Le poids du futur et du passé, parties V à IX (fin)
PARTIE V : Quand le futur s’en mêle.
Chapitre 1 :
Elles arrivèrent l’après-midi même au Cap. Lance les
félicita pour leur union en disant que leur mère était devenue verte en
l’apprenant et que leur obligation de fuite n’était pas une raison pour exclure
Linya.
Elles avaient grimacé et Lance avait ri en repartant.
- Elle ne va jamais accepter de nous croire, fit Lex
découragée. On va avoir droit à une engueulade du tonnerre !
Tia haussa les épaules.
- Si on lui explique clairement les choses, elle et ta mère
finiront bien par comprendre.
- Ce serait possible, ouais… déclara Lex en lui jetant un
regard en coin, si tu cessais d’embrasser goulument sa fille à chaque fois
qu’elle est dans les parages.
Tia ne put retenir un gloussement.
- Désolée. Mais l’expression de Linya est impayable !
Je ne peux pas m’en empêcher.
- Ben maintenant on est mariée, mon cœur et il va falloir
que tu trouves un moyen de te retenir.
Le récent incident qui les avait opposées, incita Tia à
acquiescer sans rien dire. Certaines choses devenaient plus claires depuis.
- Bon et maintenant ? demanda la petite blonde. On les
rejoint comment ?
- On loue un 4x4 et on roule. On devrait y être d’ici deux
heures. Enyalios a prévenu Frédéric. Il nous attend.
La cache d’Enyalios était située à l’extérieur de la ville,
un peu en retrait de la route qui menait à la grande ville de Kinshasa. Elle bordait le désert Africain qui
couvrait toute la partie Ouest de l’Afrique du Sud jusqu’au Gabon, la capitale
de l’Afrique du centre, et où vivait encore certaines tribus aborigènes
réputées dangereuses. Si dangereuses en fait que même les autorités et l’armée
évitaient d’y aller malgré leurs armes plus sophistiquées et leur nombre
supérieur. Le désert Africain était leur territoire. En conséquence, on ne
s’approchait que très peu et par nécessité de ses frontières.
- Bien. Mais… heu, on n’a pas le temps de se faire une
petite sortie toutes les deux avant ?
Tia la regarda agréablement surprise. L’incident Enrick
était vraiment pardonné, alors. Tia était immensément soulagée et absurdement
joyeuse. Maintenant qu’elle s’en était rendue compte, elle ne parvenait pas
comprendre comment elle avait pu faire une chose pareille à Lex. Elle se
sentait vraiment mal vis-à-vis de ça et ne pensait pas pouvoir se pardonner
avant longtemps.
Mais si Lex le faisait alors elle pouvait vivre avec sa
culpabilité.
- Ca serait bien, sourit-elle, mais… les jumeaux sont plutôt
impatients. Et j’aimerais discuter avec Frédéric aussi vite que possible.
- Oui. Bien sûr. Normal.
Tia vit la déception sur le visage de son amie et secoua la
tête en souriant. Elle posa une main sur son épaule et dit :
- Mais une fois la discussion expédiée, on pourrait revenir
ici. Je comptais donner une leçon à Len, histoire de lui changer les idées. Et
peut-être que Lara voudra nous accompagner. Connaissant Frédéric, il préférera
rester à la cache et profiter de quelques moments de solitude. Après cela on pourrait se faire un dîner au
restaurant.
Lex réprima une grimace.
- Je pensais plutôt à un tête-à-tête.
- Et bien, on pourrait inciter les jumeaux à aller au
cinéma ? Ca fait un moment qu’ils n’y sont pas allés et tu sais combien
ils aiment ça. En plus ici, y’en a en Français, ça les fera travailler un peu.
- Dit comme ça, ça à l’air tentant, accepta sa petite
compagne en souriant largement.
- Alors on y va.
Elles trouvèrent le concessionnaire particulier d’Enyalios
et lui prirent un petit 4x4 bleu foncé. Lex aurait voulu celui avec des
paillettes mais Tia l’avait fixée comme si elle était un monstre descendu de
Mars et elle avait fait semblant de trouver son choix meilleur.
- Pourtant, insista la petite femme, avec des paillettes il
serait pas mal.
- N’importe quoi ! Déjà une voiture avec des
paillettes, on se demande d’où ça sort… marmonna la mercenaire encore
incrédule.
- Ben, elle est déjà moins tape à l’œil que celle avec des
petits pois rouges ou la rose avec des cornes de buffle sur le devant. Ou
encore celle avec le nœud papillon en acier noir sur le pare-choc.
Tia secoua la tête. Elle n’en revenait pas du nombre de voitures bizarres qu’elle venait de voir. Mais vu que c’était le concessionnaire d’Enyalios, elle n’aurait pas dû être surprise. Il avait toujours eu des goûts des plus étranges.
Elles roulèrent deux heures, prenant différentes petites
routes poussiéreuses et s’enfonçant de plus en plus dans les terres.
Lorsqu’elles se pointèrent aux coordonnées données par Enyalios elles restèrent
stupéfaites un long moment.
- C’est ça la cache d’Enyalios ?!
S’exclama Lex en tournant vers elle des yeux ronds.
- Apparemment, acquiesça la grande femme toute aussi
surprise.
La cache d’Enyalios était en faite une superbe maison de style Tudor, en pierre et bois ancien. La majesté de sa stature était en contraste complète avec son environnement désertique. Seul un bois le cachait à la vue. C’était… totalement déplacé.
- C’est pas très discret, constata Lex.
- Eh bien… dans un certain sens si. C’est… au milieu de
nulle part et loin de toutes les routes et lieux civilisés. Et c’est au milieu
d’un bois. Mais bon… c’est vrai que ça aurait pu être moins… énorme. Si
quelqu’un vient ici, même par hasard, aucune chance qu’il la rate.
- Ouais…
Elles poursuivirent enfin leur chemin et se garèrent devant
la maison. Elles grimpèrent les escaliers en secouant la tête devant tant de
faste et entrèrent sans frapper. Elles s’annoncèrent mais n’eurent aucune
réponse.
Elles mirent quelques minutes à les retrouver et se faisant,
visitèrent les trois étages de la maison sans parvenir à y croire.
- Enyalios a des goûts de luxe. Je ne l’aurais pas cru,
remarqua Alexia en avisant une cheminée de marbre noir dans une des chambres,
et des peintures de renom dans les couloirs. Mais il a aussi les goûts les plus
bizarres que j’aie jamais vu, ajouta-t-elle en se souvenant du second étage où
des statues de centaures, de fées et de vampires de toutes les couleurs
s’étalaient un peu partout.
- Oui. Il a toujours été ainsi.
- Bon, ils sont où ? demanda Lex en posant les mains
sur ses hanches.
Tia la regarda et sourit. Lex était si adorable lorsqu’elle
était agacée.
Finalement, elles trouvèrent les jumeaux de l’autre côté de
la maison, une demi-heure plus tard. Ils leur dirent que Frédéric était en
train de jardiner et les filles grimacèrent. Len rit et dit :
- Je sais, on croyait ça nous aussi, mais en fait…
- … il se débrouille vraiment bien, finit sa sœur pour lui.
- Un jardin, répéta Tia, ici ?
- Une serre en fait, expliqua Lara. Elle appartient à
Enyalios, il dit que l’intérêt d’une cache est justement de vivre en
indépendance totale.
- En effet.
- Ca vous dit une balade en ville ? lança Lex
enthousiaste pendant que sa compagne suivait la direction indiquée par Len pour
rejoindre Frédéric.
Tia passa derrière un bouquet d’arbres aux formes insolites
et trouva la serre, une bulle de plexiglas brillante dissimulée sous le couvert
des arbres. Elle entra dans la serre et vit Frédéric pencher sur un plant de
tomate.
Elle le regarda un moment s’occuper avec patience et douceur
des plantes et des fleurs. « Des fleurs ?! » songea la jeune
femme stupéfaite. De qui était cette initiative ? Frédéric ou
Enyalios ?
Quel qu’en soit l’homme responsable, cela leur ressemblait
si peu qu’elle avait bien du mal à y croire. Décidément… c’était une journée
vraiment surprenante.
Le contraste entre cet homme si grand et si solide et la
petitesse et la délicatesse des plantes étaient saisissantes. Son air concentré
était mignon et le simple fait de trouver mignon cet homme ressemblant à une
montagne, était surprenant.
- Frédéric ?
Le grand homme se redressa vivement et un sourire ravi
autant que soulagé éclaira son visage. Elle lui rendit son sourire et se
rapprocha. Parvenu devant lui il vérifia d’un rapide coup d’œil qu’elle était
entière et, satisfait, demanda :
- Comment était ce voyage ?
- Fructueux.
- Vraiment ?
Elle hocha la tête.
- Ce n’est pas Enrick qui t’en veut.
- Ah bah ça me soulage, parce que je commençais à me dire
que j’étais sénile ! Rit-il. Je ne me souviens pas de lui ou d’une
éventuelle famille a qui j’aurais put causer du tort.
- Normal, ce n’est pas lui ! répliqua joyeusement la
grande femme.
- Alors qui est-ce ?
- Aniock Gretchev.
Le choc lui fit ouvrir de grands yeux. Il resta un moment
figé, les yeux perdus dans le vague. Les souvenirs affluaient et leur douce
amertume le submergea. Tia comprit en le voyant qu’elle n’était pas la seule à
avoir un passé troublé et amer. Mais le sien semblait plus doux aussi. Comme si
quelque chose avait tordu ses meilleurs souvenirs pour en faire quelque chose
de douloureux.
Elle aurait aimé savoir ce qui en était responsable, comme
elle aurait aimé connaître les souvenirs qui défilaient devant ses yeux en cet
instant. Mais il avait fait preuve de retenue lorsqu’elle en avait eu besoin et
elle lui devait la même chose.
- Tu sais ce qu’il te reproche ? demanda-t-elle
doucement, interrompant le fil de ses pensées.
- Je… en fait, oui.
Il s’arrêta et fixa le sol sans le voir.
- Il… nous étions ami avant…
- … avant Sassem ?
Il hocha la tête.
- On s’est rencontré à l’orphelinat. On s’est enfui
ensemble, avons fait les quatre cents coups. Sassem… senior, nous avait
recrutés tous les deux mais… il a rapidement montré sa préférence pour moi et…
il a financé mon éducation, m’a traité comme son second fils et… ça nous a
éloigné.
- Et il t’en veut pour ça ?
Frédéric secoua la tête.
- Après quelques années de ce régime la jalousie avait pris
le pas sur l’amitié mais… ce n’était pas encore la haine. Et puis un jour il a
commis une erreur. Une erreur qui aurait dû lui être fatale. Si Sassem Senior
était plus souple que son fils, il n’acceptait pas les erreurs, pas plus que
les échecs et Aniock avait fait les deux.
A ce moment de son récit, il fit une pause et prit une
inspiration.
- Sassem m’a demandé de me débarrasser de lui, de le virer.
Mais dans son organisation on payait les indemnités de licenciement avec des
blocs de béton ou des balles de 45.
- Tu devais le tuer ? fit Tia incrédule. Il t’a demandé
à toi de le tuer ? Son ami d’enfance ?
- Oui. Il pensait que je préfèrerais m’en occuper plutôt
qu’un inconnu et… il avait raison. Mais je n’ai pas pu le faire. Je… je lui ai
dit qu’il était viré et qu’il n’avait pas intérêt à revenir dans les parages.
Pour qu’il me prenne au sérieux j’ai… j’ai été obligé de lui tirer dans la
jambe mais je tremblais tellement que c’est son genou que j’ai eu.
Il releva la tête et croisa son regard compatissant.
- Depuis il est boiteux. Lui qui avait toujours été si fier
de son physique d’athlète et de sa démarche sexy…
- Alors… c’est pour ça ?
- Il… m’en veut de l’avoir rendu boiteux, mais aussi de
l’avoir viré, de l’avoir laissé derrière quand j’aurais pu parler de lui à
Sassem… et de bien d’autres choses encore. La haine a pris le pas ce jour là et
n’a cessé de croître à chacun de mes succès. Je lui avais dit d’être discret,
parce que Sassem le voulait mort alors… il n’a même pas pu entamer de carrière
digne de ce nom. Il avait pourtant un grand potentiel.
- Il pense que tu es responsable du ratage de sa vie.
- Exact.
- Pourtant il a aujourd’hui assez de fric pour engager une
légende pour t’éliminer. Il a donc réussi, non ?
Frédéric haussa les épaules.
- Je n’en sais rien. Du jour où je l’ai viré, j’ai cessé de
m’intéresser à lui. Il me haïssait tant. Et je me sentais si coupable.
Tia comprenait ce sentiment. Trop bien.
- Donc tu ne sais pas ce qu’il est devenu ?
Il secoua la tête tristement.
- Tu es sûr que c’est lui ?
- Certaine, confirma la mercenaire.
- Je vois. Et… que préconises-tu ? Tu sais où le
trouver ?
- Pas encore, mais j’ai mis des personnes dessus. Ca ne
tardera pas.
- Et en attendant, que fait-on ? Tu t’es débarrassée
d’Enrick ?
- Non. Je sens qu’il pourrait faire un allié de poids dans
le futur.
- Je vois. Ceci dit, c’est risqué comme manœuvre.
- Je sais, mais on n’a rien sans rien. Et ici, on est à
l’abri. Tant qu’on reste discret.
Il hocha la tête et attendit.
- Bon, on va sortir avec les enfants. Un petit tour discret
dans la grande ville, on risque de rentrer tard. Tu veux nous
accompagner ?
Comme elle s’y attendait, il secoua la tête négativement.
- Ok, alors peux-tu me faire un portrait complet
d’Aniock ? Son profil à l’époque de votre enfance et celui au moment de
votre séparation ? Après ça j’aimerais que tu me fasses une extrapolation
de ce qu’il pourrait être aujourd’hui. Ca te paraît possible ?
- Oui. Pas de problème. Tu as pris les précautions d’usage
vis-à-vis d’Enrick ?
- Oui, ne t’en fait pas. J’ai mis Karl et Enyalios sur le
coup. Quant à Linya elle reste sur son île.
- Bien. Alors bonne soirée.
- A toi aussi, sourit-elle en le regardant se remettre
devant ses plants délicats de roses blanches et de melon.
« Les melons à côtés des roses… n’importe quoi »,
songea-t-elle en retournant près de sa famille.
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Tia et Alexia avaient envoyé les enfants au cinéma dès leur
arrivée en ville. Ils devaient se retrouver aux environs de minuit devant un
Karlmart ouvert 24h/24 pour la leçon que Tia voulait donner à son fils. Lara
l’avait fixée curieusement mais n’avait rien dit.
Et Tia avait entraîné une Lex agréablement surprise dans un
petit restaurant indien coincé entre deux boutiques à l’air ruiné. La façade ne
payait pas de mine et la rue où il se trouvait était mal éclairée.
Mais Lex y suivit sa compagne en toute confiance et elle ne
fut pas déçue. En entrant dans le restaurant sans prétention, elle découvrit
une atmosphère totalement différente de ce à quoi elle s’attendait.
Lex détailla la décoration avec émerveillement. Les murs
étaient peints en jaune et des tableaux de collages modernes étaient suspendus.
Certains des collages ressemblaient à
une mosaïque d’images qui une fois assemblées en formaient une autre. D’autres
avaient des couleurs si vives qu’on pouvait rester devant des heures durant
tant leur harmonie était fascinante. D’autres encore étaient si minutieux
qu’une ville entière avec tous ses habitants s’y trouvaient.
Lex s’arrêta devant chacun d’entre eux et les observa
longuement. Tia finit par la tirer par la manche et la forcer à avancer. Lex
prit alors conscience de l’ambiance chaleureuse et induite par les multitudes
de bougies disséminées dans la pièce. Les tables étaient recouvertes de nappe
en papier blanc et si les couverts et les assiettes étaient tout ce qu’il y avait de plus ordinaire, le rendu,
grâce aux bougies, était magnifique.
Tia se dirigea directement vers une table située au fond de
la salle et s’y installa. Lex prit place en face d’elle et elle lui sourit.
- C’est magnifique ici ! déclara Lex enthousiaste.
- Oui. Mais ce n’est pas du tout fait exprès.
- Comment ça ?
- Dans ce quartier l’électricité saute régulièrement. Les
bougies sont fiables elles, et beaucoup moins cher que des dépannages
continuels ou la mise à niveau du réseau électrique.
- Oh. Alors on a de la chance !
La petite femme détailla sa compagne avec plaisir. Tia était
vêtu d’un jean de facture classique mais bien coupé et qui moulait son
postérieur avec perfection, avait-elle remarqué plus tôt dans la soirée. Elle
avait mis la chemise de soie noire qu’elle lui avait achetée trois ans plus tôt
et qu’elle trimballait partout avec elle depuis en disant que c’était son
porte-bonheur. Elle l’avait si souvent mise que Lex se demandait encore par
quel miracle elle n’était pas plus usée.
L’attention, autant que la signification de celle-ci, la
touchait à chaque fois aussi fort que la première. Elle détacha ses yeux de
l’attractive silhouette de sa femme pour détailler la salle dans laquelle Tia
l’avait entraînée et vit qu’elle était pratiquement vide.
- Ca ne marche pas très bien on dirait.
- La façade décourage pas mal les touristes. Mais les
habitués font tourner l’établissement.
- Donc tu es une habituée ? Depuis quand ? Je ne
me rappelle pas qu’on y soit déjà venue ?
La question sonnait comme une accusation et Tia ne s’y
trompa pas.
- Je n’y suis pas revenue depuis quelques années, en fait.
Mais avec Enyalios on y venait souvent au début de notre collaboration.
« De leur relation », corrigea la jeune blonde
dans sa tête en réprimant un pincement de jalousie.
- Donc je récolte les restes d’Enyalios ? demanda Lex
avec un sourire amer.
« Pas si réprimée finalement », songea-t-elle en
buvant une gorgée du vin apporté par le serveur quelques minutes plus tôt.
Tia sursauta et lui jeta un regard surpris. Lex fit la
grimace mais ne put calmer sa jalousie. Entre Enyalios, sa si manifeste
influence dans la vie de sa femme, et l’incident Enrick, elle avait beaucoup de
mal à refreiner sa jalousie habituelle.
Pourtant elle savait qu’Enrick n’était rien pour Tia et
qu’Enyalios était du passé mais… elle pensait pourtant avoir surmonté
l’incident mais… elle avait juste enfoui la douleur. C’était nul…
Elle s’en voulait de faire une scène à sa compagne alors que
tout allait si bien et…
Mais c’était plus fort qu’elle. Elle voulait que Tia ait aussi mal qu’elle.
- Je… heu… ne voyais pas ça comme ça. Désolée. Je… si tu
veux on peut aller ailleurs ?
- Ha ? Y’a d’autres endroits que tu as testés avec ton
premier petit ami ? Railla-t-elle.
Tia cligna des yeux et se redressa sur sa chaise. Ok, les
choses lui échappaient un peu, là. Elle ne comprenait pas bien ce qui se
passait, mais elle savait que c’était de sa faute et elle avait bien
l’intention de passer une soirée romantique avec sa femme.
Elle devait pour cela, commencer par trouver un moyen de calmer la jeune femme. Elle choisit avec soin les mots qu’elle allait prononcer.
- Quelques-uns uns, oui, mais je pensais plutôt à trouver un
endroit nouveau qui nous plairait à toutes les deux. Un endroit à nous, quoi.
Les mots apaisèrent la petite blonde, ce qui la contraria.
Pour une raison qu’elle ne voulait pas analyser, elle voulait rester en colère
contre sa compagne.
- Très bien, fit-elle en se levant brusquement. Alors,
voyons ça.
Elle se dirigea sans attendre vers la porte et la franchit
au moment où une Tia stupéfaite se levait enfin de son siège.
Elle la rattrapa dans la rue et lui prit la main en lui
souriant, tentant de rétablir un semblant de douceur entre elles, mais Lex se
dégagea sèchement et partit à grands pas. Tia réprima un mouvement d’humeur et
la suivit.
Elles cheminèrent de longues minutes à travers différentes
petites rues et à chaque fois que Tia montrait un restaurant qui pouvait faire
l’affaire, Lex trouvait une excuse pour le rejeter. Trop grand, trop bruyant,
trop tape à l’œil, trop guimauve et cetera et cetera.
A la fin, Tia était exaspérée et succombant à son énervement
elle leva les yeux au ciel et lança :
- Très bien ! Puisque rien de ce que je te propose ne
te plait, choisit donc, toi !
Lex s’arrêta soudainement et lui fit face.
- Parce qu’en plus il faut que je choisisse ?! Tu n’es
donc pas capable de savoir ce qui me plaît ?! Après quatre ans ?!
Tia la dévisageait choquée par ses propos et complètement
perdue. Mais qu’est-ce qui s’était passé bon dieu ?!
- Lex qu’est-ce qui t’arrive, bordel ?! On passait une
bonne soirée et soudainement, sans raison, tu te mets en colère et bousilles
tout !
- Moi ?! s’écria la petite femme. Moi, je
bousille tout ?!! C’est l’hôpital qui se fout de la charité, là !!
Tia fronça les sourcils et les mains sur les hanches se
pencha vers sa compagne.
- Mais de quoi tu parles bon sang ! C’est pas moi qui
ai foutu la soirée en l’air !
- De quoi je parle ?! De quoi je parle ?! T’es…
t’es la pire petite amie qu’une fille puisse rêver d’avoir !! hurla-t-elle
au comble de l’exaspération.
Elle tourna les talons et partit à grandes enjambées loin de
la grande femme. Tia la regarda faire, la colère montant de plus en plus et
elle sentit la flamme de la louve s’agiter. Elle inspira profondément pour la
repousser et garder le contrôle de ses émotions. Lorsqu’elle la sentit se
calmer elle se jeta sur les traces de Lex.
Elle lui prit le bras et la tourna vers elle.
- Qu’est-ce qu’il y a ? Dis-moi ce que tu me reproches,
ça nous évitera de nous faire perdre du temps. Allez !
- Ce que je te reproche ? Gronda la petite femme d’une
voix basse et furieuse. De coucher avec des inconnus alors que tu es mariée et
de trouver ça parfaitement naturel. De m’emmener dans les endroits qui plaisent
à ton premier amant et de me montrer ainsi combien il a compté et compte encore
pour toi sans te soucier une seconde de savoir si ça me blesse.
Tia la fixait complètement dépassée et un brin mal à l’aise.
- Tu… heu… je…
La mercenaire passa une main frustrée dans ses cheveux et
posa ses yeux sur elle dans une tentative désespérée pour comprendre la petite
femme.
- Tu as dit que tu me pardonnais pour Enrick, fit-elle
finalement à cours d’idée.
- EH BIEN J’AI MENTI !!!!!!!!!!! hurla la petite femme
enragée.
Tia eut un mouvement de recul.
- Lex, calme-toi fit-elle en posant ses mains sur les
épaules de sa compagne. Je… suis désolée ok ? Je ne pensais pas à mal et
tu m’as dit que tu comprenais. Je t’ai promis de ne jamais recommencer.
Qu’est-ce que tu veux que je fasse d’autre ?
- RIEN !! JE N’ATTENDS RIEN DE TOI !!! Cria-t-elle
en se dégageant. TU NE COMPRENDS RIEN DE TOUTE FACON !!
Elle se détourna en lançant :
- J’ai jamais rencontrée une handicapée des sentiments
pareille !
Tia tressaillit, les mots autant que le mépris perceptible
dans la voix de sa femme l’avait touchée profondément. Elle ne comprenait pas
ce qui avait provoqué un dérapage pareil. Elle n’avait jamais entendu Lex la
mépriser aussi ouvertement et aussi profondément. Et, découvrit-elle dans la
douleur, ça avait le pouvoir de la blesser bien plus que ce qu’elle s’était
imaginée.
Elle était concentrée sur Lex s’éloignant à grands pas
furieux mais elle vit malgré tout l’homme qui la dévisageait stupéfait. Elle
reconnut un ancien client, pas très satisfait de ses services, puisqu’elle
avait accompli son contrat pour ensuite réparer les dégâts chez le concurrent
qu’il lui avait demandé de saboter, annulant ainsi le travail pour lequel il
l’avait payée.
Il ne l’aimait pas et ne se gênerait pas pour parler d’elle.
Autrement dit : ils étaient repérés.
Tia baissa la tête. Elle commençait en avoir ras le bol des
complications.
Chapitre 2 :
Elle récupéra sa compagne et avant que Lex ne reparte dans
une nouvelle diatribe elle lui expliqua qu’elles avaient été repérées. Elles
récupérèrent les enfants et, reléguant la leçon de combat en situation réelle à
plus tard, rejoignirent Frédéric.
Ils arrivèrent à la cache bien après minuit et le
réveillèrent pour débattre de ce qu’il convenait de faire.
- Me connaissant, commença Tia, Enrick s’attendra à ce que
je nous aie emmenés le plus loin possible d’ici. Je pense qu’il ne s’attendra
pas du tout à nous voir rester.
- Rester ? l’interrompit sa compagne incrédule. Tu es
dingue ?! Tu penses bien qu’il va faire fouiller les environs aussi
minutieusement que possible !
Tia lui jeta un regard agacé puis expliqua :
- Je n’ai jamais dit que nous devions rester ici. Je
parlais du continent voir de la région, pas de la ville. Si nous nous enfonçons
dans le désert qui commence ici même, nous devrions être à l’abri. Il ne
pensera jamais que nous ayons pu rester aussi près d’un endroit où on a été
repéré.
- Eh bien, fit Frédéric avec lenteur, c’est une bonne idée,
cependant…
- Oui ?
- Le désert Africain… n’a pas bonne réputation.
- Ca je le sais, fit-elle avec un sourire en coin. Et je
compte sur celle-ci pour qu’il soit évident pour tous qu’on ne serait pas assez
fou pour s’y aventurer.
- Mais on l’est, c’est ça ?
- Eh bien oui et non. Je ne pense pas qu’on risque grand
chose si on ne s’aventure pas trop loin. Les tribus n’aiment pas la
civilisation. Ils évitent les frontières tout autant que nous. Donc si on ne va
pas trop loin, ça devrait aller.
- Pourquoi ne pas simplement s’en aller ? L’interrogea
Alexia.
- Parce que c’est ce qu’il s’attend à ce que l’on fasse. Il
va faire surveiller attentivement le trafic aérien, ferroviaire et naval. Il
distribue beaucoup d’argent tu sais, pour être au courant de la moindre chose
suspecte qui pourrait lui être utile. Rester est bien plus sûr.
- Et on fait quoi une fois qu’on est sûr qu’il est reparti.
On revient ?
- A ton avis ? L’interrogea sa femme.
Lex prit la question pour ce qu’elle était, un test, et se
mit à réfléchir sérieusement.
- Non, il aura certainement laissé un homme derrière lui
pour le cas où. Il faudra que l’on continue jusqu'à la prochaine ville, pas la
grande ville, parce qu’il aura sûrement posté des hommes dans les 50 kilomètres
Tia hocha la tête.
- Et comment s’y rend-t-on ? Continua la grande femme.
- A pied, répondit-elle instantanément. En longeant les
frontières du désert, on échappera aux guetteurs sans problème et c’est le plus
sûr moyen d’arriver sain et sauf là bas.
- Excellent, approuva la grande femme en se levant.
Lex leva la tête et lui sourit, très fière et l’espace d’un
instant, toutes deux oublièrent leur différent. Puis la réalité reprit ses
droits et Tia détourna le regard.
- Bien, alors allons préparer nos affaires et dissimuler
toutes traces de notre séjour ici. Inutile de dévoiler que cet endroit est une
des caches d’Enyalios, fit-elle en sortant du séjour.
***********************************
Il était près de cinq heures du matin lorsque enfin, ils
franchirent la frontière séparant le monde civilisé, du désert Africain.
Celui-ci regroupait différents territoires. La maison d’Enyalios était située
pile entre deux d’entre eux. Le premier, le désert du Kalahari était le moins
rude. Y vivait une tribu appelée les fils du vent qui vénéraient les dieux
naturels des airs et du ciel et pensaient que chaque étoile représentait un
ancêtre de leur tribu, devenu dieu en mourant et qui veillait sur eux.
Ils pensaient que chacun d’entre eux accédait à cet état
divin en mourant et que ceux dont la conscience était trop lourde, de crimes
commis, tombaient fatalement de leur paradis et s’écrasaient sur terre pour s’y
éteindre. Ainsi, interprétaient-ils les étoiles filantes.
C’était la tribu la plus connue du peuple Africain, car la
plus « civilisée » et « pacifique ». Ils commerçaient
parfois avec les caravanes qui demandaient le droit de traverser leur
territoire.
L’autre désert, était appelé le désert de Namib. On ne
savait rien sur ceux qui y vivaient. Leur territoire était plus petit, mais
entouré de mystère. Les fils du vent ne s’aventuraient jamais près de ces
frontières et les rares choses qu’ils en avaient dites, incitaient à la plus
grande prudence.
Si on continuait plus loin, en remontant vers le Nord, on
tombait sur le désert de Rambi, un petit territoire où vivait un peuple
farouche de guerriers forts et résistants qui vénéraient les dieux de la chasse
et de la destruction. Ils étaient relativement fermés aux extérieurs et
n’acceptaient aucune intrusion. Ils ne traitaient jamais avec les étrangers et
tuaient quiconque posait le pied sur leur territoire.
Le Désert du Kaamal était le dernier et le plus vaste des
quatre déserts recouvrant la partie Sud Ouest de l’Afrique. Différentes tribus
y vivaient, mais toutes étaient regroupées sous l’égide d’un grand chef, nommé
Le Grand Roi.
Le Grand Roi exerçait son pouvoir d’une main de fer et
étonnamment politique pour une tribu primitive. Il avait négocié, plusieurs
années auparavant l’indépendance de son désert et qu’il soit traité comme une nation souveraine. Tia ne savait pas
comment ces tribus sauvages et primitives étaient parvenues à une telle chose,
mais Le Grand Roi avait obtenu ce qu’il demandait.
Le Président d’Afrique avait abandonné les déserts aux
peuples qui y vivaient, alors même que Le Grand Roi n’avait réclamé que le sien
et que les peuples des autres déserts ne s’étaient même pas manifestés, et
déclaré dans son discours officiel, qu’il l’avait fait car les peuples y vivant
possédaient une culture à part, provenant de leurs ancêtres et qui méritait
d’être préservée.
Autrement dit, il avait été obligé de céder mais personne ne
savait comment Le Grand Roi était parvenu à cela. Cependant depuis ce jour, les
déserts et les peuples qui y vivaient étaient considérés avec crainte et non
plus mépris. Et s’ils étaient considérés comme Africain, ils n’y avaient ni
police, ni hôpitaux, ni quoi que se soit de moderne. Les frontières n’étaient
pas gardées mais si on entrait dans le désert, on n’était plus sous la
juridiction des autorités civilisées et tout ce qui pouvait arriver, ne les
intéressaient pas et ils ne voulaient pas en entendre parler.
Même si aucun accord n’avait été passé avec les peuples des
trois autres déserts et qu’aucun papier n’avait été signé, faisant que les
peuples du désert et les incidents s’y passant, étaient en réalité toujours
sous leur juridiction, les autorités et les habitants des villes, avaient
adopté les dires du Président comme un fait et ne s’occupaient pas de ce qui
s’y passait.
Les touristes avaient effectué des incursions curieuses dans
ces terres spécifiques en pensant que légalement ils étaient toujours protégés
par les autorités des grandes villes. Ils avaient vite renoncé à leurs
prétentions. Il devint évident qu’il n’en était rien et que ce qui s’y passait
ne les regardaient pas.
Plusieurs incidents diplomatiques avaient opposé le Président
Africain aux autres nations lorsque certains ressortissants de leurs pays avaient disparu dans ces terres
inhospitalières et que les autorités n’avaient rien fait.
Le tribunal international avait alors jugé le Président
puisque celui-ci ne pouvait, exception faite du désert du Kaamal, produire de
papier prouvant leur dessaisie du terrain. Il fut donc jugé coupable et démis
de ses fonctions.
Lorsque son successeur parvint au pouvoir, sans raison
apparente et à la stupéfaction de tous, il réitéra les propos de son
prédécesseur et les autres pays comprirent qu’il y avait là un mystère qu’ils
ne résoudraient pas. Ce renouvellement inconditionnel fit comprendre à tout le
monde que ces territoires recelaient sûrement des dangers qu’ils ne tenaient
pas à affronter et contribua à augmenter le nombre de rumeurs existant déjà sur
les peuples du désert. Les pays civilisés incitèrent leurs ressortissants à ne plus se rendre
là-bas et l’économie de l’Afrique du Sud s’effondra.
Sans les soutiens de la famille Royale d’Egypte et
d’Algérie, le président Africain n’aurait pu maintenir son pays à flot.
Aujourd’hui, si les touristes évitaient soigneusement les
quatre Déserts comme ils les nommaient, ils n’en étaient pas moins revenus.
Et ce que Tia et sa famille faisaient en cet instant serait
considéré comme de la folie pure par le reste du monde.
- J’espère que tu sais ce que tu fais, murmura Frédéric pour
ne pas que les jumeaux l’entendent.
- Ne t’en fait pas, fit la grande femme avec assurance. On
ne va pas s’enfoncer très loin. Et tu sais comme moi, qu’une grande partie des
rumeurs, ne sont que ça, des rumeurs. Les fils du vent évitent les frontières
mais quand bien même nous tomberions dessus, ils nous laisseraient une chance
de nous expliquer et de payer notre passage.
Frédéric hocha la tête. Tia avait raison. Au pire, ils
devraient négocier avec les fils du vent. Et même si cette tribu n’était pas
commode et très dangereuse, ils ne les tueraient pas sans leur laisser une
chance de gagner leur liberté.
Il inspira l’air frais de la nuit et regarda le soleil de
cette nouvelle journée apparaître paresseusement à l’horizon.
- Est-ce qu’au moins une fois, on pourrait fuir de
jour ? Grogna Lara. Et faire une nuit complète et reposante avant de
devoir marcher pendant des heures et des heures ?
Tia aurait ri à la réflexion de sa fille si elle avait été
de meilleure humeur. Elle n’était pas inquiète pour leur sécurité. Ils
n’allaient pas aller très loin dans le désert et étaient partis suffisamment
tôt pour qu’Enrick ne puisse leur mettre la main dessus.
Mais la marche avait toujours été pour elle propice aux
réflexions et il ne cessait de lui revenir en tête sa dispute avec Lex et les
propos que celle-ci lui avait tenus vrillaient son cœur un peu plus à chaque
minute.
Elle était partagée entre la colère contre sa femme et sa
propre honte. Elle n’avait même pas été capable de voir combien elle l’avait
blessé et combien elle était inquiète de sa relation avec Enyalios.
Alors non seulement elle faisait du mal à la seule personne
qui avait jamais fait battre son cœur, mais en plus elle n’était pas capable de
la rassurer correctement sur les sentiments qu’elle lui portait, au point
qu’elle ait peur d’une simple amitié !!
Tia se dégoûtait. Pas étonnant que Lex la traite d’handicapée
des sentiments !
Cependant, la réflexion, même si elle était vraie, faisait
mal. Lex devait pourtant savoir qu’elle ne lui aurait jamais fait de mal
délibérément ! Qu’elle se couperait les deux mains plutôt que de risquer
d’amener de la douleur dans les yeux de sa compagne.
Mais hier soir… hier soir, Lex avait semblé oublier ce fait.
Et comment lui en vouloir ?
Après l’incident Enrick, elle aurait été bien injuste de
faire cela. La façon dont elle s’était comportée avec elle, était tout
simplement dégoûtante. Encore maintenant elle ne comprenait pas comment ça
avait pu lui sembler normal.
Pas étonnant que Lex ait pété un plomb.
Elle soupira intérieurement et se demanda si Lex lui
pardonnerait vraiment un jour. Et si elle le faisait, le mériterait-elle
vraiment ?
Elle jeta un regard en coin à sa compagne et vit qu’elle
n’était pas du tout d’humeur à discuter. Elle détailla la silhouette plus
petite et féminine qui dégageait une aura de force étonnante pour sa carrure.
Lex était vêtue d’un pantalon en coton noir et d’un t-shirt noir à manches
longues qui la protégerait de la brûlure du soleil quand celui-ci serait plus
haut dans le ciel.
Elle avait mis des bottes de marche solides et un chèche sur
la tête. Tia était vêtue à l’identique mais en blanc et l’échange des couleurs
ne lui échappa pas. Elle se demanda pourquoi elle avait voulu s’habiller en
blanc aujourd’hui. Surtout sachant que le blanc était une couleur évité dans le
désert parce qu’il laissait passer les rayons du soleil.
Ils marchèrent jusqu'à ce que le soleil rende l’atmosphère
trop insupportable et ils cherchèrent un abri, le temps qu’il redescende
suffisamment pour continuer leur chemin. Ils ne parlèrent quasiment pas de la
journée, chacun se perdant dans ses propres réflexions, doutes et regrets.
Tia ne cessa quasiment pas de se torturer l’esprit de la
journée. Elle mourrait d’envie de se réconcilier avec Lex, ne supportant pas de
se sentir si loin d’elle, mais elle n’osait pas. Elle craignait de retrouver le
même mépris qu’elle avait entendu pour la première fois en quatre ans dans la
voix de Lex, hier soir.
Et des milliers de regrets tournoyaient dans son esprit.
Elle aurait dû faire les choses ainsi, dire cela. Et si elle l’avait fait,
aurait-ce réellement changé quelque chose ? Aurait-elle pu éviter ce qui
s’était passé ? Ce qui avait été dit ? La douleur ?
Parce qu’en cette seconde, au souvenir obsédant de sa femme
la méprisant, la douleur était atroce et menaçait de submerger sa maîtrise
d’elle-même. Elle aurait donné n’importe quoi pour remonter le temps et changer
les choses.
Elle regarda la femme de ses rêves en coin et vit la
mâchoire douce, tendue à l’extrême et savait que c’était de sa faute. Elle
détourna le regard et se concentra sur le chemin encore à parcourir. Elle ne
pouvait pas continuer à se miner le moral ainsi. Cela émoussait sa vigilance et
ce n’était certainement pas le lieu pour ça.
De son côté Lex ne cessait de se demander quel diable avait
pu la posséder pour débiter toutes les conneries qu’elle avait dites. Tout
comme Tia, mais pas pour les mêmes raisons, elle aurait tout donné pour revenir
en arrière et changer les choses.
Elle sentait la tristesse de Tia depuis
la seconde où elle lui avait tourné le dos dans cette rue éclairée de la grande
ville. Et dès cet instant elle s’en était voulue.
Mais c’était plus fort qu’elle. Elle avait eu tellement mal
quand elle avait senti l’odeur d’Enrick sur elle… la seule chose qui l’avait
retenue de déverser toute la rage et la douleur que cela avait mis en elle
était sa promesse. Sa promesse de lui apprendre ce qui était normal ou non et
ça… ça ne l’était définitivement pas. Mais maintenant Tia savait que ce qu’elle
avait fait n’était pas normal et…
« Et quoi ? Songea la petite blonde. Qu’est-ce que
ça change ? » Elle n’avait pas plus le droit de lui en vouloir pour
autant, puisqu’au moment où elle l’avait fait, elle ne savait
pas. Une fois de plus elle maudit Sassem et ses troupes. Et la perversion avec
laquelle il l’avait « élevée ».
Tia avait grandi avec l’idée que son corps était au choix,
une arme ou un outil, mais en aucun cas une chose sacrée qui méritait le
respect. Tout au plus pouvait-elle le considérer avec mépris lorsqu’il lui
faisait défaut par sa faiblesse.
Et soudain la colère et la douleur cédèrent la place à la
compassion et à l’horreur. Comment pouvait-on faire croire une telle chose à un
être humain. Qu’il n’avait de valeur que par ce qu’il rapportait. Qu’il ne
valait que par ses résultats, ses performances…
Elle étudia le profil tendu de sa compagne avec compassion.
Comment osait-elle lui en vouloir ? Tia avait une vision pervertie, par
ses bourreaux, d’elle-même. Une vision tordue des relations entre êtres
humains.
L’âme même de Tia avait été abîmée par ces monstres.
Pourtant… elle était encore profondément humaine. Possédait
une compassion, une générosité, un amour et un courage qui aurait fait défaut à
n’importe quel être humain ayant vécu ce qu’elle avait vécu. Et au lieu de se
réjouir que son âme sœur ne soit pas devenue dingue ou sans cœur, au lieu de louer
le miracle qui avait réussi à garder la femme qu’elle aimait presque intact,
elle lui reprochait des choses qu’elle n’était pas à même de comprendre. Et ce
miracle se nommait Tia. Sa volonté farouche, sa détermination… c’était ce qui
l’avait préservée des sévices subits. Et c’était si merveilleux… si foutument
incroyable…
Comment pouvait-elle la juger ? Elle ne lui arrivait
pas à la cheville. Et quand bien même se serait le cas… elle ne pouvait pas la
juger avec ses critères à elle. Ils ne s’appliquaient pas à Tia et ne le
pourraient peut-être jamais. Si vraiment elle voulait la juger, elle devait le
faire avec les critères de Tia, parce qu’elles n’avaient pas vécu les mêmes
choses. On ne peut pas juger une personne qui n’a pas vécue normalement avec des
critères normaux. C’est déséquilibré et injuste.
Et selon les critères de Tia… la mercenaire ne l’avait pas
trompée. Elle avait été tentée mais avait résisté. Par amour pour elle. Oh bien
sûr, elle aurait pu lui mentir, mais là aussi cela supposait de la juger avec
des critères normaux. Selon les critères de Tia, le mensonge n’était pas toléré
entre des personnes qui s’aimaient. Elle en avait trop connu dans sa vie pour
pouvoir les supporter dans le monde protégé qu’elle s’était construit avec elle
et les jumeaux.
Tia ne l’avait pas trompée. Elle n’y avait probablement même
pas songé. Lex secoua la tête.
Tout ceci elle le savait depuis déjà plusieurs années. Ce
n’était pas une révélation, seulement un rappel. Alors qu’est-ce qui s’était
passé ?
Lex y réfléchit et lorsqu’elle en découvrit la raison, elle
grimaça. Elle avait fait un caprice. Un foutu caprice. Elle n’en revenait
pas ! Bon sang, les habitudes avaient la vie dure ! Comme une gamine
qui voit que quelqu’un d’autre a joué avec sa poupée préférée sans sa
permission, elle avait piqué une crise.
C’était son jouet, à elle ! On ne le lui
prenait pas sans demander ! Même si la poupée était restée dans sa
chambre, même si l’enfant qui jouait avec l’avait fait devant elle, on n’avait
pas le droit de toucher à sa poupée.
Et puis elle s’était rappelée qu’un autre enfant avait joué
avec la poupée avant qu’elle ne l’ait et là, la crise avait pris des
proportions épiques !
Pourtant qu’elle importance cela avait-il ? La poupée
était à elle aujourd’hui. Et elle ne quitterait jamais sa chambre d’elle-même.
Lex secoua la tête. Elle pensait en avoir terminé avec ses
gamineries. Mais encore une fois, elle comprenait que ce n’était pas le cas.
Tia n’avait pas été la seule à acquérir une vision pervertie du monde à cause
de son éducation. La mercenaire n’était pas sa propriété personnelle. Elle
avait un passé, avec lequel elle devait composer.
Son enfance de petite fille pourrie gâtée avait laissé des
traces et plus grosses qu’elle ne le pensait !
« Qu’elle bordel, songea-t-elle. Va-t-on un jour se
sortir de ces conneries qui nous éloignent constamment ? » Elle
jeta un œil à sa compagne et se demanda comment aborder le sujet. « Et
quand surtout », songea-t-elle en entendant les jumeaux et Frédéric
discuter doucement derrière elles.
C’était un sujet bien trop délicat et personnel pour pouvoir
l’aborder devant les jumeaux mais elle ne cessait d’entendre les dernières
paroles qu’elle avait adressées à Tia et sentait combien cela lui avait fait
mal. Elle n’aurait jamais pensé être une personne cruelle mais pourtant en
s’entendait à nouveau dire ces horreur, elle sut qu’elle en était une.
Tia ne méritait certainement pas de tels propos. C’était
comme nier tous les efforts qu’elle avait fait pour devenir plus humaine et comprendre
ce qui était normal pour elle et les jumeaux.
Elle avait voulu que Tia ait aussi mal qu’elle et bien… elle
avait réussi. Mais elle n’en ressentait qu’une honte profonde. La mercenaire
n’avait pas cherché à lui faire mal. Elle ? Si.
Ce n’était pas le bon moment mais elle ne pouvait pas
attendre plus longtemps. Alors elle se rapprocha d’elle et, timidement, glissa
sa main dans la sienne. Elle n’osa pas regarder la réaction de sa femme, alors
elle garda les yeux obstinément baissés.
L’aurait-elle fait, qu’elle aurait vu l’expression
stupéfaite qui passa de l’étonnement au ravissement soulagé avec une intensité
sans faille. Tia serra doucement sa main autour de la sienne et Lex sentit la
flamme appartenant à la mercenaire faire un bond joyeux dans son cœur.
Elle sourit pour elle-même et releva la tête. Elle posa un
regard plein d’espoir sur la grande femme et fut rassurée de voir la joie dans
les yeux bleus. Elles cheminèrent ainsi, accrochées l’une à l’autre et
silencieuses, le reste de la journée.
Ils trouvèrent un abri peu avant que la nuit ne tombe et
installèrent leur campement. Les tentes des jumeaux furent mises entre celles
de Frédéric et des filles. Ils firent un feu pour se réchauffer et sortirent de
la viande à faire griller.
- Profitez-en aujourd’hui, fit Tia aux jumeaux, demain il
n’y aura ni feu, ni repas chaud.
- Pourquoi ?! demandèrent-ils en cœur.
Tia se tourna vers sa petite compagne et leva deux sourcils.
Lex sourit et se tourna vers les enfants.
- Parce qu’il y aura toutes les chances qu’Enrick soit
arrivé sur place. Et un feu dans le désert, ça se remarque. De plus, si on est
encore assez proche de la frontière pour ne pas s’inquiéter des fils du vent,
demain on sera suffisamment à l’intérieur des terres, pour ne pas vouloir se faire
repérer par eux.
Les jumeaux ouvrirent la bouche dans un bel ensemble et
leurs expressions furent si identiques que cela fit rirent leurs mères.
- Mais, comment vous pouvez être sûre que ce type que t’as
vu va contacter Enrick ? demanda Lara à sa mère.
- Parce qu’Enrick offre beaucoup d’argent à quiconque peut
l’aider et que ce genre de proposition fait vite le tour du milieu. Rare sont
les gens à ne pas vouloir gagner de l’argent facilement. Ce type comme tu dis,
ne m’aime pas, mais alors pas du tout. Et rien que pour se venger il le ferait.
Ajoute à cela que pour le prix d’un coup de téléphone il gagnera quelques
milliers d’Euros et tu as là une probabilité plutôt sûre.
Lara hocha la tête. C’était logique, en effet.
- Et pourquoi ce type t’aime pas ? L’interrogea Len.
- Ca, c’est à cause de votre mère, rit Tia en désignant sa
compagne.
Les jumeaux tournèrent un regard étonné vers Lex.
- C’est pas de ma faute, protesta la petite blonde, pour
commencer tu n’aurais jamais dû accepter ce contrat.
- Pourquoi ? Fit Lara.
- Il voulait que Tia balance une BVI chez son concurrent.
- Une BVI ? Répéta Len.
- Bombe Virale Informatique, expliqua la petite blonde d’un
ton docte ce qui amusa sa compagne qui se rappelait sa propre ignorance.
- Il voulait qu’elle fasse du sabotage ? S’insurgea
Lara.
Puis se tournant vers sa mère :
- Et tu as accepté ?!
Tia prit une expression outrée et innocente :
- Eh, c’était pas mon contrat ! C’était celui
d’Enyalios. Et il m’a demandé un coup de main. Je ne savais pas ce que c’était
mais de toute façon je ne pouvais pas refuser.
- Pourquoi ?
- Ben, c’est comme ça entre mercenaire. On s’entre aide. Et
puis c’est mon mentor. Quoi qu’il se passe, s’il me demande de l’aide, je
l’aide, fit-elle en haussant les épaules.
- Même s’il te demandait de tuer quelqu’un ?
L’interrogea son fils.
- Il ferait jamais ça, répliqua sa sœur en le fusillant des
yeux.
Tia haussa de nouveau les épaules.
- Il ne le ferait pas en effet. Pas parce que je refuserais,
mais parce que Lex n’apprécierait pas et qu’il ne veut pas d’ennui avec elle.
- Pourquoi ? Demanda Len intrigué. Il a peur
d’elle ?
Lex ricana.
- Ca serait bien.
Tia sourit et secoua la tête.
- Non. Mais contrarier Lex, c’est me contrarier et il ne
veut pas me contrarier.
- Tu lui fais peur ? Répéta Len impressionné.
Il avait voyagé avec le mercenaire pendant quelques jours et
le moins qu’on puisse dire c’est qu’il l’avait vu faire des choses incroyables.
Qu’un homme pareil puisse être effrayé par sa mère était… stupéfiant. Sa mère
devait vraiment être quelqu’un d’incroyable ! Et l’admiration qu’il
éprouvait pour elle, redoubla de force.
Tia secoua la tête en même temps que Lex répondait :
- Oh oui !
La mercenaire croisa son regard et Lex insista :
- Il a peur de toi, et tu le sais. Enyalios est une légende
parmi les mercenaires, mais tout le monde sait que la numéro un, c’est toi.
Les sourcils de Tia s’élevèrent sur son front et
l’expression de chouette que cela lui donna la fit rire. Elle se renversa sur
le dos en se tenant le ventre. Lorsque la crise fut passée, elle se redressa et
dit ;
- Tu devrais écouter ce que les autres disent de toi.
Vraiment. C’est très très instructif. Il ne fait aucun doute que tu es
considérée comme la meilleure. J’en ai de la chance, d’être formée par la meilleure !
fit-elle avec un grand sourire.
Tia rougit sous le compliment et s’agita mal à l’aise. Elle
se savait bonne, très bonne même, mais n’aurait jamais pensé que les
mercenaires, qui avaient tous un ego démesuré, puissent être unanimes à son
sujet et faire d’elle la numéro un.
Elle se mordit la lèvre et sous le regard gentiment railleur
de sa compagne, se rengorgea. Après tout, qu’est-ce que ça avait de si
étonnant ? Elle était la meilleure non ? Normal que les autres
finissent par s’en rendre compte ?
Lex se mordit la lèvre pour ne pas recommencer à rire
lorsqu’elle vit Tia passer d’un malaise adorable à la plus parfaite suffisance.
Elle croisa son regard arrogant et sûr et Lex fondit. C’était quand même dingue
d’aimer autant son arrogance. Ca agissait comme un aphrodisiaque sur elle.
Ca l’émoustillait au plus haut point. Immédiatement, elle se
pencha vers elle et l’embrassa avec intensité. Des bruits d’écœurement lui
parvinrent et elle rompit le baiser en souriant. Se tournant vers les jumeaux,
elle les vit se mettre un doigt dans la gorge et mimer des hauts le cœur.
- Vous pourriez attendre d’être dans votre tente quand
même ! Lança Len dégoûté.
Voir ses mères se faire des papouilles le dégoûtait toujours
en même temps que cela lui faisait plaisir. Il adorait voir l’amour qu’il y avait entre elles, mais les voir en
action c’était trop. Aucun enfant n’a envie d’imaginer ses parents le faisant
et lui et sa sœur ne faisaient pas exception à la règle.
Sur ce, il se leva et les saluant, rejoignit sa tente. Lara
ne tarda pas à rejoindre la sienne, elle aussi, épuisée par la marche du jour.
Les filles et Frédéric discutèrent un moment de la journée du lendemain et des
différentes options qui pourraient surgirent.
Puis chacun sentit la fatigante journée peser sur ses
épaules. Ils éteignirent le feu et chacun partit dans sa tente. Frédéric retint
Tia quelques minutes de plus puis ils se dirent bonsoir. En entrant à la suite
de Lex, Tia vit que sa compagne avait arrangé leur couche à sa façon et cela
fit briller ses yeux.
Les deux sacs de couchage avaient été attachés l’un à
l’autre et Lex s’était glissée dedans. Complètement nue.
- Tu me rejoins ? fit-elle langoureuse. Il fait froid.
- Et se serait criminel de ma part que de te laisser
congeler sur place, acquiesça la grande femme en se débarrassant de ses
vêtements plus vite que la lumière.
Ils s’entassèrent dans un coin de la tente et Tia se glissa
sous les duvets avec délice. Aussitôt la blonde se colla à elle et c’est
avec un frisson de joie et d’anticipation qu’elle enroula son corps autour du
sien, le réchauffant instantanément.
A quelques millimètres l’une de l’autre, elles se
regardèrent longuement. Yeux verts se fondant dans les yeux bleu océan. Yeux
bleus se perdant dans les yeux vert forêt. Et sans même qu’aucune d’elles ne
s’en rendent compte… elles s’endormirent, épuisées par les sentiments ravageurs
qui les avaient tourmentées une bonne partie de la journée.
Chapitre 3 :
Le lendemain, elles se réveillèrent avec l’aube, un peu
surprise de la facilité avec laquelle elles reprenaient le rythme du travail.
Elles se sourirent, amusées par la façon dont elles s’étaient endormies. Puis
Lex n’y tint plus.
- Excuses-moi, fit-elle avec un regard contrit. Pour
avant-hier. Je… je ne pensais pas ce que je t’ai dit tu sais.
Tia garda le silence un moment. Puis soupira. Son souffle
chaud faisant fourmiller la peau des joues de Lex.
- Tu n’as pas à t’excuser. Tu n’as rien fait de mal. Moi,
oui. Ce que je t’ai fait… Lex, tu ne peux pas savoir à quel point je m’en veux.
Et je comprends parfaitement que tu aies été en colère. Et que tu le sois
encore.
Lex secoua la tête et mit une main sur la bouche de la
mercenaire.
- Tu te trompes Tia. Je ne suis plus en colère. Et je
n’aurais même pas dû l’être. Je t’ai jugé avec des critères qui ne pouvaient
pas s’appliquer à toi vu la vie que tu as menée. Nos valeurs n’étaient
forcément pas les mêmes. Et je le savais. Ce qui m’a énervée, en fait, c’est…
juste un caprice. Je… j’ai fait un caprice parce que tu as été avec Enyalios
avant et que je suis quelqu’un de très possessif. Et que je ne supporte pas que
tu sois à quelqu’un d’autre ou que tu aies pu l’être. Et… c’était juste un
caprice Tia… je t’assure et je suis désolée…
- Je… eh bien, ça me rassure mais… Lex, le fait que je n’aie
pas la même vision ou que notre éducation n’ait pas été la même, n’enlève rien
à la douleur que tu ressens. Et tu as le droit de la ressentir.
Que j’en comprenne ou pas la raison, ta souffrance est réelle. Tu n’as pas à
t’en excuser. Et si tu as besoin de me la faire sentir pour aller mieux, alors
fait-le. Puisque j’en suis la cause, il est plutôt normal que je sois celle qui
te permet d’aller mieux.
La logique de Tia, une fois de plus, était confondante. Et
cela enleva un poids des épaules de Lex. Elle caressa la joue de sa compagne
avec une affection profonde puis dit :
- Merci. Néanmoins j’ai été méchante. Délibérément et ça… je
m’en veux vraiment.
- Ca va, c’est pas grave, fit-elle avec désinvolture.
- Si ça l’est et ne prétends pas le contraire, s’il te
plaît ! Je le sens, maintenant.
Tia grimaça. C’était vrai. Elle aussi sentait les états
d’âmes de sa compagne, même si elle n’était pas aussi attentive qu’elle. Il
faut dire qu’elle passait beaucoup de temps à éviter de ressentir son lien avec
la louve, donc dans le même temps elle évitait forcément son lien avec Lex.
Mais si elle se concentrait un peu, elle pouvait ressentir ce qui la
tourmentait. Et ce nouveau lien la ravissait.
- Ok, mais de toute façon tu n’avais pas tort.
- Bien sûr que si ! Tia tu n’es pas une
handicapée ! Je… c’était nul et méchant et gratuit et crois-moi j’ai honte
de moi !
- Ok, alors disons que tu es pardonnée.
- Je ne le pensais pas tu sais. Du tout. J’ai juste voulu te
faire mal et c’est la première chose qui m’est venue à l’esprit. Et…
- Lex ! La coupa-elle. Calme-toi, ok ?
La petite blonde inspira bruyamment et expira. Puis
inspirant une nouvelle fois, elle hocha la tête.
- Tu es sûre que tu ne le pensais pas ? demanda Tia en
cachant l’importance que cette question revêtait.
- Sûre et certaine, affirma la petite femme en hochant
vigoureusement la tête.
Une vague de soulagement déferla en Tia et elle aspira une
grande goulée d’air.
- Bon, alors… je te pardonne, ok ?
Lex resta un instant silencieuse puis déclara :
- J’accepte d’être pardonnée si tu acceptes de te pardonner pour… Enrick.
Tia fit la moue. Lex la connaissait décidément trop bien.
Maintenant qu’elle avait pris conscience de ce que son comportement avait eu de
mal, elle n’accepterait pas facilement de se pardonner. Elle ne supportait pas
de voir la douleur dans les yeux de sa compagne et savoir qu’elle en était
responsable était une chose qu’elle ne se pardonnerait pas de si tôt.
Cependant elle savait que pour Lex être pardonnée pour sa
méchanceté était extrêmement important, une chose dont elle avait besoin et
elle sentirait si le oui de Tia était sincère ou pas. Et Tia voulait que Lex
cesse de s’en vouloir.
En clair, elle était piégée.
Elle soupira et se plongea en elle, essayant de trouver une
raison de se pardonner. Puis elle se souvint des paroles de Lex et s’y
accrocha. Elle avait raison, son enfance avait joué un grand rôle dans la façon
dont elle avait envisagé ce qu’elle avait fait avec Enrick. Et ça, elle n’y
était pour rien.
Si elle acceptait cette idée, elle pouvait se pardonner.
Alors c’est ce qu’elle fit.
- Ok, dit-elle finalement après un long moment de réflexion
silencieuse.
Tia ressentit autant qu’elle vit, la joie et le soulagement
profond submerger sa compagne. Et elle se félicita d’avoir fait cet effort. Lex
prit sa main et emmêla ses doigts aux siens.
- Tu m’es précieuse Tia, chuchota la petite blonde ses yeux
plongés dans les eaux bleues en face d’elle. Mais pour éviter d’autres scènes
de ce genre, à l’avenir, j’aimerai que ton corps ne soit réservé qu’à mon
unique usage. Comme ton cœur.
Et comme pour marquer ses propos, elle descendit la bouche
sur le ventre de Tia qu’elle mordilla doucement puis goûta avec délectation.
Elle sentit le frisson parcourir sa femme et elle sourit avant d’embrasser
encore la peau si douce puis de remonter.
- Je ne dirais pas que tu es à moi, parce que tu
t’appartiens avant toute chose, mais j’aimerais que tu te préserves pour moi.
Que tu comprennes que ton corps est une chose importante et non un vulgaire
outil qui te sert ou te dessert. Que tout en toi est sacré pour moi et qu’il le
devienne aussi pour toi.
Tia était touchée par les mots et ils guérirent d’autres
plaies restées encore à vif malgré tout l’amour dont elle était entourée depuis
trois ans. La guérison n’était qu’une affaire de temps et d’amour lui avait-on
dit.
Mais ça n’allait jamais assez vite. C’était toujours trop
long et cela pouvait gâcher bien des choses. A nous de nous battre pour que ce
processus difficile ne mette pas par terre tous ce à quoi nous rêvions et qui
faisait de nous des êtres heureux.
Tia était particulièrement heureuse d’être tombée amoureuse
de la personne extraordinaire qui partageait sa couche aujourd’hui. Lex était
patiente avec elle, réfléchie et savait reconnaître ses erreurs. Et comme elle,
elle ferait tout ce qui était en son pouvoir pour faire de leur couple une
réussite. Elle croyait en leur amour, en elles et Tia savait, qu’il en faudrait
beaucoup, beaucoup, pour que leur couple soit un échec.
En cet instant, elle sentait même que rien, ne pourrait les
séparer. Si elle en croyait la louve, dans leur première existence, seule la
mort les avait séparées. Et même ça, ça n’avait marché qu’un temps. Toutes deux
avaient combattu la donnée inéluctable qu’était cette condamnation et
s’étaient cherchées vie après vie, pour finalement se retrouver.
Si leur destin était d’être ensemble alors rien, pas même la
mort, ne saurait les séparer. C’était ce que disait la bénédiction qu’avait
prononcé Lex à la fin de leur union sur l’île déserte et Tia y croyait. Dur
comme le diamant.
- Je suis à toi, Lex. J’étais à toi au moment même de ma
naissance. Et ne pas le savoir n’en rendait pas moins cette chose réelle. Je
suis à toi depuis toujours. Si j’ai du mal à accepter les propos de la louve,
le fait est que de ça, je suis certaine. Je suis à toi depuis toujours. Je
n’ai fait que survivre jusqu'à ce que tu arrives dans ma vie. Tu es la seule,
Lex. Et tu seras toujours la seule. Je n’en veux aucune autre. Ni de corps, ni
d’âme. Que toi.
Tia avait pris le visage de sa compagne entre ses mains et
Lex passait un pouce tendre sur la main qui la tenait, caressant de son autre
index le nez, les sourcils et la
mâchoire de sa compagne.
- Je suis à toi. Tu peux le dire Lex. Parce que c’est la
vérité. Même lorsque j’étais avec Enyalios, je t’attendais. Tu n’as pas à
t’inquiéter de lui. Il est… important c’est vrai. Et tu sais pourquoi, mais… il
ne le sera jamais autant que toi. Même mes enfants ne le sont pas. J’ai un peu
honte de dire ça et de le ressentir, mais Lex, c’est la vérité. Tu es plus
importante pour moi, qu’eux.
Sous le choc, Lex en sentit sa mâchoire se décrocher. Elle
était partagée entre une joie sans pareille et la honte de voler l’amour d’une
mère à ses enfants. Rien ne devait être plus important pour un parent que ses
enfants. Tia sentit son dilemme et se rapprochant chuchota :
- Ne t’en veux pas. Ce n’est pas une chose que toi ou moi
avons voulue ou provoquée. C’est arrivé c’est tout. Je t’aime et c’est comme
ça. Les jumeaux le sentent, tu sais. Et si parfois ils se montrent jaloux, ils
savent que personne n’y peut rien. L’amour ne se commande pas. Pas plus que son
intensité. Alors cesse de te flageller et profites-en.
Lex secoua la tête une fois de plus soufflée par l’éloquence
et la justesse des propos de sa compagne.
- Et dire que les gens te prennent pour une rustre par ce
que tu ne leur parles presque jamais. S’ils savaient ! fit-elle en roulant
des yeux.
- Moi, je suis contente qu’il n’y ait que toi à savoir,
répondit la grande femme en déposant un doux baiser sur les lèvres douces. En
plus, il n’y a que toi qui m’inspire comme ça. Crois-moi, je ne parle pas aussi
bien avec les autres !
- Je suis sûre que si tu te forçais…
Tia secoua la tête.
- Non, Lex, c’est toi la discoureuse de la famille,
n’essaies pas de m’embaucher là dedans...
Lex rit et haussa les épaules.
- Je pouvais toujours essayer.
Tia sourit et déposa un dernier baisé sur le nez de sa femme
avant de se lever. Sa femme. Décidemment, ce mot lui plaisait infiniment.
Lex protesta lorsque l’air frais du matin toucha sa peau et
elle se dépêcha de rabattre le duvet sur sa tête. Tia rit et s’habilla en toute
hâte. L’air du matin portait encore les traces de la nuit.
Puis elle sortit et se dit qu’elle pouvait bien faire un
petit feu, du moment que celui-ci n’était que braise. Cela lui prit quelques
longues minutes mais elle parvint à faire rougeoyer du bois sans qu’il ne fume
et elle posa une casserole d’eau dessus. Elle retourna ensuite dans la tente et
rit en voyant une Lex complètement rendormie avec des nœuds de la taille de nid
dans les cheveux.
Elle secoua la tête, récupéra les sachets de thé et de café,
ainsi que les des tasses et ressortit. Elle passa les minutes suivantes
au-dessus du feu, à préparer le thé pour elle et les enfants et le café pour
Lex et Frédéric.
Lorsque tout fut près elle réveilla tout le mode, en
commençant par sa compagne qui agrippa la tasse avant même de rouvrir les yeux.
Elle obtint un éveil instantané de Frédéric qui la fit presque sursauter et des
grognements rageurs de ses jumeaux.
Lorsqu’elle eut fini, ils se retrouvèrent tous autour des
braises chaudes à moitié endormis. Seule Tia avait l’air parfaitement éveillé.
Elle leur sourit et chacun d’entre eux la fusilla du regard, exception faite de
Lex qui avait les yeux toujours fermés et les mains fermement enroulées autour
de sa tasse de café. Elle savourait ce nectar comme si un dieu lui-même l’avait
fait.
Tia secoua la tête en avalant une gorgé de son thé au
caramel.
Le petit déjeuné fut donc particulièrement silencieux,
chacun tentant vainement de se réveiller avec le soleil. De temps en temps elle
voyait Len et Lara jeter des coups d’œil en direction de Lex et cligner des
yeux devant l’improbable coupe de cheveux qu’elle avait. Puis ils retombaient
dans leur demi-somnolence et avalaient leur thé.
Lorsqu’ils eurent tous finis, elle les houspilla pour qu’ils
s’habillent et remballent le campement. Elle voulait être repartie pendant que
la chaleur était encore supportable.
Chacun fit ce qui lui était demandé et elle prit la carte du
désert qu’Enyalios avait laissée à son attention pour le cas où et
s’interrompit en entendant un cri outragé en provenance de sa tente. Elle
attendit l’inévitable reproche.
- Tia ! Faudrait penser à grandir un jour !
Elle rit et entendit les jumeaux ricaner.
Un quart d’heure plus tard, ils étaient tous prêts à partir.
Ils se mirent en route, Lex grommelant en passant une brosse rageuse dans ses
cheveux tout en fusillant sa femme des yeux.
Tia ricana dans son coin et échangea des sourires avec les
jumeaux. Ils firent passer la matinée en jouant à « à qui je
pense ? » Les jumeaux étaient très forts à ce jeu mais pas autant que
les deux femmes. Cependant Frédéric décida soudain de participer et à la stupeur
générale, il les écrasa tous.
Un peu dégoûtée, Tia décida de renoncer à jouer. Lex la
traita de mauvaise joueuse et Tia haussa les épaules et pressa le pas. Les
jumeaux ricanèrent.
Lorsqu’il devint évident que la chaleur n’allait faire
qu’augmenter encore, ils cherchèrent un coin où se mettre à l’abri et ne le
trouvèrent que deux heures plus tard. Un énorme rocher semblable à celui se
trouvant en Australie leur permis une pause qu’ils accueillirent avec
soulagement.
Les jumeaux s’affalèrent en soupirant et Frédéric, s’il ne
s’écroula pas, n’avait pas meilleure mine.
- Ce n’est plus de mon âge, soupira-t-il en s’essuyant le
front.
Len et Lara n’eurent même pas la force de se moquer. Tia
s’accroupit et sortit de son sac des rations de viande sèche et de l’eau et
distribua le tout. La mercenaire s’assit contre le rocher et avala avec avidité
plusieurs gorgées d’eau.
Lex s’assit à côté et malgré la chaleur qui faisait coller
leurs vêtements à leur peau, elle s’appuya contre la grande femme et posa sa tête
contre son épaule. Avec un mépris, pour la chaleur moite, proche de l’héroïsme,
Tia passa un bras autour de ses épaules et la pressa contre elle.
Lex profita de leur proximité pour se repaître de sa dose de
câlins. Elles finirent par s’endormirent et les autres firent de même.
Lorsqu’ils se réveillèrent trois heures plus tard, le soleil avait amorcé sa
descente depuis suffisamment longtemps pour qu’il fasse moins chaud.
Ils se levèrent, s’étirèrent et poursuivirent leur chemin
sous la houlette ferme de Tia et les grommellements fatigués des jumeaux.
Le soir venu, ils installèrent leur campement au point
décidé par Tia. Ils se réunirent tous, emmitouflés dans leur grosse doudoune et
leur couverture, pour manger leur ration.
- Je pense que l’on s’est assez enfoncé dans les terres,
annonça la mercenaire. Enrick n’osera jamais venir jusqu’ici et de toute façon,
il y a peu de chance qu’il y pense. Si on continue sur cette ligne,
montra-t-elle sur la carte étalée au milieu d’eux, dans une semaine, on arrivera
au niveau de Goutjav. On sera suffisamment loin des terres qu’il fait
surveiller pour pouvoir se montrer.
- Et on restera là-bas ? L’interrogea sa fille.
- Oui. J’y ai une cache. On y restera jusqu'à ce que j’aie
les renseignements que j’attends.
- Et une fois que tu les auras ? demanda Len.
- Alexia et moi régleront le problème et on pourra rentrer.
- Vraiment ? fit-il surpris. Aussi simplement que
ça ?
- Oui, fit-elle sans préciser que c’était loin d’être aussi
simple qu’il se l’imaginait.
- Cool !!! S’exclama Lara en même temps que Len.
Leur visage s’étaient brusquement éclairés. Et ils étaient
beaucoup plus enthousiastes à l’idée de la marche qui les attendait. Tia voulut
profiter de cette bonne humeur.
- Ca te dirait un peu d’exercices ? Demanda-t-elle à
son fils.
Len se leva d’un bond en devinant à quoi elle faisait
allusion et se mit en position. Tia rit et rejeta ses couvertures. Ils jouèrent
quelques instants et luttèrent pour rire sous le regard indulgent de Frédéric,
amusé de Lex et envieux de Lara.
La jeune fille observa attentivement les leçons que leur
mère donnait à son frère. Elle ne comprenait pas pourquoi elle se sentait comme
ça. Elle n’aimait pas particulièrement se battre et pourtant elle aurait adoré
être à la place de Len. Et, se rendit-elle compte avec un certain étonnement,
elle lui en voulait.
Elle retint facilement les gestes et mouvements, les
répétant tranquillement plusieurs fois dans son esprit et observa sa mère avec
une grande attention.
C’est fou ce qu’elle était belle… toutes ses amies à l’école
ne cessaient de s’extasier sur sa beauté et elles trouvaient toutes génial
qu’elle ait les mêmes yeux qu’elle. Et Lara était elle aussi très heureuse de
ça. Mais lorsque ses amies lui disaient qu’elle devait ressembler à son père parce
qu’a part les yeux, elle n’avait rien de commun avec elle, elle ne trouvait
plus cela génial.
Elle ne savait pas qui était son père. Ni même à quoi il
ressemblait. Etait-il vivant ? Mort ? Leur mère ne disait rien à son
propos et malgré leur curiosité, ni elle, ni Len n’osaient l’interroger.
Ils sentaient qu’il y avait quelque chose là-dessous. Les
seules fois où ils avaient essayé, l’expression de leur mère avait été si
douloureuse et pleine de colère qu’ils n’avaient pas poussé plus loin.
Alors ils avaient extrapolé. Lara pensait que leur père
avait été quelqu’un d’important dans la vie de leur mère. De très important.
Qu’elle l’avait aimé. Plus que tout et que pour une raison, la mort
peut-être ?, ils avaient été séparés.
Len pensait qu’il était mort, parce qu’autrement leur mère
ne serait pas avec Lex. Lara se
demandait parfois comment sa mère avait pu continuer sans leur père. Vu comme
elle aimait Lex, et sachant qu’elle avait dû l’aimé plus encore, Tia devait
être une vraie force de la nature pour ne pas avoir cédé à sa disparition.
Sa nature romantique, lui disait que c’était là, la bonne
version et que leur mère souffrait rien qu’à entendre parler de lui, alors Len
et elle avaient décidé d’un commun accord de ne jamais l’interroger.
Mais certain jour, c’était difficile. Elle aurait aimé
savoir si elle tenait de lui ou pas. Savoir comment il avait aimé leur mère.
S’il était au courant pour sa grossesse. Et s’il les avait aimés elle et son
frère.
Lara avait du mal aujourd’hui. Elle voulait poser plein de
questions. Voulait que sa mère s’occupe un peu d’elle. Aurait donné cher pour
revoir David, même si lui ne le voulait pas. Et aurait vraiment aimé être chez
elle.
Mais rien de tout ceci n’arriverait aujourd’hui, elle le
savait. Alors elle quitta le petit groupe et partit se coucher. Elle ne parvint
pas à s’endormir tout de suite et entendit les autres aller se coucher l’un
après l’autre.
Elle entendit les rires de ses mères et se demanda comment
sa mère avait aimé son père. Qui préférait-elle ? Lequel aimait-elle le
plus ? Elle aimait vraiment beaucoup Lex. Depuis leur fuite du ranch,
elles s’étaient beaucoup rapprochées et cela lui faisait plus plaisir qu’elle
ne l’aurait cru.
