. Tia irradiait une douce tristesse. Mais ses yeux, lorsqu’elle les posa sur elle, étaient tous ce qu’il y avait de plus vivant. Tia avait l’esprit à nouveau clair et serein. Seule la tristesse restait.

- Ils ne resteront pas en colère indéfiniment Ti. Surtout lorsqu’ils sauront pourquoi tu as dû le tuer. Ils t’en veulent de ne rien avoir dit, mais ça aussi ils en comprendront la raison.

- Je ne veux pas qu’ils sachent.

Lex ouvrit de grands yeux.

- Mais pourquoi ?! Tia ils sont suffisamment âgés et intelligents pour comprendre.

- Je ne veux pas qu’ils sachent, répéta-t-elle.

Lex fronça les sourcils.

- Tia, ça n’a pas de sens. Pourquoi ne veux-tu pas leur expliquer ?

Tia tourna un visage en colère et railleur vers elle.

- Leur expliquer ?! Leur quoi ?! Que leur père était le pire salaud que cette terre ait jamais porté ?! Que c’était un mégalomane doublé d’un sadique ?! Qu’il a détruit tellement de vies que l’enfer est trop bon pour lui ?! Qu’il m’a torturée et à moitié détruite ?! Qu’ils sont le fruit d’un putain de viol ?!! Finit-elle en criant.

Lex tressaillit mais ne fléchit pas.

- Oui. Oui, je veux que tu leur dises ça.

- T’es cinglée ?!!

- Non Tia, mais je ne veux pas qu’ils te fassent du mal. Et ils le feront jusqu'à ce qu’ils aient une explication.

- C’est moi leur mère, c’est à moi de prendre les coups pas à eux ! Répliqua-t-elle furieuse en se redressant vivement.

- Tia, ils vont se poser des questions, s’entêta la petite femme. Se ne sont plus des bébés, ils ont droit à une explication ! Et leur cacher quel connard était leur père ne les aidera pas à se construire !

- Ils n’ont pas besoin de ça pour ça ! Rétorqua-t-elle en se levant furieuse.

Tia se retourna vers sa compagne et la voyant sur le point de parler déclara :

- Cette discussion est close. Je ne veux plus qu’on aborde le sujet. Les jumeaux se feront l’opinion qui leur plaît, mais personne, et je dis bien personne, ne leur dira qui était leur père, c’est clair ?

Lex serra les dents et la fixa d’un regard noir. Elles se jaugèrent un moment puis Tia tourna les talons et entra dans la salle de bains. Lex la suivit des yeux. « Je n’ai rien promis », songea-t-elle en fixant la porte close.

 

****************************************

 

Ils se retrouvèrent tous autour de la table du petit déjeuner dans un silence maussade et colérique. Frédéric fixa Lex d’un air interrogatif et elle lui dit silencieusement qu’elle lui expliquerait plus tard.

- Je dois contacter mon oncle et Enyalios pour savoir ce qu’ils ont appris sur Aniock. Mais avant j’aimerais savoir ce que tu as appris des fils du vent ? S’enquit Tia pour briser le silence.

Lex hocha la tête en se remémorant toutes ses découvertes puis se lança :

- Ils m’ont expliqué comment Ashee est arrivée et les changements que cela a entraîné. Gardan et Ashantra m’ont… euh… parlé d’une prophétie existant depuis plus d’un siècle. Et… hum, je pense qu’on devrait en reparler plus tard.

- Pourquoi ça ?

Lex fixa les jumeaux d’une façon explicite ce que vit Len.

- Oh, faut pas parler devant les gamins, c’est ça ?! Fit-il en se levant furax. Vous êtes de sales cons hypocrites ! Lança-t-il en tournant les talons.

Frédéric ouvrit de grands yeux choqués mais Tia ne broncha pas.

- Len, reviens ici tout de suite ! L’apostropha son ancien tuteur en colère.

- Laisse-le, fit Tia. Il a ses raisons.

Puis Tia se tourna vers sa fille qui n’avait pas bougé et dit :

- Tu veux bien le rejoindre, s’il te plaît ?

Lara la transperça du regard et se leva.

- Len a raison. Y’en a marre d’être traité comme des gosses. On a 17 ans. Bientôt 18 et on a vu plus de choses que les ados normaux, il me semble qu’on a prouvé qu’on pouvait nous faire confiance.

- Là n’est pas la question Lara, fit Lex en posant la main sur son bras. Il y a certaines choses qui ne vous concernent pas, tout simplement parce que vous êtes des ados.

- Mais on est ici. On est coincé dans cette histoire. Comme vous. Alors nous caché des choses est immoral.

Tia pinça les lèvres puis expliqua :

- Tout ce qui concerne le problème nous ayant mené à cette fuite permanente, ne vous ait pas caché. Mais le reste, ce qui ne concerne pas cette fuite, ne vous concerne pas. Il s’agit de problème en plus, que l’on devra régler une fois de retour au ranch. Il s’agira d’une mission comme une autre pour nous.

Lara ne lâcha pas sa mère du regard et c’est furieuse qu’elle rejoignit son frère. Lex en profita pour relater aux deux autres ce que Gardan et Ashantra lui avaient appris sur l’ancienne prophétie, l’apparition d’Ashee en rapport avec elle, son ascension parmi les Varecks, l’association des différentes tribus et le lancement raté du sort qui a donné lieu à une nouvelle prophétie, parlant d’une gardienne, de jumeaux guides, d’un animal totem mais omettant le rôle apparemment crucial, qu’elle-même jouait la dedans. Lex avait décidé que ce n’était qu’une manipulation de plus d’Ashee et que cela ne valait pas la peine d’en informer les autres, cela n’aurait servi qu’à inquiéter inutilement son aimée.

Lorsqu’elle eut fini, elle ajouta :

- Ils m’ont aussi parlé de la cérémonie d’union des âmes et de l’homme qui m’a vendu ta bague. Ils… ils m’ont conseillé de retourner le voir dès que cela sera possible. Que l’on devrait être au courant de certaines choses. De… certains effets secondaires…

Tia fronça les sourcils et repensa à leur étrange communion dans la grotte la nuit avant leur arrivée et hocha la tête.

- Ok. On s’en occupera dès que l’on pourra. Mais la priorité pour l’instant c’est Aniock. Nous sommes suffisamment loin de la tribu du vent de la destruction pour ne s’occuper d’eux qu’une fois tout ceci réglé.

- Parce que… Tu voudras qu’on y retourne ? Demanda Lex hésitante.

- Si ce qu’ils disent est vrai, ce n’est pas une chose que l’on maîtrisera.

- Mais…

- Mais quoi ?

Lex échangea un regard avec Frédéric et c’est celui-ci qui s’expliqua :

- Le futur prédit des jumeaux n’est pas très encourageant, fit-il gravement.

- C’est justement pour cette raison que l’on doit y retourner. Je veux des détails. Et je n’avais pas l’intention d’y emmener les jumeaux. Toi et moi y retournerons une fois le problème Aniock réglé et après que nous ayons obtenu des éclaircissements sur notre union, fit-elle à sa compagne.

Lex hocha la tête un peu angoissée à cette perspective.

- Bien, maintenant que tout ceci est réglé, fit Frédéric, si vous m’expliquiez ce qui se passe avec les jumeaux ?

 

Chapitre 6 :

 

Après la discussion lourde en découvertes, Tia se rendit dans le salon et retira un des tableaux de mauvais goût du mur près de la porte. Derrière se trouvait un petit coffre-fort qu’elle ouvrit. Elle y prit un boitier puis le referma.

Elle traversa ensuite le salon et déplaça une latte du plancher près du coin du mur au-dessous de la télé. Apparut alors une cache en acier noir où de petites lumières vertes clignotaient. Elle approcha le boitier de la porte, entra un code précis et attendit. Les lumières vertes passèrent au rouge, et elle entra une autre série de codes sur le boitier. Les lumières passèrent au bleu et Tia entra une dernière série de codes.

La porte de la cache s’ouvrit en silence. Tia posa le boitier et sortit de la cache, un ordinateur portable et un téléphone par satellite, tout deux sécurisés.

Elle referma la porte de la cache où se trouvaient un porte-document plein et une enveloppe en papier kraft remplie d’argent et de faux papiers. Elle se releva et se rendit sur le canapé en fausse peau de léopard.

Elle s’assit et alluma les deux appareils, tapa une série de codes de sécurité puis attendit. Un bip la prévint que les appareils étaient sous tension et elle en tapa une seconde série pour les mettre en marche.

Lex entra à ce moment là dans la pièce et s’assit sur le rebord à côté d’elle.

- Comment fais-tu pour te souvenirs de toutes ces séries de chiffres ? Ca me dépasse. Dans toutes tes planques il y a des appareils qui nécessitent des séries de codes pour être utilisables et on ne peut pas dire que tu t’y rendes très souvent, alors comment fais-tu pour ne rien oublier ?

- Moyen mnémotechnique.

- Quel genre ?

Tia releva la tête et lui fit un petit sourire.

- Se sont mes moyens mnémotechniques, mon cœur.

- Tu ne veux pas partager ? S’exclama la petite femme stupéfaite.

Tia ne répondit pas et retourna à son ordinateur.

- Trouve les tiens.

Estomaquée et intriguée par ce brusque regain de réserve, Lex la regarda relier les deux appareils entre eux puis déterminer un chemin téléphonique sûr. Elle pirata un satellite puis brouilla les ondes et enfin, composa un numéro.

Pendant que sa compagne téléphonait à son oncle, Lex décida d’aller voir les jumeaux. Ils se trouvaient avec Frédéric dans la salle de sport. Celui-ci essayait de leur faire comprendre, sans pour autant dévoiler des choses que Tia préférait garder pour elle, que leur mère n’avait pas fait cela avec de mauvaises intentions.

Mais c’était une chose difficile à faire saisir, car à chacune de leurs questions, il ne pouvait donner de réponse, et la douleur que Lex vit dans les yeux des jumeaux, tant à cause de ce qu’ils considéraient comme une trahison de la part des adultes en qui ils avaient toute confiance, que parce qu’ils ne pourraient jamais savoir qui était leur père.

On leur avait menti, on les avait empêchés de voir leur père et aujourd’hui encore, on les traitait comme s’ils ne méritaient pas de connaître la vérité. C’était injuste et Lex en avait bien conscience.

C’était déjà assez difficile de savoir que leur mère avait tué leur père. Ne pas savoir pourquoi rendait tout ceci plus douloureux et plus glauque encore. Mais Lex avait bien l’intention de faire changer sa femme d’avis. Les jumeaux étaient aussi ses enfants et son opinion devait compter autant. Même si cette affaire était délicate.

Elle pénétra dans la pièce pleine d’appareils en tout genre, tous d’une couleur bizarroïde et fit signe à Frédéric de rejoindre Tia. Etant le seul à connaître Aniock personnellement, il serait le seul en mesure de dire si les choses qu’Enyalios et Gin avaient découvertes comportaient un fond de vérité et de crédibilité.

Elle resta avec les jumeaux et ils se considérèrent un long moment en silence. Lex put voir que Lara était profondément malheureuse, comme si la trahison de sa mère était plus dure à digérer que ce qu’elle avait fait. Len en revanche dégageait la même aura de colère intense que projetait sa mère. Il était très en colère de son mensonge mais elle sentait qu’il était aussi très affecté par la disparition de son père.

Elle savait qu’il avait toujours eu envie de le connaître. Il avait constamment imaginé des choses sur lui. Exactement comme il l’avait fait avec sa mère. Lara avait moins rêvé de lui. Elle était plus terre à terre. Et elle s’était parfaitement contentée de ses deux mères. Du moment qu’elle avait deux parents, pour elle, le reste importait peu. Elle le lui avait dit. Elle était donc certaine que ce qui affectait Lara était surtout le mensonge maternel.

Elle s’approcha de la jeune fille et lui posa une main sur l’épaule. Lara ne tourna pas la tête vers elle mais la posa sur son épaule. Lex l’attira dans une étreinte douce. Et Lara s’y coula. Lex regarda en direction de Len, mais le jeune homme d’ordinaire si doux était trop remonté pour accepter son aide.

- Ca va passer, fit-elle après un moment. Le choc des révélations va s’atténuer et vous vous sentirez mieux.

- J’crois pas non, cracha Len plein de ressentiment. Elle a tué notre père non de dieu !!

Lex poussa un soupir.

- Oui, elle l’a fait. Mais vous ne connaissez pas les circonstances.

- Battu à mort ! C’est la chaman qui l’a dit.

Lex serra les dents de colère. Ashee. Que ne donnerait-elle pas pour l’avoir sous la main et lui faire ravaler ses paroles.

- Je parle des circonstances qui ont amené votre mère à le tuer.

- Ah ouais ?! Et c’est quoi ces circonstances ?!

Lex mourrait d’envie de répondre mais ne le fit pas et Len ricana.

- Tu sais pas quoi dire, hein ?! Pas ce qu’il n’y a aucune excuse à ce qu’elle a fait.

- Tu ne sais pas de quoi tu parles, répondit-elle sombrement.

- Oh si je sais ! C’est une meurtrière ! On le sait tous depuis longtemps mais on ferme les yeux parce que c’est elle. Et qu’on l’aime. Mais là… là… elle a dépassé les bornes.

Entre les bras de Lex, Lara s’était raidie. Lex attendit en vain qu’elle dise quelque chose mais ne le fit pas et la colère de Lex monta.

- Ce n’est pas une meurtrière, déclara-t-elle entre ses dents. 

- T’es aveugle ! Lui jeta Len plein de mépris. Tu l’as toujours été. T’es tellement amoureuse d’elle que tu ne vois même pas la vérité !

Lex serra les mâchoires à s’en faire exploser les jointures, puis se força à inspirer et expirer lentement. Elle ne supportait pas le mépris de Len envers Tia. Ni ses mots. Mais elle devait prendre sur elle. Il était bouleversé et avait de bonnes raisons pour ça.

- Pourquoi es-tu aussi en colère Len ? Demanda-t-elle calmement.

Il parut surpris de la demande et s’apprêta à répondre lorsqu’elle leva la main.

- Ne réponds pas maintenant. Réfléchis-y sérieusement. Idem pour toi Lara. Qu’est-ce qui te rend si triste ? Quelle est la vraie raison de votre sentiment le plus fort ? Lorsque vous le saurez, on pourra discuter. Là… c’est inutile.

Lex relâcha sa fille et se leva. Avant de tourner les talons, elle s’adressa à son fils.

- Et je t’interdis de t’adresser à elle sur ce ton. Ou d’utiliser des termes dont tu sais parfaitement qu’ils ne s’appliquent pas à elle. Je suis claire ?

Len la défia du regard et ne répondit pas. Lex savait que se sera une longue bataille mais l’avertissement était donné et elle espérait qu’il en tiendrait compte. La colère était légitime, mais s’il ne voulait pas casser quelque chose de définitif entre lui et sa mère, il allait devoir se contrôler.

Elle sortit et ferma la porte derrière elle, consciente que la situation était on ne peut plus explosive et que le lieu et le moment étaient, comme à leur habitude, très mal choisi pour ça.

« A croire qu’on attend systématiquement d’être dans une position potentiellement dangereuse pour aborder les sujets douloureux et délicats » songea-t-elle en revenant dans le salon.

Apparemment Tia avait terminé son recueil d’infos car elle avait posé ordinateur et téléphone sur la table en verre et acier devant le canapé. Elle était présentement en train de discuter à voix basse avec Frédéric.

Alexia nota combien le mobilier était de mauvais goût en voyant Frédéric assis aux côtés de Tia dans le canapé léopard. Si Tia pouvait s’intégrer au décor, le grand homme lui paraissait totalement incongru. D’autant plus que le canapé était petit et qu’avec lui aux côtés de Tia il paraissait fait pour les lilliputiens.

Elle s’approcha d’eux et vit Tia lever les yeux et un éclair, bref mais visible, de chaleur traversa ses yeux. Lex lui sourit en retour et vint s’asseoir sur la table basse pour leur faire face.

- Alors, quelles sont les nouvelles ?

Un éclair de colère passa dans les yeux bleus et Tia contracta sa mâchoire avant d’expliquer.

- Enrick n’a pas perdu de temps. Il a profité d’une imprudence de Lizzie pour l’attaquer. Si Enyalios n’avait pas été dans les parages…

Tia ne finit pas sa phrase mais c’était inutile. La mercenaire soupira puis reprit :

- Cet échec ne l’a pas déstabilisé, bien au contraire, il a enchaîné sur une autre attaque.

Tia secoua la tête.

- On ne s’y attendait pas à celle-là, fit-elle en levant les yeux sur Frédéric.

Celui-ci secoua la tête

- Pourtant on n’aurait dû. C’était logique, dit-il en regardant au loin. Je me fais vieux. Je perds mes capacités de réflexion.

- Ne dis pas n’importe quoi, le contredit Tia en posant une main douce sur son bras. Je ne suis pas vieille et je n’y ai pas pensé non plus.

Il posa un regard bienveillant sur elle.

- Mais tu as tellement de choses qui t’occupe, fit-il gentiment. C’est normal que quelques petites choses t’échappent.

Tia secoua la tête.

- Ne me cherche pas d’excuse, s’il te plaît. Nous avons été négligents, point à la ligne.

- Dites, ça vous ennuierait de m’expliquer vos propos pour le moins énigmatiques ? Les interrompit Lex un brin perplexe.

- Excuses-nous. Enrick s’en ait pris à Karl.

- Karl ? S’étonna-t-elle. Mais c’est un haut gradé du FBI ! Il cherche les ennuis ou quoi ?!

- Pas vraiment, non. Il savait qu’on ne penserait pas à protéger Karl étant donné sa profession et l’endroit où il vit mais il a pris le risque, expliqua Frédéric.

- Ce qui prouve deux choses, déclara Tia. Un, qu’il est désespéré. Deux, qu’il est encore meilleur qu’on ne le pensait.

- Il va bien ?

- Oui, ne t’en fait pas. Enrick a essayé de l’enlever, mais il n’a pas l’habitude de ce genre de chose, alors il a échoué. Depuis Karl est sous bonne garde.

Lex absorba les informations.

- Tu penses faire quoi ?

- Contre Enrick ?

Lex hocha la tête.

- Rien. Il faut qu’on se concentre sur Aniock. Enrick est trop difficile à pister. Aniock, lui, est plus facile à trouver.

- Enyalios et Gin ont pu te trouver des infos fiables sur lui ?

- Oh oui, acquiesça la grande femme avec un sourire carnassier. Gin nous a donné d’excellentes informations. Associées à celle d’Enyalios on peut dire qu’on sait où et quand on le trouvera. On connait les plans des lieux et l’escorte qui le suit partout, ainsi que celle qui l’attend dans chacun des lieux où il se rend et les systèmes d’alarme qu’il utilise.

- Oh !

Lex était carrément surprise. Ils avaient obtenu tant de renseignements avec une telle facilité ! Tia sourit avec malice.

- Dans ce genre de contrat le plus difficile est d’obtenir le nom du commanditaire pas d’avoir des infos sur lui. S’il fait appel à un pro, c’est justement pour cette raison. En temps normal on ne peut pas mettre la main sur un tueur à gage, discrétion assurée donc. Et s’il à besoin de discrétion, c’est parce qu’il ne l’est pas justement.

- Tu veux dire parce qu’il est un homme public ?

- C’est ça, approuva la grande femme avec une petite lueur d’approbation dans les yeux.

Aussitôt la petite femme sentit une fierté chaleureuse l’envahir. Tia multipliait ces attentions depuis quelques temps et si cela ne pouvait signifier qu’une chose : elle avait fait de gros progrès. Parce que la mercenaire, en terme de travail, était loin d’être prolixe en compliments !

- Tu as un plan alors ?

Tia la fixa quelques minutes avant de se décider. Elle rassembla divers papiers sur lesquels elle avait pris des notes, puis les posa sur son ordinateur. Elle prit le tout et les tendit à Lex.

- J’aimerais que tu t’en occupes.

La petite femme ouvrit de grands yeux stupéfaits.

- M… moi ?! Bégaya-t-elle effrayée par la perspective. Toute seule ?!

Frédéric réprima un sourire et Tia hocha la tête.

- Etudies toutes les données et ponds-nous un plan.

- De… euh, d’invasion ? Tu… tu veux qu’on l’enlève ou… heu… autres choses ?

Tia lui fit un petit sourire en coin.

- Tu sais qu’il faut qu’on l’élimine. Mais, je te connais, fit-elle en la voyant ouvrir la bouche, tu voudras d’abord discuter avec lui et essayer de trouver un terrain d’entente. Alors fait comme tu le sens. Mais n’oublies pas… prévois toutes les options. Pas seulement celles que tu préfères.

- Bien sûr ! Protesta-t-elle vigoureusement. Je ne suis pas stupide non plus !

Tia leva un sourcil circonspect et son sourire se fit plus condescendant ce qui amena une grimace renfrognée sur le visage de sa compagne.

- Je ferais ce qu’il faut Ti, fit-elle agacée.

- Alors je n’ai aucune inquiétude à avoir, conclut la grande femme en s’enfonçant dans son siège.

Lex la fixa un moment puis écarquilla les yeux.

- Tu… tu es sérieuse ? Tu vas vraiment tout me laisser faire ?! Toute seule ?!

Tia acquiesça et Lex déglutit nerveusement.

- Mais si c’est mauvais tu corrigeras, non ?

Tia secoua la tête.

- Mais… Tia… ce sont nos vies qui sont en jeu !

- En effet. Tu as donc plutôt intérêt à ce que se soit bon, parce que je ne passerais pas derrière toi, cette fois. Je veux que se soit toi qui décide de tout, de A à Z. Tu dirigeras donc aussi sur le terrain. Si tu as besoin de matériels et d’hommes, dis-le à Frédéric ou moi et nous te fournirons ce dont tu as besoin. Mais sur ce coup là… c’est toi le chef.

- Mais… pourquoi maintenant ?

- C’est le moment.

- Mais… tu ne préfères pas attendre une mission moins… personnelle ?

Tia secoua la tête.

- C’est justement parce que c’est personnel que je veux que tu le fasses.

Lex ne comprenait pas tellement son raisonnement mais elle savait que lorsque sa compagne avait arrêté une décision, elle ne revenait pas dessus, alors elle hocha la tête et accepta la responsabilité.

- J’ai combien de temps ?

Tia sembla réfléchir et jeta un coup d’œil à Frédéric qui fit un geste de la main associé à un mouvement de la tête et Tia acquiesça.

- Un jour.

Lex se releva d’un bond.

- Un jour ?! Tia mais c’est impossible ! Il me faut plus de temps rien que pour tout étudier dans le détail !

Le regard de la mercenaire était impassible.

- Un jour, répéta-t-elle.

Lex se figea prête à exploser puis abandonna. Elle n’avait absolument pas le temps pour ça. Elle soupira, hocha la tête et tourna les talons.

Tia et Frédéric la regardèrent faire puis se regardèrent. Frédéric pencha la tête sur le côté. Et Tia sourit.

- Elle va y arriver.

Il sourit et s’extirpa en grognant du canapé.

- Tu aurais quand même pu faire changer le mobilier.

Tia rit puis se leva à son tour. Elle s’étira puis lui demanda :

- Tu penses que je devrais aller voir les jumeaux ?

- Non. Ils ont besoin de temps, rien que pour se faire à l’idée de ce que tu as fait.

Tia acquiesça puis soupira, un peu découragée. Elle se rendit près de la grande baie vitrée et contempla la ville en dessous. Le loft était situé non loin de la place du village où avait lieu le marché chaque matin. Peut-être pouvait-elle y faire un tour ? Ca lui changerait les idées et lui dégourdirait les jambes.

Une simple djellaba devrait suffire à la dissimuler. Elle posa le front contre la vitre et s’interrogea sur ce qu’elle devait ou non dire à ses enfants. Lex n’avait pas tort, ils avaient le droit de connaitre la vérité...mais cette vérité là…

Elle soupira. Elle n’avait vraiment pas envie de repenser à Sassem. Mais là encore, Lex avait raison. Elle devrait tôt ou tard affronter son démon. Bien que mort, cet homme la détruisait encore et il était temps que cela cesse. D’autant plus qu’elle n’était pas une lâche ou une victime. Elle ne l’était plus du moins. Et cela voulait dire affronter peurs et angoisses. Démons et douleurs. Ca ne serait pas facile, mais quand on avait la chance comme elle, d’avoir une personne solide à qui se confier et qui avait la ferme intention de vous aider à le surmonter, alors on devait au moins essayer.

C’était le seul moyen d’être libre.

Après Aniock, décida-t-elle. Après l’opération de Lex… elle lui parlerait de la mort de Sassem et de ce que cela lui avait fait…

Pour l’heure puisqu’elle n’avait à s’occuper de rien, ni de personne… peut-être pourrait-elle enfin s’occuper d’elle ? Lex la harcelait constamment à ce sujet lui disant que si Tia s’occupait un peu plus d’elle-même, peut-être, elle, Lex, n’aurait pas aussi peur de la perdre, parfois.

C’était sûrement vrai. Alors, elle chercha une djellaba dans le placard de l’entrée puis hésita et finalement renonça à proposer la sortie à ses enfants. Ce temps là serait pour elle. Elle prévint Frédéric de sa sortie et lui demanda s’il voulait qu’elle lui rapporte quelque chose. Il accepta l’offre et lui demanda le dernier livre de Stephen King. Elle sourit et sortit.

 

*************************************

 

Lorsqu’elle revient quelques heures plus tard, elle trouva les jumeaux installés devant la télévision, cherchant une chaine dans une langue qu’ils comprendraient et finirent par en trouver une.

Ils s’arrêtèrent sur la chaine d’information BBC news qui leur rappelaient leur terre natale et écoutèrent les dernières infos.

Ils ne tournèrent pas la tête vers elle, pas plus qu’ils ne la saluèrent. Elle retira sa djellaba puis s’approcha d’eux. Elle déposa devant eux les sacs de courses qu’elle avait faites.

- Je vous ai pris quelques petites choses, leur fit-elle en montrant les sacs. J’ai pris la suite de Tentation pour toi Lara, c’est fou comme on peut trouver ce livre n’ importe où ! Il a vraiment beaucoup de succès, je devrais peut-être le lire…

Sa fille la fixa et hocha la tête mais elle n’obtint rien de plus. Sans se démonter elle se tourna vers son fils.

- Quant à toi, je t’ai pris une PSP. Je sais que la tienne te manque. J’ai aussi acheté plusieurs jeux différents pour vous deux. Tachez de ne pas y passer la journée quand même.

Len ne la regarda même pas. Il l’ignora comme si elle était un insecte nuisible qui ne méritait pas mieux. Tia se mordit la lèvre et malgré les recommandations de Frédéric et de Lex, elle tenta une approche.

- Len, je sais que tu m’en veux, mais…

Il la fixa d’un air si furieux, si outré, qu’elle en resta saisie. Elle déglutit difficilement.

- Len, je suis désolée. Je ne voulais pas vous mentir, fit-elle en regardant sa fille. C’est juste… ce… ce n’est pas une chose facile à dire et… je ne voyais pas… une bonne raison pour vous en parler.

- Tu ne voyais pas ?! S’écria son fils en se levant d’un bond.

- Non, enfin, oui, je… Je pensais que moi et Lex on vous suffirait, je n’ai jamais pensé que votre… père…

Tia dit ce mot comme si on lui écorchait le visage.

- … vous manquait d’une quelconque manière.

Elle avait un air si désespéré que Lara se mit à espérer qu’elle disait vrai. Elle se redressa et fixa sa mère avec une lueur d’espoir.

- Croyez-moi si j’avais su que cela vous tenait à ce point à cœur…

- Eh bien ? Demanda Len toujours aussi furieux. Tu nous en aurais parlé ? Pour nous dire quoi ?! Je ne te crois pas ! Tu n’aurais rien dit parce que même maintenant que tu sais tu ne nous dis rien ! Tu as le mensonge dans le sang alors pourquoi je te croirais ?! Cria-t-il en la surplombant.

Lara se mordit la lèvre lorsqu’elle vit à quel point les mots de son frère firent mal à leur mère. Mais il avait raison. Depuis hier, et toute la journée durant, elle aurait pu leur révéler des choses sur lui, mais à part s’excuser elle ne disait rien.

Elle se renfonça dans son siège et détourna le regard de sa mère.

- Je… je ne te mens pas Len. Je… ne sais pas ce que je vous aurais dit, mais… je n’aurais pas…

- Alors, va-y ! La coupa-t-il brutalement.

Tia tressaillit. Son cœur se mit à battre la chamade et une peur glacée s’insinua dans toutes les parties de son corps. Elle ne savait pas quoi dire, ni par quoi commencer. Qu’est-ce qui était acceptable de dire sur l’homme qui les avait engendrés ?

Elle ne pouvait pas dire n’importe quoi, quoi qu’en pense Lex. C’était des enfants, ses enfants et elle devait les protéger.

Elle releva les yeux sur son fils.

- Je… ce n’était pas un type bien. Je n’aurais pour rien au monde voulu que vous le rencontriez. Jamais.

- Pourquoi ?! Rétorqua Len. Pourquoi pour toi ce n’était pas quelqu’un de bien ?! Ashee a dit que c’était un grand homme ! Elle a menti, c’est ça ?! Tout le monde ment, alors ?!

- Je… non, c’était, oui, c’était un grand homme mais pas dans le bon sens, c’était…

Tia n’arrivait pas à trouver ses mots et l’exaspération de Len arriva à son comble.

- TU NE SAIS MEME PAS QUOI DIRE !!! Hurla-t-il. C’EST SI DIFFICILE QUE CA DE TROUVER UN NOUVEAU MENSONGE ?!

- Len, non, ce n’est pas… protesta-t-elle en se redressant pour essayer de le calmer.

- COMMENT VEUX-TU QUE JE TE CROIS ?!! TU ES UNE PUTAIN DE MEUTRIERE !!!!

Le mot transperça le cœur de sa mère et Tia se figea.

- COMMENT SAVOIR SI CE QUI N’EST PAS ACCEPTABLE POUR TOI, NE L’EST PAS PAR UNE PERSONNE NORMALE, QUI N’AURAIT PAS AUTANT DE PROBLEMES MENTAUX QUE TOI ?!!!!!

Lara se figea. Len allait trop loin, elle le vit dans le regard de sa mère qui sombra comme si trois ans de longues et terribles batailles contre sa dépression ne s’étaient pas écoulés. Et elle eut l’impression de faire un bond gigantesque et irréversible en arrière devant le regard soudain sans vie de celle qui les avait fait naître.

Chapitre 7 :

 

Lara eut peur. Et Len qui ne se calmait pas ! Elle se leva d’un bond et se rua sur son frère en criant :

- Arrête !

Elle le repoussa dans le canapé et alors qu’il la fixait stupéfait, Alexia déboula soudain et se précipita aux pieds de sa compagne. Elle posa les mains sur ses genoux et la fixa, anxieuse. Ce qu’elle vit la fit frémir des pieds à la tête.

Son air inquiet se mua en une expression alarmée et elle jeta un regard au visage angoissé de Lara.

- Qu’est-ce qui c’est passé ?

Lara pinça les lèvres sans rien dire, mais ne put empêcher un regard furtif en direction de son frère. L’expression coupable et en colère de celui-ci lui apprit tout ce qu’elle avait besoin de savoir.

Elle darda des yeux noirs sur son fils et revint à sa compagne. Elle lui caressa le visage et lui parla doucement. Tia posa son regard éteint sur elle et Lex sentit son cœur se serrer. Elle la leva et l’emmena dans leur chambre.

«  Bordel, songea la jeune femme en bordant sa compagne, c’est de pire en pire. » Elle alluma la radio à côté d’elle et la régla sur une station qui passait de la musique douce puis retourna au salon.

Là, elle toisa les jumeaux qui détournèrent le regard, honteux.

- Je veux une explication, lança-t-elle d’une voix dure en les rejoignant.

Ils restèrent silencieux, mais Lex vit que Lara était particulièrement affectée alors elle décida de s’attaquer à elle.

- Lara.

Lex ne dit rien de plus et attendit. Lara soupira et finit par se retourner.

- Qu’est-ce qui s’est passé ? Répéta la petite blonde en détachant bien chaque mot.

Lara déglutit et jeta un regard en coin à son frère mais ne dit rien.

- QU’EST-CE QUI S’EST PASSE ?!! Hurla-t-elle soudain.

Len et Lara sursautèrent et la fixèrent un peu effrayés. L’air absolument furieux qu’elle arborait les inquiéta et leur fit saisir la gravité de la situation. Lara fixa son frère, mais celui-ci regardait obstinément le parquet en chêne alors elle prit une profonde inspiration et parla.

- Len… Len l’a traité de folle et de … meurtrière, ajouta-t-elle après avoir dégluti anxieusement. Et il… il a mis en doute son… jugement sur ce qui est bien ou mal.

- Je l’ai pas traité de folle ! S’insurgea son frère en se levant d’un bond.

- Non, tu as dit qu’elle avait des problèmes mentaux, t’as raison c’est vachement mieux ! Railla sa sœur avec colère.

Lex darda un regard si intense sur Len qu’il s’agita mal à l’aise. Elle fit un pas vers lui et dit la voix basse :

- Je t’avais prévenu il me semble…

Len recula soudain très effrayé. Il ne l’avait jamais vue ainsi et il comprit pourquoi Enyalios pensait qu’elle était une bonne mercenaire. Il était plus grand qu’elle et plus fort aussi, pourtant il fut persuadé qu’elle n’aurait aucune difficulté à le casser en deux si elle le voulait.

- Je… je suis désolé… je… j’ai pas réfléchi…

- Pas réfléchi…, continua-t-elle sur le même ton, tu m’étonnes.

Elle le poussa d’une main et le força à s’asseoir. Puis elle se tourna vers sa fille et l’invita à prendre place aux côtés de son frère. Elle s’installa sur la table basse et les fixa. D’abord Len

- Tu connais ta mère depuis quatre ans. Et tu mets en doute ses intentions sans aucune réflexion, ni preuve. Lorsque tu lui as posé la question sur ton père et son implication dans sa mort, t’a-t-elle menti ? Non, mais elle aurait pu. Elle se serait évitée des ennuis et des disputes avec toi et ta sœur. Elle le savait mais ne l’a pas fait. As-tu réfléchi à ça ? Non. Tu t’es comporté en gamin égoïste et gâté.

Puis elle se tourna vers Lara.

- Quant à toi. Ok, elle a menti par omission et tu es déçue. Mais ça ne t’autorise pas à te défouler sur elle.

- Je n’ai rien dit, protesta-t-elle.

- Justement. Tu n’as rien dit. Pas un mot pour la défendre ou empêcher ton frère de déblatérer des conneries, fit-elle durement.

Elle les étudia un moment puis déclara :

- Vous voulez savoir pourquoi votre mère a été obligé de liquider votre père ? Fit-elle sans aucune douceur. Vu le comportement que vous venez d’avoir, je pense que vous méritez de le savoir.

Ces paroles semblèrent apaiser Len et attirer son attention. Lara, elle, sentait le piège.

- Vous ne méritez pas la protection que votre mère s’acharne à placer pour vous, fit-elle avec un sourire mauvais.

Len commença à s’agiter, percevant enfin le malaise. Lex avait parfaitement conscience d’aller à l’encontre des souhaits de Tia et savait qu’il y aurait une sérieuse dispute entre elles, après ça et elle savait aussi qu’elle était un peu trop dur avec les jumeaux, leurs réactions, même si douloureuses, étaient parfaitement compréhensible. Mais Lex, elle s’en rendit compte, s’en fichait.

Tout ce qui comptait c’était sa compagne. Son bien-être. Sa joie. Lex réalisa qu’elle aimait sa femme plus que quiconque y comprit ses enfants. Et que pour elle, elle ferait des choses qu’elle ne se pensait pas capable d’accomplir, comme en cet instant, comme faire délibérément du mal aux jumeaux, des enfants tout ce qu’il y avait de plus innocent, simplement dans le but qu’ils n’en fassent pas à Tia.

Ce constat la surprit. Il allait tellement à l’encontre de ce qu’elle prônait dans la vie et tentait d’inculquer à Tia qu’elle était mal à l’aise avec cette idée. Néanmoins, elle ne changerait pas d’avis. Elle était déterminée. Elle ferait tout. Tout pour protéger Tia.

Et elle ne laisserait personne… pas même ses enfants, faire du mal à Tia si elle pouvait l’empêcher.

- Votre père… s’appelait Sassem, commença-t-elle en les fixant tour à tour.

Puis elle se tut et attendit que le nom, qu’ils avaient tant entendu trois ans auparavant, fasse remonter les souvenirs à leurs mémoires. Ce qui ne tarda pas. Ils ouvrirent de grands yeux stupéfaits et se mirent à gamberger.

Len finit par relever la tête.

- Est-ce que c’était le type qui… qui voulait du mal à maman et qui nous empêchait de vivre avec elle ?

- Oui.

- Si je me souviens bien, c’était un homme dangereux, intervint Lara. Il… il avait plein de pays sous son joug, non ?

- En effet.

- Et plein d’armées à lui aussi.

- C’est ça.

Les jumeaux restèrent quelques minutes silencieux, puis Len lança :

- Ce n’était pas un homme bien.

- Non.

Lara hésita, mais décida finalement de profiter de la bonne disposition de leur mère adoptive pour avoir les réponses à des questions qui la taraudaient.

- Mais… si c’était un type si mauvais, comment maman a pu… heu… avoir une relation avec lui ? Elle était amoureuse à ce point ? Il… lui a mentie ? Comment se sont-ils rencontrés ?

Lex hésita. Sa colère était retombée et elle n’était plus très chaude pour continuer la discussion. Seulement, les jumeaux avaient des droits et elle était bien placée pour savoir combien les questions sans réponse, torturaient l’esprit. Et les jumeaux étaient assez vieux pour entendre l’histoire.

- Elle… l’a rencontré par l’intermédiaire de son armée.

- Comment ça ? Fit Len en fronçant les sourcils.

Lex soupira et se frotta le visage.

- Ecoutez, l’histoire de votre mère, je ne peux pas la raconter à sa place alors je ne promets pas d’être très claire.

- Ok. Va-y.

Lex soupira, inspira et ferma brièvement les yeux.

- Ok, vous vous souvenez des cauchemars de Tia aux Etats-Unis et… de ce que je vous ai révélé ?

Len mit un peu de temps à se souvenir, mais Lara saisit tout de suite à quoi elle faisait allusion et elle ouvrit la bouche en secouant la tête, comprenant ce que cela impliquait pour eux.

Elle se leva sans cesser sa dénégation.

- Non, non, non… c’est pas possible, je te crois pas…

Lex se leva et la retint en attrapant son bras alors que Len saisissait enfin.

- Non ! Cria-t-il en se levant d’un bond.

Lex l’attrapa aussi et dit :

- Je suis désolée. Sincèrement. Votre mère… ne voulait pas que vous l’appreniez. Mais… vous ne l’entendiez pas de cette oreille et…

Lex s’interrompit, ce n’était pas le moment de se justifier.

- Je suis vraiment désolée.

Elle laissa passé un silence avant de se dire qu’il fallait en terminer avec les nouvelles délicates.

- Votre mère… a tué votre père, parce que c’est ce qu’il voulait lui faire. C’était de la légitime défense. Et si… si elle l’a battu à mort c’est parce que… elle… elle était encore là-bas lorsqu’elle a dû se défendre.

- Je comprends pas, fit Lara d’une voix éteinte. Là-bas où ?

- Dans son cauchemar. Elle… revivait ce qu’il lui avait fait et… le viol…

Tout le monde tressaillit à ce mot.

- Le viol…, reprit-elle en avalant avec difficulté, n’est pas la seule chose difficile qu’elle ait eu à vivre par sa faute.

Ils la fixèrent, malheureux, ne sachant plus si c’était pour eux, leur mère ou Lex que tout cela semblait retourner.

- La mort de… Sassem… l’a beaucoup choquée. La façon dont elle a perdu le contrôle est… quelque chose de sensible.

Lara releva soudain la tête, une lumière se faisant jour sur une question qui n’avait cessé de lui revenir à l’esprit.

- C’est ça qui l’a plongé dans sa dépression !

Lex cligna des yeux, un peu surprise du changement puis acquiesça. Et en profita pour conclure :

- Devoir tuer votre père, l’a rendu malade. Elle a encore du mal à vivre avec, alors ne le lui reprochez pas.

Len et Lara acquiescèrent et Lex fixa son attention sur chacun d’eux, tour à tour inquiète du renfermement de Lara et de la colère de Len qui n’avait plus de personne sur qui l’évacuer.

- Pourquoi ça l’a rendu malade ? L’interrogea-t-il finalement. S’il lui a fait autant de mal que ce que tu dis, alors ça a dû la soulagée…

Lex soupira.

- C’est compliqué… et c’est l’histoire de votre mère… pas la mienne. Ni la vôtre. Si vous voulez vraiment une réponse à cette question, alors posez-la à votre mère. Mais attendez un peu, ok ?

Elle attendit qu’ils hochent la tête pour poursuivre.

- Laissez-vous le temps d’encaisser tout ça et à votre mère de se faire à l’idée que vous êtes au courant maintenant.

Ils hochèrent de nouveau la tête et elle les observa un moment avant de se résigner à les laisser.

- Si vous avez besoin de quoi que se soit… je suis là, ok ?

Ils ne répondirent pas et elle n’insista pas. Elle les quitta un peu inquiète et se demandant si elle avait bien fait. C’était des nouvelles difficiles à entendre et elle avait peur de s’être laissée mener par sa colère.

Même si elle pensait avant ça qu’ils avaient le droit de savoir, peut-être s’y était-elle mal prise ? Ou en avait trop dit ? Elle aurait dû en parler avec sa compagne d’abord…

Elle pénétra dans leur chambre et vit sa bien-aimée allongée, le regard fixé sur le ciel, visible de la fenêtre. Et ses doutes s’envolèrent.

Tout pour Tia.

Même le pire.

Elle entra dans la pièce et rejoignit sa compagne. Elle s’assit sur le lit et après quelques secondes de contemplation, elle s’allongea à ses côtés. Elle entoura son grand corps de ses bras et se serra contre elle.

Tia se coula dans son étreinte sans quitter le ciel des yeux.

- Ca va ?

Tia hocha la tête et Lex sut qu’elle était revenue ce qui la soulagea intensément. Puis elle se traita d’idiote. Evidemment que Tia était revenue, sa dépression était terminée, elle ne repartirait pas aussi facilement dans une autre. Elle était juste plus fragile. Cependant, elle ne pouvait s’empêcher d’avoir peur à chaque fois qu’elle la voyait de cette humeur.

Tia attrapa la main de sa compagne et la serra fort. Lex l’étreignit.

- Je t’aime.

Le temps passa doucement et Lex finit par le rompre lorsque le soleil fut à son zénith.

- Il ne le pensait pas.

- Bien sûr que si, répondit Tia d’une voix rauque.

- Tia, fit Lex impérieuse, regarde-moi.

La mercenaire hésita puis fit ce qui lui était demandé. Elle se retourna et plongea ses yeux tristes dans ceux de sa compagne.

- Len ne le pensait pas. Il était juste en colère parce que…

- Parce que quoi ?! Fit la grande femme avec ironie. Tu ne trouves plus tes mots ?

- C’est juste délicat, rétorqua sa femme doucement. Tia, ton fils ne t’en veut pas. Pas vraiment. Il est juste malheureux parce qu’il a rêvé de son père comme il a rêvé de toi toute sa vie. Il s’était fait une image idyllique de lui et lorsqu’il a appris qu’il aurait pu le connaître et que toi, son héroïne, en a été le seul obstacle, il t’en a voulue.

- Je l’ai tué.

- C’est une des autres choses qui rend tout ceci difficile à avaler, confirma-t-elle. Mais laisse-lui du temps. Ca va s’arranger.

Tia réfléchit quelques secondes à ses propos puis demanda :

- Et Lara ?

Lex soupira.

- Je ne sais pas trop. Je pense que c’est surtout ton omission qui lui a fait du mal. Elle a une telle confiance en toi. Je ne pense pas qu’elle ait rêvé de son père comme l’a fait Len, mais je peux me tromper. Le souci, c’est qu’elle ne dit rien. Comme une certaine autre personne de ma connaissance, blagua-t-elle.

Tia sourit faiblement et le cœur de Lex battit plus vite. Même si ce n’était pas un vrai sourire, s’en était quand même un et cela signifiait beaucoup pour Lex qui ne pouvait s’empêcher d’angoisser et d’avoir le cœur lourd lorsqu’elle voyait sa femme avec cette douleur dans les yeux.

- Tu crois qu’ils me pardonneront ? Fit Tia en posant les yeux au-dessus de son épaule.

- Ils ne t’en veulent déjà plus.

- Comment ça ?

- Maintenant qu’ils savent pourquoi tu leur as menti, ils n’ont plus de raison de t’en vouloir. Ceci dit, ils vont devoir accuser le choc, expliqua-t-elle l’air de rien, redoutant cependant sa réaction.

Tia se figea un instant puis tourna vers elle un regard incrédule, puis blessé et enfin en colère. La rage qu’elle y lut la fit frissonner mais elle resta fermement à ses côtés, se préparant à la tempête qui allait exploser.

- Tu as fait quoi ? Demanda la grande femme en détachant chaque syllabe.

- Tu as entendu. Ils avaient le droit de savoir.

Tia se redressa en se dégageant de ses bras et la domina de toute sa taille, les yeux lançant des éclairs et l’air autour d’elle vibrant d’électricité. Lex se sentit écraser par l’intense présence de sa compagne mais ne détourna pas le regard.

Elle déglutit nerveusement et poursuivit.

- Tu m’en veux et tu en as le droit, mais…

- J’en ai le droit ?! La coupa-t-elle brutalement. J’en ai le droit ?! Encore heureux !! Hurla-t-elle avant de se lever d’un bond pour s’éloigner d’elle.

Lex tressaillit mais ne fléchit pas. Elle se leva à son tour et tenta de s’expliquer.

- Tia, je…

- J’en reviens pas !! L’interrompit-elle sans l’écouter. Je t’avais interdit de leur parler ! Et tu n’en as aucunement tenu compte ! Comme si ton opinion était forcément meilleure que la mienne ! Assena-t-elle en faisant les cents pas.

Elle se retourna brusquement vers elle et cria :

- Mais se sont MES enfants bordel !!!

Là, Lex recula d’un pas comme si Tia venait de la gifler. Celle-ci le vit et un bref éclair de culpabilité la traversa, vite engloutit par la colère qui la parcourait. Le visage de Lex se ferma mais elle ne tourna pas les talons comme Tia s’y attendait. Au contraire, elle avança d’un pas et posa une main sur son bras.

- Se sont nos enfants. Mais tu as raison, je n’aurais pas dû prendre cette initiative sans toi. Cependant je savais que jamais tu n’aurais accepté de leur en parler et Tia… il le fallait.

- Pourquoi ?! Fit-elle en se dégageant brutalement. Pourquoi le fallait-il ?!!

Lex la regarda s’éloigner et soupira.

- Parce que je ne supportais de les voir te faire du mal.

La grande femme se retourna vivement et la fixa, incrédule.

- Pardon ?!

Lex leva un regard triste sur elle.

- Je ne supporte pas de te voir souffrir Tia. C’est comme si on me serrait le cœur à main nue et qu’on le pressait très fort. Je ne veux pas qu’on te fasse du mal Tia. Et je ferais tout ce qu’il faut pour l’empêcher. Même si ce sont nos enfants qui doivent en pâtir.

La mercenaire secoua la tête abasourdie. Elle ne parvenait pas à croire ce qu’elle entendait.

- Tu… tu es prête à sacrifier les jumeaux… des innocents... à cause de moi ?!

- Pas à cause. Pour toi. Et oui. Je le ferais s’il le faut. Mais pas sans être sûre que c’est la seule solution.