Cependant son père était son père et comme tous les enfants,
Lara voulait être sûre que pour sa mère celui-ci avait été unique. Spécial.
Elle soupira et se retourna dans son sac de couchage. A quoi
bon toutes ces questions ? Elle n’en aurait jamais les réponses.
Elle se repassa la journée qui s’était écoulée, s’attardant
sur les meilleurs moments et finit, enfin, par trouver le sommeil, le sourire
aux lèvres.
************************************
Cela se passa au milieu de la nuit et malgré les précautions
et alarmes misent en place par Frédéric et Tia, ils furent complètement pris au
dépourvu.
Aucun des pièges ne se déclencha. Aucune alarme ne sonna.
Aucun bruit de pas n’alerta les mercenaires et même l’ouïe fine et l’état de
quasi alerte permanent dans lequel Tia vivait ne la prévint.
Seule une main ferme et solide s’abattit sur leur bouche
dans le but évident de les empêcher de parler. Se réveillant en sursaut Tia se
redressa ou plutôt tenta de le faire, mais de multiples mains la maintenaient
au sol et alors qu’elle tournait la tête pour voir où était Lex, elle sentit
une piqure dans son cou et redoubla d’efforts pour s’échapper.
Elle s’agita tant que ses agresseurs n’eurent d ‘autre choix
que de l’écraser de leurs propres corps.
Une panique soudaine la saisie et Tia eut l’impression de
replonger dans son passé. Elle s’efforça de juguler sa peur. Ce n’était pas le
moment. Lex. Où était Lex ? Elle tourna la tête une fois de plus à sa
recherche mais ne vit rien.
Soudain elle fut traînée hors de sa tente et surprise pensa
que c’était sa chance. Mais alors qu’elle essayait de se redresser tout en
accrochant ses doigts à ce qu’elle pouvait, elle se rendit compte que tous ses
muscles réagissaient non seulement avec un temps de retard mais avec une grande
faiblesse aussi.
Droguée. Elle avait été droguée. Une fois dehors, elle
regarda autour d’elle et vit ses enfants allongés face contre terre, les pieds
et les poings liés et elle eut peur. Elle tendit la main vers eux, mais une
autre main, plus grande et plus dure, s’en empara.
On la retourna et on croisa ses mains dans son dos pour les
attacher. Se faisant, elle remarque Frédéric dans le même état que les jumeaux
et chercha Lex des yeux. On la mit sur le dos et une des silhouettes perdues
dans l’ombre se pencha vers elle.
On la dévisagea longuement et elle devina un sourire. Un
chuchotement suivit mais elle ne reconnut pas la langue. « Les fils du
vent, songea-t-elle les idées embrouillées. Ca doit être les fils du
vent »
Elle cligna des yeux pour essayer d’éclaircir sa vision et
ouvrit la bouche.
- Lex ? fit-elle d’une vois faible. Où… est… Lex ?
Elle distingua la silhouette pencher la tête comme pour
réfléchir. La comprenait-il ? Il se redressa soudain et l’entraîna avec
lui. Tia se retrouva sur ses pieds, mais la faiblesse avait atteint ses jambes
et elle s’effondra sur les genoux.
L’homme, la retint pour ne pas qu’elle bascule en avant et
s’accroupit à son côté. Il allongea le bras devant lui et montra un endroit.
De plus en plus vacillante, la conscience pleine de
brouillard, Tia suivit la direction indiquée et dut se concentrer sérieusement
pour arriver à voir ce qu’il lui montrait. Lorsque ce fut fait elle écarquilla
des yeux horrifiés.
Lex était entouré d’une bande d’homme qui étaient tous
penchés sur elle. Elle ne distinguait pas vraiment ce qu’ils faisaient, mais
elle voyait sa compagne se tortiller pour échapper à leurs mains baladeuses et
le sang de la grande femme ne fit qu’un tour.
Elle s’appuya sur un pied et se redressa vivement. La voyant
retrouver des forces subitement, l’homme à côté d’elle récupéra quelque chose
et le planta dans le cou de la grande femme avant de la laisser aller.
Le temps que Tia rejoigne sa compagne, la nouvelle dose du
produit que l’homme lui avait injectée se fit sentir. Elle tomba à genoux au
bord du cercle dans lequel se trouvait Lex et elle gémit.
Elle tenta de glisser sur les genoux mais le produit se
propageait plus vite qu’elle ne bougeait. Et elle tomba rapidement face contre
terre. Avant de sombrer dans l’inconscience, elle vit Lex regarder vers elle et
s’accrocha à son regard avec la force du désespoir.
Yeux verts dans yeux bleus.
Jusqu’à ce que le noir gagne sur sa lumière.
Chapitre 4 :
Elle ne se réveilla que tard le lendemain après-midi. Elle
avait la tête posée sur les genoux de Lex et celle-ci lui caressait les cheveux
tout en la veillant d’un air anxieux et plein d’affection. Lex était
relativement calme et lorsque sa compagne ouvrit enfin les yeux et qu’elle
croisa le bleu océan vif qui hantait les moindres minutes de son existence,
elle sourit avec affection, un soulagement profond l’envahissant.
Puis une impression de déjà-vu puissante la frappa et une
image brouillée de sa compagne la frappa. Elle était allongée comme aujourd’hui
sur ses genoux, mais son visage était tuméfié et elle était vêtue non pas de
son pantalon en coton et de son débardeur noir mais d’une sorte de drap blanc,
sale.
Le regard de cette femme n’était pas tout à fait celui de sa
Tia, mais il lui ressemblait tant et ce qu’elle voyait et sentait de sa
condition physique était si grave qu’elle en eut les larmes aux yeux.
- Lex ? fit la voix incertaine de sa femme.
Une main lui toucha la joue et Lex ferma les yeux en se
mordant la lèvre. Lorsqu’elle les rouvrit le regard bleu douloureux fut
remplacé par un regard tout aussi bleu mais empli d’inquiétude brumeuse.
Tia avait du mal à faire le point. Elle avait la tête en
coton et ses idées s’embrouillaient.
- Ca… va ? demanda-t-elle d’une voix rauque.
Lex hocha la tête.
- Maintenant, oui.
Elle n’était pas très sûre de ce qu’elle avait vu, mais
pensait que cela devait avoir un rapport avec ce qu’avait dit la louve de leur
vie passée. Elle ne voyait pas d’autres explications à son hallucination. Si
tel était bien le cas, alors il semblerait qu’elles avaient déjà traversé ce
genre d’épreuves.
Elle aurait juste aimé savoir si elles y avaient survécu.
Parce que vu l’état de la Tia d’autrefois… Soudain, Lex fronça les sourcils. Et
si c’était un avertissement ? Elle baissa les yeux sur sa compagne à la
recherche d’une quelconque blessure mais ne découvrit rien.
Tia qui avait toujours du mal à savoir où elle était et ce
qui avait bien pu l’y amener, la laissa faire avec perplexité.
- Tu… crois que c’est… le moment ? fit-elle d’une voix
hésitante.
La petite femme s’arrêta une seconde et secoua la tête en
levant les yeux au ciel quand elle saisit l’allusion.
- Même dans cet état c’est la première chose à laquelle elle
pense, marmonna-t-elle pour elle-même. Je ne sais pas si je dois être flattée
ou consternée.
Puis Lex arrêta son exploration en poussant un soupir de
soulagement et se tourna vers sa compagne qui ne comprenait toujours pas ce qui
lui avait pris.
- Je vérifiais que tu n’étais pas blessée, expliqua-t-elle.
- Pourquoi je le serais ?
Lex la fixa un instant étonnée puis se pencha sur elle et
étudia ses pupilles.
- Purée, mais ils t’ont donné quelle dose ?
S’exclama-t-elle abasourdie de les voir si dilatées.
Ca expliquait aussi la longueur du sommeil. Frédéric, les
jumeaux et elle étaient réveillés depuis plusieurs heures déjà. Elle et Tia,
pour une raison qui lui était inconnue étaient enfermées dans la même
« cellule ». Et Frédéric et les enfants dans celle d’à côté.
Lex se redressa après avoir déposé un baiser sur le front de
sa bien-aimée et lui avoir enjoint de se rendormir, ce qu’elle fit presque
aussitôt. Il valait mieux qu’elle se repose, le temps que la drogue s’évacue
complètement de son organisme.
Pour la centième fois depuis qu’elle était réveillée, elle
évalua sa « cellule ». Elle ne voyait pas d’autre mot à lui appliquer
même si celui-ci ne lui semblait pas approprié. Elle se trouvait dans une hutte
assez grande dont l’unique pièce était coupée en deux par un grillage dont le
maillage était si solide que rien ne semblait pouvoir le déformer.
Exception faite du grillage qui paraissait incongru dans une
hutte, rien ne laissait supposer qu’ils étaient en prison. Des paillasses
avaient été disposées contre les murs pour que chacun puisse se reposer. Des
couvertures d’allure chatoyantes et plutôt douces les recouvraient. Le sol
poussiéreux était par endroit recouvert de grands tapis tissés à la main. Et
des lampes à huile étaient disposées sur des caisses en bois contre le mur du
fond. Elles étaient dans des petites cages à oiseaux, si bien qu’on ne pouvait
rien enflammer avec. Une petite ouverture sur le mur, à hauteur des lampes,
permettait à leur geôlier de les allumer et de les éteindre quand bon leurs
semblaient.
Deux portes donnaient sur leurs cellules mais elles étaient
précédées d’un grillage cadenassé et Lex et Frédéric avaient déjà essayé de le
retirer sans aucun succès. Ils n’avaient même pas pu le faire bouger.
Il n’avait aucun moyen de sortir. Lex secoua la tête et
croisa le regard de Frédéric.
- Maman va bien ? Interrogea Len qui les avait
observées se parler, sans rien entendre.
- Oui, ne t’en fais pas. Mais ils lui ont donné une dose
plus importante qu’à nous, alors elle doit dormir.
- Pourquoi ils lui en ont donnée plus ? Intervint Lara
en s’approchant du grillage qui les séparaient.
Lex haussa les épaules.
- Tu connais ta mère. J’imagine qu’elle ne s’est pas laissée
faire.
Lara hocha la tête sérieusement. Sa mère n’était pas
n’importe qui, on ne pouvait pas l’avoir comme ça. C’était donc logique qu’elle
ait reçu plus de tranquillisant qu’eux. Lex la regarda réfléchir un peu amusée.
Le culte du héros était si visible…
- Et comment on sort d’ici ? Demanda Len.
Lex croisa le regard de Frédéric et ce fut lui qui répondit.
- Pour l’instant, on ne sort pas.
- Pourquoi ?!
- Parce que ta mère est dans les vapes et qu’on ne peut pas
la traîner. Ca se remarquerait un peu. De plus c’est elle qui fait les
meilleurs plans.
- Tu ne sais pas en faire ? demanda Len à Alexia.
La jeune femme s’agita, mal à l’aise.
- Si, mais…
- Mais quoi ?
- Sans une Tia éveillée, de toute façon on ne peut pas
sortir, éluda-t-elle.
- Mais tu peux quand même y réfléchir, non ? Insista le
garçon.
- Et que crois-tu que je fais depuis ce matin ?
Répondit-elle sèchement.
Loin de mal le prendre, Len hocha la tête et se rencogna
dans son coin.
- Je vais y réfléchir aussi, déclara-t-il sérieusement.
Lex fut impressionnée par le calme des jumeaux. Peut-être
était-ce leurs gènes ? Ou bien ils n’avaient pas encore réalisé ? Ou
cela pouvait aussi être l’habitude. Depuis 3 mois déjà, ils fuyaient devant
divers ennemis. Avec la mère qu’ils avaient, ils pouvaient très bien s’être
seulement adaptés à la situation.
Mais la personne qui lui semblait avoir le plus retiré de
ces expériences négatives était Lara. La jeune fille gardait désormais son
calme et son sang-froid en toute circonstance. Elle ne geignait plus à chaque
petit problème, bien qu’elle ne se gêne pas pour râler de temps en temps.
En ce moment même, elle observait leur cellule comme si elle
y cherchait un passage. Elle essayait de se rendre utile. Tia serait très fière
de sa fille, quand elle le saurait. Lex lui sourit et Lara le lui retourna.
Puis la petite blonde revint à sa couverture humaine et
passa une main douce sur le front de son amie. Son regard tomba sur la bague
qu’elle lui avait offerte. Et elle regarda la sienne. Les émeraudes brillèrent
lorsqu’elles accrochèrent les quelques rayons qui filtraient de l’ouverture
au-dessus de sa tête.
En cet instant elle ne rêvait que d’une seule chose :
avoir la possibilité de partir en lune de miel avec sa bien-aimée.
« A ce rythme, elles n’étaient pas prête d’y
parvenir » songea-t-elle un brin découragée par toutes les complications
qui jalonnaient leur vie depuis trois mois.
Elle posa la tête contre le mur et s’assoupit au milieu de
ses pensées moroses.
**********************************
Lorsqu’elle se réveilla, elle sentit tout de suite la
différence de température… et l’absence de sa compagne sur ses genoux. Elle
ouvrit les yeux brusquement et se leva d’un bond. Tia se tenait devant elle,
interloquée par son brusque éveil.
- Un cauchemar ? demanda-t-elle en s’avançant.
Lex secoua la tête et prit le temps de rejeter le sommeil
qui ralentissait son cerveau avant de parler. Elle s’aperçut qu’il faisait nuit
et fronça les sourcils.
- Il est quelle heure ? demanda-t-elle en montrant le
ciel noir.
Tia leva deux sourcils parfaits, quelque peu surprise.
- Quelle importance ?
- Heu… ben, aucune.
Lex secoua la tête et revint à des préoccupations plus
pratiques. Elle regarda derrière Tia et vit que les jumeaux dormaient, blottis
l’un contre l’autre. Frédéric somnolait à leur côté, semblant monter la garde.
Tia suivit son regard des yeux et sourit.
- Je lui ai dit de se reposer un peu. Je le réveillerais
lorsque se sera son tour.
- Son tour ?
- De monter la garde.
- Est-ce vraiment utile ? On est dans une prison,
fit-elle en montrant la pièce d’un geste ample.
- Sans blague, railla la grande femme. Lex, vu la façon dont
ils nous sont tombés dessus, je ne pense pas qu’aucune précaution soit inutile.
La petite blonde se souvint qu’aucun des pièges et alarmes
ne fonctionnaient avant qu’une main ne s’abatte sur ses lèvres, la réveillant
en sursaut.
- Tu as raison. J’aurais dû y penser.
- Oui. Tu aurais dû.
Lex se raidit devant le reproche à peine voilé. Puis haussa
les épaules. Elle l’avait mérité.
- Tu as une idée pour nous sortir de là ?
- On est dans le désert. A moins qu’ils nous laissent partir
de leur plein gré, je ne vois pas comment nous pourrions nous échapper.
Alexia la dévisagea, choquée.
- Tu… tu es sérieuse ?
- Ca serait testable si on n’était que toutes les deux, mais
là… y’a pas assez de végétation dans le
coin et je n’ai pas la moindre foutue idée de l’endroit où on est. Ca limite
sérieusement les options.
Lex était abasourdie. Elle était persuadée que dès que Tia
se réveillerait, elle trouverait un moyen de les sortir de là.
- Ceci dit, je pense qu’on a une chance d’être relâchés.
Lex releva la tête vivement.
- Vraiment ? Qu’est-ce qui te fait dire ça ?
- On est chez les fils du vent, tu te souviens ? Ils
font parfois du commerce avec les gens de la ville alors ils ont pris
l’habitude d’écouter leurs prisonniers avant de les tuer. Si les raisons de
leur présence sont valables, ils leur font passer une épreuve et s’ils la
réussissent, ils repartent sains et saufs. Si le prisonnier est un émissaire,
il repart sans avoir à passer d’épreuve et avec un message de retour. Ils sont
plutôt civilisés pour une tribu primitive, alors ça devrait aller.
Sur ces mots, elle retourna à son inspection méticuleuse de
la cellule. Elle n’avait jamais rien vu de pareil chez des peuples primitifs et
c’était si contraire à leur nature, qu’elle était hautement intriguée.
Lex sentit un gros poids s’envoler de ses épaules. Tia avait
bien un plan. Certes, il s’agissait de respecter les règles pour une fois, mais
au moins, elle avait un plan. Elle n’aurait pas dû douter. Tia avait toujours
un plan de secours.
- Tu sais pourquoi ils nous ont séparés ?
demanda-t-elle soudain.
Tia rit doucement et se retourna vers elle.
- Je crois qu’ils ont compris qu’on était un couple.
- Comment ils ont fait ça ?
- Mon comportement lors de notre capture. Je crois qu’ils
ont eu peur de ce que je pourrais faire si je n’étais pas avec toi.
- Ah oui ?
Lex était perplexe. Elle allait poser une question
lorsqu’elle remarqua enfin ce que faisait sa compagne. Elle s’accroupit à ses
côtés et déclara.
- J’ai déjà regardé partout et y’a pas moyen de s’enfuir.
- Ce n’est pas ce que je regarde, fit-elle en grattant le
mur de l’ongle. Regarde.
Lex fit ce que Tia lui demandait et elle vit la terre du mur
s’effriter et laisser bientôt la place à une pierre dure et plate. Parfaitement
lisse. Comme si elle avait été polie.
La terre n’était qu’un leurre. Cette tribu était bien plus
avancée qu’ils ne le laissaient supposer. Mais pourquoi se cacher ?
- Qu’est-ce que… ? Bon sang, Tia mais qui
sont-ils ?
La grande femme haussa les épaules en se relevant.
- On ne sait pas grand chose des fils du vent. Mais il ne
vaut mieux pas qu’ils sachent qu’on a
remarqué quoi que se soit si on veut repartir vivant.
Lex acquiesça et s’empressa de recouvrir le petit coin
gratté par sa compagne. Puis elle se leva et passa les bras autour de sa taille
et se colla à elle, appréciant avec délice, la chaleur qu’elle dégageait.
Tia sourit et se retourna. Elle l’attira sur une des
paillasses et s’allongea sur le dos. Lex s’installa sans complexe sur le ventre
de sa mercenaire et dit doucement :
- On n’a plus qu’à attendre alors ?
Elle sentit Tia acquiescer et son regard se posa sur les
jumeaux.
- C’est fou, souffla -t-elle, comme ils peuvent s’endormir n’importe où, quelle que soit
la situation.
Tia rit.
- Ils tiennent ça de moi.
- C’est sûr, oui.
Lex se redressa un peu pour croiser le regard de sa
compagne.
- On ne devrait pas réveiller Frédéric ?
Un lent sourire sensuel naquit sur les lèvres de Tia.
- Qui a dit qu’on allait dormir ?
Un frisson d’anticipation remonta le long de la colonne de
la petite blonde.
- On ne peut pas faire ça, Tia, protesta-t-elle à regret.
Les jumeaux sont juste à côté.
- Il suffira d’être discret, fit-elle en faisant rouler sa
femme sur le dos.
Sans lui laisser le temps de répondre, elle l’embrassa à
pleine bouche et enroula sa langue autour de la sienne. Aussitôt un feu brûlant
se propagea le long des membres de Lex et elle se pressa contre le grand corps
chaud tentateur.
Les mains commencèrent à se toucher, s’explorer et un
gémissement sonore sortit de la gorge de Lex. Tia reprit possession de la
bouche pour la faire taire et fit glisser ses mains sous le t-shirt.
La respiration haletante, Lex se dégagea les lèvres et les
posa sur la peau douce du cou de la mercenaire. Au moment où Tia pressait les
seins aux pointes tendues, Lex se cambra et poussa un soupir qui se mua en
gémissement lorsque Tia fit rouler les pointes entre ses doigts à travers le
tissu du soutien-gorge.
La main de la grande femme lâcha un des seins et plus rapide
que l’éclair s’abattit sur la bouche de sa femme. Elles se figèrent toutes les
deux, le souffle court et virent les jumeaux bouger sans se réveiller. Elles
poussèrent un soupir de soulagement et entendirent alors un raclement de gorge
peu discret.
Frédéric les fixait hautement gêné.
- Je sais que je me fais vieux, dit-il sans les regarder,
mais mon ouïe est loin d’être à ce point mauvaise.
Lex devint rouge comme une pivoine et Tia roula sur le dos
en gloussant, pas le moins du monde embarrassée.
- Désolée Silent, dit-elle néanmoins. C’est la faute à la
drogue. Elle m’émoustille.
- C’est marrant, répliqua-t-il en levant un sourcil
broussailleux, moi, ça m’a plutôt donné envie de dormir.
Tia rit sans répondre et attira Lex sur elle. Celle-ci
essaya de lui échapper tellement elle était gênée, mais la grande femme tint
bon. Elle se pencha vers son oreille et dit :
- Cesse de t’agiter, amour, je veux juste te sentir contre
moi. Même si je suis loin d’être aussi pudique que toi, je ne me vois pas faire
l’amour avec toi sous les yeux de Frédéric.
Instantanément la petite femme cessa de remuer et se nicha
confortablement contre l’épaule de Tia. La grande femme attrapa la couverture
et les en couvrit avant de passer ses bras autour de la petite femme et de
croiser les mains derrière son dos.
- Je te laisse le reste de la garde, jeta Tia à Frédéric qui
acquiesça sans les regarder.
Il n’était pas très sûr de pouvoir un jour effacer les
images et les sons qui l’avaient tiré de son demi-sommeil mais il avait bien
l’intention de tout faire pour cela. Pour commencer, il ne les regarderait plus
jusqu’à ce que l’image soit floue. Avec un peu de chance, au matin, il ne se
souviendrait que ce petit bout de tapis recouvert de terre qu’il fixait
obstinément et détaillait au point de s’en faire mal aux yeux.
Il allait apprendre par cœur les motifs du tapis et
passerait ensuite au suivant, jusqu’au petit matin.
****************************************
Le lendemain aux premières lueurs du jour, non seulement
Frédéric connaissait chaque motif du tapis par cœur, mais il en avait aussi
saisi le sens. Les tapis n’étaient pas qu’ornementaux. Ils voulaient dire
quelque chose.
Il associa chacun des tapis au suivant et les retournant
sous différents angles et changeant, dans son esprit, les places de chacun des
tapis, il finit par en décoder le sens global.
Il ouvrit de grands yeux stupéfaits et se jeta sur le
grillage, ses pauvres articulations criant de douleurs devant cet effort sans
préparation et appela :
- Tia ! Tia, réveille-toi ! fit-il avec un ton
urgent.
La grande femme se réveilla d’un seul coup et se redressa,
serrant Lex contre elle pour l’empêcher de tomber. Elle braqua un regard clair
sur lui et fronça les sourcils. Puis balaya les lieux du regard avant de
revenir à lui.
- Qu’est-ce qu’il y a ?
- Les tapis, fit-il en les montrant du doigt.
- Eh bien quoi ? Fit-elle en réinstallant sa compagne
sur la paillasse.
Tia lui jeta un coup d’œil lorsque Lex se blottit contre
elle sans se réveiller. Sa capacité de sommeil était aussi importante que celle
d’un nouveau-né songea-t-elle en la contemplant avec un sourire.
- Les tapis, répéta Frédéric avec un air alarmé qui éveilla
tout à fait la grande femme. Ils content une histoire ou un avertissement je ne
sais pas exactement. Je ne crois pas qu’on soit chez les…
Au même moment la porte de la hutte s’ouvrit avec fracas et
noya les derniers mots de Frédéric.
Horrifié, il vit deux hommes entrer dans la pièce où se
trouvait les jeunes femmes. Tia se mit d’un bond sur ses pieds et protégea sa
femme. Les hommes lui firent signes de la suivre sans paraître menaçant et
après un échange de regards entre elle et Frédéric qui l’intrigua au plus haut
point, tant Frédéric semblait vouloir qu’elle reste, elle les suivit.
Elle sortit à l’air libre au moment où Lex se réveillait et
avant que son escorte ne referme la porte, elle entendit sa compagne l’appeler
et se concentra sur son feu interne pour lui faire savoir que tout allait bien.
Un petit bond de la flamme de Lex lui répondit et elle
sourit. Ce lien avait du bon parfois. Elle détailla l’endroit où elle se
trouvait et stupéfaite découvrit que le village se situait au cœur d’une immense
oasis. On se serait crut en plein milieu de l’Amazonie.
Entourée par la végétation, une cascade rugissante derrière
un énorme bâtiment qui faisait penser à un temple de couleur noir, elle réalisa
que le village se trouvait dans un ancien cratère. « Un
volcan ? » songea-t-elle brièvement. Elle n’avait jamais entendu dire
qu’il y en avait dans les parages.
Elle avança escortée des deux hommes tout en détaillant son
environnement avec une curiosité fascinée. Les deux hommes pour commencer
étaient vêtus de pagne en lierre tressé. Une couronne de feuilles tressées
serrées était aussi posée sur leur tête comme s’il s’agissait d’une distinction
précise.
Ce que c’était, découvrit-elle en regardant les habitants du
village la dévisager. S’ils portaient tous un pagne en lierre ou en feuille,
aucun n’avait ce genre de chapeau. Ils devaient donc désigner les gardes. Elle
remarque ensuite que quelque uns d’entre eux avaient droit au pagne en peau.
Peut-être que cela désignaient les meilleurs guerriers du
groupe ? Les hommes qui l’accompagnaient portaient aussi des espèces de
bracelets en os et un grand collier fait de…
Elle plissa les yeux puis les ouvrit en grands.
… de dents. Animaux et humains confondus. En traversant le
village, elle vit qu’il était disposé de telle manière que le temple vers
lequel ils se dirigeaient en était le centre.
« Super, railla-t-elle, une civilisation de plus avec
un gourou pour chef. » Ceci dit, elle savait comment traiter avec ce genre
d’individu imbu d’eux-mêmes et de leur soi-disant pouvoir divin.
Les habitations étaient toutes faites de terre sèche mais
Tia soupçonnait que c’était un leurre, comme pour la prison et qu’elles étaient
bien plus solides qu’elles n’y paraissaient. En arrivant au pied du temple,
elle haussa des sourcils surpris et dégoûtés.
Le temple était bien plus grand qu’elle ne l’avait d’abord
cru. Une volée de marches menait à un autel où, au vue du sang séché qui s’y
trouvait, devait être pratiqué différents sacrifices rituels. Elle espérait
vivement qu’ils ne prévoyaient pas de l’y placer. D’autres escaliers se
trouvaient derrière et grimpaient, assez haut, jusqu’à l’entrée du temple.
Heureusement pour elle, ils poursuivirent leur ascension
vers le temple lui-même. En montant les marches étonnamment lisses et peu
froides, Tia comprit à quoi était dûe l’étrange couleur du temple. Il était
fait en magma séché. Ils se trouvaient donc bien dans un ancien cratère de
volcan.
Elle ne comprenait pas comment ces êtres primitifs avaient
pu utiliser une telle matière et réussir à la modeler pour en faire un
bâtiment. De même qu’elle ne comprit pas comment ils avaient fait pour lui
donner une apparence aussi lisse et translucide. Des bulles d’air étaient
visibles un peu partout et donnaient un aspect irisé magnifique à la construction.
C’était stupéfiant.
Il était impossible que les fils du vent aient pu construire
eux-mêmes une telle chose. Tia était un peu perdue. Mais très intéressée. Elle
avait une furieuse envie de négocier son retour amical afin d’étudier leur
population.
Elle secoua la tête. Une chose à la fois. D’abord sortir
vivant d’ici. Après, on verra pour y revenir.
En arrivant en haut de l’édifice, elle se retourna et
embrassa la vue incroyable que ce point lui offrait. Le village était bien plus
vaste que ce qu’elle avait cru et elle fut stupéfaite de voir sur une des
extrémités du village, un bâtiment bas, mais large qui avait l’air d’un
hôpital.
Un peu plus loin, sur un terrain dégagé, elle vit une
floppée de gardes en train de s’entraîner avec la même discipline et rigueur
que les soldats d’une armée.
« Ca ne collait pas, songea-t-elle complètement
abasourdie. Rien ne collait. »
Les gardes finirent par s’impatienter et la poussèrent à
entrer. Ce qu’elle fit. Aussitôt elle se retrouva plongée dans le noir.
L’entrée s’ouvrait sur un couloir sombre à peine éclairé par des torches aux
murs.
Elle le longea un long moment, puis descendit un escalier
étroit. Enfin ils parvinrent devant une porte en acier trempé qui déconcerta
une fois de plus la grande femme. Les gardes la poussèrent et elle s’ouvrit en
grinçant.
Ils lui firent signe d’entrer et refermèrent la porte après
l’avoir suivie. Ils s’installèrent de part et d’autre et la poussèrent en
avant. Tia regarda autour d’elle avec curiosité et ne trouva d’autre mot pour
décrire l’endroit que caverne. Une immense et très haute caverne. Et vide.
Exception fait d’une sorte d’autel ou de table faite d’un très gros rocher
plat, posée près du mur en face d’elle.
Il y avait aussi une table en bois massif posée sur sa gauche
avec divers instruments et potions, ingrédients et papiers… un tas de
bric-à-brac de l’avis de la mercenaire. Il y avait aussi un âtre ou une sorte
d’âtre, parce qu’elle ne voyait aucun conduit de cheminé, derrière la table.
Des peaux de bêtes diverses étaient déposées devant et du sang tachait le sol.
Tia fit quelques pas et s’arrêta. Une intense sensation de
froid gluant s’insinua en elle et elle eut l’impression de connaître ce
sentiment. Pourtant elle ne se souvenait pas de l’avoir déjà ressentie.
Un rire retentit en face d’elle et elle leva la tête,
scrutant la pénombre d’où il provenait. Le rire retentit encore une fois et il
fut comme un écho effrayant. Il était froid et plein d’une joie mauvaise.
Enfin, un visage se matérialisa, les reflets des torches jouant sur ses traits
et deux yeux noirs et pleins d’une joie glaciale se fixèrent sur les siens.
Une image émergea violemment de son inconscient, comme un
souvenir qui ne lui appartenait pas. L’image d’une femme mauvaise vêtue,
presque comme aujourd’hui, de peaux de bête. Une femme avec un démon en elle.
Une femme dangereuse… lui souffla son inconscient. « Qu’est-ce que
… ? » mais sa pensée fut coupée par la femme en face d’elle.
- Xena… souffla la voix froide. Enfin, on se retrouve…
Chapitre 5 :
La voix comme la pensée, la glacèrent, mais ce
qui la figea sur place, ce qui lui fit peur comme elle l’avait rarement eu, ce
fut son visage. Il était séduisant pourtant mais… elle le connaissait. Elle
l’avait déjà vu et jamais dans des circonstances plaisantes. La mort avait rodé
si près d’elle à chacune de ses apparitions que Tia était terrifiée de
seulement la revoir.
Puis elle secoua la tête et évacua les pensées
qui n’étaient pas les siennes. Mais les certitudes, elles, ne disparurent pas.
Elle connaissait cette femme. Elle était aussi dangereuse qu’un serpent à
sonnette. Et elle avait déjà essayé de la tuer. Et presque réussi, bien des
fois.
Pourtant, la sensation gélifiante qui parcourait
ses membres devenus gourds, lui firent comprendre, qu’aussi dangereuse qu’ait
pu être cette femme auparavant, ce n’était rien en comparaison de maintenant.
« Bon sang, fit-elle en se forçant à
avancer, ce que je déteste quand ces foutues pensées s’immiscent dans mon
esprit ! » Elle ne pouvait pas nier leur existence bien qu’elle
essayait vraiment. Mais elles étaient comme le lien entre elles, Lex et la
louve ou comme ces images qui parfois effaçaient le présent. Elles existaient
et avaient une raison d’être.
Elle se résigna donc à être à l’écoute et prit
ces pensées pour un avertissement. Un du genre très sérieux.
Elle continua d’avancer vers la femme qui ne
disait plus un mot. Elle se contentait de la regarder un grand sourire joyeux
de reptile plaqué sur le visage. A mesure qu’elle avançait, Tia sentait le sang
en elle se réchauffer, bouger lui était bénéfique. Pourtant, à chaque nouveau
pas, l’air déjà lourd se densifiait en se faisant plus froid.
Elle avait la véritable impression d’être au
Pôle Nord.
Elle s’arrêta et presque aussitôt ses membres
s’engourdirent. Soudain une flamme bondit en elle et la réchauffa entièrement.
C’était la flamme sombre de sa louve. Son âme noire. Elle respira mieux une
fois réchauffée et pour une fois, remercia son autre elle-même d’être
intervenue.
Elle se redressa et fit face à la femme qui
devant sa nouvelle immobilité, sortit complètement de l’ombre. Elle était
grande. Presque autant qu’elle. Brune, ses cheveux lisses tombant dans son dos.
Les yeux noirs. Des lèvres pleines et une intelligence vive et acérée.
Elle avança vers elle avec un air pétri
d’arrogance et de suffisance, avec un léger balancement des hanches. La flamme
de sa louve palpita plus fort à mesure que la femme approchait et Tia eut peur.
C’était comme si sa louve réagissait
positivement à la présence de cette femme. C’était vraiment une mauvaise idée.
Elle essaya de tempérer la flamme de sa louve mais c’était difficile. La femme
était si proche maintenant.
Elle se raidit et contrôla la flamme en
respirant profondément et aussi calmement que possible. La femme serpent, car
elle ne voyait pas d’autre nom à lui appliquer, fit le tour de sa personne en
la détaillant avec délice.
- Ta résurrection a été longue à se faire, cette
fois, fit-elle d’un ton traînant. Mais ton nouveau corps est … à la hauteur du
précédent. Exception faite de ta peau plus foncée, tu es identique.
Tia secoua la tête, elle ne comprenait pas
vraiment ce qu’elle disait mais sentait la vérité en émaner.
- Tu ne sais pas de quoi je parle, n’est-ce
pas ? fit la femme serpent en se plantant en face d’elle. C’est presque
vexant. Souviens-toi…, lui souffla-t-elle, Alti…
La femme serpent se recula.
- Bien que dans cette vie l’on me nomme Ashee.
Assez proche, non ? Alors ? Tu ne te souviens toujours pas ?
Elle attendit mais l’absence de réaction de Tia
fut assez explicite.
- Attends, susurra-t-elle en souriant, je vais
t’aider.
Sur ces mots intrigants, elle
tendit une main et la posa sur la joue de Tia qui frémit à ce contact. Une
multitude d ‘images envahirent soudain sa tête et explosèrent derrière ses
yeux. Si cela n’avait été que des images, ça aurait été supportable, seulement,
chaque image s’accompagnait des odeurs, sensations et pensées d’alors.
Et les images qui défilaient étaient toutes plus horribles les unes que
les autres. Elle, sur une croix. Un homme lui brisant les jambes. Elle hurla.
Elle, se faisant frapper par un tronc tombant d’un arbre, un piège, la douleur de
la projection lui coupa le souffle.
Elle, se
faisant traîner derrière le cheval de sa fille, dans l’arène de Rome. Le plus
douloureux fut la haine de son enfant. Cela la transperça. Elle gémit et tomba
à terre.
Elle en Inde. Alti devant elle, tenant entre ses
mains sa précieuse Gabrielle. Son chackram se retournant contre elle. Son arme
fétiche. La douleur vrilla sa gorge. Elle étouffa.
Elle en impératrice de Rome, accrochée à une
croix, les mains et les pieds transpercés. Alti riant à gorge déployée .Une
douleur suffocante lui déchirait la peau. Tia cria.
Elle tenta de se soustraire au toucher de son
ennemi mais elle était trop faible.
Elle, se noyant dans les eaux gelées d’un lac.
Sa dernière pensée… Gabrielle…
Enfin, la femme serpent la relâcha et Tia
s’effondra sur le sol, haletante, frissonnante et avec l’impression atroce
qu’on avait martyrisé son âme autant que son corps. Elle gémit et cela fit rire
la femme-serpent.
Tia aurait aimé la tuer.
Elle se redressa en tremblant et lutta pour
retrouver l’usage complet de ses membres. Une fois parvenue à la station
debout, elle vérifia que son corps ne portait aucune marque et fixa stupéfaite
la femme en face d’elle.
Elle l’avait connue, elle s’en souvenait et
pourtant… ce n’était pas vraiment elle. Et les pouvoirs de cette femme étaient
stupéfiants. Elle les avait déjà subis, elle ne devrait pas être surprise…
pourtant elle l’était.
C’était trop compliqué, trop de pensées, trop de
contradictions. Trop de nouveautés. Trop d’anciennes. Elle secoua la tête.
- Alors, ma chère… Xena. Te souviens-tu de
moi maintenant ?
Tia ne quittait pas des yeux la femme serpent.
Elle hocha la tête prudemment, elle tremblait encore tant, qu’un mouvement trop
vif menacerait son équilibre.
La femme serpent se retourna vivement. Ses yeux
brillaient lorsqu’ils se posèrent sur elle.
- Mais si tu es là, ta petite blonde l’est
aussi, non ?
L’air réjoui de la femme serpent fit frémir la
mercenaire. Elle serra les poings et se raidit.
- Où est-elle cette irritante petite
blonde ? L’interrogea-t-elle. Elle savait toujours tout mieux que tout le
monde ! Je n’ai jamais compris ce que tu lui trouvais.
Ashee secoua la tête.
- Elle était si faible.
- Tu ne sais pas de quoi tu parles.
La réflexion fit sourire la femme qui baissa la
tête et la fixa par en dessous.
- Bien sûr que si. Ta grande faiblesse. Tu
aurais dû te débarrasser d’elle. Ou me laisser le faire. Ensemble on aurait pu
tout obtenir, fit-elle en se rapprochant. Mais non, tu préférais rester avec
cette petite idiote qui se prenait pour une reine !
« Une reine ? » Tia haussa les
sourcils.
- Mais elle t’a rendue faible Xena. Et m’a
facilité la vie un bon nombre de fois ! Ricana-t-elle.
Elle se retourna brusquement et lança :
- Garoj !
Les deux hommes près de la porte de la caverne
se raidirent aussitôt et firent un pas en avant. Ils la fixèrent et
attendirent.
- Courun num yogaj namev !
Les deux gardes hochèrent la tête et
s’inclinèrent dans un bel ensemble puis sortirent. Ashee lui fit de nouveau
face.
- La petite blonde va nous rejoindre,
déclara-t-elle avec un sourire gourmand.
Une lueur de terreur passa dans les yeux bleus
ce qui sembla beaucoup distraire la femme serpent.
- Les gardes m’ont dit que tu étais accompagnée
de deux enfants et d’un vieil homme. Je me demande ce qu’ils représentent pour
toi, susurra-t-elle en lui tournant autour.
Tia rêvait de lui envoyer son poing dans la
figure mais elle n’en avait ni la force, ni le courage. Toucher cette femme
était comme de plonger en enfer. C’était effrayant. Elle devait découvrir ce
qu’elle lui voulait. Le plan était toujours le même, sortir d’ici en vie.
Elle se racla la gorge et demanda :
- Comment s’appelle ta tribu… Ashee ?
Elle sut qu’elle avait bien fait de l’appeler
par son nom lorsque ses yeux brillèrent soudainement.
- Le vent de la destruction.
Tia sursauta.
- Je ne savais pas que les fils du vent venaient
de là.
La femme rit. D’un rire profond, riche et
moqueur.
- Tu te crois dans le désert du Kalahari ?
Xena, tu as perdu ton légendaire sens de l’orientation ? Nous ne sommes
pas les fils du vent, chérie. Nous ne vénérons pas les esprits de la nature.
Enfin, pas de celle là. Nos dieux à nous sont… plus ténébreux, sourit-elle avec
perfidie.
- Et... tu es leur chef ?
- Leur chaman ou grand sorcier, appelle-moi
comme tu veux.
- Où as-tu appris notre langue ?
- Oh Xena, voyons. Tu me sous-estimes, on
dirait ? Ou bien ta mémoire n’est pas totalement revenue ?
Elle s’approcha et se plantant bien en face
d’elle, la scruta.
- Hummm. On dirait presque… que tu n’es pas
entière, c’est bizarre.
Elle secoua la tête et se recula. Croisant les
bras, elle la considéra pensivement. Cette femme savait et devinait trop de
chose. Tia n’aimait pas ça, elle s’empressa de détourner son attention.
- Alors où l’as-tu apprise ?
La femme serpent lui sourit.
- Dans mes souvenirs voyons.
Elle passa un doigt sur la joue de Tia et
descendit.
- Ceux de mes vies passées.
- Et maintenant tu diriges ta propre tribu.
- Oui. Et tu n’en imagines pas la puissance. Ni
leur fidélité. Ils me suivraient au bout du monde.
A ce moment là, la porte d’acier s’ouvrit de
nouveau et les deux hommes entrèrent en encadrant sa compagne. Celle-ci cligna
des yeux et regarda autour d’elle avec perplexité. Puis ses yeux tombèrent sur
les peaux de bêtes et le sang et elle se raidit avant de chercher la personne
que les deux hommes fixaient.
Lex vit d’abord sa compagne. « Elle voyait
toujours sa compagne en premier », se dit-elle en souriant. Celle-ci avait
l’air terrifié, bien qu’elle s’efforçait de le cacher. Et une Tia effrayée
signifiait des tas d’ennuis. Lex déglutit et étudia un peu plus en détails sa
femme.
Elle tremblait. Lex était stupéfaite. Mais elle
se rendit vite compte que ce n’était pas de peur. Non, quelque chose d’autre.
De la faiblesse et un peu de douleur aussi. Elle était pâle et avait l’air au
bord de l’évanouissement.
Bon sang, que lui avait-on fait ?!
Elle se tourna vers la silhouette féminine qui
quittait la proximité de sa femme pour venir vers elle et elle darda un regard
furieux sur elle. La suffisance qui émanait d’elle, son sourire à la fois
provocateur et perfide, « cruel », songea-t-elle, lui laissait
entendre que c’était elle la responsable de l’état de Tia.
Et probablement leur chef aussi. Vu l’immense
édifice où elle se trouvait et l’emplacement stratégique de celui-ci, ce
n’était pas difficile à deviner.
Elle ne dit pas un mot lorsque la grande et
séduisante femme s’arrêta devant elle et l’examina comme si elle était une
espèce de race équine très intéressante, mais elle mit un mépris évident dans
son regard.
La femme étrange rit devant son air buté et lui
faisant face, plongea les yeux dans les siens.
- Toujours aussi arrogante petite reine.
Lex fronça les sourcils. Cette femme lui parlait
comme si elles se connaissaient. Et Petite reine ? Que voulait-elle dire
par-là ? Lex jeta un regard à sa compagne qui haussa imperceptiblement les
épaules avec un air très inquiet.
Soudain la femme serpent se pencha sur la petite
femme et tendit la main.
- Tu ne sais pas de quoi je parle, hein ?
On va arranger ça, murmura-t-elle comme une promesse.
Les doigts touchèrent sa joue et leur froideur
la firent sursauter, puis elle fut submergée par une flopée d’images
hétéroclites, toutes aussi familières qu’étrangères.
Elle, habillée de peaux de bêtes assise sur un
trône devant une multitude de femmes qui l’écoutaient avec ferveur.
Elle, avec un bâton, vêtue de vêtements courts
et bien plus jeune qu’elle ne l’était aujourd’hui, fixant une femme… Tia,
reconnut-elle avec saisissement, vêtue de cuir et assise sur un cheval.
Elle, vêtue de cuir rouge, des saïs en main, les
cheveux courts et défendant du mieux qu’elle le pouvait sa compagne amnésique.
Elle, enfin, faisant face à cette femme, dans un
rêve qui n’en était pas un, cette femme tenant sa vie entre ses mains.
Lex tomba à genoux et du sang coula de son nez.
Elle, encore, sur une croix, clouée. Elle hurla
et des flots de sang jaillir de ses poignets et de ses pieds. Elle se
recroquevilla en gémissant.
Tia se jeta sur la femme serpent et la plaqua au
sol. Elle lui fit une clé de cou et l’air commença à manquer à la femme
serpent, mais elle ne paniqua pas.
Le contact fut rompu entre elle et Lex et
celle-ci retrouva la vue du monde réel et la douleur disparue. Elle ouvrit de
grands yeux prudents et se redressant un peu chercha sa compagne. Elle la vit à
côté d’elle, tentant de maîtriser la chef de cette tribu.
Lex jeta un rapide coup d’œil vers la porte et
vit que les gardes les fixaient sans pour autant avoir l’intention d’aider leur
chef. Si c’était étrange, c’était aussi une aubaine.
Lex reporta son attention sur sa compagne et se
mit sur ses genoux au moment où sa compagne fut violemment projetée au loin.
Elle la vit tomber sur le sol dur et se raidir. Elle sentit en elle-même le
craquement qui retentit dans le corps de Tia et elle tressaillit. Se relevant
en trébuchant, elle se précipita vers elle sans plus se préoccuper de la femme
à terre.
Elle s’agenouillait devant Tia lorsqu’un rire
froid et démoniaque retentit dans son dos. Sans briser le contact avec sa
compagne, Lex releva la tête et fixa la femme qui se relevait. Le sourire
réjoui et sadique qui relevait ses lèvres la frappèrent soudain.
- Alti…. Souffla-t-elle abasourdie.
A ce nom était associé une multitude de
sentiments négatifs et de sensations désagréables. Des souvenirs brefs
traversèrent sa mémoire mais aucun ne resta et Lex secoua la tête. Elle était
en pleine confusion, tout était trop soudain, trop irréel, elle avait du mal à
tout intégrer.
La seule chose tangible était la femme sous sa
main et elle décida de reporter son attention sur elle.
Tia gisait sur le dos, le visage crispé en un
masque de douleurs et de frayeur, Lex passa sa main sur sa joue et se pencha
vers elle.
- Aide-moi, souffla la grande femme en essayant
de se redresser.
Lex la fixa avec un mélange d’incertitude et de
crainte.
- Tu es sûre ? Tia j’ai entendu quelque
chose craquer…
Tia lui jeta un bref regard et lui montra son
poignet droit tout en s’appuyant sur la main gauche pour se relever.
La voyant faire, Lex soupira et l’aida à se
remettre sur pied en prenant bien garde à ne pas taper dans son poignet blessé.
Une fois debout, Tia poussa sa compagne dans son dos et darda un regard noir et
déterminé sur la femme serpent.
Lex ne s’en rendait même pas compte mais elle
tremblait, oh pas autant que sa femme, mais cela suffisait à redonner des
forces à Tia. Elle devait protéger son âme sœur.
La femme répondant au nom d’Ashee, s’approcha
puis effectua une brève courbette :
- En effet. Mais aujourd’hui on me nomme Ashee,
petite reine. Ravie de te revoir. Te dépecer va être un vrai plaisir. Et qui
sait ? Cela me permettra peut-être de retrouver ma chère Xena ?
fit-elle en tendant une main caressante vers la grande femme.
Celle-ci se raidit et recula précipitamment, ce
qui fit rire la femme serpent.
- Oh allons Xena, un petit effort. Destructrice
des nations, tu te souviens ? C’était ton plus grand rêve.
Tia secoua la tête et déclara d’une voix ferme
et déterminée.
- Désolée, Ashee, mais ça ne me dit rien. Je
m’appelle Tia, fit-elle ensuite. Pas Xena. Et mon plus grand rêve n’a rien
avoir avec la destruction.
Ashee plissa les yeux et l’étudia un moment.
- Oui, on dirait bien, murmura-t-elle un peu
déçue. Remarque, ça n’a pas grande importance. Je peux avoir ce monde sans toi.
Elle s’avança vers la table près de l’âtre et
s’y appuya en se retournant pour leur faire face.
- Comme tu peux le voir, je suis bien plus
puissante que je ne l’ai jamais été. Et j’ai une aide inestimable et très
précieuse pour ce faire, fit-elle en levant la main pour désigner l’âtre
derrière elle.
Elle se pencha en avant et dit sur le ton de la
confidence :
- Un dévoreur d’âmes.
Tia ne savait pas ce que c’était mais elle
frémit et Lex fit de même. Comme si elle connaissait leur inculture en la
matière, Ashee expliqua :
- C’est un démon des enfers. Un des plus
puissants. Un des plus dangereux. C’est pourquoi Perséphone, notre si
majestueuse déesse du tartare, l’a enfermé dans le neuvième cercle. Mais j’ai
trouvé comment communiquer avec lui. Et nous avons passé un marché.
Ashee se redressa et s’approcha de nouveau
d’elles.
- Il aime bien les sacrifices. Le corps lui donne
une consistance dans le réel, l’âme le nourrit et lui donne force et puissance.
Elle avait dit tout ceci en gardant le regard
pointé sur Lex.
- Et ton âme est ancienne, chou. Ancienne et
puissante. Il lui faut beaucoup de corps et d’âmes. Mais plus celles-ci sont
puissantes, plus il pourra revenir vite. Et une fois, ici… il mènera le monde à
sa destruction. Et nous le suivrons…. Comme ses plus fidèles serviteurs. Tu
vois Xena… en définitive j’ai trouvé pire que toi.
Elle leva la main et les gardes à la porte
s’approchèrent des femmes. Tia et Lex reculèrent en se serrant l’une contre
l’autre.
Ashee rit.
- Calmez-vous les filles. Ce n’est pas pour tout
de suite. J’ai pas mal d’affaires en cours, ajouta-t-elle avec un sourire
pervers. Et puis, je meurs d’envie de savoir ce que ma chère princesse
guerrière fait ici, avec deux gosses et un vieux, bon pour le rebus.
Tia ne se détendit pas pour autant et ne quitta
pas Ashee des yeux jusqu'à ce que la porte d’acier se referme sur elle. Là, Tia
tourna un regard tendu vers sa compagne et vacilla légèrement.
Lex passa précipitamment un bras derrière son
dos et un autre autour de sa taille et la serra contre elle.
Tia soupira et clopin-clopant, elles
rejoignirent leur cellule après un chemin de retour plus difficile que l’aller,
sans dire un mot.
Les gardes les encadraient mais ne les
surveillaient pas étroitement comme n’importe qui l’aurait fait. Vu les
pouvoirs de leur chef et le lieu plutôt difficile d’accès où ils se trouvaient,
ce comportement négligeant s’expliquait.
Tia n’en revenait pas de la galère dans laquelle
ils se trouvaient. Et elle ne voyait pas le moins du monde comment en sortir.
Elle soupira de soulagement lorsqu’elles
parvinrent enfin à leur cellule. Elles entrèrent et firent un signe de tête à
Frédéric avant de s’installer sur une des paillasses. Tia fut heureuse de
constater que les jumeaux dormaient toujours.
Elle s’appuya contre le mur et attira Lex entre
ses bras. Elle vérifia les poignets et les pieds de sa compagne constatant que
le sang ne provenait pas de blessures. Puis elle tourna le visage de Lex vers
elle et plongea ses yeux dans les siens.
- Ca va ?
- Oui. C’était… vraiment étrange et
déstabilisant mais… ça va. Et toi ?
- Ca va. Comme toi.
Lex hocha la tête et appuya sa joue contre le
torse de sa compagne. Tia posa son menton sur les cheveux blonds et soupira une
fois de plus.
- Ce n’est pas les fils du vent, hein ?
- Non.
- C’est ce que je voulais te dire, intervint
Frédéric à voix basse, pour ne pas réveiller les jumeaux. Les tapis racontent
comment les fils du vent perdent régulièrement du terrain sur cette tribu. Ils
racontent aussi les massacres, le dieu qu’ils vénèrent, un démon, et les
pouvoirs exceptionnels de leur chaman qui est aussi leur guide.
Tia hocha la tête.
- J’ai cru comprendre, oui.
- Ou es-tu allée ?
- Voir leur chaman. C’est une vieille
connaissance apparemment.
- Vraiment ? Qui ça ?
- Tu ne connais pas.
- Elle veut me sacrifier à son dieu. Il adore
les démembrements apparemment, ajouta Lex d’une voix fatiguée.
Frédéric la fixait bouche bée.
- Pour l’instant les sacrifices ne sont pas
d’actualité. Elle veut savoir ce que je fais dans le coin et qui vous êtes.
Frédéric se reprit rapidement et hocha la tête.
- Tu as vu un peu où l’on se trouve ? Tu as
une idée de comment se sortir de là ?
Tia secoua la tête.
- On est dans un cratère. Entouré de murs
infranchissables et de végétation. C’est comme une immense oasis mais… pas
moyen de s’échapper.
- Ils sont venus nous chercher, il doit donc y
avoir un chemin, intervint Lex.
- Mais où ?
Là était toute la question, songea la grande
femme en reposant sa tête contre le mur. L’unique question importante. Celle
qui déterminerait s’ils vivraient ou mourraient.
Et comment y répondre, coincer dans cette
cellule ? Tia était hautement découragée. Elle n’avait jamais autant eu à
perdre et avait pour la première fois de sa vie, une peur atroce de ne pas être
à la hauteur.
Chapitre 6 :
La journée passa et peu de mots furent échangés.
Alexia essaya tant bien que mal de dégoter quelque chose de suffisamment rigide
pour immobiliser le poignet de Tia, mais ne trouva rien et dut se résigner à
lui faire un bandage très serré et de le lui mettre en écharpe.
Les jumeaux les interrogèrent sur les traces de
sang qui maculaient leurs vêtements et le poignet cassé de leur mère et les
filles répondirent de façon vague. A leurs questions sur la façon dont ils
allaient sortir de là, elles ne furent pas plus précises, expliquant qu’ils
n’étaient pas du tout à l’endroit prévus et que cette tribu était un brin plus
agressive que les fils du vent.
Ils eurent l’air inquiet de cette nouvelle mais
relativement confiant dans les capacités de leur mère à les sortir de là. Ils
passèrent le temps en jouant à dessiner c’est gagner dans la poussière du sol.
Frédéric participa autant pour les garder calme
que pour laisser les filles parler en toute tranquillité. Ils avaient conclu
d’un commun accord de discuter de ce qu’ils convenaient de faire, le soir venu,
lorsque les jumeaux seraient endormis. Certains aspects de cette tribu et de ce
qui s’y passait pouvaient être vraiment trop choquants pour eux, et ils
n’avaient pas besoin d’avoir deux ados paniqués sur les bras.
Lex et Tia les regardèrent faire en souriant et
lancèrent quelques blagues de temps en temps. Tia resta de longs moments perdue
dans ses pensées. Ashee n’avait pas fait que remonter les mauvais souvenirs,
elle en avait fait revenir des dizaines d’autres. Elle s’était juste attardée
sur les plus mauvais.
Elle faisait maintenant remonter les plus beaux.
Ceux concernant… Gabrielle. Ce nom fit naître un sourire sur ses lèvres et de
merveilleuses sensations l’envahir. Elle ferma les yeux et rappela toutes ces
images à elle, s’attardant sur chacune aussi longtemps qu’elle le voulait,
appréciant pour la première fois depuis le début de cette étrange histoire,
d’avoir eu une autre existence.
Devant ces images et ces sensations, elle allait
devoir accepter l’idée que tout ceci était réel. Ce n’était pas une super
nouvelle, mais elle ne pouvait pas continuer de se voiler la face. Et puis une
partie des images qu’Ashee avait ramenées était si belle et pleine d’amour que
ça aurait été dommage de se dire qu’elles étaient fausses.
Elle vit sa compagne plus jeune, les cheveux
blond-roux et une frange sur le front, ses yeux verts lumineux et des vêtements
vraiment très courts sur le dos. Elle aimait particulièrement ce haut vert qui
dévoilait une grande partie de son superbe ventre et mettait très bien en
valeur sa poitrine.
Elle se tenait devant elle, un sourire plein de
malice et d’innocence, appuyée sur son bâton de reine des amazones et la fixait
l’air goguenard.
Une autre image remplaça celle-ci. Sa Gabrielle
plus âgée, les cheveux devenus blond et plus courts. Un vêtement digne des
mille et une nuit sur le dos. Des tresses dégageant l’ovale superbe de son
visage, un maquillage digne d’une princesse. Des bijoux la couvrant… elle était
à tomber.
Elle dansait sur un rythme envoutant pour
Gurkhan un Tyran qui possédait un harem époustouflant. Gabrielle ondulait sans
jamais quitter celui-ci des yeux, mais en ayant une conscience aiguë du regard
de sa compagne sur elle.
Une autre image fit sauter celle-ci. Une
Gabrielle ensorcelante, vêtue d’un soutien-gorge en cuir noir assorti à une
jupe de cuir qui tombait au dessus de ses genoux, fendu sur le coté qui mettait
merveilleusement ses jambes en valeur.
Elle s’approchait d’elle avec un
regard empli d’un désir sous jacent, le corps envahi d’une langueur sensuelle.
Gabrielle effleurait à peine sa peau mais envoyait des milliers de frissons
dans tout son corps. Elle attrapa son visage et le tourna vers elle, l’envie
d’elle si forte qu’elle aurait pu tuer cet impudent crétin qui était venu les
interrompre.
Elle dut se rappeler qu’il était leur ami et le
fils d’un homme bon qu’elles avaient beaucoup aimé.
Une tape sur son bras la fit revenir à la
réalité et elle découvrit les yeux verts, qui hantaient ses rêves éveillés,
avec délice.
- A quoi tu penses pour faire une tête
pareille ? Demanda la petite femme.
Tia sourit et se penchant, embrassa avec fougue
la bouche tentatrice. Elle repoussa sa compagne sur leur couche et la recouvrit
de son corps sans cesser de l’embrasser. Lorsque pour reprendre son souffle,
elle dut se détacher d’elle, Lex le souffle court lâcha avec un petit
rire :
- Je vois. Avant que tu n’entames le second
round, fit-elle en la voyant se pencher de nouveau sur elle, sache que nous ne
sommes toujours pas seules.
- Et alors ? Répliqua la grande femme, je
ne vais pas te déshabiller, juste te chauffer, fit-elle avec un sourire
diabolique.
Sur ces bonnes paroles, Tia reprit possession de
ses lèvres et lorsque sa langue entra de nouveau en contact avec la sienne,
elle fut incapable de la repousser. Ses mains voyagèrent sur le dos de sa
compagne sans jamais passer la barrière des vêtements.
Tia échauffa ses sens, de sa seule langue. Elle
s’empara de ses mains et les plaqua au-dessus de sa tête, enroulant ses doigts
aux siens, oubliant totalement son poignet douloureux, et inspirant
profondément, fit en sorte que sa poitrine frôle la sienne ce qui arracha un
petit halètement à sa compagne.
Lex soupira lorsque la jambe ferme de sa
compagne entra en contact avec son entrejambe et Tia embrassa de nouveau la
petite femme et la mena si haut dans l’excitation qu’elle en oublia le public.
C’est ce moment que la grande femme choisit pour
se redresser. Lex ouvrit de grands yeux frustrés et interrogateurs et le
sourire moqueur de sa femme lui rappela qu’elle n’avait eu que l’intention de
jouer. Elle se rassit avec toute la dignité dont elle était capable dans ces
circonstances et fusilla la grande femme des yeux.
Puis elle vit les yeux ronds des jumeaux et la
rougeur sur les joues de Frédéric et se prit la tête entre les mains
particulièrement embarrassée et furieuse contre sa compagne que rien ne
semblait gêner.
- Vous avez une nouvelle image à dessiner, lança
Tia à ses enfants. J’espère que vous en avez pris bonne note, rit-elle devant
leur air effaré. Oh, allez remettez-vous, ce n’était rien qu’un petit baiser,
railla-t-elle.
Lex fit la moue et les jumeaux haussèrent les
épaules avant de revenir à leur jeu. Lara lança un regard curieux vers elles et
Tia haussa un sourcil moqueur. Sa fille rougit et s’empressa d’essayer de
trouver le mot que son frère essayait de lui faire deviner. Mais il dessinait
vraiment comme un pied et elle ne voyait pas du tout ce que cela pouvait être.
- Notre fille est curieuse, chuchota Tia à
l’oreille de sa femme. Il va falloir lui trouver une initiatrice sympathique à
notre retour.
Lex lui jeta un regard incrédule. Sans
s’attarder sur le fait qu’aucune d’elle n’avait la moindre idée de comment se
sortir de là, elle n’en revenait pas de la proposition de Tia.
- T’es dingue ou quoi ? Répondit-elle enfin
sur le même ton. On ne va pas jouer les entremetteuses !
- Bien sûr que non, rétorqua la grande femme en
fronçant les sourcils. Il s’agit de curiosité là, pas de relations amoureuses.
Pour s’engager là-dedans, il faut d’abord qu’elle sache si c’est son truc. Donc
je propose une initiatrice, comme ça elle saura et nous serons rassurées de
savoir avec qui elle l’a appris.
Lex ouvrit de grands yeux ronds. Elle secoua la
tête. Tia avait vraiment une façon bien à elle de voir le monde !
- Non, Tia. C’est une très mauvaise idée.
- Pourquoi ?
Avant qu’elle n’ait pu répondre, la porte de
leur cellule s’ouvrit et les deux femmes se raidirent en reculant. Les deux
hommes, les mêmes que le matin même, entrèrent mais ne firent pas mine de les
remarquer.
Cette attitude négligente aurait pu être
insultante si elle ne servait autant leur plan.
Ils se dirigèrent vers le grillage séparant la
pièce en deux et actionnant un mécanisme dans le mur à l’aide d’un code précis,
entrèrent et se dirigèrent vers les jumeaux.
Lex et Tia se levèrent d’un coup et pénétrèrent dans
la cellule à leur suite. Les hommes empoignèrent chacun un des jumeaux et se
tournèrent pour sortir. Frédéric et les deux femmes leur faisaient face avec la
ferme intention de ne pas les laisser aller.
Les gardes sourirent et l’un d’eux dit, dans un
grec ancien approximatif :
- Si vous pas laissez passer, Ashee très très en
colère. Vous pas vouloir Ashee en colère.
« Alors comme ça, Alti avait gardé
certaines de ses anciennes manies », songea la grande femme en les
entendant parler une langue morte depuis des siècles.
Frédéric et Lex firent un pas en avant, ignorant
l’avertissement. Tia réfléchit à toute allure et prit une décision difficile.
Elle posa une main sur le bras de Lex et lui fit signe de se reculer. Un signe
à Frédéric et il se recula visiblement mécontent.
Laissant le passage aux gardes Tia fixa ses
enfants et dit :
- Quoi que vous voyiez, entendiez ou viviez,
n’oubliez pas que vous reviendrez ici. Et qu’on vous y attend.
Incertains, les jumeaux gardèrent les yeux fixés
sur leur mère et hochèrent la tête. Lorsque la porte se referma sur eux, les
deux autres se tournèrent vers elle avec un regard noir.
- T’as intérêt à avoir une bonne raison pour
avoir laissé cette tarée emmener nos enfants, lança Lex tremblante de rage.
Frédéric s’appuya contre le mur du fond et posa
un regard pensif sur elle.
- Je ne sais pas qui est cette femme et ce dont
elle est capable, dit-il d’une voix calme, mais je ne pense pas que Tia soit
une si mauvaise mère, fit-il à l’attention de Lex.
Ces mots calmèrent instantanément la petite
femme et elle hocha la tête. Forçant ses muscles à se détendre, elle inspira
profondément plusieurs fois et, plus sereine, se tourna vers sa compagne.
- Ok. Va-y. On t’écoute.
- Ils vont probablement passer un mauvais
moment. Et dès qu’elle saura qu’ils sont de moi, se sera même certain. Mais
elle ne les tuera pas. Et puis le garde avait raison. Je n’ai aucune envie de
voir Ashee en colère. Nous ne sommes pas de taille. Ceci dit j’ai remarqué
quelques petites choses qui devraient nous permettre de nous enfuir dès le
retour des jumeaux.
- Quoi donc ? S’enquit Lex soudain
intéressée.
- Pour commencer leur totale confiance en eux.
Ils sont si persuadés que nous ne pouvons pas nous enfuir qu’ils ne se donnent
pas la peine d’effectuer une vraie surveillance. On ne devrait avoir aucune
difficulté à s’esquiver. J’ai repéré un passage sur le côté de la prison qui se
perd directement dans la végétation qui entoure le cratère. Ca va être long et
difficile mais si on bouge sans arrêt on devrait pouvoir faire le tour du
village jusqu'à la cascade. Je suis certaine que le chemin pour sortir d’ici
est là-bas.
- Qu’est-ce qui te fais penser ça ? demanda
Frédéric. Et puis une cascade ? Tu es sûre ? On n’entend rien d’ici.
- Non, en effet. Mais une fois dehors on ne peut
ni la rater, ni ne pas l’entendre.
Lex confirma d’un hochement de tête.
- Tu veux dire que cet endroit est
insonorisé ? Demanda-t-il sceptique. Pour quelle raison feraient-ils
ça ?
Tia haussa les épaules.
- Pour qu’on est le moins d’infos possibles sur
l’extérieur ? Tu sais que les meilleurs sont tous un peu parano. Et le
moins qu’on puisse dire, c’est que celle-là l’est.
- Timbrée de chez timbrée, acquiesça Lex. Elle a
la folie des grandeurs et un méga grain !
- Enfin bref, pour le chemin menant à
l’extérieur, je pense qu’il est situé dans la cascade parce que celle-ci est en
hauteur et va parfaitement avec le sens du drame d’Ashee. Elle peut ainsi faire
une entrée remarquée digne de son ego. Et puis je ne vois pas d’autre endroit.
- Ok. Ce n’est pas comme si on avait le choix de
toute façon, acquiesça-il. Quand passe-t-on à l’acte exactement ?
- Au retour des jumeaux. Ils ne seront
probablement pas en bonne forme. Je compte sur vous deux pour vous occuper
d’eux. Moi, je m’occuperais des gardes. Il ne va pas tarder à faire nuit, ça
nous facilitera la tâche.
Elle fixa les deux autres avec attention. Ils
hochèrent la tête dans un bel ensemble et elle poursuivit.
- On n’aura avec nous aucune de nos affaires ce
qui compliquera les choses une fois dans le désert. D’autant plus qu’il n’y
aura aucun endroit où nous cacher. En conséquence, on ne pourra pas s’arrêter,
pas même une seule minute ; ça va être difficile, long et épuisant, mais
c’est la seule façon pour nous de survivre.
- J’ai étudié un peu les tapis, intervint
Frédéric. Et je pense savoir où nous sommes.
Il traça une carte dans la poussière et nota
leur position ainsi que celle de la ville civilisée la plus proche, celle d’où
ils venaient, celle où ils allaient et Tia forma un plan.
- Ok. Nous sommes là et vu nos moyens limités,
je propose que nous allions directement ici, fit-elle en posant le doigt sur le
territoire des fils du vent. Nous allons leur demander protection. Une
protection temporaire afin de ne pas leur porter trop préjudice et j’imagine
que le paiement sera coton, mais c’est notre meilleure chance.
Tia leva la tête.
- Vous êtes ok ?
Une fois de plus les deux autres hochèrent la
tête.
- Bon, ils ne vont pas tarder à nous amener nos
repas. On va les mettre de côtés de même que l’eau. Lex prends ce drap et
fais-en un fourre-tout, on y mettra l’eau et la nourriture.
Lex acquiesça et s’empressa de le faire.
- Ok. Je ne sais pas combien de temps ça va
prendre, reprit-elle une fois que Lex eut terminé, mais il faut que nous nous
reposions, parce qu’on aura plus de répit après ça. Je sais que vous vous
inquiétez pour les jumeaux et moi aussi. Mais ils vont revenir alors… dormez.
Parce que si vous ne voulez pas qu’ils leur arrivent pire dans les jours à
venir, on n’a pas le droit à l’erreur.
Lex et Frédéric savaient qu’elle avait raison
mais c’était étrange de la voir parler de ses enfants avec un tel détachement.
Ils attendirent le repas puis les enroulèrent dans des morceaux de draps
propres et les mirent dans le drap qui leur servirait de sac à dos. Puis chacun
s’installa sur une paillasse et tenta de
se reposer.
Tia attira sa compagne dans ses bras et
l’étreignit, repoussant une fois de plus la douleur qui traversa son poignet et
lui envoyait des petites décharges dans le bras. Elle réprima une grimace et
espéra que cela ne serait pas trop gênant dans leur fuite ? Même si elle
savait d’avance que ça l’handicaperait.
Soudain, Lex se redressa et se mit en quête de
son écharpe qu’elle l’obligea à passer.
- S’il te plaît Ti. J’ai bien conscience que tu
vas avoir besoin de la retirer pour nous enfuir mais gardes-la pour le moment.
Te sentir souffrir m’empêchera à coup sûr de dormir.
Comme prévu, l’argument fit flancher sa compagne
et elle garda l’écharpe en soupirant. Lex ressentait bien des choses depuis
qu’elle s’était liée avec Tia et plus le temps passait, plus leur lien devenait
puissant et envahissant. Si elle appréciait d’être aussi proche de sa compagne,
elle se demandait jusqu’où leur lien allait les mener et craignait un peu que
leur esprit ne se mélange trop. Les sentiments de Tia bouillonnaient sous son
air de « je contrôle tout, y’a pas de souci » et Lex en était
foutrement étonnée. Elle était loin de s’imaginer que Tia pouvait être à ce
point sous tension et aussi sensible à tout ce qui se passait autour d’elle.
Tout, absolument tout, l’affectait et c’était épuisant de ressentir autant de
choses.
Heureusement Tia avait fini par trouver un moyen
de bloquer leur lien la plupart du temps, mais ça exigeait de sa compagne pas
mal d’effort et cela se relâchait pendant la nuit. Du coup son argument pouvait
paraître vrai, même si Lex souhaitait seulement que Tia prenne soin d’elle.
Elle s’adossa à la grande femme et ferma les
yeux. Elle se concentra sur la calme respiration de sa femme, sur son odeur
enivrante et sur les étranges images qu’avaient implantées dans son cerveau
Ashee, et qui montrait sa mercenaire sous un autre angle, pleines de cuir et
d’épées et avec un corps splendide, très dénudée, qui l’aida a repousser son inquiétude
pour les jumeaux.
******************************************
Les jumeaux furent introduits dans une pièce
différente de celle où leurs mères étaient le matin même. C’était une sorte de
salon privé qui était à mille lieux de la pièce sombre et froide où Ashee
pratiquait ses « communions » avec le démon.
Elle se trouvait au bout d’une table en chêne
bien entretenue recouverte aux trois quarts par une nappe en lin brodée, posée
en diagonale. Elle était en train de déguster un succulent repas et elle invita
les enfants à faire de même.
Les jumeaux étaient perplexes. Ils venaient de
traverser un village semblant particulièrement primaire et de passer à côté
d’un autel manifestement utilisé pour des sacrifices, vu le sang séché s’y
trouvant, et voilà qu’ils entraient dans une pièce plus raffinée que leur
propre chez eux.
Ils s’assirent prudemment à table sans
s’éloigner l’un de l’autre et posèrent un regard méfiant sur la femme à l’autre
bout. Ils n’oubliaient pas l’état dans lequel leurs mères étaient revenues ce
matin et si cette femme était le chef de cette tribu, c’était à elle qu’elles
le devaient.
- Bonjour jeunes gens, fit la grande femme avec
un sourire chaleureux.
Lara et Len hésitèrent mais leur bonne éducation
fut la plus forte et ils hochèrent la tête en guise de salut. La femme se leva
et s’approcha d’eux sans cesser de sourire. Elle était vêtue d’un pantalon en
lin noir et d’un haut en daim primitif mais très bien coupé.
- Je me présente. Ashee, fit-elle en courbant la
tête et je suis la chaman de cette tribu.
Elle tira une chaise près d’eux et s’assit.
- Je crains que nous ne nous soyons pas compris
avec Tia et Alexia. Elles se sont plutôt montrées méfiantes et agressives et je
me suis dit que si je discutais avec vous, nous pourrions nous comprendre et
peut-être parviendrez-vous à convaincre ces jeunes femmes que nous ne vous
voulons aucun mal.
Les jumeaux hésitèrent. Il était vrai que leurs
mères étaient du genre soupçonneux et un peu rentre dedans mais ils étaient
quand même tous en prison. En même temps, les gardes semblaient pour le moins
détendus avec eux et ils n’avaient pas été agressifs ou quoi que se soit.
- On vous écoute, fit Len.
Lara, elle, avait le visage fermé. Elle
n’oubliait pas le poignet de sa mère et le manque de soin. Elle ne croyait pas
un mot de ce que cette femme disait, mais cette femme pensait les amadouer avec
un environnement civilisé, des propos les mettant en valeur et un sourire
mielleux. Lara voulait voir jusqu’où elle avait l’intention d’aller pour les
mettre dans sa poche et comptait bien en profiter, c’est pourquoi elle laissa
son frère parler pour eux.
La femme sourit et hocha la tête.
- Eh bien pour commencer, j’aimerais savoir la
raison de votre présence sur notre territoire.
Len haussa les épaules.
- Maman vous l’a pas dit ?
Lara leva les yeux au ciel et se retint de filer
un coup de pied à son frère.
- Ta mère ? Tu veux dire Tia ? Fit la
femme l’air de rien.
Len hocha la tête.
- Et Alexia qui est-elle pour toi ?
Serait-ce ta mère ? Demanda-t-elle en se tournant vers Lara. Tu lui
ressemble.
L’affirmation surprit la jeune fille qui fronça
les sourcils. Len répondit à sa place.
- Tia est notre mère et Lex notre deuxième mère.
Elle nous a adoptés il y a un peu plus de trois ans maintenant.
- Vous êtes jumeaux ? Fit Ashee étonnée.
Len acquiesça et Lara eut la furieuse envie de
dévisser la tête de son cher frère. Pour l’empêcher de commettre d’autre bévue,
elle lui mit la main sur le bras et lorsqu’il tourna la tête vers lui
(« elle »), le fusilla du regard puis leva un sourcil. Il écarquilla
les yeux puis hocha la tête un brin contrit.
Lara tourna un visage déterminé vers la chaman,
ils étaient là pour avoir des infos pas pour en donner. Mais la chaman ne les
regardait plus. Elle semblait perdue dans ses pensées. Soudain elle releva la
tête et darda un regard intense sur eux et Lara frissonna devant la malice et
la froideur qu’elle y décelait.
- Vous êtes jumeaux, murmura la femme pour
elle-même. Et Xena est votre mère…
Lara et Len froncèrent les sourcils. Xena ?
Ils se regardèrent et haussèrent les épaules. Lara, qui n’aimait pas être
laissé de côté, interrompit la femme dans ses réflexions.
- Que doit-on faire pour sortir d’ici ?
L’interrogea-t-elle.
L’éclair d’agacement qu’elle perçut confirma Lara
dans ses positions, même s’il fut vite remplacé par une obséquiosité qui lui
mit la puce à l’oreille.
- Mais rien voyons. Vous êtes libres de circuler
comme bon vous semble.
- Et de partir ?
- Je suis désolée de devoir dire non, fit-elle
avec un air de commisération feint. Nous ne pouvons vous laisser vous en aller
sans savoir ce qui vous à amener ici. Nous devons protéger notre village, vous
le comprenez j’en suis sûre. Mais même si je disais oui, je ne pense pas que
vous soyez le genre d’enfant à laissez leurs mères derrières eux.
- Donc le droit de circuler ne concerne que moi
et mon frère c’est ça ?
- Oui. Mais c’est parce que vos mères sont
dangereuses. Tant que nous ne parviendrons pas à un accord, nous ne pourrons
les libérer. Cependant avec votre aide, je suis certaine que nous dépasserons
vite ce petit incident.
« C’est ça oui, songea Lara railleuse, et
la mère du père noël va débarquer ! »
Len hocha la tête et Lara le fusilla du regard.
Quand donc cet idiot allait-il se réveiller ?! Cette femme n’était pas
leur amie, bordel !
- Je me demandais si vous accepteriez de
partager mon repas, fit-elle en désignant la table, emplie de victuailles plus
alléchantes les unes que les autres.
Les yeux de Len brillèrent mais il tourna la
tête vers sa sœur, quêtant son
approbation. Elle hocha la tête et ils se mirent joyeusement à table. Ashee
retourna à sa place et tout en dégustant son verre de vin, elle les
interrogea :
- Qui est donc cet homme qui vous
accompagne ? Votre grand-père ?
Lara vit que comme à son habitude, Len allait
répondre sans réfléchir, elle lui flanqua un coup de pied, peu discret et il
retint une grimace.
- Un ami, fit Lara en fixant la
chaman dans les yeux.
Ashee hocha la tête en souriant et retourna à
son plat. La petite était de toute évidence la chef de leur petit duo. Et elle
était aussi méfiante que sa mère. Le garçon en revanche tendait plus à
ressembler à sa mère adoptive, avec sa spontanéité et son côté à voir le bon en
chacun.
Si ces enfants étaient bien ce qu’elle pensait
qu’ils étaient, alors elle allait devoir trouver un moyen de briser la méfiance
de la petite. Car ils avaient besoin des deux pour leur projet. Elle devrait
pouvoir utiliser le garçon pour atteindre la fille.
Mais elle devait d’abord vérifier qu’ils étaient
bien ceux qu’ils attendaient. Sans cela son peuple ne la suivrait pas. Mais
elle était certaine de ne pas se tromper. Sinon pourquoi Xena serait-elle
ici ? Elle avait toujours mis un point d’honneur à se trouver sur sa route
pour foutre en l’air tous ces plans.
Cependant, cette fois-ci, il semblerait qu’elle
annonce la venue de ceux qu’ils attendaient autant que son opposition à ses
projets.
La femme sourit. C’était une belle soirée qui
s’annonçait.
**************************************
Lizzie en avait ras le bol de se promener
partout avec des gardes chiourmes. Son père et sa sœur étaient partis voilà
deux jours pour leurs affaires et lui avait laissé des gardes du corps en plus
d’agents du FBI pour la surveiller.
C’était du vrai délire ! Elle ne pouvait
même plus aller voir ses amis sans entendre ces pots de colle grincer des dents
ou essayer de les coincer pour trafics de drogue ou d’autres trucs soi-disant
illégal !
Elle en avait sa claque ! Ses amies lui
avaient dit de ne pas revenir si c’était pour les fourrer dans les ennuis. Et
Lizzie n’appréciait pas qu’on la mette à l’écart comme ça. C’était elle qui
décidait quand elle partait ou non !
Ils la prenaient tous pour une petite fille
pourrie gâtée. Même les agents de Karl ! Les idiots.
Elle vivait dans ce monde de richards depuis 4
ans, certes. Mais elle avait passé bien plus de temps encore dans la rue et ce qu’elle y avait appris ne
c’était pas effacé comme par magie de sa mémoire !
Elle allait fausser compagnie à ces idiots et
leur montrer qu’une gamine, les crétins, elle avait 19 ans !, pouvait
parfaitement les doubler.
Par la même occasion, elle allait faire
comprendre à son père, qu’il ne pouvait pas contrôler sa vie sous prétexte
qu’il l’avait adoptée ! Bon sang, elle était adulte ! Même si Tia
refusait de le voir !
Elle profita du milieu d’après-midi, alors que
ses gardes du corps se reposaient après le repas copieux et riche dont les
avait gratifié Magdala à sa demande et se faufila à l’arrière de la maison sans
que qui que se soit ne le remarqua.
Elle devrait remercier Magdala comme il se doit
plus tard, de les avoir gratifié d’un bon cognac pour terminer le repas et non
pas d’un café serré comme ils en avaient fait la demande. Magdala les avaient
convaincus que c’était un des meilleurs et qu’ils avaient bien le droit d’y
goûter.
La cuisinière en chef de la maison s’était prise
d’affection pour elle dès son arrivée et cela avait été réciproque. Magdala ne
pouvait pas lui résister. Elle la trouvait adorable et cédait à tous ces
caprices. Lizzie l’adorait.
Cette affection sans condition lui avait manqué
toute sa vie et bien que la femme ne soit que la cuisinière de la maison, elle
l’aimait comme une mère. Et elle, elle l’aimait comme une fille.
Elle lui avait dit qu’elle se sentait comme un oiseau
en cage et qu’elle ne les avait jamais supportés. Que Gin faisait preuve d’un
excès de paternalisme et Magdala avait cédé. Bien sûr, elle s’en voulait un
peu de lui avoir mentie, mais si elle
lui avait dit la vérité sur la présence de ces gens, Magdala ne l’aurait jamais
aidée et Lizzie en avait marre qu’on la prenne pour une gosse. Elle était tout
à fait capable de se défendre.
Elle sourit en faisant un petit signe de la main
à Magdala tout en se faufilant entre les haies qui cachaient la route où
l’attendait une de ses amies.
Chapitre 7 :
Les jumeaux revinrent assez tard dans la nuit. Tia et les
autres ne dormaient pas malgré ce qui avait été décidé et ils les entendirent
arriver. Ils firent tous semblant de dormir et laissèrent les deux hommes aller
jusqu’au grillage.
A ce moment là tout se passa très vite. Lex et Tia se
levèrent d’un bond. Tia plaqua le plus grand des deux hommes contre le mur,
pendant que Lex fauchait le second et le clouait au sol.
Frédéric attira les jumeaux vers lui et les repoussant alla
aider Alexia. Tia étrangla presque son prisonnier. Elle l’étouffa doucement et
malgré son gabarit musclé et sa détermination, l’homme sentit ses forces
décliner. Le regard de cette femme était semblable à celui d’un prédateur
assoiffé et il eut peur.
Alors qu’il se figeait, tétanisé par une frayeur que seule
leur chaman et chef avait été capable de déclencher, il vit que la petite femme
avait envoyé son frère à terre et il fut stupéfait de la voir le réduire à
l’impuissance en à peine quelques mouvements.
Ces femmes étaient bien plus que ce qu’ils s’étaient
imaginés. Alors que ces yeux se révulsaient à cause du manque d’oxygène, la
grande femme retira son bras de sa gorge et il prit une grande goulée d’air en
toussant.
Après qu’il eut pris sa respiration, elle lui parla dans la
même langue qu’elle avait utilisé pour discuter avec leur chaman le matin même.
C’était une langue qu’il ne comprenait pas et elle s’en aperçut puisqu’elle lui
parla ensuite dans une des deux langues qu’ils utilisaient ici.
C’était celle que leur instruisait leur chef.
- Où est la sortie ?
Il ouvrit de grands yeux effrayés. S’il ne disait rien, il
sentait que la femme devant lui pourrait lui faire très mal et s’il n’était pas
un trouillard, il n’aimait pas particulièrement souffrir. Seulement, Ashee
n’accepterait jamais une trahison pareille et ce que cette femme pouvait lui
faire ne serait rien en comparaison de ce que sa chaman lui ferait.
Il garda donc la bouche fermée en posant de grands yeux
inquiets sur la grande femme qui le maintenait contre le mur.
Tia le secoua en grognant et vérifia que ses enfants
allaient bien. Lorsqu’elle remarqua qu’ils semblaient être en pleine forme,
elle fronça les sourcils intrigués mais ne put s’attarder sur ce mystère.
Elle revint à son prisonnier et dut se résigner à ne pas
avoir de réponse. Ashee lui faisait bien trop peur.
- Où sont nos affaires ? Tenta-t-elle encore.
Les lèvres de l’homme se mirent alors à trembler et
furieuse, Tia se rendit compte qu’il ne dirait rien du tout. Elle grogna et il
trembla comme une feuille. Elle leva un poing et l’abattit avec force sur sa
tempe. L’homme s’écroula instantanément.
Elle le fixa d’un regard noir puis reporta son attention sur
sa famille. Ils la fixaient tous dans l’attente de la prochaine chose à faire.
Len hésita un peu puis déclara :
- Peut-être qu’on n’est pas obligé de faire ça ?
Sa mère le fixa stupéfaite.
- Qu’est-ce que tu racontes ?
- Peut-être que toi et la chef d’ici vous vous êtes mal
comprises et qu’elle ne veut pas nous faire de mal.
Lex était sciée. Elle ne s’attendait pas à ça. Tia posa sur
lui un regard froid et il frissonna. Lara lui marcha sur le pied et le regarda
avec mépris.
- Elle a essayé de nous embobiner et il s’est complètement
fait avoir, expliqua-t-elle à sa mère.
Len baissa les yeux un peu honteux.
- Je la connais, dit enfin la grande femme. Et Lex aussi.
C’est le plus perfide et le plus cruel des êtres peuplant cette terre. Ne crois
jamais un seul mot qui sort de sa bouche. N’écoutes jamais ce qu’elle te dit et
ne passes aucun accord avec elle. Ils seront toujours à son avantage même si
elle te fait croire le contraire.
Len gardait la tête baissée et Tia l’apostropha durement.
- Len tu as compris ?!
Il sursauta et hocha la tête vivement.
- Bien alors maintenant tout le monde me suit et fait ce que
je lui dis. Sans discussion.
Ils acquiescèrent tous.
- Len tu restes avec Frédéric et toi Lara avec Alexia. Quoi
qu’il se passe vous ne vous séparez pas, est-ce que c’est clair ?
Elle attacha solidement les deux hommes au grillage, vérifia
leur bâillon et passa la tête au dehors pour vérifier si la voie était libre.
Constatant que c’était le cas, elle se tourna vers les autres et dit :
- Vous restez courber et imitez chacun de mes mouvements. Si
je rampe, vous rampez, si je cours vous courez. Des questions ?
Ils secouèrent la tête et Alexia ajusta leur sac de fortune
sur son dos. Enfin prêt, ils suivirent Tia au dehors. Ils se collèrent au mur
de leur prison et se courbant, ils la contournèrent.
Parvenus derrière la prison, Tia sourit. La végétation du
cratère commençait effectivement ici. Quelle bonne idée de toujours construire
les prisons à l’écart du village ! Elle entraîna son petit monde à
l’intérieur du sous-bois et ils s’y enfoncèrent en silence.
Une fois suffisamment loin du village, elle les fit
s’accroupir en cercle et chuchota :
- On doit aller dans cette direction, fit-elle en montrant
leur but du doigt. On devra accéder à la cascade et j’imagine qu’il y a un
chemin mais comme je ne sais pas où exactement, je pense qu’il faudra qu’on
grimpe un peu.
- C’est là que tu te dis que finalement c’est génial que Lex
nous ait appris l’escalade, hein ? Se moqua Len.
Tia sourit et acquiesça.
- Vous vous en sentez capable ? Fit-elle à l’attention
de ses enfants et de Frédéric.
- On n’a pas le choix de toute façon alors ne t’en fait pas,
répondit son ancien tuteur. On le fera.
Les jumeaux acquiescèrent et ils se mirent tous en route. Le
chemin était long jusqu'à l’autre bout du cratère et ne sachant pas si leur
fuite avait été repérée ils durent se montrer très prudent. Régulièrement, Tia
ou Lex les stoppaient et partaient en reconnaissance ou vérifier si leur fuite
était toujours inconnue.
Avec toutes les précautions qu’ils durent prendre, ils
mirent près d’une heure pour faire seulement la moitié du chemin et c’est à ce
moment là que leur fuite fut découverte.
Tia revint vers eux aussi silencieuse qu’un chat et leur fit
signe de se tasser un peu plus vers le sol.
- Ils ont découvert les gardes ligotés. La bonne nouvelle
c’est qu’ils ne savent pas par où nous sommes partis et que nous sommes très
proche de la cascade. La mauvaise c’est qu’Ashee est avec eux et qu’elle va
vite deviner où nous nous dirigeons. Il faut se dépêcher.
Elle se leva et abandonnant sa position courbée s’élança à
travers la végétation dense qui les entourait.
*****************************
Ashee était à la fois furieuse et terriblement excitée.
C’était du Xena tout craché. Elle sonda le passé des arbres entourant la prison
et vit par où ils étaient partis. Elle leva les yeux et vit la cascade briller
sous les rayons clairs de la lune. Elle sourit. Elle savait où ils allaient.
Elle se tourna vers son peuple et déclara :
- Il faut les rattraper coûte que coûte. La grande femme est
la gardienne. Et les enfants sont les jumeaux que nous attendions. Ils ne
doivent pas partir d’ici. Tout le monde connaît la prophétie. La gardienne doit
mourir
Ses paroles provoquèrent un remous parmi les siens et si
certains manifestèrent leur joie de voir enfin l’ère tant attendue arrivée
pendant leur plan d’existence, d’autres parurent sceptiques.
- As-tu des preuves ? Demanda un des anciens du
village.
Ashee s’agaça mais ne le montra pas. Elle n’était pas née
ici et si elle avait su se faire respecter et s’imposer comme leur guide en
leur montrant la puissance qu’ils pouvaient acquérir grâce à elle, elle n’avait
pas oublié que c’était l’acceptation des anciens qui avait permis tout cela.
Parmi les peuples du désert, la sagesse accordée par les
peuples à leurs anciens était légendaire. Les anciens étaient respectés,
vénérés et écoutés. Elle ne pouvait passer outre leurs opinions et elle le
savait. Néanmoins, elle avait hâte que le dévoreur d’âmes arrive et la
débarrasse de ces gêneurs qui bien souvent, comme en cet instant, la
ralentissaient.
Si elle l’avait pu, elle se serait débarrassée du peuple
tout entier pour se débrouiller seule, mais elle avait vu l’avenir. Et c’était
à leurs côtés que ses projets auraient une chance de se réaliser. Elle n’avait
donc pas le choix.
- Je connais bien cette femme, fit-elle avec un sourire
patient. Je la croise dans chacune de mes vies et toujours, elle se tient
devant moi pour empêcher mes projets d’aboutir. Elle est aussi la mère des
jumeaux. Cela ne fait aucun doute, elle est la gardienne.
L’un des aînés secoua la tête.
- Cela ne suffit pas. Rien ne nous dit que ces enfants sont
les bons, n’est-ce pas ? Les as-tu vus dans l’avenir ?
- Non, répondit-elle à contrecœur, mais je sais qu’il s’agit
d’eux.
- Nous sommes d’accord pour les rattraper, avant tout parce
qu’ils ont violé notre territoire. Nous avons aussi beaucoup de respect pour
tes dons et ce qu’ils apportent à notre peuple. Nous sommes plus forts depuis
ta présence parmi nous, mais nous ne pouvons accepter tes dires sans une preuve
concrète. Il ne s’agit pas de n’importe quoi. Mais de LA prophétie attendue et
crainte par notre peuple depuis des siècles. Nous espérons que tu dis vrai.
Dans cette optique, rien ne sera fait aux enfants. Les autres en revanche….
- J’aimerais qu’on les garde en vie, fit-elle
tranquillement. Leurs sacrifices peuvent être ceux que nous attendons et
surtout ceux que le dévoreur attend.
A ce nom, les têtes se courbèrent et le respect et
l’admiration illuminèrent les yeux de tous ceux présents lorsqu’ils se posèrent
sur elle. Elle se redressa fièrement. Même les anciens semblaient partagés
entre crainte et profonde admiration.
Elle devrait utiliser le nom du dévoreur plus souvent. Cela
rappelait à tous, qu’elle était la seule en mesure de lui parler et de le faire
venir. La seule aussi qu’il tolérait. Cela augmentait encore son prestige.
Décidant qu’ils avaient suffisamment perdu de temps, Ashee
leva la main et donna des ordres brefs. Deux secondes plus tard, trois hommes
très bien bâtis et à l’air décidé, prirent la tête de trois équipes différentes
qui partirent dans les directions que leur chaman leur avait indiqué.
L’une s’enfonça dans les bois, l’autre longea la forêt et la
troisième se dirigea directement vers la cascade.
La chaman ferma les yeux et inspira profondément. Elles
sentaient leurs odeurs. Leurs peurs. Leurs espoirs. Et elle rit. Ils ne lui
échapperaient pas.
*******************************
Lizzie descendit de la moto de son amie en souriant. Elle
n’avait pas mis de casque et avait adoré sentir le vent dans ses cheveux et sur
son visage. Elle prit le casque de son amie et le lui tint pendant qu’elle
posait son antivol.
Elle le lui rendit et la suivit dans la boite mal famée
tenue par une de leurs connaissances. Elle fit un petit signe au videur et
s’enfonça dans la pièce bruyante et enfumée à la suite de son amie. Elles
traversèrent la première salle et entrèrent dans la seconde. Ici la musique, si
elle était tout aussi forte, était néanmoins plus plaisante pour Lizzie. Il ne
s’agissait pas de techno mais de danse.
Lizzie aimait beaucoup la danse. Elle aimait aussi le disco
et le r’nb. Pour danser c’était génial !
Elle passa la seconde pièce en se trémoussant en rythme et
arriva enfin dans la troisième pièce de la discothèque, celle où se regroupait
toujours la bande. Le box du fond était entièrement utilisé par le groupe et
Lizzie et son amie Max les rejoignirent en se dandinant.
Leur arrivée fut remarquée et amplement saluée.
- Tes gardes chiourmes ne sont pas là ? S’enquit Tamara
en regardant derrière elle.
- Non, lui répondit-elle en souriant d’un air triomphant. Je
me suis esquivée pendant leur petite digestion.
Tamara rit et lui tendit la main. Les yeux de Lizzie
brillèrent. Tamara était la chef de leur petit groupe et elle était aussi la
plus âgée. Elle avait 29 ans et ne la prenait pas pour une enfant sous prétexte
qu’elle avait 10 ans de moins qu’elle.
Tamara était brune. Elle avait des cheveux coupés court et
des yeux noirs comme la nuit. Des anneaux aux oreilles et du mascara lui
couvrant les yeux, elle s’habillait toujours en noir ce qui mettait en valeur
ces muscles fins et déliés. Comme à son habitude, ses bottes de rangers étaient
posées sur la table et elle était renversée contre le dossier de la banquette.
Elle la fixait d’un regard langoureux et Lizzie n’y résista
pas. Elle prit la main tendue et s’assit à ses côtés. Tamara appuya sur sa
nuque et l’embrassa avec fougue. Lizzie frémit et moula son corps au sien.
Ce n’était pas Tia, mais c’était drôlement bon et Lizzie
aimait beaucoup le contact de Tamara. Celle-ci n’était pas du genre fidèle mais
cela n’embêtait pas Lizzie. Il lui était même arrivée de partager la couche de
ses coups d’un soir. Ou de participer à une partouze improvisée.
Elle n’était pas une grande fan de ces choses là, cependant,
cela plaisait à Tamara et elle voulait plaire à Tamara. Donc elle faisait avec.
Un homme s’approcha soudain de leur table et un regard
suffit pour que Tamara se dégage de ses bras et plonge la main dans sa poche.
Elle en sortit un petit paquet dans laquelle une poudre blanche miroitait et la
tendit à l’homme. Il lui donna le paiement requis et disparut dans la foule
ambiante.
Tamara se réadossa au siège et passa son bras autour de ses
épaules. Lizzie se blottit contre elle avec un certain sentiment de malaise. Ce
que faisait Tamara était trop proche de ce que faisait l’homme qu’elle avait
elle-même tué pour venger la mort de sa meilleure amie voilà quatre ans
maintenant. Pourtant elle n’avait pas vraiment le choix. Tamara n’accepterait
pas de l’entendre remettre ses activités en question.
Elles passèrent les minutes suivantes à boire, rire et se
peloter. La soirée avança et plusieurs clients à Tamara défilèrent. Puis un
homme, différent des clients habituels, se planta en face d’elles.
Il posait un regard empli d’admiration sur Lizzie et son air
ouvertement concupiscent excita Tamara. Si bien que lorsqu’il invita Lizzie à
danser, Tamara l’incita à le suivre sur la piste. Lizzie n’avait jamais vu
d’homme aussi beau et son air de surfeur californien et son sourire malicieux
la charmèrent instantanément.
Elle ne se fit donc pas prier pour accepter et se dit que
pour une fois, les désirs de Tamara et les siens se rejoignaient. Un petit trio
avec cet homme ne l’embêterait pas du tout. Ou bien un duo si les trios n’était
pas à son goût et Tamara se contenterait alors de jouer les voyeuses.
L’homme lui sourit, prit sa main et l’entraîna sur la piste
de danse. Il l’attira tout de suite à elle et colla son bassin au sien puis
ondula avec un art de la séduction consommé. Lizzie sentit le feu embraser ses
sens.
Elle ne résista pas lorsque quelques minutes plus tard, il
prit possession de sa bouche. Ils continuèrent de danser sans se lâcher,
utilisant la musique comme un prétexte à leurs explorations rythmées, puis
l’homme pressa ses hanches contre les siennes et Lizzie ne put retenir un
gémissement (lorsque son érection appuya sur son
entrejambe).
Il l’attira doucement dans un coin moins fréquenté et la
plaqua contre un mur sans cesser d’onduler des hanches,
(ce qui frottait contre son intimité et envoyait des langues de feu dans
tout son corps.) Il glissa une main dans son dos
et l’autre sur son ventre (repoussant le tissu
de son vêtement et empoignant fermement un de seins.)
(Il en titilla la pointe et elle se cambra.) Soudain il la souleva et elle enroula ses jambes
autour de sa taille. Il la mena sur la terrasse au dehors de la pièce enfumée
et trouva un coin tranquille où personne ne serait susceptible de les
interrompre.
Lizzie fut consciente que Tamara n’apprécierait pas d’avoir
été ainsi tenue à l’écart de ses ébats, mais en cet instant elle s’en fichait.
Cet homme avait un touché enivrant et elle ne souhaitait qu’une chose… prendre
un maximum de plaisir.
L’homme déboutonna son chemisier (et
engloutit ses seins puis se redressa) et la
dévisagea un sourire, presque de regret sur le visage. Il passa la main dans
son dos et murmura :
- Je regrette… vraiment.
Lizzie était un peu confuse. Que regrettait-il au
juste ?
Un mouvement furtif attira son regard derrière l’homme.
Avant qu’elle ne réalise quoi que se soit, elle se retrouva projetée au sol
avec violence. Et gémit lorsque le sol dur écorcha ses paumes et ses genoux.
Elle entendit des bruits de lutte et se redressa rapidement.
Elle ramena dans le même mouvement, les pans de son chemisier contre elle. Elle
ouvrit de grands yeux lorsqu’elle découvrit Enyalios aux prises avec son amant
du soir.
Et de plus grand encore lorsqu’elle vit que son beau surfeur
était aussi doué pour le combat à main nue qu’Enyalios. Elle les fixa bouche
bée durant tout le temps que dura leur combat. Elle ne comprenait rien du tout.
Que faisait Enyalios ici ?
La fraîcheur de la brise, finit par la ramener à la réalité
et elle reboutonna son corsage. Soudain, Enyalios prit un formidable coup de
pied sauté en plein visage et se retrouva rejeté contre les chaises derrière
lui qui s’effondrèrent avec fracas.
Son surfeur californien ne perdit pas de temps et se
retourna sauta par-dessus le petit mur de la terrasse. Avant de disparaître
dans la nuit, il la fixa et lui sourit lui envoyant un petit clin d’œil coquin.
- On finira ça la prochaine fois ma belle !
Puis il s’évanouit littéralement dans les ombres et Lizzie
se retrouva à fixer le vide avec une expression proche de l’ébahissement.
Entendant du mouvement vers les chaises, elle en conclut qu’Enyalios était
toujours en vie et se dépêcha à ses côtés.
Elle s’accroupit et demanda :
- Tu vas bien ?
Il grogna en se frottant la mâchoire et se releva avec son
aide.
- Tia va me tuer, souffla-t-il agacé en ne voyant son
adversaire nulle part.
Lizzie fronça les sourcils et l’interrogea :
- Qui était ce type ? Et pourquoi l’as-tu
attaqué ? D’ailleurs qu’est-ce que tu fais ici ?
Enyalios se tourna vers elle et secoua la tête, la mâchoire
vraiment douloureuse et un bourdonnement vrillant encore ses oreilles. Sacré
coup de pied ! Ce type était vraiment aussi fort que le disait sa
réputation !
- Je ne l’ai pas attaqué, rétorqua-t-il. Je l’ai empêché de
te tuer. Tu n’as pas écouté ton père ou quoi ?! Vous avez un tueur à gage
aux basques.
Lizzie écarquilla de grands yeux stupéfaits.
- Lui ?!
- Oui, Lui ! Alors tu serais bien sympa de rester avec
tes protecteurs à l’avenir. Parce que tu as eu de la chance que je sois dans
les environs. Je ne peux pas te suivre à chaque minute Lizzie. Tu n’es pas la
seule cible potentielle ! déclara-t-il sèchement.
Lizzie baissa la tête consciente d’être passée très près de
la mort et d’y être entièrement pour quelque chose.
- Je ne pense pas qu’il revienne cependant, fit-il en se
radoucissant. Tu es prévenue. Il cherchera une autre cible, je repars donc
demain. Mais tu ferais bien de ne plus quitter tes gardes du corps, pour le cas
où je me tromperais.
Lizzie hocha la tête et il lui prit le bras.
- Qu’est-ce que tu fais ? demanda-t-elle intriguée.
- Je te ramène chez toi.
Lizzie ne protesta pas, mais regretta de ne pas avoir put
aller jusqu’au bout avec son beau surfeur. Elle était vraiment frustrée et
n’aimait pas du tout ça. Elle aurait aimé apaiser ça avec Tamara mais après ce
qui venait de se passer, Enyalios ne la lâcherait pas alors inutile de
demander.
- Tu ferais bien de revoir tes critères niveau
fréquentations, fit-il en la poussant dans son van pourri.
Elle fronça les sourcils et lorsqu’il monta à son tour dans
le véhicule, elle désigna l’engin d’un air dégoûté.
- Tu ne pouvais trouver plus pourrie ?
- Dans un milieu pareil, il passe inaperçu.
Lizzie dut convenir qu’il avait raison.
- Mes fréquentations ne concernent que moi et de toute façon
tu es mal placé pour me dire quoi que se soit. T’es un tueur. Tu es plus
dangereux que ne l’est Tamara.
- Tu ferais bien de le dire à ta petite copine, parce que
s’il t’arrive quoi que se soit, je l’écorche vive.
La déclaration, faite sur un ton farouche la surprit autant
que lui.
Il haussa une épaule gênée sous son regard étonné et se
concentra sur la route du retour.
Chapitre 8 :
Il ne fallut qu’une demi-heure d’une prudence
démesurée au groupe de Tia pour parvenir à contourner, éviter et échapper aux
différents gardes qu’Ashee avait lancé contre eux et parvenir au pied de la
cascade. Si on avait été en plein jour l’ascension aurait été à la fois moins
et plus risquée.
Le fait était que les ténèbres nocturnes ne
laissaient pas une vision suffisante pour qu’on les repère en train de grimper
mais cela les empêchaient aussi de bien voir où ils mettaient les mains et les pieds.
Tia soupira en voyant la hauteur de la roche à
escalader. Elle se retourna vers sa compagne et toutes deux communiquèrent
silencieusement. Ce lien particulier qui les unissait maintenant réchauffait
leurs deux cœurs épuisés de leur amour respectif et elles y puisèrent la
force nécessaire pour continuer et faire ce qu’il y avait à faire.
Tia hocha la tête et le regard plus serein se
posa sur Frédéric et les jumeaux.
- Vous allez vous lier les uns aux autres,
dit-elle en leur tendant une corde de lierre tressée comme Enyalios le lui
avait appris des années auparavant. Puis vous grimperez aussi lentement qu’il
vous le faudra ok ? Je ne veux pas que vous tombiez ou quoi que se soit de
ce style, donc s’il faut que vous soyez lent, soyez le, point.
- Et vous ? demanda Len en les désignant
elle et Lex.
- Nous on va occuper nos amis aussi longtemps
que vous en aurez besoin pour monter là haut. Il ne faut pas qu’ils vous
voient, expliqua-t-elle comme il ouvrait la bouche. Vous faites des cibles
parfaites sur la roche. Et si l’absence du soleil nous donne un avantage
certain, la lune est presque pleine cette nuit et elle brille un peu trop à mon
goût.
Len referma sa bouche et ravala sa protestation.
Comme toujours sa mère avait raison. Il se sentait d’autant plus coupable des
risques que ses mères allaient courir que c’était sa faute s’ils avaient quitté
la protection de la Grèce.
C’était aussi une des raisons qui l’avait poussé
à vouloir croire ce que disait cette femme chaman. Il aurait aimé que tout
s’arrange. Même si personne ne lui avait rien reproché, il traînait son erreur
comme une chape de plomb sur ses épaules et souhaitait tout arranger pour
pouvoir oublier qu’il avait failli faire tuer tout le monde.
Mais ça n’était apparemment pas possible et le
meilleur moyen qu’il avait d’aider ses mères aujourd’hui était de leur obéir.
Il hocha donc la tête une nouvelle détermination l’envahissant. Sa mère sembla
s’en rendre compte car elle lui sourit avec affection et passa une main douce
dans ses cheveux ailes de corbeaux.
Il était heureux. C’était idiot, mais en cet
instant malgré l’absence de Jenny et tout ce qu’il avait à se reprocher, il
était heureux. Sa mère l’aimait. Et le lui montrait. Comme tous les enfants, il
avait besoin de sentir l’amour parental même s’il savait qu’il existait, il
avait besoin de preuve concrète. D’autant plus lorsque les 13 premières années
de sa vie s’étaient passées sans elle.
Et comme d’habitude, dans ce regard bleu si
semblable à celui de sa sœur, il ne vit que de l’amour et une profonde
affection. Aucun reproche. Pas de colère. De doute ou de regret. Il était
presque aussi grand qu’elle, mais à ses côtés il se sentait toujours un tout
petit garçon. Sa mère était si exceptionnelle. Si unique.
Il partageait totalement l’adoration de Lex
envers elle. Même sombre, même en colère, sa mère était l’être le plus
exceptionnelle qu’il lui avait été donné de voir. Il voyait et connaissait ses
défauts, mais pour lui cela ne ternissait pas ce qu’elle était.
Au contraire. Pour lui, elle était comme ces
héros incroyables à qui rien ne résistait. Il plongea son regard vert dans le
sien puis accepta la corde tressée qu’elle lui tendait et l’accrocha autour de
lui en suivant les indications de Frédéric.
Tia se tourna alors vers sa fille et sourit en
voyant son regard si sérieux. Elle aimait sa fille mais sentait qu’elle
s’éloignait d’elle au contraire de Len et elle ne comprenait pas bien pourquoi.
Elle n’avait pas encore eu l’occasion de tenter de se rapprocher d’elle et le
déplorait. Mais peut-être pouvait-elle … ?
Elle s’approcha d’elle et lui releva le menton
d’un index doux. Lara posa sur elle un regard interrogatif et sa mère lui
offrit un sourire rempli de tout l’amour que cette petite jeune fille lui
inspirait malgré ces traits parfois si semblables à ceux de son père.
Plus le temps passait et plus elle parvenait à
occulter ce fait pour ne plus voir que l’enfant de sa chair, son enfant à elle.
Elle se pencha vers elle et chuchota :
- Je ne pense pas que tu mesures à quel point je
peux t’aimer.
En effet, Tia avait souvent vu comme un doute au
fond de ses yeux bleus et si Tia ne doutait pas de l’amour de sa fille pour
elle, elle savait que son enfant doutait parfois du sien. Et comment lui en
vouloir ? Elle les avait abandonnés 13 années durant, elle et son frère.
On n’effaçait pas une telle chose d’un coup de baguette magique.
Et elle avait bien conscience de ne pas avoir
été une mère exemplaire ces dernières années. Elle était tellement prise dans
ses propres souffrances. Elle n’avait pas su jouer un rôle suffisant auprès
d’elle pour la rassurer, elle le savait. Mais les regrets ne servaient à rien à
par à vous tirer en arrière.
C’était maintenant, alors qu’elle se sentait
enfin revivre et prenait conscience de ses erreurs qu’elle devait y remédier.
Que la situation s’y prête ou non, importait peu en fait. Des choses devaient
être dites et d’autres faites et l’instant ne se choisissait pas. Il se vivait.
Les yeux écarquillés, Lara ne comprenait pas
pourquoi sa mère lui disait cela, mais la chaleur qui envahit tout son corps
lui donna une nouvelle énergie.
Elle scruta les yeux océan de sa mère et n’y lut
qu’une profonde sincérité.
- Tu m’es extrêmement précieuse Lara et je
m’arracherais un bras plutôt qu’il ne t’arrive quoi que se soit. Soit prudente
là-haut. Ne t’occupes ni de moi, ni de Lex. Prends le temps qu’il te faudra.
Tia connaissait sa fille, même si elles
n’étaient pas aussi proche que ce qu’elle aurait voulu. Lara était une fonceuse
impulsive qui ne mesurait pas toujours les risques. Rien que pour que ses mères
se mettent à l’abri aussi rapidement que possible, elle pourrait vouloir accélérer
son ascension et ce n’était pas une bonne chose.
Lara entendit l’avertissement et elle hocha la
tête les yeux aussi brillants que ceux de son frère et elle termina de
s’attacher à la corde.
Tia serra ses enfants dans ses bras puis les
relâcha en disant :
- Faites attention, ok ?
Ils hochèrent la tête et acceptèrent les bras de
Lex avec un sourire. Celle-ci les serra fort contre elle, puis attira le visage
de Len, l’obligeant à se baisser, pour déposer un baiser sur son front. Elle
fit de même pour Lara puis leur rappela les règles de bases en escalade pour terminer sur un
avertissement :
- N’oubliez jamais que la montagne est instable
et dangereuse, même lorsque vous pensez maîtriser la situation. Grimper est
déjà une épreuve de jour alors inutile de vous dire combien c’est risqué de
nuit. Si Frédéric trouve un chemin, suivez-le. Quoi qu’il dise ou fasse, faites
comme lui sans discuter, ni vous posez de questions.
Lex fixa tour à tour chacun des jumeaux et ils
acquiescèrent. Elle les serra à nouveau contre elle et ils firent de même.
Ils se tournèrent vers Tia qui discutait avec
Frédéric.
- Une dernière chose, leur dit-elle à tous. Une
fois là-haut, ne nous attendez pas. On se débrouillera. Je t’ai montré où
aller, fit-elle à Frédéric. Rendez-vous chez les fils du vent.
- Mais maman, protesta Lara…
- Pas de ça, Lara ! L’interrompit sèchement
la mercenaire, en dehors d’ici c’est le désert, souviens-t-en. Aucune cachette,
aucune embuscade possible. Là haut, seule la vitesse compte. Alors mettez à
profit le temps que l’on vous donne et rejoignez les fils du vent. Parlez-leur
et convainquez-les de nous aider, parce que lorsque l’on arrivera jusqu'à vous,
on ne sera pas seule. Loin de là.
Lara réprima un mouvement d’humeur devant la
sécheresse de sa mère. Pourquoi ne pouvait-elle jamais lui expliquer les choses
aussi gentiment qu’à Len ?! Mais comme ce n’était pas le moment, elle
refoula ses pensées et se concentra sur ses propos. Elle avait raison. Comme
d’habitude ; aussi elle promit de faire ce qu’elle leur demandait mais
avec une pointe d’inquiétude.
Elle aimait sa mère mais ne pensait pas comme
Len qu’elle était invincible. Oh, elle était incroyable et il y avait peu de
chance qu’il y ait qui que se soit de plus fort qu’elle sur cette terre, mais
ça ne la mettait pas à l’abri des accidents, comme le prouvait son poignet
cassé.
D’ailleurs comment allait-elle grimper avec
ça ?! Lara jeta un regard alarmé à son poignet et Lex le vit. Elle aurait
voulu la rassurer, mais qu’aurait-elle pu lui dire ? Elle partageait ses
craintes.
Elle s’approcha tout de même de sa fille
adoptive et mit une main sur son bras.
- Je prendrais soin d’elle, ne t’en fais pas.
Une fois de plus la confiance qu’elle lut dans
son regard, stupéfia et toucha Lex profondément. Elle n’aurait jamais pensé
qu’entre les deux jumeaux elle serait celle qui aurait le plus confiance en ses
capacités. Puis elle se souvint d’une conversation qu’elles avaient eu. Lara
lui avait dit voir combien Lex aimait sa mère. Elle avait vu son courage aussi
et savait que Lex préfèrerait mourir que de laisser quoi que se soit arriver à
sa Tia chérie.
Lara avait simplement confiance en l’amour de
Lex pour sa mère. Néanmoins cette confiance la touchait énormément et lui
rendit une partie de son assurance.
Lara dit alors une chose qui la toucha encore
plus et lui donna une force qu’elle ne se soupçonnait pas posséder.
- Fais attention à toi aussi, lui dit-elle avec
inquiétude. Je n’ai pas plus envie de perdre maman que toi. Je tiens à mes deux
mères, ajouta-t-elle avec un petit sourire, même si j’ai mis le temps.
Le sourire de Lex fut comme un véritable rayon
de soleil qui transperça la nuit et Lara vit pour la première fois combien sa
seconde mère tenait à elle. Elles se serrèrent l’une contre l’autre avec force
puis se séparèrent, un peu embarrassées.
Tia les vit faire avec un sourire puis lançant
un dernier regard à sa petite famille, fit un geste d’adieu et entraîna Lex
dans les profondeurs de la forêt.
************************************
Tia et Alexia s’étaient séparées un peu avant,
dans l’optique de ne pas être deux à se faire capturer en cas de problème. Mais
elles étaient à porter de vue, afin de pouvoir se porter secours rapidement.
Cela faisait une demi-heure qu’elles piégeaient avec une grande efficacité, née
de leur expérience, tous les gardes et équipes de soldats passant à leur
portée.
Jusqu’a présent, si elles avaient surpris, elles
n’avaient elles-mêmes jamais été surprises. Ceci dit cela ne tarderait pas à
changer elles le savaient. Ils étaient bien plus nombreux qu’elles. Mais elles
ne cherchaient pas à remporter la victoire, juste à gagner du temps.
Tia était gênée par son poignet. La douleur
était constante et elle savait bien que l’utiliser n’arrangerait rien. Mais que
pouvait-elle faire d’autre ? Avec Ashee dans les parages elle ne pouvait
s’handicaper volontairement.
Elle savait faire avec la douleur, la repousser
ou s’en servir comme d’un motivateur. Mais elle était relativement fatiguée et
avait un peu de mal à se concentrer. Cela venait principalement du fait que la
flamme de sa louve ne cessait de s’agiter et de tenter de prendre le contrôle
sur elle.
Tia ne reniait pas l’avantage que la force de la
louve pouvait lui apporter mais sa soif du sang lui faisait prendre des risques
irréfléchis et dans leur situation actuelle, elle avait besoin de son intellect
et non de ses muscles. Et puis elle n’était pas vraiment sûre de pouvoir
revenir à elle aussi facilement qu’elle le pouvait avant la cérémonie de
liaison des âmes.
Elle n’était pas du tout prête pour leur fusion.
Elle repoussait donc sans arrêt la louve en elle
et se fatiguait de plus en plus à le faire. Cela la distrayait trop et lui
prenait son énergie.
A chaque fois qu’elle et Lex se retrouvaient
au-dessus d’un des corps inanimés de leurs ennemis, Lex voyait les traits de sa
femme se creuser un peu plus. Elle aurait aimé se concentrer sur leur lien mais
cela demandait un peu de temps, de l’immobilité et une concentration dont elle
avait besoin pour l’instant.
Lex n’était pas encore suffisamment habituée à
ce lien entre elles pour le maîtriser correctement mais si elles se sortaient
de ce guêpier, elle avait bien l’intention de s’entraîner autant qu’il le
faudrait. Tia avait besoin de toutes ses capacités dans ce genre de situation et
la louve ne faisait que compliquer les choses.
Une fois de plus, elle regretta son impulsivité
à vouloir célébrer la cérémonie d’union. Elle aurait dû poser plus de questions
au vieux petit bonhomme, à se renseigner plus en profondeur sur les conséquences
d’une telle chose.
Mais l’avertissement de l’étrange boutiquier de
même que sa frayeur au retour de Tia l’avait poussé à précipiter les choses.
Tia ne lui reprochait rien, et même semblait
heureuse de cette union mais Lex s’en voulait lorsqu’elle voyait les
difficultés que sa compagne avait à rester elle-même. Cependant ce n’était pas
l’endroit pour se poser ce genre de question et elle repoussa le tout loin en
elle.
Alors qu’elles avançaient aussi silencieuses que
deux panthères, Ashee surgit soudain aux côtés de Lex alors même que quatre
hommes tombaient sur sa compagne.
Au moment où la main d’Ashee entrait en contact
avec sa peau, Alexia fut plongée dans son passé. Ou plutôt ses passés. Des
flots d’images ininterrompues défilèrent dans sa tête au point qu’elle en eut
mal.
Alexia vit, qu’excepté lors de son existence en
tant que Gabrielle, elle n’avait plus jamais pu vivre une histoire avec son âme
sœur. Elle l’avait parfois rencontrée mais à peine celle-ci faite, son aimée
mourrait.
Elle se vit en train de pleurer, âme perdue qui
cherchait sa moitié sans jamais la trouver parce qu’aussitôt morte, Xena
renaissait. Le nombre de vie que Gabrielle avait passé à la chercher était
incalculable. Elle avait maudit les dieux de leur cruauté. Et maudit Xena de
l’avoir quitté pour des âmes qui réclamaient une chose dont elle n’était pas
responsable.
Elle avait essayé de la haïr, et y était presque
parvenue lorsqu’elle avait sacrifié leur amour pour une dette qui n’était pas
la sienne.
Pourtant jamais, malgré la douleur, elle n’avait
abandonné l’espoir de pouvoir la retrouver enfin. Et en tant qu’Alexia, elle
avait retrouvé sa Tia.
Ashee arrêta le défilement de sa mémoire sur une
image. Elle en train de lire sa feuille de résultat. Elle risquait à nouveau de
la perdre. Tia, Xena, Gaïa ou Maréva… peut importe le nom qu’elle avait porté
au cours de ses vies. Elle allait à nouveau perdre son âme sœur.
Et la terreur à cette idée était aussi puissante
que sa douleur. Elle avait mis tant de siècles à la retrouver. Combien de vies
devrait-elle encore vivre avant de pouvoir enfin la retrouver ? Quand
allaient-elles toutes deux avoir droit au repos ? Que devaient-elles faire
pour gagner ce droit ?
Lex accepterait des milliers d’années
d’existence sans jamais aucun répit si elle pouvait les passer avec son aimée.
Mais le destin, karma ou les dieux… étaient joueurs et elle savait qu’elle
passerait bien plus de siècles seule qu’avec son âme sœur.
Cette perspective était si douloureuse, si
horrifiante, qu’elle tomba à genoux en se recroquevillant. Elle ne voulait pas
mourir. Elle ne voulait pas quitter Tia encore une fois. Pourquoi ne
pouvait-elle pas vivre simplement avec elle ?!
Depuis le début de leur fuite, elle avait
refoulé sa peur et sa douleur pour simplement profiter du temps qu’elles
avaient ensemble. Mais là… en cet instant… Ashee faisait remonter tout ce
qu’elle cachait en elle et elle ne parvenait pas à le contrôler.
Ashee rit de la voir si impuissante et alors
qu’elle s’apprêtait à lui donner le coup de grâce, elle eut un flash. L’avenir
ouvrit une brèche devant elle et elle vit.
Un sourire incrédule et ravi naquit sur ses
lèvres et elle se baissa vivement pour se mettre à la hauteur de la petite
blonde. Elle se pencha vers son oreille et rompit le contact avec son passé.
Lex revint à elle, tremblante et suffocante pour entendre la voix perfide de la
chaman lui chuchoter son futur.
- Tu la trahiras, dit-elle avec une joie
sauvage.
Sachant parfaitement de qui Ashee parlait, Lex
secoua la tête refusant de la croire.
- Tu la trahiras pour nous, insista Ashee.
Regarde, fit-elle en se reculant.
Elle posa une main presque douce sur sa joue et
Lex vit.
Ses lèvres horrifiées formèrent un cri muet et
un non inaudible hurla en elle. Ce qu’elle voyait était impossible et pourtant…
Ashee coupa le contact et Lex se rejeta en
arrière.
- Non, non, non, c’est impossible, non. Je ne
ferais jamais une chose pareille, non.
Choquée au-delà du possible par le futur
entrevu, Lex ne pouvait que répéter encore et encore son horreur. Elle ne
pouvait pas, ne voulait pas accepter une telle chose.
Profitant de son immobilisme, Ashee s’approcha
de nouveau d’elle. Alexia pouvait être une très bonne source d’informations.
Beaucoup de questions étaient posées et elle possédait si peu de réponses.
Elle posa à nouveau sa main sur la tête remuante
de la petite blonde et laissa le passé, le présent et le futur se mélanger pour
lui montrer ce dont elle aurait besoin.
Un lent sourire triomphant déforma son visage et
Ashee apprit tout ce dont elle aurait besoin pour mener à bien ses projets.
Concentrée sur ses propres visions, elle ne fit pas attention aux images qui
frappaient Alexia.
La petite femme revoyait les pires moments de
ses existences passées. Les images la percutaient avec la force de battes de
base-ball lancées à pleine puissance. Elle se recroquevilla sur le sol, en se
tordant à chaque fois qu’elle revivait une torture, une blessure ou une
souffrance morale.
Bientôt son visage ressembla à un patchwork de
rouge, jaune, bleu et noir. Des bleus et des coupures le couvraient
entièrement. Son corps n’était plus qu’une immense plaie qui la faisait
souffrir à chaque inspiration et elle perdit bientôt le contact avec la
réalité.
Ashee se releva satisfaite et contempla le corps
frissonnant à ses pieds avec un sourire sadique. Elle avait vu le futur. Si
Alexia mourrait maintenant, cela ne le changerait pas. Mais dans le cas où elle
survivrait, elle lui serait d’une aide précieuse.
Immensément satisfaite elle leva la main pour
que ses soldats viennent s’occuper de la petite blonde, mais personne ne vint.
Elle fronça les sourcils et regarda autour d’elle. Ses hommes gisaient un peu
partout, plus ou moins vivant, mais très certainement d’aucune utilité.
Elle siffla une trille ardente et attendit
quelques secondes. On lui répondit et elle attendit qu’une autre équipe la
rejoigne. Elle ne voyait la mercenaire nulle part ce qui la surprenait
beaucoup. Xena n’aurait jamais abandonné Gabrielle.
Toute ces vies sans son âme sœur les
auraient-elles finalement plus éloignées qu’elle ne l’aurait cru ?
Quoi qu’il en soit, ce qu’elle avait vu dans
l’esprit d’Alexia confirmait ses soupçons. Tia était la gardienne et son peuple
allait très bientôt en avoir la preuve. Ses enfants étaient leurs élus et ils
étaient hors de questions qu’ils lui échappent. Et même si elle ne savait pas
exactement où ils se trouvaient… ils avaient des oreilles comme tout le monde.
***************************************
Les jumeaux étaient en train de grimper à la
suite de Frédéric. Faisant très attention à l’endroit où ils posaient les pieds
et cherchant l’anfractuosité suivante avec concentration. Ils étaient fatigués,
la varappe n’était pas un sport facile dans de bonnes conditions, alors
ici…
Les muscles tremblants et douloureux, le souffle
court et la sueur dégoulinant dans leurs yeux, ils gardaient les yeux fixés sur
le sommet comme le leur avait appris Alexia. Ainsi ils ne voyaient que leur
objectif, le but à atteindre et restaient concentrés.
Alors qu’ils rejoignaient Frédéric sur une
petite corniche qui leurs permettraient de reprendre leur souffle et détendre
leurs muscles tout en se réhydratant, une voix résonna dans tout le cratère.
La voix provenait du centre du village et
couvrait, on ne sait comment, le bruit de la cascade à leur gauche. Ils
fixèrent le village à leurs pieds et se regardèrent perplexe. Puis la voix
retentit à nouveau et ils comprirent qu’elle s’adressait à eux.
Frédéric les repoussa contre la roche et les
incita à se fondre dans le noir. Puis ils écoutèrent attentivement ce que la
voix disait.
- Je sais que vous m’entendez les enfants.
A ces mots les jumeaux surent qui parlait. La
chaman.
- Vous vous êtes toujours demandé ce qui était
advenu de votre père, n’est-ce pas ?
Les jumeaux se figèrent. Comment savait-elle
ça ? Même leur mère n’en savait rien. Mais Lex en revanche… elle devinait
des choses et… Len lui avait posé des questions. Elle savait que ça les
préoccupaient mais par loyauté envers Tia peut-être, elle n’avait jamais rien
dit.
Ceci étant, ça n’expliquait pas comment cette
femme pouvait savoir une telle chose.
- Et si je vous disais que votre père est
mort ? Mort assassiné il y a trois ans.
Les jumeaux ouvrirent de grands yeux choqués.
- Assassiné… C’était un grand homme vous
savez ? Lara lui ressemble beaucoup d’ailleurs.
Lara jeta un regard à son frère. Ils étaient
tous les deux troublés. Qu’est-ce que tout cela voulait dire ? Et pourquoi
leur révélait-elle ça ? Ils sentirent une main forte se poser sur leurs
épaules et levèrent les yeux vers leur ancien tuteur. Ils furent rassurés par
sa présence et écoutèrent la suite.
- Vous savez comment il est mort ?
Sans s’en rendre compte ils secouèrent la tête.
- On l’a battu à mort. Et vous savez qui l’a
fait ? Qui à son sang sur les mains ?
A nouveau les jumeaux secouèrent la tête.
- Votre mère.
Le silence s’abattit soudain sur le village et
quelque part dans la forêt, Tia se figea. La peur remplaça la colère et lui
tordit le ventre. « Pourvu qu’ils n’aient rien entendu »,
songea-t-elle avec un espoir vain.
Elle se tourna vers la paroi où ils devaient se
trouver mais ne les distingua pas dans la pénombre ambiante. Elle déglutit et
essaya de repousser la frayeur qui menaçait de la distraire définitivement.
Elle se concentra sur Lex. Sa Lex se tordant de
douleurs au pied de cette salope d’Alti. Son rire retentit soudain et elle en
eut marre. Elle cessa sa lutte et laissa la louve l’envahir. Et soudain elle
fut là. A ses côtés. Pelage noir, sur nuit noire. Seuls ses yeux bleu glacier
brillaient dans l’obscurité.
Elles échangèrent un long regard et Tia sentit
une force sauvage courir dans ses veines et lui donner une nouvelle énergie.
Tia rompit le contact et se tourna vers la source de la voix. Elle était partie
en laissant Lex derrière elle dans l’espoir que la chaman la suive, mais ça
n’avait pas marché.
Elle avait toujours été une obsession pour Alti,
elle s’en souvenait, mais comme une arme lui permettant d’assouvir ses
fantasmes et ses ambitions. Elle pouvait se passer d’elle à la différence de
Sassem.
Si cette salope ne la suivait pas alors, se
serait elle qui la traquerait. Elle n’était plus une victime et comme l’avait
si bien souligné cette chère Ashee, elle était en mesure de détruire ses
bourreaux.
Et Ashee allait vite s’en rendre compte.
Chapitre 9 :
Les jumeaux ne bougeaient plus. Ils n’entendaient ni ne
sentaient plus rien. C’était impossible. Cette femme mentait. Puis cela frappa
Lara. Bien sûr que cette femme mentait ! C’était évident ! Elle
voulait les ralentir pour les reprendre !
Sa mère les avait mis en garde de ne rien croire de ce qui
sortait de la bouche de cette femme. A rester prostrés ici, ils faisaient son
jeu et mettaient leurs mères d’autant plus en danger. Lara se tourna vers son
frère et le secoua.
Il cligna des yeux et secoua la tête posant un regard perdu
sur elle. Elle lui prit la main et dit d’un ton ferme :
- Elle ment Len ! Elle veut juste que nous oublions de
fuir, histoire de mettre nos mères en danger. N’oublie pas qu’elle n’est
pas notre amie. On doit arriver en haut aussi vite que possible.
Len acquiesça et Frédéric soupira soulagé. Il ne voyait pas
du tout ce qu’il aurait pu leur dire s’ils l’avaient interrogé. Il sentait
toutefois que cette discussion était loin d’être terminée et que l’avenir
réservait, décidément, à sa protégée beaucoup d’ennuis.
Ils reprirent leur ascension sans plus attendre, une
détermination toute fraîche animant les jumeaux et le passage derrière la
cascade apparut rapidement.
Une fois parvenus à la corniche qui y menait, il tira les
jumeaux au sol et espéra que l’une des deux femmes les verraient et sauraient
qu’a leur tour, elles pouvaient grimper. Cependant, même s’il en mourrait
d’envie, ils ne pouvaient pas les attendre. Il entraîna les enfants derrière le
rideau d’eau, appréciant les éclaboussures d’eau qui rafraîchissaient son corps
en sueur.
Une fois à l’abri des regards, il se rapprocha du bord et
scruta le terrain en contrebas et Len et Lara firent de même. Tous trois
fixèrent le village et les bois l’entourant un moment, espérant contre toute
attente apercevoir Lex et Tia, mais rien ne se passa et ils durent prendre la
route.
Un dernier regard en arrière et Frédéric entraîna les
jumeaux au loin.
**********************************
Tia fonçait à travers les bois à une vitesse vertigineuse.
Suivit de sa louve, Tia fondait sur la chaman au dernier endroit où elle
l’avait aperçue. Près de Lex.
Elle arriva très vite et vit sa compagne sur le sol.
Recroquevillée en position fœtal, elle était parcourue de spasmes irréguliers.
Un rapide tour d’horizon lui apprit que trois gardes l’attendaient en embuscade
sur la droite et trois autres sur sa gauche.
Sans même se consulter, la louve et elle se séparèrent et
pendant que Tia se chargeait des hommes sur sa droite, la louve bondissait avec
un grognement sauvage sur ceux à sa gauche.
Tia entendit des cris de peur, de douleur et sentit l’odeur
du sang et celui de la peur. Elle tomba sur sa première victime avec un rictus
digne de sa louve. Elle lui arracha sa machette et la lui planta directement dans
le cœur. Elle n’avait pas de temps à perdre en conséquences, elle virevolta sur
elle-même et trancha la gorge du second bien trop vite pour qu’il ait le temps
de voir quoi que se soit.
Le sang gicla et l’éclaboussa mais elle n’en tint pas
compte. Le troisième homme recula, effrayé par cette furie aux yeux de loup qui
bougeait si vite qu’il la voyait à peine. Un sifflement soudain derrière lui,
lui fit comprendre que sa chef était là et il remercia les dieux de sa chance.
Elle lui ordonna de retourner au village et de rameuter les renforts avant de
se rendre directement auprès des anciens pour leur raconter en détail ce qu’il
venait de voir.
Au moment où il acquiesçait la femme aux yeux de loup se
jeta sur lui mais fut heureusement repousser au loin par les pouvoirs de sa
chaman.
Il la remercia et partit en courant. Il savait ce qu’elle
voulait qu’il fasse et pourquoi et après ce qu’il venait de voir, il ne pouvait
que s’incliner devant la vérité. La grande femme était bien la Gardienne et ses
jumeaux ne pouvaient donc qu’être les élus attendus par leur peuple.
Il frissonna d’anticipation à l’idée qu’enfin leur temps
était venu. Il était heureux de savoir qu’il verrait la réalisation de la
prophétie de son vivant.
Tia frappa le tronc derrière elle et tomba lourdement à
terre, lâchant la machette. Pourtant elle se releva aussitôt, ne ressentant pas
la douleur. C’était toujours ainsi lorsque la louve la possédait. Il n’y avait
rien d’autre en elle que sa soif de vaincre et ni la peur, ni la douleur n’entrait
en ligne de compte.
Elle se jeta sans plus réfléchir sur Ashee qui lui envoya
une nouvelle image douloureuse à l’esprit. Tia tomba à genoux mais se releva
aussitôt. Dans le même mouvement elle se jeta sur Ashee et celle-ci surprise
par sa résistance sentit deux mains fortes enserrer son cou.
La chaman porta ses mains sur celles de la mercenaire dans
un réflexe inutile. Tia était beaucoup plus forte qu’elle et Ashee sentit le
souffle commencer à se faire rare. Les yeux brillants de crainte, elle ne pouvait
pas mourir ici, comme ça, si proche de la réalisation de son rêve, elle puisa
dans leur contact tout ce que Tia avait vécu de plus horrible et le lui envoya
en rafale.
Tout d’abord cela ne sembla même pas l’affecter puis Ashee
vit la grande femme se mettre à trembler, clignant furieusement des yeux pour
chasser les images qui s’y incrustaient.
Du sang commença à couler de son nez, mais Tia ne lâchait
toujours pas prise. Alors Ashee sans cesser l’envoie de ces images en boucle,
puisa dans toutes les anciennes vies de Tia et ajouta les images à celles déjà
passantes.
Tia écarquilla les yeux et tomba à genoux. Des flots de sang
coulaient le long de son corps et elle hurla. Dans une ancienne vie elle était
morte le bras arraché par un camion et la brûlure de l’impact, l’étirement des
muscles, leurs arrachement brutal et pourtant trop lent, les os craquants tout
lui revint comme si cela arrivait de nouveau maintenant.
Le sang coula de son épaule et pourtant son bras était
toujours présent. Mais il ne fonctionnait plus, il était comme un poids mort
contre son torse. Elle sentit les os de ses jambes se briser lorsque César
ordonna à Brutus d’abattre la masse sur elle. Elle entendit ses côtes se briser
lorsque son mari, dans une autre de ses vies, la frappa comme si elle était son
putching-ball. Elle vit un morceau de sa cervelle voler au loin avant de
comprendre dans une dernière pensée, qu’elle était morte.
Du sang coula de ses oreilles et un bourdonnement envahit
totalement son esprit. Sa vue se brouilla et elle tomba en avant.
Soudain un hurlement sauvage retentit et brouilla la
concentration de la chaman. Ashee tourna la tête vers le bruit et vit un éclair
de crocs et de bleu fondre sur elle. Et elle se souvint du loup. Comment
avait-elle pu l’oublier ?!
Elle n’eut pas le temps de se poser plus de questions car la
bête s’abattit de tout son poids sur elle. Avec la violence propre à sa race,
elle déchiqueta la peau à sa portée et Ashee hurla en sentant les dents percer
la peau de son visage et le sang se répandre dans son cou.
Mais la louve n’en avait pas terminé avec elle et elle
planta ses crocs dans son épaule et l’arracha.
Ashee porta une main tremblante sur le pelage de l’animal
mais ne put faire remonter un seul souvenir qui soit utile. Ce loup était plein
de noirceur et de ténèbres et la soif de sang coulait en lui. Il y avait bien des images de mort et destruction
mais il s’agissait de souvenirs mettant en scène Xena et elle ne comprenait pas
pourquoi ce loup en avait.
Elle tenta tout de même de les retourner contre lui mais
rien ne se passa, le loup semblait au contraire tirer plus de force de ces
souvenirs.
Tia gémit et roula sur le dos. Elle vit sa louve ou plutôt
l’autre partie d’elle-même s’acharner sur la chaman et elle rit. Elle était au
diapason de son âme noire. Sa souffrance alliée à l’énergie sombre qui la
parcourait la rendait aussi impitoyable que la louve.
Puis son regarda tomba sur sa femme et la colère enfla. Elle
serra les poings et sentit la bague s’enfoncer dans sa peau. Elle la regarda et
se souvint des mots qui y étaient inscrits. « Prends soin de toi ».
Si elle laissait la louve tuer cette femme ainsi… se serait comme si c’était
elle qui l’avait fait.
Cette femme pourrait mourir de façon aussi atroce que
Sassem. Et ce n’était assurément pas la bonne façon de prendre soin
d’elle-même.
Tia siffla.
- Laisse-la.
La louve s’interrompit et releva la tête. Son regard, aussi
sauvage que si elle était réellement une des bêtes de la forêt, se vrilla au
sien et lui communiqua sa soif de sang. Tia lutta et se cambra, gémissant de
douleur autante que de colère.
- Tu n’as pas à me dicter mes pensées !! Hurla-t-elle.
La louve sursauta soudainement et recula comme frappée par
un poing de pierre. Elle gémit et courba la tête. Tia la vit faire stupéfaite.
C’était la première fois qu’elle soumettait la louve. Peut-être que Lex avait
eu raison finalement. Le jour où elle sera capable de fusionner avec elle et de
rester elle-même pourrait peut-être arriver finalement
La chaman profita de leur conflit pour sauter sur ses jambes
et s’enfuir. Tia la vit chanceler mais n’essaya pas de l’empêcher de fuir. Tia
aurait déjà bien du mal à se lever. Elle tremblait de tous ses membres et Lex
ne bougeait même plus.
La crainte pour sa compagne lui donna la force de se relever
et, avec la même volonté qui lui avait permis de survivre malgré les sévices
qu’elle avait subi dans son enfance, elle repoussa douleur, fatigue et
désespoir pour se concentrer sur son objectif. Celui qui primait sur tout.
Emmener Lex en sécurité.
Elle s’agenouilla près d’elle et vérifia avec une main
tremblante son pouls. Comme pour elle, exception faite des bleus et du sang qui
restait, Lex n’avait plus aucune blessure. La magie d’Ashee n’agissait que dans
l’instant heureusement.
Elle tourna un regard douloureux vers sa louve et dit :
- Trouve un chemin. Il faut qu’on sorte d’ici, mais je ne
pourrais jamais grimper cette paroi avec Alexia sur le dos. Je ne suis vraiment
pas en état.
La louve partit aussitôt sans rien dire. Tia se mit sur ses
pieds en gémissant et tira Lex à elle. Elle passa un bras sous ses jambes et
l’autre sous sa nuque et se redressa en tremblant. Ca allait être coton. Mais
elle n’avait pas le choix.
Elle prit la direction par laquelle la louve venait de
disparaître. Elle ne savait pas si c’était la bonne direction mais elles ne
pouvaient pas rester ici. Ashee ne tarderait pas à revenir avec des renforts.
« Pourquoi n’avait-elle pas laissé la louve la
tuer ? » Se demanda-t-elle fatiguée. « Ah oui ! Pour garder
le contrôle ! » Et c’était une réussite. Espérons que cette réussite
ne les tuerait pas !
Elle avança avec détermination et comme lorsqu’elle était
enfant et que son corps martyrisé par Pedro la faisait souffrir à chaque pas,
elle se concentra sur son objectif. Survivre. Encore et toujours. Il serait
toujours temps de se venger plus tard.
Elle repoussa la douleur, la fatigue et le découragement et
garda ancré en elle, la rage qui lui permettait d’avancer. Elle tomba sur son
âme noire presque par hasard et celle-ci lui indiqua le chemin. Tia avait
l’impression qu’il s’éloignait de la cascade mais la suivit quand même.
La louve les emmena près d’un chemin en terre qui grimpait
en serpentant le long du cratère. Tia leva la tête et ne voyant pas de fin,
soupira.
- Ca mène au sommet ? demanda-t-elle à sa louve.
Celle-ci pencha la tête sur le côté et la fixa avec l’air de
dire, « tu me prends pour qui ?! » ce qui fut exactement
la pensée qui retentit dans l’esprit de Tia. Celle-ci sursauta et regarda
autour d’elle avant de se souvenir que c’était la voix de la louve.
Elle suivit la louve sur la pente en terre et commença son
ascension.
- J’espère qu’il n’y a pas de grimpette.
« Mais non ! répondit une voix agacée dans son
esprit. J’ai remarqué ton état, je ne suis pas aveugle ! »
Tia sourit devant l’agacement manifeste de l’animal. Elle
avait aussi mauvais caractère qu’elle. Ce qui était plutôt logique quand on y
songeait. En tout cas, elle avait peut-être trouvé une utilité marrante à la
présence du prédateur. L’agacé serait sûrement aussi marrant que d’ennuyer Lex.
Elle jeta un œil au visage tuméfié de sa compagne et toute
trace de gaieté disparut.
****************************************
Après deux heures d’une ascension épuisante car en pente
constante, elles parvinrent au sommet. A aucun moment elles n’avaient été rattrapées par le vent de la destruction et
elle en fut soulagée.
- Ils ne connaissent pas ce chemin, pas vrai ?
demanda-t-elle à sa louve.
Celle-ci secoua la tête et eut une expression presque
humaine. « Ils sont bien trop content de leur entrée par la cascade
pour s’amuser à en chercher une autre. Ils sont si arrogants ! » Tia
hocha la tête en accord avec… elle-même. Ce constat lui arracha un petit rire
fatigué.
- Par où va-t-on maintenant ?
« Où veux-tu aller ? »
- Rejoindre les jumeaux et Frédéric.
« Alors suis-moi » fit l’animal en se mettant à
trotter.
- Attends, soupira la mercenaire. Pas besoin de courir. Ils
ne savent même pas qu’on est sortie du cratère.
« Peut-être mais Alti est loin d’être stupide. Et ses
pouvoirs sont puissants. Elle n’aura qu’à chercher ton essence pour comprendre.
Et même si pour l’instant, elle n’est pas trop en état,… »
Les mots, pleins d’une (« de la ») férocité
joyeuse du prédateur firent écho en Tia.
« … elle le sera bien assez tôt. Autant être aussi loin
que possible d’elle à ce moment là. Elle n’a jamais su te lâcher, ajouta
l’animal en secouant la tête ».
Soupirant, la grande femme se mit en route, trottant d’un
pas qu’elle s’efforça de rendre ferme, derrière le prédateur.
- Comment sais-tu où il faut aller ? demanda-t-elle
soudain.
« Economise ton souffle. Tu as une charge précieuse
dans les bras je te le rappelle. » La sécheresse du ton rappela à la
mercenaire qu’elle n’était pas la seule à aimer Lex. « Enfin si, je suis
la seule puisqu’elle est moi… » se dit-elle en secouant la tête devant ces
pensées inutiles.
« Pour répondre à ta question sache que c’est une
chose qui fait partie de toi. N’as-tu pas un sens de l’orientation
exceptionnel ? »
Tia hocha la tête sans rien dire.
« Et bien sache que lorsque tu es complète, tu sens
ces choses là de façon plus profonde. Tu es comme les animaux sauvages, reliés
au monde, à la nature, au souffle du vent, à la sensibilité de la terre… tu
sens toutes ces choses là au plus profond de toi même et chacune d’entre elles
te donnent des indices précieux sur ce qui les traverse, martèle et vit à
travers eux. Et tu sais. Qui, où et quand. »
Tia hocha à nouveau la tête en réfléchissant aux propos.
C’était quand même fou. Etait-elle vraiment capable de telles choses ?
Cette Xena devait vraiment être exceptionnelle… Et pourtant, elle avait choisi de se séparer d’une partie
d’elle-même.
Une fois de plus, Tia se demanda si c’était vraiment une
bonne idée de récupérer cette âme qu’elle avait elle-même mutilée. Elle devait
pourtant savoir ce qu’elle faisait à l’époque, non ?
« Non »
Le refus fut comme un cri dans sa tête et il fit trébucher
la grande femme qui faillit s’étaler par terre. Elle rétablit son équilibre et
fusilla l’animal du regard.
- Ne recommence jamais ! Pourquoi crois-tu que je te
parle à voix haute ?! Mes pensées sont à moi !
« Et à moi par conséquent, rétorqua la louve sans
tenir compte de son avertissement. Tu ne savais pas ce que tu faisais. Tu n’as
même pas réfléchi. C’est ta douleur et ta culpabilité qui t’ont fait agir. Sans
Gabrielle tu étais comme déséquilibrée. Tu t’en voulais de l’avoir quittée et
tu n’étais pas sûre de pouvoir la revoir. Elle avait droit au paradis et toi à
la renaissance. Tu t’en aies voulu d’avoir décidé pour vous deux, une fois de
plus, sans lui laisser le choix, comme si celui-ci ne la concernait pas. Tu lui
as demandé de te laisser morte et elle l’a fait, parce qu’elle a toujours
respecté tes volontés et tu t’es rendue compte que tu n’avais jamais fait la
même chose… à cause de moi… »
La louve resta silencieuse un moment puis reprit.
« Alors tu as décidé, pour elle, par amour et surtout
culpabilité, de te débarrasser de moi. »
La louve secoua la tête.
« Si Gabrielle avait été là, elle t’en aurait
empêchée. Elle t’aurait dit que c’était vain et que cela allait t’abîmer
profondément et pour des vies entières. Que se mutiler n’était pas la solution… que tu aurais dû te contrôler…
et non te détruire. Et elle aurait été infiniment malheureuse de savoir qu’elle
était la cause de ta propre mutilation. »
La louve s’arrêta soudain et leva sa tête triangulaire vers
elle.
« Tu sais que ce que tu as fait laissera des traces,
n’est-ce pas ? Que même lorsque je serais à nouveau en toi, il restera une
profonde cicatrice dans ton âme. Et qu’il va te falloir de nombreuses autres
vies pour l’effacer. Les dieux ne te pardonneront pas ce sacrilège. En temps
normal, ils t’auraient envoyé directement en enfer pour ça. Mais tu as toujours
de très bon amis parmi eux, alors ils t’ont laissé une chance. Cependant…
cependant je ne suis pas sûre qu’à la fin de cette existence ils t’accordent
aussi le temps de cicatriser. »
Tia reprit son souffle et rajusta sa prise sur sa compagne.
Elle mourrait d’envie de faire taire la louve, mais elle savait qu’elle devait
être au courant de ce qui l’attendait.
« Te rends-tu compte de ce à quoi tu as condamné
Gabrielle ? Tu devais bien savoir qu’elle n’accepterait pas le repos sans
toi, Xena. Et les dieux lui ont accordé le droit de renaître dans les mêmes
existences que les tiennes. Mais elle ne pouvait te rencontrer tant que tu
n’étais pas toi entièrement. Parce que c’est nous qu’elle aime. Le bien comme
le mal. C’est une chose qu’elle a apprise au cours de ses voyages avec nous. »
La louve reprit sa marche et Tia la suivit.
« S’ils t’ont accordé tout ces siècles, c’est
uniquement parce que le dévouement de Gabrielle n’a jamais faibli et sa
tristesse de ne pas t’avoir retrouvée ou trop brièvement à chacune de ses morts
était poignante. Mais ils commencent à s’impatienter. Et je ne pense pas que tu
auras droit à d’autres vies pour redevenir normale. J’imagine que ton sort
sera jugé sur la façon dont tu auras vécu cette vie. »
« Alors c’est mal barré, songea la grande femme avec une
inquiétude sourde. Associé à ça, elle
avait l’impression d’être la fille la plus nullissime qui n’est jamais existée.