- Tu… non, ça ne colle pas, Lex…, fit Tia en secouant la tête, tu n’es pas comme ça…

- Non, c’est vrai, accepta la petite femme avec un sourire désabusé au coin des lèvres, avec toi je suis une vrai panthère.

Tia cligna des yeux et la colère qui l’avait envahie s’estompa brutalement à leur grand soulagement à toutes les deux. Tia avait senti la louve s’agiter et son emprise était trop difficile à contrôler et à repousser pour se permettre de la laisser l’envahir.

- Je… c’est moi qui te rends comme ça ? Demanda-t-elle un peu perdue.

- Non. Se sont mes sentiments pour toi.

Tia ouvrit la bouche, hésitante.

- Je… je suis désolée…

- Ne le soit pas, ça n’a rien de malsain ou de mauvais. Oses me dire que tu ne ressens pas la même chose à mon égard ! La défia-t-elle.

Tia se tut. Toutes deux savaient bien que ce n’était pas le cas.

- Accepte-le et ne te flagelle pas pour ça aussi. S’il te plaît Tia, donne-moi le droit de ressentir ce que je veux, comme je te le donne.

Tia la considéra un long moment puis ses épaules s’affaissèrent et elle soupira en fixant le plancher.

- Très bien.

Puis elle releva la tête et dit :

- Je suis désolée pour tout à l’heure. Tu as raison se sont nos enfants, mais…

- … je n’aurais pas dû décider pour nous deux.

Tia hocha la tête. Elles se regardèrent un long moment puis Tia avala la distance qui les séparait d’un pas et l’attira dans ses bras.

- Pardon de t’avoir crié dessus… et merci de prendre soin de moi, malgré mon sale caractère.

- Ne t’excuses pas s’il te plaît. Je savais en le faisant que je n’avais pas le droit de prendre cette décision sans toi. C’est moi qui m’excuse.

Tia laissa s’écouler un petit rire entre elles et l’écartant légèrement déclara :

- On ne va pas passer la journée à s’excuser. Ça serait vraiment idiot.

Lex acquiesça et sourit en retour. Tia l’embrassa doucement puis son sourire s’évanouit.

- Comment l’ont-ils pris ?

Lex soupira.

- Mal. Len ne sait plus à qui en vouloir et la colère le consume. Lara… et bien, elle ressemble à sa mère. Difficile de dire ce qu’elle ressent réellement. De la tristesse surtout, je pense. Et du choc bien sûr. Ils sont très choqué tous les deux. Mais ils tiennent de toi Ti, ils vont s’en remettre. Laisse-leur juste du temps.

Tia hocha la tête.

- Tu penses que ca irait mieux si j’allais les voir ? S’enquit-elle en fixant la porte de la chambre.

- Ca pourrait les rassurer, oui.

Tia hocha la tête et après une brève étreinte, elle relâcha sa compagne et ouvrit la porte. Lex la regarda disparaître avec un mélange de joie tranquille et de douleur. Elle ne se sentait pas exclue, ce moment n’appartenait qu’à eux, mais elle aurait aimé pouvoir leur être plus utile et oui, peut-être… qu’elle se sentait un peu exclue.

Soudain, une voix l’appela. Elle reconnut celle de Lara. Elle s’approcha du salon et la fixa interrogative. Les jumeaux la fixaient, ils étaient dans les bras de leur mère et lui tendaient les bras. Son cœur se gonfla de joie et d’amour et les larmes lui montèrent aux yeux.

Elle ne s’était jamais autant sentie faire partie de cette famille qu’en cet instant. Elle les rejoignit et ils se serrèrent les uns contre les autres, s’accrochant comme s’ils étaient les bouées des uns et des autres.

Et Lex et Tia surent que quoi qu’il arrive, ils sortiraient plus fort de cette épreuve. Plus fort et plus unis.

Chapitre 8 :

 

Quelques jours plus tard, Tia organisa une sortie familiale. A la grande surprise de tout le monde, Frédéric déclina l’offre. Il préférait se balader seul. Tia le comprenait. Au ranch, il avait toujours pu s’isoler lorsqu’il en avait eu besoin, que se soit pour s’occuper des bêtes ou pour vérifier le domaine.

Cela faisait maintenant des semaines qu’il ne le pouvait plus. Obligé de vivre confiner, enfermer avec toujours quelqu’un dans ses environs. Cela avait dû être difficile à vivre pour un loup solitaire comme lui. Pour une fois qu’ils semblaient tous en sécurité, merci aux vêtements couvrant de ce pays particulier, il souhaitait en profiter. Et ce n’était pas Tia qui allait le lui reprocher.

Il les quitta donc à la sortie du loft et Lex et Tia traînèrent les jumeaux le long des rues poussiéreuses mais vibrantes de vie. Lex glissa son bras sous celui de sa compagne et elles échangèrent un regard un peu tendu.

Les jumeaux étaient plutôt d’humeur maussade et silencieuse depuis la révélation. Ils donnaient parfois l’impression d’en vouloir à Tia et à d’autres moments à Lex. Les deux femmes ne savaient plus trop quoi faire avec eux. Exception faite de l’étreinte qu’ils avaient partagée le jour de la révélation et des quelques paroles échangées ce jour là, les jumeaux ne leur avaient plus adressé la parole.

Ils ne les boudaient pas, ne semblaient pas hostiles, enfin la plupart du temps, ils semblaient juste… assommés. Ils refusaient de leur parler, mais aussi de parler à Frédéric. Non pas pour les punir mais simplement parce qu’ils n’avaient plus envie de parler… du tout.

Leurs états inquiétaient tout le monde, mais ne se privant ni de nourriture, ni de sommeil, ni même de distractions, elles et Frédéric ne pouvaient pas les forcer à s’ouvrir en prétextant qu’ils déprimaient, même si Lex soupçonnait que c’était une autre forme, moins flagrante de déprime.

Ils se repliaient sur eux-mêmes et Tia ayant traversé cet état à deux reprises ne se trouvait pas bien placée pour les obliger à en sortir. Quant à Lex, elle espérait que cela était dû au choc et que ce comportement s’estomperait avec le temps.

Lex avait pensé qu’une sortie familiale pourrait leur redonner un peu de peps et n’étant pour une fois, ni en danger, ni sur le départ, Tia avait accepté.

Le plan de Lex, avait été présenté à sa compagne et à Frédéric quelques jours plus tôt. Tia n’avait rien laissé paraître de ce qu’elle en pensait malgré l’intense observation dont elle avait fait l’objet par Lex, qui guettait le moindre signe d’approbation ou de désapprobation.

Il nécessitait l’apport de quelques matériaux et personnels qui demanderait quelques jours pour parvenir à la bonne personne et de quelques jours de plus pour être mis en place. Rien ne s’opposait donc à ce qu’ils prennent tous un peu de vacances.

Ils se promenèrent jusqu’à ce que la trop grande chaleur les oblige à se réfugier à l’intérieur. Tia choisit un restaurant familial, petit, mais convivial qui servait des plats simples mais gouteux.

Ils s’installèrent au fond de la salle et commandèrent des boissons fraîches. Le silence de leur promenade se poursuivit et ce qui avait été apaisant devint lourd. La petite femme les observa et vit l’indifférence affichée de Len et la froideur forcée de Lara. Mais ce fut l’air malheureux et impuissant de sa compagne qui la toucha le plus.

Lex soupira et prit la main de sa compagne qu’elle porta à ses lèvres dans un geste inconscient. Elle y déposa un petit baiser et sourit à sa femme. Un instant, elles furent seules. Puis un reniflement dédaigneux retentit derrière elles et le contact fut rompu. Tia et elle fixèrent l’importun.

Celui-ci les regardait comme si elles étaient deux insectes particulièrement repoussants. Le mépris et la haine gratuite dans ses yeux faisaient écho, comme s’en aperçu rapidement Tia, à celle de pas mal des personnes dans la salle, y comprit leur serveuse.

Tia baissa les yeux sur la main qui serrait la sienne et remonta le long du bras qui menait à sa compagne. Elle détailla le profil net. La mâchoire anguleuse, le nez droit qui se fronçait lorsqu’elle souriait, les sourcils fins et bien dessinés, les lèvres aux courbes douces et décidées à la fois…

Tia reposa ses yeux sur leurs mains jointes. Comment quelque chose d’aussi beau que l’amour pouvait-il générer tant de haine et d’incompréhension ? Qu’y avait-il de mal et d’incompréhensible dans le fait d’aimer ?

Elle repensa à Sassem. Pourquoi les hommes voulaient-ils toujours tout gâcher ? Tout salir ? Pourquoi faire d’une chose aussi naturelle que le désir, une pulsion sale et malsaine ? Elle secoua doucement la tête et observa ses enfants.

Ils étaient mal à l’aise. Ils s’agitaient légèrement sur leurs chaises, ne savaient pas où poser les yeux, serraient et desserraient les mains. Attrapaient tout ce qui était à leur portée pour jouer avec.

En temps normal, elle aurait délibérément provoqué ces puritains hypocrites et serait restée. Mais, elle le comprenait subitement, ses actes avaient des conséquences pour d’autres qu’elle. Ses enfants devaient vivre avec ce qu’elle était mais ils devaient aussi vivre dans ce monde. Parmi ces gens.

Aussi hostiles soient-ils, Len et Lara devaient vivre parmi eux. Et Tia comprit en les étudiant que s’ils n’étaient pas d’accord avec leurs façons de voir leurs mères, leurs regards, leurs mépris avaient un impact sur eux. Pourtant jamais, ils ne renieraient leurs mères ou ne les désapprouveraient pour faire plaisir à ces idiots et enfin, faire partie du groupe.

Au lycée, elle se souvint soudain, ils avaient perdu pas mal de leurs amis ainsi. Elle n’y avait pas prêté d’attention à l’époque, se disant que si leurs amis les avaient lâchés à cause de ça, alors Len et Lara étaient mieux sans eux. Mais elle comprenait maintenant que cela avait dû être difficile pour eux. Douloureux même. Et malgré cela… ils avaient soutenu leurs mères dans leurs choix particuliers de vie. Sans jamais se plaindre.

Elle leur devait le même respect. Ce n’était pas parce qu’ils étaient plus jeunes et parce qu’ils étaient ses enfants qu’elle devait se dire que tout allait de soit. Ils avaient leur propre libre-arbitre et le fait qu’ils aient décidé de le mettre de leur côté à elle et Lex, l’emplissait de fierté.

Pourquoi avait-elle mis tant de temps à s’en rendre compte ?

Elle toucha doucement le bras de sa fille et attendit que celle-ci pose les yeux sur elle pour faire la même chose avec son fils. Lorsque leur attention fut sur elle, elle dit :

- Je suis désolée.

Ils ouvrirent de grands yeux et elle fit un geste vague de la main, pour désigner la salle.

- Vraiment, ajouta-t-elle. Je n’avais jamais réalisé à quel point cela pouvait vous affecter et j’en suis navrée.

Ils secouèrent la tête comme pour minimiser l’ennui que cela créait. Elle leur sourit et se leva.

- Venez, rester ici n’a pas de sens. L’ambiance est pourrie. Allons ailleurs.

Lex se leva un peu stupéfaite du repli de sa compagne, mais elle en comprit vite la raison et elle approuva. Alors qu’ils retraversaient la salle, Tia ne lâcha pas sa main et c’est la tête haute et sans la moindre honte ou signe d’embarras qu’elle rejoignit la porte d’entrée. Elle croisa délibérément les regards de tous les idiots qui les fixaient et vit que c’était eux qui détournaient les yeux, pas sa femme.

Lex éprouva une grande fierté à être aux côtés d’une telle femme. Elle vérifia du coin de l’œil les réactions de Len et Lara et vit avec soulagement et un regain de fierté qu’il en allait de même pour eux.

Ils sortirent tous à l’air libre avec un sentiment puissant de liberté retrouvée. Ils s’arrêtèrent quelques instants et inspirèrent tranquillement en regardant les gens aller et venir autour d’eux, puis Tia se tourna vers ses enfants :

- Un Mac do ça vous dit ?

Ils hochèrent la tête dans un bel ensemble et lui sourirent avec une certaine timidité. Cela faisait quelques jours qu’ils ne l’avaient plus regardée en face. Lex se détendit complètement lorsqu’elle vit que la tension des derniers jours retombait enfin.

Tia prit la tête de leur petit groupe, traînant sa petite compagne par la main et les dirigea rapidement vers le lieu de leur déjeuner.

 

***********************************

Le déjeuner avait été détendu quoique avare en parole. Les jumeaux étaient encore trop assommés pour avoir envie de parler, malgré les tentatives de leurs mères. Ils avaient néanmoins répondu lorsque Tia et Lex posaient des questions simples ce qui avait rendu le déjeuner plutôt plaisant. Au moins les jumeaux avaient cessé de les ignorer.

Ils avaient flemmardé le reste de l’après-midi au gré de leur envie et étaient rentrés le soir parfaitement satisfaits de leur journée.

Après le dîner, en attendant que Frédéric rentre et pendant que les jumeaux regardaient un épisode de Rhenna la princesse guerrière, les deux femmes avaient de nouveau passé en revue le plan d’Alexia et vérifié ce qui était arrivé et en place et ce qui manquait encore.

Tia avait surtout joué les secrétaires. Cela lui avait permis de se détendre en laissant les rênes à quelqu’un d’autre et de voir combien Lex était minutieuse et perfectionniste. Elle avait été impressionnée de voir l’autorité avec laquelle elle s’adressait à leurs employés, loués pour l’occasion, associée à un sens de la diplomatie et de la manipulation qui paraissait naturel.

La mercenaire avait joué les secrétaires avec amusement mais conscience. Elle avait dû s’avouer aussi que de voir sa femme dans ce rôle de leader l’avait beaucoup excitée, mais très disciplinée elle avait attendu, avec un stoïcisme proche de l’héroïsme, la fin des préparatifs et des vérifications du jour pour lui sauter dessus.

Elles se reposaient maintenant, après un match de catch en chambre épique, sur le tapis en peau de bête près du pied du lit. Tia tourna la tête et rit lorsqu’elle se retrouva nez à nez avec les crocs bien aiguisés d’un tigre en colère.

Elle secoua la tête et déclara :

- On ne pouvait pas faire de plus mauvais choix que ça en matière de mauvais goût…

Lex roula sur le ventre et compara le visage de sa compagne à la tête pleine de poils de la bête morte.

- Moi, je trouve qu’il y a une certaine ressemblance…

La seconde qui suivit cette déclaration, Lex prit un oreiller sur le visage et elle roula sur le dos pour éviter le second coup qui se profilait en riant.

- Je blaguais, je blaguais ! S’écria-t-elle en levant les mains devant son visage.

Lorsque l’attaque cessa, Lex posa son regard rieur sur le visage amusé de sa compagne.

- Je suis d’accord avec toi, y’a pas de déco de plus mauvais goût que celle se trouvant dans ce loft, mais c’est aussi ce qui en fait son charme.

- Comment ça ? Demanda la grande femme en posant ses longs doigts fins sur le ventre de sa petite femme.

Celle-ci sentit sa respiration se bloquer brièvement au toucher avant de poursuivre.

- C’est tellement de mauvais goût que ça fascine. Tu sais, un peu comme…

La gorge de Lex émit un gargouillis involontaire quand Tia se mit à faire des cercles inconscients sur sa peau. Lex se racla la gorge et tenta courageusement de continuer alors que la main descendait vers un endroit plus sensible.

- … un peu comme… oohhhhh,…

Lex déglutit.

- Comme ces personnes…

La petite femme inspira brusquement lorsque son clitoris tendu fut effleuré par un doigt taquin. Elle se força à ignorer le contact.

- Ces personnes vraiment très moches…

Lex gémit quand les doigts de Tia dessinèrent le contour de son intimité brûlante.

- Tia, haleta- t-elle, s’il te plaît, fit-elle en écartant les jambes.

La grande femme réprima un sourire satisfait et demanda innocemment :

- Quoi ?

Lex la fusilla du regard et descendit sa main pour emprisonner la sienne mais la mercenaire se déroba.

- Que veux-tu dire par ces personnes vraiment très moches ? Demanda-t-elle comme si de rien n’était.

Lex pinça les lèvres et se força à prendre une grande inspiration pour calmer les frissons qui parcouraient son corps. De toute évidence Tia était dans une de ses humeurs je t’allume et je te laisse.

- Ces personnes très moches qui fascinent. Tu sais bien, se força- t-elle à expliquer.

En voyant le sourcil noir, à la forme parfaite se lever, elle comprit que non, Tia ne voyait pas. Elle soupira et s’appuyant sur un coude lui fit face.

Alors qu’elle reprenait ses explications la main de Tia retrouva le clitoris gonflé sur lequel elle exerça une pression qui fit s’étrangler sa compagne.

- T… Tia, arrête. Je n’arrive pas à me concentrer.

La grande femme fronça les sourcils tout en prenant l’appendice dur entre ses doigts et en le pressant fortement.

- Pourquoi donc ? Demanda- t-elle très sérieusement.

Lex voulut répondre mais ne put qu’haleter. Elle déglutit plusieurs fois et sa main trouva celle de sa compagne. Elle écarta les jambes et tenta de la faire descendre mais Tia ne se laissa pas détourner de son objectif.

Elle fit rouler le clitoris palpitant entre ses doigts et demanda :

- Tu veux dire que la mocheté peut devenir belle ?

- Hein ? Fit la petite blonde en relevant les yeux vers sa compagne.

La caresse de Tia affolait ses sens et Lex avait bien du mal à suivre la conversation. Elle déglutit et gémit lorsque Tia fit glisser son index sur sa fente bien humide, avant de secouer la tête et d’essayer de donner une explication cohérente à sa femme.

- Eh bien… oui, dans un sens…

Lex inspira brutalement en sentant le doigt de Tia faire des aller et venu sur les bords de sa vulve pendant que son pouce pressait son clitoris dur. Elle commença à haleter de plus en plus bruyamment. La brûlure dans son bas ventre se fit plus intense et elle avança ses hanches pour entrer en contact avec les doigts de Tia.

Mais celle-ci refusa de lui accorder ce que son sexe complètement trempé réclamait. Elle croisa soudain le regard assombri de Tia et l’intensité qu’elle y lut la fit presque jouir sur place.

Tia ne la touchait qu’avec son pouce et son index. Elle se trouvait au-dessus d’elle et à part son clitoris et les abords de ses lèvres, elle ne touchait strictement aucun autre endroit du corps de Lex. Pourtant celle-ci était si excitée qu’elle se tortillait et bougeait les hanches en cherchant désespérément le contact des doigts durs.

Elle frottait son clitoris furieusement contre le pouce affolant et sentait monter en elle une vague de jouissance puissante.

« Elle va me faire jouir sans même me pénétrer… », songea la petite femme au bord de l’orgasme.

Lex figea son regard dans celui bleu nuit de sa compagne qui trembla de désir. Elle mourrait d’envie de la toucher et cherchait en même temps une délivrance à la pression grandissante qui montait entre ses jambes. Mais elle savait que si elle bougeait, non seulement sa compagne se déroberait au contact mais elle interromprait aussi sa caresse.

Son souffle se fit bientôt plus rapide et superficiel et elle lutta pour ne pas fermer les yeux alors que la vague de jouissance la balayait. Elle se cambra, poussa un long cri rauque et ne lâcha pas les yeux de Tia durant tout son orgasme.

Elle retomba en frissonnant sur le tapis et s’aperçut alors que Tia aussi tremblait. Elle était couverte d’une fine pellicule de sueur. Elle avança une main encore faible vers le sexe de son amie et introduisant un doigt, elle écarquilla des yeux stupéfaits.

Le sexe de Tia était non seulement inondé, mais faisait aussi des soubresauts caractéristiques. Tia venait d’avoir un orgasme.

Juste… en la regardant jouir. Cela démontrait le pouvoir qu’elle avait sur elle et amena un grand sourire heureux et fier sur son visage.

- Ne te réjouies pas trop mon cœur, fit la voix rauque de désir de la grande femme, je te signale que tu as joui sans que je ne te pénètre.

Le sourire ne varia pas d’un iota. « Même après toutes ses années... », songea- t-elle. Le pouvoir qu’elles avaient l’une sur l’autre était toujours aussi présent. Aussi puissant. Non seulement, elles n’étaient toujours pas rassasiées l’une de l’autre, mais chacune de leur union, de leur attouchement était comme une nouvelle première fois.

Aussi intense… aussi excitant…

Puis un souvenir surgit et elle plissa un peu des yeux en disant :

- Tu te souviens dans la grotte… ?

Tia mit quelques minutes avant de voir à quoi faisait allusion sa femme.

- Avant que l’on arrive ?

- Oui.

- Tu parles de… heu…

Comment formuler ça ?

- … ce qui s’est passé quand… on s’est regardé ?

Le visage de Lex s’éclaira d’un seul coup.

- Toi aussi tu l’as ressenti alors !!

Elle se redressa d’un seul coup et Tia eut juste le temps de s’écarter avant de se prendre sa tête en plein dans le nez.

- Je savais que je n’étais pas folle ! S’exclama la petite femme toute excitée.

Tia s’assit à son tour et regarda sa femme s’exciter comme une enfant avec un mélange d’amusement et de mélancolie. Elle ne pouvait s’empêcher d’appréhender leurs futurs. Un futur où Lex n’aurait plus cette joie de vivre. Un futur où la maladie de Lex marquerait le début de la fin de leur couple sur terre.

Tia s’en voulait de gâcher un moment de joie tranquille avec une pensée aussi morose. Mais c’était plus fort qu’elle. Si Lex parvenait à oublier le futur incertain qui était le sien, la pensée de sa condamnation à mort ne cessait de hanter l’esprit de Tia.

Cependant, comme à son habitude, Tia verrouilla sa peur et sa tristesse au fond d’une cage fermée à double tour et se concentra sur le présent.

- Non, tu n’es pas folle, mon amour, fit-elle en caressant la joue douce de sa compagne.

- Tu crois que c’est un autre effet de notre lien ?

Tia réfléchit sérieusement à la question.

- Oui. C’est possible.

Un sourire coquin, naquit soudain et elle dit :

- Quoi qu’il en soit, j’aimerais bien que l’on tente l’expérience jusqu’au bout cette fois…

Lex se souvint des sensations brûlantes qui avaient parcouru son corps et embrasé son sang. Elle avait eu l’impression vivante d’être touchée… caressée… directement par l’âme de Tia… et c’était une expérience aussi magnifique qu’excitante.

Elle n’avait jamais rien ressenti d’aussi fort. D’aussi douloureusement bon que ce que le regard de Tia lui avait fait.

- Quand tu veux, fit-elle en plongeant ses yeux vert mousse dans les siens.

Avant même de pouvoir établir une quelconque connexion, le bruit de la porte d’entrée qui s’ouvrait et se refermait indiqua le retour de Frédéric. Et elles soupirèrent. Elles devaient le mettre au courant des dernières étapes du plan et décider de quelques détails avec lui.

Tia se releva et la toisant déclara :

- Ce n’est que partie remise.

Lex détailla le corps nue de sa compagne, (s’attardant sur le sexe mouillé, situé pile devant ses yeux) et se mordit la lèvre alors qu’une nouvelle vague de sensualité la submergeait. Puis le corps bougea et disparut à sa vue. Elle entendit la porte de la salle de bains claquer et relâcha doucement le souffle qu’elle retenait.

Tia l’excitait comme personne ne l’avait jamais fait. Un regard, un sourire… un bout de peau… Elle soupira devant la soumission si totale de son corps à son désir.

Et de toute évidence, cela n’était pas prêt de s’arrêter. Elle secoua la tête et se leva en décidant que c’était une excellente nouvelle. Ainsi, avec un peu de chance, même lorsque la maladie l’empêcherait de contrôler les mouvements de son corps, le désir qu’elle avait de Tia lui permettrait quand même de prendre du plaisir (jouir).

Cela lui donnerait un semblant de normalité dont elle savait qu’elle aurait besoin. Cela les garderait liées aussi. Elle ne serait pas qu’un poids mort pour sa compagne. Elle pourrait lui donner du plaisir…

Quoi qu’en pense Tia, la pensée de sa mort et plus précisément de son agonie ne la quittait pas une seconde. Et la pensée réconfortante qui venait de la traverser adoucissait un peu son appréhension.

Elle s’ébroua et décida qu’elle allait apprendre tout ce qu’il y avait à apprendre sur leur lien et qu’elle le maîtriserait comme une virtuose. Ainsi lorsqu’elle en aurait besoin, lorsqu’elle ne pourrait plus compter sur son corps pour donner du plaisir à Tia, elle pourrait utiliser leur lien.

Leur relation ne s’arrêterait pas en même temps que la déchéance de son corps. Pour celle de son esprit en revanche, elle ne savait pas si elle pouvait compter sur leur lien, mais elle demanderait à Harry.

Elle se rendit dans la salle de bains en priant de toutes ses forces pour que leur lien transcende aussi sa déchéance mentale.

 

***********************************

 

Deux jours plus tard, le plan d’Alexia était en place. Ne manquait plus que leurs présences à elle et Tia pour le déclencher. Elles cherchaient un moyen d’expliquer aux jumeaux pourquoi elles n’assisteraient probablement pas à leurs anniversaires.

- On va devoir se rendre en Russie et la préparation sur place associée au voyage nous prendra bien deux jours, expliqua Tia. L’exécution du plan ne prendra que quelques heures mais il peut y avoir des complications. Dans ce cas là, on ne pourra pas être de retour tout de suite. Dans le meilleur des cas, on sera là le soir de vôtre anniversaire, mais on préfèrerait que vous attendiez pour le fêter.

- On voudrait le fêter au ranch, termina Lex avec un sourire.

Les yeux des jumeaux s’ouvrirent en grand et des sourires firent leur apparition.

- Vous êtes ok pour attendre alors ? Interrogea Tia.

Ils acquiescèrent avec enthousiasme. Et les deux femmes se sourirent de soulagement.

Tia les attira dans ses bras et Lex referma le cercle avec les siens. Frédéric apporta sa contribution à leur étreinte en abattant ses grosses paluches sur tout son petit monde et les serra contre lui, ce qui déclencha rires et bousculades.

Quelques heures plus tard, ils se retrouvèrent tous à l’aéroport. Tia et Alexia avaient réservé leur vol sous une fausse identité mais n’avaient changé ni leurs apparences, ni tenter en quoi que se soit de se cacher, suivant le principe d’être bien en vue pour se cacher que prônait Lex.

Les au revoir furent joyeux, car tous savaient que la fuite touchait à sa fin. La prochaine fois qu’ils se reverraient, ils seraient libres.

Dans l’avion Tia passa en revue ce qu’il conviendrait de faire en arrivant et demanda quelques précisions à sa compagne. Une fois que tout fut bien clair, elle étudia le profil de Lex.

« Il est temps », songea-t-elle tranquillement.

- Lex ?

- Hmm ? Fit celle-ci en relisant ses notes.

- Que dirais-tu de Maât ?

-Hmm ? Fit Lex en se tournant vers elle, interrogative.

- Maât. Ca te plaît ?

- C’est joli. Pourquoi ?

- Ravie que ton nom de mercenaire te plaise, fit Tia les yeux brillants.

- M… mon nom de mercenaire ? S’exclama la jeune femme incrédule.

Tia hocha la tête.

- M… j… tu… bon sang, souffla- t-elle sans parvenir à y croire.

Lex fixa le vide quelques instants puis releva la tête et posa un regard empli de joie sur sa femme.

- Maât, hein ?

- Maât, confirma la grande femme.

Le sourire de Lex était si lumineux qu’il aurait put éclipser la lumière du soleil.

 

FIN PARTIE VI

 

Partie VII : Le passé peut-être très lourd et le futur plus encore.

 

Chapitre 1 :

 

- Qu’est-ce qui… pourquoi ? Interrogea la petite femme tout excitée sans parvenir à trouver ses mots.

- Pourquoi maintenant ? Pourquoi Maât ? Traduisit la grande femme avec indulgence.

- Oui !

Tia sourit et répondit.

- C’était le moment, fit-elle simplement. Depuis quelques temps tu as fait preuve de la rapidité et de l’efficacité propre à tout bon mercenaire. Et tu l’as fait en indépendance totale. J’étais hors course et tu ne t’es pas laissé démonter par cet imprévu. Tu as fait preuve d’une grande capacité d’adaptation et d’un esprit d’analyse froid et détaillé.

Tia fit une pause puis dit doucement :

- Je suis très fière de toi.

Lex sentit très nettement la chaleur envahir son cou et son visage mais ne s’en soucia guère. Tia était fière d’elle. En tant que mercenaire.

Puis elle réalisa pleinement.

Elle était mercenaire maintenant. Plus apprentie. Non. Mercenaire.

Son cœur battit plus vite et elle serra fortement les accoudoirs de son siège pour juguler son excitation et sa peur.

- J’espère que je serais à la hauteur.

- Je n’ai aucun doute là dessus.

Lex la dévisagea longtemps cherchant une trace de doute, de sarcasme ou autres choses, mais ne vit que sincérité et confiance et en fut touchée au-delà du possible. Elle déglutie, hocha la tête et murmura un merci inaudible pour une autre personne que sa compagne.

Puis soudain, Lex comprit ce que son nouveau statut impliquait et elle leva des yeux inquiets sur sa femme.

- Je… Ca veut dire qu’on ne va plus travailler ensemble ?

Tia sourit en coin tranquillement. Elle s’attendait à cette question. Lex lui était si attachée…

- Ca dépend, fit-elle en haussant les épaules.

- De quoi ?

- De ce que tu veux.

- Tu ne veux pas être plus claire ?

Tia réprima un sourire devant son agacement. Elle aimait bien obliger Lex à lui tirer les vers du nez.

- Tu es mercenaire à part entière maintenant. Dès que tu seras inscrite sur le tableau noir des mercenaires tu pourras accepter tes propres contrats. Et me demander de t’aider ou non. Ou bien…

- Ou bien ? Répéta la petite femme impatiente.

- Ou bien on peut décider de choisir les contrats ensemble.

A ces mots et au regard entendu de sa femme, Lex se sentit rassurée. Tia n’avait jamais eu l’intention de travailler sans elle.

- Je vote pour cette solution !! Fit-elle en levant la main.

Tia rit.

- Et si jamais tu veux prendre un peu de distance ou t’essayer à des missions solo… plus rien ne s’y opposera, conclut la grande femme avec un sourire.

Lex hocha la tête et se réadossa à son siège.

- Et pourquoi Maât ? Demanda-t-elle.

- C’est une déesse qui personnifie l’équilibre cosmique. C’est à travers elle que le monde peut se maintenir dans son intégrité. Elle est la déesse de la vérité et de la justice. Tout ce que tu es pour moi.

- Tia, protesta-t-elle.

- Non Lex, je suis sérieuse. Pour moi mais aussi pour les enfants… tu représentes l’équilibre pour nous. Tu es l’incarnation de la justice et de la droiture. Même dans le combat tu gardes tes idéaux.

Lex se mordit la lèvre. C’était si beau… Tia la voyait vraiment comme ça ? Les larmes lui montèrent aux yeux et elle les ravala. Elle ne voulait pas gâcher un instant aussi beau en s’empêchant de distinguer l’expression si tendre de sa femme.

- Tout va bien ?

Tia tendit la main vers le visage de Lex et attrapa de son index recourbé, une larme qui perlait au coin de son œil.

La gorge trop serrée pour parler, Lex se contenta de hocher à nouveau la tête. Puis prenant une inspiration profonde, elle parvint à parler.

- Je t’aime… souffla-t-elle en la regardant intensément.

Un mince sourire doux apparut sur les lèvres de la mercenaire.

- Pas autant que moi, répondit-elle avec une tranquille assurance.

Elles se regardèrent un long moment, perdues dans l’amour qu’elles lisaient dans les yeux de l’autre, se baignant dans la confortable chaleur que cela créait en elles et y puisant une force commune qu’elles sentaient inépuisable.

Puis la chaleur se fit plus intense et un frôlement, doux comme une aile de papillon, effleura le bas ventre de Lex et elle retint son souffle. Aux yeux soudains assombris de sa compagne, Lex sut qu’il en allait de même pour elle. 

Une caresse légère effleura ses bras et de doux frissons la parcoururent. Elle n’avait jamais rien ressenti de pareille. Des attouchements, plus légers et doux les uns que les autres éveillaient sa peau et embrasaient ses sens.

Son sang rugissait au moindre frôlement et l’excitait à chaque fois un peu plus. (La moiteur humide qui abondait entre ses cuisses semblait ne devoir jamais se tarir. Lex bougea sur son siège et chercha le contact invisible qui la rendait moite.)

Elle soupira lorsque les effleurements se firent plus insistants et gémit lorsque les caresses se firent plus profondes. Alors que la pression montait et que la torture délicieuse menaçait de lui faire perdre la tête, elle se concentra sur le regard flou de Tia et vit qu’elle aussi perdait le contrôle.

(Le flot entre ses jambes ne cessait d’augmenter et sa culotte puis son jean furent bientôt complètement trempés). Elle s’étrangla et poussa un long gémissement qui retentit dans toute la cabine.

Des têtes se tournèrent vers elle et sa compagne mais Lex n’y fit pas attention. Elle n’était plus que sensations, chaleur et plaisir. Alors que l’orgasme montait et que son corps s’y préparait, une chose extraordinaire se passa.

Une chose si unique, si magique, que Lex sut que même morte, elle ne l’oublierait jamais.

Alors même que le plaisir la faisait haleter, gémir et se tordre sur son siège, elle sentit un toucher comme elle n’en avait jamais connu, léger comme souffle, chaud comme un brasier, doux comme le pelage d’un lapin.

La sensation était intense, puissante et impossible à ignorer. Elle l’enveloppa tout entière lorsque l’orgasme la submergea et elle hurla son extase en même temps qu’elle se noyait dans la sensation familière et sécurisante enveloppant son âme.

Elle se sentait aimée, choyée, protégée. En totale sécurité, certaine d’être aimée à jamais et sûre qu’il ne lui arriverait rien tant qu’elle resterait là… dans ce nuage soyeux et doux qui l’entourait entièrement.

Elle retomba de longues minutes de félicité plus tard, avec une lenteur presque douloureuse tant elle était plaisante. Les sensations s’évanouirent à mesure qu’elles reprenaient conscience du lieu où elles se trouvaient.

Et lorsque enfin elle réalisa qu’elles se trouvaient toujours dans l’avion et que des dizaines de personnes les dévisageaient stupéfait, elle comprit qu’elle venait d’avoir l’orgasme de sa vie au milieu d’eux et qu’aucune des personnes présentes ne l’ignoraient.

 

*************************************

 

Elles débarquèrent en Russie quelques heures plus tard. Ni l’une, ni l’autre ne s’attardèrent plus que nécessaire. Elles avaient passé tout le voyage à tenter d’ignorer et d’éviter les regards amusés, moqueurs ou entendus des passagers les entourant.

Elles s’engouffrèrent sitôt passé les contrôles, dans le premier taxi qu’elles trouvèrent. Il les déposa devant le Hilton et Tia se dit qu’à l’avenir elle devrait laisser Lex décider plus souvent de leurs plans.

Elle adorait les hôtels où elle les logeait !

Tia sourit à sa femme tout en entrant dans leur suite. Lex retint un gloussement devant son air satisfait et paya le groom avant de refermer la porte. Elle rejoignit ensuite sa compagne qui s’était directement dirigée vers la chambre. Elle la trouva allongée sur le dos et fixant le plafond d’un air béat.

Elle leva la main et le désigna :

- Y’a un miroir.

Elle se redressa et la fixa.

- C’est le truc de mauvais goût que je préfère, déclara-t-elle d’un air entendu.

Lex lui retourna un grand sourire coquin. Appuyée contre le chambranle de la porte, elle laissa son regard errer sur le corps emmitouflé de laine de Tia. Mais celle-ci n’était apparemment pas sur la même longueur d’onde car elle se redressa soudain et se mit à bondir sur le lit.

Lex ouvrit de grands yeux stupéfaits et la regarda faire un moment. Tia riait comme une enfant en se laissant retomber sur le dos ou les fesses alternativement.

- J’ai toujours rêvé de faire ça ! S’exclama la grande femme en riant.

Lex secoua la tête et rit devant sa joie enfantine. Elle adorait voir sa compagne comme ça. Elle avait ainsi l’impression de lui redonner une enfance, un bout de ce qui lui avait manquée.

Tia se laissa rebondir une dernière fois et roula sur le côté pour la regarder.

- Quelle est la prochaine étape du plan, chef ? Demanda-t-elle toute guillerette.

Lex s’approcha et s’assit sur le bord du lit.

- On mange, on va repérer les lieux et rencontrer notre équipe. Puis on dort et on passe la journée du lendemain à régler les derniers détails et à se détendre. L’opération commencera à 23h15 demain soir.

- Ca me va !

- Tant mieux, fit la petite femme en passant le dos de sa main sur la joue de Tia.

Celle-ci ferma les yeux et laissa la délicatesse de la peau et la tendresse du geste l’envelopper comme une douce couverture. Lex fondit. Autant l’arrogance de Tia l’excitait au plus haut point, autant son besoin de tendresse la faisait fondre comme neige au soleil.

Ce mélange de force et de douceur, d’invincibilité et de fragilité, de besoin d’attention et de capacité à vivre seule, la bouleversait à chaque fois. Tia était la personne la plus complexe, la plus déconcertante et la plus paradoxale qu’elle connaissait. Et c’était, pensait-elle, ce qui faisait qu’elle l’aimait tant.

Avec Tia la vie n’était jamais ennuyeuse. C’était une aventure perpétuelle où chaque geste, chaque mot, pouvait dire milles choses différentes. 

Lex adorait le défi constant que représentait sa compagne. Elle se pencha vers elle et déposa un baiser amoureux sur ses lèvres. Puis elle les mordilla et un grondement sourd lui répondit. Elle s’écarta légèrement.

- Après l’orgasme mondial que nous avons eu dans l’avion, je pense qu’une douche s’impose mon amour.

- Une douche, hein ?

- Avec du savon, confirma la petite blonde très sérieusement.

- Et plein d’eau ruisselant sur nos corps nus, susurra la grande femme.

Lex réprima un sourire et hocha la tête gravement. Puis comme pour confirmer le besoin que sa compagne avait de se laver, elle glissa une main ferme dans le pantalon de Tia et sous sa culotte trempée.

- Tu as vraiment besoin de te nettoyer, mon cœur, fit-elle sentencieusement. Tu es complètement mouillée.

Une main rapide comme l’éclair fit le même constat dans son pantalon et Tia sourit de toutes ses dents en effleurant (le clitoris) de sa compagne, ce qui lui arracha un frisson et un sursaut.

- Toi aussi, chef. Et il faudra absolument changer de sous-vêtements et de jean une fois que j’aurais récuré ton corps dans sa totalité, fit-elle sur un ton très suggestif.

Lex inspira brusquement et se levant, entraîna sa compagne vers la douche à grand pas.

 

************************************

 

Le lendemain soir, elles étaient comme prévu au point de départ du plan. Se trouvaient avec elles, deux autochtones qui débutaient dans la profession mais connaissaient tout ce qu’il y avait à savoir sur Aniock et son fief, une connaissance de Tia qui était très heureux de la revoir et avait accepté de les aider.

Lex le trouvait rigolo, parce que très enthousiaste mais heureusement très compétent. C’était leur expert informaticien. Il était responsable de leur communication et de la surveillance du terrain autour de la maison d’Aniock.

Les deux autochtones, eux étaient là comme renfort et couverture de repli pour Tia et elle. Ils avaient réceptionné et placé un peu partout dans la propriété des émetteurs/récepteurs d’ondes agissant un peu comme des sonars et permettant la détection des mouvements et de la chaleur corporelle.

Tout ceci permettait à John, leur expert informatique, de les prévenir de la position et du nombre d’ennemis en place.

Ranichka et Betrevsta, les deux locaux, avaient aussi dissimulé mini-caméras et micros indétectables dans toute la maison durant la semaine écoulée. Ceux-ci avaient été gracieusement prêtés par le gouvernement Américain, toujours à la pointe de la technologie, en échange elles devaient attribuer le démantèlement de l’organisation d’Aniock à leur pays, ce qu’Alexia avait accepté s’ils poussaient leur coopération jusqu’à les aider à vider les lieux en cas de problème.

Là, Tia avait été relativement impressionnée. Lex avait obtenu beaucoup et donné très peu, elle aurait donné cher pour avoir son talent de persuasion. Elle vérifia leurs équipements et leurs armes.

Elle enfila son gilet pare-balle noir et mit M16 en bandoulière. Elle serra les attaches et ajusta son couteau sur sa cuisse, puis elle fit de même pour sa compagne pendant que celle-ci étudiait encore une dernière fois les plans et discutait avec John des zones à risque.

A l’heure dite, Ranichka et Betrevsta se mirent en position sur les côtés de la propriété. Tia et Alexia mirent leurs casques sur leurs oreilles et testèrent le son. Puis elles s’élancèrent. Se courbant sur les distances courtes et rampantes sur les longues, elles parvinrent en moins de 30 minutes aux abords de la propriété.

A partir de là, elles se fièrent exclusivement aux indications de John et avancèrent avec lenteur et prudence.

Grâce au système mit en place par Lex et à ses préparatifs minutieux, elles ne croisèrent personne jusqu'au bureau d’Aniock. Lex brancha un appareil sur la serrure électronique qui la hacka en quelques secondes et elles entrèrent.

Pendant que Tia s’occupait de son ordinateur, Lex fouilla ses dossiers. En contact avec John, Lex lui demandait régulièrement si Aniock ou un garde approchait. Elles passèrent près de 15 minutes à réunir des preuves pour Karl puis elles se mirent en quête d’Aniock.

Lex discuta quelques secondes avec John et dirigea Tia vers la chambre. Parvenues devant la pièce, Tia s’occupa discrètement des deux gardes placés là et garda la porte pendant que Lex entrait pour s’entretenir avec Aniock.

C’était la partie du plan que Tia aimait le moins et trouvait la plus absurde. Un type comme Aniock n’arrivait pas à son niveau avec l’idée de se comporter avec humanité. Lex perdait son temps. Mais c’était Lex et elle n’y pouvait rien. Et puis qui savait ? Lex pouvait se montrer très persuasive quand elle le voulait.

Tia n’entendit rien ce qui voulait dire que tout se passait bien. Entrer avait été un jeu d’enfant et Tia comprit que rien ne semblerait plus jamais difficile après Sassem. Cet homme était un génie doublé d’un paranoïaque confirmé. Résultat, elle avait dû déployer des trésors d’imaginations pour s’introduire dans ses propriétés et faire preuve d’une grande habileté pour le faire sans mourir à chaque pas.

Lex finit par toquer à la porte quelques minutes plus tard et elles échangèrent leurs places, sa compagne surveillant le couloir pendant que Tia s’acquittait de la besogne. Tia s’approcha du lit où gisait Aniock saucissonné comme un boudin. « Ce à quoi il ressemblait vraiment », songea-t-elle en gloussant.

Il la regarda approcher une lueur de colère et de peur dans le regard. Elle le fixa un instant et se pencha sur lui pour lui murmurer :

- Si ça n’avait tenu qu’a moi, vous seriez déjà mort, mais mon associée à tenu à vous laisser une chance, que, pour je ne sais qu’elle raison, vous avez préféré décliner. Rassurez-vous avec moi, il n’y aura pas de négociation. Vous allez mourir.

L’éclair de peur fut cette fois facile à identifier. Tia se redressa et leva son arme. Elle hésita. Mercenaire ce n’était pas tueur à gage. Et pourtant aujourd’hui elle faisait exactement ce travail. Mais c’était pour leur famille. Leur liberté. Leur sécurité. Comme Sassem.

Elle se souvint d’un temps où ça n’était pas difficile. Où tuer était facile. Où elle n’y pensait même pas.

Dans son apprentissage avec Enyalios, c’était la seule chose qu’elle regrettait. Il n’avait pas essayé de lui donner le goût du sang comme Sassem, mais dans une mission, les pertes humaines n’étaient pas importantes pour lui, au contraire même. Une bonne bataille avec le risque de la mort, la sienne ou celle de son ennemi, l’excitait énormément.

Elle avait fini par penser comme lui… à tuer sans réfléchir. Oh bien sûr, elle avait parfois du mal à dormir et des regrets la hantaient de temps en temps. Mais c’était surtout parce qu’elle avait l’impression de devenir comme Sassem. 

Lex avait changé tout ça.

Et aujourd’hui, même en sachant ce qu’elle savait sur cet homme et le danger qu’il mettait sur sa famille, elle aurait aimé avoir un autre choix.

Mais quelqu’un comme lui, avec ses relations, ne pourrait jamais être neutralisé avec la prison. Le faire arrêter ne pouvait donc pas être la solution. Ou alors ils devraient fuir ou se cacher sous une fausse identité jusqu'à la fin de leur jour.

Et pour Tia, ceci n’était pas envisageable. C’était leur vie à elle et sa famille. Elle n’allait pas la sacrifier pour qu’un connard pareil puisse vivre. Elle avait trop lutté pour avoir cette existence. Lex avait trop sacrifié pour ne pas avoir droit à un semblant de normalité et ses enfants étaient innocents. Ce n’était pas à eux de payer la note.

Quant à Frédéric… elle lui devait trop. Elle lui devait tout. Elle pouvait régler partiellement sa dette en le débarrassant d’Aniock. Et qu’était un peu de culpabilité face à la reconnaissance, l’amour et la liberté ?

Sa famille. Elle leur devait sa stabilité. Sa joie. Son bonheur. Son rêve réalisé. Elle pouvait assumer cette mort. Pour eux. Pour ce qu’ils lui apportaient. Elle acceptait le prix à payer pour faire justice elle-même.

Mais elle était parfaitement consciente que ce n’était pas une habitude à avoir. Que tuer par vengeance ou esprit de justice n’avait plus cours aujourd’hui. N’était plus acceptable. L’espèce humaine avait trop évolué.

Elle plongea son regard implacable dans le sien et dit :

- Frédéric vous aimait vous savez. Il aurait voulu qu’il y ait une autre solution. Il vous aimait tant. Je suis désolée que vous vous soyez laissé consumer par la jalousie et la colère. Vous êtes passé à côté d’une vie bien meilleure. Et à côté d’un homme fantastique. Votre ami. Votre frère.

Il la fixa un moment et elle lut une certaine acceptation. Comme si… comme s’il était d’accord. Elle hésita alors… peut-être qu’il y avait un autre moyen finalement ? Puis la lueur s’effaça et le mépris le remplaça. Le mépris et la haine. Et elle sut qu’il n’y en avait pas d’autre.

Elle appuya sur la détente et elle vit sa tête tressauter légèrement, un trou net ornant son front. Un filet de sang s’écoula de la blessure sur son front et l’oreiller sous sa tête s’imbiba au point de devenir noir.

Elle recula, déglutit et accepta le fardeau de sa mort. De cette vie qu’elle s’était arrogée le droit d’écourter. Comme si elle valait mieux que lui.

Elle rangea son pistolet et reprit son M16 puis tourna les talons sans plus regarder en arrière.

 

Chapitre 2 :

Elles rentrèrent sans plus d’encombre qu’à l’aller et congédièrent rapidement les deux locaux. John en revanche insista pour prendre un verre avec elles. Pour fêter ça, disait-il en souriant. Lex n’eut pas le cœur à décliner l’invitation, surtout quand la mission s’était déroulée avec un tel succès.

Enfin, cela arrivait souvent, les plans de Tia étaient les meilleurs, mais c’était son premier plan à elle et il s’était déroulé sans un mort superflu et sans difficulté impromptue. Et de ça Lex était très fière. Cela atténuait un peu le fait qu’elle n’avait pu parvenir à un accord avec Aniock, ce qui lui aurait permis de vivre.

Elle haussa les épaules et chassa l’homme de ses pensées. Pendant que John et Tia s’installaient à une table au fond du bar, Lex se rendit dans la cabine téléphonique située à côté du bar dans un coin un peu à l’écart du bruit.