De tout temps, elle n’avait jamais su que faire du mal à sa bien-aimée. La
culpabilité se fit plus forte à chacun de ses pas. En posant les yeux sur le
visage blessé de sa compagne, elle comprit qu’elle ne saurait jamais rien faire
d’autre.
La vie avec elle serait toujours une immense douleur pour
Lex. Enfin, Gabrielle. Une résolution nouvelle prit forme dans son esprit.
Elle ne savait pas encore comment, mais Tia était bien
décidée à y mettre un terme. Dut-elle accepter de se rendre en enfer et d’y
passer l’éternité, elle n’accepterait plus que ce soit Gabrielle/Lex qui paye
pour ses erreurs à elle.
Mais connaissant son âme sœur, cette décision risquait de
lui faire du mal. Y-avait-il une vraie solution ?
Tia ralentit et leva les yeux au ciel. Elle n’avait jamais
cru aux dieux. Parce que pour elle s’ils existaient ils lui avaient offert une
vie bien cruelle et qu’elle était déjà suffisamment en colère sans devoir en
plus leur en vouloir. Seulement maintenant elle savait que c’était de sa faute.
Peut-être pourrait-elle leur demander quoi faire, une fois
là haut ? Tia secoua la tête et se remit en route. Il fallait vraiment
qu’elle arrête de penser à la mort. Pour l’instant ce qui comptait c’était
leurs vies.
Elle se concentra donc sur le chemin encore à parcourir et
se dit que si elle devait réfléchir à quelque chose se devrait être au moyen de
guérir Lex de sa maladie.
Sur ses pensées positives, elle força ses jambes à
accélérer. Elle sentait que le vent de la destruction ne tarderait plus à se
rendre compte de son évasion.
************************************
Elle ne cessa pas sa course lorsque la nuit céda la place au
jour et lorsque la chaleur étouffante du désert la frappa impitoyablement, elle
poussa ses jambes à poursuivre et repoussa loin au fond d’elle la soif acérée
qui lui mordait la gorge et lui brûlait le ventre.
Elle savait que si elle s’arrêtait, elle ne poursuivrait
pas. Alors elle se concentrait sur le chemin à parcourir, sur le pelage de sa
louve qui lui montrait le chemin et l’incitait à poursuivre.
Elle ne sentit pas le soleil la frapper avec violence et lui
brûler la peau, pas plus qu’elle ne sentit la sueur dégouliner le long de son
dos et de son visage comme un ruisseau intarissable. Elle ne fit pas attention
aux tremblements de ses bras et de ses jambes, qui annonçaient des crampes
terribles. Et lorsque des spasmes prirent ses muscles, elle trébucha à chacun
de ses pas mais continua quand même.
Elle était comme hypnotisée et seule la volonté formidable
qui l’avait menée depuis sa première naissance et avait fait d’elle cet être
d’exception lui permettait de poursuivre. Elle focalisait ses pensées sur un
seul être. Et comme un mantra elle se répétait en boucle, « fais-le pour
Lex, fais-le pour Lex ».
Lorsqu’elle avait la force de s’interroger sur ce qui la
motivait ainsi, elle sentait l’amour profond qui la reliait à sa compagne
l’encourager.
Le jour céda sa place à la nuit et la chaleur au froid quasi
polaire. Des frissons parcoururent la peau humide de Tia et la pulsation dans
son poignet était revenue plus forte que jamais. Elle était si épuisée, qu’elle
ne parvenait même plus à éloigner la douleur et celle-ci finit par envahir
totalement son esprit.
Douleur physique, avec ses blessures, ses muscles raidis par
l’effort et la soif torturante qui ne la lâchait pas et douleur morale, avec la
culpabilité venue de la connaissance et de l’acceptation de ses erreurs.
Tia courait avec la peur, pour la première fois de ne pas
réussir à aller au bout. « Mais Alti avait toujours eu cet effet sur nous.
Alors ne t’attarde pas sur cette pensée, lui dit sa louve, car au final nous
avons toujours vaincu. »
Tia ne répondit pas,
elle n’en avait de toute façon plus la force. Lorsque les premières lueurs de
la nouvelle aube apparurent et l’aveuglèrent, elle trébucha une nouvelle fois
mais ne put se rattraper et tomba tête la première. Elle n’eut que le réflexe
de s’enrouler autour du corps de Lex pour la protéger de l’impact.
Elle toucha la terre dure et sèche sans un bruit. Ses lèvres
craquelées par la déshydratation ne pouvaient plus former un son. Elle ne put
que fixer le visage de sa bien-aimée en se demandant une fois de plus, pourquoi
elle ne s’était pas réveillée.
Que lui avait donc fait cette folle d’Ashee ?
Les rayons du soleil commencèrent à les nimber d’un halo
rosé qui firent briller les beaux cheveux blonds de sa compagne et Tia trouva
en elle la force de lever une main pour dégager une mèche de ses cheveux du
visage innocent de Lex.
Elle ne pouvait pas se relever malgré les exhortations de sa
louve. Elle était en bien trop mauvais état et la louve elle-même ne parvenait
pas à lui communiquer sa force. Elle aussi était fatiguée. Mais Tia
surtout bloquait leur lien.
Comment ? Pourquoi ? La louve n’en savait rien,
mais sentait que cela pourrait être la fin pour elles deux.
« Tu ne peux pas renoncer maintenant !
Martela-t-elle en désespoir de cause Pense à Lex ! »
- Je ne fais que ça, souffla la grande femme fatiguée.
« Crois-tu que la vie que je lui offre soit bon pour
elle ? Elle souffre depuis si longtemps par ma faute. Elle a le droit au
repos. »
« Mais bon sang tu ne comprends donc toujours
pas ?!! S’exclama la louve dans son esprit. Elle ne renoncera pas à
toi ! »
« Je sais, lui répondit-elle doucement. Mais si moi je
renonce à elle… elle n’aura d’autre choix que d’accepter le repos. Et elle le
mérite tant. » Fit-elle en fermant les yeux.
« Tu ne sais plus ce que tu dis ! C’est la
fatigue et toutes ces révélations qui parlent ! Relève-toi !
Relève-toi et marche ! Tu n’as jamais renoncé de toutes tes existences et
ce n’est pas maintenant que ça va commencer ! »
« Tu ne comprends pas. Parfois, par amour pour
quelqu’un… il faut renoncer. »
« Ce n’est pas ce qu’elle veut !!!!!! Elle n’a
jamais choisi le repos, bordel !! Tu te reproches de ne pas avoir pris ses
désirs en compte en tant que Xena et voilà que tu recommences !! Elle a
traversé les siècles pour toi !! Elle a accepté des souffrances
inimaginables pour simplement pouvoir être à tes cotées !! A nos
cotées !! Qui es-tu pour rejeter tout ce courage et cette bravoure comme
si cela ne comptait pas ?!!! Tu n’as pas le droit de lui faire ça !
Pas le droit de me faire ça !! Nous t’avons attendue toutes les deux aussi
patiemment que cela nous était permis ! Alors tu nous le dois !! Tu
nous dois de poursuivre !! »
Les mots se gravèrent dans l’esprit de Tia et touchèrent
quelque chose. La louve avait raison. Elle posa ses mains sèches et
douloureuses sur le sol et poussa. Après d’intenses efforts, elle parvint à se
mettre à genoux.
Mais cela lui avait
demandé une énergie considérable et elle haletait, la langue comme du papier de
verre, elle avait l’impression d’être en feu de l’intérieur. Elle avait si
soif…
Et soudain l’enfer se déchaîna. Elle entendit d’abord les
cris… puis elle les vit. Le vent de la destruction l’avait retrouvée.
Elle gémit et fixa l’horizon qui se noircissait à leur
approche avec désespoir.
Fin partie V
Partie VI : Une nouvelle
mercenaire.
Chapitre 1 :
Elle cligna des yeux alors que la sueur
ruisselait de nouveau dans ses yeux et se remit debout tant bien que
mal. Tremblante sur ses jambes, elle prit une profonde inspiration et fit
face à la tribu hurlante.
Elle posa un regard de
regret sur sa compagne.
« Laisse-moi
t’aider » entendit-elle soudain. Tia fixa l’animal qui était une autre
partie d’elle et haussa les épaules.
- Je n’ai pas le choix
de toute façon, fit-elle d’une voix cassée.
Elle jeta un dernier
regard à sa compagne et fermant les yeux s’ouvrit à la flamme de sa louve.
Presque immédiatement un courant d’énergie parcourut ses veines, redonnant une
vigueur nouvelle à ses muscles épuisés.
Mais à travers leur
connexion, elle sentit la fatigue de son âme noire. Son énergie n’était
pas inépuisable et elles allaient avoir du mal à faire face aux hommes arrivants. Mais pour Lex…
elles allaient essayer.
Tia se mit en position
de combat et déglutit. La sécheresse de sa gorge lui envoyant des petits pics
de douleur. Elle regarda son poignet et le bandage fait par sa femme deux jours auparavant. Il
était sale et lâche et ne servait plus à rien. La douleur était forte mais elle
pourrait faire avec. De toute façon, elle n’avait pas le choix.
Ils furent rapidement
sur elles et elle se jeta en avant, n’ayant pas pour habitude d’attendre les
coups. Elle lança son poing dans le premier visage à sa portée tout en pivotant
pour jeter son pied dans le visage du second.
Sa louve ne resta pas
en arrière, d’un coup de dents, elle arracha une gorge avant de bondir sur un
second homme pour enfoncer ses crocs dans le bras qui menaçait d’envoyer une
lance sur Tia.
Toutes
deux se mirent dos à dos et virevoltèrent, utilisant leur vitesse bien
supérieure à la moyenne pour garder l’avantage. Elles donnèrent coup sur coup,
frappant sans répit avec précision et de façon impitoyable mais leurs
adversaires étaient plus nombreux, en meilleure forme et apparemment, très
motivés.
Tia ne comprenait pas
cette soudaine flambée de violence. Elle contrastait tellement avec la
nonchalance dont ils avaient fait preuve jusqu’à présent qu’elle avait du mal à
les associer à cette sauvagerie nouvelle.
Ils possédaient tous
une lueur de folie dans les
yeux qui la mit très mal à l’aise, d’autant qu’elle semblait avoir décuplé
leurs forces. A mesure que le temps passait, les forces de Tia et de la louve
déclinaient. Si elle sentait que sa louve avait encore des réserves, la
mercenaire, elle, savait qu’elle arrivait au bout.
Elle repoussa
l’attaque d’un assaillant mais ne réussit pas à éviter celle du suivant et prit
son poing en pleine figure. Elle sentit une douleur aveuglante déchirer son cocon de
fatigue et du sang couler de son
nez en abondance.
Elle vacilla mais tint
bon et frappa la glotte de son adversaire qui s’écroula en se tenant le cou
comme une carpe cherchant son air. « Si seulement ils ne se relevaient
pas systématiquement », songea-t-elle découragée.
Elle ne comprenait pas
comment certains faisaient pour tenir encore debout. Comme l’homme dont sa
louve avait déchiqueté la jambe ou celui qui n’avait qu’une gorge béante en
guise de cou. Elle prit un mauvais coup dans les côtes et se plia en deux.
Aussitôt l’un d’eux en profita pour l’envoyer au sol d’un coup de poing à la mâchoire.
Elle s’affala sur le
sol comme un pantin privé de vie.
Elle était si
fatiguée.
Elle se retourna sur
le dos et les vit s’approcher. Soudain un éclair noir surgit devant elle et un
claquement suivit d’un grondement aussi puissant que l’enfer se fit entendre.
C’était sa louve qui
se tenait devant elle, les crocs saillants, poil hérissé, elle maintenait leurs
adversaires à distance.
Tia se rendit compte
qu’aucun des hommes présents n’osait toucher la louve et que pendant la
bataille aucun d’entre eux n’avait cherché à la blessée. Ils étaient tous
concentrés sur elle, même lorsque la louve déchiquetait leurs membres.
Elle ne chercha pas à
comprendre, ni même à profiter de l’aubaine pour se relever. Elle était allée
au bout de ses forces. Elle fixa la louve et les guerriers du vent de la
destruction au-delà d’un regard presque sans vie.
Elle en vit certains
commencer à contourner la louve pour l’atteindre, elle, Tia, par derrière et la
mercenaire sut qu’elle n’en avait plus pour très longtemps. Elle aurait aimé
bouger, pour au moins, mourir comme elle avait vécu. Comme une guerrière, les
armes à la main, mais ses muscles étaient si tétanisés qu’ils ne répondaient
plus.
Elle essaya encore
pourtant et tout ce que cela lui valut fut une douleur déchirante et un cri. Un
voile noir commença à recouvrir ses yeux et elle sut que c’était la fin. Elle
entendit vaguement au loin d’autres cris et reconnut le pas caractéristique de
sabots martelant le sol à un train d’enfer.
Puis le monde sombra.
Sons, couleurs, formes, sensations… tout disparu.
*********************************
Lex se réveilla au son
d’un tambour. Elle passa de longues minutes à essayer de deviner si le son
qu’elle entendait était réel ou un prolongement de son rêve. Puis la douleur
qui crispait tout son corps lui fit comprendre qu’elle était bel et bien
réveillée.
Elle ouvrit des yeux prudents, surtout parce
qu’une pulsation frappait son crâne avec insistance et qu’elle craignait la
réaction de sa tête lorsqu’elle rencontrerait les rayons du soleil. A sa grande
surprise, il ne se passa rien.
Elle dut plisser un
peu les yeux devant la luminosité de la pièce où elle se trouvait mais elle ne
perçut aucune souffrance. Elle ouvrit donc de grands yeux curieux et tout en
testant doucement ses muscles elle observa son environnement. Il était lumineux
et convivial.
Ses muscles étaient
raides mais aucun élancement douloureux ne la traversa. Satisfaite, elle se
redressa. Et grimaça. Elle se tâta le visage et sentit son côté droit gonflé et
chaud. Comment s’était-elle fait ça ?
Elle repoussa le drap
pour vérifier le reste de son corps et constata qu’elle avait des bleus aussi
sur le torse. Etrangement, cela ne lui faisait quasiment pas mal. Puis son
regard tomba sur le drap qui la recouvrait et vit qu’il était fait d’une étoffe
d’une rare douceur et d’une grande finesse.
Elle fronça les
sourcils et regardant un peu plus attentivement autour d’elle, vit qu’elle se
trouvait sous une tente meublée avec goût et de riches atours. Où diable
était-elle ?! Elle se leva avec précaution et posa ses pieds nus sur le
tapis tissé à la main et si large qu’il couvrait la totalité du sol de la
tente. Il était rouge sang avec des dessins noirs tribaux et doux comme de la
soie.
Lex se tint debout un
instant et sentant une douce brise sur sa peau en conclut deux choses. D’une,
au vu des endroits inhabituels où elle sentait le vent passer, elle était
entièrement nue. Deux, le vent ne passait pas à travers les tentes comme ça.
Autrement dit, quelqu’un venait d’entrer.
Elle se retourna
vivement vers l’entrée de la tente et vit une femme de sa taille, à la peau
mate et au sourire aussi doux que le miel la toiser avec gentillesse. Elle
avait de longs cheveux nattés en une multitude de petites tresses perlées. Son
regard détaillait avec une grande curiosité son corps pâle et ses cheveux
dorés.
Elle put même voir une
lueur appréciative ce qui lui fit monter le rouge aux joues et la fit se
précipiter sur le drap dont elle se recouvrit.
La femme rit doucement
et s’approcha. Elle s’inclina et déclara avec un geste vers le drap.
- Cela est inutile,
j’ai vu tout ce qu’il y avait à voir lorsque je te soignais.
- Ben apparemment pas,
vu le regard que vous m’avez lancé y’a pas trois secondes, marmonna-t-elle
embarrassée et un peu en colère.
La femme rit de
nouveau.
- C’est juste que j’ai
toujours le même choc à chaque fois que je vois votre peau et vos cheveux. Et
maintenant que je vois vos yeux, fit-elle en se penchant sur elle, je dois dire
que je ne vais plus pouvoir vous lâcher du regard ! Vous êtes si
différente de nous.
Alexia recula un peu
en considérant cette femme étrange.
- Ok. Euh… rembobinons
ok ? Euh… où suis-je et qui êtes-vous ?
- Oh pardon, fit la
femme en écarquillant de grands yeux contrits. Je me nomme Ashantra et tu es
dans la tente du chef de la tribu Est des fils du vent. Je suis sa petite sœur
et n’étant pas mariée, je vis avec lui, expliqua-t-elle joyeusement.
- La … tribu
Est ? Répéta-t-elle
l’air de ne pas comprendre.
Elle secoua la tête.
- Je ne comprends
rien. Où es Tia ? Et
comment a-t-on atterri
ici ?
- La grande femme aux
superbes cheveux noirs ?
- Oui, c’est ça !
fit Lex en se disant que cette femme était vraiment étrange.
Elle faisait une
fixation sur les cheveux ou quoi ?
- Elle est encore dans
la tente du guérisseur.
Lex se redressa
aussitôt.
- Du guérisseur ?
Fit-elle avec inquiétude.
Pourquoi ? Qu’est-ce qui lui est arrivée ? Elle va bien ?
Ashantra sourit et
secoua doucement la tête.
- Elle va bien. Le
désert à juste eut un mauvais effet sur elle et elle est un peu faible. Mais ça
va aller.
- Ok. Je veux la voir,
fit Lex en se dirigeant vers l’entrée de la tente.
Elle ne serait
véritablement rassurée que lorsqu’elle l’aurait vue de ses propres yeux. La
sœur du chef rit.
- Si mon regard vous a
gêné, je vous conseille de passer quelques vêtements auparavant. Mais si vous
êtes pressée, je veux bien vous y conduire dans ce drap. Même s’il ne cache pas
grand chose de votre superbe corps, ajouta-t-elle taquine.
Lex rougit,
particulièrement embarrassée, mais sans savoir si c’était l’intérêt neutre de
la femme qui en était la cause ou sa propre distraction. Elle chercha des yeux
ses vêtements mais ne les vit pas.
Ashantra fouilla
quelques instants dans une des armoires se trouvant de l’autre côté de la vaste
tente puis se retourna vers elle avec une pile de linge propre.
- Tenez, fit-elle avec
un sourire espiègle,
mettez ça.
Lex hocha la tête et
prit le linge d’une seule main puis se dirigea vers le lit d’où elle venait.
Elle s’y assit et voyant Ashantra s’agenouiller à ses côtés, se figea.
- Qu’est-ce que vous
faites ?
- Je vous aide,
expliqua-t-elle avec un amusement évident.
- A quoi faire ?
- Vous habillez,
voyons.
Lex hésita et cela
tira un petit rire à la femme.
- Je vous l’ai déjà
dit il me semble, rien de ce que je vais voir, n’est un mystère pour moi.
- Hum.
Lex ne savait pas
comment se sentir. Mais son envie de voir Tia était la plus forte et elle
rejeta la notion de pudeur qui de toute façon avait toujours fait défaut aux
mercenaires avec qui elle avait travaillé. Elle laissa le drap glisser de ses
épaules et déplia le linge.
Elle enfila un
pantalon blanc bouffant puis se rassit. Elle prit le reste des vêtements et les
déplia.
Elle le considéra un
instant, perplexe, avant que sa nouvelle amie, ne prenne les choses en main et
ne la fasse se lever pour l’habiller. Elle prit quelques secondes pour
détailler son corps de façon tout à fait impudique et Lex dut résister
fortement à son envie de se couvrir de ses mains.
- Ca vous plaît ?
Fit-elle sarcastique.
- Très ! Répondit
la femme avec un grand sourire.
Lex cligna des yeux et
la laissa l’emmailloter dans le linge saumon qu’elle lui avait prêté. C’était
en fait une sorte de tunique dont les premiers tours étaient si serrés qu’ils faisaient un
parfait soutien pour ses seins.
Le reste était disposé de façon plus lâche sur ses épaules et autour de ses
bras et faisait comme une sorte de toge romaine.
Ashantra finit son
habillage en lui donnant deux bracelets épais à mettre à ses poignets. Lex
écarquilla les yeux. Il s’agissait de larges anneaux plats fait en or, elle en
était certaine et ornés de pierres précieuses de jade vert entourées d’un
cercle de platine.
C’était… stupéfiant.
- Je ne peux pas
accepter ça, fit-elle en secouant ses poignets.
La sœur du chef sourit
avec sérénité et déclara :
- Vous préférez
discuter de cela ou aller voir votre amie ?
Lex fit une grimace et
se rendit.
- Ok, je vous suis.
Ashantra hocha la tête
et la précéda hors de la tente. En mettant enfin le nez dehors, Lex vit qu’ils
se trouvaient près d’une oasis verdoyante. Elle sourit en découvrant la
splendeur des fleurs et arbustes en tout genre. Des trilles joyeuses
retentirent, attestant de la présence de bêtes ailées et elle secoua la tête
devant cette anomalie.
On avait beau être
dans une oasis, elle n’avait jamais vu d’oiseaux de ce type au milieu du
désert. Mais bon… elle n’était jamais venue dans ce désert auparavant aussi.
Elles longèrent
plusieurs tentes aux couleurs aussi riches que la nature environnante et s’étonna d’une
telle voyance, même si elle appréciait cette touche de vie dans ce lieu
désertique.
Elle croisa plusieurs
femmes et enfants qui la fixèrent tous avec curiosité, certaines des femmes la détaillaient avec la même lueur appréciative qu’Ashantra
et certains des rares hommes qui passèrent firent de même.
Elle en conclut que
pour une tribu primitive, ils avaient des mœurs plutôt ouvertes. Elle ne savait
pas si elle devait se sentir à l’aise ou embarrassée. Décidément, ce lieu était surprenant. Soudain une
image traversa son esprit.
- Et les
jumeaux ? Il n’y aurait pas des jumeaux qui seraient arrivés par
hasard ? Et un vieil homme ?
Lex grimaça à la description de
Frédéric, qui lui correspondait si peu et rectifia le tir.
- Du genre
géant ?
Ashantra sourit et
hocha la tête. Passant devant une trouée entre deux tentes servant
manifestement d’école, Lex secoua la tête devant cette nouvelle manifestation de
la « civilité » d’une tribu que l’on disait sauvage et dangereuse.
« En même temps,
on dit la même chose de Tia, songea-t-elle avec une moue. » Ca aurait dû
la mettre en garde contre les préjugés du prétendu monde moderne, mais
apparemment ça n’avait pas été le cas.
Lex suivit des yeux la
direction qu’indiquait sa guide et vit Len debout au milieu d’un groupe de
jeunes de la tribu, écoutant attentivement ce qu’ils disaient. Si Len était là et calme, alors sa
sœur et Frédéric ne devaient pas être très loin et en bonne santé.
Elle vit d’ailleurs
Lara en train de suivre une jeune adolescente qui transportait des peaux. Puis
se retournant, sur la suggestion d’Ashantra, elle vit Frédéric au milieu des
enfants se trouvant dans la tente-école, qui leur parlait d’une voix douce dans
une langue qu’elle ne connaissait pas. Chacun des enfants l’écoutait avec une
extrême attention et un grand sourire sur les lèvres.
Ils avaient tous les
trois l’air d’aller
bien et pas un n’avait un air anxieux. Donc Tia n’était pas en danger. Ceci
dit, ce que sa raison concluait ne satisfaisait pas son cœur et elle fit signe
à Ashantra qu’elle voulait poursuivre sa route. Celle-ci lui lança un sourire
entendu et avança.
Enfin, elles
parvinrent à la tente du guérisseur, située sur le bord du village de tentes.
Celle-ci était de couleur sable et se fondait facilement dans le paysage et Lex
devina pourquoi cette tente précisément bénéficiait d’un camouflage. Elle
devait bouger aussi souvent que les guerriers de ce peuple, au contraire des
autres qui devaient rester ici.
Elle était un peu
surprise, elle pensait qu’ils étaient nomades. Mais apparemment pas. Encore une
idée préconçue qui volait en éclat.
Elle pénétra dans la
tente à la suite de sa guide et trouva sa compagne immédiatement. Celle-ci
était allongée sur une paillasse à l’air confortable et ne bougeait pas. Comme
il faisait assez sombre, elle ne put distinguer correctement son visage et se
précipita à ses côtés.
Elle se laissa tomber
sur les genoux et détailla le visage de sa bien-aimée avec anxiété. Bien
qu’elle soit un peu pâle et que quelques bleus vicieux marbraient sa mâchoire
et son front, elle avait l’air vivante. Et c’était tout ce qui importait à la
jeune femme en cet instant.
Elle poussa un soupir
de soulagement et passa des doigts légers sur la pommette ouverte et
soigneusement recousue de sa compagne. Lex savait en l’observant qu’aussi
étrange que cela paraîtrait au commun des mortels, Tia n’en garderait aucune
cicatrice. Oh, bien sûr, elle serait un peu longue à s’estomper, mais au final
il n’en resterait rien.
Elle se pencha sur
elle et déposa un petit baiser sur les lèvres sèches. Lex grimaça. Elle
comprenait mieux ce qu’avait voulu dire Ashantra à propos des effets du désert.
Elle avait eu soif. Beaucoup apparemment. Et le soleil n’avait pas épargné sa
peau non plus, remarqua-t-elle.
Le peu qui n’était pas
couverte de bleus ou de coupures était brûlée par le soleil. Lex se pencha à
nouveau pour l’embrasser.
- Merci, mon cœur. Tu
es le meilleur ange gardien qu’il m’est été donnée d’avoir,
murmura-t-elle.
Elle laissa sa main
glisser plus bas et trouva bientôt celle de sa compagne. Elle emmêla ses doigts
aux siens et joua un peu avec la bague de Tia.
- Mais on dirait que
tu ne prends pas ce que j’ai t’ai dit au sérieux.
- Détrompez-vous, fit
la voix douce d’Ashantra tout près d’elle.
Lex sursauta. Elle ne
l’avait pas entendue approcher.
- Comment ça ?
- C’est parce qu’elle
a pris les mots gravés sur cet anneau très au sérieux qu’elle est encore là
aujourd’hui.
Lex ouvrit des yeux
quelque peu inquiets en se demandant si elle devait se montrer outrée que quelqu’un ait lu
quelque chose d’aussi intime mais Ashantra poursuivit et elle l’oublia.
- Lorsque nous sommes
arrivés à votre secours, elle était complètement submergée par les membres de
la tribu du vent de la destruction. Et elle était dans un tel état de faiblesse
physique que c’était
un miracle qu’elle soit seulement encore en vie, alors en train de se battre.
Ashantra s’interrompit
et posa un regard rêveur sur Tia.
- Elle a une telle
volonté ! Fit-elle admirative.
Lex hocha la tête et
repoussa la morsure malvenue de jalousie. Se déferait-elle jamais de cette
mauvaise habitude ?
- Le vent de la
destruction était si occupé avec votre amie et son loup qu’ils ne nous ont pas
entendus arriver. Non pas qu’ils l’auraient pu en d’autres circonstances, nous
sommes le peuple le plus silencieux qui soit, mais ils auraient au moins senti
quelque chose dans l’air. Enfin bref, lorsque votre amie s’est écroulée et que
son loup s’est interposé, les faisant reculer par sa seule présence, nous avons profité de leur
confusion sur ce qu’il convenait de faire, pour leur tomber dessus. Ca n’a pas
été long, le loup de votre amie nous a été d’un grand secours.
Lex hocha la tête. Ca
ne l’étonnait pas. Dans les moments critiques, la louve était toujours là.
- Où est la louve
maintenant ?
Ashantra ouvrit de
grands yeux brillants d’excitation.
- Vous voulez dire que
c’est une femelle ?
Lex acquiesça. La
nouvelle sembla faire trépigner la femme et Lex se demanda brièvement pourquoi.
- Et alors ?
Fit-elle. Où
est-elle ?
Le regarda qu’Ashantra
posa sur elle sembla tout à coup beaucoup plus respectueux et Lex se sentit de
plus en plus intriguée.
- Elle a disparu,
souffla-t-elle en se penchant vers elle. On s’est occupé de vous et de votre
amie vous chargeant sur nos meilleurs chevaux de courses et lorsque nous
l’avons cherchée pour l’inciter à nous suivre, elle n’était plus là.
Lex hocha la tête, de
nouveau elle n’était pas surprise et Ashantra le remarqua. Cela fit briller un
peu plus ses yeux et elle trépigna sur place, très excitée.
- C’était quand ?
Demanda Lex décidée à
ignorer son étrange comportement.
- Il y a deux jours.
Lex lui retourna un
regard consterné. Deux jours ?!!
- Et elle ne s’est pas
réveillée ?!
La sœur du chef secoua
la tête.
- Et ça ne vous paraît
pas inquiétant ?! S’exclama-t-elle.
- Non. Vous non plus
ne vous étiez pas réveillé avant aujourd’hui.
Lex referma la bouche
et une évidence la frappa.
- Attendez une
seconde, si ça fait deux jours que je suis alitée comment se fait-il que je ne
sois pas plus faible ?
Ashantra sourit
amusée, puis dit :
- Notre guérisseur est
très doué.
Puis elle cessa de la
taquiner et dit d’un ton sérieux :
- Perfusion. Notre
guérisseur a fait un séjour dans la grande ville pour apprendre certaines
choses. Nous donnons des nutriments
essentiels par cet intermédiaire mais bien entendu cela ne remplace pas une
bonne nourriture solide. Aussi, je vous engage à prendre un vrai repas
rapidement. Vous ne devriez plus tarder à vous sentir bien plus faible. Vous
avez fait beaucoup d’efforts.
- Je veux rester ici.
Ashantra acquiesça et
lui montra une autre palliasse qu’elle pourrait rapprocher de Tia lorsqu’elle
aurait besoin de se reposer.
- Je vais vous
chercher un repas, fit-elle en se relevant. Ensuite, je pense que vous devriez
avoir une conversation avec notre chef.
Lex hocha la tête et
la regarda partir. Puis se tourna vers sa femme. Elle semblait vraiment fragile
ainsi. Et sans défense. Cela lui rappelait la très mauvaise période qui avait suivi la mort de
Sassem.
Lex chassa ses pensées
de son esprit. C’était le passé, Tia avait surmonté ça. Même si une certaine
fragilité en avait résulté, sa compagne était redevenue elle-même et ce n’était
plus qu’une question de temps pour que Tia retrouve toute son assurance.
Bien entendu depuis
quelques temps les ennuis et choses déstabilisantes s’enchaînaient et ça
n’aidait pas tellement sa compagne. Enfin, c’est ce qu’on aurait pu penser,
mais parfois, Lex avait l’impression que cela aidait finalement sa femme à
accélérer le processus.
Lex soupira. En vérité,
elle ne savait pas vraiment ce qui se passait dans la tête de sa mercenaire.
Elles ne parlaient pas de ces choses. Elles avaient, certes, d’autres
préoccupations mais… Lex savait que c’était une excuse. Elle avait juste peur.
De quoi ? Elle n’aurait su le dire. Peut-être était-ce de se rendre compte
que ce qui faisait le plus souffrir Tia était la perspective de sa
disparition ?
Et là, elle
devrait-elle aussi envisager cette perspective comme une réalité. Elle l’avait
déjà fait mais… c’était différent. Le choc était encore présent et… les fois où
sa vie avait été en danger de part son travail, cela n’entraînait pas une
agonie lente et douloureuse. Huntington… c’était une façon de mourir qui vous
enlevait jusqu'à votre dignité humaine.
C’était une chose
qu’elle ne pouvait plus se cacher aujourd’hui. Ashee avait fait remonter toutes
ces choses à la surface. Notamment sa terreur de vivre à nouveau sans Tia. Elle
ferma les yeux et repoussa ses angoisses. Ce n’était, une fois de plus, ni le
lieu, ni le moment.
Mais lorsque enfin
elle et Tia aurait du temps pour elles, alors elle allait devoir s’ouvrir à sa
compagne et partager ses peurs. Les garder pour elle, comme elle avait pu le constater, ne
faisait que les éloigner et ne protégeait Tia en rien.
« Eh oui, c’est
ça aussi le mariage ! Partager même ce qu’on ne veut pas.»
pensa-t-elle ironique. Elle posa son regard sur le visage abîmé mais toujours
superbe de la mercenaire et songea à ce que lui avait montré Ashee de son
futur. Du leur en fait.
La simple idée de ce
qui l’attendait la terrorisait. Allait-elle réellement la trahir ? Ashee
était une manipulatrice mais… elle possédait des dons de voyance indéniables.
Elle lui avait déjà montré sa mort dans une autre vie.
Mais rien n’était
immuable. Elle pourrait peut-être changer les choses ? Les images
horribles de sa trahison traversèrent son esprit et elle les repoussa. Elle ne
pouvait pas se concentrer sur trente-six choses en même temps et décida de ne
pas s’attarder sur cette angoisse là. Après tout, on ne pouvait pas faire
confiance à cette femme. Elle lui avait peut-être montré son avenir mais
peut-être pas.
Lex se sentit envahie
d’une nouvelle assurance. Elle aimait Tia. Elle l’aimait depuis des siècles.
Elle l’avait trahie en tant que Gabrielle c’était vrai, elle s’en souvenait
maintenant grâce à Ashee et elle en avait tiré des leçons.
Elle ne commettrait
pas deux fois la même erreur.
Ashee avait menti. Lex
en était convaincue. Elle mourait plutôt que de la trahir.
Forte de cette
nouvelle certitude, elle se concentra sur sa compagne et sur ce qu’elles
devaient faire dans l’immédiat. Lorsqu’elle entendit Ashantra revenir, elle lui
sourit heureuse de pouvoir éclaircir un peu plus la situation.
Chapitre 2 :
Lex avait dû laisser Tia au bon soin du guérisseur
avec l’absolue promesse d’être prévenue dès que sa compagne manifesterait un
quelconque signe de retour à la conscience et avait suivi Ashantra jusqu'à son
frère.
Celui-ci était le portrait de sa sœur. De sa
taille avec sa couleur de peau, des traits aussi fins que les siens et le même
sourire chaleureux. Il était aussi curieux et franc qu’elle, mais sa position
de chef faisait qu’il était plus diplomate et subtile.
Il la fit assoir sur un parterre de coussins
aussi somptueux que doux et lui offrit des rafraîchissements. Après s’être
enquis de son état de santé, sans cesser de jeter des coups d’œil intéressés à
ses cheveux, il entra dans le vif du sujet.
- Ashantra m’a informé que le loup qui
accompagnait votre amie était en fait une louve.
Lex eut une expression surprise devant le sujet
abordé mais hocha la tête, l’invitant ainsi à poursuivre.
- Et nous l’avons vue disparaître. Nous en avons
conclu qu’elle était liée à votre amie. Est-ce correct ?
Lex hésita, puis se dit qu’elle ne pouvait pas
passer son temps à se méfier et que ces gens avaient tout du moins pour
l’instant, prouver qu’ils étaient de leur côté. Elle acquiesça. Le chef eut un
grand sourire et échangea un regard excité avec sa sœur.
- Par ailleurs nous savons que les jeunes qui
nous ont demandé de l’aide sont jumeaux et que leur mère est votre amie.
« Ok, songea Lex de plus en plus perplexe,
ils ont l’intention de m’énumérer tout ce qu’ils savent sur nous ? ».
A nouveau elle acquiesça et se demanda vaguement combien de temps encore elle
allait le faire.
- Nous avons vu sa bague, reprit-il avec une
excitation perceptible dans la voix, et la vôtre, ajouta-il en désignant sa
main droite où l’anneau de platine que Tia lui avait offert se trouvait. Vous
êtes liées vous aussi.
Lex fronça les sourcils, essayant de voir où
diable il voulait en venir.
- Vous êtes son âme sœur pas vrai ?
Lex le fixa un moment sans rien dire et le chef
sembla se calmer. Il inclina la tête et déclara :
- Je suis désolé, fit-il avec un regard
d’excuse, je me suis montré grossier. Pour commencer, je vais me présenter. Je
me nomme Gardan. Je suis le chef de cette tribu. Et comme vous pouvez-le
constater nous sommes loin de correspondre aux descriptions qui courent sur
nous dans vos pays. Et c’est entièrement fait exprès. Nous voulons que ceux
avec qui nous traitons nous craigne. Mais nous sommes plus proches du peuple
bédouin qui peuple le désert du Sahara que d’une tribu primitive, comme vous
pouvez le constater. Nous avons vu comment ce peuple-ci est traité par leurs semblables
des grandes villes et avons conclu qu’il était préférable pour nous que l’on
nous croit très primitifs, afin de garder un avantage dans les négociations.
- Les autres tribus sont comme
vous ? interrogea la petite blonde.
- Seulement celles qui peuplent le désert du
Kalahari. Nous sommes quatre grandes tribus, réunies sous l’égide d’un grand
roi, un peu comme la tribu du désert du Kaamal, mais en plus structurée et
évoluée. Nous sommes les seuls à être aussi « civilisés ». Mais nous sommes
les seuls à en voir l’avantage aussi. Je me demande d’ailleurs comment le grand
roi du Kaamal a réussi à négocier un accord de souveraineté alors qu’ils sont
si… primitifs, fit-il avec une grimace.
Il secoua la tête.
- Je ne me risquerais cependant pas à le lui
demander. Bien que primitifs, ils sont extrêmement dangereux et au final il
nous a permis à nous aussi d’être un peuple souverain.
Il fit une pause, puis reprit :
- Etes-vous satisfaite ?
Lex n’avait pas appris grand chose de l’exposé
que venait de lui faire Gardan.
- Comment se fait-il que votre territoire ait
rétréci ? Demanda-t-elle. Lorsque nous nous sommes aventurés ici, nous
pensions vous rencontrer et non tomber sur le vent de la destruction.
- Depuis quelques temps, le vent de la
destruction s’agite et est devenu plus vindicatif et agressif et revendique les
quatre déserts comme étant le sien. Pour l’instant il ne s’est attaqué qu’à
nous, mais nul doute que lorsqu’il nous aura asservis il s’attaquera aux deux
autres.
- Vous ne pensez donc pas gagné ? S’étonna
Lex de le voir envisager leur défaite de façon aussi inéluctable et calme. Vous
êtes pourtant beaucoup plus nombreux.
- En effet. Et c’est ce qui nous fera gagner du
temps. Mais au final nous perdrons. Les fils de la destruction ont, depuis la
mise à leur tête de cette étrange femme, d’étranges capacités. Notamment celle
de ne pas sentir la douleur ou peu et de mettre beaucoup plus de temps à
mourir. Leur force est décuplée et leur vitesse également. Ils sont bien plus
forts que nous et ils ont l’étrange facilité de se mouvoir comme des ombres
parmi les ombres. On ne les entend ni le voit avant qu’ils ne soient sur vous.
- Mais vous aussi, non ? Vous êtes un
peuple silencieux d’après ce qu’en a dit Ashantra.
- En effet. C’était même la raison pour laquelle
aucun des peuples des trois autres déserts n’a jamais cherché à agrandir son
territoire sur le nôtre. Ils craignaient bien trop nos représailles. Mais
comme je vous l’ai dit, c’était avant l’arrivée au pouvoir de cette femme.
Depuis, le vent de la destruction, est devenu plus silencieux que nous et s’il
ne peut nous entendre approcher, il peut nous détecter d’une façon que nous ne
comprenons pas. Nous nous défendons mais savons parfaitement ne pas faire le
poids. Et leur ambition ne s’étend pas seulement aux déserts.
Le hocha la tête.
- C’est la raison de votre présence ici. Et la
raison pour laquelle nous vous aidons sans attendre aucune contrepartie de
votre part.
Lex fronça les sourcils.
- Comment ça ? De quoi parlez-vous ?
- Depuis maintenant dix décennies ou si vous
préférez, un siècle, nous savons que les Varecks changeraient pour devenir une
entité d’une puissance inégalable.
- Hein ?
Lex était complètement perdue.
« Varecks ? »
- Le vent de la destruction ne s’est pas
toujours appelé ainsi vous savez. Cela fait cinq ans seulement que leur nom a
changé. Et trois qu’ils s’agitent et nous attaquent sans répits.
- Donc avant ils se nommaient Varecks ?
- C’est ça.
- Pourquoi ce changement ?
- La femme. Elle est arrivée il y a dix années
chez eux. Elle est devenue leur chef il y a cinq et a rebaptisé leur tribu en
fonction de leurs nouvelles ambitions. Auparavant les Varecks n’étaient pas
commodes, un peu comme les Gomor du désert du Rambi, mais ils étaient loin
d’être aussi ambitieux et cruels. Et forts aussi, ajouta-t-il un peu à
contrecœur. Cette femme…
- Ashee.
Gardan leva un regard étonné sur elle puis hocha
la tête comme si cela répondait à une question personnelle et poursuivit :
- Ashee, oui, elle a visité toutes les tribus
des déserts de ce monde ces vingt dernières années et a réussi, je ne sais
comment à non seulement, survivre, mais aussi partir en un seul morceau. Elle
nous a rendu visite aussi. Elle cherchait quelque chose, je ne sais pas quoi
exactement. Peut-être une trace de mal ? Elle respirait le mal par tous
les pores de sa peau, mais ayant réussi nos épreuves nous ne pouvions la
renvoyer ou la tuer sans une raison concrète. Elle est restée quelques mois
puis a soudainement disparu. Nous ne l’avons revue qu’il y a trois ans, elle
était à la tête des Varecks, nouvellement nommés : vent de la destruction.
En visitant toutes les tribus des quatre déserts, elle a probablement acquis un
grand savoir sur nous tous. Mais comme nous communiquons très peu entre nous,
aucune des tribus ne l’a su à temps.
- Pourquoi communiquez-vous si peu ?
Gardan lui fit un sourire indulgent.
- Vos gouvernements ne communiquent pas vraiment
non plus. Mais pour tout vous dire, avant nous ne communiquions pas du tout.
Avant la prophétie j’entends.
- La prophétie ?
Gardan hocha la tête.
- Et j’en reviens à votre raison d’être ici.
Comme je vous l’ai dit nous savions depuis un siècle déjà que l’une de nos
tribus deviendrait une chose d’une grande puissance. Je dis une chose car le
terme peuple ou tribu ne peut être approprié pour ce qu’elle est sensée
devenir. Nous ne savions seulement pas laquelle des tribus devait connaître ce
changement.
- Ashee non plus, murmura Alexia. C’est pour
cela qu’elle a entrepris son tour des tribus.
Gardan hocha la tête.
- Probablement, oui. C’est aussi pour cette
raison que les peuples des quatre déserts ont conclu un pacte. Nous voulions
être au courant de ce qui se passe dans les autres déserts et être en mesure de
nous liguer contre cette menace lorsque le temps viendrait. D’où la
communication minimum. Mais l’échange d’informations, nécessite une certaine
confiance. Et cela nous a pris un siècle pour le comprendre. Mais nous ne
l’avons compris que trop tard. Ashee était la menace et notre manque de
confiance mutuelle, lui a permis non seulement de récolter des informations sur
nous tous, mais aussi d’accomplir la prophétie.
Gardan fit une pause et but quelques gorgées de
son thé les yeux perdus dans le vague avant de redresser les épaules et de
poursuivre.
- N’ayant pu empêcher sa venue nous nous sommes
réunis, nous le peuple des quatre déserts mais aussi ceux des autres pays. Ce
fut une réunion sécrète réunissant tous les chefs et chamans. Les meilleurs
voyants et guérisseurs furent liés lors d’une cérémonie créée spécialement pour
l’occasion. Nous voulions lancer un sort sur le vent de la destruction et plus
précisément sur Ashee mais ce qui en sortie fut tout autre chose.
Ashantra prit alors la parole.
- Peut-être était-ce dû à notre faiblesse, ou
bien n’étions nous plus jugé dignes de nos dieux, après tout malgré leur
avertissement nous avions tous failli, ou bien encore Ashee était-elle trop
bien protégée ? Nous n’en savons toujours rien, toujours est-il que le
sort ne fonctionna pas.
- Lorsque nous l’avons lancé, poursuivit son
frère, il est resté stagnant au-dessus de nos têtes un long moment. Il a changé
de couleur, passant d’un rouge profond au bleu le plus doux et le plus éthéré
que nous avions jamais vu. Puis il a fondu sur nos voyants. Il est entré en chacun
d’eux.
- Nous avions eu peur de les avoir tués,
continua Ashantra lorsque son frère s’interrompit. Mais ce ne fut pas le cas.
Chacun d’entre eux s’est figé puis ils ont tous parlé d’une seule voix. Ils ont
répété les mêmes phrases inlassablement, toute la nuit durant, dans toutes les
langues que le monde connaissait. Lorsque le jour se leva, le sort cessa de
fonctionner et les voyants revinrent à eux, mais dans un état d’épuisement
avancé.
- Ils mirent plusieurs jours à s’en remettre,
murmura Gardan d’une voix perdue dans ses souvenirs.
Ashantra le couva d’un regard doux et
compatissant avant de se tourner vers Lex.
- Nous avons craint de les perdre pendant de
nombreuses semaines. Notre jeune frère, notre mère et sa femme faisaient partie
des voyants. Il est très lié à sa femme et il a toujours beaucoup de mal à se
remémorer ces semaines d’angoisse intense.
- Mais vous non, constata Lex
- Détrompez-vous, rétorqua la femme avec un
sourire triste. Mais la situation de mon frère était différente. Avec sa femme
il avait procédé à l’union de leur âme. Il ne s’agissait pas d’un mariage tout
simple mais d’une union sacrée et dangereuse. L’union des âmes… disons
simplement que tout ce qui arrive à l’un touche l’autre. Et la disparition de
l’un… provoque un vide si profond et une douleur si intense dans le survivant
qu’il en devient fou. Généralement, le survivant ne le reste pas longtemps.
Lex cligna des yeux sous le choc.
- Je… moi et Tia avons procédé à cette
cérémonie.
Ashantra lui fit un grand sourire.
- Nous le savons. La bague que Tia porte… nous
l’a indiquée.
- Que… hein ?
Ashantra gloussa devant sa totale
incompréhension.
- Nous devrions finir notre récit pour que vous
compreniez tout.
Elle se tourna alors vers son frère et lui
toucha le bras en lui disant quelques mots à l’oreille. Gardan sembla se
réveiller et tourna vers son invitée un regard d’excuse.
- Pardonnez-moi. Je me suis perdu dans des
souvenirs déplaisants.
- Pas de problème, je connais ça, sourit-elle
gentiment.
Il hocha la tête et poursuivit.
- Au matin, lorsque le sort s’est dissipé, nous
nous sommes occupés des voyants puis avons planché sur ces paroles étranges.
Comme elles étaient dans des langues différentes, nous avons mis plusieurs
jours à toutes les traduire. Lorsque ce fut fait, nous nous sommes rendus
compte que seule la langue changeait. Les paroles étaient toutes les mêmes.
Bien sûr, nous nous en sommes doutés avant cela, mais nous préférions attendre
une confirmation avant de spéculer.
- Et quelles étaient ces paroles ? S’enquit
Lex très intéressée.
- Celle d’une nouvelle prophétie, expliqua
Ashantra. Elles décrivaient l’arrivée de ceux qui seraient nos sauveurs ou …
- … nos destructeurs…, acheva son frère.
- La prophétie parle d’une gardienne, reprit
Ashantra, reconnaissable à sa réputation de guerrière invincible. Elle serait
accompagnée de son animal totem, celui qui révèlera sa véritable nature de
guerrière.
- La louve… souffla Lex abasourdie.
- C’est ce que nous pensons, confirma Gardan.
- Mais… qu’est-elle sensée garder ?
- Des jumeaux.
La mâchoire de Lex sembla se décrocher.
- Ces jumeaux sont sensés être les guides du
vent de la destruction. Ils sont sensés mener cette tribu sur le chemin de la
domination. Nous ne savons pas comment, mais Ashee, elle doit le savoir.
- Cette gardienne sera accompagnée de son âme
sœur. Cette autre moitié d’elle-même sera sa force…, déclara Ashantra.
- … ou sa faiblesse, termina son frère.
Elle sera son garant de réussite…
- … ou celui de son échec.
- En d’autre terme, fit Gardan, Tia nous sauvera
ou échouera selon ce que tu décideras d’être à ses côtés ou de la trahir. Le
sort des jumeaux dépend de Tia. Le sort du monde dépend d’elle. Et le sien de
toi.
- Donc tout repose sur moi ? Déclara Lex
d’une voix blanche.
Finalement, la prédiction d’Ashee n’était
peut-être pas un mensonge.
- Vous vous trompez, vous devez parler d’autres
personnes.
Gardan et Ashantra secouèrent la tête, navrés
pour elle.
- Les signes sont clairs. Tia est la gardienne.
Mais tout ne repose pas sur vous. C’est plus un ensemble de choses imbriquées,
expliqua Gardan. Si l’une faillit, les autres suivent. Chacun d’entre vous,
Tia, vous et les jumeaux, avez votre propre libre arbitre. Si Tia faillit à sa
mission de gardienne, les jumeaux seront tentés de rejoindre Ashee. Et si les
jumeaux cèdent à cette tentation, le monde sera perdu. Mais que Tia faillisse
ou non, n’implique pas obligatoirement que les jumeaux cèdent. Cela dépendra
d’eux. De même que s’ils cèdent, cela ne veut pas dire que Tia ne pourra pas
inverser la vapeur. Tant qu’elle sera en vie, elle sera la gardienne et sera
donc capable de changer les choses.
- Tu n’es qu’une partie de ce tout, poursuivit
Ashantra. Ton soutien peut la faire réussir mais cela peut aussi être ta
trahison. Rien n’est certain sur ton rôle. C’est peut-être l’amour qui vous lie
qui lui donnera la force de tenir, mais ce peut aussi être la haine que ta
trahison lui inspirera qui la lui donnera.
- Rien n’est très sûr.
Les yeux de Lex brillèrent d’un éclat dur.
- Je ne la trahirais jamais.
- Eh bien c’est de toute évidence ce que pense
Harry, fit Ashantra avec un grand sourire, en montrant sa bague du doigt.
Lex fronça les sourcils.
- Harry ?
- Le vieil homme qui t’a vendu la bague de Tia
et t’a expliqué la cérémonie d’union des âmes. C’est un grand voyant. Il
navigue entre les différentes tribus et les continents civilisés depuis la
première prophétie, voilà un siècle déjà. Personne ne sait comment il fait pour
être encore en vie mais personne ne le lui demande. Il est un peu irascible et
hors du temps dirons-nous. Il nous a dit une fois que la gardienne porterait
une bague très précise, une bague en sa possession, qui ne pouvait être portée
que pour deux personnes célébrant leur union des âmes. Il nous l’a montrée à
tous, pour que nous sachions rien qu’en la voyant à qui nous avions à faire.
- Il a de toute évidence pensé que c’est de
votre amour que Tia tirerait sa force puisqu’il vous l’a vendue, expliqua
Gardan. Certaines bagues forgées par nos ancêtres et notre tribu, ne peuvent-être
portées que si les mariés ont l’intention d’unir leurs âmes car elles sont
porteuses d’un pouvoir spécifique qui brûlerait l’âme de la personne qui la
porterait pour une autre raison.
Lex ouvrit une bouche stupéfaite. Elle ne savait
pas si c’était parce que toutes ces révélations étaient difficiles à croire ou
parce qu’elle était indignée que le vieil homme ait pris un tel risque !
- Mais j’aurais pu décider de ne pas faire la
cérémonie ! Protesta-t-elle finalement s’étant décidée pour l’indignation.
- Mais tu ne l’as pas fait, répondit Gardan en
haussant les épaules. Et je ne sais pas si tu l’as remarqué mais ta bague est
différente de celle que tu portais avant la cérémonie. Elle porte la marque
d’union.
Lex fronça les sourcils en baissant les yeux vers
sa bague. Elle la retira et l’étudia puis ouvrit de grands yeux ébahis. Comment
avait-elle fait pour ne pas le remarquer avant ?! Une minuscule
flamme noire traversait à la verticale l’un des petits diamants. Lex fit
tourner la bague et vit qu’a l’opposé exact de la flamme, se trouvait une autre
flamme, orange celle-ci.
Lex comprit que ces flammes
symbolisaient les âmes de Tia et de la louve. La dualité de son âme sœur en
fait.
- Harry ne pouvait pas te proposer une autre
bague, cela t’aurait incité à te méfier alors il a dû ajouter un élément à la
cérémonie pour que ta bague devienne un dépositaire de pouvoir comme l’est
celle de Tia.
- Ca veut dire qu’il ne faut pas que je la
retire ?
Gardan éclata de rire.
- Bien sûr que tu le peux ! Tu peux même la
perdre, si ça te chante. Tu ne risques rien. Mais cela renforce le lien entre
vos âmes. Et il vaudrait mieux, qu’au moment de vos morts, vous la portiez.
Elle vous permettra de vous retrouver lorsque le moment sera venu de vous
rejoindre. Sans elles, les âmes liées ont bien du mal à se retrouver après la
mort et encore plus dans leur prochaine existence. Ces bagues sont les
dépositaires de vos âmes en quelque sorte. Et elles vous lient par delà la
mort. La cérémonie a pour but de réveiller le pouvoir de ces bagues autant que
la liaison des âmes dans cette vie. Mais si vous voulez poursuivre votre lien
au-delà de cette existence, il vous faut les avoir au moment de votre mort. Et
si vous avez besoin de renforcer votre lien pour échanger des choses, telle que
force, amour, ou tout autres sentiments divers, vous avez besoin d’elles. Elles
abolissent les distances, le temps et l’espace.
Lex était… sur le cul. Il n’y avait pas de
meilleures expressions pour décrire son émerveillement associé à son
ébahissement et à une très grande frayeur devant le pouvoir et la
responsabilité qu’impliquait tout ceci.
Gardan et Ashantra s’en rendirent compte.
Ashantra s’assit près d’elle et posa une main sur son bras.
- Je pense que tu as besoin de temps pour
digérer tout ça, fit-elle doucement. Veux-tu que l’on te ramène vers ton
amie ?
Lex hocha la tête lentement et se leva. Elle
suivit Ashantra, perdue dans ses pensées. Ca faisait vraiment beaucoup de
choses auxquelles elle devait réfléchir. Et chacune d’entre elles éveillaient
autant d’émerveillement que de frayeur.
Elle mourrait d’envie d’en parler avec Tia.
Elles arrivèrent enfin à la tente du guérisseur et Lex s’installa à ses côtés.
Elle observa le visage endormi et vit qu’il n’y avait eu aucun changement.
Elle s’allongea et la prit dans ses bras posant
sa tête au creux de son épaule. Elle était encore fatiguée par sa confrontation
avec Alti et les images qu’elle lui avait mis en tête. Et maintenant il y avait
toutes ces choses qu’on venait de lui apprendre et son inquiétude pour sa
compagne…
Elle était fatiguée… et elle ferma les yeux,
décidant de réfléchir à tout ça plus tard. Peut-être bien que Tia serait
réveillée et qu’elles pourraient en parler ensemble ?
Elle se serra contre elle et inspira l’odeur
personnelle de sa compagne. Elle déposa un petit baiser sur ses cheveux et
soupira d’aise. C’était de ça dont elle avait besoin. De Tia. Et de sommeil.
Chapitre 3 :
Lex se réveilla une heure plus tard et mit quelques secondes
à se souvenir de l’endroit où elle était. Elle sentit un poids sur elle et
baissa les yeux. Elle sourit en reconnaissant sa compagne et se souvint de ce
qui l’avait amenée ici.
Elle fixa un moment le plafond en caressant les cheveux de
Tia.
Elle devait réfléchir à pas mal de chose et elle ne pouvait
attendre que Tia se réveille. Les gens sur leurs traces n’étaient pas des
rigolos. Et il y avait Aniock et Enrick aussi. Lex soupira. La tentation était
grande de tout laisser en attente jusqu’au réveil de Tia, mais elle n’avait pas
le luxe du temps.
Elles croulaient sous les ennuis et Lex devait s’en occuper.
Elle avait décidé de laisser de côté ce que son rôle futur avait d’inquiétant
et d’incertain pour se concentrer sur les problèmes concrets qu’elles avaient.
C’était plus productif et du moins, ça, elle pouvait le contrôler. Mais elle se
connaissait, elle ne pourrait rien faire tant qu’elle ne serait pas rassurée
sur l’état de Tia.
Elle se rappela les paroles de Gardan et Ashantra sur le
lien qui les liait toutes deux. Elle leva sa main et contempla la petite flamme
noire qu’elle avait mise bien en vue, afin de ne pas oublier qui était
réellement Tia et combien cela importait peu par rapport à ce qu’elle
ressentait et ce que Tia lui apportait.
Oui, la louve et sa soif de sang étaient effrayantes. Et
oui, elle avait peur de Tia lorsque la louve prenait possession d’elle. Mais
surtout parce qu’elle craignait de perdre ce côté tendre et amoureux, malicieux
et rigolo qui était tout autant sa partenaire que son âme noire. Lorsque toutes
deux seraient liées de nouveau, lorsque la louve fusionnerait avec Tia, sa
compagne ne serait plus la personne qu’elle connaissait.
Cette personne serait toujours présente bien sûre, mais son
côté sauvage, qui n’apparaissait jusque là que dans les moments de batailles et
de combats, serait présent tout le temps. Lex devrait s’y adapter. Et pour se
préparer à ce changement, elle voulait garder sous les yeux cette flamme… Et se
rappeler que c’était ainsi, avec ce côté destructeur et impitoyable, qu’elle
aimait depuis toujours Tia… alias Xena.
C’était une chose qu’elle avait mis longtemps à comprendre.
Elle avait toujours attendu quelque chose de Xena… quelque chose d’autre que ce
côté guerrier et compétitif qu’elle connaissait.
Et puis, elles étaient mortes et Eli les avaient ramenées.
Et Xena avait perdu ce qui faisait d’elle la guerrière légendaire que tous
connaissaient et craignaient. Et elle avait compris.
« Quelle leçon, la mort et la résurrection lui
avait-elle donnée », songea la petite femme. Les souvenirs qu’Ashee avaient
ramenés n’étaient pas tous mauvais en définitive. Ou plutôt, ils en avaient
amené d’autres, qui eux lui rappelaient des choses meilleures.
Sa bataille avec Xena en tant que démon lui avait fait
comprendre que le bien ne prévalait pas sur l’amour. Elle avait été prête à
tuer Xena pour préserver le monde. Et comme pour la punir d’avoir fait défaut à
leur amour, à leur réveil Xena n’avait plus été elle-même.
Puis les années avaient passé et Jappa était arrivé. Et Xena
y était morte. Définitivement cette fois. Et elle avait compris, que si elle ne
pouvait pas laisser Xena déséquilibrer le monde, elle était prête à sacrifier
de nombreuses âmes innocentes pour la garder avec elle.
Etait-ce elle qui avait changé ? Ou bien son amour qui
avait grandi ? Et puis elle avait réalisé que la seule chose qui lui avait
permis au paradis de s’opposer à sa bien-aimée était la certitude que Xena
n’aurait pas supporté qu’elle perde ses convictions. Combien de fois lui
avait-elle dit qu’elle était sa lumière ? Que c’était ce qu’elle aimait le
plus en elle ? Sa capacité à faire le bien. Et sa volonté de s’y tenir
coûte que coûte.
Et Xena aurait été horrifiée, après toutes ces années à
lutter contre son côté noir, de voir les conséquences de ses actes.
Lex était heureuse aujourd’hui de pouvoir se souvenir de
tout cela. Elle avait l’impression que cela la rapprochait encore plus de sa
compagne « Peut-être devrait-elle remercier Alti finalement ? »
sourit-elle.
Puis elle revint à des préoccupations plus terre à terre.
Avant de se lever pour aller discuter avec Frédéric, elle se concentra sur son
lien avec Tia. Elle ferma les yeux puis les rouvrit. Elle avait décidé de
s’entraîner à faire appelle à leur lien.
Et si elle voulait y parvenir en plein combat, ce qui était
son but, elle ne pouvait pas se permettre de fermer les yeux. Elle tenta donc
de ressentir la flamme spécifique à Tia en gardant les yeux ouverts. Cela prit
plus de temps que d’habitude surtout parce que ce que ses yeux captaient ne
cessait de la distraire, mais elle y parvint.
Elle sentit la flamme brûler doucement et perçut
distinctement son manque de vivacité coutumière. Cela l’inquiéta et elle oublia
l’entraînement. Elle ferma les yeux et se concentra sur elle.
Bon, en même temps Tia dormait, ça expliquait sûrement la
faiblesse de sa flamme. Elle s’efforça de transférer une partie de ses forces
en elle. Mais elle ne savait pas comment faire et elle échoua. Lex soupira.
Bon, au moins la flamme brûlait et elle était stable donc
Tia devait aller bien. Le guérisseur savait sûrement ce qu’il faisait.
Elle devait se résigner et attendre que Tia se réveille
d’elle-même. Après tout, elle aussi avait été la victime des pouvoirs d’Ashee
et elle l’avait apparemment portée sur une très longue distance dans le désert.
Seule, blessée et sans nourriture ou eau. Elle était juste fatiguée. Comme elle
l’avait été.
Lex se dégagea doucement et reposa délicatement la tête de
sa compagne sur l’oreiller. Elle s’assit sur le bord de la paillasse et la
contempla un moment. Elle savait que le guérisseur avait raison et que Tia
allait se remettre mais elle était toujours mal à l’aise de la voir dans cet
état de vulnérabilité totale. Et
inquiète. Tia incarnait la force et l’invincibilité. Ceci… lui rappelait un peu
trop son état post-Sassem.
Enfin, Lex se força à bouger. Elle se leva puis se concentra
sur son lien avec Tia. Elle n’avait pas besoin de forcer ou de chercher
vraiment. Il était là et au moindre problème, elle le sentirait.
Elle prit une profonde inspiration et sortit de la tente en
quête de Frédéric.
****************************************
Elle l’avait trouvé une demi-heure auparavant en train
d’apprendre aux enfants un jeu qu’ils ne connaissaient pas : le foot.
Frédéric était un grand fan de football. Pas le football Américain, trop tape à
l’œil selon lui, mais du foot normal où l’adresse avec un ballon était de l’art
pour lui parce qu’il nécessitait une adresse hors du commun avec tout le corps
sauf les mains.
C’est un sport qui valorisait le travail, puisqu’il reposait
sur autre chose que l’adresse innée que nous donne les mains, et mettait en
avant le corps dans son entier tout en utilisant chaque partie de façon
indépendante.
Il était en train de leur apprendre comment utiliser un
ballon, une boule de tissus entourée de scotch, lorsqu’elle l’avait interrompu.
Les jumeaux, qui étaient aussi présents, lui avaient sauté dessus, ravis de la
revoir en forme et elle avait passé les dix minutes suivantes à les rassurer et
prendre de leur nouvelle.
Elle leur avait ensuite demandé de remplacer Frédéric
avec les enfants car elle devait discuter avec lui de ce qu’il convenait de
faire. Leurs visages joyeux s’étaient faits inquiet et ils avaient
demandé :
- Maman n’est toujours pas réveillée ?
Elle avait secoué la tête et ils avaient paru contrariés.
- Qu’est-ce qu’il y a ? Elle va bien vous savez. Elle
se repose seulement.
Len avait haussé les épaules et Lara avait répondu pour eux.
- On pensait juste que dès que tu serais réveillée, elle
aussi le serait. Que… eh ben… que tu pourrais la réveiller quoi.
Lex les avait dévisagés un peu étonnée puis avait souri. Ils
posaient en elle une telle confiance. A chaque fois cela la réchauffait
entièrement.
- Vous me prenez pour le prince charmant ?
Len et Lara l’avaient fixée puis avaient grimacé des
sourires penauds.
- C’est vrai que c’est un peu idiot, avait acquiescé le
jeune homme.
- Pas vraiment, avait-elle répondu les yeux dans le vague,
un souvenir la traversant brièvement, mais ce n’est pas moi le prince alors ça
ne risque pas de marcher.
Les jumeaux s’étaient regardés un brin perplexe puis avaient
haussé les épaules avant de relayer Frédéric auprès des enfants. Celui-ci
l’avait rejointe et ils avaient marché tranquillement en discutant de tout et
de rien durant quelques minutes.
Parvenus à l’extrémité du village, ils avaient continué un
peu droit devant eux avant de s’arrêter et de se retourner. Ils avaient
contemplé les tentes de toutes les couleurs un moment, les fils et filles du
vent rompant le silence quasi religieux qui régnait dans le désert, en riant,
courant ou simplement conversant.
Le soleil disparaissait presque derrière les toiles tendues
et nimbait le décor sous leurs yeux d’une lueur angélique. Lex sourit puis se
tourna vers son ami.
- Il faut qu’on parte d’ici.
Il hocha la tête, pas du tout surpris de son assertion.
- On les met en danger et ils le disent eux-mêmes,
expliqua-t-elle, ce n’est qu’une question de temps avant qu’ils ne soient tous
complètement écrasés. Autant ne pas leur attirer plus d’ennuis.
Frédéric acquiesça de nouveau. Puis il l’observa et
demanda :
- Qu’est-ce qui te contrarie ?
Elle lui jeta un regard surpris puis sourit, désabusée,
avant de hausser les épaules.
- Je préfère n’en parler qu’une fois que j’aurais fait un
peu le tri dans ma tête, si ça ne te dérange pas. Il y a certaines choses dont
il faudra que toi et Tia soyez au courant, par ailleurs. Mais…, elle haussa
encore les épaules, pour l’instant ce n’est pas le plus important.
Frédéric accepta de changer de sujet et demanda :
- Tu préfères que l’on parte maintenant ou que l’on attende
le réveil de Tia ?
Lex se mordit la lèvre en réfléchissant et Frédéric
contempla ce petit bout de femme avec un léger étonnement. Il lui remettait,
avec une facilité déconcertante et un naturel confondant, les rênes du pouvoir
et les décisions pour eux tous. Il était assez surpris. Après tout, elle avait
beaucoup moins d’expériences que lui.
Pourtant, il constata qu’il avait une grande confiance en
elle. Comme en Tia. Pourquoi ? Il ne l’avait pas vraiment vu en pleine
action. Même s’il savait que Tia l’avait formée et qu’elle était du genre
exigeante, il ne comprenait pas pourquoi cela lui paraissait normal de la
laisser décider pour eux quand ça aurait dû être à lui de le faire.
Il remarqua qu’à elle aussi cela semblait naturel. Elle
n’avait pas eu l’air surprise du tout quand il avait remis entre ses mains le
choix de décider. Il tourna son regard vers l’horizon et, avec ironie, se dit
que peut-être il se faisait tout simplement trop vieux pour tout ça.
Que ça ne l’intéressait plus de décider, diriger et qu’il
aspirait à une vie plus simple. Et laisser les autres décider était une bonne
façon de se simplifier la vie et de se reposer un peu. Surtout lorsque l’on
avait confiance dans son dirigeant.
Et il avait indéniablement confiance en Alexia.
C’était assez étonnant de voir comme elles se passaient les
rênes du pouvoir avec facilité en fonction de la situation et des
circonstances. Il avait pu le remarquer au court de leur fuite à travers le
monde et peut-être était-ce de là qu’il tenait sa confiance en Lex.
Dans tous les cas, il était heureux de ne pas être celui qui
dirigeait. Il attendit patiemment que la petite femme à ses côtés lui fasse
part du fruit de ses réflexions.
- Je préfèrerais maintenant, mais…
Lex secoua la tête.
- Nous ne sommes pas en mesure d’assurer le transport de
Tia, à moins…
- A moins ?
- Tu crois qu’ils nous prêteraient des chevaux ?
- Sûrement, oui. Pour une raison que j’ignore ils sont très
serviables. Je ne veux pas dire qu’ils ne le sont pas en général, mais ils ne
nous connaissent pas et pour un peuple sauvage, ils ne sont pas très méfiants.
Lex rit.
-Ne t’en fait pas, il y a une raison à ça. Cela fait partie
des choses auxquelles je dois réfléchir avant de vous en parler.
- Très bien. Mais… tu es sûre que l’on peut avoir confiance
en eux ?
Lex haussa les épaules.
- Rien n’est jamais certain, mais jusqu’ici ils n’ont
pas montré de signe d’hostilité et… il faut bien prendre des risques
parfois.
- C’est vrai, acquiesça-t-il avec un sourire. Donc on s’en
va ?
- Oui. L’état de Tia n’est pas mauvais, mais je serais plus
rassurée si on se trouvait à proximité d’un hôpital. Et rester est trop
dangereux. Surtout que le vent de la destruction sait parfaitement où nous
trouver.
- Cela me paraît sage. Quand partons-nous ?
- Dès que les préparatifs du voyage seront au point. Je vais
en parler avec Ashantra ce soir.
- Très bien.
- Tu mets les jumeaux au courant ? J’aimerais rester
avec Tia ce soir.
Frédéric sourit. Comme si elle ne pouvait pas être avec elle
pendant le voyage. Lex parut lire dans ses pensées car elle le fixa d’un air
indigné.
- Pendant le voyage je devrais me concentrer sur d’autres
choses, dit-elle d’un ton accusateur.
Il gloussa et elle se renfrogna. Il lui tapota l’épaule.
- Y’a pas de souci. Je m’occupe des enfants.
Elle hocha la tête en faisant la moue et le regarda
rejoindre le village. « Non, elle n’était pas accro », songea-t-elle
butée. Elle laissa couler le moment. « Bon, ok, je suis accro. Mais
j’étais loin de me douter que c’était aussi visible. » Un autre instant
passa. « Bon, d’accord, il faudrait être aveugle pour ne pas le
voir. »
Elle fixa l’horizon. « Ce que ça peut être
vexant. » Elle fit une grimace aux
derniers rayons su soleil couchant puis se raisonna.
C’est pas super génial d’être à ce point transparente mais
en même temps, ça permettait une certaine compréhension de son entourage, ce
qui finalement pouvait s’avérer utile comme maintenant.
« Et pourquoi diable je me prends la tête avec ça,
alors que je pourrais être auprès de ma femme ?! »
Elle se redressa et partit d’un pas déterminé vers la tente
du guérisseur. Elle s’assit à côté d’elle en s’appuyant contre des coussins.
Elle leva une main et repoussa du front de sa compagne quelques mèches noires.
« Elle avait la peau douce, constata-t-elle. Comment
était-ce possible ? » Ashantra entra à ce moment là et lui sourit.
- Comment se fait-il que sa peau soit aussi douce ?
Demanda-t-elle.
- Je l’ai enduite d’un onguent apaisant et hydratant.
- Vous ? Répéta la petite blonde en fronçant les
sourcils. Pas le guérisseur ?
Ashantra gloussa et se mit sur ses genoux, face à elle.
- Je pensais que vous l’auriez compris. Je suis le
guérisseur du village.
Lex ouvrit puis referma la bouche et se traita d’idiote.
- Remarquez, je peux comprendre que cela vous ait échappé,
se moqua la femme sombre en riant, vous avez été plutôt occupée.
La sœur du chef posa le regard sur la grande femme endormie.
- Elle se remet bien, rassurez-vous. Et elle a un corps à se
damner.
La dernière remarque fit ciller Lex. Ashantra le vit et posa
un regard pétillant sur elle.
- Rassurez-vous, le vôtre est extrêmement attirant aussi.
Lex rougit. Cette femme était peut-être guérisseuse mais
certainement pas médecin ! Elle manquait totalement du détachement propre
à cette profession. Lex se racla la gorge.
- Ce n’est pas le propos, fit-elle sans la regarder.
Ashantra rit.
- Oui, et c’est bien dommage, parce qu’il y en aurait
beaucoup à dire.
Lex posa un regard vif sur elle.
- Vous draguez toujours aussi ouvertement vos
patients ? S’enquit-elle un peu agacée de se sentir aussi mal à l’aise.
- Seulement lorsqu’ils sont attirants, confirma sa vis-à-vis
avec un sourire.
Lex la fixa un long moment, mais rien ne semblait devoir
mettre cette femme dans l’embarras alors elle renonça et soupira.
- Vous n’avez aucune chance avec moi. Pas plus qu’avec elle,
dit-elle néanmoins.
- Oh, mais je le sais ! Répondit Ashantra en riant. Ce
n’est pas le but de mes propos.
- Alors quels sont-ils ?
- Juste vous faire part du plaisir que vous et votre amie
sont pour mes yeux.
Une fois de plus, Lex resta sans voix. Elle détourna le
regard puis décida de changer de registre.
- Bien que votre hospitalité nous honore et que votre aide
nous ait été très précieuse, nous ne pouvons pas rester.
- Pour quelle raison ? Le vent de la destruction ne
sait pas que vous êtes ici, vous savez. Notre village est plutôt hors de leur
vue et suffisamment loin dans nos terres pour qu’ils aient du mal à nous
repérer. Surtout que leur élément est la nuit et notre défense bien meilleure
depuis leur dernière incursion sur nos terres. Sans parler de leur défaite d’il
y a deux jours. Ils vont mettre un moment avant de tenter quoi que se soit de
nouveau.
- Pas si ce que vous pensez que nous sommes est vrai. Pas si
Ashee le pense aussi. Et je ne serais pas tranquille tant que nous ne serons
pas loin d’ici.
- Je comprends. Que vous faut-il ?
- Euh… eh bien nous aurions besoin de chevaux. Et de
provisions. Et si vous vouliez bien nous prêter quelques armes, nous vous en
serions très reconnaissants.
Ashantra sourit gentiment.
- Vous ne semblez pas comprendre. Nous vous attendions. Vous
êtes la réponse à nos prières. Tout ce qui est à nous est à vous. Et je peux
déjà vous assurer que toutes les tribus des déserts pensent de même. Alors nous
vous prêterons tout ce que vous demanderez. Nous avons des contacts un peu partout autour de nos frontières, vous
n’aurez qu’à leur laisser nos chevaux lorsque vous n’en aurez plus besoin.
Ashantra se leva.
- Je vais aller voir Gardan pour mettre au point votre
départ. Demain matin vous irait-il ?
Lex hocha la tête et la guérisseuse sortit. Elle s’allongea
alors près de sa compagne et se blottit contre elle. Elle ne savait comment
prendre les révélations d’Ashantra. Ils les attendaient. Elle ne voulait pas y
croire. C’était trop de responsabilités. Et puis elle ne voulait pas y penser
maintenant.
Bien sûr, il faudra bien qu’elle s’y résolve mais comme elle
l’avait dit à Frédéric, ce n’était pas leur priorité. Enrick et Aniock oui.
Pour le reste… elle y réfléchirait lorsque Tia serait en meilleure forme.
Elle inspira doucement l’odeur de l’onguent mélangé à
l’odeur de mousse distincte de son amie et soupira d’aise. Elle savait que les
jumeaux et Frédéric ne tarderaient pas à arriver pour prendre le dîner avec
elles, mais elle avait quelques minutes pour elles seules et elle comptait bien en profiter.
Elle posa un baiser sur la joue abîmée et reposa sa tête
près de celle de sa compagne. En cet instant, elle ne rêvait que d’une chose…
voir les beaux yeux bleus de sa compagne plonger dans les siens.
Tia lui manquait. La chaleur dans ses yeux lorsqu’elle la
regardait. Son rire bas et sexy. Sa voix mélodieuse qui promettait bien des
plaisirs ou des frustrations. Son sérieux. Sa gravité. Sa douleur. Sa mauvaise
fois. Sa malice. Ses bras forts qui lui faisaient sentir que rien ne lui
arriverait jamais tant qu’elle y resterait.
« Pathétique », songea-t-elle. Tia n’était ni
partie, ni morte. Elle était juste à côté d’elle, en train de simplement
dormir. Et elle lui manquait. Elle repensa soudain à son père et sa haine de sa
compagne. Elle ne le comprenait pas. Tia était merveilleuse. Elle prenait soin
d’elle. S’efforçait de la comprendre.
Elle était patiente et aimante. Passionnée et folle d’elle.
C’était la personne qu’il lui fallait et elle était heureuse. Pourquoi ne
voulait-il pas le comprendre ?
A l’époque où elle avait dû choisir entre eux deux, elle
n’aurait jamais imaginé qu’elle aimerait Tia à ce point. A cette époque là,
elle était déjà dingue d’elle. Mais chaque jour qui passait, même les mauvais,
renforçait ses sentiments et les sublimait au point qu’ils en étaient
douloureux.
Si elle avait su ce qui l’attendait, les épreuves, le danger
et la douleur… et cette insupportable dépendance qui la faisait se sentir si
vide lorsque Tia n’était pas juste dans la même pièce qu’elle…, aurait-elle
fait un autre choix ?
Elle n’eut pas besoin de plus deux secondes pour y répondre.
Non. Ce qu’elle ressentait pour Tia… c’était ce qu’elle avait attendu toute sa
vie et puis, se souvint-elle, de toute façon elle n’avait jamais vraiment eu le
choix.
Elle avait effectivement attendu Tia toute sa vie. Plusieurs
vies durant même. Alors, non, elle n’avait pas vraiment eu le choix. Ou plutôt
si. Et elle l’avait fait, il y avait de nombreux siècles déjà. Et elle ne le
regrettait pas du tout.
Chapitre 4 :
Bien avant l’aube, ils se retrouvèrent tous prêt au départ.
Les jumeaux comme à leur habitude étaient mal réveillés et grognons. Et ils
posaient un regard noir sur leur mère adoptive, mais ne protestaient pas.
Lex jeta un œil à Frédéric qui lui fit un sourire rassurant.
Il maintenait fermement son ancienne protégée contre lui et Lex hocha la tête.
Elle regrettait de ne pas être assez grande et forte pour pouvoir le faire
elle-même.
Elle s’ébroua finalement et se força à se concentrer sur la
route à suivre. La veille Ashantra lui avait fourni une carte des quatre
déserts très détaillée ainsi que les noms et fonctions des personnes importantes
dans chacune des tribus.
Tia s’était réveillée
très brièvement pendant la nuit et Ashantra avait déclaré avec un
sourire :
- Maintenant, vous pouvez partir sans que je n’aie de
regret. Cela m’aurait frustrée de ne pas avoir pu voir ce magnifique visage en
mouvement.
Lex l’avait fixée sans parvenir à se décider quelle réaction
avoir.
- Elle est sur la bonne voie, avait poursuivi Ashantra. Elle
est encore un peu faible mais au vu de ce qui lui est arrivé, c’est plutôt
étonnant qu’elle s’en remette si vite. Les attaques mentales d’Ashee sont
perverses et destructrices. Peu de gens y survivent et aucun n’a réussi jusqu'à
présent à s’en remettre aussi rapidement. Ton propre rétablissement est plutôt
stupéfiant.
« C’est le fait des vieilles âmes » avait-elle
songé avec un petit rire intérieur sans vraiment savoir si c’était vrai, mais
très heureuse de partager ce point commun avec son âme sœur.
Lex était soulagée de voir que Tia allait mieux. D’ici à ce
qu’ils arrivent à la frontière des terres désertiques, ce qui devrait prendre
deux jours tout au plus, elle devrait être à nouveau sur pied.
Ils se mirent en route peu après avoir remercié Gardan et
Ashantra pour leur hospitalité et leur aide, en leur promettant de revenir dès
que leur problème serait réglé. Ashantra l’avait dévisagée puis avait eu un
petit sourire désabusé. Enfin, elle s’était penchée vers elle et avait murmuré
à son oreille :
- Tu sais que tu ne reviendras pas. Pas la peine de te
mentir. Mais tu peux fuir aussi loin que tu veux… cela ne changera rien. La
prophétie se réalisera que tu sois d’accord… ou non.
Alexia s’était raidie mais n’avait pas dit un mot. Elle ne
savait pas elle-même si elle reviendrait, mais ça aurait été la chose la plus
sage… après tout, elles avaient besoin d’infos pour savoir dans quoi on les
entraînait malgré elles.
Cependant, elle devait reconnaître qu’elle n’en avait pas
tellement envie. Ce qu’on lui prédisait de son avenir ne la réjouissait pas des
masses et si elle n’était pas lâche, elle ne voyait pas pourquoi elle devrait
gâcher le peu d’années qu’on lui donnait à vivre avec sa compagne en
accomplissant une prophétie qui la ferait peut-être la trahir.
Finalement, elle avait haussé les épaules.
- Je verrais ça avec Tia.
Ashantra avait souri et posé une main sur son épaule.
- Au moins retournez voir Harry. Il vous expliquera dans le
détail à quoi vous vous êtes engagées avec la cérémonie.
- Pourquoi ne l’a-t’il pas fait avant ? L’avait-elle
interrogé un peu irritée de toutes ces cachotteries.
Ashantra avait ri et Gardan avait répondu.
- Parce que vous ne l’auriez jamais pratiquée sinon. Mais
vous en aviez besoin. Si Harry vous avait tout expliqué vous auriez
probablement pris la bague et la procédure d’union des âmes, mais vous ne
l’auriez sûrement pas fait. Et la bague de Tia, sans la cérémonie, aurait brûlé
son âme comme vous le savez. Il comptait
sur votre nature curieuse et fleur bleue pour le faire.
- Et une fois de plus, il a eu raison, asséna Ashantra.
Allez le voir aussi rapidement que possible, cependant. Il y a des choses que
vous devez savoir à propos de l’engagement que vous avez pris l’une envers
l’autre. Cela a des effets que vous ne connaissez pas et nécessite un certain
apprentissage qui vous permettra de maîtriser ces phénomènes. Evidemment, si
vous reveniez ici, nous pourrions aussi vous apprendre tout cela avec une
meilleure ambiance que celle qu’Harry vous réserve, mais… c’est vous qui
voyiez.
Lex avait hoché la tête sans rien dire. Elle y réfléchirait
avec Tia. Elle n’aimait pas trop Harry, mais revenir ici, c’était se rapprocher
d’Ashee.
Puis ils avaient grimpé sur leurs chevaux. Un dernier signe
d’adieu et ils étaient partis. Ils chevauchèrent jusqu’au lever du soleil. Là,
Lex vérifia la carte que lui avait fourni Ashantra et décida de mettre le cap
sur une montagne désertique située plus à l’est.
Ils devraient y arriver au environ des heures les plus
chaudes et pourraient s’y reposer en attendant qu’elles passent. Plusieurs
points étaient ainsi marqués, leur permettant d’avancer tout en étant assuré de
trouver de l’ombre et un point d’eau.
Armés et sûr de leur chemin, ils pouvaient enfin profiter du
spectacle qu’offrait le paysage insolite et quasiment vierge du désert du
Kalahari. C’était un mélange étonnant de
steppe et de roches nues et de sol poussiéreux. Il y avait plus de points d’eau qu’on aurait pu le croire, ce qui
permettait aux fils du vent de bouger autant qu’ils en avaient besoin. Ce qui
compliquait un peu plus les raids du vent de la destruction.
Ils croisèrent des animaux, des chacals, des lynx, des
oiseaux, des rapaces. La plupart s’en allèrent en les voyants. Lex en chassa
quelque uns pour agrémenter leur dîner.
Lex et les autres cheminèrent la plupart du temps en
silence. Ils s’arrêtaient régulièrement pour réhydrater les chevaux et se
dégourdirent les jambes. Ils en profitaient pour réveiller Tia quelques
secondes et la faire boire.
Les jours passèrent et se ressemblèrent. Plus le temps
passaient et plus Tia restait éveillée longtemps. Le deuxième jour, elle obligea
Frédéric à lui laisser les rênes une partie de la journée. Son état
s’améliorant, la joie revint sur le petit groupe et Lex put mesurer pour la
première fois, combien la présence de sa femme et son humour tordu pouvait
alléger une atmosphère.
Tia avait beau être plutôt une personne sombre et taciturne,
sa simple présence, illuminait les personnes qui l’aimaient. Et Lex réalisa que
la mercenaire comptait bien plus que ce qu’elles s’imaginaient toutes deux. Tia
n’avait peut-être pas été très présente dans leur vie avant ces dernières
années, et elle partait souvent en voyage pour son travail, mais apparemment le
peu qu’elle était resté au ranch avait suffit à créer un lien, un
attachement très puissant dans le cœur de ses jumeaux.
Bien sûr, elles avaient toujours su que Tia comptait mais
elles n’avaient jamais pensé que c’était à ce point. Pourtant elles auraient
dû. Tia n’était pas la meilleure mère du monde et Lex non plus, mais cela ne
semblait pas poser de problème aux jumeaux. Ils avaient appris à se contenter
de ce que Tia leur donnait et Lex en prit conscience dans le désert.
Les jumeaux étaient incroyables. Bien plus sages et matures
que ce qu’aucune d’elles deux ne s’était imaginée.
Lex allait de surprise en surprise. Et à chacune d’entre
elles, elle se demandait pourquoi elle l’était. Len et Lara étaient les enfants
de Tia. Une personne a la volonté, au courage et la maturité hors norme. Il
était normal que ses enfants montrent son intelligence et son adaptabilité.
Le soir du troisième jour, ils s’installèrent dans une
grotte creusée dans une roche solitaire, plantée au milieu du désert de façon
incongrue. Une petite rivière coulait en son centre et Lex se demanda
brièvement où elle allait.
Ils trouvèrent une grande pièce sous terre où ils décidèrent
de passer la nuit. Ils allumèrent un feu et s’assirent autour. Ils devisèrent
tranquillement, heureux d’arriver dès le lendemain en terre connue. D’après le
plan fournit par Ashantra, ils arriveraient demain soir, au alentour de minuit
s’ils poursuivaient leur route après la tombée de la nuit, à Lusaka, en Zambie.
Ils pouvaient s’arrêter à la première ville venue en sortant
du territoire désertique, mais Lex pensait qu’il serait plus sûr de se perdre
directement dans une grande ville. Leur arrivée de nuit leur donnait aussi une
discrétion qu’ils n’auraient pas eu la journée, d’autant plus dans une petite
ville.
Lex avait tracé un chemin qui leur ferait éviter les deux
petits villages bordant la frontière et les mèneraient directement vers
l’habitation d’un des contacts de Gardan. Ils laisseraient les chevaux là-bas
et pourraient récupérer un véhicule motorisé en échange.
Lex voulait les emmener sans attendre dans une des planques
de Tia, située pour une fois, en plein milieu d’une grande ville. Celle-ci
possédait la particularité d’être au nom de quelqu’un d’autre. Cette personne
ne connaissait Tia ni d’Eve ni d’Adam. Pas plus qu’un Enyo ou une She-wolf.
En fait, leur transaction, ce prêt de nom, avait été conclue
par l’intermédiaire d’une ligne web que Tia avait soigneusement pris soin
d’effacer du réseau une fois l’affaire conclue. La personne avait été
grassement payée pour lui céder cet appartement sans y enlever son nom. Et
lorsque Lex s’était étonnée d’un tel risque, Tia lui avait expliqué qu’il
s’agissait en réalité d’une personne choisie très spécifiquement.
C’était un marginal qui haïssait le gouvernement, les
polices et tout ce qui ressemblait de près ou de loin à un être humain et
vivait hors du monde, comme un ermite en pleine forêt. Il avait hérité de cet
appartement faute d’héritier plus proche et s’était empressé d’accepter sa
proposition lorsqu’il l’avait mis en vente. Il avait parfaitement accepté son
explication comme quoi c’était pour que le fisc et ses agents avides lui
fichent la paix.
Tia payait donc en son nom à lui, des impôts et taxes sur
cette propriété. Il avait ainsi une existence officielle en Afrique qui
permettait au gouvernement de ne pas le chercher ailleurs et de vivre comme il
l’entendait pendant qu’elle faisait de même. Ils étaient tous deux parfaitement
satisfaits de cet arrangement.
Alors que Len avait finalement ressorti un jeu de cartes
offert par un des cousins de Gardan, et continuait d’apprendre les règles du
poker avec Frédéric, Lara elle lisait un des deux livres qu’elle avait tenu à
emmener à leur départ de Grèce. Elle l’avait déjà lu trois fois, mais ne se
lassait pas de cette histoire d’amour impossible entre un vampire ultra sexy et
une jeune ado arrivée chez son père.
Lex en avait lu quelques passages et reconnaissait que
c’était vraiment bien écrit. Et très poétique. Elle porta son regard sur sa
compagne qui si elle ne dormait pas avait posé la tête sur la paroi derrière
elle et avait fermé les yeux.
Les flammes du feu crépitant entre elles se reflétaient sur
le visage tiré de sa femme et Lex la trouva, même ainsi, magnifique. Tia
l’avait écoutée plus tôt dans la journée lui exposer ses plans et avait
acquiescé sans rien dire. Elle n’avait rien remis en cause et comme à son
habitude, peu parlé, mais elle était éveillée et cela avait suffit à tout le
monde.
En arrivant devant leur abri pour la nuit, Tia avait
déclarée qu’elle chevaucherait seule le lendemain. Lex avait ri et protesté
qu’il n’y avait pas assez de chevaux. Tia l’avait alors fixée et déclaré, très
sérieusement :
- Si. Si tu marches à côté du mien.
Lex avait ouvert des yeux ronds puis sourit. Elles s’étaient
dévisagées longuement, partageant les mêmes souvenirs, les mêmes sensations et
sentiments, d’un passé si lointain qu’il n’aurait pas dû être en elles. Elle
avait hoché la tête et répliqué :
- Du moment que de temps en temps je peux chevaucher
derrière toi.
Le double sens contenu dans la phrase avait fait rougir sa
grande compagne encore un peu déstabilisée par la fatigue dûe aux épreuves
violentes qu’elle avait traversées.
Tia ouvrit soudain les yeux et croisa son regard émeraude.
Lex laissa le bleu profond, assombri par les flammes, la capturer. Lex savait
qu’elle devrait faire part de ce que Gardan et Ashantra lui avait appris dès le
lendemain, lorsqu’ils seraient tous en sécurité. Elle devait donc profiter de
leur relative sécurité actuelle pour s’éclaircir un peu les idées.
Mais les yeux de Tia étaient bien plus attirants et
intéressants que les élucubrations de prophètes, voyants et timbrés comme
Ashee. Elles partagèrent ainsi, un long et serein regard. Le monde alentour
disparut et ne restèrent qu’elles deux… le bleu se baignant dans le vert. Le
vert se plongeant dans le bleu… rien d’autre que leurs sentiments respectifs se
mélangeant les uns aux autres.
Une communication silencieuse et intense s’établit alors.
Des choses s’agitèrent en chacune d’elle et les envahirent totalement. La
chaleur et l’amour qu’elles ressentaient firent comme un nuage moelleux et doux
à l’intérieur d’elles-mêmes. Et elles se fondirent dans cette fièvre avec un
délice inouïe.
Elles soupirèrent en chœur et leurs yeux se plissèrent et
s’assombrirent. Leurs bas-ventres entrèrent en éruption et elles bougèrent,
comme si une main les caressait. Une chair de poule soudaine recouvrit leur
bras et elles levèrent leurs mains dans un même mouvement pour la passer sur
leurs bras.
Elles se fixaient par dessus les flammes, perdues dans un
monde de sensations et de sentiments partagés. Aucune d’elles n’avait jamais
ressenti ça. Aucune d’elles ne remarqua la différence. Elles plongèrent là
dedans sans même s’en rendre compte. Avec un naturel stupéfiant.
Puis Len tapa sur le bras de sa mère et leur étrange échange
prit fin. Elles clignèrent des yeux et reprirent pied dans la réalité. Elles
échangèrent un regard surpris et un peu perplexe. Puis Tia se tourna vers son
fils et accepta sa demande de se joindre à leur partie de cartes.
*************************************
Ils arrivèrent comme prévu le lendemain dans la nuit et se
rendirent directement dans l’appart de Tia. Celui-ci s’apparentait plus à un
loft qu’a un appartement et les meubles choisis par le précédent propriétaire
étaient tous très design et loin de Tia.
Tout était en inox, couleurs vives et formes géométriques
tendances. Tia fit la grimaces en entrant mais les jumeaux poussèrent des cris
admiratifs et foncèrent visiter le reste. Le loft possédait trois vastes
chambres et une salle de sport. Une salle de bains digne de celle d’un Taj
Mahal et une piscine située en plein milieu du salon.
Lex marcha jusqu’à elle et la fixa d’un air perplexe. En
forme de cœur dont le fond et les murs étaient d’un rouge profond, elle était,
ce que tous ici s’accordèrent à dire, le summum du mauvais goût.
- C’est kitschissime au possible, lâcha Lex en se tournant
vers elle.
Tia haussa les épaules.
- Et encore t’as rien vu, fit-elle en se dirigeant vers le
meuble situé près de l’immense écran plat sur le mur du fond.
Elle en sortit des coffrets DVD et les lui montra. Lex
plissa les yeux et lut :
- Les aventures de Rhenna, la grande princesse guerrière.
Lex se redressa.
- C’est vrai qu’en matière de kitsch, cette série fait très
fort, confirma-t-elle.
Elles échangèrent un regard puis se sourirent.
- On en regarde des épisodes ce soir ? Suggéra Lex avec
un sourire en coin et une lueur amusée dans les yeux.
Tia acquiesça et dit :
- Je parie que ce que tu préfères dans cette série c’est
Marielle, la gentille petite brune.
- Pas du tout ! La contredit sa compagne avec
véhémence. Je préfère Rhenna ! Elle est grande, forte, et sa nouvelle
coupe de cheveux courte lui va à merveille !
Tia fit la moue en fixant le coffret.
- Moi je préférais quand elle avait les cheveux longs. Ils
étaient blond vénitien et ça lui donnait un air tout mignon.
Lex ricana.
- Ouais, ben une princesse guerrière avec un air tout mignon
c’est pas très crédible !
Tia haussa les épaules.
- C’est ce qui était marrant. Les gars ne se méfiaient
jamais d’elle.
Lex se rendit à ses côtés et lui prit un coffret des mains.
Elle l’observa un moment puis demanda :
- Tu crois qu’elles ont une relation lesbienne ?
- Ca crève les yeux !
- Ben, je n’en suis pas aussi sûre, protesta la petite
blonde. C’est vrai qu’elles ont l’air proche et tout, mais…
- Attends, la coupa sa compagne en se tournant vivement vers
elle, et le suçon dans l’épisode un jour sans fin ? Tu vas me dire que
c’est Rago qui lui a fait ? Ou mieux… Boxer ? J’t’en prie Lex, sois
pas aussi naïve ! Fit-elle en posant le coffret sur la table basse et en
se rendant dans la chambre que les jumeaux leur avaient attribuée près de la
porte d’entrée.
Lex lui tira la langue puis la suivit en marmonnant :
- Ben, moi je parierais pas dessus quand même…
****************************
Le dîner se passa dans la bonne humeur. Tout le monde était
content de pouvoir s’asseoir sur de vraies chaises et de manger quelques choses
de frais, chaud et qui n’était pas vivant à peine quelques minutes avant. La
perspective de douches chaudes et de lits douillets n’était pas pour rien dans
la joie ambiante.
Les jumeaux se battirent pour savoir qui serait le premier à
profiter de la douche et Tia profita de leur bagarre pour prendre la place. Ils
se rendirent compte de sa fourberie au moment où ils entendirent le clic de la
fermeture à clé de la porte.
- Mamaaaaaaaaaaann !!! Fit Len en tambourinant contre
la porte en colère. T’as pas le droit de faire ça !!!!!!!!! C’est pas
juste !!!!!!!!!!!
Lara avait croisé les bras et fulminait. Elle tourna les
talons et revint quelques minutes plus tard avec Lex. La jeune fille lui
expliqua la situation et la petite blonde réprima un sourire qui aurait
envenimé les choses. Elle se planta devant la porte et toqua.
- Tia, c’est moi. Ce n’est pas très sympa. Tu ne peux pas
attendre qu’ils en aient terminé ?
- Se serait une attitude digne d’une vraie mère ! Lança
Lara indignée derrière elle.
Lex se mordit la lèvre pour ne pas ricaner. Ce genre
d’argument donnait en générale à sa compagne, envie de faire un autre pied de
nez.
Le clic d’ouverture se fit entendre à peine deux secondes
avant que la porte ne s’ouvre brusquement. Tia apparut, à demi-dévêtue, un
sourire énorme sur le visage et une lueur diabolique dans les yeux.
Elle fixa ses enfants et, sans les quitter des yeux, attrapa
le poignet de Lex et tira. Celle-ci se retrouva appuyée contre un torse très
familier et alors qu’elle souriait devant une paire de seins plutôt contente de
la voir, elle entendit la porte de la salle de bains se refermer.
Deux cris outrés et fulminant d’une grande frustration
retentirent. La porte vibra de leur colère, puis, après un délai qui leurs
sembla raisonnable, ils cessèrent leurs jérémiades et tournèrent les talons.
Lex n’avait pas attendu la fin des hostilités pour s’occuper
des pointes dressées devant sa bouche. Tia avait enfoncé ses doigts dans les
cheveux blonds de sa compagne et rejeté la tête en arrière.
Elle recula en trébuchant vers le bain et balbutia :
- J’ai envie d’un bain un peu spécial.
Sans lâcher les deux superbes globes dont elle se repaissait
avec avidité, Lex souffla :
- Ca me va très bien.
Tia recula encore et lorsque ses genoux touchèrent le bord
de la très très grande baignoire, elle relava la tête de Lex et l’embrassa à
pleine bouche tout en se débarrassant de ses vêtements avec une célérité digne
d’une championne olympique.
Lex lui donna un coup de main et lorsqu’elle fut enfin nue,
elle se jeta sur sa compagne avec une vigueur due à une trop longue abstinence.
Tia acculée contre le rebord en marbre rose, perdit l’équilibre et bascula dans
la baignoire avec un grand splash.
Lex la regarda disparaître sous l’eau une main sur la
bouche. La tête de sa compagne ne tarda pas à réapparaître et Lex blagua
faiblement :
- Heureusement que la baignoire tient de la piscine parce
que sinon je t’aurais renvoyé aux pays des songes…
Tia secoua la tête en riant.
- Mon corps te manquait tant que ça ?
Elle se releva, ruisselante et alors que Lex ouvrait de
grands yeux fascinés, Tia baissa les mains vers sa culotte complètement
trempée, et commença à la baisser avec une lenteur calculée.
- Laisse-moi te rendre un peu plus dingue…
Lex déglutit et profita du spectacle hypnotisant que sa
mercenaire lui offrait.
**************************************
Deux heures plus tard, elles ressortirent de la salle de
bains toute propres et très satisfaites. Tia se rendit dans la chambre de Len
pour leur dire que la place était libre, pendant que Lex allait faire un tour
dans le frigo.
Elle trouva son fils en pyjama et sous les couvertures.
Frédéric avait mis la climatisation en marche dès leur arrivée mais les nuits
étaient quand même trop froides pour se contenter d’un simple drap.
Elle s’assit sur le rebord de son lit et lui sourit.
Len mit la BD qu’il avait trouvé de côté et posa un regard
grave sur sa mère. Il n’avait pas cessé de retourner la question dans son
esprit. Elle l’avait taraudé tout au long de leur fuite dans le désert et il
savait qu’il ne pourrait réellement trouver la paix que lorsqu’il en aurait le
cœur net.
Il prit donc une profonde inspiration et pria pour que Lara
ait eu raison.
- Maman…
Tia leva deux sourcils interrogateurs et posa un regard
attentif sur lui. Son ventre se noua mais il se força à poursuivre. Il avait
besoin d’être sûr.
- Est-ce que… est-ce que tu as tué papa ?
Tia se figea et son sang se glaça. Le visage encore abimé
par endroit, se vida de son sang et Len sentit une sueur glacée se répandre
dans tout son corps.
Chapitre 5 :
- Que… ? D’où… ?
Tia avait la gorge nouée et ne parvenait pas à articuler.
Elle dardait sur son fils un regard effrayé. Il y lut tout ce qu’il avait
besoin de savoir et détourna les yeux, fixant le mur à ses côtés.
- Tu l’as vraiment tué alors… souffla-t-il sans parvenir à y
croire.
Il avait vraiment cru Lara, vraiment cru que la femme avait
menti. Que jamais sa mère ne leur aurait caché un truc pareil. Ou… Et si la
femme chef avait dit vrai là dessus, elle avait sûrement dit vrai pour le reste
aussi.
Son père avait été un grand homme. Un être de valeur.
Quelqu’un de si connu que même cette femme dans son coin reculé en avait entendu
parler. Il avait toujours cru que parler de lui était trop douloureux pour sa
mère… et en effet c’était le cas… mais par parce qu’elle l’avait aimé. Non.
Mais parce qu’elle l’avait tué.
Et pas n’importe comment apparemment. Elle l’avait battu à
mort. Battu à mort. Il leva un regard horrifié sur sa mère.
- Tu l’as battu à mort… tu… tu l’as… écrabouillé avec tes
poings… tes pieds… tu… l’as… tué… de façon horrible.
Tia tressaillit. Chacun des mots, son regard, sa voix… tout
lui faisait mal. Et la replongeait en un lieu sombre duquel elle avait eu du
mal à s’extirper.
- Ce n’est pas…, balbutia-t-elle d’une voix rauque, ce n’est
pas ce que tu crois. Je… il…
Len se redressa soudain, manquant de frapper sa mère se
faisant.
- Il était vivant !!! cria-t-il.
- Qu… quoi ?
- Il y a quatre ans… il était vivant !! Tu n’as jamais
voulu nous parler de lui et on a
toujours pensé que c’était parce qu’il n’était plus là, mais il
l’était !!!!! On aurait pu le connaître !!!!! Et tu nous en as
empêchés !!!!!!! Pire que tout, tu l’as tué !!!!!! Tu l’as
tué !!!!!!!!!!! J’arrive pas à y croire, fit-il en la repoussant pour se
mettre debout en prise à une colère comme elle ne lui en avait jamais vu. Tu
l’as tué !!!!!! Et tu es là, à nous dire ce qui est bien de ce qui est mal !!!!
Alors que TU AS TUE NOTRE PERE !!!!!!!!!! Hurla-t-il au comble de la rage.
Tia tressaillit violemment mais ne dit rien. Qu’aurait-elle
pu dire d’ailleurs ? Il avait raison. Elle avait tué leur père. Les
avaient empêché de le voir. Elle n’était pas une bonne mère, et il semblait
enfin s’en rendre compte.
Elle avait toujours redouté ce moment autant qu’espérer
qu’il arrive. Elle n’aimait pas passer pour ce qu’elle n’était pas et ses
enfants étaient si persuadés qu’elle était quelqu’un de bien.
- MAIS DIT QUELQUE CHOSE, MERDE !!!! Cria-t-il exaspéré
par son silence. Pourquoi t’as fait ça ?!! Pourquoi t’as menti ?!!
Pourquoi tu l’as TUE ?!!!
Tia posa un regard empli d’une détresse si profonde sur lui,
qu’il hésita un instant, mais la colère et le sentiment d’être passé à côté de
quelque chose, de trahison et de tristesse fut le plus fort.
Il la fixa avec rage, dégoût et mépris. Et le cœur de Tia
sombra. Elle lut dans le regard si vert de son enfant, la même haine que dans
celui de son père. La même haine qu’elle se portait à elle-même.
Dans la chambre de Lara, Lex entendit les cris sans les
comprendre. Mais la flamme qui s’étouffa soudain dans son cœur lui fit réaliser
que c’était sérieux. Elle se leva d’un bond et traversa les quelques mètres qui
la séparaient de la chambre de Len, Lara sur ses talons, en quelques secondes.
Là, elle trouva sa femme assise sur le lit du fond, son fils
debout en face d’elle, le corps vibrant de rage contenue. Lara la percuta et
Lex avança d’un pas dans la chambre,
attirant l’attention des deux autres.
Le regard plein de colère de Len et celui de douleur de Tia
la frappèrent en plein cœur. « Ok, qu’est-ce qui c’est passé ? »
- Len ? Tia ? Qu’est-ce qu’il y a ?
Len cracha plein de hargne :
- Elle a tué mon père !!!
Lex ouvrit de grands yeux stupéfaits. Que… comment ce sujet
était-il venu sur le tapis ?! Et pourquoi diable Tia avait-elle avoué
cela ?!
- Arrête de dire n’importa quoi Len ! L’apostropha une
voix dans son dos.
Lex se retourna et découvrit une Lara un brin perplexe et
agacée. Elle avança vers son frère dans le but de le calmer mais il la
transperça du regard et répéta :
- Elle a tué notre père, la chaman n’a pas menti ! Tu
t’es trompée !
Lara s’arrêta et le fixa. Il avait l’air de vraiment le
croire.
- Demande-lui si tu me crois pas ! Cria-t-il en
désignant leur mère.
Lara tourna un regard incertain vers sa mère et ce qu’elle
la vit la figea. Sa mère avait un air malheureux et coupable qui voulait tout
dire. L’expression de Lara se fit suppliante :
- Dis-lui que c’est faux, maman. S’il te plaît…
Tia ferma les yeux, inspira un peu puis les rouvrit. Elle
planta un regard ferme mais douloureux dans ce regard si semblable au sien et
dit :
- Je suis désolée, mon cœur, mais je ne peux pas.
Tia garda le regard fixé sur celui de sa fille et la vit
écarquiller légèrement les yeux, envahit par le choc de la révélation.
Contrairement à Len, Lara n’explosa pas en une montagne de colère et de sentiment de trahison. Dans ses yeux, Tia
lut une déception qui fit mal.
Lara la dévisagea un long moment, son frère vibrant de
colère, à côté d’elle, puis tourna les talons sans rien dire. Len jeta un
dernier regard à sa mère et suivit sa sœur. Lex les regarda passer devant elle
avec une nervosité patente. Elle se tourna ensuite vers sa femme et ce qu’elle
vit lui déchira le cœur.
Tia avait les yeux fermés, le visage pâle, le corps tendu à
l’extrême. Lex se précipita vers elle avec une inquiétude affreuse. Elle avait
l’impression de revoir Tia après la mort
de Sassem et quelque part, elle savait que c’était le cas.
Elle s’assit à côté d’elle et l’entoura de ses bras. Tia
resta comme un morceau de bois entre ses bras et Lex finit par se lever. Elle
prit la main de sa femme et la força à se mettre debout. La mercenaire finit
par ouvrir les yeux et se laissa guider jusqu’à leur chambre.
Là, Lex l’assit sur leur lit et lui retira ses vêtements
avec lenteur et douceur. Puis lui enfila un grand t-shirt large qu’elle gardait
pour dormir et l’incita à se coucher. Tout ceci, les gestes, les mots de
réconforts, le silence, lui rappelaient tellement un passé dont elle avait eu
peur de ne pas sortir sa compagne, que son ventre se noua.
Elle retira ses propres vêtements et enfila un t-shirt à Tia
avant de s’allonger à ses côtés. Elle l’attira à elle, la tête de son amie
contre sa poitrine et caressa les cheveux avec une douceur patiente.
Elle ferma les yeux et se concentra sur leur lien, ce lien
magnifique qui les avait rapprochées, ce lien qui venait subitement de
refroidir, la flamme de Tia ne s’agitant plus que comme des braises enflammées.
Lex avait peur. Et la situation était si spécifique, tellement délicate…
qu’elle craignait de dire ou de faire une connerie.
Après un long moment, passé à guetter la moindre
amélioration, Lex sentit Tia se détendre imperceptiblement et se décida à
l’interroger.
- Qu’est-ce qui s’est passé ?
La respiration de Tia se bloqua puis se relâcha lentement.
- Ashee, souffla-t-elle en entourant d’une étreinte forte la
taille de sa compagne.
Lex fronça les sourcils.
- Ashee ?
- Tu ne l’as pas entendue, hein ?
- Non.
- Dans le cratère, pendant… notre fuite… elle… elle a voulu
foutre le bordel et… déstabiliser les jumeaux était une bonne façon j’imagine…
Tia se tut et Lex ne la pressa pas de question. Tia livrait
les infos à son rythme. Elle avait toujours du mal à parler des choses qui la
blessaient, plus que les autres gens. Cela venait autant de son caractère de
dur à cuire que de la nécessité de son enfance.
Et la dépression n’avait rien arrangé. Avant, même si c’était
difficile, un moment très délicat à passer et à expliquer à ses enfants, elle
n’aurait pas craqué ainsi. Elle ne se serait pas effondrée aussi facilement.
Elle aurait mal, mais serait restée debout et aurait réfléchi à comment
désamorcer la situation. Là…
Là… Tia… s’était de nouveau enfermée en elle-même.
- Je ne sais pas comment, elle l’a su, reprit la grande
femme, mais elle a appris que j’avais tué Sassem et leur a dit.
- Les souvenirs…, murmura Lex.
- Oui… les souvenirs.
- C’est Len ou toi qui avaient abordé le sujet ?
- Len. Je… j’avais oublié.
« Oublié. Oui, bien sûr que tu as oublié »
- Je ne comprends pas pourquoi il n’en a pas parlé avant,
dit Lex presque pour elle-même.
- Je ne sais pas…
Lex laissa couler un autre moment de silence entre elles
puis se lança :
- Il va falloir que tu parles de Sassem Ti. De ce que… ça
t’a fait et de pourquoi…
Tia se raidit.
- Pourquoi, je devrais faire ça ? Ca n’a rien à voir.
- Ca a tout à voir, mon cœur, répliqua la petite femme sans
cesser ses caresses sur les cheveux noirs de sa compagne. Tu ne t’en es pas
remise. Et ça te rend plus fragile.
- Je ne suis plus dépressive ! Protesta la grande femme
vivement.
L’énergie mise dans la réponse ravit la petite femme qui
sourit au plafond.
- Ce n’est pas ce que je dis Ti. Juste que sa mort… la façon
dont elle est survenue… te hante encore. Comme bien d’autres choses de ton
passé. Mais celle-ci… celle-ci te gâche la vie et je pense… que tu devrais en
parler. Ca… je pense que ça pourrait t’aider à… mieux aborder le sujet avec tes
enfants. A mieux le vivre. Et leur expliquer.
Tia enroula ses doigts autour de la peau de la taille de
Lex, soudain tendue.
- Je ne crois pas que ça ait un rapport.
Lex passa une main douce sur la tête qui reposait contre ses
seins et laissa l’autre errer sur la taille ferme de sa compagne.
- Ca en a un et tu le sais. Ne te mens pas Ti. Tu plonges
bien plus facilement dans ce genre d’humeur lorsque ton passé revient te taper
la tête. Il faut que tu en parles Ti. Pour ne plus le laisser te dominer ainsi.
Lex laissa ses paroles faire leur chemin puis reprit :
- Tu es une maniaque du contrôle. Alors reprends le contrôle
de tes souvenirs mon amour. Ne les laisse plus t’écraser ainsi.
La gorge de Tia se serra et les larmes affluèrent derrière
ses paupières closes. C’était vrai. Complètement et totalement vrai. Mais
c’était si difficile…
Elle déglutit et resserra son étreinte sur le corps chaud et
rassurant de sa femme et lâcha un soupir tremblant.
- Rien ne presse, fit la voix de son aimée. Rien, ni
personne ne t’oblige à parler avant que
tu n’y sois prête. Mais Tia… réfléchis-y, ok ? Et sache que je serais là…
toujours… n’importe quand… dis-moi juste ce dont tu as besoin et je te le
donnerais.
L’image du futur montré par Ashee passa dans son esprit mais
ne s’attarda pas. Ce n’était pas le moment et puis, elle savait que ce n’était
qu’un futur possible. Pas une obligation et il y avait toutes les chances même
pour que se soit un mensonge, une manipulation de son esprit pour les séparer.
Lex aimait Tia et jamais… jamais elle ne ferait ce qu’elle
avait vu à Tia. Jamais. Plutôt s’arracher bras et jambes dans l’instant.
Tia hocha la tête et soupira. Deux larmes roulèrent sur ses
joues et tombèrent sur le tissu frais du t-shirt de Lex. Tia les regarda
imprégner le vêtement et l’assombrir, puis se blottit plus profondément dans
l’étreinte de sa compagne.
Lex sentit le besoin d’être dorlotée de sa compagne et elle
ne se fit pas prier. Elle resserra son étreinte et se mit à la bercer. Elle
embrassa le sommet de son crâne et souhaita de toutes ses forces être capable
de chasser la souffrance du cœur de son âme sœur.
Pourquoi la vie s’acharnait-elle ainsi ? Tia avait
enduré les pires souffrances pour arriver là où elle en était… avec elle.
Et était-elle récompensée ? Avait-elle été remerciée de ses efforts
continuels pour ne pas céder à la facilité des tueries sans fin ?
Non. Bien au contraire. On ne cessait de mettre des
obstacles sur sa route et Lex en était peinée au-delà du possible. Tia avait
tellement morflé. Et tout ça pourquoi ? Parce qu’un crétin de dieu avait
décidé que le geste d’amour le plus pur et le plus magnifique que Tia, Xena,
avait eu pour elle était une abomination ! Ca n’avait rien d’abominable.
C’était une erreur. Une erreur faite par amour. Pour réparer
une autre erreur.
Lex secoua la tête. Chacune de leur séparation avait été un
échec. Une source d’ennui profond. Que ça ai été lors de leur première
existence ou dans cette vie ci. Elles avaient pris les mauvaises décisions ou
ça ne leur avait pas porté chance tout simplement.
Elles étaient faites pour être ensemble. A chaque minute de
chaque seconde de leurs vies.
Et ça Ashee devrait se l’enfoncer dans le crâne une bonne
fois pour toute.
***************************************************
Elles se réveillèrent aux premières lueurs du jour, le bruit
de la circulation et des voix en arrière fond. Elles s’étaient endormies sur le
dessus de lit, lovées l’une contre l’autre et Lex ouvrit les yeux la première,
même si elle sentit au changement de rythme respiratoire de Tia que celle-ci
était réveillée aussi.
Elles se trouvaient vraiment près, le visage tourné l’une
vers l’autre et Lex leva une main. De son index elle traça légèrement les
sourcils si parfaitement dessinés de sa femme et poursuivit avec ses pommettes
puis sa mâchoire et enfin ses lèvres.
La respiration de Tia s’accéléra imperceptiblement et une
langue taquine sortit de la bouche rouge et tentatrice et captura le doigt
voyageur. Lex sourit lorsque des dents le mordillèrent. Les yeux bleus
s’ouvrirent soudain et plongèrent intensément dans les siens. Lex en frissonna
jusqu'à au plus profond d’elle-même.
Puis les yeux bleus s’assombrirent et Tia rompit le contact
en roulant sur le dos. Elle fixa le plafond un long moment et Lex se redressa
sur un coude pour l’étudier. Tia
irradiait une douce tristesse. Mais ses yeux, lorsqu’elle les posa sur elle,
étaient tous ce qu’il y avait de plus vivant. Tia avait l’esprit à nouveau
clair et serein. Seule la tristesse restait.
- Ils ne resteront pas en colère indéfiniment Ti. Surtout
lorsqu’ils sauront pourquoi tu as dû le tuer. Ils t’en veulent de ne rien avoir
dit, mais ça aussi ils en comprendront la raison.
- Je ne veux pas qu’ils sachent.
Lex ouvrit de grands yeux.
- Mais pourquoi ?! Tia ils sont suffisamment âgés et
intelligents pour comprendre.
- Je ne veux pas qu’ils sachent, répéta-t-elle.
Lex fronça les sourcils.
- Tia, ça n’a pas de sens. Pourquoi ne veux-tu pas leur
expliquer ?
Tia tourna un visage en colère et railleur vers elle.
- Leur expliquer ?! Leur quoi ?! Que leur père
était le pire salaud que cette terre ait jamais porté ?! Que c’était un
mégalomane doublé d’un sadique ?! Qu’il a détruit tellement de vies que
l’enfer est trop bon pour lui ?! Qu’il m’a torturée et à moitié
détruite ?! Qu’ils sont le fruit d’un putain de viol ?!! Finit-elle
en criant.
Lex tressaillit mais ne fléchit pas.
- Oui. Oui, je veux que tu leur dises ça.
- T’es cinglée ?!!
- Non Tia, mais je ne veux pas qu’ils te fassent du
mal. Et ils le feront jusqu'à ce qu’ils aient une explication.
- C’est moi leur mère, c’est à moi de prendre les coups pas
à eux ! Répliqua-t-elle furieuse en se redressant vivement.
- Tia, ils vont se poser des questions, s’entêta la petite
femme. Se ne sont plus des bébés, ils ont droit à une explication ! Et
leur cacher quel connard était leur père ne les aidera pas à se
construire !
- Ils n’ont pas besoin de ça pour ça ! Rétorqua-t-elle
en se levant furieuse.
Tia se retourna vers sa compagne et la voyant sur le point
de parler déclara :
- Cette discussion est close. Je ne veux plus qu’on aborde
le sujet. Les jumeaux se feront l’opinion qui leur plaît, mais personne, et je
dis bien personne, ne leur dira qui était leur père, c’est clair ?
Lex serra les dents et la fixa d’un regard noir. Elles se
jaugèrent un moment puis Tia tourna les talons et entra dans la salle de bains.
Lex la suivit des yeux. « Je n’ai rien promis », songea-t-elle en
fixant la porte close.
****************************************
Ils se retrouvèrent tous autour de la table du petit
déjeuner dans un silence maussade et colérique. Frédéric fixa Lex d’un air
interrogatif et elle lui dit silencieusement qu’elle lui expliquerait plus
tard.
- Je dois contacter mon oncle et Enyalios pour savoir ce
qu’ils ont appris sur Aniock. Mais avant j’aimerais savoir ce que tu as appris
des fils du vent ? S’enquit Tia pour briser le silence.
Lex hocha la tête en se remémorant toutes ses découvertes
puis se lança :
- Ils m’ont expliqué comment Ashee est arrivée et les
changements que cela a entraîné. Gardan et Ashantra m’ont… euh… parlé d’une
prophétie existant depuis plus d’un siècle. Et… hum, je pense qu’on devrait en
reparler plus tard.
- Pourquoi ça ?
Lex fixa les jumeaux d’une façon explicite ce que vit Len.
- Oh, faut pas parler devant les gamins, c’est ça ?!
Fit-il en se levant furax. Vous êtes de sales cons hypocrites ! Lança-t-il
en tournant les talons.
Frédéric ouvrit de grands yeux choqués mais Tia ne broncha
pas.
- Len, reviens ici tout de suite ! L’apostropha son
ancien tuteur en colère.
- Laisse-le, fit Tia. Il a ses raisons.
Puis Tia se tourna vers sa fille qui n’avait pas bougé et
dit :
- Tu veux bien le rejoindre, s’il te plaît ?
Lara la transperça du regard et se leva.
- Len a raison. Y’en a marre d’être traité comme des gosses.
On a 17 ans. Bientôt 18 et on a vu plus de choses que les ados normaux, il me
semble qu’on a prouvé qu’on pouvait nous faire confiance.
- Là n’est pas la question Lara, fit Lex en posant la main
sur son bras. Il y a certaines choses qui ne vous concernent pas, tout
simplement parce que vous êtes des ados.
- Mais on est ici. On est coincé dans cette histoire. Comme
vous. Alors nous caché des choses est immoral.
Tia pinça les lèvres puis expliqua :
- Tout ce qui concerne le problème nous ayant mené à cette
fuite permanente, ne vous ait pas caché. Mais le reste, ce qui ne concerne pas
cette fuite, ne vous concerne pas. Il s’agit de problème en plus, que l’on
devra régler une fois de retour au ranch. Il s’agira d’une mission comme une
autre pour nous.
Lara ne lâcha pas sa mère du regard et c’est furieuse
qu’elle rejoignit son frère. Lex en profita pour relater aux deux autres ce que
Gardan et Ashantra lui avaient appris sur l’ancienne prophétie, l’apparition
d’Ashee en rapport avec elle, son ascension parmi les Varecks, l’association
des différentes tribus et le lancement raté du sort qui a donné lieu à une
nouvelle prophétie, parlant d’une gardienne, de jumeaux guides, d’un animal
totem mais omettant le rôle apparemment crucial, qu’elle-même jouait la dedans.
Lex avait décidé que ce n’était qu’une manipulation de plus d’Ashee et que cela
ne valait pas la peine d’en informer les autres, cela n’aurait servi qu’à
inquiéter inutilement son aimée.
Lorsqu’elle eut fini, elle ajouta :
- Ils m’ont aussi parlé de la cérémonie d’union des âmes et
de l’homme qui m’a vendu ta bague. Ils… ils m’ont conseillé de retourner le
voir dès que cela sera possible. Que l’on devrait être au courant de certaines
choses. De… certains effets secondaires…
Tia fronça les sourcils et repensa à leur étrange communion
dans la grotte la nuit avant leur arrivée et hocha la tête.
- Ok. On s’en occupera dès que l’on pourra. Mais la priorité
pour l’instant c’est Aniock. Nous sommes suffisamment loin de la tribu du vent de
la destruction pour ne s’occuper d’eux qu’une fois tout ceci réglé.
- Parce que… Tu voudras qu’on y retourne ? Demanda Lex
hésitante.
- Si ce qu’ils disent est vrai, ce n’est pas une chose que
l’on maîtrisera.
- Mais…
- Mais quoi ?
Lex échangea un regard avec Frédéric et c’est celui-ci qui
s’expliqua :
- Le futur prédit des jumeaux n’est pas très encourageant,
fit-il gravement.
- C’est justement pour cette raison que l’on doit y
retourner. Je veux des détails. Et je n’avais pas l’intention d’y emmener les
jumeaux. Toi et moi y retournerons une fois le problème Aniock réglé et après
que nous ayons obtenu des éclaircissements sur notre union, fit-elle à sa
compagne.
Lex hocha la tête un peu angoissée à cette perspective.
- Bien, maintenant que tout ceci est réglé, fit Frédéric, si
vous m’expliquiez ce qui se passe avec les jumeaux ?
Chapitre 6 :
Après la discussion lourde en découvertes, Tia se rendit
dans le salon et retira un des tableaux de mauvais goût du mur près de la
porte. Derrière se trouvait un petit coffre-fort qu’elle ouvrit. Elle y prit un
boitier puis le referma.
Elle traversa ensuite le salon et déplaça une latte du
plancher près du coin du mur au-dessous de la télé. Apparut alors une cache en
acier noir où de petites lumières vertes clignotaient. Elle approcha le boitier
de la porte, entra un code précis et attendit. Les lumières vertes passèrent au
rouge, et elle entra une autre série de codes sur le boitier. Les lumières
passèrent au bleu et Tia entra une dernière série de codes.
La porte de la cache s’ouvrit en silence. Tia posa le
boitier et sortit de la cache, un ordinateur portable et un téléphone par
satellite, tout deux sécurisés.
Elle referma la porte de la cache où se trouvaient un
porte-document plein et une enveloppe en papier kraft remplie d’argent et de
faux papiers. Elle se releva et se rendit sur le canapé en fausse peau de
léopard.
Elle s’assit et alluma les deux appareils, tapa une série de
codes de sécurité puis attendit. Un bip la prévint que les appareils étaient
sous tension et elle en tapa une seconde série pour les mettre en marche.
Lex entra à ce moment là dans la pièce et s’assit sur le
rebord à côté d’elle.
- Comment fais-tu pour te souvenirs de toutes ces séries de
chiffres ? Ca me dépasse. Dans toutes tes planques il y a des appareils
qui nécessitent des séries de codes pour être utilisables et on ne peut pas
dire que tu t’y rendes très souvent, alors comment fais-tu pour ne rien
oublier ?
- Moyen mnémotechnique.
- Quel genre ?
Tia releva la tête et lui fit un petit sourire.
- Se sont mes moyens mnémotechniques, mon cœur.
- Tu ne veux pas partager ? S’exclama la petite femme
stupéfaite.
Tia ne répondit pas et retourna à son ordinateur.
- Trouve les tiens.
Estomaquée et intriguée par ce brusque regain de réserve,
Lex la regarda relier les deux appareils entre eux puis déterminer un chemin
téléphonique sûr. Elle pirata un satellite puis brouilla les ondes et enfin,
composa un numéro.
Pendant que sa compagne téléphonait à son oncle, Lex décida
d’aller voir les jumeaux. Ils se trouvaient avec Frédéric dans la salle de
sport. Celui-ci essayait de leur faire comprendre, sans pour autant dévoiler
des choses que Tia préférait garder pour elle, que leur mère n’avait pas fait
cela avec de mauvaises intentions.
Mais c’était une chose difficile à faire saisir, car à
chacune de leurs questions, il ne pouvait donner de réponse, et la douleur que
Lex vit dans les yeux des jumeaux, tant à cause de ce qu’ils considéraient
comme une trahison de la part des adultes en qui ils avaient toute confiance,
que parce qu’ils ne pourraient jamais savoir qui était leur père.
On leur avait menti, on les avait empêchés de voir leur père
et aujourd’hui encore, on les traitait comme s’ils ne méritaient pas de
connaître la vérité. C’était injuste et Lex en avait bien conscience.
C’était déjà assez difficile de savoir que leur mère avait
tué leur père. Ne pas savoir pourquoi rendait tout ceci plus douloureux et plus
glauque encore. Mais Lex avait bien l’intention de faire changer sa femme d’avis.
Les jumeaux étaient aussi ses enfants et son opinion devait compter autant.
Même si cette affaire était délicate.
Elle pénétra dans la pièce pleine d’appareils en tout genre,
tous d’une couleur bizarroïde et fit signe à Frédéric de rejoindre Tia. Etant
le seul à connaître Aniock personnellement, il serait le seul en mesure de dire
si les choses qu’Enyalios et Gin avaient découvertes comportaient un fond de
vérité et de crédibilité.
Elle resta avec les jumeaux et ils se considérèrent un long
moment en silence. Lex put voir que Lara était profondément malheureuse, comme
si la trahison de sa mère était plus dure à digérer que ce qu’elle avait fait.
Len en revanche dégageait la même aura de colère intense que projetait sa mère.
Il était très en colère de son mensonge mais elle sentait qu’il était aussi
très affecté par la disparition de son père.
Elle savait qu’il avait toujours eu envie de le connaître. Il avait constamment imaginé des choses sur lui. Exactement comme il l’avait fait avec sa mère. Lara avait moins rêvé de lui. Elle était plus terre à terre. Et elle s’était parfaitement contentée de ses deux mères. Du moment qu’elle avait deux parents, pour elle, le reste importait peu. Elle le lui avait dit. Elle était donc certaine que ce qui affectait Lara était surtout le mensonge maternel.
Elle s’approcha de la jeune fille et lui posa une main sur
l’épaule. Lara ne tourna pas la tête vers elle mais la posa sur son épaule. Lex
l’attira dans une étreinte douce. Et Lara s’y coula. Lex regarda en direction de
Len, mais le jeune homme d’ordinaire si doux était trop remonté pour accepter
son aide.
- Ca va passer, fit-elle après un moment. Le choc des
révélations va s’atténuer et vous vous sentirez mieux.
- J’crois pas non, cracha Len plein de ressentiment. Elle a
tué notre père non de dieu !!
Lex poussa un soupir.
- Oui, elle l’a fait. Mais vous ne connaissez pas les
circonstances.
- Battu à mort ! C’est la chaman qui l’a dit.
Lex serra les dents de colère. Ashee. Que ne donnerait-elle
pas pour l’avoir sous la main et lui faire ravaler ses paroles.
- Je parle des circonstances qui ont amené votre mère à le
tuer.
- Ah ouais ?! Et c’est quoi ces circonstances ?!
Lex mourrait d’envie de répondre mais ne le fit pas et Len
ricana.
- Tu sais pas quoi dire, hein ?! Pas ce qu’il n’y a
aucune excuse à ce qu’elle a fait.
- Tu ne sais pas de quoi tu parles, répondit-elle
sombrement.
- Oh si je sais ! C’est une meurtrière ! On le
sait tous depuis longtemps mais on ferme les yeux parce que c’est elle. Et
qu’on l’aime. Mais là… là… elle a dépassé les bornes.
Entre les bras de Lex, Lara s’était raidie. Lex attendit en
vain qu’elle dise quelque chose mais ne le fit pas et la colère de Lex monta.
- Ce n’est pas une meurtrière, déclara-t-elle entre ses
dents.
- T’es aveugle ! Lui jeta Len plein de mépris. Tu l’as
toujours été. T’es tellement amoureuse d’elle que tu ne vois même pas la
vérité !
Lex serra les mâchoires à s’en faire exploser les jointures,
puis se força à inspirer et expirer lentement. Elle ne supportait pas le mépris
de Len envers Tia. Ni ses mots. Mais elle devait prendre sur elle. Il était
bouleversé et avait de bonnes raisons pour ça.
- Pourquoi es-tu aussi en colère Len ? Demanda-t-elle
calmement.
Il parut surpris de la demande et s’apprêta à répondre lorsqu’elle
leva la main.
- Ne réponds pas maintenant. Réfléchis-y sérieusement. Idem
pour toi Lara. Qu’est-ce qui te rend si triste ? Quelle est la vraie
raison de votre sentiment le plus fort ? Lorsque vous le saurez, on pourra
discuter. Là… c’est inutile.
Lex relâcha sa fille et se leva. Avant de tourner les
talons, elle s’adressa à son fils.
- Et je t’interdis de t’adresser à elle sur ce ton. Ou
d’utiliser des termes dont tu sais parfaitement qu’ils ne s’appliquent pas à
elle. Je suis claire ?
Len la défia du regard et ne répondit pas. Lex savait que se
sera une longue bataille mais l’avertissement était donné et elle espérait
qu’il en tiendrait compte. La colère était légitime, mais s’il ne voulait pas
casser quelque chose de définitif entre lui et sa mère, il allait devoir se
contrôler.
Elle sortit et ferma la porte derrière elle, consciente que
la situation était on ne peut plus explosive et que le lieu et le moment
étaient, comme à leur habitude, très mal choisi pour ça.
« A croire qu’on attend systématiquement d’être dans
une position potentiellement dangereuse pour aborder les sujets douloureux et
délicats » songea-t-elle en revenant dans le salon.
Apparemment Tia avait terminé son recueil d’infos car elle
avait posé ordinateur et téléphone sur la table en verre et acier devant le
canapé. Elle était présentement en train de discuter à voix basse avec
Frédéric.
Alexia nota combien le mobilier était de mauvais goût en
voyant Frédéric assis aux côtés de Tia dans le canapé léopard. Si Tia pouvait
s’intégrer au décor, le grand homme lui paraissait totalement
incongru. D’autant plus que le canapé était petit et qu’avec lui aux côtés
de Tia il paraissait fait pour les lilliputiens.
Elle s’approcha d’eux et vit Tia lever les yeux et un
éclair, bref mais visible, de chaleur traversa ses yeux. Lex lui sourit en
retour et vint s’asseoir sur la table basse pour leur faire face.
- Alors, quelles sont les nouvelles ?
Un éclair de colère passa dans les yeux bleus et Tia
contracta sa mâchoire avant d’expliquer.
- Enrick n’a pas perdu de temps. Il a profité d’une
imprudence de Lizzie pour l’attaquer. Si Enyalios n’avait pas été dans les
parages…
Tia ne finit pas sa phrase mais c’était inutile. La
mercenaire soupira puis reprit :
- Cet échec ne l’a pas déstabilisé, bien au contraire, il a
enchaîné sur une autre attaque.
Tia secoua la tête.
- On ne s’y attendait pas à celle-là, fit-elle en levant les
yeux sur Frédéric.
Celui-ci secoua la tête
- Pourtant on n’aurait dû. C’était logique, dit-il en
regardant au loin. Je me fais vieux. Je perds mes capacités de réflexion.
- Ne dis pas n’importe quoi, le contredit Tia en posant
une main douce sur son bras. Je ne suis pas vieille et je n’y ai pas pensé non
plus.
Il posa un regard bienveillant sur elle.
- Mais tu as tellement de choses qui t’occupe, fit-il
gentiment. C’est normal que quelques petites choses t’échappent.
Tia secoua la tête.
- Ne me cherche pas d’excuse, s’il te plaît. Nous avons été
négligents, point à la ligne.
- Dites, ça vous ennuierait de m’expliquer vos propos pour
le moins énigmatiques ? Les interrompit Lex un brin perplexe.
- Excuses-nous. Enrick s’en ait pris à Karl.
- Karl ? S’étonna-t-elle. Mais c’est un haut gradé du
FBI ! Il cherche les ennuis ou quoi ?!
- Pas vraiment, non. Il savait qu’on ne penserait pas à
protéger Karl étant donné sa profession et l’endroit où il vit mais il a pris
le risque, expliqua Frédéric.
- Ce qui prouve deux choses, déclara Tia. Un, qu’il est
désespéré. Deux, qu’il est encore meilleur qu’on ne le pensait.
- Il va bien ?
- Oui, ne t’en fait pas. Enrick a essayé de l’enlever, mais
il n’a pas l’habitude de ce genre de chose, alors il a échoué. Depuis Karl est sous bonne garde.
Lex absorba les informations.
- Tu penses faire quoi ?
- Contre Enrick ?
Lex hocha la tête.
- Rien. Il faut qu’on se concentre sur Aniock. Enrick est trop difficile à pister.
Aniock, lui, est plus facile à trouver.
- Enyalios et Gin ont pu te trouver des infos fiables sur
lui ?
- Oh oui, acquiesça la grande femme avec un sourire
carnassier. Gin nous a donné d’excellentes informations. Associées à celle
d’Enyalios on peut dire qu’on sait où et quand on le trouvera. On connait les
plans des lieux et l’escorte qui le suit partout, ainsi que celle qui l’attend
dans chacun des lieux où il se rend et les systèmes d’alarme qu’il utilise.
- Oh !
Lex était carrément surprise. Ils avaient obtenu tant de
renseignements avec une telle facilité ! Tia sourit avec malice.
- Dans ce genre de contrat le plus difficile est d’obtenir
le nom du commanditaire pas d’avoir des infos sur lui. S’il fait appel à un
pro, c’est justement pour cette raison. En temps normal on ne peut pas mettre
la main sur un tueur à gage, discrétion assurée donc. Et s’il à besoin de
discrétion, c’est parce qu’il ne l’est pas justement.
- Tu veux dire parce qu’il est un homme public ?
- C’est ça, approuva la grande femme avec une petite lueur
d’approbation dans les yeux.
Aussitôt la petite femme sentit une fierté chaleureuse
l’envahir. Tia multipliait ces attentions depuis quelques temps et si cela ne
pouvait signifier qu’une chose : elle avait fait de gros progrès. Parce
que la mercenaire, en terme de travail, était loin d’être prolixe en
compliments !
- Tu as un plan alors ?
Tia la fixa quelques minutes avant de se décider. Elle
rassembla divers papiers sur lesquels elle avait pris des notes, puis les posa
sur son ordinateur. Elle prit le tout et les tendit à Lex.
- J’aimerais que tu t’en occupes.
La petite femme ouvrit de grands yeux stupéfaits.
- M… moi ?! Bégaya-t-elle effrayée par la perspective.
Toute seule ?!
Frédéric réprima un sourire et Tia hocha la tête.
- Etudies toutes les données et ponds-nous un plan.
- De… euh, d’invasion ? Tu… tu veux qu’on l’enlève ou…
heu… autres choses ?
Tia lui fit un petit sourire en coin.
- Tu sais qu’il faut qu’on l’élimine. Mais, je te connais,
fit-elle en la voyant ouvrir la bouche, tu voudras d’abord discuter avec lui et
essayer de trouver un terrain d’entente. Alors fait comme tu le sens. Mais
n’oublies pas… prévois toutes les options. Pas seulement celles que tu
préfères.
- Bien sûr ! Protesta-t-elle vigoureusement. Je ne suis
pas stupide non plus !
Tia leva un sourcil circonspect et son sourire se fit plus
condescendant ce qui amena une grimace renfrognée sur le visage de sa compagne.
- Je ferais ce qu’il faut Ti, fit-elle agacée.
- Alors je n’ai aucune inquiétude à avoir, conclut la grande
femme en s’enfonçant dans son siège.
Lex la fixa un moment puis écarquilla les yeux.
- Tu… tu es sérieuse ? Tu vas vraiment tout me laisser
faire ?! Toute seule ?!
Tia acquiesça et Lex déglutit nerveusement.
- Mais si c’est mauvais tu corrigeras, non ?
Tia secoua la tête.
- Mais… Tia… ce sont nos vies qui sont en jeu !
- En effet. Tu as donc plutôt intérêt à ce que se soit bon,
parce que je ne passerais pas derrière toi, cette fois. Je veux que se soit toi
qui décide de tout, de A à Z. Tu dirigeras donc aussi sur le terrain. Si tu as
besoin de matériels et d’hommes, dis-le à Frédéric ou moi et nous te fournirons
ce dont tu as besoin. Mais sur ce coup là… c’est toi le chef.
- Mais… pourquoi maintenant ?
- C’est le moment.
- Mais… tu ne préfères pas attendre une mission moins…
personnelle ?
Tia secoua la tête.
- C’est justement parce que c’est personnel que je veux que
tu le fasses.
Lex ne comprenait pas tellement son raisonnement mais elle
savait que lorsque sa compagne avait arrêté une décision, elle ne revenait pas
dessus, alors elle hocha la tête et accepta la responsabilité.
- J’ai combien de temps ?
Tia sembla réfléchir et jeta un coup d’œil à Frédéric qui fit
un geste de la main associé à un mouvement de la tête et Tia acquiesça.
- Un jour.
Lex se releva d’un bond.
- Un jour ?! Tia mais c’est impossible ! Il me
faut plus de temps rien que pour tout étudier dans le détail !
Le regard de la mercenaire était impassible.
- Un jour, répéta-t-elle.
Lex se figea prête à exploser puis abandonna. Elle n’avait
absolument pas le temps pour ça. Elle soupira, hocha la tête et tourna les
talons.
Tia et Frédéric la regardèrent faire puis se regardèrent.
Frédéric pencha la tête sur le côté.
Et Tia sourit.
- Elle va y arriver.
Il sourit et s’extirpa en grognant du canapé.
- Tu aurais quand même pu faire changer le mobilier.
Tia rit puis se leva à son tour. Elle s’étira puis lui
demanda :
- Tu penses que je devrais aller voir les jumeaux ?
- Non. Ils ont besoin de temps, rien que pour se faire à
l’idée de ce que tu as fait.
Tia acquiesça puis soupira, un peu découragée. Elle se
rendit près de la grande baie vitrée et contempla la ville en dessous. Le loft
était situé non loin de la place du village où avait lieu le marché chaque
matin. Peut-être pouvait-elle y faire un tour ? Ca lui changerait les
idées et lui dégourdirait les jambes.
Une simple djellaba devrait suffire à la dissimuler. Elle
posa le front contre la vitre et s’interrogea sur ce qu’elle devait ou non
dire à ses enfants. Lex n’avait pas tort, ils avaient le droit de connaitre la
vérité...mais cette vérité là…
Elle soupira. Elle n’avait vraiment pas envie de repenser à
Sassem. Mais là encore, Lex avait raison. Elle devrait tôt ou tard affronter
son démon. Bien que mort, cet homme la détruisait encore et il était temps que
cela cesse. D’autant plus qu’elle n’était pas une lâche ou une victime. Elle ne
l’était plus du moins. Et cela voulait dire affronter peurs et angoisses.
Démons et douleurs. Ca ne serait pas facile, mais quand on avait la chance
comme elle, d’avoir une personne solide à qui se confier et qui avait la ferme
intention de vous aider à le surmonter, alors on devait au moins essayer.
C’était le seul moyen d’être libre.
Après Aniock, décida-t-elle. Après l’opération de Lex… elle
lui parlerait de la mort de Sassem et de ce que cela lui avait fait…
Pour l’heure puisqu’elle n’avait à s’occuper de rien, ni de
personne… peut-être pourrait-elle enfin s’occuper d’elle ? Lex la
harcelait constamment à ce sujet lui disant que si Tia s’occupait un peu plus
d’elle-même, peut-être, elle, Lex, n’aurait pas aussi peur de la perdre,
parfois.
C’était sûrement vrai. Alors, elle chercha une djellaba dans
le placard de l’entrée puis hésita et finalement renonça à proposer la sortie à
ses enfants. Ce temps là serait pour elle. Elle prévint Frédéric de sa sortie
et lui demanda s’il voulait qu’elle lui rapporte quelque chose. Il accepta
l’offre et lui demanda le dernier livre de Stephen King. Elle sourit et sortit.
*************************************
Lorsqu’elle revient quelques heures plus tard, elle trouva
les jumeaux installés devant la télévision, cherchant une chaine dans une
langue qu’ils comprendraient et finirent par en trouver une.
Ils s’arrêtèrent sur la chaine d’information BBC news qui
leur rappelaient leur terre natale et écoutèrent les dernières infos.
Ils ne tournèrent pas la tête vers elle, pas plus qu’ils ne
la saluèrent. Elle retira sa djellaba puis s’approcha d’eux. Elle déposa devant
eux les sacs de courses qu’elle avait faites.
- Je vous ai pris quelques petites choses, leur fit-elle en
montrant les sacs. J’ai pris la suite de Tentation pour toi Lara, c’est fou
comme on peut trouver ce livre n’ importe où ! Il a vraiment beaucoup de
succès, je devrais peut-être le lire…
Sa fille la fixa et hocha la tête mais elle n’obtint rien de
plus. Sans se démonter elle se tourna vers son fils.
- Quant à toi, je t’ai pris une PSP. Je sais que la tienne
te manque. J’ai aussi acheté plusieurs jeux différents pour vous deux. Tachez
de ne pas y passer la journée quand même.
Len ne la regarda même pas. Il l’ignora comme si elle était
un insecte nuisible qui ne méritait pas mieux. Tia se mordit la lèvre et malgré
les recommandations de Frédéric et de Lex, elle tenta une approche.
- Len, je sais que tu m’en veux, mais…
Il la fixa d’un air si furieux, si outré, qu’elle en resta
saisie. Elle déglutit difficilement.
- Len, je suis désolée. Je ne voulais pas vous mentir, fit-elle
en regardant sa fille. C’est juste… ce… ce n’est pas une chose facile à dire
et… je ne voyais pas… une bonne raison pour vous en parler.
- Tu ne voyais pas ?! S’écria son fils en se levant
d’un bond.
- Non, enfin, oui, je… Je pensais que moi et Lex on vous
suffirait, je n’ai jamais pensé que votre… père…
Tia dit ce mot comme si on lui écorchait le visage.
- … vous manquait d’une quelconque manière.
Elle avait un air si désespéré que Lara se mit à espérer
qu’elle disait vrai. Elle se redressa et fixa sa mère avec une lueur d’espoir.
- Croyez-moi si j’avais su que cela vous tenait à ce point à
cœur…
- Eh bien ? Demanda Len toujours aussi furieux. Tu nous
en aurais parlé ? Pour nous dire quoi ?! Je ne te crois pas ! Tu
n’aurais rien dit parce que même maintenant que tu sais tu ne nous dis
rien ! Tu as le mensonge dans le sang alors pourquoi je te
croirais ?! Cria-t-il en la surplombant.
Lara se mordit la lèvre lorsqu’elle vit à quel point les
mots de son frère firent mal à leur mère. Mais il avait raison. Depuis hier, et
toute la journée durant, elle aurait pu leur révéler des choses sur lui, mais à
part s’excuser elle ne disait rien.
Elle se renfonça dans son siège et détourna le regard de sa
mère.
- Je… je ne te mens pas Len. Je… ne sais pas ce que je vous
aurais dit, mais… je n’aurais pas…
- Alors, va-y ! La coupa-t-il brutalement.
Tia tressaillit. Son cœur se mit à battre la chamade et une
peur glacée s’insinua dans toutes les parties de son corps. Elle ne savait pas
quoi dire, ni par quoi commencer. Qu’est-ce qui était acceptable de dire sur
l’homme qui les avait engendrés ?
Elle ne pouvait pas dire n’importe quoi, quoi qu’en pense
Lex. C’était des enfants, ses enfants et elle devait les protéger.
Elle releva les yeux sur son fils.
- Je… ce n’était pas un type bien. Je n’aurais pour rien au
monde voulu que vous le rencontriez. Jamais.
- Pourquoi ?! Rétorqua Len. Pourquoi pour toi ce
n’était pas quelqu’un de bien ?! Ashee a dit que c’était un grand
homme ! Elle a menti, c’est ça ?! Tout le monde ment, alors ?!
- Je… non, c’était, oui, c’était un grand homme mais pas
dans le bon sens, c’était…
Tia n’arrivait pas à trouver ses mots et l’exaspération de
Len arriva à son comble.
- TU NE SAIS MEME PAS QUOI DIRE !!! Hurla-t-il. C’EST
SI DIFFICILE QUE CA DE TROUVER UN NOUVEAU MENSONGE ?!
- Len, non, ce n’est pas… protesta-t-elle en se redressant
pour essayer de le calmer.
- COMMENT VEUX-TU QUE JE TE CROIS ?!! TU ES UNE PUTAIN
DE MEUTRIERE !!!!
Le mot transperça le cœur de sa mère et Tia se figea.
- COMMENT SAVOIR SI CE QUI N’EST PAS ACCEPTABLE POUR TOI, NE
L’EST PAS PAR UNE PERSONNE NORMALE, QUI N’AURAIT PAS AUTANT DE PROBLEMES
MENTAUX QUE TOI ?!!!!!
Lara se figea. Len allait trop loin, elle le vit dans le
regard de sa mère qui sombra comme si trois ans de longues et terribles
batailles contre sa dépression ne s’étaient pas écoulés. Et elle eut
l’impression de faire un bond gigantesque et irréversible en arrière devant le
regard soudain sans vie de celle qui les avait fait naître.
Chapitre 7 :
Lara eut peur. Et Len qui ne se calmait
pas ! Elle se leva d’un bond et se rua sur son frère en criant :
- Arrête !
Elle le repoussa dans le canapé et alors qu’il
la fixait stupéfait, Alexia déboula soudain et se précipita aux pieds de sa
compagne. Elle posa les mains sur ses genoux et la fixa, anxieuse. Ce qu’elle
vit la fit frémir des pieds à la tête.
Son air inquiet se mua en une expression alarmée
et elle jeta un regard au visage angoissé de Lara.
- Qu’est-ce qui c’est passé ?