Elle composa le numéro du FBI et le code que Karl lui avait demandé de taper. Lorsqu’une voix électronique lui demanda son mot de passe elle débita une série de quatre chiffres puis une autre de trois.

Après 5 sonneries, elle tomba enfin sur la boite vocale de Karl. Elle lui laissa un message court indiquant la réussite de la mission et l’envoi par coursier express, John, des preuves demandées.

Elle rejoignit ensuite les deux autres et s’assit en face de sa compagne. Elles se sourirent et John entama une discussion superficielle sur les mérites comparés des vaches Françaises et des vaches Anglaises.

Pendant ce débat hautement intellectuel, Lex sentit soudain un pied toucher sa jambe et remonter lentement le long de son mollet. Les frissons qui voyagèrent jusqu'à son bas-ventre l’électrisèrent. Elle jeta un œil sur sa femme mais celle-ci écoutait attentivement John et riait à ses blagues à deux balles.

Elle fronça les sourcils et retourna son attention sur John. Il la regarda et lui fit un clin d’œil. Elle écarquilla légèrement les yeux. Non, quand même pas ?! Le pied revint et toucha l’intérieur d’une de ses cuisses.

Aussitôt son ventre se contracta dans une vague de sensualité intense. Elle fixa la table mortifiée, en se demandant ce qui lui arrivait. Et bon sang, est-ce que John était suicidaire ?! Tia allait le trucider si elle s’en rendait compte !

Le pied se glissa entre ses jambes et appuya brièvement sur son entrejambe. Elle se crispa en même temps que son excitation humidifiait sa culotte.

« Oh bon sang… », songea-t-elle confuse. Comment cet homme pouvait-il lui faire un tel effet ?!! Elle ne le trouvait même pas mignon et bordel, il n’était pas Tia !!

Elle déglutit et releva la tête. Elle croisa les jambes et se recula sur sa chaise pour mettre autant de distance que possible entre lui et elle et jeta un regard en coin à sa compagne pour voir si elle avait repéré son manège.

Elle posa son regard si bleu sur elle et lui sourit doucement. La lueur d’excitation qu’elle y décela lui fit prendre conscience que c’était elle qui la touchait depuis tout à l’heure et le soulagement qui l’envahie fut total.

Comment avait-elle pu douter ? Bon, en même temps la coïncidence expliquait la méprise, mais quand même… Tia était la seule à lui faire cet effet, elle le savait. Elle devait être plus fatiguée par l’opération qu’elle ne l’aurait cru pour ne pas s’en être rendue compte avant.

Elle retourna son sourire à Tia et sentit s’abattre sur elle la fatigue d’une semaine haute en stress. Elle avait eu tellement peur d’oublier quelque chose, de décevoir Tia ou de faire foirer l’assaut.

Elles prirent rapidement congés de John lorsque l’excitation que fit naître Tia en Lex menaça de la faire gémir en public. Elles rentrèrent à leur hôtel main dans la main, presque en courant. Arrivées dans leur chambre elles se jetèrent l’une sur l’autre avec une rare sauvagerie. Déchirant les vêtements, s’embrassant avec avidité, écorchant leur peau dans leur précipitation, elles ne parvinrent pas jusqu’au lit et s’écroulèrent à l’entrée de la chambre.

Tia avait pénétré Lex à la seconde où celle-ci s’était retrouvée nue. Les jambes de Lex avaient cédé presque immédiatement sous l’excitation. Pour ne pas rester en arrière, Lex, en écartant largement les cuisses pour profiter au mieux de la caresse de sa compagne, chercha, trouva et titilla le clitoris de Tia.

Elle fit rouler l’appendice dur entre ses doigts puis alors qu’elle haletait de plus en plus fort et sentait la respiration de Tia se faire plus hachée, elle appuya fortement dessus et tira un gémissement sourd de la mercenaire.

Aujourd’hui, les deux femmes ne cherchaient pas la tendresse, elles s’activèrent donc de façon frénétique afin d’atteindre le plaisir au plus vite. Tia se retira de Lex, celle-ci lâcha son clitoris et dans un même mouvement, se collèrent l’une à l’autre et frottèrent vigoureusement leur sexe l’un contre l’autre.

L’excitation monta en une vague rapide et ne tarda pas à exploser en une myriade de petites bulles de plaisir qui se répandirent le long de leurs épines dorsales.

Lex s’affala sur le sol et Tia sur elle. Elles restèrent quelques instants ainsi puis Tia roula sur le dos. Elles fixèrent le plafond avec un sourire repu puis Tia attira sa compagne dans ses bras. Lex se blottit dans le creux de son épaule et ferma les yeux, complètement épuisée par cette folle semaine.

Tia ne chercha pas à se dégager bien qu’elle sentit sa compagne s’endormir. Le sol n’était pas si inconfortable après tout et avoir Lex entre ses bras était suffisant pour qu’elle se sente bien. Alors que Lex plongeait avec délice dans les bras de Morphée, Tia se remémora son hésitation dans la chambre d’Aniock et si cette mort qu’elle avait donnée, pèserait sur sa conscience comme toutes les autres, elle était heureuse de se rendre compte du changement opéré en elle grâce à la petite femme dans ses bras. 

Elle resserra son étreinte et soupira d’aise. Elle n’était pas parfaite, non, loin de là même, mais elle s’améliorait et elle en était fière. Pour la première fois de sa vie, elle pensait sincèrement qu’un jour elle pourrait être fière d’elle-même.

C’était bon d’avoir un avenir moins sombre. Et c’était encore meilleur de savoir qu’elle ne le devrait qu’à elle-même.

Elle roula sur le côté sans lâcher sa compagne et enroula bras et jambes autour de la petite femme dans la ferme intention de la protéger autant que de se fondre en elle.

Elle huma l’odeur de Lex, mélange de sueur, de sexe et d’un goût sucré de miel caractéristique de sa compagne. Elle lécha doucement l’épaule de celle-ci et en aima tellement le goût qu’elle sentit son sexe s’humidifier de nouveau.

Elle se pressa contre le genou que Lex avait légèrement remonté et gémit doucement lorsque la rotule appuya contre son clitoris. Elle commença à faire aller et venir son bassin contre la peau. D’abord doucement, puis de plus en plus vite. Elle devait se retenir pour ne pas s’agiter avec frénésie et se délivrer de la délicieuse pression qui sourdait au creux de son estomac.

Elle haletait doucement en se frottant contre sa compagne. Elle ne voulait pas réveiller Lex qui, elle le savait avait veillé tard toute la semaine durant, souhaitant plus que tout être à la hauteur de sa tâche et s’était épuisée en stress inutile.

Mais la pression et l’excitation en elle montait, et elle ne pouvait s’empêcher de vouloir sentir Lex en elle. Finalement, ni tenant plus elle se recula un peu et se pencha sur les seins de sa femme. Elle les prit en bouche et s’occupa tant et si bien d’eux que Lex se réveilla en gémissant de plaisir.

La petite femme ouvrit des yeux embrumés et un peu confus. Puis elle reconnut le toucher dominateur de son amie et une abondance de liquide sur son genou lui firent comprendre ce qui lui arrivait.

Lorsque Tia sentit sa petite compagne se presser contre elle, parfaitement éveillée, elle retrouva sa position initiale contre son genou et se frotta sans plus de précaution.

La respiration lourde de Tia indiqua à Lex que celle-ci était sur le point de jouir.

- Je te veux en moi, déclara la grande femme entre deux halètements.

Lex qui sentait sa propre excitation s’écouler avec force entre ses jambes ne se fit pas prier et elle glissa trois doigts entre les lèvres largement ouvertes de Tia.

- Tu es si mouillée… si ouverte, murmura la petite blonde sans quitter les yeux flous de sa compagne qui rejeta la tête en arrière en sentant les doigts durs la pénétrer.

Tia agita son bassin avec plus d’intensité alors que Lex faisait aller et venir ses doigts en elle aussi profondément et rapidement qu’elle le pouvait. La mouille de Tia coula le long du poignet de Lex ce qui l’excita encore plus.

Rien ne l’excitait tant que de voir sa compagne se torde de plaisir grâce à elle. Tia agitait son bassin avec plus de force, souhaitant la sentir plus loin, plus fort en elle. Elle crispa ses mains de part et d’autre des côtes de Lex, agrippant le tapis de toutes ses forces, haletant de plus en plus fort.

L’orgasme qui se préparait à venir, Tia le sentait, était énorme. Et Lex le sentait elle aussi. Elle avait l’impression qu’elle jouirait rien qu’en regardant sa compagne et si elle s’en fiait à l’état de son propre sexe largement ouvert et dilaté, abondamment lubrifié, elle savait qu’un simple effleurement suffirait.

Sans cesser ses caresses entre les lèvres de Tia, Lex fit descendre son autre main et introduisit deux doigts dans son propre vagin. Elle se cambra et s’agita en suivant le rythme de sa compagne. Comme elle le pensait l’excitation provoquée par la sensualité et l’érotisme profond qui se dégageait de Tia lui permit de rapidement atteindre la vague de jouissance visée.

Elle cria son orgasme en même temps que sa compagne, dans un hurlement fort, puissant qui retentit longtemps dans la pièce. Elle mit quelques longues minutes à recouvrer sa respiration et sa vue.

(Elle retira alors de son sexe, comme de celui de Tia, ses doigts trempés et tourna un visage pleinement satisfait vers elle. Tia la dévisagea avec émerveillement et cette si totale confiance, cette si grande tendresse qu’elle lut dans le regard bleu lui fit monter les larmes aux yeux.

Tia leva une main tremblante vers son visage et attrapa une des perles qui roulait sur la douce joue qu’elle aimait. Elle mena le diamant à ses lèvres et l’embrassa avec un amour profond, le faisant disparaître avec douceur.

Cela redoubla les pleurs de sa compagne. Elle les comprenait mais devait se faire violence pour ne pas les partager et l’attira dans l’étreinte protectrice de ses bras. Elle la berça un long moment sans rien dire, lui laissant le droit de pleurer sa joie et de libérer la tension qui l’avait habitée toute la semaine.

Lex finit par s’apaiser et s’endormit une fois de plus sur elle. Tia la laissa faire, appréciant simplement l’instant. Puis elle resserra son étreinte autour d’elle et s’endormit à son tour en se disant qu’il n’y avait pas de lieu plus confortable et plus heureux que celui où elle était.

 

**************************************

 

Elles ne se réveillèrent que tard le lendemain après-midi. Le soleil avait envahit la suite et les femmes de ménage étaient passées puis vite ressorties en les voyants enlacées sur le sol complètement nues.

Toute la matinée, les pipelettes de l’étage ne parlèrent que du couple gay qui avait fait tellement de bruit la nuit dernière que les voisins s’en étaient plaint et qui avait terminé leur nuit sur le tapis à l’entrée de leur chambre où elles se trouvaient toujours.

- Dis-moi, elles vont prendre froid ! S’exclama avec commisération la responsable de l’étage.

- Les filles de Jézabel ne méritent pas mieux, marmonna la femme de chambre qui devait s’occuper de leur chambre.

La responsable dont le fils était gay la fusilla du regard et l’envoya nettoyer les chambres du fond. Elle la regarda partir en s’étonnant qu’après tout ce temps, il y ait encore des homophobes. Cela faisait 15 ans maintenant que les unions étaient valables partout dans le monde et les familles nées de ces unions, reconnues aussi légitimes que les autres. Elle ne comprenait pas pourquoi tout le monde n’acceptait pas cela.

C’était comme les unions mixtes, noir/blanc. Aujourd’hui encore elles étaient mal vues par certaines personnes. La responsable secoua la tête en se demandant pourquoi la haine était aussi tenace. Et pourquoi on s’accrochait à l’ignorance au lieu d’encenser ce que l’amour rendait possible, à savoir l’union de deux êtres.

Tia s’étira en baillant à s’en décrocher la mâchoire. Se faisant elle réveilla sa compagne qui sourit en sentant les vibrations parcourir la poitrine de sa compagne et lui chatouiller la joue. Lex se redressa et observa le visage de sa femme.

L’éveil lui donnait un air brumeux adorable. Lex leva la main et passa le bout de ses doigts sur la joue douce qui l’appelait. Tia laissa échapper un ronronnement ce qui fit rire Lex.

La petite femme finit par se lever et s’étira à son tour en passant les mains dans ses cheveux à plusieurs reprises. Tia l’observa. Etudiant avec intérêt les muscles jouer sous la peau hâlée, elle laissa son regard errer sur le ventre plat, les cuisses fermes, les mollets durs et remonta doucement, s’arrêtant un certain temps sur la partie qui reliait bas ventre et cuisses.

Elle résista à la tentation de laisser glisser ses doigts sur l’intérieur particulièrement doux des cuisses, juste à l’aine, et remonta observant le nombril et l’imaginant avec un percing doré. Elle leva une main et la passa sur le nombril dans un geste inconscient puis remarqua que sa compagne ne bougeait plus depuis plusieurs minutes déjà et elle leva les yeux.

Lex la dévisage d’un air rendu sombre par le désir et Tia sourit avec prétention.

- Un simple regard… murmura-t-elle.

L’arrogance de Tia excita un peu plus la petite femme qui dut se faire violence pour ne pas se jeter sur elle. Elle déglutit et déclara d’une voix voulue ferme mais rendue rauque par l’envie :

- Arrête… à ce rythme on ne bougera pas du tapis de la journée et on y a déjà passé suffisamment de temps.

- Tu es sûre ? Susurra la grande femme en laissant son regard courir sur ses seins dont la pointe s’érigea immédiatement.

Les frissons qui parcoururent Lex la firent fléchir mais elle repensa aux jumeaux et se reprit.

- Sûre, fit-elle la voix étranglée en passant une main frustrée dans ses cheveux ce qui en aggrava encore les nœuds.

Tia dut détourner le regard pour ne pas rire et tout gâcher de la réaction que Lex aurait en s’en apercevant. Elle se concentra donc sur les seins tendus devant elle, ce qui donna la chair de poule à sa petite compagne.

Lex se détourna avant de risquer de changer d’avis et se précipita dans la chambre. Tia se leva et l’y suivit. Elle l’attrapa par le bras et l’attira à elle. Elle l’embrassa avec fougue puis se recula et posant deux doigts autour de son nombril murmura :

- Que dirais-tu d’un piercing ici ?

Le regard rendu flou par le contact de sa compagne, Lex mit quelques secondes à saisir ce que disait Tia.

- Un piercing ? Répéta-t-elle la voix cassée.

Elle se racla la gorge en rougissant et poursuivit :

- Sur mon nombril ?

Tia hocha la tête et précisa :

- Un doré.

Lex cligna des yeux et essaya tant bien que mal de se concentrer alors que sa femme enfouissait son nez dans son cou et envoyait des centaines de petits frissons courir sur sa peau. En désespoir de cause, elle s’arracha à l’étreinte de sa compagne et s’éloigna. Devant l’air interrogateur de Tia elle expliqua :

- J’arrive pas à me concentrer.

Le sourire très satisfait de Tia noua son estomac et elle lui tourna le dos résolument. Puis elle baissa les yeux sur son nombril et tenta de l’imaginer avec un piercing. Curieusement, elle trouva cette idée excellente et c’est le sourire aux lèvres qu’elle se retourna vers la grande femme.

- Je suis pour.

- Vraiment ?

Alexia hocha vigoureusement la tête et choisissant de nouveaux vêtements dans son sac, elle se dirigea vers la salle de bains.

- On se lave et on sort se restaurer avant de partir à la recherche du piercing parfait ! Déclara-t-elle en claquant la porte de la salle de bains derrière elle. Tia entendit le déclic indiquant que Lex avait fermé la porte à clé et gloussa.

Elle s’appuya à la porte et lança :

- On ne se sent pas assez forte pour me résister ?

Un objet atterrit avec force contre la porte qui vibra sous l’impact et une voix retentit :

- Va t’en Satan !

Tia s’écarta de la porte en riant. Puis un cri éclata dans la petite pièce fermée et Tia se précipita. Au moment où elle allait arracher les gonds de la porte, elle entendit :

- Tia je vais te tuer !!

La grande femme se figea et fronça les sourcils.

- Pourquoi, mais pourquoi donc ne peux-tu pas laisser mes cheveux tranquilles ?!!

La mercenaire s’écarta vivement de la porte lorsque celle-ci s’ouvrit à la volée.

- Ce ne sont pas des jouets Tia ! S’exclama la petite blonde furieuse.

Tia essaya de ne pas fixer la choucroute qui tanguait sur le dessus du crâne de Lex sans rire.

- Alors laisse-les tranquilles !

Sur ces bons mots, elle claqua à nouveau la porte et Tia éclata de rire.

 

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Elles sortirent enfin au milieu de l’après-midi et croisèrent plusieurs employés qui leur sourirent d’un air entendu. Elles rendirent les sourires, un peu perplexes. Une fois à l’air libre, Tia enlaça ses doigts autour des siens et l’entraîna dans les rues enneigées.

Elles trouvèrent rapidement un petit restaurant où elles commandèrent des plats faits maisons qui leur explosèrent littéralement leurs papilles. Les filles se régalèrent et reprirent de tout 2 fois.

Puis elles passèrent le reste de l’après-midi à se promener et à chercher le piercing idéal. En fin de journée, elles dégotèrent le piercing doré dont rêvait Tia et Lex serra les dents lorsqu’il fallut lui percer le nombril.

Tia lui tint la main et lui caressa le front avec tendresse. Elle se pencha près de son oreille et murmura :

- Merci de faire ça pour moi…

Lex lui jeta un regard pathétique d’appréhension et lui serra convulsivement la main.

- Bah je le fais aussi pour moi, répondit-elle en déglutissant. Ca va me rendre encore plus sexy. Et après ça je suis sûre de pouvoir faire de toi ce que je veux…

Deux sourcils effectuèrent une remontée rapide et Tia sourit.

- Comme si tu ne faisais pas déjà de moi, ce que tu voulais… souffla-t-elle.

- Ce sera mon arme secrète, répondit la petite femme sur le même ton.

Tia déposa un petit baiser sur sa joue et frotta son nez contre le sien au moment même où le perceur trouait la peau délicate de sa bien-aimée. Le regard que Lex posa sur elle, lui prouva que la petite femme ne s’était rendue compte de rien et elle se redressa avec un sourire tendre.

- C’était pas si terrible, tu vois, lança-t-elle à sa compagne qui fixait son nombril avec incrédulité.

Celui-ci était maintenant orné d’un piercing argenté médical que Lex devrait garder un mois, le temps de la cicatrisation. Lex se releva avec un bond joyeux et serra vigoureusement la main de l’homme.

- Vous êtes un véritable artiste ! Assura-t-elle en lui filant un pourboire digne d’un maharadja.

Puis se tournant vers sa femme, elle l’observa quelques secondes puis les mains sur les hanches et la tête penchée légèrement sur le côté, elle lâcha :

- Je te verrais bien avec un anneau dans l’arcade…

Tia ouvrit de grands yeux et secoua la tête avec force dénégation. Lex haussa les épaules et poursuivit joyeusement :

- Ok, mais alors un sur le haut de l’oreille !

Tia la dévisagea horrifiée.

- Sur le cartilage !! T’es cinglée !! Ca fait mal !

- Ouuu la petite Tia a peur d’avoir bobo !! Se moqua sa compagne.

Tia se renfrogna et après deux minutes de moqueries en tout genre, s’assit sur le fauteuil qu’elle venait de quitter et présenta son oreille au perceur.

- Dépêchez-vous ! Grogna-t-elle.

L’homme fit ce qui lui était demandé sans dissimuler son sourire moqueur ce qui lui valut un regard dangereusement noir de la grande femme. Il rit et Tia serra les poings. Elle ressortit de la boutique comme une flèche et l’homme ne sut jamais combien il était passé près de finir la tête encastrée dans le mur.

Lex la rejoint en courant, se tenant les côtes de rire.

- Tu as été très courageuse ma chérie, fit-elle en arrivant à sa hauteur.

La mercenaire plissa les yeux puis l’ignora purement et simplement. Lex gloussa puis observa son profil. Elle sourit doucement.

- Merci d’avoir fait ça pour moi, dit-elle en lui prenant la main.

Tia tourna la tête vers elle et haussa les épaules, comme si ce n’était rien.

- Tu verras quand l’anneau aura remplacé le clou, toi aussi tu te trouveras ultra sexy avec.

La grande femme haussa de nouveau les épaules en regardant droit devant elle et Lex dissimula un sourire. Tia pouvait être si timide parfois !

Elle se pressa contre son côté et murmura :

- Aishïteru, watashi no ai. (Je t’aime, mon amour )

Le sourire de Tia fut aussi doux qu’une brise d’été soufflant sur un brasier.

 

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Le soir venu, elles dînèrent au restaurant et rentrèrent parfaitement ballonnées par toute cette nourriture ingurgitée en aussi peu de temps. Elles s’affalèrent sur le canapé en cuir blanc et après quelques minutes de réflexions, Tia posa sa tête sur les genoux de sa compagne et fixa les flammes qui brûlaient dans la cheminée de la suite.

Lex caressa les cheveux soyeux d’une main inconsciente et fixa elle aussi les flammes qui dansaient.

- On rentre demain ? Demanda-t-elle finalement.

- Non. On doit d’abord mettre la main sur Enrick.

- Comment on fait ça ?

- On ne se cache plus et on fait courir le bruit qu’on veut lui parler.

- Ok. On reste ici, alors ?

- Non. Je… pensais que tu aimerais en savoir plus sur… notre lien, alors j’ai pensé que retourner en Grèce pourrait être une bonne idée.

Lex sentit son cœur battre la chamade.

- Ca te va ?

- A merveille, fit-elle heureuse de leur projet.

Puis elle murmura doucement :

- Et si tu m’expliquais ce qui te tracasse maintenant ?

Tia garda les yeux posés sur les flammes et déglutit.

- Je… pense que tu as raison et… et qu’il est temps pour moi de…de parler de… de la mort de Sassem.

Lex stoppa brièvement le mouvement de sa main sur ses cheveux puis reprit comme si de rien n’était. Elle ne la pressa pas de question, attendit simplement que Tia se sente prête et trouve les mots qui sauraient exprimer le mieux ce qu’elle ressentait.

La mercenaire y avait pensé toute la journée. Se disant que la mort d’Aniock devait marquer le début d’une nouvelle étape pour elle et pas seulement pour sa famille. Elle parla d’une voix douce de l’horreur que son geste avait provoqué en elle, mais aussi de la joie, de la douleur presque libératrice qui l’avaient envahie et de la communion parfaite qu’elle avait ressentie avec elle-même…

Elle avait si peur de devenir un monstre assoiffé de sang… Tia ne le dis pas, mais Lex sut que c’était ça, cette peur de sa propre sauvagerie qui l’avait empêché de parler jusqu'à présent. Elle comprenait mieux sa réticence à vouloir reconnaître son lien avec la louve.

Tia préfèrerait mourir écarteler que de ressembler ne serait-ce que de loin à ce monstre à qui elle devait l’enfer de son enfance.

Lex se pencha sur sa compagne et l’enveloppa dans une étreinte protectrice, le cœur douloureux de ne pouvoir effacer ces années de souffrances et de traumatismes.

Chapitre 3 :

 

Le lendemain matin, jour de l’anniversaire des jumeaux, Tia téléphona à Frédéric.

- C’est fait.

- Vraiment ?

- Oui.

- Donc… c’est terminé ?

Un blanc confirma à son ancien mentor que rien n’était jamais aussi simple dans leurs vies.

- Quel est le problème ? Demanda-t-il patiemment.

- Enrick. J’aimerais qu’il soit au courant que son contrat n’existe plus avant de nous trucider.

- Et tu penses qu’il va se laisser convaincre ? Les tueurs à gage sont connus pour aller au bout de leur contrat, que le commanditaire meurt, revienne sur sa décision ou soit emprisonné.

- Oui, je sais. La seule chose qui le leur fasse annuler est l’absence de paiement.

- Alors comment comptes-tu t’y prendre ?

- Je vais passer un marché avec lui.

- Très bien. Et que doit-on faire en attendant ?

- Eh bien jusqu'à ce que tout danger soit écarté, il vaudrait mieux que vous restiez où vous êtes. Rassure les jumeaux en leur disant que cela ne devrait plus durer que quelques jours.

- Très bien. Autre chose ?

- Oui. Je peux leur parler ?

- Ils dorment encore. Ils sont sortis tard hier soir. Au cinéma d’abord puis en boîte. Et avant que tu ne protestes rappelle-toi que c’est leur anniversaire aujourd’hui et qu’ils ont juste commencé à le fêter en avance. 

A l’autre bout du fil, Tia fit la grimace mais ne dit rien.

- Ok, bon quand ils seront réveillés dis-leur de nous appeler, on aimerait leur souhaiter un bon anniversaire et commencer à réfléchir avec eux à la fête monstrueuse qu’on va faire en rentrant pour leur 18ième anniversaire.

- Pour ça, pas de souci, ils vous appelleront sitôt le pied posé à terre ! Rit le grand homme.

Tia hocha la tête puis discuta de tout et de rien pendant quelques minutes avant de passer le téléphone à Lex. Quand elle eut raccroché, elle se tourna vers elle.

- Comment comptes-tu convaincre Enrick de ta bonne foi ? Je te signale que tu as donné un coup à son égo en le piégeant. Il n’a aucune raison d’accepter un marché avec toi.

Tia lui dédia un sourire diabolique.

- En effet, c’est pourquoi je vais devoir le piéger de nouveau. A partir de là, par le chantage je devrais pouvoir le ramener à de meilleurs sentiments vis-à-vis de la collaboration que je voudrais lui proposer.

Lex se raidit.

- Tu veux le piéger de nouveau ? Fit-elle la voix dangereusement basse.

Tia la regarda par en dessous et réprima un sourire qui aurait été vraiment mal pris.

- Pas comme tu le penses, ma chérie, fit-elle en l’attirant à elle. Je t’ai promis de ne pas recommencer ce genre de pratique et je ne reviendrais pas là-dessus.

Lex se détendit quelque peu.

- Alors comment comptes-tu t’y prendre ?

- Je voudrais le pousser à avouer qu’il est le fantôme. Si je l’enregistre à ce moment là puis que je m’enfuis. Je n’aurais aucun mal à l’obliger à collaborer avec nous par-là suite. Et donc à obtenir l’abandon de son contrat.

- Ca me paraît bon. Tu as une idée de comment arriver à lui faire dire ça ?

- Oui. Il faudrait qu’il soit persuadé qu’il ne risque rien à me le dire.

Lex posa un regard méfiant sur elle ce qui fit rire sa compagne.

- Désolée, désolée…, fit la grande brune en levant deux mains contrites, mais je ne peux pas m’en empêcher. Tu es si prévisible…

- Fantastique, lâcha la petite blonde en se reculant, vexée.

Tia gloussa et l’attira à nouveau dans ses bras.

- Désolée, mon cœur, je me suis mal exprimée.

Lex ne se dégagea pas mais ne se détendit pas pour autant. Et Tia songea qu’il était temps de changer de sujet.

- S’il pense qu’il a le dessus sur moi et que je suis sur le point de mourir, je devrais pouvoir obtenir de lui toutes les explications et les aveux que je souhaite.

Lex frissonna en comprenant ce que cela impliquait.

- Tu vas prendre des coups, murmura la petite femme.

- C’est pour la bonne cause et puis… ca te donnera une bonne excuse pour me chouchouter et me dire quoi faire et quand.

Lex posa sa tête contre l’épaule de sa femme et soupira.

- C’est ça ou le sexe Lex, fit Tia en riant.

- Je préfère le sexe.

Tia sursauta.

- Non… je… Lex je rigolais, de toute façon il ne se laissera pas prendre deux fois au même piège.

Alexia ne dit rien et se serra contre elle.

- Lex je t’assure que ça ira. Ce n’est pas… fit-elle doucement, ce n’est pas comme si c’était la première fois.

- C’est justement ça le problème, murmura sa compagne en retour. Je ne peux t’éviter tes souffrances passées et je ne peux pas même soulager la douleur que ces remontées provoquent en toi, alors j’aimerais au moins t’en éviter de nouvelles.

Tia sentit son cœur fondre et se serrer.

- Je suis désolée de te rendre la vie si difficile.

Tia se sentait coupable de faire souffrir son amie. Mais elle savait que c’était dû à la grande sensibilité de Lex et c’était ainsi qu’elle l’aimait, alors elle devait simplement accepter qu’elle ferait toujours du mal à sa bien-aimée, même si ce n’était pas ce qu’elle voulait.

Lex soupira.

- Ce n’est pas difficile, c’est douloureux et très frustrant.

Elle sentit la tristesse émaner de sa compagne et elle se dit qu’il était temps de changer de sujet.

- Mais ce n’est rien comparé à la joie et au bonheur que tu m’apportes. Alors je pense pouvoir me faire une raison, conclut-elle en relevant les yeux avec un gentil sourire.

Tia le lui retourna et la serra brièvement contre elle avant de la relâcher.

- Il faut qu’on se prépare.

Lex acquiesça et s’occupa de leurs sacs puis elles commandèrent à déjeuner.

- On n’a le temps de faire un petit tour avant de partir ? Demanda-t-elle la bouche pleine. 

- On pourrait, oui, mais il me semble que ça serait mieux de le faire au soleil et puis… j’aimerais régler les choses avec Enrick le plus vite possible.

- Hum, moi aussi. Une fois en Grèce, on pourrait aller faire un tour à la plage ? Fit-elle pleine d’espoir.

Tia sourit et secoua la tête.

- Tout ce que tu veux, mon amour…

Lex lui fit un grand sourire heureux et dévora le reste de son repas.

 

***********************************

 

Elles arrivèrent en Grèce trois heures plus tard et débarquèrent sur l’île qui les intéressait deux heures après. Elles partirent alors en quête d’un bel hôtel, Lex tenant absolument à dormir dans un endroit confortable.

Pendant le vol, Tia avait contacté les personnes qui feraient circuler l’info, comme quoi elle avait tué Aniock et devait parler à Enrick, aussi vite qu’une traînée de poudre.

Elles optèrent finalement pour un bed and breakfast tenu par une famille de Hollandais souriants. Elles eurent droit à leur plus belle chambre quand Lex les baratina en leur disant qu’il s’agissait de leur lune de miel.

Tia entra dans la chambre, sobrement intitulée : St Valentin, en secouant la tête. Lit en forme de cœur rouge sang, moquette blanche épaisse, rideau rose bonbon dentelé, salle de bains en marbre rose et blanc. Tia ressortit d’un pas rapide et posa un regard dégoûté sur sa femme.

- T’aurais pas pu choisir autre chose que notre lune de miel ? Je sais pas moi, un anniversaire aurait fait l’affaire, ajouta-t-elle en posant des yeux de plus en plus renfrognés à mesure qu’elle prenait conscience du tableau d’ensemble.

Lex réprima un sourire et répondit gravement :

- Non, Ti. Et tu sais pourquoi ? Parce que c’est vraiment notre lune de miel.

Tia la dévisagea éberluée.

- Ne dis pas n’importe quoi !

- Je ne dis pas n’importe quoi ! Répliqua-t-elle vexée en s’occupant de déballer leurs affaires.

- Lex, fit Tia en s’approchant d’elle et en l’entourant de ses bras, tu ne crois quand même pas que j’ai pu te demander en mariage sans prévoir une lune de miel ?

Lex se tendit puis se laissa aller contre son torse.

- Ah non ?

- Non.

- Et… qu’as-tu prévu ?

Un grondement bas lui répondit.

- Si tu voulais vraiment savoir, tu n’aurais pas dû réserver cette chambre.

- Oh aller Ti ! Supplia la petite femme en se retournant dans ses bras, dis-le-moi !

- Même pas en rêve.

- Tia, si tu ne dis rien c’est tintin pour ce soir ! Menaça la petite femme.

Tia éclata de rire et la poussa sur le lit.

- Petit un, fit-elle en mordillant son cou, on peut parfaitement s’amuser avant et après ce soir, donc ta menace est sans effet. Petit deux, ajouta-t-elle en léchant le coin de sa mâchoire tout en commençant un massage doux et excitant de son sein gauche, tu ne tiendras jamais.

Sur ces bons mots, elle remonta son genou et appuya avec contre son entrejambe. Lex écarta les jambes en gémissement et, satisfaite de sa démonstration, Tia se releva d’un seul coup. Lex grogna :

- Tiaaaaaaaaaaaaaaaa. 

Voyant le peu d’effet que ses protestations avaient sur sa compagne, elle se redressa en soupirant.

- T’es vraiment une sadique.

Un grand sourire répondit à l’insulte et l’instant suivant, la grande femme se retrouva penchée sur elle, ses avant-bras en appui sur le lit.

- Ne l’oublie plus, déclara-t-elle avec un sourire pervers. Ton chantage n’a aucune prise sur moi, au contraire, il me stimule…

Lex la fixa avec un regard morose puis fit une nouvelle tentative.

- Pourquoi tu ne veux pas me le dire ? Fit-elle plaintivement.

- Parce que sinon ça ne serait plus une surprise, répondit la grande femme sur le ton de l’évidence en se relevant.

Lex lui lança un regard rancunier en se levant et déclara :

- Je déteste les surprises.

Tia éclata de rire. Elle rit si fort et si longtemps qu’elle dut se tenir les côtes et finit par basculer en arrière sur le lit. Lex braqua des yeux furieux sur elle et attendit peu patiemment qu’elle se calme enfin.

La mercenaire essuya ses yeux et les posa sur son visage fermé. Soudain l’agacement de Lex disparut. Tia avait l’air si heureuse, si détendue… peut importait la raison, Tia était bien dans ses baskets, c’était tout ce qui comptait.

- Tu n’aimes pas les surprises, dit la grande brune, tu les adores !

Lex dut convenir qu’elle avait raison et haussant les épaules, elle lui sourit.

- Peut-être mais là, je préfèrerais savoir.

- Pourquoi là, précisément ? S’enquit Tia.

Lex hésita. Pouvait-elle lui dire qu’elle se méfiait de ce qu’une femme qui trouvait des escargots bons à manger, pouvait trouver approprier comme destination de voyage de noces ?

Puis elle se souvint que Tia était une romantique née, sous ses airs machistes, et qu’elle était très douée en matière de destination de voyage.

- Sans raison. Ok, alors je te laisse t’occuper du voyage, mais pendant celui-ci tu me laisses m’occuper de nos repas, ok ?

Tia la toisa, blasée.

- Tu vas me le reprocher encore longtemps ? En plus tu ne les as même pas goûtés !

Lex haussa les épaules en retournant au déballage de leurs affaires.

- Pas besoin de goûter ces trucs caoutchouteux pour savoir que ça ne se mange pas. C’est comme tes trucs, là, tes huîtres…

- C’est aphrodisiaque ! Protesta la grande femme

- C’est vivant, rétorqua la petite femme sans se démonter. En plus si c’est pour les gober sans les mâcher je ne vois pas l’intérêt de les manger. Le but des repas c’est quand même d’en apprécier le goût.

- Non Lex, se moqua son amie, le but des repas c’est de ne pas mourir de faim.

La petite blonde ne dit rien mais sa moue fut éloquente.

- Ok, fit la mercenaire décidée à changer de sujet, je te laisserais t’occuper des repas. Et maintenant, si on allait rendre visite à Harry popo ?

- Harry popo ? Répéta Lex en fronçant les sourcils.

- Potter.

- C’est un personnage de fiction Ti.

- Je sais. C’était juste une allusion à notre ami Harry, le vieux monsieur qui t’a vendu ça, fit-elle en agitant ses doigts où brillait son alliance.

- Oh !

Lex se redressa d’un bond et un sourire joyeux apparut.

- Je te suis ! Fit-elle en s’accrochant à son bras.

Tia sourit devant son enthousiasme juvénile et l’entraîna au dehors.

 

*************************************

 

Lex n’avait eu aucun mal à retrouver l’emplacement de la boutique et Tia fixait la façade avec perplexité. Comment tenait-elle encore debout ? La peinture décrépie, le bois mité, l’enseigne branlante… tout criait : Je suis en ruine !! Pourtant elle était debout. Et aucunes des personnes passant devant, ne semblaient trouver quoique se soit à redire à la présence incongrue d’une telle horreur entre deux autres superbes boutiques flambantes neuves. Elle suivit Lex à l’intérieur et apprécia le carillon mais se demanda comment une cloche pouvait créer un son aussi doux. Elle nota immédiatement la pénombre qui régnait et se demanda si c’était pour une raison précise. La boutique était plus grande qu’elle ne l’avait cru de l’extérieur.

Elle fit un tour d’horizon de la boutique et fronça les sourcils devant le nombre impressionnant d’objets et l’aspect instable des étagères.

Elles étaient littéralement envahies par les termites. Sans s’attarder sur ce mystère de plus, Tia s’approcha du comptoir. Elle chercha une sonnette mais la surface était entièrement occupée par des livres poussiéreux. Elle en souleva quelques-uns uns dans l’espoir vain d’y découvrir une clochette ou autre chose permettant d’appeler le boutiquier.

En désespoir de cause elle se retourna vers sa compagne qui, loin de s’en faire, étudiait avec une passion digne de toute bonne jet setteuse, les rayons où brillaient des dizaines voire des centaines de bijoux, bibelots et autres objets bizarres.

Tia s’accouda au comptoir et observa sa compagne. Elle avait rarement l’occasion de la voir dans l’élément qui était le sien avant leur rencontre. Et de toute évidence, le shopping effréné était réellement une passion chez elle.

Elle la vit vérifier tous les objets avec intérêt mais s’attarder plus longtemps sur certains d’entre eux. Tia en prit bonne note et jeta un œil par-dessus son épaule pour voir si par hasard le boutiquier n’arrivait pas.

Son regard tomba sur un petit homme râblé qui la dévisageait avec stupéfaction. Une admiration totale se lisait sur son visage et Tia en fut un peu mal à l’aise. Puis il se tourna vers sa compagne et les yeux déjà grands ouverts du petit homme s’écarquillèrent un peu plus. Il fixait Alexia avec tant d’attention que Tia se redressa prête à prendre sa défense au moindre problème.

Mais elle n’en eut pas besoin, il se tourna à nouveau vers elle et son regard voyagea rapidement entre elles deux, comme s’il vérifiait quelque chose. Puis il secoua la tête et la salua d’un hochement de tête sec que contredisait son expression ouvertement émerveillée.

- Salut, fit-elle en se redressant intriguée.

Lex n’avait en rien exagéré l’étrangeté de l’homme ou de la boutique et cela stimulait l’imagination de la grande femme tout en l’amusant.

Il ne répondit pas mais fixa ses mains et vif comme l’éclair, il attrapa celle où brillait son alliance et un sourire satisfait naquit sur ses lèvres sèches.

Il tapota sa bague puis se rendit auprès de sa compagne et attrapa la main où brillait la bague de Lex. La petite femme sursauta, ne l’ayant ni vu, ni entendu arriver et Tia remarqua que malgré la pénombre, certains objets, comme leurs bagues à toutes deux, brillaient d’un éclat argenté.

Et ça n’avait rien à voir avec la lumière. Les objets brillaient entièrement, pas seulement le côté frappé par un éventuel rayon de lumière, qu’il n’y avait d’ailleurs pas ici.

Tia était réellement abasourdie par toutes les étranges choses qui se passaient dans ce lieu. Lorsqu’il fut pleinement satisfait, le petit homme retourna derrière le comptoir où il farfouilla un moment.

Les deux femmes échangèrent un regard perplexe puis Tia se pencha par-dessus le comptoir.

- Heu… on aimerait savoir si vous pouviez répondre à certaines de nos questions.

Le petit homme émit un bruit de gorge exaspéré et fit un geste de la main agacé qui lui disait clairement de reculer et de cesser de l’ennuyer avec ses questions.

Tia s’exécuta avec le sentiment bizarre d’être une enfant qui se faisait réprimander par un oncle revêche. Elle haussa les épaules à la grimace interrogative de sa compagne et celle-ci la rejoint.

Lex s’appuya contre elle et Tia l’entoura de son bras. Enfin, après un temps qui leur sembla interminable tant le silence était lourd, Harry apparut devant elles.

- Prenez ça, fit-il de son ton sec habituel en leur tendant un livre mince mais d’aspect ancien.

Lex tendit la main et le récupéra.

- Il répondra à toutes vos questions.

- Mais vous ne savez pas ce que sont nos questions, rétorqua la grande femme.

- Bien sûr que si !

Lex, qui avait déjà vécu ça n’y prêta pas attention mais Tia fut proprement choquée.

- Maintenant, ouste ! Fit-il en les poussant vers la porte.

Tia sous le choc des manières grossières et des trucs bizarres de cet endroit se laissa jeter au dehors sans rien dire. Lorsque le son de la cloche fut étouffé par le claquement sec de la porte, elle sembla recouvrer ses esprits.

Elle fixa, un peu perdue, sa compagne complètement absorbée par le livre donné par Harry.

- Rien ne te perturbe ? Demanda-t-elle un peu contrariée d’être la seule que tout ceci semblait affecter.

Lex lui fit un grand sourire et dit :

- Je t’avais dit que c’était spécial.

- C’est le moins que l’on puisse dire, marmonna-t-elle en entraînant sa compagne loin de cette boutique de malheur.

Elles ne virent pas le petit homme collé à la vitre de sa boutique qui les fixait d’un air bienveillant et émerveillé à la fois. Cette expression lui donnait l’air du petit garçon qu’il avait été autrefois et en voyant la puissante lumière blanche qui liait et enveloppait les deux femmes, son cœur empli d’amertume et de doute sembla revenir à la vie à mesure que l’espoir l’envahissait.

La petite femme avait presque complètement éteint le noir qui s’agitait depuis toujours dans la gardienne. Et la gardienne semblait si puissante…

L’avenir prit soudain un air plus léger et lumineux et le savoir qui était devenu le sien de part son sang qui le liait à sa tribu et à la famille célèbre, mais maudite, qui était la sienne et qui faisait de lui le dernier des grands voyants, lui parut soudain moins lourd à porter.

Chapitre 4 :

 

Le lendemain, après une soirée agitée, Lex avait tenté de tenir sa promesse de ne pas céder à ses avances et Tia la provocant, elles se réveillèrent les yeux lourds de sommeil.

Elles avaient fini par trouver un accord lorsque Tia avait tiré doucement sur le tout nouveau piercing de sa compagne ce qui avait déclenché une série de petits frissons irrésistibles qui avaient vrillé l’estomac de Lex.

Tia avait joué une bonne partie de la nuit avec la boule argentée et Lex avait fait l’expérience du plaisir mélangé à la douleur, légère mais bien présente, dû à la cicatrisation pas encore complète de son nombril.

Lex et Tia ouvrirent les yeux en même temps et Tia savoura une fois de plus le corps chaud appuyé contre elle. Cela faisait un moment que Lex avait retrouvé sa place auprès d’elle la nuit, mais elle ne parvenait pas à s’en lasser. C’était comme si se réhabituer à ça, risquait de créer à nouveau un problème.

Tia savait que c’était idiot, mais elle ne pouvait s’en empêcher. Sa vie avait toujours mal tourné et elle avait systématiquement perdu tout ce à quoi elle s’était attachée. Tous étaient morts de façons brutales et atroces. Elle avait eu beaucoup de mal à s’en remettre. Surtout la dernière…

- Ronin…

- Qui est Ronin ? Interrogea la petite femme qui avait perçu la douleur soudaine de sa compagne.

Tia se raidit. Elle n’avait pas fait attention qu’elle avait parlé tout haut.

- C’est… heu… je…

Lex tenta de dissimuler sa déception.

- Laisse tomber, fit-elle doucement. C’est encore une de ces choses dont tu ne veux pas parler, c’est ça ?

- Je… je suis désolée… c’est juste… C’est tellement dur de seulement y repenser, lâcha-t-elle en soupirant.

Une pause.

- Je… c’est plus douloureux encore que Sassem…, souffla-t-elle.

Lex se raidit. Si c’était plus dur que ce qu’elle avait vécu avec Sassem, alors ça promettait. Tia avait tellement souffert avec cet homme qu’elle avait peur de savoir qui était réellement Ronin et ce qu’il lui avait fait. Elle n’était pas certaine de pourvoir supporter la souffrance de sa compagne.

Mais elle était certaine de ne pas pouvoir supporter de la voir faire face à sa douleur seule. Elle n’avait donc pas tellement le choix.

- Si tu veux en parler, tu sais que je suis là. Même si tu ne veux pas d’ailleurs, ajouta- t-elle plus légèrement après un temps mort.

Tia sourit mais le cœur n’y était pas.

- Je… Je pense que t’en parler pourrait me faire du bien mais…

- Pas maintenant.

- Non. Pas maintenant, acquiesça la grande femme. Je… c’est une belle journée. Cela fait longtemps que toi et moi n’avons pas eu de temps pour nous et… je ne veux pas penser à autre chose qu’à nous.

Lex réfléchit un moment. Tia était dans de bonnes dispositions pour lui parler. Elle n’avait jamais été aussi prête à le faire et peut-être bien que ça n’arriverait plus avant un moment. Cependant, elle n’avait pas tort. Elles n’avaient pas eu de moment aussi léger et insouciant depuis leur fuite. « Et même avant ça… », songea-t-elle soudain.

Elle leva les yeux sur sa femme et la dévisagea. Le bleu était toujours aussi stupéfiant. Et l’expression suppliante la fit fondre.

- Ok. Que dirais-tu d’un déjeuner pantagruélique ? Enchaîna-t-elle.

Les yeux de sa grande compagne s’illuminèrent.

- Pancakes, muffins et tartines de nutella ? Demanda-t-elle.

Lex rit.

- Avec un bol à punch de chocolat chaud ! Confirma-t-elle.

Tia bondit du lit et sauta sur ses fringues.

- Tu ne vas pas remettre tes vêtements de la veille quand même ? Protesta Lex.

- Pourquoi pas ?

- Tia, fit Lex en se redressant, ta chemise n’a plus un seul bouton !

- Et je ne peux pas me balader seins nus ? Demanda innocemment la grande femme.

Le regard vert devint noir.

- Non, tu ne peux pas, déclara- t-elle sèchement.

Tia rit et retira sa chemise. Elle se pencha vers son sac et, se faisant, sa poitrine se balança. Lex perdit son expression courroucée pour un air plein de concupiscence. « C’était quand même dingue, songea- t-elle en tendant une main avide vers la paire de seins pleins de sa compagne, d’être excitée aussi rapidement et intensément par un simple regard sur une paire de seins… »

Tia la vit arriver et s’écarta d’un bond en riant, espiègle.

- Pas touche ma belle ! Là, c’est plus le moment sexe, c’est le moment nourriture ! S’exclama-t-elle avec un air gourmand.

- Et c’est tellement important, souffla la petite femme désabusée de s’être fait détrôner par une tartine de Nutella.

- Allez habille-toi, la pressa sa femme. Mais reste ici ok ?

- Je ne suis pas sûre de comprendre. Tu veux que je m’habille mais pas que je descende avec toi déjeuner ?

- C’est ça !

Lex la considéra un instant.

- J’ai pas le droit de manger ?

- Bien sûr que si, voyons !

« Et elle me dit ça comme si j’avais posé une question stupide », songea la petite femme interloquée et époustouflée par son culot.

- Et comment je fais si je dois rester ici ?

Tout en enfilant ses chaussures de marche, Tia lui lança un regard en coin malicieux et un brin condescendant.

- Je te remonte ce dont tu as besoin ! Répliqua-t-elle sur le ton de l’évidence.

« Elle me prend vraiment pour une idiote », constata Lex avec stupeur.

Sur ce, Tia se leva et se dirigea à grandes enjambées vers la porte. Elle se retourna juste avant d’ouvrir la porte.

- Prends ton temps et pomponne-toi bien ! Exigea-t-elle avec un grand sourire.

« Elle vient de me donner un ordre ? » s’interrogea la petite femme en regardant la porte se refermer avec une stupeur proche de l’ébahissement. Néanmoins excitée à la perspective de ce que lui préparait sa compagne, elle se précipita avec enthousiasme vers la salle de bains.

 

*******************************************

 

Une heure plus tard, Tia était revenue avec le petit déjeuner sur un plateau, une rose blanche et une marguerite ornant le tout. Elle avait aussi ramené un CD que Lex ne connaissait pas et l’avait mis dans le poste que la propriétaire du bed and breakfast lui avait prêté.

Tia avait insisté pour que Lex écoute chacune des musiques tout en dégustant son petit-déjeuner. Tia voulait que Lex s’imprègne de l’atmosphère mélancolique mais magnifique que lui faisait ressentir les chansons de Grégoire.

Lorsque le CD se termina Tia se releva et sélectionna une musique particulière. Alors que les premières notes de : Rue des étoiles retentissaient, elle se tourna vers sa femme et tandis la main vers elle avec un sourire plein d’une grande tendresse.

Sans en avoir conscience, Lex se leva et la rejoignit. Elle posa sa main dans la sienne, posa son autre main sur son épaule et les yeux dans les yeux, elles commencèrent à bouger en rythme.

Elles glissaient sur le sol, oublieuses du temps qui passait, des ennuis encore à venir, du futur incertain et du passé encore lourd en elles et entre elles. Rien ne comptait. Que l’une et l’autre et les notes qui remplissaient l’espace.

La chanson passa et la suivante commença. Ce qu’il reste de toi.

C’était beau. C’était l’expression d’une souffrance profonde après la séparation d’avec l’être aimé, mais dit avec une pudeur poétique qui rendait toute la chanson particulièrement douce et mélancolique à entendre.

Tia et Alexia se mouvaient avec des mouvements aussi doux que lents. Légers, leurs pieds touchaient à peine le sol et ce n’était pas seulement dû à la musique. Ce qu’elles lisaient dans les yeux de l’autre les transportaient littéralement. Elles avaient l’impression tenace de réellement ressentir ce que l’autre éprouvait à leur encontre.

Et c’était si merveilleux, si chaud et sécurisant. Si plein d’assurance et si infini, qu’elles en étaient complètement envahies. Elles avaient bien du mal à gérer l’afflux de sentiments autant que leurs puissances.

Les sentiments étaient familiers mais étrangers. Ce n’était pas elles qui les ressentaient. Ou plutôt, elles ressentaient comme si c’était les leurs, les sentiments, les émotions que l’autre ressentait à leur égard.

Tia sentait l’amour de Lex pour elle comme si c’était en elle-même que naissait le sentiment. Et pour Lex s’était pareil. C’était à la fois perturbant et terriblement beau.

Elles avaient parfaitement conscience de vivre là un moment rare et magique, un moment que leur lien d’âme permettait. Lorsque enfin le CD se tut, Tia et Alexia arrêtèrent leurs mouvements et clignèrent des yeux, comme si elles sortaient d’une transe particulière, ce qui dans un sens, était le cas.

Lex songea qu’il était temps de lire le livre confié par Harry dans son ensemble. Puis la pensée se perdit dans l’intensité du moment.

Elles ne s’éloignèrent pas l’une de l’autre, n’esquissèrent pas non plus un geste pour se rapprocher. Elles restèrent là, tout simplement. A contempler l’âme sœur qui avait fait de leur vie une aventure belle à vivre. La personne qui par sa seule présence, allégeait le fardeau, difficile à supporter parfois, de simplement devoir vivre.

Lex allégeait sa douleur, apaisait sa colère, adoucissait ses peurs. Elle calmait sa haine, tempérait ses peines… et elle espérait du plus profond de son être apporter à sa femme un centième de ce que Lex lui donnait.

Tia relâcha doucement la taille et la main de sa petite compagne et encadra son adorable visage. Elle se pencha doucement et passa un long moment à le détailler, comparant les marques que le temps et la dureté de la vie avaient laissé depuis leur première rencontre.

Elle ferma les yeux et huma l’odeur de Lex avec délice. Puis les yeux mi-clos, elle se pencha sur sa joue et passa un petit coup de langue sur la peau veloutée.

Lex sursauta un peu surprise. Tia plongea ses stupéfiants yeux bleus dans ceux de sa compagne et déclara :

- J’aime tout de toi. Ton visage, ton odeur, ton goût… tout.

Sur ces bons mots, Tia ne se retint plus et embrassa avec fougue la petite femme qui se liquéfia totalement sous la force du désir qui l’embrasa soudain.

Ses reins devinrent douloureux et brûlants. Elle se pressa contre Tia et glissa des mains avides sous la chemise de soie noire que Tia emportait partout avec elle, parce que c’était la première que Lex lui avait offerte.

Tia eut la présence d’esprit cette fois, de porter sa compagne jusqu’au lit avant de s’effondrer sous les assauts combinés de son corps et de Lex.

 

***********************************

 

Deux heures plus tard, elles sortirent enfin à l’air libre. Tia avait passé un bras sur les épaules de Lex et sa petite compagne autour de sa taille. Elles étaient serrées l’une contre l’autre et devisaient joyeusement de tout et de rien.

- Alors, où veux-tu aller ? Demanda finalement Lex après quelques minutes à flâner le nez au vent.

- Eh bien, en fait, commença la grande femme un peu embarrassée, je… heu... je pensais qu’on aurait pu essayer de trouver la... heu… la copine de Len. Pour, eh bien, lui expliquer que son départ sans un mot n’était pas de son fait.

Lex la dévisagea surprise mais touchée.

- Tu es si fleur bleue…, fit-elle en donnant une petite tape au ventre de sa compagne.

- Je ne suis pas fleur bleue ! Protesta vivement sa femme avec un air outrageusement indigné.

- Non, bien sûr que non, nia Lex en riant sous cape.

- Je ne suis pas une femmelette ! Renchérit la grande femme qui sentait que la reddition de son amie n’était qu’une feinte.

- Je n’ai jamais dit ça, contesta la petite femme.

- Ni une guimauve ! Termina Tia avec une grimace de dégoût lorsqu’elle prononça ce mot.

Lex détourna le visage et se mordit fortement l’intérieur de la joue. Lorsqu’elle fut en mesure de montrer un visage serein, elle se tourna vers sa compagne.

- Loin de moi l’idée saugrenue de te voir ainsi ! Fit-elle avec sérieux.

Tia hocha la tête, les sourcils froncés puis se racla la gorge et tenta de garder sa dignité lorsqu’elle dit :

- On la cherche alors ?

Lex se mordit la lèvre et ferma les yeux, mais ce fut peine perdue, Tia sentit les gloussements et elle se renfrogna.

Lex se força à étouffer ses rires et tapotant le ventre de sa bien-aimée, déclara :

- Je trouve que c’est une excellente idée mon amour.

Tia se détendit.

- Par où commence-t-on ?

- Eh bien, on sait qu’elle s’appelle Jenny et que son père est le commissaire en charge de ces îles, donc je pense que si on allait au commissariat on ne devrait pas avoir trop de mal à la trouver.

- Mais ?

- Mais nous sommes partis si précipitamment que ça a forcément éveillé l’attention du papa et que celui-ci ne nous laissera pas voir la demoiselle avant de tout savoir sur nous. Et je n’ai absolument aucune envie de me coltiner papa flic aujourd’hui.

- Alors ?

- Alors il faudrait faire une petite recherche internet.

- On retourne à l’intérieur, alors ? L’interrogea la petite femme. Pourquoi être sorties dans ce cas ?

- Non, rit Tia. On va aller dans un cyber. Ce sera bien suffisant.

- Bonne idée. Pendant que toi tu pirateras le commissariat de l’île, moi je nous commanderai des gâteaux ! fit Lex enthousiaste.

Tia éclata de rire.

- Et après c’est moi qu’on traite de gourmande !

- Non, moi je suis gourmande, corrigea Lex malicieuse, toi tu es gloutonne !

La mercenaire secoua la tête. Ce fut alors qu’elle la vit.

Tia se figea. Lex la regarda un peu perplexe.

- Qu’est-ce qu’il y a ?

Mais la grande femme ne semblait pas l’entendre. Sans que rien ne le laisse prévoir, un filet de sang se mit à couler du nez de Tia et Lex émit un petit cri inquiet.

- Tia ! Tu saignes ! Qu’est-ce qui t’arrive ? Tu as mal ?

Tout en farfouillant dans ses poches à la recherche d’un mouchoir propre, elle dévisageait sa compagne avec inquiétude.

- Tia ?

Mais Tia ne répondait pas. Elle en était incapable. Elle ne l’entendait même pas. C’était comme si tout son corps et son esprit étaient dirigés dans une seule direction.

La direction d’Ashee.

Le corps tremblant, une peur sans nom la paralysait, et l’esprit luttant contre les tourments que la chaman lui infligeait, elle se raccrochait à une seule pensée : protéger Lex, coûte que coûte.

Avec une volonté surhumaine, elle parvint à faire appel à sa partie noire, l’énergie sombre de la louve parcourut ses veines avec la puissance d’un train lancé à pleine vitesse. Ce fut si brutal qu’il permit à Tia de s’arracher à l’étreinte de l’âme glacée de son ennemie.

Sans perdre une seconde, la peur fermement accrochée à son ventre, elle fit demi-tour et empoignant la main de sa compagne s’élança en avant.

Lex fut littéralement arrachée au sol et elle bondit en avant sans comprendre ce qui se passait. Mais la peur manifeste de sa compagne finit par la gagner alors qu’elles enfilaient les rues à pleine vitesse, évitant les passants par elle ne savait quel miracle.

- Tia qu’est-ce qui se passe ?!

La mercenaire l’ignora et poursuivit sa course folle. Le sang avait coulé sur sa chemise et formait une tache sanglante qui s’agrandissait au même rythme que l’angoisse de Lex face au comportement inexplicable de sa compagne.

Finalement après une dizaine de minutes et autant de rues de passées, elles débouchèrent sur la plage de l’île pour l’heure très fréquentée. Tia soupira de soulagement et retirant sa chemise et ses chaussures, lança à sa petite compagne éberluée :

- Enlève ton t-shirt et tes chaussures !

Lex ne bougea pas. Elle fixait sa compagne avec inquiétude.

- Tia ? Fit-elle en tendant une main vers son visage. Qu’est-ce qui t’arrive ?

La grande femme lui jeta un regard exaspéré, ce n’était pas le moment de palabrer bon sang !!

- Fais ce que je te dis bon dieu !!

Lex tressaillit au ton sec et agacé et après une hésitation fit ce que lui demandait sa compagne. Pendant ce temps, Tia roula son jean sur ses jambes, aussi haut qu’elle put, c’est à dire mi-mollet et jeta un œil au short de Lex avec approbation.

D’un revers de main rapide, elle essuya grossièrement le sang qui avait coulé sur sa bouche et son menton puis elle se redressa et prit les vêtements et les chaussures qu’elle roula en boule et fourra dans un sac qu’elle venait de prendre en douce à une famille nombreuse et vidé au préalable.

Elle entraîna ensuite Lex dans la foule et regardant fréquemment derrière elle, prit bien soin de s’y dissimuler. Lex se pencha vers elle.

- Bon sang Ti, tu vas me dire ce qui se passe ?!

La mercenaire lui lança un regard et revint à son tour d’horizon. Tout à coup une idée germa dans l’esprit de la petite femme et son visage s’éclaira.

- Tu as vu Enrick, c’est ça ? Mais ce n’est pas ce qu’on voulait ?

Mais Tia ne répondait toujours pas et Lex étudia son visage tendu. Sa mâchoire était crispée et une tension douloureuse contractait tout son corps. Soudain Lex réalisa se qui arrivait à sa compagne.

- Pourquoi as-tu fait appel à la louve ? Demanda-t-elle d’un ton pressant.

Elle vit la grande femme déglutir et regarder anxieusement autour d’elle. Lex n’avait vu sa compagne dans cet état qu’à deux reprises. Face à Sassem et… face à Ashee…

Ca expliquait le sang en tout cas.

Elle se redressa soudain et étudia les environs avec la même anxiété que sa compagne.

- Elle est là, c’est ça, hein ?

Tia pressa sa main et acquiesça puis l’entraîna un peu plus loin. Elles finirent par arriver au bout de la plage et Tia poursuivit son chemin. Elle grimpa sur les rochers glissants qui séparaient la plage publique de la plage privée et déserte qui suivait.

Sans aucun égard pour celui à qui appartenait ce bout de terrain, Tia et Alexia la traversèrent.

- On va où comme ça, Ti ? L’interrogea Lex inquiète. On quitte l’île ?

- Non. On ne peut pas. Il faut qu’on attende Enrick et pour être franche je ne veux pas partir en laissant le livre qu’Harry nous a donné derrière nous. Et j’en ai marre de fuir.

- Ah et qu’est-ce qu’on fait exactement là, si ce n’est fuir ?

Tia lui jeta un regard noir et écrasa quasiment sa main dans la sienne.

- Hé !! s’écria la petite femme en retirant sa main de la sienne et en la secouant.

- On ne fuit pas. On fait une retraite stratégique en attendant de savoir quoi faire.

- Ouais, ben pour moi c’est l’autre nom de la fuite, marmonna la petite femme dans sa barbe.

Pas assez bas cependant, car Tia l’entendit. Mais avant qu’elle n’ait pu protester, Ashee apparut soudain en face d’elles.

Les deux femmes se figèrent.

Chapitre 5 :

 

Comment était-elle arrivée là ? Aussi vite qui plus était ? Mais la vraie question était : comment savait-elle qu’elles seraient là ?

En Grèce ? Sur cette île précisément ? Ok elles ne se cachaient pas, c’était même le but d’être aussi facilement retrouvées, mais Ashee n’aurait pas dû le pouvoir. C’était… une primitive, bon sang !

Tia se morigéna. Elle l’avait sous-estimée. Elle n’aurait pas dû. Pas après avoir été le témoin de tout ce que cette femme était capable de faire.

Elle poussa Lex derrière elle et se mit en position de combat. Elle savait que c’était inutile et vain, c’était comme de se battre contre le vent, il vous frappait quand et où il le voulait mais vous ne parveniez jamais à le toucher. Mais elle était prête à essayer.

Elle sentit Lex faire de même et elles échangèrent un regard et l’excitation familière refit surface. Elles se tournèrent toutes deux vers la chaman et lui sourirent de cet air féroce et identique qu’elles avaient appris à travailler ensemble pour effrayer leurs adversaires.

Mais Ashee n’eut pas l’air impressionné, tout au plus amusée. Elle plissa les yeux et avança nonchalamment mais de façon déterminée vers elles.

Sans se concerter mais avec une grâce et une coordination née d’une longue habitude, elles partirent chacune d’un côté, encerclant Ashee et divisant son attention. Cette tactique marchait toujours, évidemment avec une personne comme cette femme, rien n’était moins sûr mais l’une d’elle au moins devrait pouvoir l’approcher.

Chacune savait qu’elle n’aurait qu’une seule chance. Elles devraient frapper au bon endroit au bon moment. L’assommer d’un seul coup et pas seulement la rendre groggy.

Alors qu’elles étaient relativement proches, Ashee frappa. Etrangement elle s’en prit à Lex et non à Tia.

La petite femme résista à la première vague d’images qui envahirent son esprit, se concentrant sur le lien puissant qui coulait entre elle et sa compagne. La flamme de Tia la réchauffa et elle put poursuivre son avancée. Mais Ashee durcit son attaque et Lex vacilla.

Elle s’accrocha à la vue de sa compagne et avança encore puis Ashee, exaspérée de la résistance de la petite blonde la bombarda d’un kaléidoscope d’images mélangeant passé, présent et futur et Lex s’effondra à genoux dans le sable a quelques pas à peine de la chaman.

Mais Tia avait pu profiter de la distraction d’Ashee pour bondir et elle lui assena un formidable coup de pied en plein visage.

Mais Ashee avait dû le sentir arriver parce qu’elle se baissa pile au moment où le talon de Tia allait frapper sa mâchoire. Puis alors que la mercenaire reprenait son équilibre, la chaman la frappa au visage de son poing.

La tête de la grande femme partit en arrière et Tia sentit le sang envahir sa bouche. Elle laissa son corps accompagner le mouvement et après un roulé-boulé rapide, se retrouva à bonne distance de la chaman.

- J’ai envie d’un peu d’action, rit Ashee. Et les soldats de ma tribu font si pâle figure à côté de toi Xena !!! Allez ma grande guerrière… épate-moi !

Tia ne se le fit pas dire deux fois. Elle attaqua sur-le-champ avec une vigueur renouvelée. Maintenant qu’elle savait que cette idiote n’allait pas utiliser ses pouvoirs sur elle, elle pouvait y aller franco.

Elle lança son pied dans une feinte, auquel son adversaire se laissa prendre et elle la cueillit d’un coup de genou au menton qui fit voir trente-six chandelles à la chaman.

Sans attendre qu’elle reprenne ses esprits, Tia assena un coup de poing puissant sur sa pommette et elle entendit un craquement distinct. Elle sourit, heureuse de lui faire mal. Puis enchaîna avec sur une série de coups rapprochés qui firent tous mouche.

Tia dut prendre sur elle lorsqu’elle vit le sang maculer le visage de son ennemie et que l’odeur entêtante et cuivrée, lui montait à la tête. Elle se recula d’un bond, serrant les poings à s’en faire exploser les phalanges, le regard assombri au point d’en être noir.

La mâchoire tendue et le corps crispé à craquer. La louve en elle luttait pour le contrôle et le goût du sang donnait envie à Tia d’en faire couler encore plus. Elle détourna avec effort son attention de la femme à terre pour la porter sur sa compagne.

Instantanément le prédateur en elle céda la place à la petite amie. Lex était prostrée. Le regard dans le vague, un filet de sang s’écoulant de son nez, son corps tremblait sous l’assaut et Tia eut peur pour elle.

Elle fit un geste dans sa direction puis se souvint de qui était son adversaire et se força à revenir à Ashee.

En posant les yeux sur l’emplacement vide de toute présence humaine où se tenait la chaman quelques minutes plus tôt, elle se raidit. Son cœur s’emballa et elle fouilla les environs des yeux.

Elle déglutit et se traita d’idiote. Lorsqu’elle la repéra enfin, c’était trop tard. Elle était déjà sur elle et son genou frappait son ventre pendant que son coude s’écrasait sur sa tempe. C’est à demi-assommée qu’elle se retrouva sur le dos, Ashee au-dessus d’elle, un bras appuyant sur sa gorge, un autre emprisonnant son bras droit au-dessus de sa tête.

- J’ai toujours rêvé d’être au-dessus, susurra la femme avec un sourire espiègle.

Tia la fixa mais elle voyait un peu trouble et le manque d’oxygène ne l’aidait pas à faire une mise au point efficace. Néanmoins elle puisa en elle-même la force nécessaire pour répondre et leva sa main libre pour répliquer.

A ce moment là, une vision d’horreur oblitéra le présent et la recouvrit entièrement. Un voile opaque se glissa entre elle et la lumière du jour et lentement une image prit forme devant ses yeux.

Elle vit ses enfants apparaitre. Et elle-même… un peu plus loin. Allongée sur une table en pierre brute grossièrement taillée. Elle reconnut la table des sacrifices située sur le premier palier du temple.

Elle se vit couverte de sang et les yeux clos. Ses enfants s’approchèrent d’elle, le visage parfaitement neutre. Ils se postèrent de part et d’autre d’elle. Lara avait les yeux rouges. Pas rouges d’avoir trop pleuré, non ses yeux, la pupille, le blanc et l’iris... tout était parfaitement rouge. D’un rouge sombre, comme la couleur du sang coagulé.

La vilenie qu’elle distingua dans ses pupilles inhumaines la fit frémir. Puis Len leva une main qui tenait un atamé très ancien et couvert de sang et le plongea en direction de son ventre.

Tia sentit la morsure de la lame comme si elle était vraie et hurla la douleur, la trahison et la peur. Le sang qui ruisselait de son estomac n’était pas ce qui lui faisait le plus mal. Le plus douloureux était le rictus de joie pure qui déformait le visage, si semblable au sien, de son fils en la voyant souffrir… mourir…

Tia n’eut pas la force de se défendre. L’ampleur de son échec la tétanisait. Elle avait failli. Ses enfants étaient perdus… et avec eux le reste de l’humanité. Mais ceux-là elle s’en fichait bien. Seul comptait ces deux êtres... la chair de sa chair… qu’elle n’avait pas su protéger…

Si les yeux de Len étaient aussi verts qu’a leur habitude, elle y distingua la même lueur malveillante que dans les yeux de sa sœur.

Elle roula sur le côté et les jumeaux la laissèrent faire, se contentant de la suivre des yeux sans perdre leurs sourires. Elle se releva non sans difficulté et vit le sang s’écouler de sa blessure et suivre les plis de sa peau, couler le long de ses jambes et terminer sa course sur le sol froid.

Elle se mit en marche avec l’idée de trouver Ashee et de la tuer. Seule sa mort mettrait fin à tout cela. Mais alors qu’elle descendait les premières marches un rire démoniaque la frappa et elle perdit l’équilibre et dévala les marches.

Au bas du temple, elle vit ses enfants rirent à gorge déployée. C’était d’eux que provenait ce rire… et elle comprit. Il était trop tard pour eux… tuer Ashee n’y changerait rien. Mais elle ne pouvait pas… non elle ne voulait même pas y penser… les tuer… non jamais…

Elle ferma résolument les yeux décidée à repousser ce cauchemar et ne vit pas la femme qui se dressa soudain au-dessus d’elle. La Tia du présent hurla en reconnaissant la personne qui se trouvait aux côtés de son moi futur.

Et lorsque cette personne leva la main… sourit… et frappa… et les mots qu’elle prononça…

- Tu m’as laissée tomber… fit la voix de velours qu’elle aimait tant. A mon tour maintenant.

Tia ne sentit pas la douleur du coup. Pas plus que le sang qui s’écoulait de sa nouvelle blessure. Les larmes roulèrent sur ses joues et imprégnèrent le sol dur de son nouveau tombeau.

Elle ne quittait pas des yeux le visage d’ange de son aimée, souhaitant plus que tout garder son image en elle en partant.

- Pardon, chuchota-t-elle doucement alors que le regard sans vie de Lex la regardait mourir sans joie, mais peine non plus.

Puis la mort l’emporta et elle vit son âme s’envoler. Emerveillée, la conscience de Tia fixait son âme future avec une douce joie. Elle était si belle…

Comment cela se pouvait-il ?

Puis elle monta comme une flèche en direction des cieux. Une sorte d’onde  de  choc suivit son départ et confusément, Tia comprit que son âme n’avait pas eu le droit de passer la barrière séparant le monde des morts de celui des vivants.

« Le jugement existait donc vraiment ? » Songea- t-elle en scrutant les cieux qui s’assombrissaient de minute en minute.

Une peur glacée l’envahit toute entière… elle n’avait pas le droit de passer… « Et comment l’aurait-elle eu ? Elle avait commis tant d’atrocités. Avait tellement de morts sur la conscience… »

Cela… cela signifiait qu’elle ne retrouverait jamais Lex là-haut. L’éternité sans son âme sœur…

La perspective fit mal. La compréhension douloureuse. Et l’acceptation impossible.

Elle ne pouvait pas être séparée de Lex, non, c’était impossible… Il devait forcément y avoir un moyen !!

Mais il n’y en avait pas et elle le savait. Elle, qui avait fini par accepter que malgré tous les crimes qu’il y avait sur sa conscience elle avait quand même droit au bonheur, comprit finalement que ce n’était que pour un temps précis. Que sa punition l’attendait et qu’elle serait encore plus douloureuse que tout ce qu’elle s’était imaginée.

« Les dieux, s’ils existaient, s’amusaient vraiment à ses dépends ! » Songea- t-elle avec amertume. Ils ne lui accordaient même pas dix ans avec Lex ! Et ça c’était dans le meilleur des cas !

Tia enrageait et s’étouffait dans la peur que cette vision avait fait naître quant à l’avenir de tous ceux qu’elle aimait.

Elle ferma résolument les yeux et repoussa la vision affreuse que la chaman déroulait devant elle. Ce n’était qu’une vision. Un futur possible, mais pas certain. D’autant moins qu’il venait de cette femme démoniaque.

Avec un cri sauvage, elle repoussa les images et le corps lourd de son adversaire. Elle roula sur le côté et se releva d’un mouvement ultra rapide, l’adrénaline et l’énergie électrique de la louve éveillant chaque parcelle de sa peau et la rendant encore plus sensible et réactive que d’habitude.

Elle posa un regard déterminé et féroce sur son ennemie et serra les poings. Elle la détruirait… jamais elle ne laisserait une telle chose se produire… jamais elle ne laisserait cette femme lui arracher tout ce à quoi elle tenait le plus.

Alors qu’elle allait se jeter sur elle, la louve apparut soudain à ses côtés et bondit à la gorge de la femme.

Celle-ci s’écroula à terre en glapissant de douleur et de surprise. Pour la première fois depuis leur rencontre, Tia fut heureuse de voir son âme noire. Elle s’approcha de la louve qui déchiquetait toute la peau à laquelle elle avait accès.

Le sang et les grognements, les cris de douleur et de peur gonflèrent un peu plus son cœur et la soif du sang fut bientôt si intense qu’elle se jeta sur Ashee avec la même sauvagerie que son autre elle-même.

Sous le double assaut Ashee crut sa dernière heure arrivée, mais celui qu’elle servait ne l’entendait pas ainsi. Il avait besoin d’elle.

Il intervint alors directement, brûlant dans l’effort, des forces importantes que la chaman avait mis du temps à lui octroyer. Il s’introduisit dans les esprits assoiffés de mort, de sang et de douleur des deux âmes qui n’en étaient qu’une et leur fit voir un instant ce qu’était la vrai nature du mal.

Les deux âmes se tordirent sous l’assaut et tombèrent au sol affaiblies et tremblantes. La folie les menaçait. Tout ce mal, cette noirceur… c’était insupportable… si poisseux, si collant, comme une entité vivante à part entière qui aurait pris possession d’un simple réceptacle…

Le mal n’était pas qu’un concept. Il était vivant, présent et bien décidé à jouir de son existence.

Tia et sa louve virent ce que ce démon avait commis comme actes à travers les âges. Les tortures inhumaines auxquelles il avait soumis les hommes par l’intermédiaire de gens comme Ashee, les massacres sanglants dont il était le déclencheur, la folie qu’il aimait par-dessus tout provoquer…

Ce contact avec le mal absolu et total fit perdre la tête à Tia. Elle vomit et se tordit de douleur et de terreur. Le vide l’envahissait au même rythme que le mal la rendait malade. Elle aurait voulu mourir dans l’instant tant tout ceci était insupportable.

Elle n’avait plus conscience de rien d’autre que de ce monstre terrifiant qui touchait son âme et la souillait de sa patte maléfique… elle hurlait sa détresse, gémissait, convulsait comme une épileptique, elle suppliait qu’on mette fin à ses souffrances et Ashee, qui se relevait avec lenteur et difficulté, aurait adoré exaucer ce souhait. Mais elle était mal en point, vraiment mal. Elle n’était pas sûre de survivre longtemps.

Et Lex reprenait lentement mais sûrement conscience. La transe et toute l’attaque, avait à peine duré 15 minutes mais cela paraissait tellement plus à chacune des participantes…

Ashee se redressa en étouffant ses cris de douleur et commença à s’éloigner en priant pour que son maître ait assez de force pour tuer la gardienne. Tia était si coriace…

Elle marchait aussi vite qu’elle le pouvait… sachant pertinemment que la reine amazone, aussi douce avait-elle été dans son autre vie, n’accepterait jamais de la laisser en vie lorsqu’elle s’aviserait de l’état de sa chère Xena.

Tia avait si mal qu’elle se sentait basculer vers la folie et le monstre qui lacérait son âme se réjouissait avec délectation de ses hurlements. Il goûtait cette âme particulière à la fois pure et pleine de haine. Si proche et si loin de lui.

Quel met délicieux…

Il aurait voulu la consumer entièrement ou au moins posséder le corps qui la contenait mais il n’avait pas assez d’énergie et il n’était pas certain que cette femme soit le bon réceptacle pour lui. Néanmoins… s’il avait la chance de la retrouver un jour sur son chemin, il la prendrait même si cela ne devait pas durer.

Il commença à se retirer et Tia sentit les tentacules gluants qui enserraient son âme la relâcher et la folie qui menaçait de l’engloutir recula avec lui. Mais la douleur laissée par son toucher était encore bien présente et la brûlait de l’intérieur.

Sa respiration était hachée et tout son corps tremblait et frissonnait comme sous le coup d’une fièvre intense. La sueur ruisselait le long de son visage et de son dos et elle se tordait sur place, essayant tant bien que mal de refaire surface.

Son esprit était entièrement noyé sous la douleur. Des traces du démon qui l’avait touchée rendaient toutes pensées impossibles. Elle n’était que sensations et ne parvenait pas à se souvenir qui elle était, elle ne parvenait même pas à savoir ce qu’elle était.

Lex reprit enfin pied et aspira une grande goulée d’air, comme une noyée refaisant surface. Elle se pencha en avant et posa les mains sur le sol pour retrouver son équilibre. Elle cligna des yeux et vit une goutte de sang tomber sur le sable.

Elle prit une inspiration tremblante et se redressa. Les images avaient été violentes et bien trop réalistes. Le défilement s’était arrêter abruptement, il y avait quelques minutes déjà, mais elle avait eu du mal à s’en arracher. Elle s’essuya le nez en vérifiant les alentours.

Elle savait qu’Ashee n’était plus là, son énergie s’était évaporée peu de temps après la fin du défilement, mais l’air était lourd et plein d’une forte odeur de brûlé étrange. Ca la mettait mal à l’aise et elle était inquiète pour Tia.

Lorsque son regard tomba sur le corps frissonnant de sa compagne, elle écarquilla de grands yeux angoissés et se relevant en trébuchant se précipita vers elle.

Elle s’agenouilla à ses côtés et vérifia en tremblant le pouls à son cou. Il battait de façon erratique, sa respiration était superficielle et la sueur ruisselait sur son visage aussi pâle que la mort.

Lex avait peur. Tia était tellement froide…

Elle essaya de la réveiller mais n’y parvint pas. Alors elle essaya de la soulever mais elle n’y arriva pas non plus. Inquiète, elle chercha de l’aide des yeux, mais il n’y avait personne et elle n’osait pas s’éloigner de sa compagne pour en chercher.

Elle observa anxieusement le visage tendu et douloureux de sa femme puis se concentra sur leur lien. Il était mal en point comme si on l’avait attaqué à plusieurs reprises, mais il était solide et bien présent.

Elle soupira, soulagée, puis se concentra pour redonner un peu de couleurs aux flammes devenues pâlottes de sa compagne. Elle s’allongea à ses côtés et la prit dans ses bras en espérant qu’elle savait ce qu’elle faisait.

De toute façon elle était bien trop faible pour pouvoir faire autre chose. Elle espérait seulement qu’Ashee ne reviendrait pas. Elle se coucha sur son aimée et lui communiqua sa chaleur corporelle en même temps qu’elle essayait de la réchauffer par l’intermédiaire de leur lien.

Elle insuffla au lien tout son amour, toute la chaleur que la grande femme mettait dans sa vie et le bonheur qui était le sien grâce à elle. Elle se concentra longtemps. Si bien qu’elle ne vit pas le soleil se coucher et la nuit les recouvrir de son voile sombre, les dissimulant à la vue.

Etrangement, Lex se sentit plus en sécurité ainsi. Elle commença à se détendre en voyant que la respiration hachée de sa compagne s’était un peu calmée. Et si elle frissonnait toujours autant, Lex sentait que Tia s’apaisait.

Elle toucha alors timidement la flamme de la louve qui s’était faite si petite qu’elle avait paru sur le point de s’éteindre

Lex relia les trois flammes entre elles et elle découvrit qu’ainsi, la louve tout comme Tia reprenaient des forces plus vite et plus rapidement.

Un peu rassérénée, Lex se détendit un peu plus et finit par sombrer dans un sommeil agité. Le matin lorsqu’elle s’éveilla aux premiers rayons de soleil, la première chose qu’elle fit fut de vérifier la santé de Tia.

Elle observa son visage et le vit, certes crispé, mais la sueur, les frissons et la douleur intense semblaient avoir disparu. Elle testa leur lien et constata avec soulagement qu’il était aussi intact que d’habitude, comme si Tia n’avait rien subi.

Elle se demanda enfin ce qui avait pu mettre sa compagne dans un état aussi épouvantable. Ashee était puissante mais… l’état de Tia … non ça ne collait pas. Ou alors peut-être qu’elle n’avait pas vu tous les pouvoirs de la chaman ?

Elle glissa les mains sur le dos de sa compagne, faisant des cercles doux et apaisants et décida de profiter de ce réveil à la plage. Le soleil la baignait et la réchauffait doucement. Elle entendait le clapotis de l’eau non loin de là et sa bien-aimée dormait dans ses bras.

Elle huma l’odeur de sa mercenaire avec délice. Elle l’adorait. Un petit sourire inconscient naquit sur ses lèvres et elle profita de la brise douce qui balayait son visage en observant le ciel s’éclaircir.

C’était une belle journée qui s’annonçait.

 

Fin partie VII

Partie VIII : La fin de l’histoire

 

Chapitre 1 :

 

Lex attendit patiemment que sa compagne se réveille. Elle vérifiait régulièrement qu’elle allait bien visuellement mais aussi par l’intermédiaire de leur lien puis revenait au clapotis de l’eau ou au changement de couleur du ciel à mesure que le soleil montait.

C’était une matinée douce et le calme environnant ne cessait de la surprendre. La veille avait été si agitée. Elle se rendit compte qu’elle avait attendu un moment comme celui-ci. Cela lui faisait un bien fou de rester là, simplement à observer le monde tourner, sans pour une fois, devoir y prendre part.

Lorsque le soleil fut à son zénith dans le ciel, Lex commença à s’inquiéter. Elle repoussa sa compagne et lui tapota les joues pour qu’elle se réveille mais rien n’y fit. Tia ne réagit même pas en papillotant au moins des cils.

Pourtant leur lien lui disait clairement qu’elle allait bien, alors quoi ?

Deux pieds apparurent soudain dans son espace visuel et elle détailla les espadrilles en toile avant de lentement remonter le long de jambes enfermées dans un jean délavé, puis d’un torse musclé qu’un polo gris passé ne cachait pas pour enfin arriver à un visage à la barbe de trois jours et au regard gris amusé qui l’étudiait nonchalamment.

- Bonjour, fit-elle tranquillement.

- Bonjour, répondit-il avec un petit sourire.

Il laissa passer un petit silence puis reprit :

- Vous êtes consciente d’être sur ma propriété, n’est-ce pas ?

- En effet, acquiesça-t-elle avec un charmant sourire, avant de baisser les yeux sur sa compagne, nous voulions seulement traverser votre plage, mais nous avons été attaquées et mon amie ne se réveille pas.

- Vraiment ? Fit-il en se baissant vivement pour prendre le pouls de Tia. Vous n’avez pas l’air très inquiète. Vous vous connaissez depuis combien de temps ?

- Plusieurs années. Et non je ne suis pas inquiète, enfin pas trop. Je sais qu’elle va bien, c’est juste… qu’elle ne se réveille pas.

Le regard anxieux qu’elle posa sur sa femme, fit voler en éclat la sérénité qu’elle s’était appliquée à montrer jusque là.

- Ca va aller, fit l’homme en passant ses bras sous la nuque et les jambes de Tia pour la soulever.

Il partit à grands pas alors que Lex protestait. Il s’arrêta soudain et déclara abruptement :

- Vous préférez rester ici et tentez le diable ou me laissez l’emmener dans un endroit sûr ou on prendra soin d’elle ?

« Evidemment présenter comme ça, songea la petite femme agacée ». Elle lui fit signe de poursuivre mais ne le lâcha pas d’une semelle. Ils parvinrent rapidement à la villa qui bordait la plage privée et Lex ouvrit la baie vitrée à la demande de l’homme puis le suivit.

Ils traversèrent un vaste salon et s’engouffrèrent dans une série de couloirs qui faillit lui donner le tournis pour enfin déboucher sur une grande et lumineuse chambre. Une chambre d’amis supposa la petite femme.

Elle détailla la pièce et repéra immédiatement les moyens de sortir et de bloquer les issues avant de reporter son attention sur la femme que le propriétaire de la villa allongeait sur le lit deux places. Il la recouvrit d’un simple drap de coton et se redressant lui dit qu’il allait appeler un médecin.

Lex hocha la tête et le regarda sortir en hésitant entre reconnaissance et inquiétude. Elle connaissait suffisamment le milieu des millionnaires, et cet homme en était incontestablement, pour savoir qu’ils ne donnaient rien sans rien. Mais elle avait du mal à saisir ce qu’il pouvait attendre d’elles. Il ne pouvait pas avoir la moindre idée de qui elles étaient.

Tout en réfléchissant sérieusement à cela, elle s’assit près de sa bien-aimée. Elle allongea les jambes tout contre elle et s’adossa à la tête du lit. Elle laissa une de ses mains en contact avec le front de Tia et en caressant distraitement la peau chaude.

Lorsque l’homme revint, elle l’étudia attentivement alors qu’il vérifiait les constantes de sa compagne.

- Vous êtes médecin ?

- Infirmier.

Elle écarquilla de grands yeux surpris. Il lui jeta un œil et sourit avant de revenir à sa patiente.

- Vous vous demandez comment je peux avoir cette villa avec un simple salaire d’infirmier, n’est ce pas ?

- En effet, fit-elle soupçonneuse.

- Très simplement. En héritant.

- Je vois.

Il sourit à nouveau et elle s’en voulut d’être aussi transparente. Malgré tout l’entraînement de Tia elle ne parvenait que rarement, et dans des circonstances particulières, à avoir un visage neutre. A croire qu’il était inscrit dans ses gênes d’être spontanée !

Il finit son tour d’horizon et se redressa en la dévisageant. Puis il lui tendit la main et déclara :

- Marcelius Roberts.

Elle le dévisage à son tour surprise, puis s’empressa de prendre la main tendue avant de paraître encore plus impolie.

- Enchantée, fit-elle sans pour autant décliner sa propre identité.

S’il le nota il ne parut pas s’en soucier. Il lui sourit à nouveau et Lex nota combien son sourire était chaleureux et semblait sincère. Elle le lui retourna ce qui parut le ravir.

- Ne vous en faites pas trop pour votre amie, j’ai l’impression qu’elle est juste complètement épuisée. Du surmenage je pense. Y’a t’il une raison pour qu’elle soit surmenée ? L’interrogea-t-il.

Lex repensa à leur fuite, leurs diverses attaques, les multiples blessures dont Tia avait été la victime, la louve et leur lien inexplicable. Les ennemis qui semblaient se multiplier et leurs disputes. Et avant cela le stress de la demande en mariage associé aux résultats de sa maladie.

- Un peu.

Il hocha la tête comme s’il s’en doutait.

- Voulez-vous une boisson ou quelque chose à grignoter en attendant l’arrivée du médecin ?

Lex acquiesça et il disparut de nouveau. « Marcelius Roberts, songea-t-elle rassurée. On a vraiment eu de la chance de tomber sur lui ». Elle savait maintenant qu’il n’attendrait rien d’elles. Il faisait ce qu’il faisait parce que c’était la chose juste à faire.

Dans les hautes sphères, cet homme était connu comme le loup blanc. Il avait hérité d’un paquet de millions après s’être occupé avec dévouement d’un patient en phase terminale qui n’avait plus de famille.

Et au lieu de profiter de sa nouvelle existence comme n’importe qui l’aurait fait en dépensant sa nouvelle fortune, il avait décidé de l’offrir aux plus nécessiteux. Marcelius était le plus grand philanthrope actuellement en vie. Chaque année il distribuait plusieurs millions de dollars, roubles, yens, euros… à travers le monde et pas forcément pour des causes connues.

Dès qu’une chose lui semblait juste, il s’investissait totalement. Ainsi il avait permis la construction de trois hôpitaux pour enfants, d’un camp de réfugiés au Rwanda, fait avancer la recherche dans le domaine de l’appareillage des personnes amputées, financé le Noël de plusieurs orphelinats de part le monde, donné des bourses à des jeunes autrement sans avenir, découvert des talents musicaux, sportifs ou bien médicaux, financé des opérations trop chères pour certaines familles, et bien d’autres choses encore.

Ce type était le génie du bien sur terre et grâce à sa simple existence, beaucoup d’individus gardaient espoir malgré les malheurs qui frappaient.

Lex en avait entendu parler, mais c’était comme le Père Noël… elle n’y croyait pas vraiment. Et elle se retrouvait là. Dans sa maison. Et il s’occupait d’une étrangère ramassée sur sa plage, comme si c’était la chose la plus naturelle et normale du monde.

Il revint et lui tendit une citronnade, « faites maison » et elle la sirota en le fixant fascinée.

Il s’aperçut de son manège mais ne s’en offusqua pas. Au contraire, il en profita pour faire de même. Il la détailla sous toutes les coutures et la lueur d’appréciation dans ses yeux gris n’échappa pas à Lex qui en fut grandement flattée.

Puis le médecin arriva et examina Tia. Il conclut la même chose que Marcelius et repartit en laissant une Lex hautement soulagée. Elle s’assit dans le fauteuil que son hôte avait mis à sa disposition et commença à veiller son amie.

La plupart de sa journée se déroula ainsi. Elle restait au chevet de Tia sans la quitter des yeux et parfois, s’endormait.

En fin de journée, Marcelius réapparut.

- Que diriez-vous de vous dégourdir un peu les jambes en ma compagnie ?

Lex hésita et jeta un regard à sa femme.

- Le médecin a été formel, fit-il en voyant son incertitude, elle ne se réveillera probablement pas avant demain.

Il attendit un peu, puis ajouta doucement :

- Vous avez besoin de prendre l’air. Je vous promets qu’il n’arrivera rien à votre amie pendant notre balade.

Il fit signe à son majordome d’entrer et l’homme s’inclina devant elle. Lex en fut impressionnée. Un majordome pour un nouveau riche… d’habitude, ils faisaient tous la faute de goût stupide qui révélait leur nouveauté dans le monde des nanti en prenant un groom. De plus ce majordome avait des manières impeccables. De toute évidence formé à l’ancienne. Les plus chers. Mais les plus efficaces.

Elle hocha finalement la tête et, se penchant vers Tia, déposa un baiser sur sa joue en murmurant :

- Je reviens mon amour. Repose-toi bien.

Elle se redressa en suivant son hôte le long du même dédale de couloirs qu’elle avait suivi le matin même en se disant qu’elle aurait une sérieuse discussion avec elle à son réveil. Elle avait réellement envie de comprendre ce qui avait plongé Tia dans cet état.

« Ces derniers mois avaient été un désastre, songea-t-elle en accompagnant Marcelius sur la terrasse, Tia n’avait jamais autant frôlé la mort que depuis leur fuite du ranch ».

Il l’invita à s’asseoir à la table qu’il avait préparée lui-même et où reposait divers mets qui la firent saliver.

- Il ne fallait pas, fit-elle en s’asseyant en face de lui.

- Voyons, vous n’avez rien mangé de la journée, fit-il en la grondant gentiment. Pensez-vous que si vous tombez malade, votre amie ne m’en voudra pas ?

Lex sourit. Tia l’écorcherait vif.

- Après vous être restaurée, nous ferons la balade promise, histoire de digérer. Cela vous convient-il ?

- Tout à fait. Je vous remercie, mais sincèrement il est inutile de vous donner autant de mal pour moi. Je peux parfaitement me promener seule.

- J’en suis certain, mais j’aime beaucoup me balader sur la plage et cela fait quelques jours que je ne l’ai pu. De plus, je vis seul et la compagnie d’une aussi jolie femme que vous, ne peut qu’égayer mes journées.

- Présenté ainsi, je ne peux décemment pas refuser, fit-elle avec un sourire charmé.

Ils se dévisagèrent un instant puis entamèrent le dîner dans un silence reposant et agréable. Lex profita de la brise tiède qui soufflait et observa le coucher de soleil en même temps qu’elle se régalait des plats exquis que son hôte avait apparemment cuisiné lui-même.

-C’est délicieux, fit-elle au milieu d’un poulet au lait de coco accompagné de son riz. Vous êtes aussi fin cuisinier que Tia !

- Votre amie ?

Lex acquiesça et engloutie une autre bouchée avec un plaisir évident.

- Je n’en reviens pas. Je ne pensais sincèrement pas qu’il existait quelqu’un d’autre pouvant être aussi doué ! S’exclama-t-elle avec un sourire pétillant de plaisir.

- Exception faite des grands chefs, vous voulez dire…, répondit-t-il avec un sourire amusé.

- Pas vraiment, rétorqua-t-elle en haussant les épaules. Je veux dire ok, il y en a plein qui sont doués, mais la plupart, et croyez-moi j’ai mangé chez les meilleurs pendant longtemps, sont loin d’être aussi bons que leurs réputations le laissent entendre et Tia est incontestablement un grand maître. Elle pourrait faire carrière si elle le voulait !

- Vous la tenez en haute estime, remarqua Marcelius.

- Qui ne le ferait pas ? Rétorqua-t-elle avec un doux sourire, les yeux dans le vague.

Marcelius la dévisage, intrigué et demanda :

- Qu’a-t-elle de si exceptionnel ?

Les yeux de Lex se mirent à briller alors qu’elle se mettait à penser à sa compagne et à lister ce qui la rendait si à part.

- Elle est… unique. Entière et complexe. Pleine de blessures mais aussi solide qu’un roc. On peut toujours compter sur elle, quelque ai été vos relations avec elle. Elle est loyale, fidèle, « à sa façon », ajouta- t-elle en pensée, extrêmement intelligente. Elle est courageuse et bien meilleure qu’elle ne l’imagine. On ne s’ennuie jamais avec elle. Elle peut être très dure. Mais aussi malicieuse qu’une enfant de 5 ans.

Lex fixa ensuite son attention sur le visage de son interlocuteur et déclara avec intensité.

- Lorsqu’elle aime, c’est pour la vie.

Puis avec plus de légèreté :

- Et c’est incontestablement la plus belle femme que j’ai jamais vue.

Son hôte sourit et répliqua tranquillement :

- Je pense que vous ne vous êtes pas assez souvent regardé dans un miroir.

Elle rit et secoua la tête.

- C’est ce qu’elle dit toujours.

Marcelius plongea ses yeux gris ardoise dans les siens et l’étudia avec attention. Après quelques minutes un peu embarrassantes pour Alexia, il hocha la tête et déclara.

- Vous l’aimez.

- Bien sûr.

- Non, je veux dire… vous êtes amoureuse d’elle.

Lex rit et dit en agitant la main où brillait son alliance :

- Et moi je dis : bien sûr.

- Oh.

Les yeux de Marcelius marquèrent brièvement la surprise puis il secoua la tête en se moquant de lui-même.

- Je ne suis pas très observateur, désolé.

- Ce n’est pas grave, fit-elle en décelant une pointe de déception vite réprimée dans les yeux de son interlocuteur.

Elle se sourit à elle-même. Pourquoi était-elle surprise ? Elle savait qu’elle était belle. Bien avant que Tia n’entre dans sa vie, elle avait toujours attiré l’attention. Et pas seulement pour ses frasques. On lui avait toujours dit combien elle était attirante et sexy.

A l’époque elle adorait être le centre de ce genre d’attention. Et elle ne pouvait nier que parfois cela lui manquait. Puis arrivait Tia et le regard qu’elle posait sur elle, mélange de désir, d’assurance et d’émerveillement lui faisait instantanément oublier les regards des autres et seul comptait le sien.

Mais cela faisait parfois du bien de voir qu’on plaisait toujours. Ceci dit, elle prit conscience que ce n’était plus indispensable pour elle. Tant que Tia ne changeait pas sa façon de la regarder… le reste ne comptait pas.