Lara pinça les lèvres sans rien dire, mais ne
put empêcher un regard furtif en direction de son frère. L’expression coupable
et en colère de celui-ci lui apprit tout ce qu’elle avait besoin de savoir.
Elle darda des yeux noirs sur son fils et revint
à sa compagne. Elle lui caressa le visage et lui parla doucement. Tia posa son
regard éteint sur elle et Lex sentit son cœur se serrer. Elle la leva et
l’emmena dans leur chambre.
« Bordel, songea la jeune femme en bordant
sa compagne, c’est de pire en pire. » Elle alluma la radio à côté d’elle et
la régla sur une station qui passait de la musique douce puis retourna au
salon.
Là, elle toisa les jumeaux qui détournèrent le
regard, honteux.
- Je veux une explication, lança-t-elle d’une
voix dure en les rejoignant.
Ils restèrent silencieux, mais Lex vit que Lara
était particulièrement affectée alors elle décida de s’attaquer à elle.
- Lara.
Lex ne dit rien de plus et attendit. Lara
soupira et finit par se retourner.
- Qu’est-ce qui s’est passé ? Répéta la
petite blonde en détachant bien chaque mot.
Lara déglutit et jeta un regard en coin à son
frère mais ne dit rien.
- QU’EST-CE QUI S’EST PASSE ?!!
Hurla-t-elle soudain.
Len et Lara sursautèrent et la fixèrent un peu
effrayés. L’air absolument furieux qu’elle arborait les inquiéta et leur fit
saisir la gravité de la situation. Lara fixa son frère, mais celui-ci regardait
obstinément le parquet en chêne alors elle prit une profonde inspiration et
parla.
- Len… Len l’a traité de folle et de …
meurtrière, ajouta-t-elle après avoir dégluti anxieusement. Et il… il a mis en
doute son… jugement sur ce qui est bien ou mal.
- Je l’ai pas traité de folle ! S’insurgea
son frère en se levant d’un bond.
- Non, tu as dit qu’elle avait des problèmes
mentaux, t’as raison c’est vachement mieux ! Railla sa sœur avec colère.
Lex darda un regard si intense sur Len qu’il
s’agita mal à l’aise. Elle fit un pas vers lui et dit la voix basse :
- Je t’avais prévenu il me semble…
Len recula soudain très effrayé. Il ne l’avait
jamais vue ainsi et il comprit pourquoi Enyalios pensait qu’elle était une
bonne mercenaire. Il était plus grand qu’elle et plus fort aussi, pourtant il
fut persuadé qu’elle n’aurait aucune difficulté à le casser en deux si elle le
voulait.
- Je… je suis désolé… je… j’ai pas réfléchi…
- Pas réfléchi…, continua-t-elle sur le même
ton, tu m’étonnes.
Elle le poussa d’une main et le força à
s’asseoir. Puis elle se tourna vers sa fille et l’invita à prendre place aux
côtés de son frère. Elle s’installa sur la table basse et les fixa. D’abord Len
- Tu connais ta mère depuis quatre ans. Et tu
mets en doute ses intentions sans aucune réflexion, ni preuve. Lorsque tu lui
as posé la question sur ton père et son implication dans sa mort, t’a-t-elle
menti ? Non, mais elle aurait pu. Elle se serait évitée des ennuis et des
disputes avec toi et ta sœur. Elle le savait mais ne l’a pas fait. As-tu réfléchi à ça ? Non. Tu t’es
comporté en gamin égoïste et gâté.
Puis elle se tourna vers Lara.
- Quant à toi. Ok, elle a menti par omission et
tu es déçue. Mais ça ne t’autorise pas à te défouler sur elle.
- Je n’ai rien dit, protesta-t-elle.
- Justement. Tu n’as rien dit. Pas un mot pour
la défendre ou empêcher ton frère de déblatérer des conneries, fit-elle
durement.
Elle les étudia un moment puis déclara :
- Vous voulez savoir pourquoi votre mère a été
obligé de liquider votre père ? Fit-elle sans aucune douceur. Vu le
comportement que vous venez d’avoir, je pense que vous méritez de le savoir.
Ces paroles semblèrent apaiser Len et attirer
son attention. Lara, elle, sentait le piège.
- Vous ne méritez pas la protection que votre
mère s’acharne à placer pour vous, fit-elle avec un sourire mauvais.
Len commença à s’agiter, percevant enfin le
malaise. Lex avait parfaitement conscience d’aller à l’encontre des souhaits de
Tia et savait qu’il y aurait une sérieuse dispute entre elles, après ça et elle
savait aussi qu’elle était un peu trop dur avec les jumeaux, leurs réactions,
même si douloureuses, étaient parfaitement compréhensible. Mais Lex, elle s’en
rendit compte, s’en fichait.
Tout ce qui comptait c’était sa compagne. Son
bien-être. Sa joie. Lex réalisa qu’elle aimait sa femme plus que quiconque y
comprit ses enfants. Et que pour elle, elle ferait des choses qu’elle ne se
pensait pas capable d’accomplir, comme en cet instant, comme faire délibérément
du mal aux jumeaux, des enfants tout ce qu’il y avait de plus innocent,
simplement dans le but qu’ils n’en fassent pas à Tia.
Ce constat la surprit. Il allait tellement à
l’encontre de ce qu’elle prônait dans la vie et tentait d’inculquer à Tia
qu’elle était mal à l’aise avec cette idée. Néanmoins, elle ne changerait pas
d’avis. Elle était déterminée. Elle ferait tout. Tout pour protéger Tia.
Et elle ne laisserait personne… pas même ses
enfants, faire du mal à Tia si elle pouvait l’empêcher.
- Votre père… s’appelait Sassem, commença-t-elle
en les fixant tour à tour.
Puis elle se tut et attendit que le nom, qu’ils
avaient tant entendu trois ans auparavant, fasse remonter les souvenirs à leurs
mémoires. Ce qui ne tarda pas. Ils ouvrirent de grands yeux stupéfaits et se
mirent à gamberger.
Len finit par relever la tête.
- Est-ce que c’était le type qui… qui voulait du
mal à maman et qui nous empêchait de vivre avec elle ?
- Oui.
- Si je me souviens bien, c’était un homme
dangereux, intervint Lara. Il… il avait plein de pays sous son joug, non ?
- En effet.
- Et plein d’armées à lui aussi.
- C’est ça.
Les jumeaux restèrent quelques minutes
silencieux, puis Len lança :
- Ce n’était pas un homme bien.
- Non.
Lara hésita, mais décida finalement de profiter
de la bonne disposition de leur mère adoptive pour avoir les réponses à des
questions qui la taraudaient.
- Mais… si c’était un type si mauvais, comment
maman a pu… heu… avoir une relation avec lui ? Elle était amoureuse à ce
point ? Il… lui a mentie ? Comment se sont-ils rencontrés ?
Lex hésita. Sa colère était retombée et elle
n’était plus très chaude pour continuer la discussion. Seulement, les jumeaux
avaient des droits et elle était bien placée pour savoir combien les questions sans
réponse, torturaient l’esprit. Et les jumeaux étaient assez vieux pour entendre
l’histoire.
- Elle… l’a rencontré par l’intermédiaire de son
armée.
- Comment ça ? Fit Len en fronçant les
sourcils.
Lex soupira et se frotta le visage.
- Ecoutez, l’histoire de votre mère, je ne peux
pas la raconter à sa place alors je ne promets pas d’être très claire.
- Ok. Va-y.
Lex soupira, inspira et ferma brièvement les
yeux.
- Ok, vous vous souvenez des cauchemars de Tia
aux Etats-Unis et… de ce que je vous ai révélé ?
Len mit un peu de temps à se souvenir, mais Lara
saisit tout de suite à quoi elle faisait allusion et elle ouvrit la bouche en
secouant la tête, comprenant ce que cela impliquait pour eux.
Elle se leva sans cesser sa dénégation.
- Non, non, non… c’est pas possible, je te crois
pas…
Lex se leva et la retint en attrapant son bras
alors que Len saisissait enfin.
- Non ! Cria-t-il en se levant d’un bond.
Lex l’attrapa aussi et dit :
- Je suis désolée. Sincèrement. Votre mère… ne
voulait pas que vous l’appreniez. Mais… vous ne l’entendiez pas de cette
oreille et…
Lex s’interrompit, ce n’était pas le moment de
se justifier.
- Je suis vraiment désolée.
Elle laissa passé un silence avant de se dire
qu’il fallait en terminer avec les nouvelles délicates.
- Votre mère… a tué votre père, parce que c’est
ce qu’il voulait lui faire. C’était de la légitime défense. Et si… si elle l’a
battu à mort c’est parce que… elle… elle était encore là-bas lorsqu’elle a dû
se défendre.
- Je comprends pas, fit Lara d’une voix éteinte.
Là-bas où ?
- Dans son cauchemar. Elle… revivait ce qu’il
lui avait fait et… le viol…
Tout le monde tressaillit à ce mot.
- Le viol…, reprit-elle en avalant avec
difficulté, n’est pas la seule chose difficile qu’elle ait eu à vivre par sa
faute.
Ils la fixèrent, malheureux, ne sachant plus si
c’était pour eux, leur mère ou Lex que tout cela semblait retourner.
- La mort de… Sassem… l’a beaucoup choquée. La
façon dont elle a perdu le contrôle est… quelque chose de sensible.
Lara releva soudain la tête, une lumière se
faisant jour sur une question qui n’avait cessé de lui revenir à l’esprit.
- C’est ça qui l’a plongé dans sa
dépression !
Lex cligna des yeux, un peu surprise du
changement puis acquiesça. Et en profita pour conclure :
- Devoir tuer votre père, l’a rendu malade. Elle
a encore du mal à vivre avec, alors ne le lui reprochez pas.
Len et Lara acquiescèrent et Lex fixa son
attention sur chacun d’eux, tour à tour inquiète du renfermement de Lara et de
la colère de Len qui n’avait plus de personne sur qui l’évacuer.
- Pourquoi ça l’a rendu malade ?
L’interrogea-t-il finalement. S’il lui a fait autant de mal que ce que tu dis,
alors ça a dû la soulagée…
Lex soupira.
- C’est compliqué… et c’est l’histoire de votre
mère… pas la mienne. Ni la vôtre. Si vous voulez vraiment une réponse à cette
question, alors posez-la à votre mère. Mais attendez un peu, ok ?
Elle attendit qu’ils hochent la tête pour
poursuivre.
- Laissez-vous le temps d’encaisser tout ça et à
votre mère de se faire à l’idée que vous êtes au courant maintenant.
Ils hochèrent de nouveau la tête et elle les
observa un moment avant de se résigner à les laisser.
- Si vous avez besoin de quoi que se soit… je
suis là, ok ?
Ils ne répondirent pas et elle n’insista pas.
Elle les quitta un peu inquiète et se demandant si elle avait bien fait.
C’était des nouvelles difficiles à entendre et elle avait peur de s’être
laissée mener par sa colère.
Même si elle pensait avant ça qu’ils avaient le
droit de savoir, peut-être s’y était-elle mal prise ? Ou en avait trop
dit ? Elle aurait dû en parler avec sa compagne d’abord…
Elle pénétra dans leur chambre et vit sa
bien-aimée allongée, le regard fixé sur le ciel, visible de la fenêtre. Et ses
doutes s’envolèrent.
Tout pour Tia.
Même le pire.
Elle entra dans la pièce et rejoignit sa
compagne. Elle s’assit sur le lit et après quelques secondes de contemplation,
elle s’allongea à ses côtés. Elle entoura son grand corps de ses bras et se
serra contre elle.
Tia se coula dans son étreinte sans quitter le
ciel des yeux.
- Ca va ?
Tia hocha la tête et Lex sut qu’elle était
revenue ce qui la soulagea intensément. Puis elle se traita d’idiote.
Evidemment que Tia était revenue, sa dépression était terminée, elle ne
repartirait pas aussi facilement dans une autre. Elle était juste plus fragile.
Cependant, elle ne pouvait s’empêcher d’avoir peur à chaque fois qu’elle la
voyait de cette humeur.
Tia attrapa la main de sa compagne et la serra
fort. Lex l’étreignit.
- Je t’aime.
Le temps passa doucement et Lex finit par le
rompre lorsque le soleil fut à son zénith.
- Il ne le pensait pas.
- Bien sûr que si, répondit Tia d’une voix
rauque.
- Tia, fit Lex impérieuse, regarde-moi.
La mercenaire hésita puis fit ce qui lui était
demandé. Elle se retourna et plongea ses yeux tristes dans ceux de sa compagne.
- Len ne le pensait pas. Il était juste en
colère parce que…
- Parce que quoi ?! Fit la grande femme
avec ironie. Tu ne trouves plus tes mots ?
- C’est juste délicat, rétorqua sa femme
doucement. Tia, ton fils ne t’en veut pas. Pas vraiment. Il est juste
malheureux parce qu’il a rêvé de son père comme il a rêvé de toi toute sa vie.
Il s’était fait une image idyllique de lui et lorsqu’il a appris qu’il
aurait pu le connaître et que toi, son héroïne, en a été le seul obstacle, il
t’en a voulue.
- Je l’ai tué.
- C’est une des autres choses qui rend tout ceci
difficile à avaler, confirma-t-elle. Mais laisse-lui du temps. Ca va
s’arranger.
Tia réfléchit quelques secondes à ses propos
puis demanda :
- Et Lara ?
Lex soupira.
- Je ne sais pas trop. Je pense que c’est
surtout ton omission qui lui a fait du mal. Elle a une telle confiance en toi.
Je ne pense pas qu’elle ait rêvé de son père comme l’a fait Len, mais je peux
me tromper. Le souci, c’est qu’elle ne dit rien. Comme une certaine autre
personne de ma connaissance, blagua-t-elle.
Tia sourit faiblement et le cœur de Lex battit
plus vite. Même si ce n’était pas un vrai sourire, s’en était quand même un et
cela signifiait beaucoup pour Lex qui ne pouvait s’empêcher d’angoisser et
d’avoir le cœur lourd lorsqu’elle voyait sa femme avec cette douleur dans les
yeux.
- Tu crois qu’ils me pardonneront ? Fit Tia
en posant les yeux au-dessus de son épaule.
- Ils ne t’en veulent déjà plus.
- Comment ça ?
- Maintenant qu’ils savent pourquoi tu leur as
menti, ils n’ont plus de raison de t’en
vouloir. Ceci dit, ils vont devoir accuser le choc, expliqua-t-elle l’air de
rien, redoutant cependant sa réaction.
Tia se figea un instant puis tourna vers elle un
regard incrédule, puis blessé et enfin en colère. La rage qu’elle y lut la fit
frissonner mais elle resta fermement à ses côtés, se préparant à la tempête qui
allait exploser.
- Tu as fait quoi ? Demanda la grande femme
en détachant chaque syllabe.
- Tu as entendu. Ils avaient le droit de savoir.
Tia se redressa en se dégageant de ses bras et
la domina de toute sa taille, les yeux lançant des éclairs et l’air autour
d’elle vibrant d’électricité. Lex se sentit écraser par l’intense présence de sa compagne mais ne détourna pas le
regard.
Elle déglutit nerveusement et poursuivit.
- Tu m’en veux et tu en as le droit, mais…
- J’en ai le droit ?! La coupa-t-elle
brutalement. J’en ai le droit ?! Encore heureux !! Hurla-t-elle avant
de se lever d’un bond pour s’éloigner d’elle.
Lex tressaillit mais ne fléchit pas. Elle se
leva à son tour et tenta de s’expliquer.
- Tia, je…
- J’en reviens pas !! L’interrompit-elle
sans l’écouter. Je t’avais interdit de leur parler ! Et tu n’en as
aucunement tenu compte ! Comme si ton opinion était forcément meilleure
que la mienne ! Assena-t-elle en faisant les cents pas.
Elle se retourna brusquement vers elle et
cria :
- Mais se sont MES enfants bordel !!!
Là, Lex recula d’un pas comme si Tia venait de
la gifler. Celle-ci le vit et un bref éclair de culpabilité la traversa, vite
engloutit par la colère qui la parcourait. Le visage de Lex se ferma mais elle
ne tourna pas les talons comme Tia s’y attendait. Au contraire, elle avança
d’un pas et posa une main sur son bras.
- Se sont nos enfants. Mais tu as raison, je
n’aurais pas dû prendre cette initiative sans toi. Cependant je savais que
jamais tu n’aurais accepté de leur en parler et Tia… il le fallait.
- Pourquoi ?! Fit-elle en se dégageant
brutalement. Pourquoi le fallait-il ?!!
Lex la regarda s’éloigner et soupira.
- Parce que je ne supportais de les voir te
faire du mal.
La grande femme se retourna vivement et la fixa,
incrédule.
- Pardon ?!
Lex leva un regard triste sur elle.
- Je ne supporte pas de te voir souffrir Tia.
C’est comme si on me serrait le cœur à main nue et qu’on le pressait très fort.
Je ne veux pas qu’on te fasse du mal Tia. Et je ferais tout ce qu’il faut pour
l’empêcher. Même si ce sont nos enfants qui doivent en pâtir.
La mercenaire secoua la tête abasourdie. Elle ne
parvenait pas à croire ce qu’elle entendait.
- Tu… tu es prête à sacrifier les jumeaux… des
innocents... à cause de moi ?!
- Pas à cause. Pour toi. Et oui. Je le ferais
s’il le faut. Mais pas sans être sûre que c’est la seule solution.
- Tu… non, ça ne colle pas, Lex…, fit Tia en
secouant la tête, tu n’es pas comme ça…
- Non, c’est vrai, accepta la petite femme avec
un sourire désabusé au coin des lèvres, avec toi je suis une vrai panthère.
Tia cligna des yeux et la colère qui l’avait
envahie s’estompa brutalement à leur grand soulagement à toutes les deux. Tia
avait senti la louve s’agiter et son emprise était trop difficile à contrôler
et à repousser pour se permettre de la laisser l’envahir.
- Je… c’est moi qui te rends comme ça ?
Demanda-t-elle un peu perdue.
- Non. Se sont mes sentiments pour toi.
Tia ouvrit la bouche, hésitante.
- Je… je suis désolée…
- Ne le soit pas, ça n’a rien de malsain ou de
mauvais. Oses me dire que tu ne ressens pas la même chose à mon égard ! La
défia-t-elle.
Tia se tut. Toutes deux savaient bien que ce
n’était pas le cas.
- Accepte-le et ne te flagelle pas pour ça
aussi. S’il te plaît Tia, donne-moi le droit de ressentir ce que je veux, comme
je te le donne.
Tia la considéra un long moment puis ses épaules
s’affaissèrent et elle soupira en fixant le plancher.
- Très bien.
Puis elle releva la tête et dit :
- Je suis désolée pour tout à l’heure. Tu as
raison se sont nos enfants, mais…
- … je n’aurais pas dû décider pour nous deux.
Tia hocha la tête. Elles se regardèrent un long
moment puis Tia avala la distance qui les séparait d’un pas et l’attira dans
ses bras.
- Pardon de t’avoir crié dessus… et merci de
prendre soin de moi, malgré mon sale caractère.
- Ne t’excuses pas s’il te plaît. Je savais en
le faisant que je n’avais pas le droit de prendre cette décision sans toi.
C’est moi qui m’excuse.
Tia laissa s’écouler un petit rire entre elles
et l’écartant légèrement déclara :
- On ne va pas passer la journée à s’excuser. Ça
serait vraiment idiot.
Lex acquiesça et sourit en retour. Tia
l’embrassa doucement puis son sourire s’évanouit.
- Comment l’ont-ils pris ?
Lex soupira.
- Mal. Len ne sait plus à qui en vouloir et
la colère le consume. Lara… et bien, elle ressemble à sa mère. Difficile de
dire ce qu’elle ressent réellement. De la tristesse surtout, je pense. Et du
choc bien sûr. Ils sont très choqué tous les deux. Mais ils tiennent de toi Ti,
ils vont s’en remettre. Laisse-leur juste du temps.
Tia hocha la tête.
- Tu penses que ca irait mieux si j’allais les
voir ? S’enquit-elle en fixant la porte de la chambre.
- Ca pourrait les rassurer, oui.
Tia hocha la tête et après une brève étreinte,
elle relâcha sa compagne et ouvrit la porte. Lex la regarda disparaître avec un
mélange de joie tranquille et de douleur. Elle ne se sentait pas exclue, ce
moment n’appartenait qu’à eux, mais elle aurait aimé pouvoir leur être plus
utile et oui, peut-être… qu’elle se sentait un peu exclue.
Soudain, une voix l’appela. Elle reconnut celle
de Lara. Elle s’approcha du salon et la fixa interrogative. Les jumeaux la
fixaient, ils étaient dans les bras de leur mère et lui tendaient les bras. Son
cœur se gonfla de joie et d’amour et les larmes lui montèrent aux yeux.
Elle ne s’était jamais autant sentie faire
partie de cette famille qu’en cet instant. Elle les rejoignit et ils se
serrèrent les uns contre les autres, s’accrochant comme s’ils étaient les
bouées des uns et des autres.
Et Lex et Tia surent que quoi qu’il arrive, ils
sortiraient plus fort de cette épreuve. Plus fort et plus unis.
Chapitre 8 :
Quelques jours plus tard, Tia organisa une
sortie familiale. A la grande surprise de tout le monde, Frédéric déclina
l’offre. Il préférait se balader seul. Tia le comprenait. Au ranch, il avait
toujours pu s’isoler lorsqu’il en avait eu besoin, que se soit pour s’occuper
des bêtes ou pour vérifier le domaine.
Cela faisait maintenant des semaines qu’il ne le
pouvait plus. Obligé de vivre confiner, enfermer avec toujours quelqu’un dans
ses environs. Cela avait dû être difficile à vivre pour un loup solitaire comme
lui. Pour une fois qu’ils semblaient tous en sécurité, merci aux vêtements
couvrant de ce pays particulier, il souhaitait en profiter. Et ce n’était pas
Tia qui allait le lui reprocher.
Il les quitta donc à la sortie du loft et Lex et
Tia traînèrent les jumeaux le long des rues poussiéreuses mais vibrantes de
vie. Lex glissa son bras sous celui de sa compagne et elles échangèrent un
regard un peu tendu.
Les jumeaux étaient plutôt d’humeur maussade et
silencieuse depuis la révélation. Ils donnaient parfois l’impression d’en
vouloir à Tia et à d’autres moments à Lex. Les deux femmes ne savaient plus
trop quoi faire avec eux. Exception
faite de l’étreinte qu’ils avaient partagée le jour de la révélation et des
quelques paroles échangées ce jour là, les jumeaux ne leur avaient plus adressé
la parole.
Ils ne les boudaient pas, ne semblaient pas
hostiles, enfin la plupart du temps, ils semblaient juste… assommés. Ils
refusaient de leur parler, mais aussi de parler à Frédéric. Non pas pour les
punir mais simplement parce qu’ils n’avaient plus envie de parler… du tout.
Leurs états inquiétaient tout le monde, mais ne
se privant ni de nourriture, ni de sommeil, ni même de distractions, elles et
Frédéric ne pouvaient pas les forcer à s’ouvrir en prétextant qu’ils
déprimaient, même si Lex soupçonnait que c’était une autre forme, moins
flagrante de déprime.
Ils se repliaient sur eux-mêmes et Tia ayant
traversé cet état à deux reprises ne se trouvait pas bien placée pour les
obliger à en sortir. Quant à Lex, elle espérait que cela était dû au choc et
que ce comportement s’estomperait avec le temps.
Lex avait pensé qu’une sortie familiale pourrait
leur redonner un peu de peps et n’étant pour une fois, ni en danger, ni sur le
départ, Tia avait accepté.
Le plan de Lex, avait été présenté à sa compagne
et à Frédéric quelques jours plus tôt. Tia n’avait rien laissé paraître de ce
qu’elle en pensait malgré l’intense observation dont elle avait fait l’objet
par Lex, qui guettait le moindre signe d’approbation ou de désapprobation.
Il nécessitait l’apport de quelques matériaux et
personnels qui demanderait quelques jours pour parvenir à la bonne personne et
de quelques jours de plus pour être mis en place. Rien ne s’opposait donc à ce
qu’ils prennent tous un peu de vacances.
Ils se promenèrent jusqu’à ce que la trop grande
chaleur les oblige à se réfugier à l’intérieur. Tia choisit un restaurant
familial, petit, mais convivial qui servait des plats simples mais gouteux.
Ils s’installèrent au fond de la salle et commandèrent
des boissons fraîches. Le silence de leur promenade se poursuivit et ce qui
avait été apaisant devint lourd. La petite femme les observa et vit
l’indifférence affichée de Len et la froideur forcée de Lara. Mais ce fut l’air
malheureux et impuissant de sa compagne qui la toucha le plus.
Lex soupira et prit la main de sa compagne
qu’elle porta à ses lèvres dans un geste inconscient. Elle y déposa un petit
baiser et sourit à sa femme. Un instant, elles furent seules. Puis un
reniflement dédaigneux retentit derrière elles et le contact fut rompu. Tia et
elle fixèrent l’importun.
Celui-ci les regardait comme si elles étaient
deux insectes particulièrement repoussants. Le mépris et la haine gratuite dans
ses yeux faisaient écho, comme s’en aperçu rapidement Tia, à celle de pas mal
des personnes dans la salle, y comprit leur serveuse.
Tia baissa les yeux sur la main qui serrait la
sienne et remonta le long du bras qui menait à sa compagne. Elle détailla le
profil net. La mâchoire anguleuse, le nez droit qui se fronçait lorsqu’elle
souriait, les sourcils fins et bien dessinés, les lèvres aux courbes douces et
décidées à la fois…
Tia reposa ses yeux sur leurs mains jointes.
Comment quelque chose d’aussi beau que l’amour pouvait-il générer tant de haine
et d’incompréhension ? Qu’y avait-il de mal et d’incompréhensible dans le
fait d’aimer ?
Elle repensa à Sassem. Pourquoi les hommes
voulaient-ils toujours tout gâcher ? Tout salir ? Pourquoi faire
d’une chose aussi naturelle que le désir, une pulsion sale et malsaine ?
Elle secoua doucement la tête et observa ses enfants.
Ils étaient mal à l’aise. Ils s’agitaient
légèrement sur leurs chaises, ne savaient pas où poser les yeux, serraient et
desserraient les mains. Attrapaient tout ce qui était à leur portée pour jouer
avec.
En temps normal, elle aurait délibérément
provoqué ces puritains hypocrites et serait restée. Mais, elle le comprenait
subitement, ses actes avaient des conséquences pour d’autres qu’elle. Ses
enfants devaient vivre avec ce qu’elle était mais ils devaient aussi vivre dans
ce monde. Parmi ces gens.
Aussi hostiles soient-ils, Len et Lara devaient
vivre parmi eux. Et Tia comprit en les étudiant que s’ils n’étaient pas
d’accord avec leurs façons de voir leurs mères, leurs regards, leurs mépris
avaient un impact sur eux. Pourtant jamais, ils ne renieraient leurs mères ou
ne les désapprouveraient pour faire plaisir à ces idiots et enfin, faire partie
du groupe.
Au lycée, elle se souvint soudain, ils avaient
perdu pas mal de leurs amis ainsi. Elle n’y avait pas prêté d’attention à
l’époque, se disant que si leurs amis les avaient lâchés à cause de ça, alors
Len et Lara étaient mieux sans eux. Mais elle comprenait maintenant que cela
avait dû être difficile pour eux. Douloureux même. Et malgré cela… ils avaient
soutenu leurs mères dans leurs choix particuliers de vie. Sans jamais se
plaindre.
Elle leur devait le même respect. Ce n’était pas
parce qu’ils étaient plus jeunes et parce qu’ils étaient ses enfants qu’elle
devait se dire que tout allait de soit. Ils avaient leur propre libre-arbitre
et le fait qu’ils aient décidé de le mettre de leur côté à elle et Lex,
l’emplissait de fierté.
Pourquoi avait-elle mis tant de temps à s’en
rendre compte ?
Elle toucha doucement le bras de sa fille et
attendit que celle-ci pose les yeux sur elle pour faire la même chose avec son
fils. Lorsque leur attention fut sur elle, elle dit :
- Je suis désolée.
Ils ouvrirent de grands yeux et elle fit un
geste vague de la main, pour désigner la salle.
- Vraiment, ajouta-t-elle. Je n’avais
jamais réalisé à quel point cela pouvait vous affecter et j’en suis navrée.
Ils secouèrent la tête comme pour minimiser
l’ennui que cela créait. Elle leur sourit et se leva.
- Venez, rester ici n’a pas de sens. L’ambiance
est pourrie. Allons ailleurs.
Lex se leva un peu stupéfaite du repli de sa
compagne, mais elle en comprit vite la raison et elle approuva. Alors qu’ils
retraversaient la salle, Tia ne lâcha pas sa main et c’est la tête haute et
sans la moindre honte ou signe d’embarras qu’elle rejoignit la porte d’entrée.
Elle croisa délibérément les regards de tous les idiots qui les fixaient et vit
que c’était eux qui détournaient les yeux, pas sa femme.
Lex éprouva une grande fierté à être aux côtés
d’une telle femme. Elle vérifia du coin de l’œil les réactions de Len et Lara
et vit avec soulagement et un regain de fierté qu’il en allait de même pour
eux.
Ils sortirent tous à l’air libre avec un
sentiment puissant de liberté retrouvée. Ils s’arrêtèrent quelques instants et
inspirèrent tranquillement en regardant les gens aller et venir autour d’eux,
puis Tia se tourna vers ses enfants :
- Un Mac do ça vous dit ?
Ils hochèrent la tête dans un bel ensemble et
lui sourirent avec une certaine timidité. Cela faisait quelques jours qu’ils ne
l’avaient plus regardée en face. Lex se détendit complètement lorsqu’elle vit
que la tension des derniers jours retombait enfin.
Tia prit la tête de leur petit groupe, traînant
sa petite compagne par la main et les dirigea rapidement vers le lieu de leur
déjeuner.
***********************************
Le déjeuner avait été détendu quoique avare en
parole. Les jumeaux étaient encore trop assommés pour avoir envie de parler,
malgré les tentatives de leurs mères. Ils avaient néanmoins répondu lorsque Tia
et Lex posaient des questions simples ce qui avait rendu le déjeuner plutôt
plaisant. Au moins les jumeaux avaient cessé de les ignorer.
Ils avaient flemmardé le reste de l’après-midi
au gré de leur envie et étaient rentrés le soir parfaitement satisfaits de leur
journée.
Après le dîner, en attendant que Frédéric rentre
et pendant que les jumeaux regardaient un épisode de Rhenna la princesse
guerrière, les deux femmes avaient de nouveau passé en revue le plan d’Alexia
et vérifié ce qui était arrivé et en place et ce qui manquait encore.
Tia avait surtout joué les secrétaires. Cela lui
avait permis de se détendre en laissant les rênes à quelqu’un d’autre et de
voir combien Lex était minutieuse et perfectionniste. Elle avait été
impressionnée de voir l’autorité avec laquelle elle s’adressait à leurs
employés, loués pour l’occasion, associée à un sens de la diplomatie et de la
manipulation qui paraissait naturel.
La mercenaire avait joué les secrétaires avec
amusement mais conscience. Elle avait dû s’avouer aussi que de voir sa femme
dans ce rôle de leader l’avait beaucoup excitée, mais très disciplinée elle
avait attendu, avec un stoïcisme proche de l’héroïsme, la fin des préparatifs
et des vérifications du jour pour lui sauter dessus.
Elles se reposaient maintenant, après un match
de catch en chambre épique, sur le tapis en peau de bête près du pied du lit.
Tia tourna la tête et rit lorsqu’elle se retrouva nez à nez avec les crocs bien
aiguisés d’un tigre en colère.
Elle secoua la tête et déclara :
- On ne pouvait pas faire de plus mauvais choix
que ça en matière de mauvais goût…
Lex roula sur le ventre et compara le visage de
sa compagne à la tête pleine de poils de la bête morte.
- Moi, je trouve qu’il y a une certaine
ressemblance…
La seconde qui suivit cette déclaration, Lex
prit un oreiller sur le visage et elle roula sur le dos pour éviter le second
coup qui se profilait en riant.
- Je blaguais, je blaguais ! S’écria-t-elle
en levant les mains devant son visage.
Lorsque l’attaque cessa, Lex posa son regard rieur
sur le visage amusé de sa compagne.
- Je suis d’accord avec toi, y’a pas de déco de
plus mauvais goût que celle se trouvant dans ce loft, mais c’est aussi ce qui
en fait son charme.
- Comment ça ? Demanda la grande femme en
posant ses longs doigts fins sur le ventre de sa petite femme.
Celle-ci sentit sa respiration se bloquer
brièvement au toucher avant de poursuivre.
- C’est tellement de mauvais goût que ça
fascine. Tu sais, un peu comme…
La gorge de Lex émit un gargouillis involontaire
quand Tia se mit à faire des cercles inconscients sur sa peau. Lex se racla la
gorge et tenta courageusement de continuer alors que la main descendait vers un
endroit plus sensible.
- … un peu comme… oohhhhh,…
Lex déglutit.
- Comme ces personnes…
La petite femme inspira brusquement lorsque son
clitoris tendu fut effleuré par un doigt taquin. Elle se força à ignorer le
contact.
- Ces personnes vraiment très moches…
Lex gémit quand les doigts de Tia dessinèrent le
contour de son intimité brûlante.
- Tia, haleta- t-elle, s’il te plaît, fit-elle
en écartant les jambes.
La grande femme réprima un sourire satisfait et
demanda innocemment :
- Quoi ?
Lex la fusilla du regard et descendit sa main
pour emprisonner la sienne mais la mercenaire se déroba.
- Que veux-tu dire par ces personnes vraiment
très moches ? Demanda-t-elle comme si de rien n’était.
Lex pinça les lèvres et se força à prendre une
grande inspiration pour calmer les frissons qui parcouraient son corps. De
toute évidence Tia était dans une de ses humeurs je t’allume et je te laisse.
- Ces personnes très moches qui fascinent. Tu
sais bien, se força- t-elle à expliquer.
En voyant le sourcil noir, à la forme parfaite
se lever, elle comprit que non, Tia ne voyait pas. Elle soupira et s’appuyant
sur un coude lui fit face.
Alors qu’elle reprenait ses explications la main
de Tia retrouva le clitoris gonflé sur lequel elle exerça une pression qui fit
s’étrangler sa compagne.
- T… Tia, arrête. Je n’arrive pas à me
concentrer.
La grande femme fronça les sourcils tout en prenant
l’appendice dur entre ses doigts et en le pressant fortement.
- Pourquoi donc ? Demanda- t-elle très
sérieusement.
Lex voulut répondre mais ne put qu’haleter. Elle
déglutit plusieurs fois et sa main trouva celle de sa compagne. Elle écarta les
jambes et tenta de la faire descendre mais Tia ne se laissa pas détourner de
son objectif.
Elle fit rouler le clitoris palpitant entre ses
doigts et demanda :
- Tu veux dire que la mocheté peut devenir
belle ?
- Hein ? Fit la petite blonde en relevant
les yeux vers sa compagne.
La caresse de Tia affolait ses sens et Lex avait
bien du mal à suivre la conversation. Elle déglutit et gémit lorsque Tia fit
glisser son index sur sa fente bien humide, avant de secouer la tête et
d’essayer de donner une explication cohérente à sa femme.
- Eh bien… oui, dans un sens…
Lex inspira brutalement en sentant le doigt de
Tia faire des aller et venu sur les bords de sa vulve pendant que son pouce
pressait son clitoris dur. Elle commença à haleter de plus en plus bruyamment.
La brûlure dans son bas ventre se fit plus intense et elle avança ses hanches
pour entrer en contact avec les doigts de Tia.
Mais celle-ci refusa de lui accorder ce que son
sexe complètement trempé réclamait. Elle croisa soudain le regard assombri de
Tia et l’intensité qu’elle y lut la fit presque jouir sur place.
Tia ne la touchait qu’avec son pouce et son
index. Elle se trouvait au-dessus d’elle et à part son clitoris et les abords
de ses lèvres, elle ne touchait strictement aucun autre endroit du corps de
Lex. Pourtant celle-ci était si excitée qu’elle se tortillait et bougeait les
hanches en cherchant désespérément le contact des doigts durs.
Elle frottait son clitoris furieusement contre
le pouce affolant et sentait monter en elle une vague de jouissance puissante.
« Elle va me faire jouir sans même me
pénétrer… », songea la petite femme au bord de l’orgasme.
Lex figea son regard dans celui bleu nuit de sa
compagne qui trembla de désir. Elle mourrait d’envie de la toucher et cherchait
en même temps une délivrance à la pression grandissante qui montait entre ses
jambes. Mais elle savait que si elle bougeait, non seulement sa compagne se
déroberait au contact mais elle interromprait aussi sa caresse.
Son souffle se fit bientôt plus rapide et
superficiel et elle lutta pour ne pas fermer les yeux alors que la vague de
jouissance la balayait. Elle se cambra, poussa un long cri rauque et ne lâcha
pas les yeux de Tia durant tout son orgasme.
Elle retomba en frissonnant sur le tapis et
s’aperçut alors que Tia aussi tremblait. Elle était couverte d’une fine
pellicule de sueur. Elle avança une main encore faible vers le sexe de son amie
et introduisant un doigt, elle écarquilla des yeux stupéfaits.
Le sexe de Tia était non seulement inondé, mais
faisait aussi des soubresauts caractéristiques. Tia venait d’avoir un orgasme.
Juste… en la regardant jouir. Cela démontrait le
pouvoir qu’elle avait sur elle et amena un grand sourire heureux et fier sur
son visage.
- Ne te réjouies pas trop mon cœur, fit la voix
rauque de désir de la grande femme, je te signale que tu as joui sans que je ne
te pénètre.
Le sourire ne varia pas d’un iota. « Même
après toutes ses années... », songea- t-elle. Le pouvoir qu’elles avaient
l’une sur l’autre était toujours aussi présent. Aussi puissant. Non seulement,
elles n’étaient toujours pas rassasiées l’une de l’autre, mais chacune de
leur union, de leur attouchement était comme une nouvelle première fois.
Aussi intense… aussi excitant…
Puis un souvenir surgit et elle plissa un peu
des yeux en disant :
- Tu te souviens dans la grotte… ?
Tia mit quelques minutes avant de voir à quoi
faisait allusion sa femme.
- Avant que l’on arrive ?
- Oui.
- Tu parles de… heu…
Comment formuler ça ?
- … ce qui s’est passé quand… on s’est
regardé ?
Le visage de Lex s’éclaira d’un seul coup.
- Toi aussi tu l’as ressenti alors !!
Elle se redressa d’un seul coup et Tia eut juste
le temps de s’écarter avant de se prendre sa tête en plein dans le nez.
- Je savais que je n’étais pas folle !
S’exclama la petite femme toute excitée.
Tia s’assit à son tour et regarda sa femme
s’exciter comme une enfant avec un mélange d’amusement et de mélancolie. Elle
ne pouvait s’empêcher d’appréhender leurs futurs. Un futur où Lex n’aurait plus
cette joie de vivre. Un futur où la maladie de Lex marquerait le début de la
fin de leur couple sur terre.
Tia s’en voulait de gâcher un moment de joie
tranquille avec une pensée aussi morose. Mais c’était plus fort qu’elle. Si Lex
parvenait à oublier le futur incertain qui était le sien, la pensée de sa
condamnation à mort ne cessait de hanter l’esprit de Tia.
Cependant, comme à son habitude, Tia verrouilla
sa peur et sa tristesse au fond d’une cage fermée à double tour et se concentra
sur le présent.
- Non, tu n’es pas folle, mon amour, fit-elle en
caressant la joue douce de sa compagne.
- Tu crois que c’est un autre effet de notre
lien ?
Tia réfléchit sérieusement à la question.
- Oui. C’est possible.
Un sourire coquin, naquit soudain et elle
dit :
- Quoi qu’il en soit, j’aimerais bien que l’on
tente l’expérience jusqu’au bout cette fois…
Lex se souvint des sensations brûlantes qui
avaient parcouru son corps et embrasé son sang. Elle avait eu l’impression
vivante d’être touchée… caressée… directement par l’âme de Tia… et c’était une
expérience aussi magnifique
qu’excitante.
Elle n’avait jamais rien ressenti d’aussi fort.
D’aussi douloureusement bon que ce que le regard de Tia lui avait fait.
- Quand tu veux, fit-elle en plongeant ses yeux
vert mousse dans les siens.
Avant même de pouvoir établir une quelconque
connexion, le bruit de la porte d’entrée qui s’ouvrait et se refermait indiqua
le retour de Frédéric. Et elles soupirèrent. Elles devaient le mettre au
courant des dernières étapes du plan et décider de quelques détails avec lui.
Tia se releva et la toisant déclara :
- Ce n’est que partie remise.
Lex détailla le corps nue de sa compagne, (s’attardant sur le sexe mouillé, situé pile
devant ses yeux) et se mordit la
lèvre alors qu’une nouvelle vague de sensualité la submergeait. Puis le corps
bougea et disparut à sa vue. Elle entendit la porte de la salle de bains
claquer et relâcha doucement le souffle qu’elle retenait.
Tia l’excitait comme personne ne l’avait jamais
fait. Un regard, un sourire… un bout de peau… Elle soupira devant la soumission
si totale de son corps à son désir.
Et de toute évidence, cela n’était pas prêt de
s’arrêter. Elle secoua la tête et se leva en décidant que c’était une
excellente nouvelle. Ainsi, avec un peu de chance, même lorsque la maladie
l’empêcherait de contrôler les mouvements de son corps, le désir qu’elle avait
de Tia lui permettrait quand même de prendre du plaisir (jouir).
Cela lui donnerait un semblant de normalité dont
elle savait qu’elle aurait besoin. Cela les garderait liées aussi. Elle ne serait
pas qu’un poids mort pour sa compagne. Elle pourrait lui donner du plaisir…
Quoi qu’en pense Tia, la pensée de sa mort et
plus précisément de son agonie ne la quittait pas une seconde. Et la pensée
réconfortante qui venait de la traverser adoucissait un peu son appréhension.
Elle s’ébroua et décida qu’elle allait apprendre
tout ce qu’il y avait à apprendre sur leur lien et qu’elle le maîtriserait
comme une virtuose. Ainsi lorsqu’elle en aurait besoin, lorsqu’elle ne pourrait
plus compter sur son corps pour donner du plaisir à Tia, elle pourrait utiliser
leur lien.
Leur relation ne s’arrêterait pas en même temps
que la déchéance de son corps. Pour celle de son esprit en revanche, elle ne
savait pas si elle pouvait compter sur leur lien, mais elle demanderait à
Harry.
Elle se rendit dans la salle de bains en priant
de toutes ses forces pour que leur lien transcende aussi sa déchéance mentale.
***********************************
Deux jours plus tard, le plan d’Alexia était en
place. Ne manquait plus que leurs présences à elle et Tia pour le déclencher.
Elles cherchaient un moyen d’expliquer aux jumeaux pourquoi elles
n’assisteraient probablement pas à leurs anniversaires.
- On va devoir se rendre en Russie et la
préparation sur place associée au voyage nous prendra bien deux jours, expliqua
Tia. L’exécution du plan ne prendra que quelques heures mais il peut y avoir
des complications. Dans ce cas là, on ne pourra pas être de retour tout de
suite. Dans le meilleur des cas, on sera là le soir de vôtre anniversaire, mais
on préfèrerait que vous attendiez pour le fêter.
- On voudrait le fêter au ranch, termina Lex
avec un sourire.
Les yeux des jumeaux s’ouvrirent en grand et des
sourires firent leur apparition.
- Vous êtes ok pour attendre alors ?
Interrogea Tia.
Ils acquiescèrent avec enthousiasme. Et les deux
femmes se sourirent de soulagement.
Tia les attira dans ses bras et Lex referma le
cercle avec les siens. Frédéric apporta sa contribution à leur étreinte en
abattant ses grosses paluches sur tout son petit monde et les serra contre lui,
ce qui déclencha rires et bousculades.
Quelques heures plus tard, ils se retrouvèrent
tous à l’aéroport. Tia et Alexia avaient réservé leur vol sous une fausse
identité mais n’avaient changé ni leurs apparences, ni tenter en quoi que se
soit de se cacher, suivant le principe d’être bien en vue pour se cacher que
prônait Lex.
Les au revoir furent joyeux, car tous savaient
que la fuite touchait à sa fin. La prochaine fois qu’ils se reverraient, ils
seraient libres.
Dans l’avion Tia passa en revue ce qu’il
conviendrait de faire en arrivant et demanda quelques précisions à sa compagne.
Une fois que tout fut bien clair, elle étudia le profil de Lex.
« Il est temps », songea-t-elle
tranquillement.
- Lex ?
- Hmm ? Fit celle-ci en relisant ses notes.
- Que dirais-tu de Maât ?
-Hmm ? Fit Lex en se tournant vers elle,
interrogative.
- Maât. Ca te plaît ?
- C’est joli. Pourquoi ?
- Ravie que ton nom de mercenaire te plaise, fit
Tia les yeux brillants.
- M… mon nom de mercenaire ? S’exclama la
jeune femme incrédule.
Tia hocha la tête.
- M… j… tu… bon sang, souffla- t-elle sans
parvenir à y croire.
Lex fixa le vide quelques instants puis releva
la tête et posa un regard empli de joie sur sa femme.
- Maât, hein ?
- Maât, confirma la grande femme.
Le sourire de Lex était si lumineux qu’il aurait
put éclipser la lumière du soleil.
FIN PARTIE VI
Partie VII : Le passé peut-être très
lourd et le futur plus encore.
Chapitre 1 :
- Qu’est-ce qui… pourquoi ? Interrogea la petite femme tout
excitée sans parvenir à trouver ses mots.
- Pourquoi maintenant ? Pourquoi Maât ? Traduisit
la grande femme avec indulgence.
- Oui !
Tia sourit et répondit.
- C’était le moment, fit-elle simplement. Depuis quelques
temps tu as fait preuve de la rapidité et de l’efficacité propre à tout bon
mercenaire. Et tu l’as fait en indépendance totale. J’étais hors course et tu
ne t’es pas laissé démonter par cet imprévu. Tu as fait preuve d’une grande
capacité d’adaptation et d’un esprit d’analyse froid et détaillé.
Tia fit une pause puis dit doucement :
- Je suis très fière de toi.
Lex sentit très nettement la chaleur envahir son cou et son
visage mais ne s’en soucia guère. Tia était fière d’elle. En tant que
mercenaire.
Puis elle réalisa pleinement.
Elle était mercenaire maintenant. Plus apprentie. Non.
Mercenaire.
Son cœur battit plus vite et elle serra fortement les
accoudoirs de son siège pour juguler son excitation et sa peur.
- J’espère que je serais à la hauteur.
- Je n’ai aucun doute là dessus.
Lex la dévisagea longtemps cherchant une trace de doute, de
sarcasme ou autres choses, mais ne vit que sincérité et confiance et en fut
touchée au-delà du possible. Elle déglutie, hocha la tête et murmura un merci
inaudible pour une autre personne que sa compagne.
Puis soudain, Lex comprit ce que son nouveau statut
impliquait et elle leva des yeux inquiets sur sa femme.
- Je… Ca veut dire qu’on ne va plus travailler
ensemble ?
Tia sourit en coin tranquillement. Elle s’attendait à cette
question. Lex lui était si attachée…
- Ca dépend, fit-elle en haussant les épaules.
- De quoi ?
- De ce que tu veux.
- Tu ne veux pas être plus claire ?
Tia réprima un sourire devant son agacement. Elle aimait
bien obliger Lex à lui tirer les vers du nez.
- Tu es mercenaire à part entière maintenant. Dès que tu
seras inscrite sur le tableau noir des mercenaires tu pourras accepter tes
propres contrats. Et me demander de t’aider ou non. Ou bien…
- Ou bien ? Répéta la petite femme impatiente.
- Ou bien on peut décider de choisir les contrats ensemble.
A ces mots et au regard entendu de sa femme, Lex se sentit
rassurée. Tia n’avait jamais eu l’intention de travailler sans elle.
- Je vote pour cette solution !! Fit-elle en levant la
main.
Tia rit.
- Et si jamais tu veux prendre un peu de distance ou
t’essayer à des missions solo… plus rien ne s’y opposera, conclut la grande
femme avec un sourire.
Lex hocha la tête et se réadossa à son siège.
- Et pourquoi Maât ? Demanda-t-elle.
- C’est une déesse qui personnifie l’équilibre cosmique. C’est
à travers elle que le monde peut se maintenir dans son intégrité. Elle est la
déesse de la vérité et de la justice. Tout ce que tu es pour moi.
- Tia, protesta-t-elle.
- Non Lex, je suis sérieuse. Pour moi mais aussi pour les
enfants… tu représentes l’équilibre pour nous. Tu es l’incarnation de la
justice et de la droiture. Même dans le combat tu gardes tes idéaux.
Lex se mordit la lèvre. C’était si beau… Tia la voyait
vraiment comme ça ? Les larmes lui montèrent aux yeux et elle les ravala.
Elle ne voulait pas gâcher un instant aussi beau en s’empêchant de distinguer
l’expression si tendre de sa femme.
- Tout va bien ?
Tia tendit la main vers le visage de Lex et attrapa de son
index recourbé, une larme qui perlait au coin de son œil.
La gorge trop serrée pour parler, Lex se contenta de hocher
à nouveau la tête. Puis prenant une inspiration profonde, elle parvint à
parler.
- Je t’aime… souffla-t-elle en la regardant intensément.
Un mince sourire doux apparut sur les lèvres de la
mercenaire.
- Pas autant que moi, répondit-elle avec une tranquille
assurance.
Elles se regardèrent un long moment, perdues dans l’amour
qu’elles lisaient dans les yeux de l’autre, se baignant dans la confortable
chaleur que cela créait en elles et y puisant une force commune qu’elles
sentaient inépuisable.
Puis la chaleur se fit plus intense et un frôlement, doux
comme une aile de papillon, effleura le bas ventre de Lex et elle retint son
souffle. Aux yeux soudains assombris de sa compagne, Lex sut qu’il en allait de
même pour elle.
Une caresse légère effleura ses bras et de doux frissons la
parcoururent. Elle n’avait jamais rien ressenti de pareille. Des attouchements,
plus légers et doux les uns que les autres éveillaient sa peau et embrasaient ses sens.
Son sang rugissait au moindre frôlement et l’excitait à
chaque fois un peu plus. (La moiteur humide qui
abondait entre ses cuisses semblait ne devoir jamais se tarir. Lex bougea sur
son siège et chercha le contact invisible qui la rendait moite.)
Elle soupira lorsque les effleurements se firent plus
insistants et gémit lorsque les caresses se firent plus profondes. Alors que la
pression montait et que la torture délicieuse menaçait de lui faire perdre la
tête, elle se concentra sur le regard
flou de Tia et vit qu’elle aussi perdait le contrôle.
(Le flot entre ses jambes ne cessait
d’augmenter et sa culotte puis son jean furent bientôt complètement trempés). Elle s’étrangla et poussa un long gémissement qui
retentit dans toute la cabine.
Des têtes se tournèrent vers elle et sa compagne mais Lex
n’y fit pas attention. Elle n’était plus que sensations, chaleur et plaisir.
Alors que l’orgasme montait et que son corps s’y préparait, une chose
extraordinaire se passa.
Une chose si unique, si magique, que Lex sut que même morte,
elle ne l’oublierait jamais.
Alors même que le plaisir la faisait haleter, gémir et se
tordre sur son siège, elle sentit un toucher comme elle n’en avait jamais
connu, léger comme souffle, chaud comme un brasier, doux comme le pelage d’un
lapin.
La sensation était intense, puissante et impossible à
ignorer. Elle l’enveloppa tout entière lorsque l’orgasme la submergea et elle
hurla son extase en même temps qu’elle se noyait dans la sensation familière et
sécurisante enveloppant son âme.
Elle se sentait aimée, choyée, protégée. En totale sécurité,
certaine d’être aimée à jamais et sûre qu’il ne lui arriverait rien tant
qu’elle resterait là… dans ce nuage soyeux et doux qui l’entourait entièrement.
Elle retomba de longues minutes de félicité plus tard, avec
une lenteur presque douloureuse tant elle était plaisante. Les sensations
s’évanouirent à mesure qu’elles reprenaient conscience du lieu où elles se
trouvaient.
Et lorsque enfin elle réalisa qu’elles se trouvaient
toujours dans l’avion et que des dizaines de personnes les dévisageaient
stupéfait, elle comprit qu’elle venait d’avoir l’orgasme de sa vie au milieu
d’eux et qu’aucune des personnes présentes ne l’ignoraient.
*************************************
Elles débarquèrent en Russie quelques heures plus tard. Ni
l’une, ni l’autre ne s’attardèrent plus que nécessaire. Elles avaient passé
tout le voyage à tenter d’ignorer et d’éviter les regards amusés, moqueurs ou
entendus des passagers les entourant.
Elles s’engouffrèrent sitôt passé les contrôles, dans le
premier taxi qu’elles trouvèrent. Il les déposa devant le Hilton et Tia se dit
qu’à l’avenir elle devrait laisser Lex décider plus souvent de leurs plans.
Elle adorait les hôtels où elle les logeait !
Tia sourit à sa femme tout en entrant dans leur suite. Lex
retint un gloussement devant son air satisfait et paya le groom avant de
refermer la porte. Elle rejoignit ensuite sa compagne qui s’était directement
dirigée vers la chambre. Elle la trouva allongée sur le dos et fixant le
plafond d’un air béat.
Elle leva la main et le désigna :
- Y’a un miroir.
Elle se redressa et la fixa.
- C’est le truc de mauvais goût que je préfère,
déclara-t-elle d’un air entendu.
Lex lui retourna un grand sourire coquin. Appuyée contre le
chambranle de la porte, elle laissa son regard errer sur le corps emmitouflé de
laine de Tia. Mais celle-ci n’était apparemment pas sur la même longueur d’onde
car elle se redressa soudain et se mit à bondir sur le lit.
Lex ouvrit de
grands yeux stupéfaits et la regarda faire un moment. Tia riait comme une
enfant en se laissant retomber sur le dos ou les fesses alternativement.
- J’ai toujours
rêvé de faire ça ! S’exclama la grande femme en riant.
Lex secoua la
tête et rit devant sa joie enfantine. Elle adorait voir sa compagne comme ça.
Elle avait ainsi l’impression de lui redonner une enfance, un bout de ce qui
lui avait manquée.
Tia se laissa
rebondir une dernière fois et roula sur le côté pour la regarder.
- Quelle est la
prochaine étape du plan, chef ? Demanda-t-elle toute guillerette.
Lex s’approcha et s’assit sur le bord du lit.
- On mange, on va repérer les lieux et rencontrer notre
équipe. Puis on dort et on passe la journée du lendemain à régler les derniers
détails et à se détendre. L’opération commencera à 23h15 demain soir.
- Ca me va !
- Tant mieux, fit la petite femme en passant le dos de sa
main sur la joue de Tia.
Celle-ci ferma les yeux et laissa la délicatesse de la peau
et la tendresse du geste l’envelopper comme une douce couverture. Lex fondit.
Autant l’arrogance de Tia l’excitait au plus haut point, autant son besoin de
tendresse la faisait fondre comme neige au soleil.
Ce mélange de force et de douceur, d’invincibilité et de
fragilité, de besoin d’attention et de capacité à vivre seule, la bouleversait
à chaque fois. Tia était la personne la plus complexe, la plus déconcertante et
la plus paradoxale qu’elle connaissait. Et c’était, pensait-elle, ce qui
faisait qu’elle l’aimait tant.
Avec Tia la vie n’était jamais ennuyeuse. C’était une
aventure perpétuelle où chaque geste, chaque mot, pouvait dire milles choses
différentes.
Lex adorait le défi constant que représentait sa compagne.
Elle se pencha vers elle et déposa un baiser amoureux sur ses lèvres. Puis elle
les mordilla et un grondement sourd lui répondit. Elle s’écarta légèrement.
- Après l’orgasme mondial que nous avons eu dans l’avion, je
pense qu’une douche s’impose mon amour.
- Une douche, hein ?
- Avec du savon, confirma la petite blonde très
sérieusement.
- Et plein d’eau ruisselant sur nos corps nus, susurra la
grande femme.
Lex réprima un sourire et hocha la tête gravement. Puis
comme pour confirmer le besoin que sa compagne avait de se laver, elle glissa
une main ferme dans le pantalon de Tia et sous sa culotte trempée.
- Tu as vraiment besoin de te nettoyer, mon cœur, fit-elle
sentencieusement. Tu es complètement mouillée.
Une main rapide comme l’éclair fit le même constat dans son
pantalon et Tia sourit de toutes ses dents en effleurant (le clitoris) de sa
compagne, ce qui lui arracha un frisson et un sursaut.
- Toi aussi, chef. Et il faudra absolument changer de
sous-vêtements et de jean une fois que j’aurais récuré ton corps dans sa
totalité, fit-elle sur un ton très suggestif.
Lex inspira brusquement et se levant, entraîna sa compagne
vers la douche à grand pas.
************************************
Le lendemain soir, elles étaient comme prévu au point de
départ du plan. Se trouvaient avec elles, deux autochtones qui débutaient dans
la profession mais connaissaient tout ce qu’il y avait à savoir sur Aniock et
son fief, une connaissance de Tia qui était très heureux de la revoir et avait
accepté de les aider.
Lex le trouvait rigolo, parce que très enthousiaste mais
heureusement très compétent. C’était leur expert informaticien. Il était
responsable de leur communication et de la surveillance du terrain autour de la
maison d’Aniock.
Les deux autochtones, eux étaient là comme renfort et
couverture de repli pour Tia et elle. Ils avaient réceptionné et placé un peu
partout dans la propriété des émetteurs/récepteurs d’ondes agissant un peu
comme des sonars et permettant la détection des mouvements et de la chaleur
corporelle.
Tout ceci permettait à John, leur expert informatique, de
les prévenir de la position et du nombre d’ennemis en place.
Ranichka et Betrevsta, les deux locaux, avaient aussi
dissimulé mini-caméras et micros indétectables dans toute la maison durant la
semaine écoulée. Ceux-ci avaient été gracieusement prêtés par le gouvernement
Américain, toujours à la pointe de la technologie, en échange elles devaient attribuer le
démantèlement de l’organisation d’Aniock à leur pays, ce qu’Alexia avait
accepté s’ils poussaient leur coopération jusqu’à les aider à vider les lieux
en cas de problème.
Là, Tia avait été relativement impressionnée. Lex avait
obtenu beaucoup et donné très peu, elle aurait donné cher pour avoir son talent
de persuasion. Elle vérifia leurs équipements et leurs armes.
Elle enfila son gilet pare-balle noir et mit M16 en
bandoulière. Elle serra les attaches et ajusta son couteau sur sa cuisse, puis
elle fit de même pour sa compagne pendant que celle-ci étudiait encore une
dernière fois les plans et discutait avec John des zones à risque.
A l’heure dite, Ranichka et Betrevsta se mirent en position sur les côtés de la propriété.
Tia et Alexia mirent leurs casques sur leurs oreilles et testèrent le son. Puis
elles s’élancèrent. Se courbant sur les distances courtes et rampantes sur les
longues, elles parvinrent en moins de 30 minutes aux abords de la propriété.
A partir de là, elles se fièrent exclusivement aux
indications de John et avancèrent avec lenteur et prudence.
Grâce au système mit en place par Lex et à ses préparatifs
minutieux, elles ne croisèrent personne jusqu'au bureau d’Aniock. Lex brancha
un appareil sur la serrure électronique qui la hacka en quelques secondes et
elles entrèrent.
Pendant que Tia s’occupait de son ordinateur, Lex fouilla
ses dossiers. En contact avec John, Lex lui demandait régulièrement si Aniock
ou un garde approchait. Elles passèrent près de 15 minutes à réunir des preuves
pour Karl puis elles se mirent en quête d’Aniock.
Lex discuta quelques secondes avec John et dirigea Tia vers
la chambre. Parvenues devant la pièce, Tia s’occupa discrètement des deux
gardes placés là et garda la porte pendant que Lex entrait pour s’entretenir
avec Aniock.
C’était la partie du plan que Tia aimait le moins et
trouvait la plus absurde. Un type comme Aniock n’arrivait pas à son niveau avec
l’idée de se comporter avec humanité. Lex perdait son temps. Mais c’était Lex
et elle n’y pouvait rien. Et puis qui savait ? Lex pouvait se montrer très
persuasive quand elle le voulait.
Tia n’entendit rien ce qui voulait dire que tout se passait
bien. Entrer avait été un jeu d’enfant et Tia comprit que rien ne semblerait
plus jamais difficile après Sassem. Cet homme était un génie doublé d’un
paranoïaque confirmé. Résultat, elle avait dû déployer des trésors
d’imaginations pour s’introduire dans ses propriétés et faire preuve d’une
grande habileté pour le faire sans mourir à chaque pas.
Lex finit par toquer à la porte quelques minutes plus tard
et elles échangèrent leurs places, sa compagne surveillant le couloir pendant
que Tia s’acquittait de la besogne. Tia s’approcha du lit où gisait Aniock
saucissonné comme un boudin. « Ce à quoi il ressemblait vraiment »,
songea-t-elle en gloussant.
Il la regarda approcher une lueur de colère et de peur dans
le regard. Elle le fixa un instant et se pencha sur lui pour lui
murmurer :
- Si ça n’avait tenu qu’a moi, vous seriez déjà mort, mais
mon associée à tenu à vous laisser une chance, que, pour je ne sais qu’elle
raison, vous avez préféré décliner. Rassurez-vous avec moi, il n’y aura pas de
négociation. Vous allez mourir.
L’éclair de peur fut cette fois facile à identifier. Tia se
redressa et leva son arme. Elle hésita. Mercenaire ce n’était pas tueur à gage.
Et pourtant aujourd’hui elle faisait exactement ce travail. Mais c’était pour
leur famille. Leur liberté. Leur sécurité. Comme Sassem.
Elle se souvint d’un temps où ça n’était pas difficile. Où
tuer était facile. Où elle n’y pensait même pas.
Dans son apprentissage avec Enyalios, c’était la seule chose
qu’elle regrettait. Il n’avait pas essayé de lui donner le goût du sang comme
Sassem, mais dans une mission, les pertes humaines n’étaient pas importantes
pour lui, au contraire même. Une bonne bataille avec le risque de la mort, la
sienne ou celle de son ennemi, l’excitait énormément.
Elle avait fini par penser comme lui… à tuer sans réfléchir.
Oh bien sûr, elle avait parfois du mal à dormir et des regrets la hantaient de
temps en temps. Mais c’était surtout parce qu’elle avait l’impression de
devenir comme Sassem.
Lex avait changé tout ça.
Et aujourd’hui, même en sachant ce qu’elle savait sur cet
homme et le danger qu’il mettait sur sa famille, elle aurait aimé avoir un
autre choix.
Mais quelqu’un comme lui, avec ses relations, ne pourrait
jamais être neutralisé avec la prison. Le faire arrêter ne pouvait donc pas
être la solution. Ou alors ils devraient fuir ou se cacher sous une fausse
identité jusqu'à la fin de leur jour.
Et pour Tia, ceci n’était pas envisageable. C’était leur vie
à elle et sa famille. Elle n’allait pas la sacrifier pour qu’un connard pareil
puisse vivre. Elle avait trop lutté pour avoir cette existence. Lex avait trop
sacrifié pour ne pas avoir droit à un semblant de normalité et ses enfants
étaient innocents. Ce n’était pas à eux de payer la note.
Quant à Frédéric… elle lui devait trop. Elle lui devait
tout. Elle pouvait régler partiellement sa dette en le débarrassant d’Aniock.
Et qu’était un peu de culpabilité face à la reconnaissance, l’amour et la
liberté ?
Sa famille. Elle leur devait sa stabilité. Sa joie. Son
bonheur. Son rêve réalisé. Elle pouvait assumer cette mort. Pour eux. Pour ce
qu’ils lui apportaient. Elle acceptait le prix à payer pour faire justice
elle-même.
Mais elle était parfaitement consciente que ce n’était pas
une habitude à avoir. Que tuer par vengeance ou esprit de justice n’avait plus
cours aujourd’hui. N’était plus acceptable. L’espèce humaine avait trop évolué.
Elle plongea son regard implacable dans le sien et
dit :
- Frédéric vous aimait vous savez. Il aurait voulu qu’il y
ait une autre solution. Il vous aimait tant. Je suis désolée que vous vous
soyez laissé consumer par la jalousie et la colère. Vous êtes passé à côté
d’une vie bien meilleure. Et à côté d’un homme fantastique. Votre ami. Votre
frère.
Il la fixa un moment et elle lut une certaine acceptation.
Comme si… comme s’il était d’accord. Elle hésita alors… peut-être qu’il y avait
un autre moyen finalement ? Puis la lueur s’effaça et le mépris le
remplaça. Le mépris et la haine. Et elle sut qu’il n’y en avait pas d’autre.
Elle appuya sur la détente et elle vit sa tête tressauter
légèrement, un trou net ornant son front. Un filet de sang s’écoula de la
blessure sur son front et l’oreiller sous sa tête s’imbiba au point de devenir
noir.
Elle recula, déglutit et accepta le fardeau de sa mort. De
cette vie qu’elle s’était arrogée le droit d’écourter. Comme si elle valait
mieux que lui.
Elle rangea son pistolet et reprit son M16 puis tourna les
talons sans plus regarder en arrière.
Chapitre 2 :
Elles rentrèrent sans plus d’encombre qu’à l’aller et
congédièrent rapidement les deux locaux. John en revanche insista pour prendre
un verre avec elles. Pour fêter ça, disait-il en souriant. Lex n’eut pas le
cœur à décliner l’invitation, surtout quand la mission s’était déroulée avec un
tel succès.
Enfin, cela arrivait souvent, les plans de Tia étaient les
meilleurs, mais c’était son premier plan à elle et il s’était déroulé sans
un mort superflu et sans difficulté impromptue. Et de ça Lex était très
fière. Cela atténuait un peu le fait qu’elle n’avait pu parvenir à un accord
avec Aniock, ce qui lui aurait permis de vivre.
Elle haussa les épaules et chassa l’homme de ses pensées.
Pendant que John et Tia s’installaient à une table au fond du bar, Lex se rendit dans la cabine téléphonique
située à côté du bar dans un coin un peu à l’écart du bruit.
Elle composa le numéro du FBI et le code que Karl lui avait
demandé de taper. Lorsqu’une voix électronique lui demanda son mot de passe
elle débita une série de quatre chiffres puis une autre de trois.
Après 5 sonneries, elle tomba enfin sur la boite vocale de
Karl. Elle lui laissa un message court indiquant la réussite de la mission et
l’envoi par coursier express, John, des preuves demandées.
Elle rejoignit ensuite les deux autres et s’assit en face de
sa compagne. Elles se sourirent et John entama une discussion superficielle sur
les mérites comparés des vaches Françaises et des vaches Anglaises.
Pendant ce débat hautement intellectuel, Lex sentit soudain un pied toucher sa jambe et remonter lentement le long de son mollet. Les frissons qui voyagèrent jusqu'à son bas-ventre l’électrisèrent. Elle jeta un œil sur sa femme mais celle-ci écoutait attentivement John et riait à ses blagues à deux balles.
Elle fronça les sourcils et retourna son attention sur John.
Il la regarda et lui fit un clin d’œil. Elle écarquilla légèrement les yeux.
Non, quand même pas ?! Le pied revint et toucha l’intérieur d’une de ses
cuisses.
Aussitôt son ventre se contracta dans une vague de
sensualité intense. Elle fixa la table mortifiée, en se demandant ce qui lui
arrivait. Et bon sang, est-ce que John était suicidaire ?! Tia allait le
trucider si elle s’en rendait compte !
Le pied se glissa entre ses jambes et appuya brièvement sur
son entrejambe. Elle se crispa en même temps que son excitation humidifiait sa
culotte.
« Oh bon sang… », songea-t-elle confuse. Comment
cet homme pouvait-il lui faire un tel effet ?!! Elle ne le trouvait même
pas mignon et bordel, il n’était pas Tia !!
Elle déglutit et releva la tête. Elle croisa les jambes et
se recula sur sa chaise pour mettre autant de distance que possible entre lui
et elle et jeta un regard en coin à sa compagne pour voir si elle avait repéré
son manège.
Elle posa son regard si bleu sur elle et lui sourit
doucement. La lueur d’excitation qu’elle y décela lui fit prendre conscience
que c’était elle qui la touchait depuis tout à l’heure et le soulagement qui
l’envahie fut total.
Comment avait-elle pu douter ? Bon, en même temps la
coïncidence expliquait la méprise, mais quand même… Tia était la seule à lui
faire cet effet, elle le savait. Elle devait être plus fatiguée par l’opération
qu’elle ne l’aurait cru pour ne pas s’en être rendue compte avant.
Elle retourna son sourire à Tia et sentit s’abattre sur elle
la fatigue d’une semaine haute en stress. Elle avait eu tellement peur
d’oublier quelque chose, de décevoir Tia ou de faire foirer l’assaut.
Elles prirent rapidement congés de John lorsque l’excitation
que fit naître Tia en Lex menaça de la faire gémir en public. Elles rentrèrent
à leur hôtel main dans la main, presque en courant. Arrivées dans leur chambre
elles se jetèrent l’une sur l’autre avec une rare sauvagerie. Déchirant les
vêtements, s’embrassant avec avidité, écorchant leur peau dans leur
précipitation, elles ne parvinrent pas jusqu’au lit et s’écroulèrent à l’entrée
de la chambre.
Tia avait pénétré Lex à la seconde où celle-ci s’était
retrouvée nue. Les jambes de Lex avaient cédé presque immédiatement sous
l’excitation. Pour ne pas rester en arrière, Lex, en écartant largement les
cuisses pour profiter au mieux de la caresse de sa compagne, chercha, trouva et
titilla le clitoris de Tia.
Elle fit rouler l’appendice dur entre ses doigts puis alors
qu’elle haletait de plus en plus fort et sentait la respiration de Tia se faire
plus hachée, elle appuya fortement dessus et tira un gémissement sourd de la
mercenaire.
Aujourd’hui, les deux femmes ne cherchaient pas la
tendresse, elles s’activèrent donc de façon frénétique afin d’atteindre le
plaisir au plus vite. Tia se retira de Lex, celle-ci lâcha son clitoris et dans
un même mouvement, se collèrent l’une à l’autre et frottèrent vigoureusement
leur sexe l’un contre l’autre.
L’excitation monta en une vague rapide et ne tarda pas à
exploser en une myriade de petites bulles de plaisir qui se répandirent le long
de leurs épines dorsales.
Lex s’affala sur le sol et Tia sur elle. Elles restèrent
quelques instants ainsi puis Tia roula sur le dos. Elles fixèrent le plafond
avec un sourire repu puis Tia attira sa compagne dans ses bras. Lex se blottit
dans le creux de son épaule et ferma les yeux, complètement épuisée par cette
folle semaine.
Tia ne chercha pas à se dégager bien qu’elle sentit sa
compagne s’endormir. Le sol n’était pas si inconfortable après tout et avoir
Lex entre ses bras était suffisant pour qu’elle se sente bien. Alors que Lex
plongeait avec délice dans les bras de Morphée, Tia se remémora son hésitation
dans la chambre d’Aniock et si cette mort qu’elle avait donnée, pèserait sur sa
conscience comme toutes les autres, elle était heureuse de se rendre compte du
changement opéré en elle grâce à la petite femme dans ses bras.
Elle resserra son étreinte et soupira d’aise. Elle n’était
pas parfaite, non, loin de là même, mais elle s’améliorait et elle en était
fière. Pour la première fois de sa vie, elle pensait sincèrement qu’un jour
elle pourrait être fière d’elle-même.
C’était bon d’avoir un avenir moins sombre. Et c’était
encore meilleur de savoir qu’elle ne le devrait qu’à elle-même.
Elle roula sur le côté sans lâcher sa compagne et enroula
bras et jambes autour de la petite femme dans la ferme intention de la protéger
autant que de se fondre en elle.
Elle huma l’odeur de Lex, mélange de sueur, de sexe et d’un
goût sucré de miel caractéristique de sa compagne. Elle lécha doucement
l’épaule de celle-ci et en aima tellement le goût qu’elle sentit son sexe s’humidifier de
nouveau.
Elle se pressa contre le genou que Lex avait légèrement
remonté et gémit doucement lorsque la rotule appuya contre son clitoris. Elle
commença à faire aller et venir son bassin contre la peau. D’abord doucement,
puis de plus en plus vite. Elle devait se retenir pour ne pas s’agiter avec
frénésie et se délivrer de la délicieuse pression qui sourdait au creux de son
estomac.
Elle haletait doucement en se frottant contre sa compagne.
Elle ne voulait pas réveiller Lex qui, elle le savait avait veillé tard toute
la semaine durant, souhaitant plus que tout être à la hauteur de sa tâche et
s’était épuisée en stress inutile.