- Vous pensez à elle, déclara son hôte, interrompant doucement ses pensées.

- Comment avez-vous deviné ?

- Votre regard… il s’est adouci comme seul le regard d’une personne amoureuse le fait. C’est intéressant à voir.

- Tia… est exceptionnelle pour toutes les raisons que je vous ai citées précédemment mais pour moi… elle l’est surtout parce qu’elle a changé ma vie.

- Comment ça ?

- Avant elle je n’existais pas. Elle a donné un sens à mon existence. Et pas seulement en existant et en me permettant de l’aimer. Mais aussi en me montrant qu’il y avait autre chose dans le monde, des choses que je ne connaissais pas, ni même ne soupçonnais. Des choses que je ne voulais pas forcément voir.

Lex fit une pause, revenant quatre ans en arrière.

- Elle m’a d’abord sauvé la vie… puis elle m’a fait découvrir un monde que je ne connaissais pas. Ce faisant elle m’a permis d’apprendre, à savoir qui j’étais réellement. Et j’ai vu… j’ai vu que j’étais meilleure que ce que je pensais. Bien meilleure.

Elle posa un regard grave et doux sur lui.

- Elle a fait de moi la personne que je suis aujourd’hui. Une personne dont je peux être fière. Une personne que j’aime. Et cerise sur le gâteau… elle a accepté de m’aimer. Elle m’a rendu heureuse. Me rend heureuse jour après jour, malgré les difficultés. Jamais elle ne m’oublie… même lorsque l’on se dispute.

Lex s’appuya sur ses coudes.

- Tout ce qu’elle veut… c’est me rendre heureuse. C’est son seul but dans la vie, ajouta-t-elle avec un sourire heureux et triste à la fois.

- C’est étrange…

- Quoi donc ?

- Eh bien… pour commencer vous dites qu’elle a accepté de vous aimer. Mais l’amour ne se décide pas.

Lex éclata de rire.

- Dans le cas de Tia, je vous assure que si !

Elle dédia un sourire pétillant au millionnaire qui cilla devant la splendeur que cela donnait à son visage.

- Elle avait décrété qu’elle n’était pas assez bien pour moi et que je méritais mieux. En conséquence elle a refusé que je l’aime et encore plus de m’aimer.

- Et qu’avez-vous fait pour la convaincre ? S’enquit son interlocuteur prit dans le récit.

- Je lui ai déclaré la guerre.

Marcelius fronça les sourcils.

- Vous lui avez déclaré la guerre ?

Lex hocha la tête.

- Une guerre amoureuse que je comptais bien remporter.

- Et comment avez-vous fait ça ?

- Je lui ai fait une cours effrénée.

- Et ça à suffit ?

- Eh bien, il faut savoir une chose sur ma chère et tendre… elle a le sang bouillonnant. Ceci associé aux sentiments qu’elle avait mais qu’elle niait, je l’ai terrassée !

Le millionnaire n’était pas certain de bien comprendre, mais le sourire triomphant et pétillant de sa compagne le fit sourire.

- Ensuite ?

- Ensuite quoi ? fit Marcelius un peu perdu.

- Vous disiez que plusieurs choses vous semblaient étranges… quelle est la suivante ?

- Oh… et bien… vous aviez l’air triste de constater que son seul but dans la vie est de vous rendre heureuse… beaucoup à votre place seraient aux anges.

- Je sais… mais… je veux plus pour Tia. Elle mérite plus... mais… elle ne le pense pas. Et ça m’ennuie. J’aimerais…

Lex s’abîma dans ses pensées et Marcelius attendit sagement qu’elle trouve les mots qu’elle cherchait.

- J’aimerais qu’elle soit fière de qui elle est.

Son hôte fronça de nouveau les sourcils.

- Je ne comprends pas. D’après ce que vous m’avez dit, elle le devrait. Je veux dire… elle à l’air d’être une personne bien.

- Elle l’est, confirma Lex. Mais elle ne voit pas les choses comme moi.

- Pourquoi ?

Le regard qu’Alexia posa sur lui fut empli d’une profonde tristesse qui toucha le cœur déjà bien sensible et éprouvé par la vie du philanthrope.

- Elle a grandi avec des blessures si profondes et des traumatismes si lourds qu’un être humain normal serait devenu fou ou sanguinaire ou bien aurait mis fin à ses jours depuis longtemps. Tia… Tia a non seulement survécu à ça… mais s’en est aussi servi pour être plus forte. Et aussi incroyable que ça puisse paraître, et croyez-moi ça l’est, elle en est sortie presque intact.

Lex détourna les yeux vers l’océan qui clapotait non loin d’elle.

- C’est en fait un miracle dont je devrais être reconnaissante… elle en est sortie avec seulement une très mauvaise opinion d’elle-même… comme si tout était de sa faute…

Le millionnaire était ennuyé. Il aimait beaucoup la jeune femme en face de lui. Une inexplicable attirance avait surgi en lui à l’instant où il avait posé les yeux sur elle. Et si cette attirance ne semblait pas partagée, il souhaitait néanmoins lui apporter son aide.

Il sentait chez cette jeune femme une bonté et une sensibilité rare. Il avait l’impression, à quelques évidentes exceptions, d’être en face d’un miroir.

Il croisa le regard vert mousse de sa compagne d’un soir et lui sourit doucement.

- Si je peux faire quoi que se soit…

- Vous en avez déjà fait tant…

Il l’examina alors qu’elle fixait l’horizon perdue dans des pensées douces-amères. Il était indubitablement déçu qu’elle soit déjà prise. Il sentait qu’avec elle… sa vie aurait pris un autre sens… une voie moins douloureuse… et c’est avec joie qu’il aurait lié sa vie à la sienne.

Mais elle aimait déjà. Et ce n’était pas lui. Il ne put empêcher une pointe de jalousie de poindre dans son cœur en repensant à la grande femme allongée dans le lit de sa chambre d’amis.

Elle avait l’amour de cette femme et elle trouvait le moyen de lui faire arborer ce regard mélancolique. La seconde suivante il s’en voulut. La grande femme n’y était pour rien. Et d’après ce que lui en avait dit sa compagne, elle méritait son amour. Tia… avait l’air d’être une personne honorable… une de ses personnes rares qui à eux seuls rachètent les fautes de la moitié de l’humanité… Capables d’inspirer une loyauté et un amour sans borne.

La femme en face de lui était de celles capables d’inspirer espoir dans la plus ténébreuse des obscurités, même à des personnes qu’elle ne connaissait pas. Sa présence était si… apaisante… si brillante. Il était heureux de les avoir rencontrées. C’était deux personnes d’exception.

Lorsque Tia serait réveillée, il converserait avec plaisir avec elle. Il avait même hâte soudain qu’elle ouvre les yeux. Pressé de voir de ses propres yeux ce qui la rendait si exceptionnelle aux yeux de la petite femme.

Ils terminèrent leur repas et Marcelius proposa de nouveau à Alexia de se balader sur la plage mais elle déclina l’offre gracieusement. Elle avait assez pris l’air et ne souhaitait pas rester trop longtemps loin de sa bien-aimée.

Il la raccompagna donc à la chambre où son majordome veillait Tia et resta quelques minutes, observant la petite femme alors qu’elle s’assurait que sa compagne allait bien. Il y avait quelque chose en elles, qui vous réchauffait de l’intérieur lorsque vous les regardiez ensemble. Une sorte de rayonnement qui faisait comprendre qu’elles étaient définitivement faites l’une pour l’autre.

Il quitta la chambre plus heureux de les avoir rencontrées que déçu de ne pas avoir sa chance avec la petite femme.

Chapitre 2 :

 

Lex passa une nuit plus paisible que la dernière. Enroulée autour de sa femme elle avait posé sa tête sur sa poitrine et regrettait de ne pas être à l’hôtel ou plus simplement chez elles. Ainsi elles auraient été nues toutes les deux et Lex aurait pu goûter la peau de Tia comme elle mourrait d’envie de le faire en cet instant.

Après de longues minutes de débat contre elle-même, elle renonça finalement à ses bonnes manières et céda à ses pulsions. Elle passa ses mains sous la chemise de Tia laissa ses mains errer avec délice sur la peau chaude et douce, bien qu’encore pleine de cicatrices.

Elle descendit doucement, se glissant sous le drap de coton, elle remonta le tissu du vêtement et embrassa la peau du ventre et en apprécia le velouté.

Elle fit courir sa langue autour du nombril et obtint un soupir en retour. Lex se figea et releva la tête. Elle dévisage sa compagne mais ne vit aucun des signes qui annonçaient son éveil. Pourtant elle l’avait bien entendu soupirer.

Elle reprit alors sa ouvrage. Elle remonta doucement le long du ventre puis défit complètement la chemise de sa compagne. Elle embrassa chaque mamelon avec une exquise délicatesse. Enfin, elle se positionna au-dessus des cicatrices que la lionne lui avait faites en Australie avant leur fuite, et les embrassa légèrement, effleurant les replis de la peau de ses doigts.

Un frisson parcourut le corps de sa femme et le cœur battant plus vite, Lex poursuivit son exploration.

Tia redevint lentement et douloureusement consciente du monde autour d’elle. D’abord le battement dans sa tête qui pulsait jusqu'à l’intérieur de son âme, la fit gémir, puis se fut un déplacement d’air sur sa peau, et enfin des lèvres chaudes qui engloutirent la douleur et la peur qu’inexplicablement elle ressentait comme ancré dans son ADN lui-même.

Elle se baigna dans le brûlant désir que la bouche experte faisait naître dans tout son corps. Lorsqu’il fut évident qu’elle ne tiendrait pas plus, elle empoigna le corps au-dessus d’elle et le retourna brusquement, inversant leur position.

Tia ouvrit des yeux ardents et passionnés et Lex faillit en pleurer de soulagement. Mais elle oublia bien vite toute pensée cohérente lorsque les mains de sa femme s’activèrent sur son corps et au creux de son entrejambe.

Il n’y eut dans cette étreinte ni tendresse, ni amour. Deux simples corps exprimant la férocité de leur désir en même temps que leur retour à la vie. Leur accouplement fut frénétique et brutal et il les amena rapidement à la jouissance.

Elles crièrent à l’unisson et Tia s’effondra sur sa petite compagne en haletant, Lex appréciant le poids de sa bien-aimée. Elle entoura le corps solide mais, encore fatigué, de ses bras et prodigua des caresses apaisantes au corps frissonnant de Tia.

Lorsqu’elles furent toutes deux plus calme, Tia prit conscience de l’endroit insolite où elles se trouvaient et roula sur le dos en emmenant sa femme avec elle. Lex reprit sa place favorite au creux de l’épaule de Tia et soupira d’aise.

Que c’était bon d’être dans ses bras…

- Où est-on ? S’enquit Tia d’une voix rendue rauque par leurs ébats autant que par sa fatigue.

- Chez Marcelius Roberts.

Tia releva la tête vivement en posant un regard stupéfait sur sa femme.

- Quoi ?! Que… mais qu’est-ce qu’on fait là ?

Lex rit devant son expression abasourdie.

- De quoi te souviens-tu exactement ? La dernière chose ? Demanda-t-elle un peu inquiète.

Tia reposa sa tête sur l’oreiller et les yeux fixés sur le plafond, elle se mordit la lèvre en sentant de nouveau cette terreur glacée s’installer au creux de son ventre.

- La peur, souffla-t-elle incapable de regarder sa femme en face. La douleur, atroce, horrible… de celle qui te donne envie de mourir dans l’instant.

Lex se figea en percevant le tremblement dans la voix de Tia. Jamais personne, pas même Sassem, ne lui avait fait peur. Et maintenant Tia tremblait de terreur. Qu’est-ce qui s’était donc passé ?!

- Tia que… que s’est-il passé exactement ?

La mercenaire se mordit la lèvre plus fort et Lex porta la main à sa lèvre lorsqu’un mince filet de sang se mit à couler.

- Tia, dit-elle doucement, tu n’es pas obligée.

- Il le faut, répliqua la grande femme la voix mal assurée.

Elle prit une inspiration profonde et se lança.

- Je… j’étais avec Ashee… elle… elle me montrait le futur ou du moins ce qu’elle aimerait qu’il soit… C’était atroce…, fit-elle en se remémorant son sentiment intense de trahison et la douleur… de l’échec, de la perte…

Elle avait failli, elle avait laissé derrière elle tout ce qui comptait vraiment et pire que tout… elle les avait laissés dans un monde qui était sur le point de mourir.

Fugitivement, elle se rappela de ce qu’elle avait pensé en mourant… qu’elle ne rejoindrait jamais le lieu où Lex irait…

Puis elle chassa ses pensées déprimantes et se concentra sur les faits.

- Et je ne sais pas, j’ai décidé que je ne voulais pas de ce futur et je m’en suis prise à Ashee. Et soudain la louve était là. Je… je l’ai eue, fit-elle en se tournant vers Lex. Vraiment. Je veux dire… elle était à ma merci. J’allais la tuer et… je ne sais pas… quelque chose est intervenu.

- Quoi donc ?

- Je ne sais pas. C’était… un contact plus qu’une personne. Ca a affecté la louve aussi. Je… c’était gluant, poisseux et terriblement dense.

Tia fit une pause puis :

- Et ça a touché mon âme…

Lex déglutit et hocha la tête.

- Le lien a tenu bon, fit-elle pour la rassurer. Et il est comme neuf maintenant. Quoi qu’ai été cette… chose… elle n’a pas causé de dégâts permanents.

-Tant mieux.

Les deux femmes se turent un moment.

- Je crois que c’était le démon que vénère Ashee. Celui pour qui elle fait tous ces sacrifices…

- Celui dont elle nous a parlé ? Le… le dévoreur d’âmes ?

Tia hocha la tête et Lex frémit en réalisant ce qui aurait pu advenir de Tia.

- Tu… comment… je ne comprends pas, fit-elle en secouant la tête. Comment se fait-il qu’il se soit… immiscé dans notre monde ? Je croyais qu’Ashee ne le pouvait pas sans le sacrifice d’une âme ancienne ou quelque chose comme ça.

- Je… ne pense pas qu’il ait été réellement là, fit Tia. Je veux dire, si ça avait été le cas il n’aurait pas seulement égratigné mon âme, il l’aurait dévorée.

- Mais…, il était là, non ? Fit Lex qui ne comprenait pas.

Tia se mordit la lèvre anxieusement.

- Je pense… je pense que les sacrifices qu’a fait Ashee jusqu’ici lui ont donné des forces mais que ce n’était pas assez pour se matérialiser ici. Je crois qu’il a eu peur que je ne tue celle qui est sensée lui permettre d’arriver  alors il est intervenu.

- Et il a sacrifié ses forces pour elle ? Fit Lex sceptique.

- Il peut se permettre d’attendre tu sais, c’est un démon. Un très très vieux démon qui attend son heure depuis un bon moment. Il peut attendre mais il ne peut pas perdre la seule personne capable de le ramener.

Lex réfléchit.

- Et il est parti de lui-même ou… ? Demanda-t-elle finalement.

- Je crois qu’il n’avait plus de force.

Lex soupira de soulagement.

- Alors on est tranquille pour un moment, non ?

- Je pense.

- Bien alors si on passait à un autre sujet ?

Tia mourrait d’envie d’acquiescer mais ça aurait été irresponsable et elle ne comprenait pas vraiment pourquoi Lex s’empressait de changer de sujet.

- Lex il y a un problème ?

- Non pourquoi ? Répondit-t-elle surprise.

Mal à l’aise, elle sut que pour une fois, elle avait réussi à dissimuler ses vraies pensées, et n’était pas très fière que ça soit à sa femme, mais elle ne se sentait pas de lui parler de sa probable trahison.

Malgré le sentiment profond en elle, qui lui disait que jamais elle ne trahirait Tia, il lui suffisait de repenser à la vision si réaliste que la chaman lui avait montrée pour douter.

- On ne peut pas simplement zapper ce sujet Lex. Ashee nous a retrouvées si facilement... et on sait qu’elle veut nos enfants alors… on ne peut pas juste changer de sujet.

- Je sais, soupira sa compagne, mais je me disais que puisque le dévoreur d’âmes est hors course, sûrement pour un moment et qu’Ashee ne doit pas être dans un meilleur état, on avait du temps devant nous… juste, je sais pas moi, pour vivre ?

Tia l’observait attentivement alors qu’elle parlait et la mercenaire vit combien Lex était affectée par toute cette histoire.

- Tout le monde attend de nous une chose aberrante. Comme si on pouvait réellement à nous seules sauver ou détruire le monde ! C’est stupide et je ne veux pas y penser !

- Lex…

- Non, Tia ! Ecoute-moi. On ne craint rien pour l’instant ok ? Après la déconvenue qu’elle vient de subir Ashee ne nous courra pas après avant longtemps. Et son démon a perdu toutes ses forces. On est donc tranquille pour un moment. Et Tia, si ce que disent les fils du vent est vrai, tant qu’on tiendra les jumeaux loin de cette femme et de sa tribu, ils ne risquent rien et rien ne se passera.

Lex plongea ses yeux dans les siens et mit toute la conviction qu’elle ressentait dans son plaidoyer.

- On a si peu de temps Ti… pourquoi risquerions-nous de raccourcir ce temps qui nous ait déjà si limité ?

Tia se mordit la lèvre. Lex avait raison. Loin des quatre déserts, les jumeaux étaient en sécurité. Du moins tant qu’Ashee ne décidait pas de leur courir après. Ce qu’elle ne ferait pas de si tôt. Et Lex était condamnée. Elle avait déjà perdu bien trop de temps à s’occuper d’autres choses plutôt que de trouver une solution pour la guérir.

Elles avaient bien trop peu de temps. Et si Lex savait qu’elles se perdraient à nouveau après leur mort, elle serait encore plus malheureuse et soucieuse du temps qu’elles passaient ensemble.

- Ok, dit-elle finalement. On règle le problème Enrick et on rentre.

La colère de Lex s’évanouit et une vague de joie la traversa. Elle serra la mercenaire dans ses bras et l’embrassa fougueusement.

Tia décida de consacrer les prochains mois à découvrir un remède miracle pour sa femme. Pour commencer elle pourrait peut-être discuter avec la louve. Elle avait toujours senti que celle-ci avait des réponses et jusqu’à présent elle n’avait pas pu l’interroger.

Mais elle allait se rattraper. Sans pour autant négliger la protection de sa famille contre le vent de la destruction. Ashee ne se tiendrait pas tranquille éternellement. Il allait falloir qu’elle anticipe sa prochaine attaque, son prochain mouvement.

Elle rendit son baiser à Lex puis entendit un bruit à la porte. Elle quitta à regret les lèvres douces de son amie et se tournant vers la porte lança :

- Oui ?

La porte s’ouvrit et un homme de taille moyenne entra. Tia devina à son sourire chaleureux qu’il s’agissait de Marcelius Roberts. Le sourire se figea lorsqu’il vit leur tenue.

- V… heu… vous êtes nues.

Tia baissa les draps sur leurs corps rapidement et lui retourna un sourire goguenard.

- Brillante déduction, Sherlock !

Tia avait permis à Marcelius d’entrée avant que Lex ne réalise qu’elle avait entendu un bruit. Elle remonta vivement le drap sur sa poitrine puis voyant que Tia ne bougeait pas et que le regard de leur hôte était figé sur la dite poitrine, elle se dépêcha de le remonter le drap sur sa compagne aussi.

Elle fusilla les deux des yeux mais dut reconnaître que Marcelius ne pouvait pas vraiment faire autre chose. Tia avait une poitrine de déesse. Donc s’était entièrement la faute de sa femme. Elle reporta alors sa colère sur elle.

Tia sourit et leva un sourcil hautain avant de se tourner vers leur nouvel interlocuteur.

- Vous devez être M. Roberts ?

L’homme hocha la tête en s’efforçant de retrouver contenance.

- Tia Kensington, fit-elle en tendant une main qu’il prit et serra.

Puis il sembla enfin recouvrer ses esprits et rougit en s’empressant de se détourner.

- Je… je vous laisse vous habiller, fit-il en se dirigeant rapidement vers la porte. Le petit-déjeuner vous attend sur la terrasse. Je… si vous ne parvenez pas à trouver la terrasse appelez et Jeffers vous guidera.

Sur ce il ferma la porte et les laissa à leur occupation.

- Jeffers ?

- Se doit être le majordome.

- Ha, ok, fit Tia en se levant et en s’étirant.

Lex profita de la vue puis se détourna à contrecœur pour faire de même.

- Au fait, fit-t-elle en attrapant de quoi se laver dans l’armoire de la chambre, pourquoi t’es-tu présentée à lui ?

- Pourquoi je ne l’aurais pas fait ? On sait qui il est. Sa réputation parle de lui-même. Pourquoi ? Tu ne l’as pas fait toi ?

- Non.

- Et il ne s’en est pas offusqué ? Il est bien fait.

- Je me méfiais au début. Et après… eh bien je n’étais pas très sûre de la marche à suivre. On a déjà tellement d’ennuis.

- Hum, je comprends, eh bien n’oublie pas de te présenter tout à l’heure.

Lex acquiesça et se dirigea vers la salle de bains, Tia sur ses talons.

 

*******************************************

 

Elles rejoignirent leur hôte sur la terrasse, qui les avaient attendues pour commencer et Tia engloutit presque toutes les pâtisseries à elle seule.

- Vous avez un bon coup de fourchette, remarqua-t-il amusé.

Tia lui fit un grand sourire sans cesser son va-et-vient entre son assiette et sa bouche. Lex secoua la tête en levant les yeux au ciel.

- Excusez son manque de manière, elle mourrait de faim.

- Je comprends, ne vous excusez pas. Vous avez besoin de reprendre des forces et je le comprends. Puis-je vous demander ce qui vous est arrivée ?

Tia avala et sourit.

- Vous pouvez.

Marcelius hocha la tête et attendit. Après un silence il demanda :

- Alors ?

- Alors quoi ?

- Que vous est-il arrivée ?

Tia gloussa :

- Je n’ai pas dit que j’y répondrai.

Estomaqué, le millionnaire se tourna vers Lex qui haussa les épaules avec l’air de dire : je vous avez dit qu’elle était unique. Revenant à la grande femme il hocha la tête, acceptant sa réponse.

- Depuis quand sommes-nous ici ? Demanda Tia à la ronde.

- Hier matin, répondit le millionnaire. Vous étiez sur ma plage un peu plus loin, expliqua-t-il en anticipant sa question, et vous aviez l’air mal en point alors je vous ai portée jusque chez moi et j’ai appelé un médecin.

- C’était très aimable à vous, fit Tia. Rien ne vous y obligeait. Et nous aurions pu être des arnaqueuses.

- Je n’ai pas tellement réfléchi. Vous aviez l’air d’avoir besoin d’aide et c’est tout.

Tia pencha la tête de côté et un doux sourire naquit sur son visage alors qu’elle l’étudiait.

- Vous êtes quelqu’un de bien.

- Vous dites ça, comme si c’était rare.

Tia eut un petit rire dépréciateur.

- C’est rare, fit-elle en découpant son pancake avant de l’arroser de Nutella. Vous êtes aussi un fan du Nutella ? Fit-elle avec un sourire malicieux.

- Pas vraiment. Mais votre femme m’a touché deux mots de votre passion pour le chocolat en général et le Nutella en particulier, aussi je me suis permis de vous en acheter.

Tia le dévisagea stupéfaite.

- Eh ben… on peut dire que vous savez recevoir, vous ! S’exclama-t-elle.

Lex se mordit la lèvre et avala une dose de sa drogue personnelle : du café colombien fraîchement moulu.

- Merci, fit-il en souriant.

- Que peut-on faire pour vous dédommager ? Interrogea Tia en sachant parfaitement ce que serait la réponse.

- Rien, voyons ! S’insurgea-t-il violemment. Je vous l’ai dit, vous aviez besoin d’aide, je vous ai donné la mienne un point c’est tout !

Tia hocha la tête sans se vexer du ton revêche.

- Très bien. Mais nous permettez-vous quand même de vous être redevable ?

Le millionnaire réfléchit sans la quitter des yeux. La petite femme, qui s’était finalement présentée, Lex donc, avait raison, elle était magnifique. Une des plus belles créatures que la terre avait portées. Mais Lex était loin de saisir toute l’étendue de sa propre beauté.

Il pouvait déceler sur le visage de la grande femme une noblesse et une fierté qui existaient chez peu de gens. Elle prendrait comme une insulte un refus de sa part.

- Je veux bien, accepta-t-il finalement.

Tia et lui se dévisagèrent et sourirent. Ils se comprenaient. Tia tourna un regard amusé vers sa femme. C’était marrant de se découvrir sur la même longueur d’onde qu’un type aussi loin de sa nature.

Elle le fixa un moment et… un flash fusa soudain. Celui d’un homme aussi haut que large. Un homme d’une beauté stupéfiante à la force d’un demi-dieu. Les cheveux mi-longs lui retombant sur le visage, il lui sourit avec une chaleur tranquille qui la réchauffa de l’intérieur.

Tia revint au présent et dévisage l’homme à la taille moyenne, aux yeux gris et aux cheveux noirs qui la fixait. « Géniale, songea-t-elle désabusée, encore une ancienne connaissance »

C’était marrant comme les gens de son passé ne ressemblaient pas du tout à ceux qu’ils étaient maintenant. Exception faite de sa belle, évidemment, se dit-elle en se tournant vers Lex.

Elle se concentra un peu sur le millionnaire pendant qu’il discutait avec Lex et tenta de retrouver le nom qu’il portait avant. Elle mit presque une demi-heure à mettre un nom sur le visage qu’elle avait dans son esprit.

- Hercule… souffla-t-elle finalement.

« Un demi-dieu » songea-t-elle éberluée. « Un demi-dieu devenu complètement humain. » Mais elle devait convenir que ce n’était pas n’importe quel humain.

- En tout cas, ça explique qu’il ait pu me porter malgré son petit gabarit, murmura-t-elle en s’appuyant sur ses coudes.

Marcelius et elles discutèrent encore quelques minutes puis elles acceptèrent une balade sur la plage à l’issue de laquelle ils se séparèrent non sans échanger des moyens de contact pour plus tard.

Tia et Lex rentrèrent au bed and breakfast en se tenant par la main.

- J’ai bien envie de l’inviter à notre mariage, fit Lex soudain.

- Notre mariage ? Mais Lex on est déjà mariée !

La petite femme lui jeta un regard noir.

- Tu m’as dit qu’on pourrait se marier autant de fois que j’en aurais envie, menaça-t-elle.

- Oh bon, oui, bien sûr, comme tu veux, fit la grande femme en levant les yeux au ciel.

Lex avait parfois de ces lubies !

- Donc en rentrant je pensais organiser l’anniversaire des jumeaux en même temps que notre mariage, poursuivit sa petite compagne joyeusement.

Tia la dévisagea circonspecte.

- Je ne suis pas certaine que se soit une excellente idée.

- Et pourquoi ça ?

- ben… c’est leur 18ième anniversaire, c’est important. Je n’ai pas très envie qu’on leur vole la vedette. Sans compter qu’ils méritent bien une fête pour eux seuls vu ce qu’ils ont traversé ces dernières semaines.

Lex sembla réfléchir.

- Tu as raison. On célèbrera notre mariage la semaine suivante ! On invitera tous les voisins et nos amis !

« Surtout Enyalios », songea la petite femme en anticipant son grincement de dents avec le sourire.

- Heu, Lex, tu prévois un grand mariage ? L’interrogea anxieusement sa compagne.

- Evidemment, répondit-elle distraitement.

Tia paniqua.

- Mais… heu… Lex, on n’a pas le temps pour ça ! Je veux dire une semaine, c’est cours et en plus on a la fête des jumeaux à s’occuper aussi, ça va pas être possible, là !

Lex balaya l’argument d’un revers de main insouciant.

- Les préparateurs de mariages sont faits pour ça.

- N’empêche une semaine ça me paraît quand même cours, marmonna la grande femme néanmoins grandement soulagée de ne pas avoir à s’en occuper elle-même.

Alexia s’arrêta soudainement et posa les mains sur les hanches.

- Tu n’as pas envie de te marier, c’est ça ?! Demanda-t-elle en colère. Si c’est ça dit-le au lieu de tourner autour du pot !

Tia la fixait stupéfaite.

- Mais... mais non enfin, bafouilla-t-elle lamentablement. Je te rappelle qu’on est déjà mariée. Je pourrais difficilement te prouver plus mon engagement.

- C’est vrai, acquiesça Lex en reprenant son chemin.

Elle attrapa le bras de Tia et s’y blottit.

- Mais j’aimerais un grand mariage Ti. Et… et peut-être que si mon père voit combien c’est sérieux entre nous… peut-être qu’il révisera sa position, expliqua-t-elle plus doucement.

Le cœur de Tia se serra. Lex en parlait rarement, mais Tia savait combien elle était affectée par la défection de son père.

- Un grand mariage ça me semble pas si mal, fit-elle nonchalamment. Du moment que je n’ai pas à m’en occuper…

Lex éclata de rire.

- Comme si j’étais assez folle pour confier l’organisation d’un événement aussi important à une femme qui mange des huîtres et des escargots !!

- Lex..., soupira Tia pour la énième fois. Plein de gens en mangent.

 

Chapitre 3 :

 

Elles retrouvèrent leur chambre comme elles l’avaient laissée et les yeux de la propriétaire disaient clairement qu’elle savait ce que toutes deux avaient fait la nuit et la journée passées.

- Elle se fait des idées, commenta Tia en refermant leur porte.

- Pas tellement, la contredit sa femme.

- Elle croit qu’on a passé tout notre temps, depuis notre départ y’a deux jours, à forniquer.

Lex éclata de rire.

- Qu’est-ce que j’ai dit de drôle ?

- Forniquer… tu me tues chérie…, fit la petite blonde en s’essuyant les yeux. Et puis on l’a presque fait ce matin, alors elle n’a pas totalement tort.

- Ce matin, c’est pas deux jours durant, non plus !

Tia secoua la tête et décida d’arrêter d’alimenter cette conversation absurde.

- Qu’as-tu envie de faire aujourd’hui ? Demanda-t-elle à sa femme.

- Eh bien, je sais que tu voulais trouver la copine de Len, mais j’aimerais d’abord étudier le livre que nous a donné Harry si ça ne t’ennuie pas.

- Du tout, fit la grande femme en sautant sur le lit à ses côtés.

Lex rit quand les rebonds la déséquilibrèrent. Elle s’accrocha à la chemise que Marcelius avait achetée pour Tia et se redressa. Elle allongea ses jambes devant elle à l’image de sa compagne et posa le livre sur ses genoux.

Pendant l’heure qui suivit Lex et Tia lurent en silence. Puis Tia marmonna qu’elle était crevée et s’allongea en priant Lex de lui faire un résumé plus tard.

La petite blonde la regarda faire avec un peu d’inquiétude. Tia n’était jamais fatiguée au milieu de la journée. En fait elle n’était jamais fatiguée du tout. En temps normal il fallait qu’elle l’attire au lit par des procédés retors, qui étaient d’ailleurs loin de lui déplaire, et même là, rien ne garantissait que Tia resterait au lit une fois ses envies satisfaites.

Elle la veilla quelques minutes, s’assurant que sa respiration était calme et profonde et qu’elle était détendue. Elle alla même jusqu'à vérifier l’état mental de sa compagne en examinant leur lien et la flamme de sa compagne.

Les deux étant plutôt normaux, elle conclut que c’était juste un effet résiduel de l’attaque et que Tia récupérait simplement.

Elle se força à retourner à sa lecture.

Les premières pages parlaient uniquement des raisons qui avaient amené à la création d’une telle cérémonie et des bagues allant avec. Elles retraçaient l’histoire des fils du vent en même temps que celle des unions d’âmes.

Elle apprit ainsi que le but de ces cérémonies étaient de permettre aux deux amants qui se liaient ainsi, de se retrouver dans leur mort et dans leurs prochaines vies. Pour cela, les deux amants se devaient d’avoir leur bague au doigt au moment de leur mort. Cela confirmait ce que lui avait dit Gardan.

Suivait ensuite le descriptif de la cérémonie et les effets qu’elle avait sur les deux personnes s’unissant. Enfin, on arrivait aux « effets secondaires »

Elle apprit des choses fort étonnantes qui confirmèrent certains soupçons qu’elle avait eu. Comme le fait de pouvoir se perdre l’une dans l’autre et avoir une expérience sexuelle hautement satisfaisante sans même se toucher autrement que par les yeux.

Mais cela demandait une confiance absolue en l’autre et une très grande connexion naturelle. Seuls quelques couples ayant suivi le rituel de liaison des âmes en étaient capables. Elle jeta un œil à la femme endormie à ses côtés et murmura :

- Une très grande connexion, hein ?

Elle était très fière de voir que leur lien, même parmi les liens spéciaux, était encore plus rare. Après la description des symptômes permettant de reconnaître ce phénomène, appelé : le sexe chez les anges ou encore connexion spirituelle, suivait un avertissement.

Cette connexion était intense, tellement que l’on pouvait ne pas en revenir. Elle était donc à utiliser avec un maximum de précautions. Dans le livre, ils préconisaient de demander à un tiers de les surveiller et de les sortir de leur transe s’il les sentait partir trop loin.

Arrivée à ce stade de sa lecture, Lex baissa le livre et se mit à réfléchir. Elle ne se voyait pas le moins du monde faire l’amour avec sa femme sous les yeux d’une tierce personne. L’image de Linya traversa son esprit. A cette idée, elle rougit d’embarras. Ok, son amie avait des liens particuliers avec elles deux et elle avait presque assisté une fois à leur ébat, ce qui l’avait étrangement émoustillée, mais non… rien à faire… elle se laissait tellement aller lorsque Tia l’amenait sur les hauteurs du plaisir qu’elle ne se voyait vraiment pas montrer un tel visage à sa meilleure amie.

Elle reprit sa lecture dans l’espoir de trouver d’autres précautions moins bizarres à mettre en place.

Elle lut tout attentivement mais rien ne lui parut très utile ou faisable. Finalement elle haussa les épaules et se dit qu’elles en avaient déjà fait l’expérience et qu’elles en étaient revenues sans problème. Alors il n’y avait pas de raison pour que ça ne continue pas.

Venait ensuite une série de conseils sur la façon, les lieux ou les ambiances à mettre en place avant la connexion afin d’en… varier la teneur. Lex réfléchit un moment à ces propos un peu flous puis un sourire fleurit sur ses lèvres et elle relut le passage attentivement.

Il décrivait avec force détails différentes connexions sexuelles. « Un peu comme les différentes positions du Kâma-Sûtra », songea la petite femme en lisant le tout plusieurs fois.

A la fin du livre, elle vit des colonnes de noms et comprit qu’il s’agissait de ceux ayant procédé aux unions des âmes. Plusieurs couleurs étaient utilisées. Le noir, le rouge, le jaune, le blanc et le violet. D’après la légende inscrite en face, le noir était pour les couples morts mais séparés. Le rouge pour les couples morts mais ensemble qui ont choisi de renaître. Le jaune pour les couples vivants. Le blanc pour ceux morts mais qui ont choisi de rester ensemble dans l’au-delà. Et le violet pour les couples s’étant perdus dans la connexion spirituelle.

Lex observa stupéfaite un des couples écrit à l’encre noire changer. D’autres noms apparurent à côté des anciens. Ces nouveaux noms étaient en bleu. Et Lex comprit que ce couple venait de renaître quelque part sur cette terre, mais qu’ils ne s’étaient pas encore trouvés. Les deux noms avaient la même couleur, ce qui signifiait qu’ils avaient eu la chance de naître dans le même espace temps.

En lisant les dernières lignes du livre Lex vit que son nom et celui de Tia y étaient inscrits. Stupéfaite elle vit les noms de leur première existence ensemble : Xena et Gabrielle, suivaient un tas d’autres noms, ceux de leurs existences suivantes et Lex eut la confirmation de ce que la louve avait dit. Les couleurs n’étaient les mêmes qu’a deux reprises. Et d’après la couleur terne du premier elles n’avaient pas eu le temps dans cette existence de réellement se lier.

Le second… le second était maintenant. Et leur lien était symbolisé par un chaud jaune qui scintillait doucement à la lumière du jour.

Elle vit qu’il n’y avait que dix couples liés ainsi et encore en vie de part le monde. Elle chercha et trouva le nom de Gardan. Mais s’il était jaune comme le soleil, ce qui marquait un lien fort et vivant, elle vit qu’il ne scintillait pas comme le sien et celui de Tia.

En fait, exception faite d’elle et Tia, aucun des autres couples liés comme elles, ne scintillait. Lex sourit tout à fait satisfaite de voir à quel point le couple qu’elle formait avec Tia était à part et referma le livre.

Elle s’allongea au côté de l’être avec qui elle était liée depuis des siècles et avec laquelle elle espérait bien rester liée d’autres siècles durant et s’enroula autour d’elle, comme une liane vivante.

Tia bougea un peu pour se caler tranquillement contre sa poitrine puis se rendormit. Lex ne tarda pas à la rejoindre dans ses rêves.

 

**************************************

 

L’après-midi était déjà bien avancé lorsqu’elles sortirent de leur chambre. Elles prirent une collation avec les autres pensionnaires du Bed and Breakfast puis sortirent en prévenant la propriétaire de ne pas les attendre pour le dîner.

- Ah ? Tu m’emmènes au restaurant ce soir ? Interrogea Lex tout excitée à cette perspective.

- Humm, on verra.

Lex leva deux sourcils perplexes devant la réponse évasive. Tia réprima un sourire devant la curiosité qui dévorait son amie. Celle-ci se retenait de poser des questions sachant parfaitement que Tia s’amuserait à ses dépends sans rien lui révéler.

La mercenaire ne comptait pas du tout emmener sa compagne au restaurant. Elle avait eu une idée pendant qu’elle prenait leur collation et avait attendu qu’un de leur voisin n’accapare sa femme pour se précipiter vers la propriétaire et lui demander un service. Celle-ci avait paru enchantée par l’idée de Tia et encore plus heureuse à l’idée d’y participer.

Elle mit ses mains dans ses poches et Lex s’accrocha à son bras. Tia aimait beaucoup ce contact si féminin et pourtant plein d’une élégance surannée.

Elle avait l’impression d’être un gentleman du siècle dernier à lui donner ainsi le bras et elle adorait cette sensation désuète.

Elle échangea un regard avec sa compagne et marchèrent en flânant en direction de la maison où vivait Jenny. Elles n’avaient pas le moins du monde l’intention de frapper à la porte mais de la surveiller.

Tia avait bien suggéré de laisser un simple mot, mais Lex avait décrété que ce n’était pas correct et que la jeune fille méritait au moins une explication en tête-à-tête, avec la possibilité de poser des questions.

Elles se retrouvèrent une heure plus tard devant l’immeuble qui abritait la demeure de Jenny. Tia s’appuyait sur le muret en pierre entourant le parc qui se trouvait en face de l’immeuble. Lex s’installa entre ses bras et profitèrent de leur proximité silencieuse tout en surveillant les allées et venues.

Après à peine quelques minutes d’attente les filles virent Jenny sortir de l’immeuble.

- Eh ben, on a de la chance aujourd’hui, fit Tia en se redressant.

Et juste pour embêter sa compagne elle lança joyeusement :

- Ca ne nous mettra finalement pas en retard pour le dîner.

Lex fit la moue mais ne répliqua rien, ça aurait fait trop plaisir à la grande femme. Elle la suivit alors que Tia allongeait ses enjambées pour rattraper l’adolescente. Jenny parvint au coin de la rue avant qu’elles ne l’aient rattrapée et elles la virent prendre à gauche et disparaître de leur vue.

- On devrait peut-être courir, non ? Lança Lex en ne voyant pas sa compagne accélérer le mouvement.

- Non.

- Ok, répondit-elle un peu perplexe.

Elles parvinrent à leur tour au coin de la rue et s’engouffrèrent dans la ruelle choisie par Jenny et Lex comprit pourquoi Tia n’avait pas jugé bon d’accélérer. C’était une impasse. Un bar et deux boutiques se trouvaient là. L’une était une librairie et l’autre une laverie automatique.

Sans hésiter Tia entra dans la librairie. Lex l’attendit dehors pour le cas où et Tia ressortit quelques minutes plus tard en compagnie de l’adolescente qui dévisageait sa compagne la bouche grand ouverte.

Lex réprima un ricanement. Tia faisait souvent cette impression aux gens. Sans un mot la grande femme les emmena dans le bar en face et les poussa dans un box à l’écart. Elles attendirent le serveur en silence et commandèrent deux bières et un diabolo menthe.

Lorsque ce fut fait, Jenny dévisagea l’intimidante mère de son premier amour et tenta de deviner ce que cette femme lui voulait.

« Peut-être venait-elle lui donner des nouvelles de Len ? », songea-t-elle avec espoir avant de s’assombrir en se disant que si Len devait envoyer sa mère pour lui parler ce ne devait pas être pour de bonnes nouvelles.

Elle déglutit un peu anxieuse sans pouvoir s’empêcher de regarder aux alentours, des fois que Len s’y trouvait…

Mais bien sûr il n’était pas là. Même si elle s’en doutait, la déception fut intense. Il lui manquait. Elle ne comprenait pas pourquoi il était parti sans rien lui dire. Puis elle leva les yeux sur la grande femme. Peut-être était-ce de sa faute ? Oui, sûrement. Après tout, la fois où elle les avait surpris ensemble, elle était loin d’avoir l’air d’approuver.

Elle était donc sûrement là pour lui dire de ne plus approcher son fils. « Mais si elle croyait qu’elle pourrait l’en dissuader elle rêvait ! », songea-t-elle en redressant les épaules et en levant son menton dans un geste décidé, plein de défis.

Celui-ci n’échappa pas à la grande femme et le sourire moqueur qu’elle reçut en retour la fit frémir. Autant de colère pour ne pas être prise au sérieux, que de frayeur, cette femme était réellement impressionnante. Elle dégageait une aura sombre et avait une présence très forte.

Enfin le serveur arriva et déposa leurs commandes brisant la tension ambiante qui commençait à lui mettre les nerfs à fleur de peau.

Sitôt son diabolo devant elle, Jenny s’empressa de boire une gorgée, espérant ainsi dénouer sa gorge un peu crispée.

- Bon, fit-elle courageusement en reposant son verre, qu’est-ce que vous me voulez ?

Tia la vit prendre son courage à deux mains avant de poser cette question, mais elle apprécia que la jeune fille la regarde dans les yeux. Son regard était clair, ferme et déterminé. La mercenaire s’autorisa un nouveau sourire appréciateur. Son fils avait décidément bon goût.

- Te présenter nos excuses, fit-elle doucement.

La jeune fille sursauta comme si on l’avait giflée et Tia réprima un rire moqueur.

- Je... heu… vraiment ?

- Vraiment, confirma Lex. Pour des raisons personnelles nous avons dû nous absenter précipitamment. Mais Len regrettait tellement de ne pas avoir pu te dire au revoir que nous avons finalement décidées de passer te voir une fois les choses plus calme de notre côté.

- Il l’aurait bien fait lui-même, ajouta Tia, mais il n’est pas ici. En fait il ne sait même pas que nous sommes venues te voir.

- Oh.

Jenny digéra la nouvelle puis leva un regard plein d’espoir sur les deux femmes.

- Est-ce que ça veut dire que je vais pouvoir l’appeler ?

Les deux femmes échangèrent un regard rapide.

- Pourquoi pas ? Lança Tia tranquillement. Je suis sûre que cela lui fera plaisir.

- Et le revoir ? Demanda-t-elle encore.

Tia retint une grimace. « Partages Tia, apprends à partager ». Elle avait parfaitement conscience de ne pas aimer voir quelqu’un, un autre ado surtout, s’approcher de ses enfants, mais Lex lui avait suffisamment fait la leçon quand le petit crétin dénommé David avait fait la cour à leur fille.

- Si tu veux, répondit-elle en haussant les épaules. Ceci dit…

- Oui ?

Jenny pressentait un ennui et elle ne fut pas déçue.

- Nous habitons au Canada.

L’adolescente s’affaissa sur son siège. Son père n’aurait jamais assez d’argent pour lui payer un billet d’avion. Surtout s’il s’agissait d’aller rendre visite à un garçon ! Dont elle était amoureuse en plus !

Elle soupira et Tia prit pitié devant son air misérable.

- On va fêter son anniversaire, ses 18 ans, précisa-t-elle, à la fin de la semaine. Je pense qu’il serait vraiment ravi de t’y voir, alors… si tu n’as rien de mieux à faire, on peut rentrer avec toi.

Les yeux brillants de joie et d’espoir, la jeune fille demanda timidement :

- Mais le billet…

- Payer, s’empressa de répondre Tia. Pas de souci. Se sera considéré comme son cadeau d’anniversaire.

- V… vraiment ? S’exclama la jeune fille en se levant soudainement. Vous êtes sure ?

Tia hocha la tête et l’adolescente lui sauta au cou. Tia se figea et son expression fut digne d’un lapin prit dans les phares d’une voiture. Lex détourna les yeux de peur de se faire couper la langue si Tia la surprenait à rire.

La grande femme parvint à se dégager maladroitement et dit en se levant :

- Bon, ben puisque c’est ok, on va aller voir ton père pour obtenir son autorisation, ok ?

L’expression de Jenny s’assombrit quelque peu, elle connaissait bien son père et obtenir cette autorisation n’allait pas être une chose facile.

 

******************************

 

Tout au long de la négociation, et on ne pouvait décemment pas qualifier le débat qui avait opposé le père de Jenny aux deux femmes autrement, Tia resta muette et en retrait, laissant sa petite compagne gérer la chose comme à leur habitude.

Dès le départ, et à la surprise générale, Lex mena la discussion, prenant tout de suite l’ascendant sur le commissaire pourtant habitué à ce genre de méthode. Elle dirigea le débat avec son efficacité habituelle, mettant en évidence les points forts et atténuant les points négatifs du voyage.

Au début le commissaire fut rétif. Il ne les connaissait ni d’Eve, ni d’Adam et n’avait jamais entendu parler de Len. Mais Lex opéra son tour de magie et Jonathan se retrouva rapidement sous son charme.

Lex savait manipuler les mots autant que certaines parties de son corps et après une demi-heure d’une âpre discussion, elle repartit avec un accord. Jenny pouvait venir. Mais lui, l’accompagnait. Les deux femmes avaient proposé de payer son billet d’avion mais il avait refusé d’un air pincé.

Il avait déjà eu bien du mal à accepter de les laisser payer celui de sa fille.

- Voilà une romance qui va nous coûter cher, lança Tia en mettant le pied dehors.

- Mais ça en vaut la peine.

Tia fit la moue. Elle n’en était pas convaincue. Lex rit en lui prenant le bras.

- Tia, la gronda-t-elle doucement, lâche lui la bride…

La grande femme marmonna dans sa barbe.

- Qu’est-ce que tu as dit, mon cœur ? S’enquit Lex malicieuse.

- Rien, répondit Tia bougonne en la fusillant du regard.

Lex sourit puis laissa son regard errer sur la foule qui se pressait alors que la nuit commençait à tomber.

- Alors ?

- Alors ? Répéta Tia.

- Que fait-on ? Où m’emmènes-tu manger ?

Instantanément, la mercenaire retrouva son sourire et accéléra le pas.

- C’est une surprise, fit-elle.

- Oh ? Sans blague, rétorqua la petite blonde. Je ne l’aurais jamais deviné ! Fit-elle faussement naïve.

Tia rit et lui fit retraverser le centre ville. Comme elles prenaient leur temps malgré l’impatience de Lex, elles n’en sortirent que lorsque la nuit fut complète. Tia hocha la tête satisfaite.

- Parfait, murmura-t-elle.

Sur ce elle l’entraîna en direction de la plage. Un coin éloigné et désert que les habitants de l’île ne fréquentaient pas à cause de son isolement et la petitesse de sa langue de sable. Pourtant le lieu était magnifique.

Et lorsque la grande femme mena sa compagne juste au bord, le décor en était sublimé. La lune éclairait d’une lueur argentée l’eau et les bougies allumées et disposées un peu partout rendaient le lieu juste féerique.

Lex lâcha le bras de sa compagne et s’avança émerveillée. Une couverture avait été disposée au centre et des mets au fumet délicieux la recouvraient. D’autres bougies encadraient une couverture à l’aspect moelleux à côté.

Enfin une douce musique s’échappait d’un poste posé sur les rochers au loin. Mais lorsque Tia s’avança sur la langue de sable, elle l’éteignit et se tournant vers la mer, huma son parfum iodé.

- C’est mieux au naturel, fit-elle en se tournant vers sa femme avec un sourire heureux et serein.

Lex la trouva plus belle que jamais, les cheveux volant au vent et le regard brillant de bonheur devant sa joie. Elle grava soigneusement l’image au fond d’elle. C’était un de ses moments magiques et parfaits qui n’arrivait jamais et que l’on aurait voulu vivre éternellement.

Elles retirèrent leurs chaussures et s’installèrent sur la couverture mise à cet effet. Tia allongée sur le dos et Lex dans les bras. Tia fixait les étoiles parfaitement heureuse et souhaitant plus que tout que ses parents la voient en cet instant et partagent son bonheur, même juste un peu. Lex fixant les vagues et se baignant dans la douceur de l’instant, consciente qu’en cet instant, elle était probablement la personne la plus heureuse sur terre.

Une ombre tomba soudain sur elle et leur cacha la lune. Tia détourna son regard des étoiles et sourit en reconnaissant leur visiteur.

- Enfin, t’en as mis du temps Enrick.

Chapitre 4 :

 

Lex se redressa vivement mais Tia mit sa main dans son dos et la retint avec fermeté.

- Tu restes ici mon cœur, murmura-t-elle à son oreille avant de relâcher la pression dans son dos.

Lex hésita mais fit ce que lui demandait sa compagne même si elle trouvait ça dangereux. Mais bon, Enrick s’était montré alors qu’il aurait pu les tuer de loin, ça devait être bon signe. Elle changea néanmoins de position afin de l’avoir dans son champ de vision puis se cala contre sa compagne.

Celle-ci croisa ses mains sur son ventre envoyant de délicieux frissons le long de son épiderme alors qu’elle la caressait du bout du pouce dans un geste inconscient.

- Tu as l’intention de nous fixer en hauteur (pendant) encore longtemps ? Interrogea la grande femme avec un sourire moqueur.

Lex le vit se raidir puis se détendre et enfin s’asseoir en tailleur à leurs côtés. Elle écarquilla légèrement les yeux à la vue de ce visage si parfait. « Dieu il est magnifique ! » songea-t-elle stupéfaite.

Puis l’image de Tia surgit et elle les mit côte à côte dans son esprit. Ils formaient un des couples les plus glamour qui soit… un peu comme Brangelina. Ecœurée, elle le fusilla du regard sans qu’il ne comprenne pourquoi.

Il se tourna vers la mercenaire et déclara :

- Avant que tu ne commences à dire quoi que se soit, sache que j’ai une otage.

Tia se raidit et plissa les yeux.

- Explique.

Enrick leva la main où une petite télécommande était nichée.

- J’ai enfermé une passante dans une cave sur cette île. Bien entendu elle a de la compagnie. Une bombe de ma fabrication, ce qui bien entendu veut dire qu’elle ne suit aucun schéma de construction connu.

- Autrement dit, toi seul peut la désamorcer.

- Exact, confirma joyeusement le tueur à gage.

Une fois encore, Lex le trouva incroyablement proche de sa compagne. Pas seulement pour sa perfection physique, mais aussi par son efficacité et son professionnalisme. Elle retrouvait aussi en lui l’étincelle de malice de sa compagne.

Bon sang, elle avait l’impression de voir ce qu’aurait-été Tia si elle avait été un homme ! C’était extrêmement déstabilisant. Elle se força à stopper son examen et à revenir à la conversation.

-… pas de regret de m’avoir laissé en plan ? Disait-il à sa femme avec un sourire charmeur.

Lex plissa les yeux. Ne voyait-il pas qu’elle était dans ses bras ?! Ne comprenait-il pas ce que ça signifiait ou était-il de ces personnes pour qui ça ne comptait pas ?!

Ce qui l’agaçait le plus, c’est que Tia n’avait pas l’air choqué par sa drague intempestive. Lex soupçonnait qu’avant de la connaître Tia avait dû elle aussi pratiquer ce genre de méthode peu respectueuse. Et son énervement grimpa encore d’un cran.

Enrick se pencha soudain vers les lèvres de sa compagne et dans un réflexe incontrôlable Lex se redressa, leva la main et envoya son poing dans la figure du malotru.

Sa tête partit en arrière et la seconde suivante Lex se figea. « Oh merde ! » songea-t-elle ennuyée de n’avoir pu se retenir avant la fin de la négociation. Là, ça risquait de tout compliquer.

Tia éclata de rire alors qu’Enrick dévisageait la petite femme avec surprise tout en tenant son nez douloureux. Lorsque Tia repris son souffle, elle vit Lex fixer, la mine sombre, leur interlocuteur qui lui, jetait de fréquents coups d’œil méfiant à sa compagne.

Elle dut se mordre la lèvre pour ne pas repartir dans un fou rire. Elle se redressa et se mit entre eux.

- Enrick, je te présente Lex. Ma femme.

Il fit la grimace, baissa les yeux puis haussa les épaules. Il s’en était bien douté, mais comme à son habitude il avait zappé ce qui ne l’intéressait pas pour se concentrer sur l’objet de son désir.

Il étudia la petite femme et son air féroce lui donna une toute autre idée de la compagne de sa cible. Elle était bien plus sexy que ce qu’il avait d’abord cru. Et puis ce coup de poing ! Quelle force dans un si petit corps !

Il s’essuya le nez et lui fit un grand sourire joyeux. Elle plissa un peu plus les yeux en faisant un mouvement de recul et son évidente méfiance le ravi !

Il jeta un œil à Enyo et le sourire amusé de celle-ci lui confirma qu’il ne craignait rien. Avec un peu de chance il pourrait dégoter une partie à trois !

Tia réprima un ricanement en voyant le regard lubrique de leur interlocuteur. Ses intentions étaient transparentes ! « S’il savait le pauvre homme ! » songea-t-elle amusée, s’il savait combien Lex lui arracherait les yeux avec plaisir, il stopperait tout de suite son manège.

- Bon, fit la grande femme en attirant l’attention sur elle. Si on passait à l’étape suivante ? Parce que je ne sais pas si tu as remarqué Enrick mais tu interromps un dîner romantique là et j’ai hâte de pouvoir profiter du reste de ma soirée donc vas droit au but s’il te plaît.

- C’est pas toi qui voulais me voir ? Sourit-il

- Aniock est mort, déclara la mercenaire avec un délicieux sourire.

Enrick était à peine surpris. Cette femme méritait sa réputation, pas de doute là dessus.

- Ton contrat est donc caduc.

Le tueur se permit un sourire en coin.

- Ca tu vois c’est moi qui en décide. Et il se trouve que mon employeur m’a payé la totalité du contrat. En conséquence, mort ou vif cela me laisse froid. Le contrat est maintenu. Il en va de ma réputation. Je suis sûr que tu comprends ça.

- En effet.

- Donc si tu le veux bien, on va sauter les étapes de négociation et passer directement aux menaces.

Ces paroles amenèrent un grand sourire sur les lèvres de Tia. Ils étaient exactement sur la même longueur d’onde.

- Je t’en prie, fit-elle très détendue.

- Tu me donnes Frédéric ou je fais sauter ma petite bombe et la pauvre femme qui se trouve avec. Et l’immeuble sous lequel elle se trouve aussi, ajouta-t-il nonchalamment. Et tous ceux qui y habitent.

Tia eut un petit sourire en coin et leva un sourcil impressionné. Il était coriace le bougre.

- Qu’en penses-tu ?

- Je dis non.

- Ho ?

Là, Enrick devait s’avouer que ce n’était pas ce à quoi il s’était attendu. Il avait pensé qu’au moins elle aurait hésité. Il la dévisagea perplexe et curieux de savoir ce qu’elle préparait.

- C’est mon tour pour les menaces ? Demanda-t-elle gentiment.

Il hocha la tête et l’écouta attentivement. Lex suivait l’échange en ayant l’impression d’avoir plongé dans un monde parallèle. « Jamais vu de menaces aussi civilisées ni détendues », se dit-elle incrédule.

- Alors voilà, fit la mercenaire en déposant une clé USB sur la couverture devant Enrick.

Celui-ci la prit et fronça les sourcils. Il leva un sourcil interrogateur et la dévisagea.

- Va voir. Nous on ne bouge pas d’ici ! Déclara Tia souriante.

Enrick hésita puis hocha la tête, ferma le poing sur la clé et se leva. Il épousseta son pantalon et la fixa :

- J’en ai pour une demi-heure tout au plus.

Tia haussa les épaules et passa une main caressante sur l’épaule de sa compagne sans quitter Enrick des yeux.

- Prends tout ton temps, dit-elle d’une voix séductrice.

Lex se surprit à réagir à la voix de sa compagne et son bas ventre se contracta. Elle se traita de tous les noms. Comment pouvait-elle penser au sexe dans une situation pareille ?!

Enrick les fixa toutes les deux avec un indéniable désir dans les yeux.

- Je fais vite, fit-il avant de tourner les talons et de partir rapidement.

Tia se tourna vers Lex en riant.

- Les hommes sont si faciles à exciter !

Puis elle vit le regard de Lex et dut réviser son jugement.

- Ok, y’a pas que les hommes, se moqua-t-elle.

Lex lui sauta dessus et Tia tomba à la renverse en riant. Puis la bouche de Lex captura la sienne et une langue agile s’introduisit entre ses lèvres. Tia profita des bonnes dispositions de sa femme pour laisser ses mains se balader sur le corps palpitant au-dessus d’elle.

Elle remonta et retira le t-shirt de Lex puis dégrafa son soutien-gorge et le jeta au loin. Elle enfouit son visage entre ses seins et soupira.

Lex se sentit trembler (et le souffle de Tia sur son nombril inonda son entrejambe.) La tension et la jalousie nées à l’arrivée d’Enrick se trouvèrent libérées au contact des mains, de la langue et du souffle de sa femme.

L’ambiance romantique, la brise qui rendait sa peau encore plus sensible, sa jalousie… tout ceci avait mené son excitation au maximum. Elle haletait et n’en pouvant plus, se releva et se débarrassa de ce qui lui restait comme vêtements.

Tia suivit son exemple plus lentement, se repaissant de la vue excitante de sa femme nue debout au clair de lune. Lorsque enfin Tia retira ses vêtements, Lex la repoussa sur la couverture et murmura :

- Laisse-moi faire.

Tia acquiesça et se laissa dominer avec délectation. Lex passa son corps en revue avec fièvre et Tia se tordit en gémissant. Le souffle court et le corps tendu à craquer, Tia supplia sa femme :

- Lex… Lex… je t’en prie…

(La jeune femme était aussi excitée que sa compagne et elle ne se fit pas prier. Repoussant les jambes de Tia elle se mordit la bouche en écartant les lèvres de sa vulve. La chaleur et l’humidité qui s’en dégageait l’exaltait.

Une fois que se fut fait, elle ouvrit son propre sexe et le colla avec douceur sur celui de sa compagne. La sensation que cela provoqua en elles fut exquise et elles gémirent ensemble.

Appuyée sur ses avant-bras, Lex commença ses mouvements de va-et-vient et le frottement sur leurs clitoris respectif augmenta les pulsations dans leur sang. Les frottements s’accélérèrent rapidement et les halètements se firent plus lourds.

- Lex… je… j’ai envie…)

Tia rejeta sa tête en arrière et gémit. Puis empoigna sa compagne et la fit basculer sur le dos en même temps qu’elle s’asseyait sur son ventre. (Elle bloqua les mains de Lex le temps que toutes deux reprennent leur souffle puis elle se pencha sur les seins de Lex et les prit dans sa bouche.

Lorsqu’ils furent tendus au point d’être ultra sensibles et de réagir à un simple frôlement, Tia passa sa main dans son dos et toucha l’entrejambe de Lex sans quitter les yeux verts de vue. Ils luttèrent pour ne pas se fermer et Tia se délecta de l’expression floue de sa compagne alors qu’elle introduisait lentement ses doigts en elle.

Lex leva les deux mains et caressa les seins de sa femme. Elle se souleva légèrement et embrassa le ventre ferme avant de retomber en arrière vaincue par les assauts des doigts durs. Tout en agitant les hanches, Lex glissa une de ses mains entre elles et trouva le clitoris très tendu de Tia.

Lex commença à s’en occuper tout en caressant les fesses et les hanches de sa compagne de sa main libre.

Tia accompagnait le mouvement de hanches de Lex qui se précipitait à la rencontre de ses doigts en se soulevant, à chaque va-et-vient, légèrement.

Lorsque Lex agrippa la couverture en se cambrant et en criant son extase, Tia s’enfonça aussi loin que possible puis se retira rapidement et embrassa sa femme pour recueillir ses derniers moments de plaisirs.

Elle s’allongea sur elle et écartant les jambes de Lex, elle colla son sexe au sien et se frotta frénétiquement à elle, terminant l’acte commencé par Lex.)

Alors que les vagues de plaisirs montaient de plus en plus, Tia sentit deux mains attraper ses fesses et accompagner ses mouvements avec force. Pantelante Tia plongea son regard sombre dans celui de Lex et celle-ci la fixa intensément, voulant graver l’image de sa femme dans la jouissance.

Tia se mordit la lèvre pour s’empêcher de crier lorsque la jouissance explosa dans ses reins. Et elle ferma les yeux, ce que Lex trouva adorable.

Tia posa ensuite sa tête sur la poitrine de sa compagne et reprit sa respiration pendant que Lex caressait ses cheveux. Tia adorait cette sensation, elle avait alors l’impression d’être en sécurité et protégée.

Il n’y avait jamais eu que Lex pour lui donner ce sentiment.

Sous les gestes apaisants et réguliers, Tia finit par s’assoupir et Lex ne fit rien pour l’en empêcher. Elle n’avait pas oublié qu’Enrick allait revenir et elle avait bien l’intention de faire passer et même graver au burin s’il le fallait dans l’esprit de cet homme que Tia était à elle.

Elle attrapa un bout de la couverture et en recouvrit les fesses de sa compagne, pas la peine de distraire le pauvre homme.

Elle continua sa caresse et observa les étoiles. Malgré l’ingérence du tueur à gage, la soirée était parfaite et une fois encore Tia avait fait preuve d’un grand romantisme.

Elle embrassa ses cheveux.

- Ma guerrière romantique…

Elle était si fleur bleue… mais… et ça Lex l’adorait, Tia ne l’était qu’avec elle. Elle sourit aux étoiles et remercia les habitants des cieux d’avoir mis sur sa route une personne aussi parfaite pour elle.

Une soirée parfaite qui concluait une journée parfaite… Elle avait hâte d’essayer avec Tia les différentes connexions que le livre des unions d’âmes avait décrites.

Elle entendit Enrick arriver et sourit sans bouger. Il se planta, comme un peu plus tôt, au-dessus d’elles, projetant son ombre.

- Vous ne vous êtes pas ennuyées à ce que je vois.

- Pas vraiment, non, répondit Lex en caressant le dos nu de sa compagne.

La petite femme sentit l’air s’alourdir et Enrick s’accroupit à ses côtés d’un mouvement d’une rare fluidité, très gracieux. Il darda un regard tendu sur elle, mélange de désir et de colère.

- Un problème ? Ne put-elle s’empêcher de le provoquer. La clé peut-être ?

Enrick plissa des yeux agacés et Lex sourit, le défiant du regard. Ils se jaugèrent un moment puis Enrick secoua la tête et lui fit un grand sourire joyeux.

- Je crois que je vais adorer travailler avec vous, fit-il en lui jetant la clé.

Il se releva et Lex le dévisagea surprise. De quoi parlait-il ?

- Dites à votre femme que je suis d’accord, fit-il en s’éloignant à grands pas. Surtout si j’ai droit à ce genre de spectacle à chacune de nos rencontres ! Ajouta-t-il en riant.

Lex fit la grimace. Autant pour la leçon ! Après un autre moment de paix, Lex sentit son ventre réclamer son dû et elle secoua doucement sa compagne.

- Chérie ?

La mercenaire grogna mais ne se réveilla pas.

- Tia, mon cœur ? S’il te plaît… J’ai faim mon ange, j’aimerais…

- Faim… ? Répéta la grande femme en ouvrant des yeux gourmands. Moi aussi, ajouta-t-elle avant d’embrasser le creux de son cou ce qui déclencha une agréable sensation de chaleur au creux de ses reins.

Lex réprima un sourire. Tia se réveillait toujours si elle voyait une possibilité de sexe.

- Non, Ti, soupira Lex en la repoussant à contrecœur. J’ai faim. De nourriture, expliqua-t-elle devant son air perplexe.

- Oh, oui, bien sûr, marmonna-t-elle d’un air déçu absolument adorable.

Lex fondit. Elle embrassa sa femme d’abord doucement puis de plus en plus intensément. Enfin elle murmura :

- On peut remettre ça à plus tard, ok ?

- Ok, accepta la grande femme, charmée par son baiser.

Elles se levèrent et remirent leurs vêtements.

- D’autant qu’Enrick ne devrait plus tarder.

- Euh… chérie ?

- Hmm ?

Tia s’assit près des plats gentiment préparés par la propriétaire du Bed and Breakfast et piocha une crevette qu’elle trempa dans une sauce faite maison.

- Hmmm, délicieux.

- Je… eh bien, Enrick est déjà passé en fait.

Tia stoppa son mouvement et la fixa.

- Pourquoi ne m’as-tu pas réveillée ?

Lex fit la grimace et éluda la question.

- Il nous à rendu la clé et a dit qu’il acceptait ta proposition. Mais de quoi parlait-il ?

Tia la scruta un moment puis décida que ce n’était pas si grave que Lex ne l’ait pas réveillée.

- Je lui ai montré les preuves que j’ai réunies concernant son identité. Et en échange de mon silence je lui ai proposé une collaboration.

- Et c’est tout ? Je ne comprends pas Tia, on ne devait pas le convaincre de renoncer au contrat ?

- C’est le cas, expliqua-t-elle. Dans le monde des tueurs à gage un accord comme le nôtre équivaut à une association. Et on ne tue pas, on ne contrarie pas et on ne double pas ses associés. Au contraire même. On les aide lorsqu’il y a un problème.

- Vraiment. C’est… étrange, non ? Je veux dire son job c’est de tuer contre de l’argent et… ce que tu décris… c’est un engagement. Cela demande une telle loyauté !

- Justement. De part la spécificité de leur travail, ils ont besoin d’avoir une personne sur qui compter en cas de besoin. Une personne dont ils n’auront pas à se méfier. Cette personne est choisie très soigneusement et il n’y en a pas d’autres. Comme tout le monde, ils ont besoin d’un soutien, mais ne peuvent se permettre de faire confiance à trop de personnes. En conséquence ils en choisissent une et mettent toute leur loyauté en elle.

- Eh ben, je ne m’en serais jamais douté…

- Peu de gens sont au courant et on devine pourquoi. Je me suis assurée qu’Enrick n’avait personne avant de me proposer et voilà.

- Et voilà, répéta la petite femme. Tu veux dire, comprit-elle soudain, que tu as une relation spéciale avec lui ? Toi toute seule ? Avec lui ?

Tia sentit la tension s’installer et entreprit de la désamorcer immédiatement.

- Je ne lui ai pas proposé de travailler avec moi, Lex, mais avec nous.

- Mais… tu viens de dire qu’il n’investissait que dans une relation.

- En effet, mais toi et moi ne formons qu’une personne et de toute façon je ne lui ai pas laissé le choix. C’était nous deux ou rien.

- Oh.

Lex se sentit un peu honteuse mais aussi très soulagée de sa réponse. Ensuite vint la joie. Elles ne formaient qu’une…

- Et comme tu l’as constaté, il a accepté.

- Oui. Et il en semblait plutôt content je dois dire.

Le coin des lèvres de Tia s’étira en un sourire amusé.

- Ca je devine aisément pourquoi…

- Hum ?

- Il est plus que beaucoup porté sur le sexe et il s’imagine probablement pouvoir nous convaincre de faire une partie à trois un de ces quatre.

Lex eut l’air choqué et Tia se mit à rire.

- On dirait que tu n’as jamais entendu parler de ça ! Se moqua-t-elle. Je te rappelle que je propose régulièrement à Lin de nous rejoindre !

- Mais… c’est pas pareil…, protesta la petite femme.

- Ah oui ? Tu préfères coucher avec Lin ?

- Tia ! J’ai pas envie de coucher avec Lin !!

La mercenaire éclata de rire. Sa femme était si facile à faire tourner en bourrique !

 

Chapitre 5 :

 

Elles ne retournèrent dans leur chambre que tard dans la nuit, après avoir largement profité des plats et de la pleine lune. Elles s’étaient même baignées, pour un bain de minuit qui avait vite dégénéré.

Lex et Tia rentrèrent lentement, profitant des rues vides et silencieuses, en se tenant la main comme deux collégiennes qui viennent juste de se découvrir. Elles se lançaient de temps à autre des regards malicieux et tendres puis se souriaient comme deux idiotes et détournaient le regard.

Elles firent plusieurs détours histoire de prolonger leur promenade et ne parvinrent à destination que bien après 3h du matin.

Elles entrèrent sans faire de bruit dans l’auberge et montèrent les escaliers jusqu'à leur chambre comme deux parfaites cambrioleuses. Tia ouvrit la porte et laissa délibérément sa femme entrer en première.

Elle s’appuya au chambranle et observa sa compagne alors qu’elle découvrait la pièce. Ce fut d’abord de la surprise, qui se changea rapidement en stupéfaction ce qui fit rire Tia, puis l’émerveillement succéda bientôt à l’étonnement et Lex déambula dans la pièce, complètement envoûtée par l’attention et la beauté enivrante du décor.

Tia avait fait disposer dans toute la chambre un mélange de rose rouge, blanche et jaune ainsi que des marguerites, des boutons d’or et des pâquerettes.

- Des pâquerettes, murmura la petite femme en en prenant une, les larmes aux yeux.

Elle fit le tour de la pièce sans parvenir à retenir ses larmes. Fleurs et bougies parfumées embaumaient toute la pièce et le lit avait de nouveaux draps. En satin or.

Lex y passa la main. Doux comme des plumes d’oies. Elle s’assit doucement au bord du lit et fixa sa femme, la pâquerette toujours dans la main.

- En quel honneur ? Demanda-t-elle émue.

Tia entra enfin dans la chambre et referma la porte avant d’avancer vers sa petite compagne. Elle hausa les épaules.

- Sans raison particulière. Parce que je t’aime et que je suis heureuse que tu aies bien voulu m’épouser. Parce qu’enfin j’ai le temps de te prouver combien je tiens à toi puisqu’on a plus à courir. Sans raison réelle. C’est juste… que je t’aime.

 Lex se mordit la lèvre, refoulant les larmes qui roulaient sur ses joues depuis déjà cinq bonnes minutes. Tia ouvrit un des tiroirs de la table de nuit et en sortie un paquet enveloppé dans du papier cadeau.

Lex ouvrit de grand yeux surpris.

- Oh bon sang Ti, et après se sera quoi ? Dit-elle la voix tremblante.

La mercenaire se contenta de sourire et s’assit en face d’elle en lui tendant le paquet.

- Ouvre donc au lieu de le regarder comme s’il allait exploser.

Lex acquiesça et prit le paquet entre ses mains, mais ne l’ouvrit pas. Elle le fixa quelques minutes, indécise.

- Lex, l’interpella Tia inquiète, ça va ? Tu… tu n’es pas contente ?

Lex releva vivement la tête.

- Pas contente ? Pas contente ? Tia comment peux-tu poser cette question ?!

Incertaine, Tia la dévisagea essayant de lire sur son visage.

- C’est merveilleux ! S’écria la petite femme éperdument. Et ça l’est tellement et sans raison et… je n’arrive juste pas à le croire, ok ? C’est si… si…. Oh mon dieu Tia ! Fit-elle en s’effondrant en pleurs sur ses genoux.

La grande femme était stupéfaite. Ce n’était pas du tout la réaction attendue. Elle avait peur d’avoir commis une bourde. Elle se pencha vers sa compagne et l’entoura de ses bras puis elle se balança d’avant en arrière en la serrant contre elle, sans rien dire.

Lorsque les larmes de Lex se tarirent, Tia fit des cercles apaisants dans son dos et sa petite compagne finit par retrouver une respiration plus normale. Elle resta quelques minutes ainsi puis s’arracha à l’étreinte chaude et rassurante et soupira en s’essuyant les yeux.

- Excuse-moi, murmura-t-elle.

- T’excuser de quoi ? Demanda Tia en attrapant une larme solitaire sur son index. Lex si j’ai fait quelque chose de travers c’est moi qui m’excuse.

Lex secoua vigoureusement la tête.

- Non, non, Ti ! Tu n’as rien fait de mal ! Au contraire ! Tout est si beau, si… inattendu. Il n’y a aucune raison à tout ça ! Je veux dire pas d’anniversaire ou… autre chose qui expliquerait une soirée aussi parfaite ! Et ça m’a fait réaliser combien tu m’aimes et ça m’a fait ressentir combien je t’aime et ça a… juste débordé… je suis désolée… J’adore ta surprise et c’est vraiment peu dire ! S’exclama la petite blonde en prenant le visage de son amante en coupe.

- Tu es sûre ?

- Certaine.

Le visage de Tia se détendit presque aussitôt et un nouveau sourire fleurta avec ses lèvres.

- Alors… tu veux ouvrir ton cadeau ?

- Et comment ! Répondit la petite blonde en riant.

Lex prit le paquet et s’apprêtait à le déchirer lorsqu’elle s’arrêta. Elle releva la tête dévisage sa femme et dit :

- Merci.

Tia lui sourit tendrement.

- De rien.

Elles se regardèrent un long moment, l’amour se mélangeant à l’air entre elles, le rendant presque palpable, puis Tia rompit le silence et dit doucement :

- Allez ouvre-le. J’ai hâte de voir ta réaction.

Lex sourit et revint à son cadeau. Elle déchira le papier cadeau sans remords et découvrit une boîte en bois ouvragée. Ancienne et très finement travaillée, elle semblait porteuse de secrets anciens et de messages intimes.

Lex se mordit la lèvre et leva les yeux sur sa compagne qui guettait sa réaction.

- Comment… ?

Lex ne put poursuivre, sa voix s’enrouant, mais Tia comprit la question informulée.

- Comment j’ai su ?

Lex hocha la tête et Tia rit.

- Sans vouloir t’offenser, tu n’es pas très discrète quand tu repères un objet qui te plaît.

Lex se racla la gorge.

- Tu es retournée seule au magasin de Harry. Quand ? J’étais avec toi tout le temps !

Tia sourit.

- Comme pour le reste. J’ai demandé son aide à la propriétaire de l’auberge.

Lex la dévisagea et Tia expliqua :

- Elle a un esprit aussi fleur bleue que le tien alors ça n’a pas été très difficile de la convaincre. Elle était même flattée que je lui demande et tout émoustillée à l’idée de participer à une telle chose.

La petite femme acquiesça.

- Mais ouvre donc cette boîte.

Lex fronça les sourcils.

- Parce qu’il y a quelque chose dedans ?

La grande femme ricana.

- C’est tout toi ça ! Tu as vu la boîte, elle t’a plu mais tu n’as pas cherché à l’ouvrir.

- Harry m’aurait zigouillée si j’avais eu le malheur de toucher à un de ses précieux objets, marmonna Lex un peu vexée.

Lex dégagea complètement la boîte de son emballage et la leva pour l’observer à la lumière de la lampe. Elle la tourna et la retourna et sourit.

- Regarde, fit-elle à son amie émerveillée, elle est… si belle, si… magique… on sent qu’elle à une histoire… et qu’elle recèle des tas de secrets.

Tia sourit. Lex revint à la boîte. Elle l’avait repérée la dernière fois où elles étaient allées dans la boutique de Harry. Elle avait cru être discrète pourtant. Mais apparemment ça n’avait pas été le cas.

La boîte, rectangulaire l’avait tout de suite fascinée. Elle était en bois fin et les ornements étaient si travaillés, si minutieux qu’elle en avait été époustouflée dans la seconde. La boîte dégageait une aura de mystère et d’ancienneté qui l’attirait irrésistiblement.

Lex tendit une main respectueuse vers la boîte et la caressa lentement avant de se de décider enfin à l’ouvrir.

Aussitôt des notes retentirent et une splendide mélodie envahit la pièce. Lex resta un instant bouche bée puis releva la tête et posa des yeux enchantés sur sa compagne. Tia lui sourit et elles écoutèrent la superbe mélodie sans se quitter des yeux.

Lorsque les dernières notes s’égrenèrent, Lex baissa les yeux sur la boîte et referma le couvercle lentement.

- Je… c’est superbe. Merci.

Lex secoua la tête.

- Les mots sont trop faibles pour exprimer ce que je ressens en cet instant et j’en suis désolée car tout ce que je peux te dire c’est… merci.

Tia sourit et l’attira à elle.

- Moi, ça me suffit.

 

**************************************

 

La nuit fut calme pour les deux jeunes femmes qui dormirent enlacées. Mais au petit matin, les rêves de Tia se firent plus sombres et elle se réveilla la première en sentant que les prochaines nuits allaient être difficiles.

Elle resserra l’étreinte autour de sa femme et huma l’odeur personnelle qui savait si bien la réconforter. Après quelques minutes à écouter les battements de cœur de sa femme, Tia se sentit plus calme.

Elle savait d’où venaient ses rêves et la raison de leur retour. Peut-être devait-elle enfin en parler ? L’exorciser plutôt que de le garder enfermé et enfoui en elle comme si ça n’avait jamais eu lieu ?

Elle se demanda pourquoi ce souvenir était le pire pour elle.

Sassem avait été douloureux, horrible et terrifiant à se remémorer. Pourtant, il était loin de la déstabiliser autant que celui-ci.

Peut-être parce que c’était le dernier ou bien parce qu’il s’agissait de Ronin.

Quoi qu’il en soit, c’était le moment. Elle se sentait prête et… les souvenirs remontaient alors elle n’avait pas vraiment le choix.

Ashee, Alti… peu importait son nom… c’était sa faute si tout remontait avec une telle acuité…

Elle soupira et blottit sa tête contre la poitrine de sa femme. Dans un geste réflexe, celle-ci l’entoura de ses bras. Et Tia soupira d’aise.

Doucement Lex s’éveilla. Elle sentit tout d’abord une douce pression contre sa poitrine, puis un souffle, chatouiller son épiderme. Enfin, la chaleur qui embrasait ses sens à ce contact acheva de la réveiller.

Elle baissa les yeux sur sa compagne et ne vit que les cheveux noirs soyeux qui brillaient d’une lueur presque bleue dans les premiers rayons du soleil. Elle embrassa le haut du crâne et caressa les cheveux de Tia.

Lorsque sa femme était ainsi, Lex se sentait bien. Elle aimait prendre soin d’elle autant que de se laisser chouchouter par elle.

Tia lui avait avoué une fois que dans cette position elle avait l’impression d’être une enfant. Elle se sentait si en sécurité ainsi, tellement réconfortée qu’elle avait la même impression que jadis… impossible qu’on la touche pour lui faire mal. Et Lex était très fière de lui apporter cela.

Tia releva la tête et les yeux bleus si uniques de sa compagne la transpercèrent comme au premier jour. Une irrésistible attirance la poussa au contact et elle posa ses lèvres contre les siennes.

Un baiser intense suivit mais la mercenaire rompît le contact et posa un regard grave sur elle. Lex sentit un changement dans l’atmosphère et se prépara mentalement à ce qu’elle sentait qui allait suivre.

- Tia ?

La grande femme l’observa un moment, détaillant le visage si plein de bonté de sa petite femme et au si grand cœur.

- Je… je pense qu’il est temps.

Lex prit bien soin de ne pas montrer autre chose qu’une tendre compassion. Elle n’avait pas besoin de lui demander de quoi elle parlait, elle attendait ce moment depuis la maladie de Tia.

Elle hocha juste la tête, mais sentit son cœur la trahir en s’emballant. Tia s’en aperçut et sourit. Elle se rapprocha d’elle et l’embrassa. Un baiser léger. Juste fait pour rassurer. Et Lex se sentit mieux. Elle savait que ce n’était pas ce qui aurait dû se passer. Que c’était Tia qui devait être réconfortée par elle. Mais elle ne fut ni embarrassée, ni honteuse. C’était typique de leur relation.

Lex se mit sur le dos et Tia cala sa tête entre ses seins, passant ses bras autour de ses hanches. Elle ferma les yeux et ramena à elle les souvenirs les plus douloureux de son existence.

Lex sentit le corps de sa compagne se crisper et elle tenta de l’apaiser un peu en passant ses mains sur son dos, ses bras, sa tête dans un mouvement lent et régulier. Peu à peu Tia se détendit et elle put enfin commencer son récit.

- J’avais… je crois quelque chose comme 8 ans. C’était… dans ma deuxième milice. Après… Pedro.

Lex resserra son étreinte à ce nom et caressa les cheveux avec plus de douceur encore.

- Il y avait des… des espèces de ramassage… et toutes les semaines des « volontaires » arrivaient pour être intégrés à notre milice ou celles alentoures, afin de remplacer ceux qui étaient morts, disparus ou capturés.

- J’avais appris rapidement à attendre autant que craindre leur arrivée. La plupart étaient des ados et des adultes en colère contre le gouvernement en place… mais parfois… parfois il y avait des enfants. Et… enfin… je craignais qu’il ne soit comme Pedro mais en même temps j’avais tellement envie de ne plus être seule que je ne pouvais m’empêcher de les guetter.

Tia fit une pause puis reprit.

- Je ne leur parlais jamais en fait, parce que… en fait je ne parlais plus depuis la mort de Gran-pa. Les autres, dans la première milice, faisaient tout pour m’y obliger et plus ils le faisaient, plus… j’avais envie de les tuer ou de mourir… La première fois que j’ai pensé à mettre fin à mes jours, j’avais… 7 ans je crois. C’était de longs jours avant mon… que je… ne fasse brûler le camp.

Tia déglutit et alors qu’elle sentait sa gorge se serrer, une main apaisante se glissa sur sa nuque et la lui massa. Tia profita de la caresse et put reprendre son récit après quelques minutes.

- Sais-tu ce que l’on ressent lorsqu’on l’on veut mourir ?

Sans attendre la réponse Tia poursuivit.

- Un vide absolu. Le noir est la couleur qui t’accompagne à chaque pas et chaque pas que tu fais est aussi lourd que si tu avais des poids. Tu marches dans une mélasse si collante, si poisseuse que pour toi il n’y a que l’arrêt de la marche et la noyade dans cette mélasse qui te paraissent supportable.

Tia inspira profondément.

- Mais c’est faux bien sûr et tu le sais. La mort… l’envisager… ça te rend si triste… tellement Lex… tu n’as pas idée de ce que cela fait d’envisager une telle chose en sachant… en sachant que ce n’est même pas une solution… juste la moins pire… seulement celle qui empêchera à la souffrance de poursuivre son œuvre destructrice. Tu n’as pas envie de mourir Lex, pas du tout. Tu veux seulement que la douleur cesse.

Tia fit une pause. Et Lex s’efforça de calmer les battements précipités de son cœur, sachant que sa compagne était aux premières loges pour les entendre.

- Lorsqu’on m’a transféré dans la seconde milice. J’étais dans cet état d’esprit. Plus encore qu’avant. Je venais de tuer tellement de gens. Et j’en avais éprouvé une telle joie. Je me dégoûtais… Un jour… pas très longtemps après mon arrivée, un convoyage est arrivé. C’était les nouveaux « volontaires ». Parmi eux… il y avait un enfant. Un petit garçon tout mince, le fils du Capitaine de notre région. Il voulait… il voulait être comme son père alors il était vraiment très fier et content d’être là.

Au souvenir de ce qu’elle avait ressenti à ce moment là, Tia serra les poings.

- Et je le haïssais. Si tu savais comme je le détestais avec son sourire tout content. Il ne savait même pas à quel point dans les jours suivants il allait haïr lui aussi cet endroit. Et c’est ça… cette pensée qui m’a frappée, qui m’a fait changer d’avis. C’était qu’un gosse. Il avait quoi ? 6 ans ? J’étais pas tellement plus âgée que lui mais… je sais pas… j’ai eu envie de le protéger… Il avait… les cheveux blonds.

Elle se rappela la première fois où elle l’avait vu et le coup au cœur puissant et le mélange de sentiments si contradictoires et forts qu’elle en avait tremblé.

- Et malgré ses yeux noirs… il me rappelait Ximenon. Je me suis remise à parler avec lui… j’ai commencé à moins penser à la mort, la mienne surtout. Il m’a dit son nom à notre première rencontre : Ronin. Ronin Densis. Il m’a demandé le mien et c’est là… c’est là que je me suis rendue compte que je ne m’en souvenais pas. Ca m’a plongé dans une profonde détresse. J’avais tellement l’impression d’avoir perdu qui j’étais

Tia rouvrit les yeux et fixa la peau du bras devant elle qui bougeait doucement, au rythme des caresses que sa compagne lui prodiguait.

- Il l’a senti et tu sais, il était vraiment intelligent et très sensible et il l’a senti. Il a senti ma détresse. Quand il a compris que je ne parlais pas il s’est mis à parler pour nous deux. Le soir… il me racontait des histoires pour que je m’endorme avant lui. C’était des histoires que sa mère lui racontait pour l’endormir. Il avait remarqué que je ne dormais pas beaucoup et il a compris que c’était parce que j’avais peur alors il s’est mis à me raconter sa vie avant la milice et à me raconter des histoires pour me distraire et empêcher les cauchemars de venir. Il était plus petit que moi et pourtant… c’était lui qui prenait soin de moi.

Les yeux dans le vague Tia revécut ces moments.

- C’était si étrange… la journée c’est moi qui le protégeais des autres et j’ai dû me décider à reparler pour lui apprendre à se défendre et pour qu’il comprenne certaines choses. On était si ami… c’était mon seul ami… je l’aimais comme un frère. C’est d’ailleurs comme ça que je l’appelais… Je faisais ses corvées et le plus des missions qu’on lui donnait. Il était si innocent, tellement souriant… Lex il était tellement brillant..., fit-elle éperdue en levant les yeux sur elle. Si pur… si net… je ne voulais pas qu’on le tâche, alors je le protégeais au maximum.

Lex lui sourit les larmes aux yeux de voir la souffrance hanter le regard bleu si pur de celle qui possédait son cœur.

- C’est tellement toi mon amour, dit-elle doucement. Toujours à protéger ceux que tu aimes.

La mercenaire reposa sa tête sur la poitrine de Lex, comme apaisée par ses propos.

«  Oh Tia j’aimerais tellement que tu te voies comme je le fais. Tu penses continuellement être un monstre, mais j’en connais peu qui en vivant ton enfer… aurait gardé suffisamment d’humanité pour faire ce que tu as fait… », pensa Lex en se retenant de le dire à voix haute. Tia ne l’aurait pas cru et ce n’était pas le moment d’entamer un débat pareil.

- Et puis j’ai été envoyé à l’école de Sassem. Et j’ai dû le laisser se débrouiller sans moi.

Arrivée à ce point de son récit, Tia se tut et Lex sentit que le pire était à venir.

- Je l’aimais tant…, souffla la grande femme. Si j’ai tenu tout ce temps… après tout ce que j’avais vécu, c’était en grande partie pour lui. Je lui avais promis de revenir et lui, m’avait promis d’être encore là, sous-entendu en vie, lorsque je reviendrais.

Tia déglutit. La partie difficile arrivait.

- Et il a tenu sa promesse. Il a survécu… mais pour ça il a dû commettre des actes, faire des choses… qui l’ont profondément abîmé. Pour tenir sa promesse… il est devenu monstrueux. J’avais quitté un garçon brillant et joyeux et j’ai retrouvé un adolescent plein de haine et profondément cruel.

Tia fit une pause et prit une inspiration tremblante en resserrant ses bras autour des hanches de sa compagne.

- Il était vraiment cruel. J’avais l’impression d’avoir Pedro en face de moi et c’était horrible… mais il était si content de me revoir… si profondément heureux. Pendant ce bref instant à mon retour, j’ai eu l’impression de retrouver le petit garçon que j’avais quitté et c’est pour cela que j’ai pris le risque de lui parler de mon évasion malgré les changements opérés en lui. J’étais revenue pour lui. Pour l’emmener avec moi… Je voulais nous emporter loin de cet enfer. C’est ce que je m’étais juré de faire pendant ces trois années à l’école. C’est ce qui m’avait fait tenir. Je… je devais retrouver Frédéric à un endroit précis dans la jungle. Je l’avais dit à Ronin.

Le silence qui suivit fut plus long que les précédents et le cœur de Lex se mit à battre violemment dans sa poitrine. Tia roula sur le dos et fixa le plafond.

- Il m’a trahie. Il m’a dénoncée au chef de la milice et j’ai juste eu le temps de m’enfuir dans la jungle avant qu’ils ne se lancent à ma recherche. J’étais complètement perdue. Je lui en voulais et je m’en voulais de ne pas être parvenue à mieux le préparer à mon départ et ce qui allait suivre. J’étais en colère et malheureuse et je ne regardais pas où j’allais. Je suis tombée sur plusieurs soldats que j’ai dû tuer… et puis soudain je me suis rappelée du plan et de Frédéric qui risquait de se faire attraper par la milice à notre point de rencontre et je m’y suis rendue.

Un silence.

- Ronin m’y attendait. Sagement. Comme s’il n’avait rien fait de mal. Son fusil en bandoulière. Un sourire malicieux sur le visage. Il m’a dit : je t’ai bien eu hein ? Et je l’ai giflé en lui hurlant qu’il n’était qu’une sale ordure de traître. Je n’ai pas fait attention au fait qu’il n’y était pour rien, que c’était un conditionnement qu’il avait dû mettre en place pour survivre, que la délation… était son seul moyen de tenir sa promesse. Mais il était si fragile et si bon Lex… si bon qu’il n’a pas supporté ce qu’il devait faire… pourtant il ne m’en a jamais voulu. C’est moi qui l’y avais obligé pourtant… en l’obligeant à promettre de survivre… Il m’avait dénoncé sans mauvaise intention. C’était juste son rôle dans la milice… un réflexe en quelque sorte… je n’ai pas fait attention… si je l’avais fait… dieu, si je l’avais fait… Il était devenu à moitié fou… de douleur, de colère et de dégoût de lui-même. Lorsque je l’ai frappé… il a perdu la tête et m’a attaqué avec son couteau. Et moi… moi j’avais été si bien entraînée pendant ces trois ans… je me suis défendue sans m’en rendre compte, sans en avoir conscience… un simple réflexe… et il était mort.

La voix de Tia se brisa sur le dernier mot et le cœur de Lex se brisa.

- J’ai tué mon petit frère… il avait tenu pour moi… et je l’ai tué…

Aujourd’hui encore, la douleur de ce souvenir, l’incrédulité et le choc de son geste… la plongeaient dans une profonde stupeur.

- Ca aurait pu s’arranger. Ca aurait dû le faire, murmura-t-elle d’une voix presque inaudible. Il n’avait pas parlé de cet endroit au chef. Il l’avait gardé pour lui. Et m’y avait rejointe. Comme prévu. Mais j’étais en colère et je ne l’ai pas vu… et quand je l’ai fait, c’était trop tard…

Les larmes roulaient sans interruption sur les joues de Tia et sa voix tremblait d’une souffrance encore présente. Une culpabilité qui n’avait pas disparu et ne partirait peut-être jamais. Un accident aux circonstances particulièrement horribles.

- Tu étais une enfant Tia…, tenta Lex la voix éraillée.

- Je n’étais pas une enfant, la contredit durement sa compagne. Je ne l’ai jamais été…

« Comment pourrais-je te suivre là où tu iras ? Se dit-elle pour elle-même. Après tout ce que j’ai fait ? »

Puis épuisée d’avoir dû affronter des souvenirs aussi douloureux, Tia ferma les yeux et s’enroula comme une liane autour de sa compagne qui fit de même. Communiquant autant de chaleur et d’amour qu’elle le put à travers leur étreinte et leur lien.

Pour détendre le corps tendu et l’esprit fiévreux de sa femme, Lex commença à lui raconter certains écrits qu’elle avait mis sur papier.

- J’ai écouté lorsque tu m’as dit de noter les histoires que j’imaginais, pas seulement celle que j’entendais. J’ai écouté, j’ai noté et… j’ai appris. Il y en a une… une que j’ai vraiment envie que tu écoutes. Ce n’est pas vraiment une histoire... plus une pensée… une pensée que tous les peuples opprimés, un peu comme le tien, celui de ton loup…

 

Lex sentit Tia se détendre un peu et elle commença sa récitation.

 

Te souviens-tu, des temps immémoriaux. Des temps où notre mère la Terre, nous faisait partager ses immensités glacées. Quel piètre chasseur tu faisais alors ! Je te regardais avec mes frères, tu avais un bâton, tu avais faim et souvent nous en avons ‘hurlé’ de rire. En ces temps là, c’est peut être à nous que tu dois ta survie. Tu chapardais souvent les restes de nos festins…et puis en nous observant tu as pu copier notre technique de chasse et l’adapter à tes besoins. Je pense même que tu as profité de nos battues, pour pouvoir assurer les repas de ton clan. Tu as hiérarchisé ta tribu en prenant exemple sur nous. Nous, nous t’avons laissé partager notre territoire, prélever ta part…nous n’avons jamais été agressifs envers toi, et apparemment tu respectais les règles. Certains d’entre nous ont même franchi le pas et sont allés chasser avec toi…Il ont sûrement contribués à la survie de ton espèce… Espèce qui a pris de l’assurance, perfectionnée ses armes…et alors tu as commencé à chercher querelle…

Le temps a changé, le temps a passé. Faisant fi de tes nombreux frères, toutes espèces confondues, que tu as tué et massacré, tu as voulu être le seul fils de Dame Nature qui puisse commander, et dicter sa loi. Alors que d’erreurs…

Ce grand navire, où nous sommes tous embarqué, que Gaïa a mis 4,55 milliards d’années à construire, toi, il ne t’aura fallu que 100 000 ans pour presque le réduire à l’état d’épave.

Allez ; ressaisis-toi. Il en est peut-être encore temps. Laisses donc Mère Nature reprendre ses droits chaque fois que cela est possible. Arrêtes de justifier tes actions par de fausses affirmations : " Le loup est revenu, il n’y a plus de gros gibier, il a tout détruit…. ". Alors que c’est le contraire qui se produit. La régulation des troupeaux sauvages se fait naturellement et non plus avec vos " bâtons tonnants " qui sont maintenant semeurs de mort et qui ne nous donnent plus envie de rire. La chasse, pour toi, n’est maintenant plus une nécessité mais simplement le plaisir de tuer. Moi ce n’a jamais été le cas, je n’ai jamais chassé que parce que j’avais faim. Je t’ai toléré, par le passé, alors que tu n’étais rien, tremblant de froid et de faim, dans ce monde où tu venais juste d’arriver. Toi, tu m’as exclu de ton territoire, tu as voulu m'exterminer, aujourd’hui je demande la permission de revenir…alors, essayons de réapprendre à vivre ensemble… ami....'Chasseur' *

 

Lorsqu’il fut terminé, Lex se tut un instant puis conclut :

 

- Tu es humaine Tia et tu as vécu les pires horreurs… comme Ronin. Vous avez tous deux agit comme vous le pouviez dans de telles circonstances. T’en vouloir… n’a pas de sens. Tu n’as pas demandé à ce que cela arrive, pas plus que lui. Tout ce que tu peux faire… comme ce loup… c’est d’avancer et de pardonner. Te pardonner… ces choses que tu ne pouvais pas maîtriser.