Mais la pression et l’excitation en elle montait, et elle ne
pouvait s’empêcher de vouloir sentir Lex en elle. Finalement, ni tenant plus
elle se recula un peu et se pencha sur les seins de sa femme. Elle les prit en
bouche et s’occupa tant et si bien d’eux que Lex
se réveilla en gémissant de plaisir.
La petite femme ouvrit des yeux embrumés et un peu confus.
Puis elle reconnut le toucher dominateur de son amie et une abondance de
liquide sur son genou lui firent comprendre ce qui lui arrivait.
Lorsque Tia sentit sa petite compagne se presser contre
elle, parfaitement éveillée, elle retrouva sa position initiale contre son
genou et se frotta sans plus de précaution.
La respiration lourde de Tia indiqua à Lex que celle-ci
était sur le point de jouir.
- Je te veux en moi, déclara la grande femme entre deux
halètements.
Lex qui sentait sa propre excitation s’écouler avec force
entre ses jambes ne se fit pas prier et elle glissa trois doigts entre les
lèvres largement ouvertes de Tia.
- Tu es si mouillée… si ouverte, murmura la petite blonde
sans quitter les yeux flous de sa compagne qui rejeta la tête en arrière en
sentant les doigts durs la pénétrer.
Tia agita son bassin avec plus d’intensité alors que Lex
faisait aller et venir ses doigts en elle aussi profondément et rapidement
qu’elle le pouvait. La mouille de Tia coula le long du poignet de Lex ce qui
l’excita encore plus.
Rien ne l’excitait tant que de voir sa compagne se torde de
plaisir grâce à elle. Tia agitait son bassin avec plus de force, souhaitant la
sentir plus loin, plus fort en elle. Elle crispa ses mains de part et d’autre
des côtes de Lex, agrippant le tapis de toutes ses forces, haletant de plus en
plus fort.
L’orgasme qui se préparait à venir, Tia le sentait, était
énorme. Et Lex le sentait elle aussi. Elle avait l’impression qu’elle jouirait
rien qu’en regardant sa compagne et si elle s’en fiait à l’état de son propre
sexe largement ouvert et dilaté, abondamment lubrifié, elle savait qu’un simple
effleurement suffirait.
Sans cesser ses caresses entre les lèvres de Tia, Lex fit
descendre son autre main et introduisit deux doigts dans son propre vagin. Elle
se cambra et s’agita en suivant le rythme de sa compagne. Comme elle le pensait
l’excitation provoquée par la sensualité et l’érotisme profond qui se dégageait
de Tia lui permit de rapidement atteindre la vague de jouissance visée.
Elle cria son orgasme en même temps que sa compagne, dans un
hurlement fort, puissant qui retentit longtemps dans la pièce. Elle mit
quelques longues minutes à recouvrer sa respiration et sa vue.
(Elle retira alors de son sexe, comme de
celui de Tia, ses doigts trempés et tourna un visage pleinement satisfait vers
elle. Tia la dévisagea avec émerveillement et
cette si totale confiance, cette si grande tendresse qu’elle lut dans le regard bleu lui fit monter les larmes aux
yeux.
Tia leva une main tremblante vers son visage et attrapa une
des perles qui roulait sur la douce joue qu’elle aimait. Elle mena le diamant à
ses lèvres et l’embrassa avec un amour profond, le faisant disparaître avec
douceur.
Cela redoubla les pleurs de sa compagne. Elle les comprenait mais devait se faire violence pour
ne pas les partager et l’attira dans
l’étreinte protectrice de ses bras. Elle la berça un long moment sans rien
dire, lui laissant le droit de pleurer sa joie et de libérer la tension qui
l’avait habitée toute la semaine.
Lex finit par s’apaiser et s’endormit une fois de plus sur
elle. Tia la laissa faire, appréciant simplement l’instant. Puis elle resserra
son étreinte autour d’elle et s’endormit à son tour en se disant qu’il n’y
avait pas de lieu plus confortable et plus heureux que celui où elle était.
**************************************
Elles ne se réveillèrent que tard le lendemain
après-midi. Le soleil avait envahit la suite et les femmes de ménage étaient
passées puis vite ressorties en les voyants enlacées sur le sol complètement
nues.
Toute la matinée, les pipelettes de l’étage ne parlèrent que
du couple gay qui avait fait tellement de bruit la nuit dernière que les
voisins s’en étaient plaint et qui avait
terminé leur nuit sur le tapis à l’entrée de leur chambre où elles se
trouvaient toujours.
- Dis-moi, elles vont prendre
froid ! S’exclama avec commisération la responsable de l’étage.
- Les filles de Jézabel ne méritent pas mieux,
marmonna la femme de chambre qui devait s’occuper de leur chambre.
La responsable dont le fils était gay la fusilla
du regard et l’envoya nettoyer les chambres du fond. Elle la regarda partir en
s’étonnant qu’après tout ce temps, il y ait encore des homophobes. Cela faisait
15 ans maintenant que les unions étaient valables partout dans le monde et les
familles nées de ces unions, reconnues aussi légitimes que
les autres. Elle ne comprenait pas pourquoi tout le monde n’acceptait pas cela.
C’était comme les unions mixtes, noir/blanc. Aujourd’hui
encore elles étaient mal vues par certaines personnes. La responsable secoua la
tête en se demandant pourquoi la haine était aussi tenace. Et pourquoi on
s’accrochait à l’ignorance au lieu d’encenser ce que l’amour rendait possible,
à savoir l’union de deux êtres.
Tia s’étira en baillant à s’en décrocher la mâchoire. Se
faisant elle réveilla sa compagne qui sourit en sentant les vibrations
parcourir la poitrine de sa compagne et lui chatouiller la joue. Lex se
redressa et observa le visage de sa femme.
L’éveil lui donnait un air brumeux adorable. Lex leva la
main et passa le bout de ses doigts sur la joue douce qui l’appelait. Tia
laissa échapper un ronronnement ce qui fit rire Lex.
La petite femme finit par se lever et s’étira à son tour en
passant les mains dans ses cheveux à plusieurs reprises. Tia l’observa.
Etudiant avec intérêt les muscles jouer sous la peau hâlée, elle laissa son
regard errer sur le ventre plat, les cuisses fermes, les mollets durs et remonta doucement, s’arrêtant un certain
temps sur la partie qui reliait bas ventre et cuisses.
Elle résista à la tentation de laisser glisser
ses doigts sur l’intérieur particulièrement doux des cuisses, juste à l’aine,
et remonta observant le nombril et l’imaginant avec un percing doré. Elle leva
une main et la passa sur le nombril dans un geste inconscient puis remarqua que
sa compagne ne bougeait plus depuis plusieurs minutes déjà et elle leva les
yeux.
Lex la dévisage d’un air rendu sombre par le
désir et Tia sourit avec prétention.
- Un simple regard… murmura-t-elle.
L’arrogance de Tia excita un peu plus la petite
femme qui dut se faire violence pour ne pas se jeter sur elle. Elle
déglutit et déclara d’une voix voulue ferme mais rendue rauque par l’envie :
- Arrête… à ce rythme on ne bougera pas du tapis
de la journée et on y a déjà passé suffisamment de temps.
- Tu es sûre ? Susurra la grande femme en
laissant son regard courir sur ses seins dont la pointe s’érigea immédiatement.
Les frissons qui parcoururent Lex la firent
fléchir mais elle repensa aux jumeaux et se reprit.
- Sûre, fit-elle la voix étranglée en passant
une main frustrée dans ses cheveux ce qui en aggrava encore les nœuds.
Tia dut détourner le regard pour ne pas rire et
tout gâcher de la réaction que Lex aurait en s’en apercevant. Elle se concentra
donc sur les seins tendus devant elle, ce qui donna la chair de
poule à sa petite compagne.
Lex se détourna avant de risquer de changer d’avis et se
précipita dans la chambre. Tia se leva et l’y suivit. Elle l’attrapa par le
bras et l’attira à elle. Elle l’embrassa avec fougue puis se recula et posant
deux doigts autour de son nombril murmura :
- Que dirais-tu d’un piercing ici ?
Le regard rendu flou par le contact de sa
compagne, Lex mit quelques secondes à saisir ce que disait Tia.
- Un piercing ? Répéta-t-elle la voix
cassée.
Elle se racla la gorge en rougissant et
poursuivit :
- Sur mon nombril ?
Tia hocha la tête et précisa :
- Un doré.
Lex cligna des yeux et essaya tant bien que mal de se concentrer alors que sa femme enfouissait son nez
dans son cou et envoyait des centaines de petits frissons courir sur sa
peau. En désespoir de cause, elle s’arracha à l’étreinte de sa compagne et
s’éloigna. Devant l’air interrogateur de Tia elle expliqua :
- J’arrive pas à me concentrer.
Le sourire très satisfait de Tia noua son estomac et elle
lui tourna le dos résolument. Puis elle baissa les yeux sur son nombril et
tenta de l’imaginer avec un piercing. Curieusement, elle trouva cette idée
excellente et c’est le sourire aux lèvres qu’elle se retourna vers la grande
femme.
- Je suis pour.
- Vraiment ?
Alexia hocha vigoureusement la tête et
choisissant de nouveaux vêtements dans son sac, elle se dirigea vers la salle
de bains.
- On se lave et on sort se restaurer avant de
partir à la recherche du piercing parfait ! Déclara-t-elle en claquant la
porte de la salle de bains derrière elle. Tia entendit le déclic indiquant que
Lex avait fermé la porte à clé et gloussa.
Elle s’appuya à la porte et lança :
- On ne se sent pas assez forte pour me résister ?
Un objet atterrit avec force contre la porte qui vibra sous
l’impact et une voix retentit :
- Va t’en Satan !
Tia s’écarta de la porte en riant. Puis un cri éclata dans
la petite pièce fermée et Tia se précipita.
Au moment où elle allait arracher les gonds de la porte, elle entendit :
- Tia je vais te tuer !!
La grande femme se figea et fronça les sourcils.
- Pourquoi, mais pourquoi donc ne peux-tu pas laisser mes
cheveux tranquilles ?!!
La mercenaire s’écarta vivement de la porte lorsque celle-ci
s’ouvrit à la volée.
- Ce ne sont pas des jouets Tia ! S’exclama la petite
blonde furieuse.
Tia essaya de ne pas fixer la choucroute qui tanguait sur le
dessus du crâne de Lex sans rire.
- Alors laisse-les tranquilles !
Sur ces bons mots, elle claqua à nouveau la porte et Tia
éclata de rire.
***************************************
Elles sortirent enfin au milieu de l’après-midi
et croisèrent plusieurs employés qui leur sourirent d’un air entendu. Elles
rendirent les sourires, un peu perplexes. Une fois à l’air libre, Tia enlaça
ses doigts autour des siens et l’entraîna dans les rues enneigées.
Elles trouvèrent rapidement un petit restaurant
où elles commandèrent des plats faits maisons qui leur explosèrent
littéralement leurs papilles. Les filles se régalèrent et reprirent de tout 2
fois.
Puis elles passèrent le reste de l’après-midi à
se promener et à chercher le piercing idéal. En fin de journée, elles
dégotèrent le piercing doré dont rêvait Tia et Lex serra les dents lorsqu’il
fallut lui percer le nombril.
Tia lui tint la main et lui caressa le front
avec tendresse. Elle se pencha près de son oreille et murmura :
- Merci de faire ça pour moi…
Lex lui jeta un regard pathétique d’appréhension
et lui serra convulsivement la main.
- Bah je le fais aussi pour moi, répondit-elle
en déglutissant. Ca va me rendre encore plus sexy. Et après ça je suis sûre de
pouvoir faire de toi ce que je veux…
Deux sourcils effectuèrent une remontée rapide
et Tia sourit.
- Comme si tu ne faisais pas déjà de moi, ce que
tu voulais… souffla-t-elle.
- Ce sera mon arme secrète, répondit la petite
femme sur le même ton.
Tia déposa un petit baiser sur sa joue et frotta son nez
contre le sien au moment même où le perceur trouait la peau délicate de sa
bien-aimée. Le regard que Lex posa sur elle, lui prouva que la petite femme ne
s’était rendue compte de rien et elle se redressa
avec un sourire tendre.
- C’était pas si terrible, tu vois, lança-t-elle
à sa compagne qui fixait son nombril avec incrédulité.
Celui-ci était maintenant orné d’un piercing argenté médical
que Lex devrait garder un mois, le temps de la cicatrisation. Lex se releva
avec un bond joyeux et serra vigoureusement la main de l’homme.
- Vous êtes un véritable artiste !
Assura-t-elle en lui filant un pourboire digne d’un maharadja.
Puis se tournant vers sa femme, elle l’observa
quelques secondes puis les mains sur les hanches et la tête penchée légèrement
sur le côté, elle lâcha :
- Je te verrais bien avec un anneau dans
l’arcade…
Tia ouvrit de grands yeux et secoua la tête avec
force dénégation. Lex haussa les épaules et poursuivit joyeusement :
- Ok, mais alors un sur le haut de
l’oreille !
Tia la dévisagea horrifiée.
- Sur le cartilage !! T’es cinglée !!
Ca fait mal !
- Ouuu la petite Tia a peur d’avoir bobo !!
Se moqua sa compagne.
Tia se renfrogna et après deux minutes de
moqueries en tout genre, s’assit sur le fauteuil qu’elle venait de quitter et
présenta son oreille au perceur.
- Dépêchez-vous ! Grogna-t-elle.
L’homme fit ce qui lui était demandé sans
dissimuler son sourire moqueur ce qui lui valut un regard dangereusement noir
de la grande femme. Il rit et Tia serra les poings. Elle ressortit de la
boutique comme une flèche et l’homme ne sut jamais combien il était passé près
de finir la tête encastrée dans le mur.
Lex la rejoint en courant, se tenant les côtes
de rire.
- Tu as été très courageuse ma chérie, fit-elle
en arrivant à sa hauteur.
La mercenaire plissa les yeux puis l’ignora
purement et simplement. Lex gloussa puis observa son profil. Elle sourit
doucement.
- Merci d’avoir fait ça pour moi, dit-elle en
lui prenant la main.
Tia tourna la tête vers elle et haussa les
épaules, comme si ce n’était rien.
- Tu verras quand l’anneau aura remplacé le
clou, toi aussi tu te trouveras ultra sexy avec.
La grande femme haussa de nouveau les épaules en
regardant droit devant elle et Lex dissimula un sourire. Tia pouvait être si
timide parfois !
Elle se pressa contre son côté et murmura :
- Aishïteru, watashi no ai. (Je t’aime, mon amour )
Le sourire de Tia fut aussi doux qu’une brise d’été
soufflant sur un brasier.
***************************************
Le soir venu, elles dînèrent au restaurant et
rentrèrent parfaitement ballonnées par toute cette nourriture ingurgitée en
aussi peu de temps. Elles s’affalèrent sur le canapé en cuir blanc et après
quelques minutes de réflexions, Tia posa sa tête sur les genoux de sa compagne
et fixa les flammes qui brûlaient dans la cheminée de la suite.
Lex caressa les cheveux soyeux d’une main
inconsciente et fixa elle aussi les flammes qui dansaient.
- On rentre demain ? Demanda-t-elle
finalement.
- Non. On doit d’abord mettre la main sur
Enrick.
- Comment on fait ça ?
- On ne se cache plus et on fait courir le bruit
qu’on veut lui parler.
- Ok. On reste ici, alors ?
- Non. Je… pensais que tu aimerais en savoir plus sur… notre
lien, alors j’ai pensé que retourner en Grèce pourrait être une
bonne idée.
Lex sentit son cœur battre la chamade.
- Ca te va ?
- A merveille, fit-elle heureuse de leur projet.
Puis elle murmura doucement :
- Et si tu m’expliquais ce qui te tracasse maintenant ?
Tia garda les yeux posés sur les flammes et déglutit.
- Je… pense que tu as raison et… et qu’il est temps pour moi
de…de parler de… de la mort de Sassem.
Lex stoppa brièvement le mouvement de sa main
sur ses cheveux puis reprit comme si de rien n’était. Elle ne la pressa pas de
question, attendit simplement que Tia se sente prête et trouve les mots qui
sauraient exprimer le mieux ce qu’elle ressentait.
La mercenaire y avait pensé toute la journée. Se
disant que la mort d’Aniock devait marquer le début d’une nouvelle étape pour
elle et pas seulement pour sa famille. Elle parla d’une voix douce de l’horreur
que son geste avait provoqué en elle, mais aussi de la joie, de la douleur
presque libératrice qui l’avaient envahie et de la communion parfaite qu’elle
avait ressentie avec elle-même…
Elle avait si peur de devenir un monstre
assoiffé de sang… Tia ne le dis pas, mais Lex sut que c’était ça, cette peur de
sa propre sauvagerie qui l’avait empêché de parler jusqu'à présent. Elle
comprenait mieux sa réticence à vouloir reconnaître son lien avec la louve.
Tia préfèrerait mourir écarteler que de
ressembler ne serait-ce que de loin à ce monstre à qui elle devait l’enfer de
son enfance.
Lex se pencha sur sa compagne et l’enveloppa
dans une étreinte protectrice, le cœur douloureux de ne pouvoir effacer ces
années de souffrances et de traumatismes.
Chapitre 3 :
Le lendemain matin, jour de l’anniversaire des
jumeaux, Tia téléphona à Frédéric.
- C’est fait.
- Vraiment ?
- Oui.
- Donc… c’est terminé ?
Un blanc confirma à son ancien mentor que rien
n’était jamais aussi simple dans leurs vies.
- Quel est le problème ? Demanda-t-il
patiemment.
- Enrick. J’aimerais qu’il soit au courant que
son contrat n’existe plus avant de nous trucider.
- Et tu penses qu’il va se laisser
convaincre ? Les tueurs à gage sont connus pour aller au bout de leur
contrat, que le commanditaire meurt, revienne sur sa décision ou soit
emprisonné.
- Oui, je sais. La seule chose qui le leur fasse
annuler est l’absence de paiement.
- Alors comment comptes-tu t’y prendre ?
- Je vais passer un marché avec lui.
- Très bien. Et que doit-on faire en
attendant ?
- Eh bien jusqu'à ce que tout danger soit
écarté, il vaudrait mieux que vous restiez où vous êtes. Rassure les jumeaux en
leur disant que cela ne devrait plus durer que quelques jours.
- Très bien. Autre chose ?
- Oui. Je peux leur parler ?
- Ils dorment encore. Ils sont sortis tard hier
soir. Au cinéma d’abord puis en boîte. Et avant que tu ne protestes
rappelle-toi que c’est leur anniversaire aujourd’hui et qu’ils ont juste
commencé à le fêter en avance.
A l’autre bout du fil, Tia fit la grimace mais
ne dit rien.
- Ok, bon quand ils seront réveillés dis-leur de
nous appeler, on aimerait leur souhaiter un bon anniversaire et commencer à réfléchir
avec eux à la fête monstrueuse qu’on va faire en rentrant pour leur 18ième anniversaire.
- Pour ça, pas de souci, ils vous appelleront
sitôt le pied posé à terre ! Rit le grand homme.
Tia hocha la tête puis discuta de tout et de
rien pendant quelques minutes avant de passer le téléphone à Lex. Quand elle
eut raccroché, elle se tourna vers elle.
- Comment comptes-tu convaincre Enrick de ta
bonne foi ? Je te signale que tu as donné un coup à son égo en le
piégeant. Il n’a aucune raison d’accepter un marché avec toi.
Tia lui dédia un sourire diabolique.
- En effet, c’est pourquoi je vais devoir le
piéger de nouveau. A partir de là, par le chantage je devrais pouvoir le
ramener à de meilleurs sentiments vis-à-vis de la collaboration que je voudrais
lui proposer.
Lex se raidit.
- Tu veux le piéger de nouveau ? Fit-elle
la voix dangereusement basse.
Tia la regarda par en dessous et réprima un
sourire qui aurait été vraiment mal pris.
- Pas comme tu le penses, ma chérie, fit-elle en
l’attirant à elle. Je t’ai promis de ne pas recommencer ce genre de pratique et
je ne reviendrais pas là-dessus.
Lex se détendit quelque peu.
- Alors comment comptes-tu t’y prendre ?
- Je voudrais le pousser à avouer qu’il est le
fantôme. Si je l’enregistre à ce moment là puis que je m’enfuis. Je n’aurais
aucun mal à l’obliger à collaborer avec nous par-là suite. Et donc à obtenir
l’abandon de son contrat.
- Ca me paraît bon. Tu as une idée de comment
arriver à lui faire dire ça ?
- Oui. Il faudrait qu’il soit persuadé qu’il ne
risque rien à me le dire.
Lex posa un regard méfiant sur elle ce qui fit
rire sa compagne.
- Désolée, désolée…, fit la grande brune en
levant deux mains contrites, mais je ne peux pas m’en empêcher. Tu es si
prévisible…
- Fantastique, lâcha la petite blonde en se
reculant, vexée.
Tia gloussa et l’attira à nouveau dans ses bras.
- Désolée, mon cœur, je me suis mal exprimée.
Lex ne se dégagea pas mais ne se détendit pas
pour autant. Et Tia songea qu’il était temps de changer de sujet.
- S’il pense qu’il a le dessus sur moi et que je
suis sur le point de mourir, je devrais pouvoir obtenir de lui toutes les
explications et les aveux que je souhaite.
Lex frissonna en comprenant ce que cela
impliquait.
- Tu vas prendre des coups, murmura la petite
femme.
- C’est pour la bonne cause et puis… ca te
donnera une bonne excuse pour me chouchouter et me dire quoi faire et quand.
Lex posa sa tête contre l’épaule de sa femme et
soupira.
- C’est ça ou le sexe Lex, fit Tia en riant.
- Je préfère le sexe.
Tia sursauta.
- Non… je… Lex je rigolais, de toute façon il ne
se laissera pas prendre deux fois au même piège.
Alexia ne dit rien et se serra contre elle.
- Lex je t’assure que ça ira. Ce n’est pas…
fit-elle doucement, ce n’est pas comme si c’était la première fois.
- C’est justement ça le problème, murmura sa
compagne en retour. Je ne peux t’éviter tes souffrances passées et je ne peux
pas même soulager la douleur que ces remontées provoquent en toi, alors
j’aimerais au moins t’en éviter de nouvelles.
Tia sentit son cœur fondre et se serrer.
- Je suis désolée de te rendre la vie si
difficile.
Tia se sentait coupable de faire souffrir son
amie. Mais elle savait que c’était dû à la grande sensibilité de Lex et c’était
ainsi qu’elle l’aimait, alors elle devait simplement accepter qu’elle ferait
toujours du mal à sa bien-aimée, même si ce n’était pas ce qu’elle voulait.
Lex soupira.
- Ce n’est pas difficile, c’est douloureux et
très frustrant.
Elle sentit la tristesse émaner de sa compagne
et elle se dit qu’il était temps de changer de sujet.
- Mais ce n’est rien comparé à la joie et au
bonheur que tu m’apportes. Alors je pense pouvoir me faire une raison,
conclut-elle en relevant les yeux avec un gentil sourire.
Tia le lui retourna et la serra brièvement
contre elle avant de la relâcher.
- Il faut qu’on se prépare.
Lex acquiesça et s’occupa de leurs sacs puis
elles commandèrent à déjeuner.
- On n’a le temps de faire un petit tour avant
de partir ? Demanda-t-elle la bouche pleine.
- On pourrait, oui, mais il me semble que ça
serait mieux de le faire au soleil et puis… j’aimerais régler les choses avec
Enrick le plus vite possible.
- Hum, moi aussi. Une fois en Grèce, on pourrait
aller faire un tour à la plage ? Fit-elle pleine d’espoir.
Tia sourit et secoua la tête.
- Tout ce que tu veux, mon amour…
Lex lui fit un grand sourire heureux et dévora
le reste de son repas.
***********************************
Elles arrivèrent en Grèce trois heures plus tard
et débarquèrent sur l’île qui les intéressait deux heures après. Elles
partirent alors en quête d’un bel hôtel, Lex tenant absolument à dormir dans un
endroit confortable.
Pendant le vol, Tia avait contacté les personnes
qui feraient circuler l’info, comme quoi elle avait tué Aniock et devait parler
à Enrick, aussi vite qu’une traînée de poudre.
Elles optèrent finalement pour un bed and
breakfast tenu par une famille de Hollandais souriants. Elles eurent droit à
leur plus belle chambre quand Lex les baratina en leur disant qu’il s’agissait
de leur lune de miel.
Tia entra dans la chambre, sobrement
intitulée : St Valentin, en secouant la tête. Lit en forme de cœur rouge
sang, moquette blanche épaisse, rideau rose bonbon dentelé, salle de bains en
marbre rose et blanc. Tia ressortit d’un pas rapide et posa un regard dégoûté
sur sa femme.
- T’aurais pas pu choisir autre chose que notre
lune de miel ? Je sais pas moi, un anniversaire aurait fait l’affaire,
ajouta-t-elle en posant des yeux de plus en plus renfrognés à mesure qu’elle
prenait conscience du tableau d’ensemble.
Lex réprima un sourire et répondit
gravement :
- Non, Ti. Et tu sais pourquoi ? Parce que
c’est vraiment notre lune de miel.
Tia la dévisagea éberluée.
- Ne dis pas n’importe quoi !
- Je ne dis pas n’importe quoi !
Répliqua-t-elle vexée en s’occupant de déballer leurs affaires.
- Lex, fit Tia en s’approchant d’elle et en
l’entourant de ses bras, tu ne crois quand même pas que j’ai pu te demander en
mariage sans prévoir une lune de miel ?
Lex se tendit puis se laissa aller contre son
torse.
- Ah non ?
- Non.
- Et… qu’as-tu prévu ?
Un grondement bas lui répondit.
- Si tu voulais vraiment savoir, tu n’aurais pas
dû réserver cette chambre.
- Oh aller Ti ! Supplia la petite femme en
se retournant dans ses bras, dis-le-moi !
- Même pas en rêve.
- Tia, si tu ne dis rien c’est tintin pour ce
soir ! Menaça la petite femme.
Tia éclata de rire et la poussa sur le lit.
- Petit un, fit-elle en mordillant son cou, on
peut parfaitement s’amuser avant et après ce soir, donc ta menace est sans
effet. Petit deux, ajouta-t-elle en léchant le coin de sa mâchoire tout en
commençant un massage doux et excitant de son sein gauche, tu ne tiendras
jamais.
Sur ces bons mots, elle remonta son genou et
appuya avec contre son entrejambe. Lex écarta les jambes en gémissement et,
satisfaite de sa démonstration, Tia se releva d’un seul coup. Lex grogna :
- Tiaaaaaaaaaaaaaaaa.
Voyant le peu d’effet que ses protestations
avaient sur sa compagne, elle se redressa en soupirant.
- T’es vraiment une sadique.
Un grand sourire répondit à l’insulte et
l’instant suivant, la grande femme se retrouva penchée sur elle, ses avant-bras
en appui sur le lit.
- Ne l’oublie plus, déclara-t-elle avec un
sourire pervers. Ton chantage n’a aucune prise sur moi, au contraire, il me
stimule…
Lex la fixa avec un regard morose puis fit une
nouvelle tentative.
- Pourquoi tu ne veux pas me le dire ?
Fit-elle plaintivement.
- Parce que sinon ça ne serait plus une
surprise, répondit la grande femme sur le ton de l’évidence en se relevant.
Lex lui lança un regard rancunier en se levant
et déclara :
- Je déteste les surprises.
Tia éclata de rire. Elle rit si fort et si
longtemps qu’elle dut se tenir les côtes et finit par basculer en arrière sur
le lit. Lex braqua des yeux furieux sur elle et attendit peu patiemment qu’elle
se calme enfin.
La mercenaire essuya ses yeux et les posa sur
son visage fermé. Soudain l’agacement de Lex disparut. Tia avait l’air si
heureuse, si détendue… peut importait la raison, Tia était bien dans ses
baskets, c’était tout ce qui comptait.
- Tu n’aimes pas les surprises, dit la grande
brune, tu les adores !
Lex dut convenir qu’elle avait raison et
haussant les épaules, elle lui sourit.
- Peut-être mais là, je préfèrerais savoir.
- Pourquoi là, précisément ? S’enquit Tia.
Lex hésita. Pouvait-elle lui dire qu’elle se
méfiait de ce qu’une femme qui trouvait des escargots bons à manger, pouvait
trouver approprier comme destination de voyage de noces ?
Puis elle se souvint que Tia était une
romantique née, sous ses airs machistes, et qu’elle était très douée en matière
de destination de voyage.
- Sans raison. Ok, alors je te laisse t’occuper
du voyage, mais pendant celui-ci tu me laisses m’occuper de nos repas,
ok ?
Tia la toisa, blasée.
- Tu vas me le reprocher encore longtemps ?
En plus tu ne les as même pas goûtés !
Lex haussa les épaules en retournant au
déballage de leurs affaires.
- Pas besoin de goûter ces trucs caoutchouteux
pour savoir que ça ne se mange pas. C’est comme tes trucs, là, tes huîtres…
- C’est aphrodisiaque ! Protesta la grande
femme
- C’est vivant, rétorqua la petite femme sans se
démonter. En plus si c’est pour les gober sans les mâcher je ne vois pas
l’intérêt de les manger. Le but des repas c’est quand même d’en apprécier le
goût.
- Non Lex, se moqua son amie, le but des repas
c’est de ne pas mourir de faim.
La petite blonde ne dit rien mais sa moue fut
éloquente.
- Ok, fit la mercenaire décidée à changer de
sujet, je te laisserais t’occuper des repas. Et maintenant, si on allait rendre
visite à Harry popo ?
- Harry popo ? Répéta Lex en fronçant les
sourcils.
- Potter.
- C’est un personnage de fiction Ti.
- Je sais. C’était juste une allusion à notre
ami Harry, le vieux monsieur qui t’a vendu ça, fit-elle en agitant ses doigts
où brillait son alliance.
- Oh !
Lex se redressa d’un bond et un sourire joyeux
apparut.
- Je te suis ! Fit-elle en s’accrochant à
son bras.
Tia sourit devant son enthousiasme juvénile et
l’entraîna au dehors.
*************************************
Lex n’avait eu aucun mal à retrouver
l’emplacement de la boutique et Tia fixait la façade avec perplexité. Comment tenait-elle encore
debout ? La peinture décrépie,
le bois mité, l’enseigne branlante… tout criait : Je suis en ruine !!
Pourtant elle était debout. Et aucunes des personnes passant devant, ne
semblaient trouver quoique se soit à redire à la présence incongrue d’une telle
horreur entre deux autres superbes boutiques flambantes neuves. Elle suivit Lex
à l’intérieur et apprécia le carillon mais se demanda comment une cloche
pouvait créer un son aussi doux. Elle nota immédiatement la pénombre qui
régnait et se demanda si c’était pour une raison précise. La boutique était
plus grande qu’elle ne l’avait cru de l’extérieur.
Elle fit un tour d’horizon de la boutique et
fronça les sourcils devant le nombre impressionnant d’objets et l’aspect
instable des étagères.
Elles étaient littéralement envahies par les
termites. Sans s’attarder sur ce mystère de plus, Tia s’approcha du comptoir.
Elle chercha une sonnette mais la surface était entièrement occupée par des
livres poussiéreux. Elle en souleva quelques-uns uns dans l’espoir vain d’y
découvrir une clochette ou autre chose permettant d’appeler le boutiquier.
En désespoir de cause elle se retourna vers sa
compagne qui, loin de s’en faire, étudiait avec une passion digne de toute
bonne jet setteuse, les rayons où brillaient des dizaines voire des centaines
de bijoux, bibelots et autres objets bizarres.
Tia s’accouda au comptoir et observa sa
compagne. Elle avait rarement l’occasion de la voir dans l’élément qui était le
sien avant leur rencontre. Et de toute évidence, le shopping effréné était
réellement une passion chez elle.
Elle la vit vérifier tous les objets avec
intérêt mais s’attarder plus longtemps sur certains d’entre eux. Tia en prit
bonne note et jeta un œil par-dessus son épaule pour voir si par hasard le
boutiquier n’arrivait pas.
Son regard tomba sur un petit homme râblé qui la
dévisageait avec stupéfaction. Une admiration totale se lisait sur son visage
et Tia en fut un peu mal à l’aise. Puis il se tourna vers sa compagne et les
yeux déjà grands ouverts du petit homme s’écarquillèrent un peu plus. Il fixait
Alexia avec tant d’attention que Tia se redressa prête à prendre sa défense au
moindre problème.
Mais elle n’en eut pas besoin, il se tourna à
nouveau vers elle et son regard voyagea rapidement entre elles deux, comme s’il
vérifiait quelque chose. Puis il secoua la tête et la salua d’un hochement de
tête sec que contredisait son expression ouvertement émerveillée.
- Salut, fit-elle en se redressant intriguée.
Lex n’avait en rien exagéré l’étrangeté de
l’homme ou de la boutique et cela stimulait l’imagination de la grande femme
tout en l’amusant.
Il ne répondit pas mais fixa ses mains et vif
comme l’éclair, il attrapa celle où brillait son alliance et un sourire
satisfait naquit sur ses lèvres sèches.
Il tapota sa bague puis se rendit auprès de sa
compagne et attrapa la main où brillait la bague de Lex. La petite femme
sursauta, ne l’ayant ni vu, ni entendu arriver et Tia remarqua que malgré la
pénombre, certains objets, comme leurs bagues à toutes deux, brillaient d’un
éclat argenté.
Et ça n’avait rien à voir avec la lumière. Les
objets brillaient entièrement, pas seulement le côté frappé par un éventuel
rayon de lumière, qu’il n’y avait d’ailleurs pas ici.
Tia était réellement abasourdie par toutes les
étranges choses qui se passaient dans ce lieu. Lorsqu’il fut pleinement
satisfait, le petit homme retourna derrière le comptoir où il farfouilla un
moment.
Les deux femmes échangèrent un regard perplexe
puis Tia se pencha par-dessus le comptoir.
- Heu… on aimerait savoir si vous pouviez
répondre à certaines de nos questions.
Le petit homme émit un bruit de gorge exaspéré
et fit un geste de la main agacé qui lui disait clairement de reculer et de
cesser de l’ennuyer avec ses questions.
Tia s’exécuta avec le sentiment bizarre d’être
une enfant qui se faisait réprimander par un oncle revêche. Elle haussa les
épaules à la grimace interrogative de sa compagne et celle-ci la rejoint.
Lex s’appuya contre elle et Tia l’entoura de son
bras. Enfin, après un temps qui leur sembla interminable tant le silence était
lourd, Harry apparut devant elles.
- Prenez ça, fit-il de son ton sec habituel en
leur tendant un livre mince mais d’aspect ancien.
Lex tendit la main et le récupéra.
- Il répondra à toutes vos questions.
- Mais vous ne savez pas ce que sont nos
questions, rétorqua la grande femme.
- Bien sûr que si !
Lex, qui avait déjà vécu ça n’y prêta pas
attention mais Tia fut proprement choquée.
- Maintenant, ouste ! Fit-il en les
poussant vers la porte.
Tia sous le choc des manières grossières et des
trucs bizarres de cet endroit se laissa jeter au dehors sans rien dire. Lorsque
le son de la cloche fut étouffé par le claquement sec de la porte, elle sembla
recouvrer ses esprits.
Elle fixa, un peu perdue, sa compagne
complètement absorbée par le livre donné par Harry.
- Rien ne te perturbe ? Demanda-t-elle un
peu contrariée d’être la seule que tout ceci semblait affecter.
Lex lui fit un grand sourire et dit :
- Je t’avais dit que c’était spécial.
- C’est le moins que l’on puisse dire,
marmonna-t-elle en entraînant sa compagne loin de cette boutique de malheur.
Elles ne virent pas le petit homme collé à la
vitre de sa boutique qui les fixait d’un air bienveillant et émerveillé à la
fois. Cette expression lui donnait l’air du petit garçon qu’il avait été
autrefois et en voyant la puissante lumière blanche qui liait et enveloppait
les deux femmes, son cœur empli d’amertume et de doute sembla revenir à la vie
à mesure que l’espoir l’envahissait.
La petite femme avait presque complètement
éteint le noir qui s’agitait depuis toujours dans la gardienne. Et la gardienne
semblait si puissante…
L’avenir prit soudain un air plus léger et
lumineux et le savoir qui était devenu le sien de part son sang qui le liait à
sa tribu et à la famille célèbre, mais maudite, qui était la sienne et qui
faisait de lui le dernier des grands voyants, lui parut soudain moins lourd à
porter.
Chapitre 4 :
Le lendemain, après une soirée agitée, Lex avait
tenté de tenir sa promesse de ne pas céder à ses avances et Tia la provocant,
elles se réveillèrent les yeux lourds de sommeil.
Elles avaient fini par trouver un accord lorsque
Tia avait tiré doucement sur le tout nouveau piercing de sa compagne ce qui
avait déclenché une série de petits frissons irrésistibles qui avaient vrillé
l’estomac de Lex.
Tia avait joué une bonne partie de la nuit avec
la boule argentée et Lex avait fait l’expérience du plaisir mélangé à la
douleur, légère mais bien présente, dû à la cicatrisation pas encore complète
de son nombril.
Lex et Tia ouvrirent les yeux en même temps et
Tia savoura une fois de plus le corps chaud appuyé contre elle. Cela faisait un
moment que Lex avait retrouvé sa place auprès d’elle la nuit, mais elle ne
parvenait pas à s’en lasser. C’était comme si se réhabituer à ça, risquait de
créer à nouveau un problème.
Tia savait que c’était idiot, mais elle ne
pouvait s’en empêcher. Sa vie avait toujours mal tourné et elle avait
systématiquement perdu tout ce à quoi elle s’était attachée. Tous étaient morts
de façons brutales et atroces. Elle avait eu beaucoup de mal à s’en remettre.
Surtout la dernière…
- Ronin…
- Qui est Ronin ? Interrogea la petite
femme qui avait perçu la douleur soudaine de sa compagne.
Tia se raidit. Elle n’avait pas fait attention
qu’elle avait parlé tout haut.
- C’est… heu… je…
Lex tenta de dissimuler sa déception.
- Laisse tomber, fit-elle doucement. C’est
encore une de ces choses dont tu ne veux pas parler, c’est ça ?
- Je… je suis désolée… c’est juste… C’est
tellement dur de seulement y repenser, lâcha-t-elle en soupirant.
Une pause.
- Je… c’est plus douloureux encore que Sassem…,
souffla-t-elle.
Lex se raidit. Si c’était plus dur que ce
qu’elle avait vécu avec Sassem, alors ça promettait. Tia avait tellement
souffert avec cet homme qu’elle avait peur de savoir qui était réellement Ronin
et ce qu’il lui avait fait. Elle n’était pas certaine de pourvoir supporter la
souffrance de sa compagne.
Mais elle était certaine de ne pas pouvoir
supporter de la voir faire face à sa douleur seule. Elle n’avait donc pas
tellement le choix.
- Si tu veux en parler, tu sais que je suis là.
Même si tu ne veux pas d’ailleurs, ajouta- t-elle plus légèrement après un
temps mort.
Tia sourit mais le cœur n’y était pas.
- Je… Je pense que t’en parler pourrait me faire
du bien mais…
- Pas maintenant.
- Non. Pas maintenant, acquiesça la grande
femme. Je… c’est une belle journée. Cela fait longtemps que toi et moi n’avons
pas eu de temps pour nous et… je ne veux pas penser à autre chose qu’à nous.
Lex réfléchit un moment. Tia était dans de
bonnes dispositions pour lui parler. Elle n’avait jamais été aussi prête à le
faire et peut-être bien que ça n’arriverait plus avant un moment. Cependant,
elle n’avait pas tort. Elles n’avaient pas eu de moment aussi léger et
insouciant depuis leur fuite. « Et même avant ça… », songea-t-elle
soudain.
Elle leva les yeux sur sa femme et la dévisagea.
Le bleu était toujours aussi stupéfiant. Et l’expression suppliante la fit fondre.
- Ok. Que dirais-tu d’un déjeuner
pantagruélique ? Enchaîna-t-elle.
Les yeux de sa grande compagne s’illuminèrent.
- Pancakes, muffins et tartines de
nutella ? Demanda-t-elle.
Lex rit.
- Avec un bol à punch de chocolat chaud !
Confirma-t-elle.
Tia bondit du lit et sauta sur ses fringues.
- Tu ne vas pas remettre tes vêtements de la
veille quand même ? Protesta Lex.
- Pourquoi pas ?
- Tia, fit Lex en se redressant, ta chemise n’a
plus un seul bouton !
- Et je ne peux pas me balader seins nus ?
Demanda innocemment la grande femme.
Le regard vert devint noir.
- Non, tu ne peux pas, déclara- t-elle
sèchement.
Tia rit et retira sa chemise. Elle se pencha
vers son sac et, se faisant, sa poitrine se balança. Lex perdit son expression
courroucée pour un air plein de concupiscence. « C’était quand même
dingue, songea- t-elle en tendant une main avide vers la paire de seins pleins
de sa compagne, d’être excitée aussi rapidement et intensément par un simple
regard sur une paire de seins… »
Tia la vit arriver et s’écarta d’un bond en
riant, espiègle.
- Pas touche ma belle ! Là, c’est plus le
moment sexe, c’est le moment nourriture ! S’exclama-t-elle avec un air
gourmand.
- Et c’est tellement important, souffla la
petite femme désabusée de s’être fait détrôner par une tartine de Nutella.
- Allez habille-toi, la pressa sa femme. Mais
reste ici ok ?
- Je ne suis pas sûre de comprendre. Tu veux que
je m’habille mais pas que je descende avec toi déjeuner ?
- C’est ça !
Lex la considéra un instant.
- J’ai pas le droit de manger ?
- Bien sûr que si, voyons !
« Et elle me dit ça comme si j’avais posé
une question stupide », songea la petite femme interloquée et époustouflée
par son culot.
- Et comment je fais si je dois rester
ici ?
Tout en enfilant ses chaussures de marche, Tia
lui lança un regard en coin malicieux et un brin condescendant.
- Je te remonte ce dont tu as besoin !
Répliqua-t-elle sur le ton de l’évidence.
« Elle me prend vraiment pour une
idiote », constata Lex avec stupeur.
Sur ce, Tia se leva et se dirigea à grandes
enjambées vers la porte. Elle se retourna juste avant d’ouvrir la porte.
- Prends ton temps et pomponne-toi bien !
Exigea-t-elle avec un grand sourire.
« Elle vient de me donner un
ordre ? » s’interrogea la petite femme en regardant la porte se
refermer avec une stupeur proche de l’ébahissement. Néanmoins excitée à la
perspective de ce que lui préparait sa compagne, elle se précipita avec
enthousiasme vers la salle de bains.
*******************************************
Une heure plus tard, Tia était revenue avec le
petit déjeuner sur un plateau, une rose blanche et une marguerite ornant le
tout. Elle avait aussi ramené un CD que Lex ne connaissait pas et l’avait mis
dans le poste que la propriétaire du bed and breakfast lui avait prêté.
Tia avait insisté pour que Lex écoute chacune
des musiques tout en dégustant son petit-déjeuner. Tia voulait que Lex
s’imprègne de l’atmosphère mélancolique mais magnifique que lui faisait
ressentir les chansons de Grégoire.
Lorsque le CD se termina Tia se releva et
sélectionna une musique particulière. Alors que les premières notes de :
Rue des étoiles retentissaient, elle se tourna vers sa femme et tandis la main
vers elle avec un sourire plein d’une grande tendresse.
Sans en avoir conscience, Lex se leva et la
rejoignit. Elle posa sa main dans la sienne, posa son autre main sur son épaule
et les yeux dans les yeux, elles commencèrent à bouger en rythme.
Elles glissaient sur le sol, oublieuses du temps
qui passait, des ennuis encore à venir, du futur incertain et du passé encore
lourd en elles et entre elles. Rien ne comptait. Que l’une et l’autre et les
notes qui remplissaient l’espace.
La chanson passa et la suivante commença. Ce
qu’il reste de toi.
C’était beau. C’était l’expression d’une
souffrance profonde après la séparation d’avec l’être aimé, mais dit avec une
pudeur poétique qui rendait toute la chanson particulièrement douce et
mélancolique à entendre.
Tia et Alexia se mouvaient avec des mouvements
aussi doux que lents. Légers, leurs pieds touchaient à peine le sol et ce
n’était pas seulement dû à la musique. Ce qu’elles lisaient dans les yeux de
l’autre les transportaient littéralement. Elles avaient l’impression tenace de réellement
ressentir ce que l’autre éprouvait à leur encontre.
Et c’était si merveilleux, si chaud et
sécurisant. Si plein d’assurance et si infini, qu’elles en étaient complètement
envahies. Elles avaient bien du mal à gérer l’afflux de sentiments autant que
leurs puissances.
Les sentiments étaient familiers mais étrangers.
Ce n’était pas elles qui les ressentaient. Ou plutôt, elles ressentaient comme
si c’était les leurs, les sentiments, les émotions que l’autre ressentait à
leur égard.
Tia sentait l’amour de Lex pour elle comme si
c’était en elle-même que naissait le sentiment. Et pour Lex s’était pareil.
C’était à la fois perturbant et terriblement beau.
Elles avaient parfaitement conscience de vivre
là un moment rare et magique, un moment que leur lien d’âme permettait. Lorsque
enfin le CD se tut, Tia et Alexia arrêtèrent leurs mouvements et clignèrent des
yeux, comme si elles sortaient d’une transe particulière, ce qui dans un sens,
était le cas.
Lex songea qu’il était temps de lire le livre
confié par Harry dans son ensemble. Puis la pensée se perdit dans l’intensité
du moment.
Elles ne s’éloignèrent pas l’une de l’autre,
n’esquissèrent pas non plus un geste pour se rapprocher. Elles restèrent là,
tout simplement. A contempler l’âme sœur qui avait fait de leur vie une
aventure belle à vivre. La personne qui par sa seule présence, allégeait le
fardeau, difficile à supporter parfois, de simplement devoir vivre.
Lex allégeait sa douleur, apaisait sa colère,
adoucissait ses peurs. Elle calmait sa haine, tempérait ses peines… et elle
espérait du plus profond de son être apporter à sa femme un centième de ce que
Lex lui donnait.
Tia relâcha doucement la taille et la main de sa
petite compagne et encadra son adorable visage. Elle se pencha doucement et
passa un long moment à le détailler, comparant les marques que le temps et la
dureté de la vie avaient laissé depuis leur première rencontre.
Elle ferma les yeux et huma l’odeur de Lex avec
délice. Puis les yeux mi-clos, elle se pencha sur sa joue et passa un petit
coup de langue sur la peau veloutée.
Lex sursauta un peu surprise. Tia plongea ses
stupéfiants yeux bleus dans ceux de sa compagne et déclara :
- J’aime tout de toi. Ton visage, ton odeur, ton
goût… tout.
Sur ces bons mots, Tia ne se retint plus et
embrassa avec fougue la petite femme qui se liquéfia totalement sous la force
du désir qui l’embrasa soudain.
Ses reins devinrent douloureux et brûlants. Elle
se pressa contre Tia et glissa des mains avides sous la chemise de soie noire
que Tia emportait partout avec elle, parce que c’était la première que Lex lui
avait offerte.
Tia eut la présence d’esprit cette fois, de
porter sa compagne jusqu’au lit avant de s’effondrer sous les assauts combinés
de son corps et de Lex.
***********************************
Deux heures plus tard, elles sortirent enfin à
l’air libre. Tia avait passé un bras sur les épaules de Lex et sa petite
compagne autour de sa taille. Elles étaient serrées l’une contre l’autre et
devisaient joyeusement de tout et de rien.
- Alors, où veux-tu aller ? Demanda
finalement Lex après quelques minutes à flâner le nez au vent.
- Eh bien, en fait, commença la grande femme un
peu embarrassée, je… heu... je pensais
qu’on aurait pu essayer de trouver la... heu… la copine de Len. Pour, eh bien,
lui expliquer que son départ sans un mot n’était pas de son fait.
Lex la dévisagea surprise mais touchée.
- Tu es si fleur bleue…, fit-elle en donnant une
petite tape au ventre de sa compagne.
- Je ne suis pas fleur bleue ! Protesta
vivement sa femme avec un air outrageusement indigné.
- Non, bien sûr que non, nia Lex en riant
sous cape.
- Je ne suis pas une femmelette ! Renchérit
la grande femme qui sentait que la reddition de son amie n’était qu’une feinte.
- Je n’ai jamais dit ça, contesta la petite
femme.
- Ni une guimauve ! Termina Tia avec une
grimace de dégoût lorsqu’elle prononça ce mot.
Lex détourna le visage et se mordit fortement
l’intérieur de la joue. Lorsqu’elle fut en mesure de montrer un visage serein,
elle se tourna vers sa compagne.
- Loin de moi l’idée saugrenue de te voir
ainsi ! Fit-elle avec sérieux.
Tia hocha la tête, les sourcils froncés puis se
racla la gorge et tenta de garder sa dignité lorsqu’elle dit :
- On la cherche alors ?
Lex se mordit la lèvre et ferma les yeux, mais
ce fut peine perdue, Tia sentit les gloussements et elle se renfrogna.
Lex se força à étouffer ses rires et
tapotant le ventre de sa bien-aimée, déclara :
- Je trouve que c’est une excellente idée mon
amour.
Tia se détendit.
- Par où commence-t-on ?
- Eh bien, on sait qu’elle s’appelle Jenny et
que son père est le commissaire en charge de ces îles, donc je pense que si on
allait au commissariat on ne devrait pas avoir trop de mal à la trouver.
- Mais ?
- Mais nous sommes partis si précipitamment que
ça a forcément éveillé l’attention du papa et que celui-ci ne nous laissera pas
voir la demoiselle avant de tout savoir sur nous. Et je n’ai absolument aucune
envie de me coltiner papa flic aujourd’hui.
- Alors ?
- Alors il faudrait faire une petite recherche
internet.
- On retourne à l’intérieur, alors ?
L’interrogea la petite femme. Pourquoi être sorties dans ce cas ?
- Non, rit Tia. On va aller dans un cyber. Ce
sera bien suffisant.
- Bonne idée. Pendant que toi tu pirateras le
commissariat de l’île, moi je nous commanderai des gâteaux ! fit Lex
enthousiaste.
Tia éclata de rire.
- Et après c’est moi qu’on traite de
gourmande !
- Non, moi je suis gourmande, corrigea Lex
malicieuse, toi tu es gloutonne !
La mercenaire secoua la tête. Ce fut alors
qu’elle la vit.
Tia se figea. Lex la regarda un peu perplexe.
- Qu’est-ce qu’il y a ?
Mais la grande femme ne semblait pas l’entendre.
Sans que rien ne le laisse prévoir, un filet de sang se mit à couler du nez de
Tia et Lex émit un petit cri inquiet.
- Tia ! Tu saignes ! Qu’est-ce qui
t’arrive ? Tu as mal ?
Tout en farfouillant dans ses poches à la
recherche d’un mouchoir propre, elle dévisageait sa compagne avec inquiétude.
- Tia ?
Mais Tia ne répondait pas. Elle en était
incapable. Elle ne l’entendait même pas. C’était comme si tout son corps et son
esprit étaient dirigés dans une seule direction.
La direction d’Ashee.
Le corps tremblant, une peur sans nom la
paralysait, et l’esprit luttant contre les tourments que la chaman lui
infligeait, elle se raccrochait à une seule pensée : protéger Lex, coûte
que coûte.
Avec une volonté surhumaine, elle parvint à
faire appel à sa partie noire, l’énergie sombre de la louve parcourut ses
veines avec la puissance d’un train lancé à pleine vitesse. Ce fut si brutal
qu’il permit à Tia de s’arracher à l’étreinte de l’âme glacée de son ennemie.
Sans perdre une seconde, la peur fermement
accrochée à son ventre, elle fit demi-tour et empoignant la main de sa compagne
s’élança en avant.
Lex fut littéralement arrachée au sol et elle
bondit en avant sans comprendre ce qui se passait. Mais la peur manifeste de sa
compagne finit par la gagner alors qu’elles enfilaient les rues à pleine
vitesse, évitant les passants par elle ne savait quel miracle.
- Tia qu’est-ce qui se passe ?!
La mercenaire l’ignora et poursuivit sa course
folle. Le sang avait coulé sur sa chemise et formait une tache sanglante qui
s’agrandissait au même rythme que l’angoisse de Lex face au comportement
inexplicable de sa compagne.
Finalement après une dizaine de minutes et
autant de rues de passées, elles débouchèrent sur la plage de l’île pour
l’heure très fréquentée. Tia soupira de soulagement et retirant sa chemise et
ses chaussures, lança à sa petite compagne éberluée :
- Enlève ton t-shirt et tes chaussures !
Lex ne bougea pas. Elle fixait sa compagne avec
inquiétude.
- Tia ? Fit-elle en tendant une main vers
son visage. Qu’est-ce qui t’arrive ?
La grande femme lui jeta un regard exaspéré, ce
n’était pas le moment de palabrer bon sang !!
- Fais ce que je te dis bon dieu !!
Lex tressaillit au ton sec et agacé et après une
hésitation fit ce que lui demandait sa compagne. Pendant ce temps, Tia roula
son jean sur ses jambes, aussi haut qu’elle put, c’est à dire mi-mollet et jeta
un œil au short de Lex avec approbation.
D’un revers de main rapide, elle essuya
grossièrement le sang qui avait coulé sur sa bouche et son menton puis elle se
redressa et prit les vêtements et les chaussures qu’elle roula en boule et
fourra dans un sac qu’elle venait de prendre en douce à une famille nombreuse
et vidé au préalable.
Elle entraîna ensuite Lex dans la foule et
regardant fréquemment derrière elle, prit bien soin de s’y dissimuler. Lex se
pencha vers elle.
- Bon sang Ti, tu vas me dire ce qui se
passe ?!
La mercenaire lui lança un regard et revint à
son tour d’horizon. Tout à coup une idée germa dans l’esprit de la petite femme
et son visage s’éclaira.
- Tu as vu Enrick, c’est ça ? Mais ce n’est
pas ce qu’on voulait ?
Mais Tia ne répondait toujours pas et Lex étudia
son visage tendu. Sa mâchoire était crispée et une tension douloureuse contractait
tout son corps. Soudain Lex réalisa se qui arrivait à sa compagne.
- Pourquoi as-tu fait appel à la louve ?
Demanda-t-elle d’un ton pressant.
Elle vit la grande femme déglutir et regarder
anxieusement autour d’elle. Lex n’avait vu sa compagne dans cet état qu’à deux
reprises. Face à Sassem et… face à Ashee…
Ca expliquait le sang en tout cas.
Elle se redressa soudain et étudia les environs
avec la même anxiété que sa compagne.
- Elle est là, c’est ça, hein ?
Tia pressa sa main et acquiesça puis l’entraîna
un peu plus loin. Elles finirent par arriver au bout de la plage et Tia
poursuivit son chemin. Elle grimpa sur les rochers glissants qui séparaient la
plage publique de la plage privée et déserte qui suivait.
Sans aucun égard pour celui à qui appartenait ce
bout de terrain, Tia et Alexia la traversèrent.
- On va où comme ça, Ti ? L’interrogea Lex
inquiète. On quitte l’île ?
- Non. On ne peut pas. Il faut qu’on attende
Enrick et pour être franche je ne veux pas partir en laissant le livre qu’Harry
nous a donné derrière nous. Et j’en ai marre de fuir.
- Ah et qu’est-ce qu’on fait exactement là, si
ce n’est fuir ?
Tia lui jeta un regard noir et écrasa quasiment
sa main dans la sienne.
- Hé !! s’écria la petite femme en retirant
sa main de la sienne et en la secouant.
- On ne fuit pas. On fait une retraite
stratégique en attendant de savoir quoi faire.
- Ouais, ben pour moi c’est l’autre nom de la
fuite, marmonna la petite femme dans sa barbe.
Pas assez bas cependant, car Tia l’entendit.
Mais avant qu’elle n’ait pu protester, Ashee apparut soudain en face d’elles.
Les deux femmes se figèrent.
Chapitre 5 :
Comment était-elle arrivée là ? Aussi vite qui plus
était ? Mais la vraie question était : comment savait-elle qu’elles
seraient là ?
En Grèce ? Sur cette île précisément ? Ok elles ne
se cachaient pas, c’était même le but d’être aussi facilement retrouvées, mais
Ashee n’aurait pas dû le pouvoir. C’était… une primitive, bon sang !
Tia se morigéna. Elle l’avait sous-estimée. Elle n’aurait
pas dû. Pas après avoir été le témoin de tout ce que cette femme était capable
de faire.
Elle poussa Lex derrière elle et se mit en position de
combat. Elle savait que c’était inutile et vain, c’était comme de se battre contre le vent, il vous frappait quand
et où il le voulait mais vous ne parveniez jamais à le toucher. Mais elle était
prête à essayer.
Elle sentit Lex faire de même et elles échangèrent un regard
et l’excitation familière refit surface. Elles se tournèrent toutes deux vers
la chaman et lui sourirent de cet air féroce et identique qu’elles avaient
appris à travailler ensemble pour effrayer leurs adversaires.
Mais Ashee n’eut pas l’air impressionné, tout au plus
amusée. Elle plissa les yeux et avança nonchalamment mais de façon déterminée
vers elles.
Sans se concerter mais avec une grâce et une coordination
née d’une longue habitude, elles partirent chacune d’un côté, encerclant Ashee
et divisant son attention. Cette tactique marchait toujours, évidemment avec
une personne comme cette femme, rien n’était moins sûr mais l’une d’elle au
moins devrait pouvoir l’approcher.
Chacune savait qu’elle n’aurait qu’une seule chance. Elles
devraient frapper au bon endroit au bon moment. L’assommer d’un seul coup et
pas seulement la rendre groggy.
Alors qu’elles étaient relativement proches, Ashee frappa.
Etrangement elle s’en prit à Lex et non à Tia.
La petite femme résista à la première vague d’images qui
envahirent son esprit, se concentrant sur le lien puissant qui coulait entre
elle et sa compagne. La flamme de Tia la réchauffa et elle put poursuivre son
avancée. Mais Ashee durcit son attaque et Lex vacilla.
Elle s’accrocha à la vue de sa compagne et avança encore
puis Ashee, exaspérée de la résistance de la petite blonde la bombarda d’un
kaléidoscope d’images mélangeant passé, présent et futur et Lex s’effondra à
genoux dans le sable a quelques pas à peine de la chaman.
Mais Tia avait pu profiter de la distraction d’Ashee pour
bondir et elle lui assena un formidable coup de pied en plein visage.
Mais Ashee avait dû le sentir arriver parce qu’elle se
baissa pile au moment où le talon de Tia allait frapper sa mâchoire. Puis alors
que la mercenaire reprenait son équilibre, la chaman la frappa au visage de son
poing.
La tête de la grande femme partit en arrière et Tia sentit
le sang envahir sa bouche. Elle laissa son corps accompagner le mouvement et
après un roulé-boulé rapide, se retrouva à bonne distance de la chaman.
- J’ai envie d’un peu d’action, rit Ashee. Et les soldats de
ma tribu font si pâle figure à côté de toi Xena !!! Allez ma grande
guerrière… épate-moi !
Tia ne se le fit pas dire deux fois. Elle attaqua
sur-le-champ avec une vigueur renouvelée. Maintenant qu’elle savait que cette
idiote n’allait pas utiliser ses pouvoirs sur elle, elle pouvait y aller
franco.
Elle lança son pied dans une feinte, auquel son adversaire
se laissa prendre et elle la cueillit d’un coup de genou au menton qui fit voir
trente-six chandelles à la chaman.
Sans attendre qu’elle reprenne ses esprits, Tia assena un
coup de poing puissant sur sa pommette et elle entendit un craquement distinct.
Elle sourit, heureuse de lui faire mal. Puis enchaîna avec sur une série de
coups rapprochés qui firent tous mouche.
Tia dut prendre sur elle lorsqu’elle vit le sang maculer le
visage de son ennemie et que l’odeur entêtante et cuivrée, lui montait à la
tête. Elle se recula d’un bond, serrant
les poings à s’en faire exploser les phalanges, le regard assombri au point
d’en être noir.
La mâchoire tendue et le corps crispé à craquer. La louve en
elle luttait pour le contrôle et le goût du sang donnait envie à Tia d’en faire
couler encore plus. Elle détourna avec effort son attention de la femme à terre
pour la porter sur sa compagne.
Instantanément le prédateur en elle céda la place à la
petite amie. Lex était prostrée. Le regard dans le vague, un filet de sang
s’écoulant de son nez, son corps tremblait sous l’assaut et Tia eut peur pour
elle.
Elle fit un geste dans sa direction puis se souvint de qui
était son adversaire et se força à revenir à Ashee.
En posant les yeux sur l’emplacement vide de toute présence
humaine où se tenait la chaman quelques minutes plus tôt, elle se raidit. Son
cœur s’emballa et elle fouilla les environs des yeux.
Elle déglutit et se traita d’idiote. Lorsqu’elle la repéra
enfin, c’était trop tard. Elle était déjà sur elle et son genou frappait son
ventre pendant que son coude s’écrasait sur sa tempe. C’est à demi-assommée
qu’elle se retrouva sur le dos, Ashee au-dessus d’elle, un bras appuyant sur sa
gorge, un autre emprisonnant son bras droit au-dessus de sa tête.
- J’ai toujours rêvé d’être au-dessus, susurra la femme avec
un sourire espiègle.
Tia la fixa mais elle voyait un peu trouble et le manque
d’oxygène ne l’aidait pas à faire une mise au point efficace. Néanmoins elle
puisa en elle-même la force nécessaire pour répondre et leva sa main libre pour
répliquer.
A ce moment là, une vision d’horreur oblitéra le présent et
la recouvrit entièrement. Un voile opaque se glissa entre elle et la lumière du
jour et lentement une image prit forme devant ses yeux.
Elle vit ses enfants apparaitre. Et elle-même… un peu plus
loin. Allongée sur une table en pierre brute grossièrement taillée. Elle
reconnut la table des sacrifices située sur le premier palier du temple.
Elle se vit couverte de sang et les yeux clos. Ses enfants
s’approchèrent d’elle, le visage parfaitement neutre. Ils se postèrent de part
et d’autre d’elle. Lara avait les yeux rouges. Pas rouges d’avoir trop pleuré,
non ses yeux, la pupille, le blanc et l’iris... tout était parfaitement rouge.
D’un rouge sombre, comme la couleur du sang coagulé.
La vilenie qu’elle distingua dans ses pupilles inhumaines la
fit frémir. Puis Len leva une main qui tenait un atamé très ancien et couvert
de sang et le plongea en direction de son ventre.
Tia sentit la morsure de la lame comme si elle était vraie
et hurla la douleur, la trahison et la peur. Le sang qui ruisselait de son
estomac n’était pas ce qui lui faisait le plus mal. Le plus douloureux était le
rictus de joie pure qui déformait le visage, si semblable au sien, de son fils
en la voyant souffrir… mourir…
Tia n’eut pas la force de se défendre. L’ampleur de son
échec la tétanisait. Elle avait failli. Ses enfants étaient perdus… et avec eux
le reste de l’humanité. Mais ceux-là elle s’en fichait bien. Seul comptait ces
deux êtres... la chair de sa chair… qu’elle n’avait pas su protéger…
Si les yeux de Len étaient aussi verts qu’a leur habitude, elle y distingua la
même lueur malveillante que dans les yeux de sa sœur.
Elle roula sur le côté et les jumeaux la laissèrent faire,
se contentant de la suivre des yeux sans perdre leurs sourires. Elle se releva
non sans difficulté et vit le sang s’écouler de sa blessure et suivre les plis
de sa peau, couler le long de ses jambes et terminer sa course sur le sol
froid.
Elle se mit en marche avec l’idée de trouver Ashee et de la
tuer. Seule sa mort mettrait fin à tout cela. Mais alors qu’elle descendait les
premières marches un rire démoniaque la frappa et elle perdit l’équilibre et dévala
les marches.
Au bas du temple, elle vit ses enfants rirent à gorge
déployée. C’était d’eux que provenait ce rire… et elle comprit. Il était trop
tard pour eux… tuer Ashee n’y changerait rien. Mais elle ne pouvait pas… non
elle ne voulait même pas y penser… les tuer… non jamais…
Elle ferma résolument les yeux décidée à repousser ce
cauchemar et ne vit pas la femme qui se dressa soudain au-dessus d’elle. La Tia
du présent hurla en reconnaissant la personne qui se trouvait aux côtés de son
moi futur.
Et lorsque cette personne leva la main… sourit… et frappa…
et les mots qu’elle prononça…
- Tu m’as laissée tomber… fit la voix de velours qu’elle
aimait tant. A mon tour maintenant.
Tia ne sentit pas la douleur du coup. Pas plus que le sang qui s’écoulait de sa nouvelle blessure. Les larmes roulèrent sur ses joues et imprégnèrent le sol dur de son nouveau tombeau.
Elle ne quittait pas des yeux le visage d’ange de son aimée,
souhaitant plus que tout garder son image en elle en partant.
- Pardon, chuchota-t-elle doucement alors que le regard sans
vie de Lex la regardait mourir sans joie, mais peine non plus.
Puis la mort l’emporta et elle vit son âme s’envoler.
Emerveillée, la conscience de Tia fixait son âme future avec une douce joie.
Elle était si belle…
Comment cela se pouvait-il ?
Puis elle monta comme une flèche en direction des cieux. Une
sorte d’onde de choc suivit son départ et
confusément, Tia comprit que son âme n’avait pas eu le droit de passer la
barrière séparant le monde des
morts de celui des vivants.
« Le jugement existait donc vraiment ? »
Songea- t-elle en scrutant les cieux qui s’assombrissaient de minute en minute.
Une peur glacée l’envahit toute entière… elle n’avait pas le
droit de passer… « Et comment l’aurait-elle eu ? Elle avait commis
tant d’atrocités. Avait tellement de morts sur la conscience… »
Cela… cela signifiait qu’elle ne retrouverait jamais Lex
là-haut. L’éternité sans son âme sœur…
La perspective fit mal. La compréhension douloureuse. Et
l’acceptation impossible.
Elle ne pouvait pas être séparée de Lex, non, c’était
impossible… Il devait forcément y avoir un moyen !!
Mais il n’y en avait pas et elle le savait. Elle, qui avait
fini par accepter que malgré tous les crimes qu’il y avait sur sa conscience
elle avait quand même droit au bonheur, comprit finalement que ce n’était que
pour un temps précis. Que sa punition l’attendait et qu’elle serait encore plus
douloureuse que tout ce qu’elle s’était imaginée.
« Les dieux, s’ils existaient, s’amusaient vraiment à
ses dépends ! » Songea- t-elle avec amertume. Ils ne lui accordaient
même pas dix ans avec Lex ! Et ça c’était dans le meilleur des cas !
Tia enrageait et s’étouffait dans la peur que cette vision
avait fait naître quant à l’avenir de tous ceux qu’elle aimait.
Elle ferma résolument les yeux et repoussa la vision
affreuse que la chaman déroulait devant elle. Ce n’était qu’une vision. Un
futur possible, mais pas certain. D’autant moins qu’il venait de cette femme
démoniaque.
Avec un cri sauvage, elle repoussa les images et le corps
lourd de son adversaire. Elle roula sur le côté et se releva d’un mouvement
ultra rapide, l’adrénaline et l’énergie électrique de la louve éveillant chaque
parcelle de sa peau et la rendant encore plus sensible et réactive que
d’habitude.
Elle posa un regard déterminé et féroce sur son ennemie et
serra les poings. Elle la détruirait… jamais elle ne laisserait une telle chose
se produire… jamais elle ne laisserait cette femme lui arracher tout ce à quoi
elle tenait le plus.
Alors qu’elle allait se jeter sur elle, la louve apparut
soudain à ses côtés et bondit à la gorge de la femme.
Celle-ci s’écroula à terre en glapissant de douleur et de
surprise. Pour la première fois depuis leur rencontre, Tia fut heureuse de voir
son âme noire. Elle s’approcha de la louve qui déchiquetait toute la peau à
laquelle elle avait accès.
Le sang et les grognements, les cris de douleur et de peur
gonflèrent un peu plus son cœur et la soif du sang fut bientôt si intense
qu’elle se jeta sur Ashee avec la même sauvagerie que son autre elle-même.
Sous le double assaut Ashee crut sa dernière heure arrivée,
mais celui qu’elle servait ne l’entendait pas ainsi. Il avait besoin d’elle.
Il intervint alors directement, brûlant dans l’effort, des
forces importantes que la chaman avait mis du temps à lui octroyer. Il
s’introduisit dans les esprits assoiffés de mort, de sang et de douleur des
deux âmes qui n’en étaient qu’une et leur fit voir un instant ce qu’était la
vrai nature du mal.
Les deux âmes se tordirent sous l’assaut et tombèrent au sol
affaiblies et tremblantes. La folie les menaçait. Tout ce mal, cette
noirceur… c’était insupportable… si poisseux, si collant, comme une entité
vivante à part entière qui aurait pris possession d’un simple réceptacle…
Le mal n’était pas qu’un concept. Il était vivant, présent
et bien décidé à jouir de son existence.
Tia et sa louve virent ce que ce démon avait commis comme
actes à travers les âges. Les tortures inhumaines auxquelles il avait soumis
les hommes par l’intermédiaire de gens
comme Ashee, les massacres sanglants dont il était le déclencheur, la folie
qu’il aimait par-dessus tout provoquer…
Ce contact avec le mal absolu et total fit perdre la tête à
Tia. Elle vomit et se tordit de douleur et de terreur. Le vide l’envahissait au
même rythme que le mal la rendait malade. Elle aurait voulu mourir dans
l’instant tant tout ceci était insupportable.
Elle n’avait plus conscience de rien d’autre que de ce
monstre terrifiant qui touchait son âme et la souillait de sa patte maléfique…
elle hurlait sa détresse, gémissait, convulsait comme une épileptique, elle
suppliait qu’on mette fin à ses souffrances et Ashee, qui se relevait avec
lenteur et difficulté, aurait adoré exaucer ce souhait. Mais elle était mal en
point, vraiment mal. Elle n’était pas sûre de survivre longtemps.
Et Lex reprenait lentement mais sûrement conscience. La
transe et toute l’attaque, avait à peine duré 15 minutes mais cela paraissait
tellement plus à chacune des participantes…
Ashee se redressa en étouffant ses cris de douleur et
commença à s’éloigner en priant pour que son maître ait assez de force pour
tuer la gardienne. Tia était si coriace…
Elle marchait aussi vite qu’elle le pouvait… sachant
pertinemment que la reine amazone, aussi douce avait-elle été dans son autre vie,
n’accepterait jamais de la laisser en vie lorsqu’elle s’aviserait de l’état de
sa chère Xena.
Tia avait si mal qu’elle se sentait basculer vers la folie
et le monstre qui lacérait son âme se réjouissait avec délectation de ses
hurlements. Il goûtait cette âme particulière à la fois pure et pleine de
haine. Si proche et si loin de lui.
Quel met délicieux…
Il aurait voulu la consumer entièrement ou au moins posséder
le corps qui la contenait mais il n’avait pas assez d’énergie et il n’était pas
certain que cette femme soit le bon réceptacle pour lui. Néanmoins… s’il avait
la chance de la retrouver un jour sur son chemin, il la prendrait même si cela
ne devait pas durer.
Il commença à se retirer et Tia sentit les tentacules
gluants qui enserraient son âme la relâcher et la folie qui menaçait de
l’engloutir recula avec lui. Mais la douleur laissée par son toucher était
encore bien présente et la brûlait de l’intérieur.
Sa respiration était hachée et tout son corps tremblait et
frissonnait comme sous le coup d’une fièvre intense. La sueur ruisselait le
long de son visage et de son dos et elle se tordait sur place, essayant tant
bien que mal de refaire surface.
Son esprit était entièrement noyé sous la douleur. Des
traces du démon qui l’avait touchée rendaient toutes pensées impossibles. Elle
n’était que sensations et ne parvenait pas à se souvenir qui elle était, elle
ne parvenait même pas à savoir ce qu’elle était.
Lex reprit enfin pied et aspira une grande goulée d’air,
comme une noyée refaisant surface. Elle se pencha en avant et posa les mains
sur le sol pour retrouver son équilibre. Elle cligna des yeux et vit une goutte
de sang tomber sur le sable.
Elle prit une inspiration tremblante et se redressa. Les
images avaient été violentes et bien trop réalistes. Le défilement s’était
arrêter abruptement, il y avait quelques minutes déjà, mais elle avait eu
du mal à s’en arracher. Elle s’essuya le nez en vérifiant les alentours.
Elle savait qu’Ashee n’était plus là, son énergie s’était
évaporée peu de temps après la fin du défilement, mais l’air était lourd et
plein d’une forte odeur de brûlé étrange. Ca la mettait mal à l’aise et elle
était inquiète pour Tia.
Lorsque son regard tomba sur le corps frissonnant de sa
compagne, elle écarquilla de grands yeux angoissés et se relevant en trébuchant
se précipita vers elle.
Elle s’agenouilla à ses côtés et vérifia en tremblant le
pouls à son cou. Il battait de façon erratique, sa respiration était
superficielle et la sueur ruisselait sur son visage aussi pâle que la mort.