 

- Ce récit, fit soudain Tia, il est à ton image… la fin… est optimiste et ce n’est pas celle que l’on attendrait. Une vengeance, une malédiction, oui. Surtout après tant d’injustices… mais pas toi, non. Pas toi… tu es toujours si bonne…

Tia demanda :

- Conte-moi en une autre…

Lex s’exécuta et plusieurs histoires de loups, mais aussi d’indiens suivirent et petit à petit, Tia retrouva le chemin que Lex ne manquait jamais de baliser pour elle, le chemin vers la lumière. Elle sortit de son sombre passé et envisagea l’avenir avec plus d’espoir.

« Tant qu’elle est avec moi… », songea-t-elle en s’endormant enfin.

Lex lissa ses cheveux un long moment, perdue dans ses pensées mélancoliques mais où dominaient la joie d’avoir une fois de plus su tirer Tia de son passé et de la douleur qui l’y bloquait si souvent.

Elle prit une décision ce matin là… une décision qui, elle le savait, changerait leurs vies. Elle venait de comprendre une chose importante, essentielle même… et elle ne voulait plus perdre de temps.

* de J.Brandenberg.

 

Fin Partie VIII

Partie IX : Et si on faisait un bébé ?

 

Chapitre 1 :

 

Elles se réveillèrent un peu plus tard dans l’après-midi et Tia téléphona à Frédéric pour savoir si leur arrivée s’était bien passée. Il lui assura que oui et que les jumeaux étaient très heureux d’être rentrés malgré les circonstances qui les avaient poussés à en partir.

Dès le pied posé au ranch, ils s’étaient rués sur le téléphone pour inviter leurs amis à venir ou à prévoir des sorties, sans oublier de les prévenir de la fête orgiaque que leurs mères prévoyaient pour leurs 18 ans.

Tia rit et se sentit mieux une fois qu’elle eut raccroché. Elle fixa quelques secondes le combiné et fut heureuse de se sentir plus légère. L’humeur de ce début de journée s’était enfin envolée…

Elle tourna la tête vers son amie et l’observa alors qu’elle s’essuyait les cheveux, une simple serviette de coton blanche cachant sa nudité, mais pas ses belles jambes bien galbées…

Elle lui devait, une fois encore, beaucoup. Lex était vraiment douée pour chasser ses démons. Elle aurait dû le savoir. Elle aurait dû lui en parler plus tôt. Mais enfin, à quoi bon se flageller, c’était du passé maintenant… elle se sentait plus légère et les jambes de Lex étaient vraiment très attirantes.

Des gouttes d’eau coulaient le long de la nuque de Lex et descendaient dans son dos… Tia se mordit la lèvre tout en sentant son cœur battre à coups redoublés. Sa pression sanguine augmenta et cela se traduit par une respiration plus lourde et des yeux bleus assombris par le désir.

Tia suivit la goutte des yeux et la vit changer de cap et glisser sur l’épaule nue de sa compagne et glisser sur son bras avant de tomber sur le sol où elle s’écrasa.

Tia releva les yeux et tomba sur des yeux verts amusés et un sourire en coin. Lex leva un doigt et le secoua.

- C’est pas le moment Ti, on a un avion à prendre et une jeune fille tout excitée à l’idée de voir Len nous attend. Et je doute que le commissaire Gregorius apprécie les retards.

Mais Tia continuait de déshabiller sa femme des yeux et le cœur de Lex s’emballa alors même qu’une douce chaleur envahissait ses reins.

- Non Ti. Arrête ça.

La mercenaire passa sa langue sur ses lèvres et Lex déglutit avec difficulté. L’intensité du regard sur elle faisait perdre ses moyens à la petite femme et elle dut prendre sur elle pour ne pas céder à ce que réclamait son corps.

Les hormones en ébullition, Lex fit demi-tour et se réfugia dans la salle de bains à toute vitesse sous le regard déçu de sa femme.

 

************************

 

Une heure plus tard, elles se retrouvèrent devant le commissariat à attendre le commissaire et sa fille et une heure après ils étaient tous dans l’avion. Le vol dura toute la nuit et le commissaire n’étant pas très loquace et assez circonspect vis-à-vis de leur couple, il fut aussi assez long.

M. Grégorius n’était pas à proprement parler hostile mais il n’avait pas l’air de savoir comment se comporter avec elles et cela rendait tout le monde mal à l’aise. Lex voyait bien que ça agaçait sa femme. Elle espérait juste qu’ils arriveraient à destination avant qu’elle n’explose et dise sa façon de penser à l’homme.

Ils débarquèrent au Canada 9 heures plus tard, aux alentours de 2 heures du matin. Ils prirent la voiture que Frédéric avait louée pour eux et deux heures plus tard ils arrivèrent enfin en vue du ranch.

L’aube ne pointerait que dans une heure mais Tia savait que son ancien tuteur serait déjà debout. Et cela ne manqua pas. Il les accueillit sur le perron de l’habitation principale et salua le commissaire et sa fille cordialement.

Il leur expliqua qu’il avait fait préparer un des bungalows pour eux et leur montra le chemin en faisant signe aux jeunes femmes d’entrer sans attendre.

Elles ne se firent pas prier.

Lex déposa leurs sacs dans l’entrée et sentit un arôme divin qui l’attira comme le miel attire les abeilles et se dirigea d’un pas ferme et décidé vers la cuisine. Tia l’y suivit avec curiosité et découvrit leur voisine en robe de chambre assise à la table.

Tia marqua un temps d’arrêt avant de la saluer, mais Lex ne fit qu’hocher la tête sans stopper son avancée. Elle se planta face à la cafetière et attrapa une tasse de la taille d’un bol à punch qu’elle remplit généreusement et saupoudra de sucre avant d’en boire une gorgée qui lui fit fermer les yeux d’extase.

- Bonjour Anne, fit Tia en secouant la tête devant la dépendance de sa femme. Vous êtes levée bien tôt.

- Frédéric m’a tellement manqué ces derniers mois, que je ne peux me résoudre à le quitter d’une semelle lorsque nous sommes ensemble, acquiesça-t-elle avec un sourire tranquille.

Tia sourit, comprenant parfaitement la situation. Elle s’assit en face de la femme plus âgée et accepta le morceau de gâteau au chocolat qu’elle lui tendait. Elle mordit dedans et sourit lorsque le chocolat fondit dans sa bouche.

Les yeux mi-clos elle dévisagea Anne Dérestin tout en savourant la délicatesse du chocolat. Lex prit une chaise à côté d’elle et posa son bol à punch.

- T’as réussi à bouger ton puit ? Railla la grande femme.

Lex lui jeta un regard courroucé puis l’ignora en dégustant son nectar. Tia retourna alors à son étude. Le visage d’Anne était marqué par les rides, mais il gardait son air doux et serein et Tia se demanda ce que cela aurait fait de grandir avec une telle femme comme mère ou grand-mère.

Elle avait toujours l’air si calme et sûr d’elle… Frédéric avait beaucoup de chance de l’avoir trouvée. D’autant plus qu’elle le regardait avec un amour sincère et plein de tendresse, remarqua-t-elle en la voyant lever la tête à l’entrée de Frédéric dans la pièce.

- J’étais sûr de vous trouver ici, fit-il en riant. Le chocolat et le café sont vos péchés mignons. Je serais vous les filles, je m’inquièterais d’être aussi prévisible.

Il ne s’attira que deux paires d’yeux noirs pour toute réponse. Tia se leva, son assiette pleine de gâteau entre les mains et Lex fit de même en serrant fermement son seau de café.

- Nous allons nous coucher, fit Tia d’un air dédaigneux non sans reprendre une nouvelle part du fondant au chocolat.

Les deux femmes tournèrent les talons mais avant de sortir Lex se retourna vivement, manquant de renversé son bol a punch, et le visage rayonnant déclara :

- Demain, enfin, tout à l’heure, je vais contacter une préparatrice de mariage pour organiser celui de Tia et moi.

- Mais vous n’êtes pas déjà mariées ? S’enquit le grand homme perplexe.

- Ce n’est pas suffisamment officiel, le contredit la petite femme en dardant sur lui un regard glacial qui le fit reculer sur sa chaise.

La seconde suivante elle tourna un visage radieux vers Anne.

- Frédéric étant comme un père pour Tia et n’ayant plus de mère pour m’aider dans les préparatifs, je serais ravie que vous teniez ce rôle auprès de moi.

Anne, complètement prise au dépourvu, et par l’enthousiasme de la petite femme et par la demande hocha la tête sans réellement savoir à quoi elle s’engageait. Lex la remercia et tourna les talons, emportant sa piscine de café avec elle.

La femme âgée se tourna vers son ami avec stupéfaction.

- Elle ne vient pas de me donner un ordre déguisé ? L’interrogea-t-elle.

Frédéric rit et acquiesça.

- Et si. Tu viens de rencontrer Alexia le bulldozer. Lorsqu’elle veut quelque chose, et crois-moi elle ne veut rien autant que Tia, elle ne laisse rien se mettre entre elle et son but.

- Mais… elles sont déjà mariées non ? Alors… que peut-elle vouloir de plus ?

- Le clamer à la face du monde, expliqua-t-il en riant. Prévenir tous les mâles et femelles en rut que Tia est prise et bien prise. Que leurs chances sont nulles et non avenues et qu’elle leur arrachera avec délectation leur attribut sexuel s’ils s’avisaient seulement de penser à draguer Tia.

- Ho.

Anne ouvrit de grands yeux en comprenant dans quoi elle venait de mettre le pied.

- Donc cette cérémonie est faite pour marquer les esprits. Elle va devoir être grandiose et parfaite et chaque détail sera étudié à la loupe et moi… j’ai dit que j’allais l’aider, finit-elle avec un air malheureux qui amena un rire moqueur à son compagnon.

Anne fit la moue puis sourit.

- Compte sur moi pour lui suggérer ton nom quand elle demandera de la main d’œuvre supplémentaire, fit-elle les yeux brillants.

Frédéric la fixa les yeux pleins d’horreur et Anne éclata de rire.

 

********************************

 

Le lendemain fut exactement le tourbillon d’activités et d’allées et venues que craignait Tia. La fête que les jumeaux souhaitaient était monstrueuse et la montagne de choses à faire la faisait paniquer d’avance.

Ils la bombardèrent de suggestions toute la journée et Tia ne put que noter les différentes propositions dans un carnet en leur promettant d’y réfléchir dès qu’elle aurait une minute. Elle rêvait de s’isoler avec Lex loin de toute cette effervescence et d’oublier dans une étreinte sauvage tout le stress que la fête et le mariage généraient en elle depuis le matin.

Mais sa petite compagne était occupée à sélectionner la meilleure agence de mariage du coin et leur faisait passer à tous un entretien d’embauche. Elle n’était donc absolument pas disponible. Ce qui ajoutait à son angoisse puisqu’elle se retrouvait à devoir organiser la fête toute seule.

Elle avait bien tenté de coincer Frédéric mais il s’était débrouillé pour disparaître à l’aube suite à une vague menace que lui aurait proféré sa chère et tendre. Elle récupéra les listes que ses enfants avaient faites et téléphona aux différentes familles pour lancer l’invitation et préciser la date et le lieu.

Parce que bien évidemment la fête devait avoir lieu avant la fin de la semaine, puisque Lex ne démordait pas de son idée originale et voulait que leur mariage ait lieu à la fin de la semaine suivante.

Tia pensait dur comme fer que sa femme était devenue folle mais après un coup de fil à Linya pour lui demander de parler à sa dulcinée, elle avait compris que c’était une des nombreuses lubies qu’Alexia avait eu au cours de sa vie et de laquelle on ne pourrait la détacher tant qu’elle n’aurait pas obtenu ce qu’elle voulait.

La mercenaire avait donc décidé d’en prendre son parti mais regrettait que Lex, lorsqu’elle lui avait dit qu’elle n’aurait pas à s’occuper du mariage, ne lui ait pas précisé qu’elle devrait en contrepartie s’occuper de l’anniversaire.

Elle était assise à la table du salon à se demander ce qu’elle devait faire. Paniquant complètement en voyant le soleil se coucher en n’ayant rien fait d’autre que de téléphoner aux invités.

« Mais qu’est-ce que je dois faire, nom de dieu ?!!  C’est quoi la prochaine étape ??! »

Elle essaya de se souvenir des anniversaires précédents mais elle savait, en le faisant, que ça n’irait pas. Cette fois tout le monde s’attendait à une fête « à tout casser » dixit son fils.

Soudain une idée lumineuse germa dans son esprit angoissé et elle se rua sur le téléphone. Elle composa un numéro et attendit avec anxiété que son interlocuteur décroche.

- Allo ?

Tia soupira de soulagement. C’était la personne qu’elle voulait.

- Lizzie ? C’est Tia.

- Ho. Salut Tia ! Fit la voix soudain joyeuse de sa plus jeune cousine.

- Tu… heu… tu es dispo dans les prochains jours ?

- Oui, pourquoi ?

- Hum, eh bien je me demandais… est-ce que tu t’y connais un peu en fête ?

- Et comment ! Pourquoi tu en organises une ?

- Euh, oui. Les 18 ans des jumeaux. Tu…. Heu… eh bien en fait, je… euh… suis assez nulle dans ce domaine…

Un ricanement moqueur la coupa.

- Sans blague… ? Railla sa cousine.

- Oui, bon heu… est-ce que tu pourrais me donner un coup de main ?

Le cœur de Lizzie fit un bond dans sa poitrine.

- Tu veux dire… venir au ranch et t’aider à préparer cette fête ?

- C’est ça.

- Et elle a lieu quand ?

- Dans trois jours.

- Lex ne peut pas t’aider ?

- Elle… heu… est occupée…

- Ho. Alors il n’y aura que toi et moi ?

- Je sais, fit la grande femme avec anxiété, ça fait peu pour tout (« faire »), mais… on peut y arriver. J’en suis sûre, fit-elle en tentant de s’en convaincre.

Lizzie contrôla l’excitation que la perspective de passer trois jours seule en compagnie de sa superbe et si excitante « cousine » faisait monter en elle.

- Alors… tu… tu veux bien ?

- Bien sûr, répondit Lizzie aussi neutre que possible.

- Oh merci, merci, merci, tu ne peux pas savoir comme je te suis reconnaissante…

- Pas de souci. Je vais voir avec papa pour l’avion mais… je pense être là dès demain midi. Ca ira ?

- Oui… enfin, heu y’a quelque chose que je peux puisse faire avant ton arrivée ?

- Eh bien… tu sais ce que veulent les jumeaux ?

- Oui, ils m’ont fait une liste.

- Commence par regarder s’il y a un endroit où ils aimeraient aller pour une activité ou une autre et téléphone là-bas pour voir si tu peux réserver l’établissement.

- Oh, oui, d’accord, ça je peux le faire, fit Tia soulagée au-delà du possible d’avoir enfin une aide. Je... je fais ça et j’attends ton coup de téléphone pour ton heure d’arrivée. Je viendrais te chercher.

- Ok. Je te rappelle dans une heure.

- Super ! S’exclama la mercenaire soudain plus joyeuse. Je reste à côté du téléphone !

Lizzie s’empressa de calmer les battements de son cœur. Sa déclaration ne voulait rien dire. Elle raccrocha et se dépêcha d’aller trouver son père. Elle devait aussi décommander Tamara et elle savait que ça n’allait pas plaire à sa petite amie mais elle s’en fichait… elle allait voir Tia.

 

********************************************

 

Le lendemain matin à l’aube Tia était dans la cuisine en train de préparer le café de sa belle, apparemment Lex avait trouvé deux agences prometteuses hier et elle avait l’intention de les engager toutes les deux et de répartir les tâches entre elles. Elle devait maintenant leur expliquer la raison de cet arrangement et les convaincre qu’ils étaient collaborateurs sur ce contrat et non concurrent.

Tia vit sa femme entrer d’un pas déterminé et tourner un regard encore flou vers elle. Elle tendit la main dans un geste réflexe et porta directement la tasse à ses lèvres. Elle la vida d’un trait et soupira d’aise en s’asseyant en face de Tia.

Celle-ci la lui remplit de nouveau et lui sourit alors qu’elle savourait ses nouvelles gorgées.

- Comment Len a pris l’arrivée de Jenny hier ? L’interrogea Lex les yeux toujours fermés. Je ne l’ai pas vu, je suis partie avant qu’ils ne se lèvent et suis rentrée trop tard.

- Eh bien… il ne savait plus vraiment où donner de la tête, se souvint la grande femme. Entre mon retour et celui de son amie et la surprise… il était un peu perdu mais très excité. Il a passé la journée avec elle.

Lex sourit.

- Par contre Lara m’a fait la tête. Je ne suis pas sûre qu’elle ait apprécié l’arrivée d’une rivale sur son territoire, poursuivit Tia.

- Tu as parlé avec eux ? Demanda la petite femme en rouvrant les yeux.

Tia resta silencieuse un moment.

- Pas vraiment.

Lex posa sa tasse et prit la main de sa femme.

- Ca serait bien que tu trouves cinq minutes pour le faire. Je peux être là si ça peut t’aider mais Ti… ils ont besoin de toi. De savoir que ça ne change rien entre vous, que tu ne leur en veux pas de leurs réactions, que tu les aimes. Et toi aussi tu en as besoin. Cette discussion… remettra les pendules à zéro et vous fera repartir du bon pied…

Tia réfléchit à ces propos tout en jouant distraitement avec le dos de sa main.

- Je… pense que tu as raison, répondit-elle finalement. Comme d’habitude, sourit-elle.

- Alors tu vas leur parler ?

La mercenaire hocha la tête.

- Tu veux que je sois là ?

Tia la dévisagea un moment en réfléchissant. Oui, elle voulait que sa femme, l’autre mère de ses enfants soit là pour ce moment délicat. Elle avait besoin de son soutien, besoin de ses mots qui coulaient plus facilement que les siens et savaient si bien toucher les cœurs.

Mais elle savait aussi que ça la concernait elle et elle seule et qu’elle devait le faire seule. Et Lex allait encore être si occupée aujourd’hui… elle ne voulait pas l’obliger à faire des allers et retours entre la ville et le ranch pour rien. Lex tenait tant à ce que leur mariage soit parfait…

- Non, pas de souci. Je m’en sortirais seule.

- Tu es sûre ?

Tia sourit et lui pressa la main.

- Oui, j’en suis sûre… alors arrête de faire cette tête anxieuse et coupable.

La petite femme hésita, sentant quelque chose, puis hocha la tête et reprit sa tasse de café en posant un regard pensif sur sa femme.

- Comment tu vas t’y prendre pour la fête des jumeaux ? Demanda-t-elle soudain. J’ai vu la liste de ce que tu as fait hier et c’est loin de suffire.

- J’ai demandé à Lizzie de venir. Elle s’y connaît en fête, alors ça devrait aller, t’inquiètes pas, répondit la grande femme les yeux brillants de fierté devant son éclair de génie.

Lex réprima un sourire et acquiesça puis réfléchit au malaise qui venait de s’installer en elle à la seule évocation du nom de la cousine de Tia. Elle soupira dans son café. Jalousie. Lizzie était toujours aussi accroc à sa femme et si elle aimait bien la petite, ça commençait à l’agacer de lui voir des yeux de merlan frit à chaque fois qu’elle posait le regard sur sa femme.

- Elle vient toujours habiter ici ? Fit-elle brusquement.

- Oui. Enfin il faut que je lui en parle d’abord et que j’arrive à la convaincre que c’est pour son bien sans pour autant lui dire expressément pourquoi. J’aurais besoin de toi pour ça.

- Pour la convaincre ? Tu ne devrais pas avoir de mal, rassure-toi, répondit sa petite compagne un brin agacée. Tu es sûre que c’est une bonne idée ?

Tia leva des yeux surpris sur sa femme.

- Bien sûr. Pourquoi cette question ?

Alexia s’agita mal à l’aise sur son siège.

- Pour rien, répondit-elle rapidement.

Tia fronça les sourcils en étudiant sa femme. Puis elle haussa les épaules et expliqua :

- Lizzie est un peu paumée. Et ce depuis pas mal de temps, d’ailleurs. Gin a tout essayé mais il est dépassé et il le reconnaît lui-même. Il a besoin d’une aide extérieur et Lizzie se fout comme de sa première chemise de ses psys. Elle a besoin d’être recadrée et ici avec moi et Frédéric elle le sera.

Lex hocha la tête sans regarder sa mercenaire. Elle ne pouvait empêcher la jalousie de naître en elle à l’idée que la gamine vienne ici. Elle et Tia avaient un lien spécial, duquel elle était exclue et ça… ça ne lui plaisait pas du tout.

- Ce que Lizzie a vécu avant son arrivée au sein de la famille qui est aujourd’hui la sienne, mais… Lex, personne ne le prend en compte et c’est une erreur. Et elle, elle ne parle pas. Elle devrait. Je suis bien placée pour savoir combien c’est douloureux et destructeur de ne pas le faire.

Cette fois sa femme la regarda lorsqu’elle acquiesça doucement de la tête.

- Je sais.

- Pourtant je sens un mais…

Lex lui fit un sourire en coin.

- Oui, mais… ce n’est rien. Rien qui ne puisse être résolu seule alors pas de souci. Fais ce que tu as à faire… Je te soutiens à 100%.

Le sourire rayonnant que lui adressa Tia fit bondir le cœur de Lex et ses hormones plutôt calme jusque là entamèrent une danse du ventre.

Tia vit les yeux verts s’assombrir et lança un nouveau sujet, ignorant complètement la morsure du désir qui la traversait soudain.

- D’après Rhapsody, les jumeaux vont devoir redoubler leur terminal à cause de tous les cours qu’ils ont ratés.

Comme prévu, le sujet fit disparaître l’excitation et apparaître l’indignation.

- Quoi ?! Mais ce n’était pas de leur faute ! Ils pourraient le prendre en compte et leur donner une chance quand même !

Tia sourit.

- Rhapsody s’en est occupée. Elle a obtenu que les jumeaux suivent des cours de rattrapage cet été et passent leurs examens à la rentrée. Ensuite et bien… ça dépendra d’eux.

- Oh. Cool. Elle est sympa notre voisine.

- Oui, répondit la grande femme avec un sourire tendre.

Quelque chose dans la réponse, ou plutôt dans la façon de répondre de Tia, fit tinter une alarme dans la tête de Lex, mais celle-ci n’y prêta pas attention, trop concentrée sur l’avenir des jumeaux.

- Et les jumeaux ne le prennent pas trop mal ?

- Je ne leur aie pas encore dit. Tout comme pour Lizzie je vais attendre la fin de la fête pour aborder le sujet, histoire de ne rien gâcher à personne.

Lex hocha la tête.

- Et pour leur dossier à la fac ? Ca ne va pas poser problème ? Je sais qu’ils les ont faits avant notre… heu… départ précipité mais les facs n’attendent pas les résultats aussi longtemps d’habitude, non ?

- Non mais j’ai fait jouer les relations de la famille pour une fois. Nous sommes des Kensington, alors autant que ça serve des fois. J’ai demandé à Gin, qui s’y connaît mieux dans ce domaine, d’intervenir auprès des facs où ils ont postulé pour qu’ils attendent la rentrée avant d’accepter ou de refuser leur candidature.

- Donc en gros, tout dépend de leurs résultats ?

- Hmm, oui, répondit Tia en avalant un morceau du gâteau qui traînait encore. Ils sont acceptés en fait, et il leur faut juste des notes excellentes, mais ça ne m’inquiète pas, ils sont vraiment doués.

Lex acquiesça, tout à fait d’accord avec ce jugement.

- Alors nos enfants vont aller à la fac, hein ? Ils vont partir dans quelques mois, fit Lex un peu déroutée par cette soudaine perspective. 

Tia sourit devant sa déconvenue et lui prit la main. Elles entrelacèrent leurs doigts et Tia porta celles-ci à ses lèvres.

- Ca ira… au pire ils reviendront tous les week-ends. Tu sais combien Len veut succéder à Frédéric dans l’exploitation du ranch. Quant à Lara… elle a beau dire, elle ne peut pas se passer des grands espaces.

Lex hocha la tête et résista à l’envie de lui parler de la décision qu’elle avait prise. Elle avait choisi un moment précis pour ça et ne voulait pas gâcher ce qu’il aurait de parfait, alors elle se retint.

- On se retrouvera seule pendant quelque temps, cela nous fera du bien, ajouta sa compagne.

Soudain le moral de Lex à cette idée remonta en flèche et elle décocha un sourire ultra brite à sa femme. Celle-ci se pencha sur elle et l’embrassa doucement.

- On va finir cette conversation dans la chambre ? Murmura la grande femme à l’oreille de Lex.

La petite femme la regarda, lui sourit déposa un baiser très suggestif sur ses lèvres et… se sauva, sous le regard incrédule de Tia.

- Chacun son tour d’ignorer les désirs de l’autre ! Lança la petite blonde en riant.

Tia fit la grimace. Elle savait qu’elle n’aurait pas dû ignorer sa compagne.

Chapitre 2 :

 

La fête avait été mémorable. Elle avait commencé tôt, très tôt même ! Avec les premiers rayons du soleil, et c’était finie encore plus tard dans la nuit.

Tia passa entre les tentes, plantées pour l’occasion, où les jeunes avaient décidé de dormir cette nuit et vérifia bien que celle de Len ne contenait pas de petite amie et celle de Lara de petit ami trop entreprenant.

Lex avait aidé Tia et Lizzie toute la journée pour que cette fête se passe bien et elles n’avaient pas trop été de trois pour éviter toutes les catastrophes qui avaient menacé d’exploser toute la journée.

Frédéric et Anne n’avaient fait qu’une brève apparition en décrétant qu’ils étaient trop vieux pour ça et qu’ils préféraient s’isoler.

- Trop vieux, tu parles, marmonna Tia entre ses dents, en poursuivant son tour, trop excités oui !

Elle finit son inspection et rejoignit sa femme et Lizzie près du grand feu de joie que les jeunes avaient allumé à la tombé de la nuit. Elle passa un bras derrière son dos et attira Lex contre elle.

Celle-ci glissa le sien dans la poche arrière du jean de Tia et appuya sa tête contre son épaule. Lex intercepta le regard envieux de Lizzie et son soupir lourd. Elle eut pitié un instant. Comment se sentirait-elle à sa place ? A aimer une femme qui ne lui rendrait jamais son amour ? Qui en aimerait toujours une autre ?

Elle la plaignait. Puis l’envahit le sentiment mesquin de joie et de supériorité. Elle ne pouvait pas s’en empêcher. Lizzie aimait sa compagne avec une telle constance et une telle ferveur qu’elle se sentait menacer.

Pourtant elle savait que Tia n’envisageait même pas la jeune fille sous cet angle. Lex détailla l’adolescente qui a 20 ans n’en était plus du tout une.

Elle était ravissante.

Ses cheveux châtains bouclés avaient encore poussé et tombaient maintenant au milieu de son dos. Elle les avait fait lisser et leur avait ajouté des reflets roux en faisant un henné. Elle les avait fait couper devant en dégradé et cela encadrait magnifiquement son visage aux traits fins.

Ses yeux brun velouté étaient profondément chaleureux. Et Lizzie dégageait de toute sa personne une sensualité et une assurance fascinante. La jeune fille était devenue une femme captivante. La complexité de sa personnalité associée à son évidente envie de vivre, en faisait une femme très attirante.

Et Lex se sentit mal à l’aise en même temps qu’elle réalisait que la jeune fille aimerait Tia probablement aussi longtemps et aussi intensément qu’elle. Lizzie n’était pas le genre de personne à passer à un autre amour sous prétexte que celui-ci n’était pas et ne serait jamais partagé. Elle était entière et lorsqu’elle aimait… aimait vraiment… c’était pour la vie.

Tia avait changé son existence. L’avait rendu meilleure, plus belle. Elle partageait la même vison du monde et avait un passé semblable. Les sentiments qui déchiraient la jeune fille devenue femme… seule Tia les connaissait vraiment.

Lex imagina ce que serait la vie de sa femme lorsqu’elle disparaîtrait. Elle ne voulait pas que Tia gâche ses années sur terre. Elle voulait qu’elle vive. Même si le paradis ou les Champs-Elysées existaient, on ne pouvait pas gâcher les années qu’on nous offrait sous le prétexte égoïste que l’on ne pouvait pas vivre sans sa moitié.

On le pouvait. Il le fallait. Un cadeau tel que la vie, on ne le gâchait pas ainsi.

Elle fixa Lizzie un instant et le regard si tranquille et aimant qu’elle posa sur sa femme lui fit comprendre qu’elle tenait là sa chance.

En association avec ce qu’elle allait demander après leur mariage à Tia, elle savait que l’idée qu’elle venait d’avoir pourrait permettre à Tia de rester ici. En attendant qu’enfin elles soient réunies là-haut.

Lex allait vivre les années qui lui restaient en gardant jalousement le cœur et le corps de sa femme pour elle, mais le moment de sa mort venue… si les sentiments de Lizzie n’avaient pas changés, et il y avait peu de chance pour ça, elle ferait en sorte que ce soit elle, Lizzie qui s’occupe de sa femme. Elle qui la console, qui l’aimera pour elle, Lex, elle qui formera un nouveau couple avec son âme sœur.

Si elle formulait sa demande comme son dernier souhait… elle savait que Tia ne pourrait le refuser malgré son envie de le faire.

Lizzie saurait l’aimer comme Tia le méritait. Elle saurait prendre soin d’elle et composer avec son caractère si difficile sans pour autant la laisser tomber et elle savait que Lizzie penserait à elle, Lex, chaque fois qu’elle aimera Tia.

Ca lui suffisait. Le bonheur de sa femme avant tout.

Bien sûr Tia refuserait et lutterait longtemps. Mais sa libido étant ce qu’elle était... elle craquerait fatalement. Et pour ne pas avoir l’impression de trahir Lex, elle le ferait avec Lizzie.

Et Lizzie était superbe. Alors ce ne serait pas non plus une corvée pour sa belle, songea la petite femme en détaillant le profil anguleux de Lizzie.

Mais pour l’instant la grande et superbe mercenaire était la sienne et elle comptait bien en profiter. Elle pinça les fesses de sa femme et fit semblant de rien lorsque celle-ci sursauta et se tourna vers elle d’un air embarrassé.

Elle croisa le regard de Lizzie par-dessus la tête de sa femme et sourit à la jeune fille. Tia forma silencieusement les mots merci pour tout et Lizzie lui retourna un sourire très fier. Elle avait adoré chaque minute passée en compagnie de la grande femme et si la voir dans les bras d’une autre était douloureux, elle ne regrettait pas du tout d’être venue.

Tia était son premier amour et elle le savait, son unique amour. Elle devait seulement accepter qu’elle ne serait jamais le sien. Et chercher quelqu’un qui saurait l’aimer malgré son attachement à la belle mercenaire aussi.

Pour l’instant Tamara faisait parfaitement l’affaire et elle était si sexy…

Inconsciente des pensées qui traversaient les têtes des deux femmes qui se trouvaient à ses côtés, Tia se dit qu’elle était heureuse. Tout allait bien. Alexia était dans ses bras, Lizzie semblait avoir mis un frein à son enthousiasme amoureux et les jumeaux avaient passé une journée qu’ils avaient adorée.

La vie était belle.

Bien sûr le lendemain serait plus difficile, elle devait parler à ses enfants et avoir une discussion ma foi délicate avec Lizzie. Mais pour l’heure elle n’avait pas de souci, alors pourquoi y penser ?

- Les organisateurs de l’agence « marions-nous aujourd’hui » voudraient que tu donnes ton avis sur plusieurs choses, lança Lex en fixant les flammes.

- Quel genre de choses ? S’inquiéta la grande femme.

Lex réprima un sourire.

- Oh tu sais des trucs…

- Non, je sais pas ! Rétorqua la mercenaire soudain angoissée.

Lex laissa échapper un petit rire et mit fin au supplice de sa belle.

- Le gâteau que tu aimerais avoir, les fleurs, ta robe… ce genre de chose…

Tia expira, soulagée et répondit :

- Facile : gâteau au chocolat avec nappage chocolat, des lys, des marguerites et des pâquerettes et je ne porterais pas de robe.

- Quoi ?! Mais tu porteras quoi alors ? S’exclama la petite femme en se redressant.

Tia sourit d’un air mystérieux.

- Tu verras bien…

- Tiaaaaaaa,

- Non, non, inutile de me supplier… je ne dirais rien. Ce sera une surprise.

Tia gloussa quand le visage de sa bien-aimée se ferma et prit une expression vexée et elle se demanda ce qu’elle allait bien pouvoir mettre. Pas une robe ça c’était certain ! Elle trouvait ça vraiment ridicule deux femmes en robe pour se marier.

Mais pas non plus un smoking. Peut-être un simple pantalon en toile blanche ? Ou un jean ? Naaaaan, Lex la tuerait sur place.

Elle décida d’y réfléchir plus tard et posa un regard serein sur les flammes mouvantes. Il fut un temps où le simple fait de voir quelque chose brûler lui retournait l’estomac. Après ce qu’elle avait fait… rien d’étonnant.

Mais Lex avait changé tout ça… Et ses enfants aussi. C’était fou comme pour ceux que l’on aimait on se retrouvait capable de faire face à ses pires peurs, à ses démons les plus tenaces.

Sa famille. Sa famille l’avait sorti de sa misère personnelle. Lui avait redonné une vie qu’elle ne pensait pas un jour retrouver. C’était… bien trop précieux pour ne penser, même qu’une seconde, que c’était normal ou acquis et elle bénissait chaque matin les dieux, le destin ou quoi que se soit d’autre d’avoir mis mis ces gens là sur sa route.

Enfin… enfin, elle acceptait ce que Sassem lui avait fait comme une chose qui devait arriver pour qu’elle ait la chance d’avoir ses jumeaux. Ce n’était plus un traumatisme ou un épisode tragique de son passé. C’était ce qui devait se passer pour que ses deux enfants, voient le jour. Des êtres merveilleux qu’elle aimait infiniment.

Elle ne regrettait plus d’avoir tué ce monstre. Plus du tout. Pas même de la façon dont ça c’était passé. Cela faisait partie d’elle. Ce côté noir était une partie de sa personnalité. Une part importante que Lex aimait autant que l’autre.

Elle allait donc travailler là dessus. Pour apprendre à accepter son âme noire et qui sait ? Peut-être qu’elle pourrait enfin ne faire plus qu’une ?

Mais en attendant que cela arrive, elle avait l’intention de profiter de Lex, parce qu’elle n’avait pas la moindre idée de ce qu’il adviendrait d’elle lorsque la louve et elle seraient enfin réunies. Et pour être franche, elle n’avait pas envie d’y penser.

Elle se pencha sur sa femme et lui murmura à l’oreille :

- J’ai hâte d’être à notre nuit de noces…

Lex se força à ne pas réagir à la voix séductrice ou aux chatouillis à son oreille.

- Parce que jusque là, poursuivit sa moitié, on fait chambre à part…

Lex sursauta et fixa sa femme incrédule.

- Pas encore ! S’exclama-t-elle angoissée.

Elle ne risquait pas d’oublier la frustration qui avait été la sienne pendant les jours qui avaient précédé leur mariage ! L’excitation permanente suivit de la frustration et de l’énervement. Elle n’avait quasiment pas dormi et avait été tendue tout au long de la cérémonie. Tout avait été une torture et elle n’était pas prête de vouloir renouveler l’opération !

- Et si… pense à la nuit fabuleuse à laquelle cela va nous mener…

Lex hésita. Effectivement leurs retrouvailles avaient été explosives. Délicieuses même. Mais la tension qui l’avait maintenu dans un état de nerfs permanent, elle ne voulait réellement pas le revivre.

- Non, Ti, je ne veux vraiment pas revivre ça, fit-elle en secouant la tête.

Tia sourit.

- Dommage que se ne soit pas une demande, hein ? Lâcha-t-elle tranquillement.

- Qu… comment ça ?

- Elle veut dire que ce n’est pas toi qui décide, intervint une Lizzie goguenarde.

« Et comment avait-elle entendu ce que sa femme lui avait murmuré à l’oreille ? » s’interrogea la petite blonde. Elle chassa cette pensée incongrue et se concentra sur ce que venait de dire sa compagne.

- Tu veux dire que je n’ai pas voix au chapitre ?

- C’est ça.

- Tu n’as pas le droit ! Déclara la petite femme en fronçant les sourcils. Ca me concerne aussi.

- Ha oui ? Rétorqua nonchalamment la grande femme. Comme lorsque tu as décrété qu’on resterait pure jusqu'à notre union la première fois ? M’excluant complètement de la décision ?

Lex s’agita d’un pied sur l’autre. Elle détestait être prise à son propre jeu. Mais elle ne voyait pas vraiment ce qu’elle aurait pu opposer comme argument.

Elle fixa sa femme de ses yeux vert mousse et hocha la tête solennellement. Puis quitta ses bras et tourna les talons. Tia la vit s’éloigner à grandes enjambées résolues et elle l’interpella un peu perplexe :

- Où tu vas ?

- Demander aux organisateurs de se bouger le train.

Un éclat de rire suivit sa sortie.

 

******************************************

 

Tia se tourna vers Lizzie et partagea un regard complice. La mercenaire se dit qu’elle ne trouverait pas de meilleur moment pour leur discussion. Elle attrapa donc la main de sa cousine et la traîna à sa suite.

La jeune femme sentit son cœur battre à coups redoublés quand la grande main ferme de Tia se referma sur ses doigts. Et elle la suivit en se souciant comme de sa première chemise de l’endroit où elle l’embarquait.

Elle la mena à l’écart des festivités et l’invita à s’asseoir sur une souche qui traînait près du chemin menant aux bungalows. Tia s’assit à califourchon dessus et Lizzie plia son genou pour que celui-ci repose sur le tronc et faire face à Tia sans pour autant devoir adopter sa position.

- Lizzie je t’ai amené ici pour une bonne raison, commença la grande femme.

La jeune fille hocha la tête et attendit la suite dans l’expectative.

- Voilà. Je… j’aimerais, après que tu aies fini tes examens, ça va de soi, que… que tu viennes habiter ici.

Lizzie ouvrit des yeux ronds et une vague de joie la transperça.

- Tu… Vraiment ?! Mais… pourquoi ?!

C’est là que la conversation devenait délicate. Tia choisit soigneusement les mots qu’elle allait prononcer.

- Avec ton père… on pense que ça pourrait t’être plus… profitable… pour ton épanouissement personnel, si tu te retrouvais entouré de… heu… personnes qui te comprennent mieux…

Le visage de la jeune fille se ferma et elle tourna un regard coléreux au loin.

- Je vois, fit-elle platement. Papa ne sait plus quoi faire pour me contrôler alors il m’envoie ici.

Autant pour sa délicatesse.

- Eh bien... y’a un peu de ça mais pas totalement.

Lizzie tourna son regard où une paisible colère se trouvait. Une fois de plus Tia fut profondément touchée par la profondeur de la blessure qu’elle y voyait. Elle aurait tellement aimée l’aider plus…

- Eh bien va-y, lança Lizzie d’une voix mordante, explique-moi ce qui en fait partie ou pas.

Tia se racla la gorge en se demandant ce qu’elle pouvait dire ou pas.

- On pense, qu’effectivement tu ne fréquentes pas les bonnes personnes. Mais ce n’est pas cela qui motive ma demande. Enfin pas entièrement, admit-elle devant le regard sceptique de sa cousine. Je pense… et Frédéric est d’accord là dessus… que tu es comme nous.

Lizzie fronça les sourcils.

- Comment ça, comme vous ?

Tia se passa la langue sur les lèvres et réfléchit à la façon de présenter les choses.

- Eh bien… Frédéric… s’est toujours vu comme un loup solitaire.

Lizzie hocha la tête.

- Et lorsqu’il m’a découverte… il a pensé que j’étais de la même race que lui. Et il avait raison.

Nouvel acquiescement de Lizzie.

- Aujourd’hui… en fait on y pense depuis le début mais… enfin bref… Frédéric et moi on pense que tu es comme nous. De la race des loups et… enfin…

Tia soupira. Elle n’avait pas la moindre idée de la façon de présenter les choses. C’était si bizarre comme façon de vivre.

- On vit comme ça depuis qu’il m’a pris sous son aile, débita-t-elle d’une traite. Karl, lui et moi, on a vécu comme une meute et on fonctionne ainsi entre nous. C’est… notre façon d’être. C’est pas une chose qu’on explique, mais que l’on vit. On trouve leur façon d’être plus vraie, plus pratique et logique que celle des humains et… enfin bref… elle nous convient. Elle nous cadre tout en nous permettant d’être nous même.

Elle fixa sa cousine droit dans les yeux et déclara :

- Nous ne sommes pas civilisés Liz. Nous sommes des êtres sauvages gouvernés par nos instincts et on en a parfaitement conscience. La façon dont vivent les meutes nous permet de ne pas être jugés et de vivre selon notre vraie nature sans pour autant être des monstres.

Tia fit une pause pour permettre à Lizzie de digérer tout ce qu’elle venait d’entendre.

- C’est cela que je te propose Liz. De vivre parmi notre meute, à ce mot elle grimaça, s’il convenait parfaitement, elle avait toujours eu du mal à envisager sa façon de vivre en ces termes, comme si elle avait honte de sa partie animale.

Et comprit-elle soudain, c’était le cas.

- En tant que membre.

Lizzie la dévisagea un long moment en silence.

- Tu penses que je suis perdue, c’est ça ?

Tia hocha la tête.

- Je pense que tu ne sais pas qui tu es. Que tu veux à toute force entrer dans le moule pour faire plaisir aux gens qui t’entourent mais que ça te tues doucement. Je pense sincèrement que venir vivre ici te fera voir ta place dans le monde différemment et te fera du bien. Mais réfléchis bien parce que si tu dis oui, il y aura des règles à suivre… des règles qui si elles ne sont pas suivies à la lettre peuvent mener à certaines sanctions comme le rejet ou l’exil. Si tu acceptes de suivre notre façon de vivre, tu devras m’obéir… parce que c’est moi qui dirige notre petit groupe et que je ne tolèrerais pas de débordement.

Lizzie inspira doucement et expira. Ca faisait vraiment beaucoup d’infos à assimiler d’un coup.

Tia lui releva le menton et l’obligea à la regarder.

- Prends le temps d’y réfléchir. Mais saches que quoi que tu décides… tu auras toujours une place au sein des miens. Si tu n’es pas prête, on attendra que tu le sois.

Lizzie fixa les prunelles d’azur de la femme qu’elle aimait depuis leur première rencontre et n’y vit qu’une sincère inquiétude.

- Tu m’aimes ? Ne put-elle s’empêcher de demander.

Tia comprenait ce besoin. Ce vide qui vous engouffrait vivant après avoir mis fin aux jours d’une personne et vous donnait l’impression de ne plus rien valoir, d’être devenu le monstre que vous aviez combattu et le besoin désespéré d’être accepté, aimé comme on était, malgré ce qu’on avait fait, malgré ce que l’on était.

Et lorsque cela arrivait… la liberté qui nous envahissait… nous faisait voir une lueur qui ne s’y trouvait pas auparavant et on avait l’impression de nouveau de valoir quelque chose… et on voulait, on essayait à toute force… de se reconstruire. De bâtir quelque chose à partir de cette lueur. A partir de la loque que l’on était devenue.

- Bien sûr que je t’aime, répondit Tia avec une étrange douceur.

Et comme pour sceller ses propos, elle se pencha sur la jeune fille et déposa un baiser tendre sur ses lèvres.

Lizzie ferma les yeux pour mieux profiter de la chaleur des lèvres dont elle rêvait si souvent et qui hantaient aussi bien ses nuits que ses journées. Le baiser fut bien trop bref et trop chaste au goût de la jeune fille, mais elle s’en contenta et rouvrit les yeux lorsque leurs bouches se séparèrent.

Elles échangèrent un long regard où la compréhension d’une douleur identique et d’un passé qu’elles auraient voulu différent s’y reflétait.

- Tu t’appelleras Chin, fit Tia d’une voix douce comme la soie.

Lizzie hocha la tête et demande :

- Tu… as un nom spécial aussi ?

- Oui, mais il n’est révélé qu’aux membres…

- Oh. Et… vous êtes combien ?

Tia sourit.

- Trois.

- Et qui… qui en fait… partie ? Seulement toi, Frédéric et Karl ?

La mercenaire hocha la tête. Et Lizzie sentit un mélange de sentiments l’envahir. De la joie à l’idée qu’Alexia était exclue, de la honte à l’idée de s’en réjouir et de la confusion à l’idée d’être aussi semblable à Tia.

Elle essayait depuis plusieurs années de concilier son passé avec son présent mais plus le temps passait, plus elle avait du mal à y parvenir. Elle se sentait si à l’ écart du monde. Même parmi les marginaux elle se sentait seule. Différente.

Et voilà que Tia débarquait et lui expliquait pourquoi et lui offrait un endroit, un lieu où non seulement elle serait toujours acceptée mais où elle ne se sentirait plus aussi différente. Parce qu’ils étaient tous comme elle…

Elle ferma brièvement les yeux et fit un pas en avant. Elle posa sa tête contre l’épaule de la grande femme et entoura sa taille de ses bras. Tia referma ses bras sur elle et la serra doucement.

- Prends ton temps, lui dit-elle en la berçant. Rien ne presse et si tu as des questions…

- Je sais... tu es là.

- Toujours, confirma la grande femme doucement.

 

*******************************

 

Le lendemain matin, Tia prit ses enfants à part dès leur réveil. Elle n’en pouvait plus d’attendre pour leur parler. Elle stressait et voulait savoir où ils en étaient vis-à-vis d’elle et des révélations qu’ils avaient appris.

Elle les trouva attablé devant un bol de céréales avec l’air déterré de ceux qui sont debout mais loin d’être réveillés. Elle les trouva seuls et décida d’en profiter. Elle s’assit en face d’eux et attendit qu’ils ouvrent des yeux moins ensommeillés sur elle pour parler.

Ils hochèrent vaguement la tête dans sa direction lorsqu’ils la remarquèrent enfin et elle rit.

- Gueule de bois ? Se moqua-t-elle.

Ils haussèrent les épaules et Tia se racla la gorge.

- Ecoutez, je… je sais que ce n’est pas vraiment le moment pour ce genre de discussion mais… je… j’ai besoin de savoir.

Ils la fixèrent, échangèrent un regard puis se redressèrent en se frottant les yeux. Ils la dévisagèrent ensuite, l’air plus vif et Tia soupira intérieurement de soulagement. Ils semblaient parfaitement savoir de quoi elle voulait parler exactement et cela éviterait des explications embarrassantes pour eux trois.

Ce fut Len qui commença.

- On sait que ça n’a pas été facile pour toi, dit-il en jouant avec ses céréales sans la regarder. Que notre père… t’a fait ce que…

Len serra les poings et sa mâchoire se crispa. Il ne put se résoudre à prononcer les mots, à rendre encore plus réel ce que chacun savait en le disant à voix haute.

- … ce qu’un homme peut faire de plus immonde à une femme.

Sa voix se fit plus sourde, plus crispée et Lara posa une main douce sur celle de son frère. Elle la pressa et poursuivit à sa place. Elle leva la tête et croisa le regard de sa mère. Tia fut saisie par le bleu limpide des yeux de sa fille et son sérieux.

- Mais tu nous as gardés.

Elle fit une pause et répéta :

- Tu nous as gardés. Et tu nous as aimés.

Tia hocha la tête lentement sans quitter sa fille des yeux.

- Le reste n’a pas d’importance. On t’a et on a Alexia.

- Ca nous suffit, conclu Len en osant enfin croiser son regard. On sait que tu ne nous quitteras jamais de ton plein gré, que tu nous protègeras toujours même contre nous même. Même si on t’en veut.

- On l’a compris, poursuivit sa fille. On est juste terriblement triste pour toi. Ce que tu as dû subir… et… franchement…

- On te trouve incroyable, finit Len en posant des yeux émerveillés sur sa mère.

- Incroyable ? Répéta Tia en retrouvant sa voix.

Ils hochèrent la tête dans un bel ensemble.

- Tu es si courageuse, murmura Lara, si forte. Tu es une telle battante…

La mercenaire les dévisagea tour à tour les larmes aux yeux. Elle vit ses enfants la regarder avec une confiance et un amour absolu et déglutit difficilement. Ils auraient pu être semblable mais là où il y avait de l’émerveillement dans les yeux de Len, elle trouva de l’admiration dans ceux de sa fille.

Lara était la plus mature et celle qui avait le plus les pieds sur terre, remarqua-t-elle une fois de plus. C’était si étrange pourtant… Len était le plus calme et le plus appliqué et Lara était parfois si futile… si superficielle…

Exception faite de la couleur de ses yeux, Lara semblait complètement semblable à Lex. Elle était un mélange étrange de l’Alexia d’avant sa rencontre avec Tia et de celle d’aujourd’hui…

Tia leva la main et caressa la joue de sa fille. Puis elle se leva et fit le tour de la table. Elle se mit entre eux et les attira à elle. Ils partagèrent cette étreinte avec le même soulagement.

Enfin, leur relation pouvait revenir à la normale.

- Merci pour Jenny, au fait, fit la voix étouffée de son fils tout contre elle.

Tia sourit et regarda le soleil déverser ses premiers rayons de la journée dans la cuisine, qui de nouveau, s’illuminait.

Chapitre 3 :

 

C’était le grand jour.

Et Tia stressait à mort.

Elle ne comprenait pas pourquoi. Elle avait déjà épousé Lex. Elle avait uni son âme à la sienne. L’avait laissé adopter ses enfants.

Elle ne pouvait pas être plus liée ou engagée à elle.

Pourtant elle stressait.

La grande brune lissa du plat de la main son pantalon en se détaillant anxieusement dans la Psyché. Elle avait revêtu un pantalon en cuir noir. Celui qu’elle portait lors de sa première sortie en amoureuse avec Lex. Pour le haut, elle avait choisi de porter un marcel en coton noir tout simple. Sa tenue était complétée par un bandana noir qu’elle avait noué sur ses cheveux détachés.

Elle enfila ses bottes de motard et vérifia une fois encore son reflet.

Elle avait l’air dangereuse et sauvage.

Elle avait une chance sur deux de se faire jeter par sa douce fiancée. Elle grimaça. Elle était de moins en moins sûre de son choix. Alexia s’attendait à du classique et elle allait être surprise ! Mais en serait-ce une bonne ou une mauvaise ? Allait-elle lui jeter son bouquet de mariée au visage ou juste la fusiller du regard ?

Elle se redressa et inspira profondément. Elle carra les épaules et calma les pensées chaotiques qui agitaient son esprit. Elle avait fait un choix et elle comptait bien s’y tenir.

Elle entendit qu’on toquait à la porte de sa chambre et inspira une dernière fois avant d’aller ouvrir. Frédéric écarquilla les yeux puis hocha la tête et lui fit un petit sourire encourageant.

Elle lui en retourna un crispé et le suivit au dehors. Le soleil la frappa brutalement et elle prit le temps d’apprécier l’instant. Pour apaiser sa nervosité ? Ou pour tout graver en elle ? Elle ne le savait pas mais s’appliqua à imprimer chaque image, chaque son, chaque senteur… dans un coin connu d’elle seule tout en s’avançant vers l’autel au côté de Frédéric.

Elle sourit tranquillement aux invités qui la fixaient avec des airs incrédules, confus ou perplexes. Puis se plaça au pied de l’autel et se tourna pour faire face à l’allée.

Tia détailla l’assistance autant que l’environnement.

Alexia avait été fantastique… comme toujours. En une semaine elle avait accompli un véritable miracle.

Le mariage se faisait en plein air et une estrade avec une arche fleurie avait été installée à l’arrière du ranch. Des chaises en bois blanches étaient disséminées sur toute la propriété afin que les invités puissent suivre la cérémonie puis s’asseoir où bon leur semblaient entre deux danses.

Le thème que Lex avait choisi était celui de songe d’une nuit d’été, de William Shakespeare. Des peintures en trompe l’œil, des décors peints sur des panneaux en bois, des arbres et plantes moussues amenés directement et spécialement pour l’événement, des statues… Le décor était digne d’un royaume de fée…

Plus loin sur sa gauche se trouvait une piste de danse, aménagée pour l’occasion et abritée par un chapiteau rouge pétant où se trouvait inscrit : Tia et Alexia, pour la vie et au-delà. L’inscription comme la couleur du chapiteau faisaient grimacer la mercenaire, mais Alexia avait tenu à l’un comme à l’autre. Pour la couleur Tia ne comprenait pas, mais pour l’inscription elle savait que c’était pour prévenir tous ses soupirants qu’elle était prise et bien prise.

Ca l’avait fait rire mais elle pouvait comprendre son besoin de marquer sa possession. Elle ne s’était pas toujours très bien comportée. Tia lorgna vers le buffet froid que le traiteur venait à peine de finir d’installer et saliva à la seule vue des montagnes de saumon fumé, des fontaines aux chocolats, de la crème chantilly et des fruits artistiquement disposés…

Elle mourrait de faim parce que depuis la veille elle avait été incapable d’avaler quoi que se soit. La fébrilité de Lex l’avait finalement atteinte et elle s’était retrouvée à se traiter de tous les noms lorsqu’elle n’avait pu aller dissoudre sa nervosité dans une étreinte amoureuse, parce qu’elle avait, par jeu, décrété qu’il n’y aurait rien entre elles jusqu’à la nuit de noces.

Elle n’avait bien entendu, frustrée et énervée comme elle l’était, avec si peu de sommeil, pu avaler quoi que se soit ce matin aussi. Résultat, il n’était pas loin de midi, elle mourrait de faim, de nervosité et de frustration.

Elle trompa son énervement en détaillant les participants et vit que Marcelius Roberts avait répondu à leur invitation. Elle lui sourit et il lui retourna un petit signe de la main. Elle poursuivit son tour d’horizon et s’arrêta sur un grand brun ténébreux qui la regardait avec un petit sourire à la fois triste et goguenard. Elle vit aussi de l’admiration dans ses yeux. Elle fut rassurée par son approbation. Il avait compris son choix de tenue. Peut-être Lex le comprendrait-elle aussi finalement ?

Elle était heureuse qu’il soit là. Enyalios était si important pour elle…

Elle croisa ensuite le regard furieux et méprisant de M. Stephanos et se trouva partagée entre sa colère de le voir la juger ainsi et sa joie lorsque Lex se rendrait compte qu’il avait finalement accepté son invitation.

Elle décida de garder son agacement pour elle et de faire bonne figure. Elle ne réagirait ni à ses regards, ni à ses piques. S’il y avait une chance pour que Lex et son père se réconcilient ce ne serait pas elle qui l’en empêcherait.

Elle sourit à M. Stephanos qui détourna le regard en reniflant. « Ca promet pour la suite », songea la grande femme en haussant des épaules mentales.

Au premier rang, elle vit Rhapsody et la sérénité qui l’envahissait à chaque fois qu’elle posait les yeux sur elle et plongeait son regard dans le sien, prit possession d’elle. La nervosité s’apaisa, la frustration s’amenuisa et la faim se tut. Elles se sourirent.

Le regard de Tia fut attiré juste à côté de sa voisine, par les parents de Linya qui lui faisaient un petit signe. Elle le leur retourna et vit qu’ils la fixaient d’un air perplexe et interrogatif. Elle fronça les sourcils. Qu’est-ce qu’ils voulaient ? Elle haussa mentalement les épaules et se dit qu’elle verrait bien après la cérémonie.

Elle se tourna vers Linya qui jouait les demoiselles d’honneur de Lex et lui fit un clin d’œil auquel elle répondit. Elles se sourirent et Tia fit un signe de tête vers ses parents. Linya se tourna vers eux et après un échange non verbal qui passa au-dessus de la tête de Tia, Linya fit la grimace en levant les yeux au ciel et murmura une excuse silencieuse à l’attention de sa grande amie.

Celle-ci ouvrit de grands yeux perplexes. Elle était de plus en plus intriguée. Elle allait lui demander des précisions quand les premières notes de la marche nuptiale retentirent.

Le regard de Tia comme celui des invités se porta instantanément sur l’allée centrale. Tia sentit son cœur battre à coups redoublés. Elle fixait la porte d’entrée du ranch à s’en faire mal aux yeux. Elle se retint de se dandiner sur place et entendit un rire bas et grave, moqueur à sa droite, mais décida de ne pas relever. Cela aurait fait trop plaisir à Enyalios. Et risquait de lui faire manquer l’entrée de Lex.

Elle vit la porte d’entrée s’ouvrir au ralenti comme dans les films et se dit que vraiment elle allait devoir se calmer parce qu’imaginer des ralentis c’était un vrai signe de guimauverie ! Elle inspira brutalement lorsqu’elle vit sa moitié apparaître et ne la quitta plus des yeux alors qu’elle s’avançait les yeux braqués sur elle.

Lex était vêtue à l’ancienne. D’un haut en lin bleu et d’une longue jupe en lin marron-rouge. Ses cheveux étaient lâchés sur ses épaules sauf deux mèches sur le devant ramenées vers l’arrière et attachées en demi-queue.

Ses cheveux avaient des reflets auburn et brillaient doucement au soleil. Ses yeux d’un vert intense la fixaient avec détermination et un brin d’appréhension. Tia fronça les sourcils, son cœur s’arrêta brièvement de battre et sa respiration se coupa alors même qu’une image d’une netteté incroyable s’imprimait sur sa rétine.

Sa compagne prise au milieu d’un combat contre des brigands, leurs regards se croisant pour la première fois par-dessus les épaules des hommes de Draco, le vert la transperçant dans une sensation inconnue d’elle jusqu’alors et la perturbant au point qu’elle ne sente pas un des hommes lever son bras pour la frapper dans le dos.

Même lorsqu’elle était tombée au sol, la douleur lui faisant perdre momentanément l’usage de ses jambes, elle n’avait que ces yeux verts incroyables dans la tête. C’était son corps, si remarquablement entraîné qui avait enchaîné les coups pour mettre fin aux velléités des hommes de Draco sans qu’une seule fois l’image de cette jeune paysanne ne la quitte.

Et aujourd’hui elle était à nouveau devant elle. Sa jeune paysanne. Devenue femme. Devenue guerrière. Devenue tellement plus pour elle…

Alors que tout le monde dévisageait Lex comme si elle venait d’un autre monde, Tia sentit les larmes monter et l’une d’elle roula sur sa joue, juste avant qu’elle n’éclate de rire. Elle était si heureuse.

Sa première, toute première rencontre avec son âme sœur… elles étaient tellement faites l’une pour l’autre…

Elles avaient pensé exactement à la même chose… se vêtir comme au jour de leur première rencontre… seulement Lex était remontée un peu plus loin… et Tia avait fait un mix avec leur première sortie en amoureuse.

Elle fixa son regard rieur et heureux sur sa moitié alors que celle-ci finissait de remonter l’allée pour se poster à ses côtés et elle vit la même joie, la même émotion dans ses yeux lorsque Lex détailla sa tenue.

La petite blonde se pencha doucement vers elle et dit :

- Ma mercenaire indomptable…

Tia sourit et répliqua :

- Jusqu'à toi. Seulement jusqu’à toi…

Elles se redressèrent et se tournèrent vers le pasteur dans un même élan. Aucune d’elle n’avait une confession particulière mais elles voulaient un mariage dans les règles et la religion protestante leur semblait la moins bizarre et la plus crédible.

Aussitôt les yeux braqués sur lui, le pasteur se mit à commencer son discours. Les filles plongèrent instantanément leurs regards l’un dans l’autre et n’en dévièrent plus. C’est ainsi, l’une dans l’autre, qu’elles prononcèrent leurs vœux.

A la fin de la cérémonie, Tia se pencha vers sa femme et déclara doucement mais gravement :

- Je ne te promets pas de ne pas te faire souffrir, je ne te promets pas de faire toujours ce qu’il faut, je ne te promets pas d’être une personne facile à vivre, mais je te promets de toujours essayer et de ne jamais te quitter.

Lex déglutit, envahie par l’émotion et ferma les yeux lorsque Tia déposa un baiser léger comme la brise sur ses lèvres puis les rouvrit et acquiesça. Elle se racla la gorge et fit-elle aussi une promesse à sa femme :

- Je te suivrais où que tu ailles. Comme je l’ai toujours fait, que tu le veuilles ou non. Je ne compte pas t’obéir…

Ces mots arrachèrent un petit rire à la mercenaire.

- Comme si tu l’avais jamais fait…

- … je t’aime, poursuivit la petite femme sans relever l’interruption même si le commentaire l’avait fait sourire, et c’est pourquoi je veux être avec toi. Toujours. Quel que soit le lieu où tu te rends… ou bien où l’on t’envoie, murmura-t-elle plus bas.

Un instant la signification de cette promesse flotta entre elles deux et Tia ne sut si elle devait prendre Lex dans ses bras et la remercier ou la secouer et lui dire de réfléchir un peu à ce qu’elle disait.

Pour que sa compagne soit la seule à entendre ce qu’elle allait dire Tia se pencha un peu plus vers Lex et baissa la voix.

- Te rends-tu compte de l’endroit où je risque d’aller ? En admettant même que j’ai droit au repos cette fois et non à une énième réincarnation ? On sait ce qu’il y a là-bas…, chuchota-t-elle encore plus bas, on l’a vue… Ashee nous l’a montré… tiens-tu vraiment à te retrouver au milieu d’eux ?

Eux. Les démons. Lex frissonnait de terreur rien qu’à penser à eux. Elle leva ses yeux limpides sur la grande femme à ses côtés et sut avec une certitude absolue où elle ne pouvait pas être. Loin d’elle.

- Je ne tiens pas particulièrement à être en leur sein, mais Tia j’aimerais que tu arrives à saisir… je ne peux pas vivre loin de toi… se serait comme m’arracher les bras et les jambes…

Lex fit une pause puis reprit.

- Oui, j’en suis sûre. Et tu oublies que nos âmes sont liées désormais… on ne peut plus rien y changer, conclut-elle satisfaite.

Tia eut un sourire triste. Elle leva la main où se trouvait son alliance et dit :

- Il me suffit de la retirer… et à notre mort nous ne pourrons nous retrouver…

Instantanément les yeux verts virèrent à l’orage.

- Tu n’as même pas intérêt à y penser, gronda la petite femme.

Tia réfléchit et Lex en profita pour avancer ses arguments sentant que c’était aujourd’hui et maintenant que se jouait leur avenir… leur devenir…

- Arrête d’essayer de me protéger comme si j’étais encore une enfant… je n’en suis plus une… depuis longtemps. Accorde-moi le droit, comme n’importe quel adulte, de faire mes propres choix. Accorde-moi ton respect et respectes mes décisions en comprenant bien que pour chacune d’elles, j’ai longtemps pesé le pour et le contre. Accepte le fait que tu es la raison pour laquelle j’existe et que je ne pourrais jamais être heureuse si je ne suis pas avec toi… s’il te plaît accorde-moi tout ça… ça fait tant de vies que j’essaye de te l’expliquer… tant de vies gâchées, tant de douleurs, tant de solitude… une simple existence difficile à tes côtés me rendra toujours plus heureuse qu’une éternité en sécurité et sans souffrance.

Lex reprit son souffle et enchaîna :

- A quoi bon vivre sans amour ? Je peux tout supporter, et il me semble d’ailleurs l’avoir prouvé, si tu es là. Et Tia, n’oublie pas… la joie on ne peut la ressentir que parce qu’avant on a expérimenter la souffrance… ne t’imagine pas qu’une vie ou une éternité au paradis puisse faire une alternative acceptable parce que je ne souffrirais pas…parce que je ne connaîtrais pas la joie non plus. Pas sans toi... je ne le pourrais plus jamais…

- Tu… tu es sûre ?

 Lex fit un pas en avant et prit les mains de Tia entre les siennes.

- Tia… il aurait fallu que Gabrielle ne rencontre jamais Xena, qu’elle reste à Potéidaia pour se satisfaire d’une vie où tu n’es pas… et ça, ma douce, c’est juste impossible… Accepte-le. Accepte-moi… je t’en prie…

Tia la considéra longuement et se souvint soudain de ce que Lex avait obtenu il y a peu…

- Mâat, fit-elle en passant son index sur la joue de sa compagne. Tu es indépendante maintenant. Je ne peux plus te considérer que comme mon égale… tu l’étais aussi lorsque… lorsque je t’ai sacrifié au nom de l’honneur et du repos des 40 000 âmes à Jappa.

Le regard de la mercenaire se fit lointain.

- J’ai pris la décision pour nous deux… une fois de plus… sans te laisser le choix… sans écouter tes propres désirs… ce n’est pas ça un couple…

Tia revint au présent.

- Je suis désolée… sans cette décision… sans mon égo… on n’en serait pas là aujourd’hui…

Lex sourit.

- Encore une fois, ton ego à parler… Ce n’est pas à cette décision que l’on doit notre présent. Mais aux deux qui ont suivi. La tienne. De t’arracher une partie de ton âme. Et la mienne. De te suivre où que tu ailles.

Une pause.

- Cesse de croire que tu es responsable de tout ce qui m’arrive de mal. Je sais très bien me mettre toute seule dans les ennuis.

C’était tellement vrai que Tia rit ?

- La décision de te mutiler était stupide… mais c’était par amour que tu l’as fait… pour moi… pour réparer… en quelque sorte… Je pourrais tout à fait dire que c’était ma faute.

- Non, Lex c’était ma décision…

- En effet, la coupa la petite femme, ta décision. Mais je pourrais te retirer ton libre arbitre ou faire comme s’il n’existait pas…

Tia comprit. Pour la première fois en des siècles d’existence, elle comprit son erreur. Celle qu’elle répétait inlassablement, vie après vie… celle qu’elle avait failli refaire. Alors qu’on lui octroyait enfin une nouvelle chance… et le droit de réparer…

- Je… je suis désolée… je… je ne me rendais pas compte… je ne voyais pas…

Le cœur de Lex fit un bond dans sa poitrine et une allégresse sans nom la submergea. Enfin Tia avait compris. Enfin elles allaient construire leurs avenirs à deux… enfin… elles allaient être sur un pied d’égalité…

Elle serra les mains de sa compagne et demanda, fébrile :

- Alors, c’est oui ?

Tia ne se souvenait pas de la question, si tant était qu’il y en ait eu une, mais elle savait ce que Lex attendait d’elle.

- C’est oui.

Et avec ces mots les deux femmes scellèrent enfin leur mariage. Elles s’étreignirent et s’embrassèrent fougueusement sous les sifflements et les applaudissements de l’assistance qu’aucune des deux n’entendirent.

Elles se séparèrent tranquillement et se perdirent dans les yeux l’une de l’autre.

- Plus jamais séparées… promit la grande femme… plus jamais rien sans toi…

Lex lui fit un grand sourire, l’embrassa une dernière fois et se tourna vers les spectateurs sans attendre la fin de la bénédiction du pasteur qui depuis le début de leur échange essayait tant bien que mal de poursuivre.

- Et maintenant, on fait la fête ! S’exclama la nouvelle mercenaire avec joie.

Depuis que Tia lui avait annoncé que désormais elle n’était plus son apprentie, c’était la première fois qu’elle ressentait vraiment sa nouvelle indépendance.

Alors qu’elles descendaient l’allée sous le traditionnel lancé de riz, les parents de Linya les interceptèrent au grand dam de leur fille qui se rua à leurs côtés.

- Maman, fit-elle, ce n’est vraiment pas le moment pour ça…

Mais celle-ci ne l’entendait pas de cette oreille. Tia et Lex les regardaient tous les trois un peu perplexe.

- Pourquoi ne pas avoir fait un mariage à trois ? Demanda la mère de Linya. Ce n’est pas possible ? Il me semblait pourtant qu’au Canada ça l’était. Comptez-vous épouser notre fille un jour, ou allez-vous la cantonner au rôle de maîtresse ?

Les questions s’adressaient aux deux mariées mais il était clair, au regard perçant que la vieille dame posait sur Tia que c’était à elle seule que les reproches voilés allaient. La mercenaire la dévisagea stupéfaite et se tourna vers Linya, l’air de dire :

« Mais ils n’ont toujours pas capté ?! »

Linya fit une grimace penaude et Lex éclata de rire.

Chapitre 4 :

 

Les deux agences de mariage retenues par Lex avaient fait un travail incroyable pour la réception. On avait vraiment l’impression de pouvoir rencontrer la reine des fées à tout moment.

Tia qui n’aimait pas du tout ce genre de chose était particulièrement émerveillée par son environnement.

Elle jetait de fréquents coups d’œil aux alentours, avec l’air d’être Alice au pays des merveilles. Lex qui avait repéré son manège était particulièrement fière de son idée. Elle se trouvait aux côtés de sa femme et tenait sa main, fermement serrée dans la sienne. Elle ne la lâchait que pour les danses auxquelles elle devait participer.

Tia tirait la gueule dans ces cas là, mais ne pouvait refuser. La mercenaire elle-même avait dû y aller de sa participation. Elle avait bien entendu choisi très sérieusement les quelques partenaires qui auraient cet honneur.

Au plus grand déplaisir de Lex, Tia avait dansé plusieurs fois avec Enyalios et y avait semble-t-il, pris à chaque fois beaucoup de plaisir. Tia avait aussi dansé avec Marcelius, Frédéric et son oncle Gin.

Soudain Lizzie se planta devant les deux femmes et les félicitèrent avec un immense sourire. L’instant suivant, elle invitait Tia à danser. Et à la grande surprise de Lex, Tia accepta. Elle les regarda gagner la piste de danse avec un petit pincement au cœur. Une appréhension au creux du ventre, qui ne fit que grandir à mesure qu’elle les voyait évoluer sur la piste.

Elle était si semblable… la même grâce, le même pas de prédateur, le même malaise dans le monde…

Lex se redressa. Oui Lizzie et Tia feraient un couple merveilleux… mais cela devrait attendre qu’elle, Lex, ne soit plus de ce monde. De plus, et cela, Lex le remarqua avec un soulagement évident, Tia ne regardait pas du tout Lizzie de la façon dont une femme en regarde une autre qui lui plaît.

Dans la tête de Tia, Lizzie était toujours une enfant. Trop proche en âge de sa fille, Tia ne la verrait pas comme une partenaire potentielle avant longtemps. Si cela arrivait un jour d’ailleurs. Lorsque son temps viendra, lorsque son corps lâchera, Lex devrait faire le nécessaire pour que Tia ouvre les yeux sur Lizzie.

C’était un sacrifice nécessaire au bonheur de Tia. Mais cela n’allait pas sans douleur. A sa mort, s’ajoutait la séparation d’avec son âme sœur et à cela… la douleur de la savoir avec une autre…

Elle tourna la tête en direction d’Enyalios qui observait Tia avec un air de regret nostalgique. Et soudain cela frappa Lex. Enyalios était amoureux de Tia. Depuis de nombreuses années déjà.

Elle secoua la tête, incrédule. Puis considéra cette nouvelle option. Tia aimait infiniment Enyalios. Elle lui vouait une admiration et une reconnaissance sans borne. Et Tia avait besoin d’admirer ceux qu’elle aimait. En cela, Enyalios était un meilleur choix pour sa mercenaire que Lizzie.

Mais Lizzie était totalement dévouée à sa compagne. Elle aurait la patience qui serait nécessaire à Tia lorsqu’elle serait morte. Enyalios… non, elle ne le voyait pas faire ça. Mais peut-être se trompait-elle ? Peut-être qu’il serait différent ? Pour Tia.

Il allait falloir qu’elle y réfléchisse sérieusement. Et qu’elle apprenne à les connaître plus. Elle allait devoir observer sa femme lors de ses contacts avec eux… et déterminer lequel lui conviendrait mieux.

C’était un bon plan. Et cela lui donnait le temps à elle-même pour s’y faire. Elle n’avait pas beaucoup d’illusion sur son efficacité, mais elle devait au moins le tenter. La vie de Tia ne devait pas se terminer avec la sienne.

- Elles sont magnifiques, fit une voix la tirant de ses réflexions.

Lex découvrit leur voisine, Rhapsody en train de contempler les couples sur la piste avec un air pétillant de joie et un je ne sais quoi de bienveillant qui lui adoucissait le visage. 

- En effet, répondit-elle.

Rhapsody se tourna vers elle avec un grand sourire.

- Félicitation, fit-elle simplement. Pour le mariage, la mariée et la superbe fête.

Lex hocha la tête et lui retourna son sourire.

- Merci à vous pour tout ce que vous avez fait pour nous et les jumeaux… ces derniers mois.

Rhapsody secoua la tête.

- Ce n’était rien voyons.

Lex la dévisagea interloquée.

- Rien ? Vous rigolez ?! Vous… vous avez géré notre domaine, vous êtes occupée de la scolarité des jumeaux, avez joué les intermédiaires avec la police… et tout cela sans rien demander en échange et sans réellement nous connaître ! Alors non, ce n’est pas rien.

Rhapsody la regarda rejeter sa désinvolture avec amusement.

- Et croyez-moi, on s’en souviendra longtemps, déclara la petite femme avec conviction.

- Ce n’est pas la peine, vraiment, insista la rousse.

Lex l’étudia un moment, se demanda ce qui motivait cette femme presque aussi grande que la sienne.

- Pourquoi avez-vous fait cela, d’ailleurs ? Lui demanda-t-elle brusquement. Je veux dire, on est voisin ok, mais… on en se connaît pas vraiment.

Rhapsody lui jeta un regard malicieux.

- Pas que je n’apprécie pas, se reprit rapidement la petite blonde. Mais avouez que c’est étrange…

La femme rousse secoua les épaules et reporta son regard sur la piste. Après quelques instants de silence, Lex remarqua qui sa compagne dévisageait. Tia. Et l’expression de Rhapsody était… un mélange de douce nostalgie et de perplexité.

Lex fronça les sourcils. Lorsque Tia croisa le regard de leur voisine et que Lex y vit soudain apparaître une sérénité et un calme qu’elle ne lui avait jamais vu, elle se raidit.

Se pourrait-il… ?

Elle dévisagea tour à tour les deux femmes et sentit l’habituelle pointe de jalousie naître au creux de son estomac. Enyalios et Lizzie furent vite relégués bien loin dans ses pensées. Ce qu’il y avait entre Tia et leur voisine semblait bien plus dangereux que l’amour absolu de Lizzie ou l’attachement farouche de Tia pour Enyalios.

 Elle se rappela soudain que juste après leur dispute et son départ pour le village d’El kasam, Tia lui avait avoué être allée discuter un soir avec elle. Elle se souvint de sa jalousie d’alors… elle n’avait pas réellement eu de raison pour cela, mais maintenant… maintenant… si.

La musique prit fin et Lizzie et Tia revinrent vers elle. Lex croisa le regard joyeux de sa femme et ne put s’empêcher de lui retourner son sourire. Mais elle ne lâcha pas son visage des yeux lorsque la mercenaire se tourna vers leur voisine pour la présenter à Lizzie.

- De quoi parliez-vous ? Demanda Lex à Lizzie qui semblait particulièrement joyeuse.

- De mon emménagement !

Lex tiqua. Et Tia qui le vit s’empressa de lui expliquer :

- C’est temporaire et euh… Gin est d’accord. C’est…

Lex leva la main, la coupant dans ses bredouillements.

- Frédéric m’a expliquée.

Une pause.

- Je n’y vois pas d’inconvénient.

Lizzie et Tia échangèrent un regard soulagé et Lizzie courut en direction de son père pour mettre au point son départ. Tia se tourna vers sa femme avec une certaine appréhension. Frédéric lui avait expliqué, ok. Mais quoi exactement ? De plus elle voyait bien dans son regard que Lex aurait vraiment préféré que se soit elle qui s’occupe de cela et c’était normal.

Une fois de plus, Tia avait merdé. Pourquoi diable n’en avait-elle pas parlé à Lex ?

Lex ne comprenait pas pourquoi Tia ne lui avait pas elle-même fait part de cette nouvelle. Ni même pourquoi elles n’en avaient pas discuté au préalable. Lizzie avait besoin d’un cadre plus strict, près de personne (qui) capable de comprendre ce qu’elle avait vécu… ok. Mais pourquoi en faire une telle cachotterie ?

Elle sentait qu’il y avait plus. Que Tia ne lui disait pas tout. Et être exclue d’un lieu où apparemment Lizzie était acceptée, ne lui plaisait pas du tout. Et en plus de devoir surveiller étroitement les rapports étranges entre leur trop charmante voisine et sa femme, elle allait devoir calmer les ardeurs de la cousine de Tia…

Leur nouvelle vie s’annonçait pour le moins agitée pour son cœur…

Elle soupira.

- Il va falloir qu’on en parle, jeta-t-elle à Tia qui s’empressa d’acquiescer.

Gin interpella sa nièce et Tia, après un baiser à sa femme et un petit signe à Rhapsody, s’excusa et le rejoignit.

La femme rousse fit face à la mariée et déclara :

- Vous êtes très belle ensemble. Il se dégage une telle douceur de Tia lorsqu’elle vous touche, vous regarde ou parle de vous.

Lex la fixa étonnée.

- Vraiment ?

Rhapsody hocha la tête.

- Vraiment. Et la réciproque est tout aussi vraie.

Elles se tournèrent toutes deux vers l’intéressée et l’observèrent un moment.

- Vous êtes le couple idéal et pourtant… une angoisse sourde et une tension imperceptible se dégage de chacune de vous. Une pincée de tristesse, comme… une peur latente qui vous empêche de vraiment être heureuses.

Lex tourna un visage stupéfait vers Rhapsody qui continuait d’étudier sa femme. Elle n’en revenait pas de la sensibilité de cette femme…

- Et… en admettant que vous ayez raison… qu’il… qu’il y ait en effet quelque chose qui… qui nous empêche d’être heureuses. De… de profiter de ce que l’on s’apporte l’une à l’autre… que… me conseillez-vous de faire ? Pour… euh… l’effacer ?

Rhapsody s’arracha à la contemplation de la grande femme qui, pour une raison étrange, ne cessait de la fasciner, et considéra la petite blonde un moment.

- Cela dépend surtout de ce qu’est cette chose qui vous empêche d’avancer.

Lex n’avait pas la moindre idée de ce qui lui prenait de parler à cœur ouvert avec cette parfaite inconnue, qui menaçait son couple, en plus, elle le sentait. Et pourtant… elle ne pouvait s’empêcher de lui faire confiance.

Quelque chose… oui, quelque chose d’indéfinissable, en contradiction totale avec le pétillement vivace dans ces yeux ardoise, l’apaisait. Lui disait qu’elle pouvait avoir confiance, que cette femme avait ses intérêts à cœur.

- Ma mort, déclara-t-elle soudain sans pouvoir le retenir.

Cela la hantait tellement. La peur, l’angoisse, serait-ce douloureux ?, sa séparation prochaine d’avec son unique amour… elle savait que c’était idiot, que c’était dans de nombreuses années… mais la peur se fichait du nombre d’années… elle était là, s’insinuant dans chacun des endroits qui lui faisait mal, dans les lieux cachés où personne n’avait le droit de se rendre, le lieu de peurs primaires… les plus horrifiantes…

Rhapsody ne cilla pas, ne marqua pas de surprise, bien qu’intérieurement elle s’interrogeait. Et cette apparente décontraction décida Lex à se confier. Elle lui narra la maladie de sa mère, ses angoisses d’en être atteinte, les tests, les résultats… comment cela les avait séparées puis leurs retrouvailles, les mots de Tia, sa propre angoisse…

Tout sortit d’un seul coup, et si cela parut confus à Rhapsody, elle n’en laissa rien paraître. Elle laissa le silence s’installer entre elles, le temps que Lex se reprenne puis elle posa une main douce sur son épaule et la pressa.

- Faites un enfant.

- Qu… hein ?

Lex était abasourdie. Elle tenta de comprendre pourquoi sa nouvelle amie lui disait cela puis elle se souvient de la question qu’elle lui avait posée.

- Vous pensez que c’est la solution ?

Sa voisine hocha la tête.

- C’est quelque chose de vous, auquel elle pourra s’accrocher après votre disparition. Quelque chose de vous qui l’obligera à ne pas vous suivre.

Lex déglutit. Rhapsody avait cerné le vrai souci de Lex.

- C’est aussi quelque chose qui vous fera oublier pendant un moment, ses premières années, votre disparition prochaine. Parce que croyez-moi, avec un bébé, on a plus tellement le temps de penser au futur. Seul le présent compte. Et pour vous comme pour Tia… c’est ce qu’il vous faut. Evidemment, si vous n’aimez pas les enfants, commença la rousse...

- Non, non, la coupa la petite femme. J’adore les enfants et Tia… Tia serait ravie en fait, mais…

- Mais quel genre de mère cela fera de vous ? Finit Rhapsody pour elle. Quels souvenirs aura-t-il de vous ?

Lex hocha la tête.

- Filmez-vous. Et il aura les plus beaux. Et Tia lui parlera de vous et lui dira combien vous étiez quelqu’un de bon et généreux… ne vous en faites donc pas… il aura les plus beaux souvenirs.

Lex baissa les yeux sur le parquet ciré. Rhapsody venait de balayer ses doutes en un revers de mains. Si facilement. Comment avait-elle pu être convaincue que c’était une mauvaise idée ? Elle releva la tête et posa son regard vert sur sa compagne du moment. Qui était cette femme ?

Elle sentait quelque chose, mais était incapable de mettre le doigt dessus.

- Merci, fit-elle sans la quitter des yeux.

Un pétillement amusé dansa dans les prunelles grises. Rhapsody se pencha en avant et faisant une petite courbette déclara :

- Tout le plaisir était pour moi. Et souvenez-vous, ajouta-t-elle peu après, je suis la ferme située à

11 km

de chez vous.

Lex lui sourit et accepta la proposition implicite. « Incroyable, pensa-t-elle en déambulant à la recherche de sa femme, je suis toujours inquiète à propos du lien qu’elle et Tia semblent avoir, mais je n’arrive pas à la détester »

« La vie ne pourrait-elle pas être simple pour changer ? » songea-t-elle avec un petit sourire joyeux qui démentait l’exaspération de ses pensées.

 

*****************************************

 

Tia finit sa conversation avec son oncle, acceptant gracieusement ses félicitations pour la seconde fois et ses commentaires sur leur choix respectif de tenue. Elle se détourna pour rejoindre sa compagne et Rhapsody et intercepta M. Stephanos se dirigeant vers sa fille avec l’air déterminé du bulldozer qui va faire mal.

Elle se précipita vers lui et sans lui laisser le temps de réagir ou de protester, lui prit le bras et le propulsa derrière le buffet, le cachant à la vue de sa fille. Tia vérifia que Lex n’avait rien remarqué et fit face à l’homme d’affaires courroucé.

Il la fusilla du regard puis la toisa de haut en bas.

- On peut savoir ce qui vous a pris ? Demanda-t-il aussi calmement que possible.

Tia lui fit un sourire déplaisant.

- Ce qui m’a pris ? Vous croyez sérieusement pouvoir foncer sur ma femme avec l’air d’un taureau devant un tapis rouge, sans que je réagisse ?

Tia le vit tressaillir au mot femme et l’exaspération remplaça son agacement initial.

- Vous savez, déclara-t-elle doucereusement, vous feriez mieux de vous réjouir pour moi et votre fille…

M. Stephanos fronça les sourcils. En père traditionaliste il voulait l’envoyer bouler, mais en homme d’affaires avisé, il ne le fit pas.

- Et pourquoi ça ?

Elle le fixa un long moment avec un sourire carnassier, jusqu'à ce qu’il s’agite, mal à l’aise.

- Parce que vous êtes en affaires avec la compagnie Kensington, que vous comptez sur le projet Renkord pour augmenter votre clientèle et vos rentrées d’argent, sans parler de votre statut.

- Et en quoi cela a-t-il un rapport avec vous ?

Il était plus que surpris qu’elle soit au courant de telle chose. Son projet n’était pas un secret, ni sa collaboration, mais il ne voyait pas pourquoi une femme comme elle s’intéresserait aux affaires.

Tia lui fit un grand sourire joyeux et se pencha vers lui en se tournant à demi.

- Vous voyez le grand homme brun là-bas ?

M. Stephanos suivit son doigt des yeux et hocha la tête.

- M. Kensington, le PDG des entreprises du même nom, votre oncle.

- C’est ça. Et bien devinez quoi ? S’exclama-t-elle toute joyeuse.

- Quoi ?! Demanda-t-il de mauvaise grâce et méfiant.

Avec le sourire du chat de Cheshire, elle déclara :

- La compagnie ne lui appartient pas. Il n’est qu’un des actionnaires principaux. Et devinez à qui elle est ?

Il sentait venir les problèmes et demanda avec un brin d’appréhension :

- A qui ?

- A moi ! S’écria-t-elle en faisant un petit bond qui le fit reculer de deux pas. Et mon oncle est déterminé à ce que je sois au courant des moindres faits et gestes de la compagnie, en conséquence je reçois des rapports tous les jours et si un projet me plaît plus que les autres ou non, je le dis à mon oncle qui s’empresse de faire aboutir ou de rejeter le projet en question sans plus l’étudier.

Elle se pencha un peu plus vers lui, envahissant son espace vital.

- Il veut que je participe à la vie de l’entreprise et a entière confiance en mes capacités de femme d’affaires.

M. Stephanos déglutit et réfléchit à toute vitesse. Cette femme, d’après ce qu’il en savait ne perdait pas son temps en parole inutile, autrement dit, ses propos n’étaient pas un avertissement, mais une menace.

- Je vois fit-il en hochant la tête, dissimulant sa colère de devoir être poli avec elle.

Tia la devina au fond de ses yeux mais décida qu’elle avait gagné suffisamment de choses aujourd’hui.

- Donc soyez gentil et agréable avec votre fille. Rien ne vous oblige à me couvrir de compliments ou mentir mais…  ne la blessez pas. Ce jour est son jour. Ne l’oubliez pas.

Il serra les mâchoires fortement et hocha la tête sèchement.

- Et voyez les choses du bon côté, fit-elle toujours aussi joyeuse, votre fille a mis le grappin sur un gros poisson, qui ne pourra que vous être utile dans vos affaires. N’est-ce pas ce que vous vouliez ? Et puis… je ne suis pas Danzel, mais je lui ressemble non ? Ajouta-t-elle malicieusement. Et avec de meilleures relations, plus d’argent et un statut social bien meilleur.

- Mais plus de danger et de mort, ne put s’empêcher de cracher l’homme en face d’elle. Vous ne lui convenez pas quoi que vous essayiez de me faire croire. Vous êtes instable, dangereuse et avec un passé plus lourd que celui d’un criminel.

Tia serra les poings et se força au calme. « Ce ne sont que des mots », se répéta-t-elle plusieurs fois. « Mais qui reflètent la vérité… » ne put-elle s’empêcher de penser. Puis elle se souvint que Lex était une adulte parfaitement capable de savoir ce qui était bon pour elle ou pas.

Et qu’elle avait décidé qu’elle, Tia, était ce qu’elle avait de meilleure. Qui était-elle pour rejeter un tel postulat ? Elle la rendait heureuse. Tout ce qui lui restait à faire, pour donner tord à cet homme, c’était de continuer à la rendre heureuse… et de la protéger de tout. Peut-être qu’un jour, il accepterait de voir que sa dangerosité faisait d’elle la meilleure protection pour sa fille.

- Ce n’est pas le jour pour en débattre, dit-elle calmement. Contentez-vous de faire de ce mariage, une journée mémorable pour votre fille.

Ils se jaugèrent du regard, puis M. Stephanos acquiesça.

 

*************************************

 

Lorsque Lex put enfin rejoindre Tia, la nuit tombait. Elle la surprit en lui passant les mains autour de la taille et en collant son visage contre le haut du dos de la mercenaire. Celle-ci reconnut instantanément la propriétaire des bras et savoura l’étreinte. Ces dernières heures, Lex lui avait bizarrement manqué.

Elle n’était jamais très loin, toujours dans son champs de vision, mais Tia n’avait jamais pu l’approcher suffisamment pour pouvoir la toucher et Lex était constamment entourée de gens, si bien qu’aucune d’elles n’avait réellement eu l’occasion de s’approcher. 

La mercenaire posa ses mains sur celles de sa compagne et les pressa en reposant son dos contre le corps de sa femme.

Lex murmura tout contre son omoplate :

- Tu m’as manqué…

Et Tia sourit. Comment était-ce possible ? Elles n’avaient même pas été vraiment séparées. Haussant les épaules devant ce mystère de plus, elle tourna la tête vers sa compagne et jeta :

- On s’éclipse ? J’ai fait assez de rond de jambe pour le reste de l’année…

Lex rit puis se détacha à contrecœur de son âme sœur et acquiesça. Elle prit la main de Tia et l’entraîna de l’autre côté du ranch, en direction des bungalows.

- Où va-t-on ? Demanda la grande femme.

- Surprise ! Répondit la petite blonde avec un sourire joyeux en pressant le pas. 

A cet instant elle eut tellement l’air d’être la jeune fille qu’elle avait rencontré pour la première fois à Potéidaïa qu’elle en oublia de respirer un instant. Tia déglutit puis hocha la tête.

Arrivée en bas de la pente, Lex fit une pause et se tourna vers elle.

- Deux choses. Pour commencer, ça fait un bon moment que je n’ai pas vu Linya et ça m’inquiète, tu sais où elle est ?

Tia sourit, moqueuse.

- Avec ses parents. Elle essaie de les convaincre définitivement qu’elle n’est pas et n’a jamais été notre maîtresse.

Lex grimaça, un peu gênée de l’avoir mise dans cette position.

- Elle va avoir besoin de beaucoup de chance. Quand ses parents se sont mis une idée en tête, pour admettre qu’ils se sont trompés, il leur faut de vraies preuves.

- Je donnerais cher pour y assister ! Rit la mercenaire.

Lex la fusilla du regard.

- Ca n’a rien de drôle ! C’est nous qui l’avons mise dans une situation pareille !

Tia se pencha sur sa femme jusqu'à ce que le bout de leur nez se touche.

- C’est quoi la deuxième chose ?

Alexia, troublée par la proximité de sa compagne mit quelques secondes à répondre.

- Tu veux toujours des enfants ? Demanda-t-elle finalement plus doucement, presque avec timidité.

De saisissement, Tia se recula brusquement.

- De toi ?! Bien sûr !

Lex sourit et déclara :

- Alors tu en auras.

Tia déglutit.

- Tu… tu es sûre ?

- Certaine, affirma la petite blonde.

- Qu’est-ce…

Tia hésitait à poser sa question, mais Lex le fit pour elle.

- Qu’est-ce qui m’a fait changer d’avis ?

La grande brune hocha la tête.

- Beaucoup de choses. Mais principalement toi.

Soudain, alors qu’elle prenait conscience de ce qu’elle venait d’accepter, Lex se sentit envahie d’une joie farouche, qui fit bondir son cœur. Elle leva ses yeux verts, brillants sur sa femme et déclara avec conviction :

- C’est mon plus grand rêve, tu te souviens ? Porter ton enfant. Un petit bébé Tia…

Lex rit et se mit à tourner sur elle-même comme une enfant. Elle était si soulagée… son plus grand rêve pouvait enfin se réaliser ! Elle avait été si bête ! Elle avait été son seul obstacle ! Et celui-ci s’était enfin effacé… grâce à Rhapsody…

Elle leva un visage resplendissant de bonheur enfin obtenu et Tia se jura, en la voyant enfin libérée de ses doutes et de la tension qui l’habitaient depuis l’annonce de ses résultats, qu’elle ne laisserait rien se mettre entre Lex et son bonheur.

Même si pour cela elle devait renier sa parole, bafouer la confiance d’un peuple et laisser tomber des milliers de gens.

Elle ne retournerait pas dans les royaumes désertiques. Elle n’aiderait pas le peuple du vent. Elle ne combattrait pas Ashee.

Pour une fois… elle n’allait s’occuper que de Lex. De Lex et de leur famille. Le monde pouvait bien s’écrouler autour d’elle… rien ne gâcherait les moments qu’elles avaient à passer ensemble.

10 ans, c’est long. 10 ans, c’est court. Elle n’en perdrait plus un instant. 

Elle ne voulait plus jamais voir d’ombre sur le visage de sa bien-aimée. Et elle ne voulait surtout pas risquer de voir dans les yeux verts, la lueur démoniaque qu’elle avait aperçue dans le songe montré par Ashee.

Si elle avait retenu une chose de la fuite engendrée par la traque du Fantôme… c’était qu’il n’y avait aucune honte à fuir pour protéger sa famille. Aucune honte à ressentir pour avoir refuser de combattre… même pour une juste cause.

Et aujourd’hui, Tia savait qu’elle prenait la bonne décision. Pour Lex. Mais aussi pour Len et Lara. Les peuples du désert devraient se débrouiller seuls. Elle ne les aiderait pas.

- Et devine quoi ? Fit la voix de sa femme, l’arrachant à ses pensées.

- Quoi ?

- Papa est ravi à l’idée d’avoir des petits enfants !

Tia réprima une grimace.

- Tu lui as expliqué notre… heu… arrangement ?

- Non, c’est trop technique ! Et puis c’était la première fois en quatre ans qu’on se reparlait sans animosité, je n’avais pas envie de compliquer une conversation déjà délicate. Je lui ai juste dit que j’allais porter ton enfant !

Tia soupira intérieurement de soulagement. La bataille serait donc pour plus tard. Elles arrivèrent enfin devant le bungalow que Lex avait choisi pour leur première nuit officielle en tant que femmes mariées. Elle jeta un coup d’œil à son âme sœur puis se mit de côté en ouvrant le battant, afin que Tia soit la première à entrer.

Celle-ci voulut la prendre dans ses bras et Lex se recula en riant, protestant que ça, c’était pour l’entrée dans leur maison. Tia accepta de bonne grâce le rejet et sur l’insistance de sa femme, pénétra la première dans le bungalow.

Elle n’alla pas plus loin.

Tout les meubles de la pièce était entièrement recouverte de pétales de roses. Quatre bougies légèrement parfumées et disposées aux coins de la pièce éclairaient d’une lueur amoureuse les pétales étalés partout.

Tia retira ses bottes et posa délicatement, presque avec révérence, les pieds sur le sol ainsi recouvert. Les pétales étaient doux et leur parfum associé à celui des bougies, lui fit tourner un peu la tête. Et c’est avec un sentiment d’euphorie et de légèreté qu’elle fit volte-face.

Elle ne dit rien. Echangea simplement un regard avec Lex. Y mit tout ce qu’elle ressentait en cet instant et les promesses d’un avenir qu’elle lui jurait radieux. Puis prit la main de sa femme, la tira doucement dans la pièce et referma la porte.

 

Fin

 

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Commentaires
L
Je te rejoins Trinity, c'est aussi l'une de mes favorites aussi et de loin! J'espère qu'Honey va pouvoir terminer sa suite! ;-)
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T
Voila une très belle surprise ! Vraiment ravi que tu sois de retour et que tu ailles bien. Et je dois dire vraiment heureuse que tu n'ai pas abandonné l'écriture. Parmi les ubers français, ton histoire est certainement l'une de mes favorites.
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H
Merci pour vos coms, ça m'encourage et me motive x)
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L
Des nouvelles de Honey!!! Mais quelle belle journée ! Merci d'avoir pris le temps de nous répondre, afin de nous rassurer. Contente de savoir que tu vas bien ou mieux vu les déboires.... Et surtout ravie de ton retour!
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T
Super, ravie de ton retour et heureuse de savoir que tu es en pleine santé ;)
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