Lex avait peur. Tia était tellement froide…
Elle essaya de la réveiller mais n’y parvint pas. Alors elle
essaya de la soulever mais elle n’y arriva pas non plus. Inquiète, elle chercha
de l’aide des yeux, mais il n’y avait personne et elle n’osait pas s’éloigner
de sa compagne pour en chercher.
Elle observa anxieusement le visage tendu et douloureux de
sa femme puis se concentra sur leur lien. Il était mal en point comme si on
l’avait attaqué à plusieurs reprises, mais il était solide et bien présent.
Elle soupira, soulagée, puis se concentra pour redonner un
peu de couleurs aux flammes devenues pâlottes de sa compagne. Elle s’allongea à
ses côtés et la prit dans ses bras en espérant qu’elle savait ce qu’elle
faisait.
De toute façon elle était bien trop faible pour pouvoir
faire autre chose. Elle espérait seulement qu’Ashee ne reviendrait pas. Elle se coucha sur son aimée et lui
communiqua sa chaleur corporelle en même temps qu’elle essayait de la
réchauffer par l’intermédiaire de leur lien.
Elle insuffla au lien tout son amour, toute la chaleur que
la grande femme mettait dans sa vie et le bonheur qui était le sien grâce à
elle. Elle se concentra longtemps. Si bien qu’elle ne vit pas le soleil se
coucher et la nuit les recouvrir de son voile sombre, les dissimulant à la vue.
Etrangement, Lex se sentit plus en sécurité ainsi. Elle
commença à se détendre en voyant que la respiration hachée de sa compagne
s’était un peu calmée. Et si elle frissonnait toujours autant, Lex sentait que
Tia s’apaisait.
Elle toucha alors timidement la flamme de la louve qui
s’était faite si petite qu’elle avait paru sur le point de s’éteindre
Lex relia les trois flammes entre elles et elle découvrit
qu’ainsi, la louve tout comme Tia reprenaient des forces plus vite et plus rapidement.
Un peu rassérénée, Lex se détendit un peu plus et finit par
sombrer dans un sommeil agité. Le matin lorsqu’elle s’éveilla aux premiers
rayons de soleil, la première chose qu’elle fit fut de vérifier la santé de
Tia.
Elle observa son visage et le vit, certes crispé, mais la
sueur, les frissons et la douleur intense semblaient avoir disparu. Elle testa
leur lien et constata avec soulagement qu’il était aussi intact que d’habitude, comme si Tia n’avait rien
subi.
Elle se demanda enfin ce qui avait pu mettre sa compagne
dans un état aussi épouvantable. Ashee était puissante mais… l’état de Tia …
non ça ne collait pas. Ou alors peut-être qu’elle n’avait pas vu tous les
pouvoirs de la chaman ?
Elle glissa les mains sur le dos de sa compagne, faisant des
cercles doux et apaisants et décida de profiter de ce réveil à la plage. Le
soleil la baignait et la réchauffait doucement. Elle entendait le clapotis de
l’eau non loin de là et sa bien-aimée dormait dans ses bras.
Elle huma l’odeur de sa mercenaire avec délice. Elle
l’adorait. Un petit sourire inconscient naquit sur ses lèvres et elle profita
de la brise douce qui balayait son visage en observant le ciel s’éclaircir.
C’était une belle journée qui s’annonçait.
Fin partie VII
Partie VIII : La fin de
l’histoire
Chapitre 1 :
Lex attendit patiemment que sa compagne se
réveille. Elle vérifiait régulièrement qu’elle allait bien visuellement mais
aussi par l’intermédiaire de leur lien puis revenait au clapotis de l’eau ou au
changement de couleur du ciel à mesure que le soleil montait.
C’était une matinée douce et le calme
environnant ne cessait de la
surprendre. La veille avait été si agitée. Elle se rendit compte qu’elle avait
attendu un moment comme celui-ci. Cela lui faisait un bien fou de rester là,
simplement à observer le monde tourner, sans pour une fois, devoir y prendre
part.
Lorsque le soleil fut à son zénith dans le ciel, Lex commença à s’inquiéter.
Elle repoussa sa compagne et lui tapota les joues pour qu’elle se réveille mais
rien n’y fit. Tia ne réagit même pas en papillotant au moins des cils.
Pourtant leur lien lui disait clairement qu’elle
allait bien, alors quoi ?
Deux pieds apparurent soudain dans son espace
visuel et elle détailla les espadrilles en toile avant de lentement remonter le
long de jambes enfermées dans un jean délavé, puis d’un torse musclé qu’un polo
gris passé ne cachait pas pour enfin arriver à un visage à la barbe de trois
jours et au regard gris amusé qui l’étudiait nonchalamment.
- Bonjour, fit-elle tranquillement.
- Bonjour, répondit-il avec un petit sourire.
Il laissa passer un petit silence puis
reprit :
- Vous êtes consciente d’être sur ma propriété,
n’est-ce pas ?
- En effet, acquiesça-t-elle avec un charmant
sourire, avant de baisser les yeux sur sa compagne, nous voulions seulement
traverser votre plage, mais nous avons été attaquées et mon amie ne se réveille
pas.
- Vraiment ? Fit-il en se baissant vivement
pour prendre le pouls de Tia. Vous n’avez pas l’air très inquiète. Vous vous
connaissez depuis combien de temps ?
- Plusieurs années. Et non je ne suis pas
inquiète, enfin pas trop. Je sais qu’elle va bien, c’est juste… qu’elle ne se
réveille pas.
Le regard anxieux qu’elle posa sur sa femme, fit
voler en éclat la sérénité qu’elle s’était appliquée à montrer jusque là.
- Ca va aller, fit l’homme en passant ses bras
sous la nuque et les jambes de Tia pour la soulever.
Il partit à grands pas alors que Lex protestait.
Il s’arrêta soudain et déclara abruptement :
- Vous préférez rester ici et tentez le diable
ou me laissez l’emmener dans un endroit sûr ou on prendra soin d’elle ?
« Evidemment présenter comme ça, songea la
petite femme agacée ». Elle lui fit signe de poursuivre mais ne le lâcha
pas d’une semelle. Ils parvinrent rapidement à la villa qui bordait la plage
privée et Lex ouvrit la baie vitrée à la demande de l’homme puis le suivit.
Ils traversèrent un vaste salon et
s’engouffrèrent dans une série de couloirs qui faillit lui donner le tournis
pour enfin déboucher sur une grande et lumineuse chambre. Une chambre d’amis
supposa la petite femme.
Elle détailla la pièce et repéra immédiatement
les moyens de sortir et de bloquer les issues avant de reporter son attention
sur la femme que le propriétaire de la villa allongeait sur le lit deux places.
Il la recouvrit d’un simple drap de coton et se redressant lui dit qu’il allait
appeler un médecin.
Lex hocha la tête et le regarda sortir en
hésitant entre reconnaissance et inquiétude. Elle connaissait suffisamment le
milieu des millionnaires, et cet homme en était incontestablement, pour savoir
qu’ils ne donnaient rien sans rien. Mais elle avait du mal à saisir ce qu’il
pouvait attendre d’elles. Il ne pouvait pas avoir la moindre idée de qui elles
étaient.
Tout en réfléchissant sérieusement à cela, elle
s’assit près de sa bien-aimée. Elle allongea les jambes tout contre elle et
s’adossa à la tête du lit. Elle laissa une de ses mains en contact avec le
front de Tia et en caressant distraitement la peau chaude.
Lorsque l’homme revint, elle l’étudia
attentivement alors qu’il vérifiait les constantes de sa compagne.
- Vous êtes médecin ?
- Infirmier.
Elle écarquilla de grands yeux surpris. Il lui
jeta un œil et sourit avant de revenir à sa patiente.
- Vous vous demandez comment je peux avoir cette
villa avec un simple salaire d’infirmier, n’est ce pas ?
- En effet, fit-elle soupçonneuse.
- Très simplement. En héritant.
- Je vois.
Il sourit à nouveau et elle s’en voulut
d’être aussi transparente. Malgré tout l’entraînement de Tia elle ne parvenait
que rarement, et dans des circonstances particulières, à avoir un visage
neutre. A croire qu’il était inscrit dans ses gênes d’être spontanée !
Il finit son tour d’horizon et se redressa en la
dévisageant. Puis il lui tendit la main et déclara :
- Marcelius Roberts.
Elle le dévisage à son tour surprise, puis
s’empressa de prendre la main tendue avant de paraître encore plus impolie.
- Enchantée, fit-elle sans pour autant décliner
sa propre identité.
S’il le nota il ne parut pas s’en soucier. Il
lui sourit à nouveau et Lex nota combien son sourire était chaleureux et
semblait sincère. Elle le lui retourna ce qui parut le ravir.
- Ne vous en faites pas trop pour votre amie,
j’ai l’impression qu’elle est juste complètement épuisée. Du surmenage je
pense. Y’a t’il une raison pour qu’elle soit surmenée ? L’interrogea-t-il.
Lex repensa à leur fuite, leurs diverses
attaques, les multiples blessures dont Tia avait été la victime, la louve et
leur lien inexplicable. Les ennemis qui semblaient se multiplier et leurs
disputes. Et avant cela le stress de la demande en mariage associé aux
résultats de sa maladie.
- Un peu.
Il hocha la tête comme s’il s’en doutait.
- Voulez-vous une boisson ou quelque chose à
grignoter en attendant l’arrivée du médecin ?
Lex acquiesça et il disparut de nouveau.
« Marcelius Roberts, songea-t-elle rassurée. On a vraiment eu de la chance
de tomber sur lui ». Elle savait maintenant qu’il n’attendrait rien
d’elles. Il faisait ce qu’il faisait parce que c’était la chose juste à faire.
Dans les hautes sphères, cet homme était connu
comme le loup blanc. Il avait hérité d’un paquet de millions après s’être
occupé avec dévouement d’un patient en phase terminale qui n’avait plus de
famille.
Et au lieu de profiter de sa nouvelle existence
comme n’importe qui l’aurait fait en dépensant sa nouvelle fortune, il avait
décidé de l’offrir aux plus nécessiteux. Marcelius était le plus grand
philanthrope actuellement en vie. Chaque année il distribuait plusieurs
millions de dollars, roubles, yens, euros… à travers le monde et pas forcément
pour des causes connues.
Dès qu’une chose lui semblait juste, il
s’investissait totalement. Ainsi il avait permis la construction de trois
hôpitaux pour enfants, d’un camp de réfugiés au Rwanda, fait avancer la
recherche dans le domaine de l’appareillage des personnes amputées, financé le
Noël de plusieurs orphelinats de part le monde, donné des bourses à des jeunes
autrement sans avenir, découvert des talents musicaux, sportifs ou bien
médicaux, financé des opérations trop chères pour certaines familles, et bien
d’autres choses encore.
Ce type était le génie du bien sur terre et
grâce à sa simple existence, beaucoup d’individus gardaient espoir malgré les
malheurs qui frappaient.
Lex en avait entendu parler, mais c’était comme
le Père Noël… elle n’y croyait pas vraiment. Et elle se retrouvait là. Dans sa
maison. Et il s’occupait d’une étrangère ramassée sur sa plage, comme si
c’était la chose la plus naturelle et normale du monde.
Il revint et lui tendit une citronnade,
« faites maison » et elle la sirota en le fixant fascinée.
Il s’aperçut de son manège mais ne s’en offusqua
pas. Au contraire, il en profita pour faire de même. Il la détailla sous toutes
les coutures et la lueur d’appréciation dans ses yeux gris n’échappa pas à Lex
qui en fut grandement flattée.
Puis le médecin arriva et examina Tia. Il
conclut la même chose que Marcelius et repartit en laissant une Lex hautement
soulagée. Elle s’assit dans le fauteuil que son hôte avait mis à sa disposition
et commença à veiller son amie.
La plupart de sa journée se déroula ainsi. Elle
restait au chevet de Tia sans la quitter des yeux et parfois, s’endormait.
En fin de journée, Marcelius réapparut.
- Que diriez-vous de vous dégourdir un peu les
jambes en ma compagnie ?
Lex hésita et jeta un regard à sa femme.
- Le médecin a été formel, fit-il en voyant son
incertitude, elle ne se réveillera probablement pas avant demain.
Il attendit un peu, puis ajouta doucement :
- Vous avez besoin de prendre l’air. Je vous
promets qu’il n’arrivera rien à votre amie pendant notre balade.
Il fit signe à son majordome d’entrer et l’homme
s’inclina devant elle. Lex en fut impressionnée. Un majordome pour un nouveau
riche… d’habitude, ils faisaient tous la faute de goût stupide qui révélait
leur nouveauté dans le monde des nanti en prenant un groom. De plus ce
majordome avait des manières impeccables. De toute évidence formé à l’ancienne.
Les plus chers. Mais les plus efficaces.
Elle hocha finalement la tête et, se penchant
vers Tia, déposa un baiser sur sa joue en murmurant :
- Je reviens mon amour. Repose-toi bien.
Elle se redressa en suivant son hôte le long du
même dédale de couloirs qu’elle avait suivi le matin même en se disant qu’elle
aurait une sérieuse discussion avec elle à son réveil. Elle avait réellement
envie de comprendre ce qui avait plongé Tia dans cet état.
« Ces derniers mois avaient été un
désastre, songea-t-elle en accompagnant Marcelius sur la terrasse, Tia n’avait
jamais autant frôlé la mort que depuis leur fuite du ranch ».
Il l’invita à s’asseoir à la table qu’il avait
préparée lui-même et où reposait divers mets qui la firent saliver.
- Il ne fallait pas, fit-elle en s’asseyant en
face de lui.
- Voyons, vous n’avez rien mangé de la journée,
fit-il en la grondant gentiment. Pensez-vous que si vous tombez malade, votre
amie ne m’en voudra pas ?
Lex sourit. Tia l’écorcherait vif.
- Après vous être restaurée, nous ferons la
balade promise, histoire de digérer. Cela vous convient-il ?
- Tout à fait. Je vous remercie, mais
sincèrement il est inutile de vous donner autant de mal pour moi. Je peux
parfaitement me promener seule.
- J’en suis certain, mais j’aime
beaucoup me balader sur la plage et cela fait quelques jours que je ne l’ai pu.
De plus, je vis seul et la compagnie d’une aussi jolie femme que vous, ne peut
qu’égayer mes journées.
- Présenté ainsi, je ne peux décemment pas
refuser, fit-elle avec un sourire charmé.
Ils se dévisagèrent un instant puis entamèrent
le dîner dans un silence reposant et agréable. Lex profita de la brise tiède
qui soufflait et observa le coucher de soleil en même temps qu’elle se régalait
des plats exquis que son hôte avait apparemment cuisiné lui-même.
-C’est délicieux, fit-elle au milieu d’un poulet
au lait de coco accompagné de son riz. Vous êtes aussi fin cuisinier que Tia !
- Votre amie ?
Lex acquiesça et engloutie une autre bouchée
avec un plaisir évident.
- Je n’en reviens pas. Je ne pensais sincèrement
pas qu’il existait quelqu’un d’autre pouvant être aussi doué !
S’exclama-t-elle avec un sourire pétillant de plaisir.
- Exception faite des grands chefs, vous voulez
dire…, répondit-t-il avec un sourire amusé.
- Pas vraiment, rétorqua-t-elle en haussant les
épaules. Je veux dire ok, il y en a plein qui sont doués, mais la plupart, et
croyez-moi j’ai mangé chez les meilleurs pendant longtemps, sont loin d’être
aussi bons que leurs réputations le laissent entendre et Tia est
incontestablement un grand maître. Elle pourrait faire carrière si elle le
voulait !
- Vous la tenez en haute estime, remarqua
Marcelius.
- Qui ne le ferait pas ? Rétorqua-t-elle
avec un doux sourire, les yeux dans le vague.
Marcelius la dévisage, intrigué et
demanda :
- Qu’a-t-elle de si exceptionnel ?
Les yeux de Lex se mirent à briller alors
qu’elle se mettait à penser à sa compagne et à lister ce qui la rendait si à
part.
- Elle est… unique. Entière et complexe. Pleine
de blessures mais aussi solide qu’un roc. On peut toujours compter sur elle,
quelque ai été vos relations avec elle. Elle est loyale, fidèle, « à sa
façon », ajouta- t-elle en pensée, extrêmement intelligente. Elle est
courageuse et bien meilleure qu’elle ne l’imagine. On ne s’ennuie jamais avec
elle. Elle peut être très dure. Mais aussi malicieuse qu’une enfant de 5 ans.
Lex fixa ensuite son attention sur le visage de
son interlocuteur et déclara avec intensité.
- Lorsqu’elle aime, c’est pour la vie.
Puis avec plus de légèreté :
- Et c’est incontestablement la plus belle femme
que j’ai jamais vue.
Son hôte sourit et répliqua
tranquillement :
- Je pense que vous ne vous êtes pas assez
souvent regardé dans un miroir.
Elle rit et secoua la tête.
- C’est ce qu’elle dit toujours.
Marcelius plongea ses yeux gris ardoise dans les
siens et l’étudia avec attention. Après quelques minutes un peu embarrassantes
pour Alexia, il hocha la tête et déclara.
- Vous l’aimez.
- Bien sûr.
- Non, je veux dire… vous êtes amoureuse
d’elle.
Lex rit et dit en agitant la main où brillait
son alliance :
- Et moi je dis : bien sûr.
- Oh.
Les yeux de Marcelius marquèrent brièvement la
surprise puis il secoua la tête en se moquant de lui-même.
- Je ne suis pas très observateur, désolé.
- Ce n’est pas grave, fit-elle en décelant une
pointe de déception vite réprimée dans les yeux de son interlocuteur.
Elle se sourit à elle-même. Pourquoi était-elle
surprise ? Elle savait qu’elle était belle. Bien avant que Tia n’entre
dans sa vie, elle avait toujours attiré l’attention. Et pas seulement pour ses
frasques. On lui avait toujours dit combien elle était attirante et sexy.
A l’époque elle adorait être le
centre de ce genre d’attention. Et elle ne pouvait nier que parfois cela lui
manquait. Puis arrivait Tia et le regard qu’elle posait sur elle, mélange de
désir, d’assurance et d’émerveillement lui faisait instantanément oublier les
regards des autres et seul comptait le sien.
Mais cela faisait parfois du bien de voir qu’on
plaisait toujours. Ceci dit, elle prit conscience que ce n’était plus
indispensable pour elle. Tant que Tia ne changeait pas sa façon de la regarder…
le reste ne comptait pas.
- Vous pensez à elle, déclara son hôte,
interrompant doucement ses pensées.
- Comment avez-vous deviné ?
- Votre regard… il s’est adouci comme seul le
regard d’une personne amoureuse le fait. C’est intéressant à voir.
- Tia… est exceptionnelle pour toutes les
raisons que je vous ai citées précédemment mais pour moi… elle l’est surtout
parce qu’elle a changé ma vie.
- Comment ça ?
- Avant elle je n’existais pas. Elle a donné un
sens à mon existence. Et pas seulement en existant et en me permettant de
l’aimer. Mais aussi en me montrant qu’il y avait autre chose dans le monde, des
choses que je ne connaissais pas, ni même ne soupçonnais. Des choses que je ne
voulais pas forcément voir.
Lex fit une pause, revenant quatre ans en
arrière.
- Elle m’a d’abord sauvé la vie… puis elle m’a
fait découvrir un monde que je ne connaissais pas. Ce faisant elle m’a permis
d’apprendre, à savoir qui j’étais réellement. Et j’ai vu… j’ai vu que j’étais
meilleure que ce que je pensais. Bien meilleure.
Elle posa un regard grave et doux sur lui.
- Elle a fait de moi la personne que je suis
aujourd’hui. Une personne dont je peux être fière. Une personne que j’aime. Et
cerise sur le gâteau… elle a accepté de m’aimer. Elle m’a rendu heureuse. Me
rend heureuse jour après jour, malgré les difficultés. Jamais elle ne m’oublie…
même lorsque l’on se dispute.
Lex s’appuya sur ses coudes.
- Tout ce qu’elle veut… c’est me rendre
heureuse. C’est son seul but dans la vie, ajouta-t-elle avec un sourire heureux
et triste à la fois.
- C’est étrange…
- Quoi donc ?
- Eh bien… pour commencer vous dites qu’elle a
accepté de vous aimer. Mais l’amour ne se décide pas.
Lex éclata de rire.
- Dans le cas de Tia, je vous assure que
si !
Elle dédia un sourire pétillant au millionnaire
qui cilla devant la splendeur que cela donnait à son visage.
- Elle avait décrété qu’elle n’était pas assez
bien pour moi et que je méritais mieux. En conséquence elle a refusé que je
l’aime et encore plus de m’aimer.
- Et qu’avez-vous fait pour la convaincre ?
S’enquit son interlocuteur prit dans le récit.
- Je lui ai déclaré la guerre.
Marcelius fronça les sourcils.
- Vous lui avez déclaré la guerre ?
Lex hocha la tête.
- Une guerre amoureuse que je comptais bien
remporter.
- Et comment avez-vous fait ça ?
- Je lui ai fait une cours effrénée.
- Et ça à suffit ?
- Eh bien, il faut savoir une chose sur ma chère
et tendre… elle a le sang bouillonnant. Ceci associé aux sentiments qu’elle
avait mais qu’elle niait, je l’ai terrassée !
Le millionnaire n’était pas certain de bien
comprendre, mais le sourire triomphant et pétillant de sa compagne le fit
sourire.
- Ensuite ?
- Ensuite quoi ? fit Marcelius un peu
perdu.
- Vous disiez que plusieurs choses vous
semblaient étranges… quelle est la suivante ?
- Oh… et bien… vous aviez l’air triste de
constater que son seul but dans la vie est de vous rendre heureuse… beaucoup à
votre place seraient aux anges.
- Je sais… mais… je veux plus pour Tia. Elle
mérite plus... mais… elle ne le pense pas. Et ça m’ennuie. J’aimerais…
Lex s’abîma dans ses pensées et Marcelius
attendit sagement qu’elle trouve les mots qu’elle cherchait.
- J’aimerais qu’elle soit fière de qui elle est.
Son hôte fronça de nouveau les sourcils.
- Je ne comprends pas. D’après ce que vous
m’avez dit, elle le devrait. Je veux dire… elle à l’air d’être une personne
bien.
- Elle l’est, confirma Lex. Mais elle ne voit
pas les choses comme moi.
- Pourquoi ?
Le regard qu’Alexia posa sur lui
fut empli d’une profonde tristesse qui toucha le cœur déjà bien sensible et
éprouvé par la vie du philanthrope.
- Elle a grandi avec des blessures si profondes
et des traumatismes si lourds qu’un être humain normal serait devenu fou ou
sanguinaire ou bien aurait mis fin à ses jours depuis longtemps. Tia… Tia a non
seulement survécu à ça… mais s’en est aussi servi pour être plus forte. Et
aussi incroyable que ça puisse paraître, et croyez-moi ça l’est, elle en est
sortie presque intact.
Lex détourna les yeux vers l’océan qui clapotait
non loin d’elle.
- C’est en fait un miracle dont je devrais être
reconnaissante… elle en est sortie avec seulement une très mauvaise opinion
d’elle-même… comme si tout était de sa faute…
Le millionnaire était ennuyé. Il aimait beaucoup
la jeune femme en face de lui. Une inexplicable attirance avait surgi en lui à
l’instant où il avait posé les yeux sur elle. Et si cette attirance ne semblait
pas partagée, il souhaitait néanmoins lui apporter son aide.
Il sentait chez cette jeune femme une bonté et
une sensibilité rare. Il avait l’impression, à quelques évidentes exceptions,
d’être en face d’un miroir.
Il croisa le regard vert mousse de sa compagne
d’un soir et lui sourit doucement.
- Si je peux faire quoi que se soit…
- Vous en avez déjà fait tant…
Il l’examina alors qu’elle fixait l’horizon
perdue dans des pensées douces-amères. Il était indubitablement déçu qu’elle
soit déjà prise. Il sentait qu’avec elle… sa vie aurait pris un autre sens… une
voie moins douloureuse… et c’est avec joie qu’il aurait lié sa vie à la sienne.
Mais elle aimait déjà. Et ce n’était pas lui. Il
ne put empêcher une pointe de jalousie de poindre dans son cœur en repensant à
la grande femme allongée dans le lit de sa chambre d’amis.
Elle avait l’amour de cette femme et elle
trouvait le moyen de lui faire arborer ce regard mélancolique. La seconde
suivante il s’en voulut. La grande femme n’y était pour rien. Et d’après ce que
lui en avait dit sa compagne, elle méritait son amour. Tia… avait l’air d’être
une personne honorable… une de ses personnes rares qui à eux seuls rachètent
les fautes de la moitié de l’humanité… Capables d’inspirer une loyauté et un
amour sans borne.
La femme en face de lui était de celles capables
d’inspirer espoir dans la plus ténébreuse des obscurités, même à des personnes
qu’elle ne connaissait pas. Sa présence était si… apaisante… si brillante. Il
était heureux de les avoir rencontrées. C’était deux personnes d’exception.
Lorsque Tia serait réveillée, il converserait
avec plaisir avec elle. Il avait même hâte soudain qu’elle ouvre les yeux.
Pressé de voir de ses propres yeux ce qui la rendait si exceptionnelle aux yeux
de la petite femme.
Ils terminèrent leur repas et Marcelius proposa
de nouveau à Alexia de se balader sur la plage mais elle déclina l’offre
gracieusement. Elle avait assez pris l’air et ne souhaitait pas rester trop
longtemps loin de sa bien-aimée.
Il la raccompagna donc à la chambre où son
majordome veillait Tia et resta quelques minutes, observant la petite femme
alors qu’elle s’assurait que sa compagne allait bien. Il y avait quelque chose
en elles, qui vous réchauffait de l’intérieur lorsque vous les regardiez
ensemble. Une sorte de rayonnement qui faisait comprendre qu’elles étaient
définitivement faites l’une pour l’autre.
Il quitta la chambre plus heureux de les avoir
rencontrées que déçu de ne pas avoir sa chance avec la petite femme.
Chapitre 2 :
Lex passa une nuit plus paisible que la dernière. Enroulée
autour de sa femme elle avait posé sa tête sur sa poitrine et regrettait de ne
pas être à l’hôtel ou plus simplement chez elles. Ainsi elles auraient été nues
toutes les deux et Lex aurait pu goûter la peau de Tia comme elle mourrait
d’envie de le faire en cet instant.
Après de longues minutes de débat contre elle-même, elle
renonça finalement à ses bonnes manières et céda à ses pulsions. Elle passa ses
mains sous la chemise de Tia laissa ses mains errer avec délice sur la peau
chaude et douce, bien qu’encore pleine de cicatrices.
Elle descendit doucement, se glissant sous le drap de coton,
elle remonta le tissu du vêtement et embrassa la peau du ventre et en apprécia le
velouté.
Elle fit courir sa langue autour du nombril et obtint un
soupir en retour. Lex se figea et releva la tête. Elle dévisage sa compagne
mais ne vit aucun des signes qui annonçaient son éveil. Pourtant elle l’avait
bien entendu soupirer.
Elle reprit alors sa ouvrage. Elle remonta doucement le long
du ventre puis défit complètement la chemise de sa compagne. Elle embrassa
chaque mamelon avec une exquise délicatesse. Enfin, elle se positionna
au-dessus des cicatrices que la lionne lui avait faites en Australie avant leur
fuite, et les embrassa légèrement, effleurant les replis de la peau de ses
doigts.
Un frisson parcourut le corps de sa femme et le cœur battant
plus vite, Lex poursuivit son exploration.
Tia redevint lentement et douloureusement consciente du
monde autour d’elle. D’abord le battement dans sa tête qui pulsait jusqu'à
l’intérieur de son âme, la fit gémir, puis se fut un déplacement d’air sur sa
peau, et enfin des lèvres chaudes qui engloutirent la douleur et la peur
qu’inexplicablement elle ressentait comme ancré dans son ADN lui-même.
Elle se baigna dans le brûlant désir que la bouche experte
faisait naître dans tout son corps. Lorsqu’il fut évident qu’elle ne tiendrait
pas plus, elle empoigna le corps au-dessus d’elle et le retourna brusquement,
inversant leur position.
Tia ouvrit des yeux ardents et passionnés et Lex faillit en
pleurer de soulagement. Mais elle oublia bien vite toute pensée cohérente
lorsque les mains de sa femme s’activèrent sur son corps et au creux de son
entrejambe.
Il n’y eut dans cette étreinte ni tendresse, ni amour. Deux
simples corps exprimant la férocité de leur désir en même temps que leur retour
à la vie. Leur accouplement fut frénétique et brutal et il les amena rapidement
à la jouissance.
Elles crièrent à l’unisson et Tia s’effondra sur sa petite
compagne en haletant, Lex appréciant le poids de sa bien-aimée. Elle entoura le corps solide mais, encore
fatigué, de ses bras et prodigua des caresses apaisantes au corps frissonnant
de Tia.
Lorsqu’elles furent toutes deux plus calme, Tia prit
conscience de l’endroit insolite où elles se trouvaient et roula sur le dos en
emmenant sa femme avec elle. Lex reprit sa place favorite au creux de l’épaule
de Tia et soupira d’aise.
Que c’était bon d’être dans ses bras…
- Où est-on ? S’enquit Tia d’une voix rendue rauque par
leurs ébats autant que par sa fatigue.
- Chez Marcelius Roberts.
Tia releva la tête vivement en posant un regard stupéfait
sur sa femme.
- Quoi ?! Que… mais qu’est-ce qu’on fait là ?
Lex rit devant son expression abasourdie.
- De quoi te souviens-tu exactement ? La dernière
chose ? Demanda-t-elle un peu inquiète.
Tia reposa sa tête sur l’oreiller et les yeux fixés sur le
plafond, elle se mordit la lèvre en sentant de nouveau cette terreur glacée
s’installer au creux de son ventre.
- La peur, souffla-t-elle incapable de regarder sa femme en
face. La douleur, atroce, horrible… de celle qui te donne envie de mourir dans
l’instant.
Lex se figea en percevant le tremblement dans la voix de
Tia. Jamais personne, pas même Sassem, ne lui avait fait peur. Et maintenant
Tia tremblait de terreur. Qu’est-ce qui s’était donc passé ?!
- Tia que… que s’est-il passé exactement ?
La mercenaire se mordit la lèvre plus fort et Lex porta la
main à sa lèvre lorsqu’un mince filet de sang se mit à couler.
- Tia, dit-elle doucement, tu n’es pas obligée.
- Il le faut, répliqua la grande femme la voix mal assurée.
Elle prit une inspiration profonde et se lança.
- Je… j’étais avec Ashee… elle… elle me montrait le futur ou
du moins ce qu’elle aimerait qu’il soit… C’était atroce…, fit-elle en se
remémorant son sentiment intense de trahison et la douleur… de l’échec, de la
perte…
Elle avait failli, elle avait laissé derrière elle tout ce
qui comptait vraiment et pire que tout… elle les avait laissés dans un monde
qui était sur le point de mourir.
Fugitivement, elle se rappela de ce qu’elle avait pensé en
mourant… qu’elle ne rejoindrait jamais le lieu où Lex irait…
Puis elle chassa ses pensées déprimantes et se concentra sur
les faits.
- Et je ne sais pas, j’ai décidé que je ne voulais pas de ce
futur et je m’en suis prise à Ashee. Et soudain la louve était là. Je… je l’ai
eue, fit-elle en se tournant vers Lex. Vraiment. Je veux dire… elle était à ma
merci. J’allais la tuer et… je ne sais pas… quelque chose est intervenu.
- Quoi donc ?
- Je ne sais pas. C’était… un contact plus qu’une personne.
Ca a affecté la louve aussi. Je… c’était gluant, poisseux et terriblement
dense.
Tia fit une pause puis :
- Et ça a touché mon âme…
Lex déglutit et hocha la tête.
- Le lien a tenu bon, fit-elle pour la rassurer. Et il est
comme neuf maintenant. Quoi qu’ai été cette… chose… elle n’a pas causé de
dégâts permanents.
-Tant mieux.
Les deux femmes se turent un moment.
- Je crois que c’était le démon que vénère Ashee. Celui pour
qui elle fait tous ces sacrifices…
- Celui dont elle nous a parlé ? Le… le dévoreur
d’âmes ?
Tia hocha la tête et Lex frémit en réalisant ce qui aurait
pu advenir de Tia.
- Tu… comment… je ne comprends pas, fit-elle en secouant la
tête. Comment se fait-il qu’il se soit… immiscé dans notre monde ? Je
croyais qu’Ashee ne le pouvait pas sans le sacrifice d’une âme ancienne ou
quelque chose comme ça.
- Je… ne pense pas qu’il ait été réellement là, fit Tia. Je
veux dire, si ça avait été le cas il n’aurait pas seulement égratigné mon âme,
il l’aurait dévorée.
- Mais…, il était là, non ? Fit Lex qui ne comprenait
pas.
Tia se mordit la lèvre anxieusement.
- Je pense… je pense que les sacrifices qu’a fait Ashee
jusqu’ici lui ont donné des forces mais que ce n’était pas assez pour se
matérialiser ici. Je crois qu’il a eu peur que je ne tue celle qui est sensée
lui permettre d’arriver alors il est intervenu.
- Et il a sacrifié ses forces pour elle ? Fit Lex
sceptique.
- Il peut se permettre d’attendre tu sais, c’est un démon.
Un très très vieux démon qui attend son heure depuis un bon moment. Il peut
attendre mais il ne peut pas perdre la seule personne capable de le ramener.
Lex réfléchit.
- Et il est parti de lui-même ou… ? Demanda-t-elle
finalement.
- Je crois qu’il n’avait plus de force.
Lex soupira de soulagement.
- Alors on est tranquille pour un moment, non ?
- Je pense.
- Bien alors si on passait à un autre sujet ?
Tia mourrait d’envie d’acquiescer mais ça aurait été
irresponsable et elle ne comprenait pas vraiment pourquoi Lex s’empressait de
changer de sujet.
- Lex il y a un problème ?
- Non pourquoi ? Répondit-t-elle surprise.
Mal à l’aise, elle sut que pour une fois, elle avait réussi
à dissimuler ses vraies pensées, et n’était pas très fière que ça soit à sa
femme, mais elle ne se sentait pas de lui parler de sa probable trahison.
Malgré le sentiment profond en elle, qui lui disait que
jamais elle ne trahirait Tia, il lui suffisait de repenser à la vision si
réaliste que la chaman lui avait montrée pour douter.
- On ne peut pas simplement zapper ce sujet Lex. Ashee nous
a retrouvées si facilement... et on sait qu’elle veut nos enfants alors… on ne
peut pas juste changer de sujet.
- Je sais, soupira sa compagne, mais je me disais que
puisque le dévoreur d’âmes est hors course, sûrement pour un moment et qu’Ashee
ne doit pas être dans un meilleur état, on avait du temps devant nous… juste,
je sais pas moi, pour vivre ?
Tia l’observait attentivement alors qu’elle parlait et la mercenaire
vit combien Lex était affectée par toute cette histoire.
- Tout le monde attend de nous une chose aberrante. Comme si
on pouvait réellement à nous seules sauver ou détruire le monde ! C’est
stupide et je ne veux pas y penser !
- Lex…
- Non, Tia ! Ecoute-moi. On ne craint rien pour
l’instant ok ? Après la déconvenue qu’elle vient de subir Ashee ne nous
courra pas après avant longtemps. Et son démon a perdu toutes ses forces. On
est donc tranquille pour un moment. Et Tia, si ce que disent les fils du vent
est vrai, tant qu’on tiendra les jumeaux loin de cette femme et de sa tribu,
ils ne risquent rien et rien ne se passera.
Lex plongea ses yeux dans les siens et mit toute la
conviction qu’elle ressentait dans son plaidoyer.
- On a si peu de temps Ti… pourquoi risquerions-nous de
raccourcir ce temps qui nous ait déjà si limité ?
Tia se mordit la lèvre. Lex avait raison. Loin des quatre
déserts, les jumeaux étaient en sécurité. Du moins tant qu’Ashee ne décidait
pas de leur courir après. Ce qu’elle ne ferait pas de si tôt. Et Lex était
condamnée. Elle avait déjà perdu bien trop de temps à s’occuper d’autres choses
plutôt que de trouver une solution pour la guérir.
Elles avaient bien trop peu de temps. Et si Lex savait
qu’elles se perdraient à nouveau après leur mort, elle serait encore plus
malheureuse et soucieuse du temps qu’elles passaient ensemble.
- Ok, dit-elle finalement. On règle le problème Enrick et on
rentre.
La colère de Lex s’évanouit et une vague de joie la
traversa. Elle serra la mercenaire dans ses bras et l’embrassa fougueusement.
Tia décida de consacrer les prochains mois à découvrir un
remède miracle pour sa femme. Pour commencer elle pourrait peut-être discuter
avec la louve. Elle avait toujours senti que celle-ci avait des réponses et
jusqu’à présent elle n’avait pas pu l’interroger.
Mais elle allait se rattraper. Sans pour autant négliger la
protection de sa famille contre le vent de la destruction. Ashee ne se
tiendrait pas tranquille éternellement. Il allait falloir qu’elle anticipe sa
prochaine attaque, son prochain mouvement.
Elle rendit son baiser à Lex puis entendit un bruit à la
porte. Elle quitta à regret les lèvres douces de son amie et se tournant vers
la porte lança :
- Oui ?
La porte s’ouvrit et un homme de taille moyenne entra. Tia
devina à son sourire chaleureux qu’il s’agissait de Marcelius Roberts. Le
sourire se figea lorsqu’il vit leur tenue.
- V… heu… vous êtes nues.
Tia baissa les draps sur leurs corps rapidement et lui
retourna un sourire goguenard.
- Brillante déduction, Sherlock !
Tia avait permis à Marcelius d’entrée avant que Lex ne
réalise qu’elle avait entendu un bruit. Elle remonta vivement le drap sur sa
poitrine puis voyant que Tia ne bougeait pas et que le regard de leur hôte
était figé sur la dite poitrine, elle se dépêcha de le remonter le drap sur sa
compagne aussi.
Elle fusilla les deux des yeux mais dut reconnaître que
Marcelius ne pouvait pas vraiment faire autre chose. Tia avait une poitrine de
déesse. Donc s’était entièrement la faute de sa femme. Elle reporta alors sa
colère sur elle.
Tia sourit et leva un sourcil hautain avant de se tourner
vers leur nouvel interlocuteur.
- Vous devez être M. Roberts ?
L’homme hocha la tête en s’efforçant de retrouver
contenance.
- Tia Kensington, fit-elle en tendant une main qu’il prit et
serra.
Puis il sembla enfin recouvrer ses esprits et rougit en
s’empressant de se détourner.
- Je… je vous laisse vous habiller, fit-il en se dirigeant
rapidement vers la porte. Le petit-déjeuner vous attend sur la terrasse. Je… si
vous ne parvenez pas à trouver la terrasse appelez et Jeffers vous guidera.
Sur ce il ferma la porte et les laissa à leur occupation.
- Jeffers ?
- Se doit être le majordome.
- Ha, ok, fit Tia en se levant et en s’étirant.
Lex profita de la vue puis se détourna à contrecœur pour
faire de même.
- Au fait, fit-t-elle en attrapant de quoi se laver dans
l’armoire de la chambre, pourquoi t’es-tu présentée à lui ?
- Pourquoi je ne l’aurais pas fait ? On sait qui il
est. Sa réputation parle de lui-même. Pourquoi ? Tu ne l’as pas fait
toi ?
- Non.
- Et il ne s’en est pas offusqué ? Il est bien fait.
- Je me méfiais au début. Et après… eh bien je n’étais pas
très sûre de la marche à suivre. On a déjà tellement d’ennuis.
- Hum, je comprends, eh bien n’oublie pas de te présenter
tout à l’heure.
Lex acquiesça et se dirigea vers la salle de bains, Tia sur
ses talons.
*******************************************
Elles rejoignirent leur hôte sur la terrasse, qui les
avaient attendues pour commencer et Tia engloutit presque toutes les
pâtisseries à elle seule.
- Vous avez un bon coup de fourchette, remarqua-t-il amusé.
Tia lui fit un grand sourire sans cesser son va-et-vient
entre son assiette et sa bouche. Lex secoua la tête en levant les yeux au ciel.
- Excusez son manque de manière, elle mourrait de faim.
- Je comprends, ne vous excusez pas. Vous avez besoin de
reprendre des forces et je le comprends. Puis-je vous demander ce qui vous est
arrivée ?
Tia avala et sourit.
- Vous pouvez.
Marcelius hocha la tête et attendit. Après un silence il
demanda :
- Alors ?
- Alors quoi ?
- Que vous est-il arrivée ?
Tia gloussa :
- Je n’ai pas dit que j’y répondrai.
Estomaqué, le millionnaire se tourna vers Lex qui haussa les
épaules avec l’air de dire : je vous avez dit qu’elle était unique.
Revenant à la grande femme il hocha la tête, acceptant sa réponse.
- Depuis quand sommes-nous ici ? Demanda Tia à la
ronde.
- Hier matin, répondit le millionnaire. Vous étiez sur ma
plage un peu plus loin, expliqua-t-il en anticipant sa question, et vous aviez
l’air mal en point alors je vous ai portée jusque chez moi et j’ai appelé un
médecin.
- C’était très aimable à vous, fit Tia. Rien ne vous y
obligeait. Et nous aurions pu être des arnaqueuses.
- Je n’ai pas tellement réfléchi. Vous aviez l’air d’avoir
besoin d’aide et c’est tout.
Tia pencha la tête de côté et un doux sourire naquit sur son
visage alors qu’elle l’étudiait.
- Vous êtes quelqu’un de bien.
- Vous dites ça, comme si c’était rare.
Tia eut un petit rire dépréciateur.
- C’est rare, fit-elle en découpant son pancake avant de
l’arroser de Nutella. Vous êtes aussi un fan du Nutella ? Fit-elle avec un
sourire malicieux.
- Pas vraiment. Mais votre femme m’a touché deux mots de
votre passion pour le chocolat en général et le Nutella en particulier, aussi
je me suis permis de vous en acheter.
Tia le dévisagea stupéfaite.
- Eh ben… on peut dire que vous savez recevoir, vous !
S’exclama-t-elle.
Lex se mordit la lèvre et avala une dose de sa drogue
personnelle : du café colombien fraîchement moulu.
- Merci, fit-il en souriant.
- Que peut-on faire pour vous dédommager ? Interrogea
Tia en sachant parfaitement ce que serait la réponse.
- Rien, voyons ! S’insurgea-t-il violemment. Je vous
l’ai dit, vous aviez besoin d’aide, je vous ai donné la mienne un point c’est
tout !
Tia hocha la tête sans se vexer du ton revêche.
- Très bien. Mais nous permettez-vous quand même de vous
être redevable ?
Le millionnaire réfléchit sans la quitter des yeux. La
petite femme, qui s’était finalement présentée, Lex donc, avait raison, elle
était magnifique. Une des plus belles créatures que la terre avait portées.
Mais Lex était loin de saisir toute l’étendue de sa propre beauté.
Il pouvait déceler sur le visage de la grande femme une
noblesse et une fierté qui existaient chez peu de gens. Elle prendrait comme
une insulte un refus de sa part.
- Je veux bien, accepta-t-il finalement.
Tia et lui se dévisagèrent et sourirent. Ils se
comprenaient. Tia tourna un regard amusé vers sa femme. C’était marrant de se découvrir
sur la même longueur d’onde qu’un type aussi loin de sa nature.
Elle le fixa un moment et… un flash fusa soudain. Celui d’un
homme aussi haut que large. Un homme d’une beauté stupéfiante à la force d’un
demi-dieu. Les cheveux mi-longs lui retombant sur le visage, il lui sourit avec
une chaleur tranquille qui la réchauffa de l’intérieur.
Tia revint au présent et dévisage l’homme à la taille
moyenne, aux yeux gris et aux cheveux noirs qui la fixait. « Géniale,
songea-t-elle désabusée, encore une ancienne connaissance »
C’était marrant comme les gens de son passé ne ressemblaient
pas du tout à ceux qu’ils étaient maintenant. Exception faite de sa belle,
évidemment, se dit-elle en se tournant vers Lex.
Elle se concentra un peu sur le millionnaire pendant qu’il
discutait avec Lex et tenta de retrouver le nom qu’il portait avant. Elle mit
presque une demi-heure à mettre un nom sur le visage qu’elle avait dans son
esprit.
- Hercule… souffla-t-elle finalement.
« Un demi-dieu » songea-t-elle éberluée. « Un
demi-dieu devenu complètement humain. » Mais elle devait convenir que ce
n’était pas n’importe quel humain.
- En tout cas, ça explique qu’il ait pu me porter malgré son
petit gabarit, murmura-t-elle en s’appuyant sur ses coudes.
Marcelius et elles discutèrent encore quelques minutes puis
elles acceptèrent une balade sur la plage à l’issue de laquelle ils se
séparèrent non sans échanger des moyens de contact pour plus tard.
Tia et Lex rentrèrent au bed and breakfast en se tenant par
la main.
- J’ai bien envie de l’inviter à notre mariage, fit Lex
soudain.
- Notre mariage ? Mais Lex on est déjà mariée !
La petite femme lui jeta un regard noir.
- Tu m’as dit qu’on pourrait se marier autant de fois que
j’en aurais envie, menaça-t-elle.
- Oh bon, oui, bien sûr, comme tu veux, fit la grande femme
en levant les yeux au ciel.
Lex avait parfois de ces lubies !
- Donc en rentrant je pensais organiser l’anniversaire des
jumeaux en même temps que notre mariage, poursuivit sa petite compagne
joyeusement.
Tia la dévisagea circonspecte.
- Je ne suis pas certaine que se soit une excellente idée.
- Et pourquoi ça ?
- ben… c’est leur 18ième anniversaire, c’est important. Je n’ai pas
très envie qu’on leur vole la vedette. Sans compter qu’ils méritent bien une
fête pour eux seuls vu ce qu’ils ont traversé ces dernières semaines.
Lex sembla réfléchir.
- Tu as raison. On célèbrera notre mariage la semaine
suivante ! On invitera tous les voisins et nos amis !
« Surtout Enyalios », songea la petite femme en
anticipant son grincement de dents avec le sourire.
- Heu, Lex, tu prévois un grand mariage ? L’interrogea
anxieusement sa compagne.
- Evidemment, répondit-elle distraitement.
Tia paniqua.
- Mais… heu… Lex, on n’a pas le temps pour ça ! Je veux
dire une semaine, c’est cours et en plus on a la fête des jumeaux à s’occuper
aussi, ça va pas être possible, là !
Lex balaya l’argument d’un revers de main insouciant.
- Les préparateurs de mariages sont faits pour ça.
- N’empêche une semaine ça me paraît quand même cours,
marmonna la grande femme néanmoins grandement soulagée de ne pas avoir à s’en
occuper elle-même.
Alexia s’arrêta soudainement et posa les mains sur les
hanches.
- Tu n’as pas envie de te marier, c’est ça ?!
Demanda-t-elle en colère. Si c’est ça dit-le au lieu de tourner autour du
pot !
Tia la fixait stupéfaite.
- Mais... mais non enfin, bafouilla-t-elle lamentablement.
Je te rappelle qu’on est déjà mariée. Je pourrais difficilement te prouver plus
mon engagement.
- C’est vrai, acquiesça Lex en reprenant son chemin.
Elle attrapa le bras de Tia et s’y blottit.
- Mais j’aimerais un grand mariage Ti. Et… et peut-être que
si mon père voit combien c’est sérieux entre nous… peut-être qu’il révisera sa
position, expliqua-t-elle plus doucement.
Le cœur de Tia se serra. Lex en parlait rarement, mais Tia
savait combien elle était affectée par la défection de son père.
- Un grand mariage ça me semble pas si mal, fit-elle
nonchalamment. Du moment que je n’ai pas à m’en occuper…
Lex éclata de rire.
- Comme si j’étais assez folle pour confier l’organisation
d’un événement aussi important à une femme qui mange des huîtres et des
escargots !!
- Lex..., soupira Tia pour la énième fois. Plein de gens en
mangent.
Chapitre 3 :
Elles retrouvèrent leur chambre comme elles
l’avaient laissée et les yeux de la propriétaire disaient clairement qu’elle
savait ce que toutes deux avaient fait la nuit et la journée passées.
- Elle se fait des idées, commenta Tia en
refermant leur porte.
- Pas tellement, la contredit sa femme.
- Elle croit qu’on a passé tout notre temps,
depuis notre départ y’a deux jours, à forniquer.
Lex éclata de rire.
- Qu’est-ce que j’ai dit de drôle ?
- Forniquer… tu me tues chérie…, fit la petite
blonde en s’essuyant les yeux. Et puis on l’a presque fait ce matin, alors elle
n’a pas totalement tort.
- Ce matin, c’est pas deux jours durant, non
plus !
Tia secoua la tête et décida d’arrêter
d’alimenter cette conversation absurde.
- Qu’as-tu envie de faire aujourd’hui ?
Demanda-t-elle à sa femme.
- Eh bien, je sais que tu voulais trouver la
copine de Len, mais j’aimerais d’abord étudier le livre que nous a donné Harry
si ça ne t’ennuie pas.
- Du tout, fit la grande femme en sautant sur le
lit à ses côtés.
Lex rit quand les rebonds la déséquilibrèrent.
Elle s’accrocha à la chemise que Marcelius avait achetée pour Tia et se
redressa. Elle allongea ses jambes devant elle à l’image de sa compagne et posa
le livre sur ses genoux.
Pendant l’heure qui suivit Lex et Tia lurent en
silence. Puis Tia marmonna qu’elle était crevée et s’allongea en priant Lex de
lui faire un résumé plus tard.
La petite blonde la regarda faire avec un peu
d’inquiétude. Tia n’était jamais fatiguée au milieu de la journée. En fait elle
n’était jamais fatiguée du tout. En temps normal il fallait qu’elle l’attire au
lit par des procédés retors, qui étaient d’ailleurs loin de lui déplaire, et
même là, rien ne garantissait que Tia resterait au lit une fois ses envies
satisfaites.
Elle la veilla quelques minutes, s’assurant que
sa respiration était calme et profonde et qu’elle était détendue. Elle alla
même jusqu'à vérifier l’état mental de sa compagne en examinant leur lien et la
flamme de sa compagne.
Les deux étant plutôt normaux, elle conclut que
c’était juste un effet résiduel de l’attaque et que Tia récupérait simplement.
Elle se força à retourner à sa lecture.
Les premières pages parlaient uniquement des
raisons qui avaient amené à la création d’une telle cérémonie et des bagues
allant avec. Elles retraçaient l’histoire des fils du vent en même temps que celle
des unions d’âmes.
Elle apprit ainsi que le but de ces cérémonies
étaient de permettre aux deux amants qui se liaient ainsi, de se retrouver dans
leur mort et dans leurs prochaines vies. Pour cela, les deux amants se devaient
d’avoir leur bague au doigt au moment de leur mort. Cela confirmait ce que lui
avait dit Gardan.
Suivait ensuite le descriptif de la cérémonie et
les effets qu’elle avait sur les deux personnes s’unissant. Enfin, on arrivait
aux « effets secondaires »
Elle apprit des choses fort étonnantes qui
confirmèrent certains soupçons qu’elle avait eu. Comme le fait de pouvoir se
perdre l’une dans l’autre et avoir une expérience sexuelle hautement
satisfaisante sans même se toucher autrement que par les yeux.
Mais cela demandait une confiance absolue en
l’autre et une très grande connexion naturelle. Seuls quelques couples ayant
suivi le rituel de liaison des âmes en étaient capables. Elle jeta un œil à la
femme endormie à ses côtés et murmura :
- Une très grande connexion, hein ?
Elle était très fière de voir que leur lien,
même parmi les liens spéciaux, était encore plus rare. Après la description des
symptômes permettant de reconnaître ce phénomène, appelé : le sexe chez
les anges ou encore connexion spirituelle, suivait un avertissement.
Cette connexion était intense, tellement que
l’on pouvait ne pas en revenir. Elle était donc à utiliser avec un maximum de
précautions. Dans le livre, ils préconisaient de demander à un tiers de les
surveiller et de les sortir de leur transe s’il les sentait partir trop loin.
Arrivée à ce stade de sa lecture, Lex baissa le
livre et se mit à réfléchir. Elle ne se voyait pas le moins du monde faire
l’amour avec sa femme sous les yeux d’une tierce personne. L’image de Linya
traversa son esprit. A cette idée, elle rougit d’embarras. Ok, son amie avait
des liens particuliers avec elles deux et elle avait presque assisté une fois à
leur ébat, ce qui l’avait étrangement émoustillée, mais non… rien à faire… elle
se laissait tellement aller lorsque Tia l’amenait sur les hauteurs du plaisir
qu’elle ne se voyait vraiment pas montrer un tel visage à sa meilleure amie.
Elle reprit sa lecture dans l’espoir de trouver
d’autres précautions moins bizarres à mettre en place.
Elle lut tout attentivement mais rien ne lui
parut très utile ou faisable. Finalement elle haussa les épaules et se dit
qu’elles en avaient déjà fait l’expérience et qu’elles en étaient revenues sans
problème. Alors il n’y avait pas de raison pour que ça ne continue pas.
Venait ensuite une série de conseils sur la
façon, les lieux ou les ambiances à mettre en place avant la connexion afin
d’en… varier la teneur. Lex réfléchit un moment à ces propos un peu flous puis
un sourire fleurit sur ses lèvres et elle relut le passage attentivement.
Il décrivait avec force détails différentes
connexions sexuelles. « Un peu comme les différentes positions du
Kâma-Sûtra », songea la petite femme en lisant le tout plusieurs fois.
A la fin du livre, elle vit des colonnes de noms
et comprit qu’il s’agissait de ceux ayant procédé aux unions des âmes.
Plusieurs couleurs étaient utilisées. Le noir, le rouge, le jaune, le blanc et
le violet. D’après la légende inscrite en face, le noir était pour les couples
morts mais séparés. Le rouge pour les couples morts mais ensemble qui ont
choisi de renaître. Le jaune pour les couples vivants. Le blanc pour ceux morts
mais qui ont choisi de rester ensemble dans l’au-delà. Et le violet pour les
couples s’étant perdus dans la connexion spirituelle.
Lex observa stupéfaite un des couples écrit à
l’encre noire changer. D’autres noms apparurent à côté des anciens. Ces
nouveaux noms étaient en bleu. Et Lex comprit que ce couple venait de renaître
quelque part sur cette terre, mais qu’ils ne s’étaient pas encore trouvés. Les
deux noms avaient la même couleur, ce qui signifiait qu’ils avaient eu la
chance de naître dans le même espace temps.
En lisant les dernières lignes du livre Lex vit
que son nom et celui de Tia y étaient inscrits. Stupéfaite elle vit les noms de
leur première existence ensemble : Xena et Gabrielle, suivaient un tas
d’autres noms, ceux de leurs existences suivantes et Lex eut la confirmation de
ce que la louve avait dit. Les couleurs n’étaient les mêmes qu’a deux reprises.
Et d’après la couleur terne du premier elles n’avaient pas eu le temps dans
cette existence de réellement se lier.
Le second… le second était maintenant. Et leur
lien était symbolisé par un chaud jaune qui scintillait doucement à la lumière
du jour.
Elle vit qu’il n’y avait que dix couples liés
ainsi et encore en vie de part le monde. Elle chercha et trouva le nom de
Gardan. Mais s’il était jaune comme le soleil, ce qui marquait un lien fort et
vivant, elle vit qu’il ne scintillait pas comme le sien et celui de Tia.
En fait, exception faite d’elle et Tia, aucun
des autres couples liés comme elles, ne scintillait. Lex sourit tout à fait
satisfaite de voir à quel point le couple qu’elle formait avec Tia était à part
et referma le livre.
Elle s’allongea au côté de l’être avec qui elle
était liée depuis des siècles et avec laquelle elle espérait bien rester liée
d’autres siècles durant et s’enroula autour d’elle, comme une liane vivante.
Tia bougea un peu pour se caler tranquillement
contre sa poitrine puis se rendormit. Lex ne tarda pas à la rejoindre dans ses
rêves.
**************************************
L’après-midi était déjà bien avancé lorsqu’elles
sortirent de leur chambre. Elles prirent une collation avec les autres
pensionnaires du Bed and Breakfast puis sortirent en prévenant la propriétaire
de ne pas les attendre pour le dîner.
- Ah ? Tu m’emmènes au restaurant ce
soir ? Interrogea Lex tout excitée à cette perspective.
- Humm, on verra.
Lex leva deux sourcils perplexes devant la
réponse évasive. Tia réprima un sourire devant la curiosité qui dévorait son
amie. Celle-ci se retenait de poser des questions sachant parfaitement que Tia
s’amuserait à ses dépends sans rien lui révéler.
La mercenaire ne comptait pas du tout emmener sa
compagne au restaurant. Elle avait eu une idée pendant qu’elle prenait leur
collation et avait attendu qu’un de leur voisin n’accapare sa femme pour se
précipiter vers la propriétaire et lui demander un service. Celle-ci avait paru
enchantée par l’idée de Tia et encore plus heureuse à l’idée d’y participer.
Elle mit ses mains dans ses poches et Lex
s’accrocha à son bras. Tia aimait beaucoup ce contact si féminin et pourtant
plein d’une élégance surannée.
Elle avait l’impression d’être un gentleman du
siècle dernier à lui donner ainsi le bras et elle adorait cette sensation désuète.
Elle échangea un regard avec sa compagne et
marchèrent en flânant en direction de la maison où vivait Jenny. Elles
n’avaient pas le moins du monde l’intention de frapper à la porte mais de la
surveiller.
Tia avait bien suggéré de laisser un simple mot,
mais Lex avait décrété que ce n’était pas correct et que la jeune fille
méritait au moins une explication en tête-à-tête, avec la possibilité de poser
des questions.
Elles se retrouvèrent une heure plus tard devant
l’immeuble qui abritait la demeure de Jenny. Tia s’appuyait sur le muret en
pierre entourant le parc qui se trouvait en face de l’immeuble. Lex s’installa
entre ses bras et profitèrent de leur proximité silencieuse tout en surveillant
les allées et venues.
Après à peine quelques minutes d’attente les
filles virent Jenny sortir de l’immeuble.
- Eh ben, on a de la chance aujourd’hui, fit Tia
en se redressant.
Et juste pour embêter sa compagne elle lança
joyeusement :
- Ca ne nous mettra finalement pas en retard
pour le dîner.
Lex fit la moue mais ne répliqua rien, ça aurait
fait trop plaisir à la grande femme. Elle la suivit alors que Tia allongeait
ses enjambées pour rattraper l’adolescente. Jenny parvint au coin de la rue
avant qu’elles ne l’aient rattrapée et elles la virent prendre à gauche et
disparaître de leur vue.
- On devrait peut-être courir, non ? Lança
Lex en ne voyant pas sa compagne accélérer le mouvement.
- Non.
- Ok, répondit-elle un peu perplexe.
Elles parvinrent à leur tour au coin de la rue
et s’engouffrèrent dans la ruelle choisie par Jenny et Lex comprit pourquoi Tia
n’avait pas jugé bon d’accélérer. C’était une impasse. Un bar et deux boutiques
se trouvaient là. L’une était une librairie et l’autre une laverie automatique.
Sans hésiter Tia entra dans la librairie. Lex l’attendit
dehors pour le cas où et Tia ressortit quelques minutes plus tard en compagnie
de l’adolescente qui dévisageait sa compagne la bouche grand ouverte.
Lex réprima un ricanement. Tia faisait souvent
cette impression aux gens. Sans un mot la grande femme les emmena dans le bar
en face et les poussa dans un box à l’écart. Elles attendirent le serveur en
silence et commandèrent deux bières et un diabolo menthe.
Lorsque ce fut fait, Jenny dévisagea
l’intimidante mère de son premier amour et tenta de deviner ce que cette femme
lui voulait.
« Peut-être venait-elle lui donner des
nouvelles de Len ? », songea-t-elle avec espoir avant de s’assombrir
en se disant que si Len devait envoyer sa mère pour lui parler ce ne devait pas
être pour de bonnes nouvelles.
Elle déglutit un peu anxieuse sans pouvoir
s’empêcher de regarder aux alentours, des fois que Len s’y trouvait…
Mais bien sûr il n’était pas là. Même si elle
s’en doutait, la déception fut intense. Il lui manquait. Elle ne comprenait pas
pourquoi il était parti sans rien lui dire. Puis elle leva les yeux sur la
grande femme. Peut-être était-ce de sa faute ? Oui, sûrement. Après tout,
la fois où elle les avait surpris ensemble, elle était loin d’avoir l’air
d’approuver.
Elle était donc sûrement là pour lui dire de ne
plus approcher son fils. « Mais si elle croyait qu’elle pourrait l’en
dissuader elle rêvait ! », songea-t-elle en redressant les épaules et
en levant son menton dans un geste décidé, plein de défis.
Celui-ci n’échappa pas à la grande femme et le
sourire moqueur qu’elle reçut en retour la fit frémir. Autant de colère pour ne
pas être prise au sérieux, que de frayeur, cette femme était réellement
impressionnante. Elle dégageait une aura sombre et avait une présence très
forte.
Enfin le serveur arriva et déposa leurs
commandes brisant la tension ambiante qui commençait à lui mettre les nerfs à
fleur de peau.
Sitôt son diabolo devant elle, Jenny s’empressa
de boire une gorgée, espérant ainsi dénouer sa gorge un peu crispée.
- Bon, fit-elle courageusement en reposant son
verre, qu’est-ce que vous me voulez ?
Tia la vit prendre son courage à deux mains
avant de poser cette question, mais elle apprécia que la jeune fille la regarde
dans les yeux. Son regard était clair, ferme et déterminé. La mercenaire
s’autorisa un nouveau sourire appréciateur. Son fils avait décidément bon goût.
- Te présenter nos excuses, fit-elle doucement.
La jeune fille sursauta comme si on l’avait
giflée et Tia réprima un rire moqueur.
- Je... heu… vraiment ?
- Vraiment, confirma Lex. Pour des raisons
personnelles nous avons dû nous absenter précipitamment. Mais Len regrettait
tellement de ne pas avoir pu te dire au revoir que nous avons finalement
décidées de passer te voir une fois les choses plus calme de notre côté.
- Il l’aurait bien fait lui-même, ajouta Tia,
mais il n’est pas ici. En fait il ne sait même pas que nous sommes venues te
voir.
- Oh.
Jenny digéra la nouvelle puis leva un regard
plein d’espoir sur les deux femmes.
- Est-ce que ça veut dire que je vais pouvoir l’appeler ?
Les deux femmes échangèrent un regard rapide.
- Pourquoi pas ? Lança Tia tranquillement.
Je suis sûre que cela lui fera plaisir.
- Et le revoir ? Demanda-t-elle encore.
Tia retint une grimace. « Partages Tia,
apprends à partager ». Elle avait parfaitement conscience de ne pas aimer
voir quelqu’un, un autre ado surtout, s’approcher de ses enfants, mais Lex lui
avait suffisamment fait la leçon quand le petit crétin dénommé David avait fait
la cour à leur fille.
- Si tu veux, répondit-elle en haussant les
épaules. Ceci dit…
- Oui ?
Jenny pressentait un ennui et elle ne fut pas
déçue.
- Nous habitons au Canada.
L’adolescente s’affaissa sur son siège. Son père
n’aurait jamais assez d’argent pour lui payer un billet d’avion. Surtout s’il
s’agissait d’aller rendre visite à un garçon ! Dont elle était amoureuse
en plus !
Elle soupira et Tia prit pitié devant son air
misérable.
- On va fêter son anniversaire, ses 18 ans,
précisa-t-elle, à la fin de la semaine. Je pense qu’il serait vraiment ravi de
t’y voir, alors… si tu n’as rien de mieux à faire, on peut rentrer avec toi.
Les yeux brillants de joie et d’espoir, la jeune
fille demanda timidement :
- Mais le billet…
- Payer, s’empressa de répondre Tia. Pas de
souci. Se sera considéré comme son cadeau d’anniversaire.
- V… vraiment ? S’exclama la jeune fille en
se levant soudainement. Vous êtes sure ?
Tia hocha la tête et l’adolescente lui sauta au
cou. Tia se figea et son expression fut digne d’un lapin prit dans les phares
d’une voiture. Lex détourna les yeux de peur de se faire couper la langue si
Tia la surprenait à rire.
La grande femme parvint à se dégager
maladroitement et dit en se levant :
- Bon, ben puisque c’est ok, on va aller voir
ton père pour obtenir son autorisation, ok ?
L’expression de Jenny s’assombrit quelque peu,
elle connaissait bien son père et obtenir cette autorisation n’allait pas être
une chose facile.
******************************
Tout au long de la négociation, et on ne pouvait
décemment pas qualifier le débat qui avait opposé le père de Jenny aux deux
femmes autrement, Tia resta muette et en retrait, laissant sa petite compagne
gérer la chose comme à leur habitude.
Dès le départ, et à la surprise générale, Lex
mena la discussion, prenant tout de suite l’ascendant sur le commissaire
pourtant habitué à ce genre de méthode. Elle dirigea le débat avec son
efficacité habituelle, mettant en évidence les points forts et atténuant les
points négatifs du voyage.
Au début le commissaire fut rétif. Il ne les
connaissait ni d’Eve, ni d’Adam et n’avait jamais entendu parler de Len. Mais
Lex opéra son tour de magie et Jonathan se retrouva rapidement sous son charme.
Lex savait manipuler les mots autant que
certaines parties de son corps et après une demi-heure d’une âpre discussion,
elle repartit avec un accord. Jenny pouvait venir. Mais lui, l’accompagnait.
Les deux femmes avaient proposé de payer son billet d’avion mais il avait
refusé d’un air pincé.
Il avait déjà eu bien du mal à accepter de les
laisser payer celui de sa fille.
- Voilà une romance qui va nous coûter cher,
lança Tia en mettant le pied dehors.
- Mais ça en vaut la peine.
Tia fit la moue. Elle n’en était pas convaincue.
Lex rit en lui prenant le bras.
- Tia, la gronda-t-elle doucement, lâche lui la
bride…
La grande femme marmonna dans sa barbe.
- Qu’est-ce que tu as dit, mon cœur ?
S’enquit Lex malicieuse.
- Rien, répondit Tia bougonne en la fusillant du
regard.
Lex sourit puis laissa son regard errer sur la
foule qui se pressait alors que la nuit commençait à tomber.
- Alors ?
- Alors ? Répéta Tia.
- Que fait-on ? Où m’emmènes-tu
manger ?
Instantanément, la mercenaire retrouva son
sourire et accéléra le pas.
- C’est une surprise, fit-elle.
- Oh ? Sans blague, rétorqua la petite
blonde. Je ne l’aurais jamais deviné ! Fit-elle faussement naïve.
Tia rit et lui fit retraverser le centre ville.
Comme elles prenaient leur temps malgré l’impatience de Lex, elles n’en
sortirent que lorsque la nuit fut complète. Tia hocha la tête satisfaite.
- Parfait, murmura-t-elle.
Sur ce elle l’entraîna en direction de la plage.
Un coin éloigné et désert que les habitants de l’île ne fréquentaient pas à
cause de son isolement et la petitesse de sa langue de sable. Pourtant le lieu
était magnifique.
Et lorsque la grande femme mena sa compagne
juste au bord, le décor en était sublimé. La lune éclairait d’une lueur
argentée l’eau et les bougies allumées et disposées un peu partout rendaient le
lieu juste féerique.
Lex lâcha le bras de sa compagne et s’avança
émerveillée. Une couverture avait été
disposée au centre et des mets au fumet délicieux la recouvraient. D’autres
bougies encadraient une couverture à l’aspect moelleux à côté.
Enfin une douce musique s’échappait d’un poste
posé sur les rochers au loin. Mais lorsque Tia s’avança sur la langue de sable,
elle l’éteignit et se tournant vers la mer, huma son parfum iodé.
- C’est mieux au naturel, fit-elle en se
tournant vers sa femme avec un sourire heureux et serein.
Lex la trouva plus belle que jamais, les cheveux
volant au vent et le regard brillant de bonheur devant sa joie. Elle grava
soigneusement l’image au fond d’elle. C’était un de ses moments magiques et
parfaits qui n’arrivait jamais et que l’on aurait voulu vivre éternellement.
Elles retirèrent leurs chaussures et
s’installèrent sur la couverture mise à cet effet. Tia allongée sur le dos et
Lex dans les bras. Tia fixait les étoiles parfaitement heureuse et souhaitant
plus que tout que ses parents la voient en cet instant et partagent son
bonheur, même juste un peu. Lex fixant les vagues et se baignant dans la
douceur de l’instant, consciente qu’en cet instant, elle était probablement la
personne la plus heureuse sur terre.
Une ombre tomba soudain sur elle et leur cacha
la lune. Tia détourna son regard des étoiles et sourit en reconnaissant leur
visiteur.
- Enfin, t’en as mis du temps Enrick.
Chapitre 4 :
Lex se redressa vivement mais Tia mit sa main dans son dos
et la retint avec fermeté.
- Tu restes ici mon cœur, murmura-t-elle à son oreille avant
de relâcher la pression dans son dos.
Lex hésita mais fit ce que lui demandait sa compagne même si
elle trouvait ça dangereux. Mais bon, Enrick s’était montré alors qu’il aurait
pu les tuer de loin, ça devait être bon signe. Elle changea néanmoins de
position afin de l’avoir dans son champ de vision puis se cala contre sa
compagne.
Celle-ci croisa ses mains sur son ventre envoyant de
délicieux frissons le long de son épiderme alors qu’elle la caressait du bout
du pouce dans un geste inconscient.
- Tu as l’intention de nous fixer en hauteur (pendant) encore longtemps ? Interrogea la grande femme avec un
sourire moqueur.
Lex le vit se raidir puis se détendre et enfin s’asseoir en
tailleur à leurs côtés. Elle écarquilla légèrement les yeux à la vue de ce
visage si parfait. « Dieu il est magnifique ! » songea-t-elle
stupéfaite.
Puis l’image de Tia surgit et elle les mit côte à côte dans
son esprit. Ils formaient un des couples les plus glamour qui soit… un peu
comme Brangelina. Ecœurée, elle le fusilla du regard sans qu’il ne comprenne
pourquoi.
Il se tourna vers la mercenaire et déclara :
- Avant que tu ne commences à dire quoi que se soit, sache
que j’ai une otage.
Tia se raidit et plissa les yeux.
- Explique.
Enrick leva la main où une petite télécommande était nichée.
- J’ai enfermé une passante dans une cave sur cette île.
Bien entendu elle a de la compagnie. Une bombe de ma fabrication, ce qui bien
entendu veut dire qu’elle ne suit aucun schéma de construction connu.
- Autrement dit, toi seul peut la désamorcer.
- Exact, confirma joyeusement le tueur à gage.
Une fois encore, Lex le trouva incroyablement proche de sa
compagne. Pas seulement pour sa perfection physique, mais aussi par son
efficacité et son professionnalisme. Elle retrouvait aussi en lui l’étincelle
de malice de sa compagne.
Bon sang, elle avait l’impression de voir ce qu’aurait-été
Tia si elle avait été un homme ! C’était extrêmement déstabilisant. Elle
se força à stopper son examen et à revenir à la conversation.
-… pas de regret de m’avoir laissé en plan ? Disait-il
à sa femme avec un sourire charmeur.
Lex plissa les yeux. Ne voyait-il pas qu’elle était dans ses
bras ?! Ne comprenait-il pas ce que ça signifiait ou était-il de ces
personnes pour qui ça ne comptait pas ?!
Ce qui l’agaçait le plus, c’est que Tia n’avait pas l’air
choqué par sa drague intempestive. Lex soupçonnait qu’avant de la connaître Tia
avait dû elle aussi pratiquer ce genre de méthode peu respectueuse. Et son
énervement grimpa encore d’un cran.
Enrick se pencha soudain vers les lèvres de sa compagne et
dans un réflexe incontrôlable Lex se redressa, leva la main et envoya son poing
dans la figure du malotru.
Sa tête partit en arrière et la seconde suivante Lex se
figea. « Oh merde ! » songea-t-elle ennuyée de n’avoir pu se
retenir avant la fin de la négociation. Là, ça risquait de tout compliquer.
Tia éclata de rire alors qu’Enrick dévisageait la petite
femme avec surprise tout en tenant son nez douloureux. Lorsque Tia repris son
souffle, elle vit Lex fixer, la mine sombre, leur interlocuteur qui lui, jetait
de fréquents coups d’œil méfiant à sa compagne.
Elle dut se mordre la lèvre pour ne pas repartir dans un fou
rire. Elle se redressa et se mit entre eux.
- Enrick, je te présente Lex. Ma femme.
Il fit la grimace, baissa les yeux puis haussa les épaules.
Il s’en était bien douté, mais comme à son habitude il avait zappé ce qui ne
l’intéressait pas pour se concentrer sur l’objet de son désir.
Il étudia la petite femme et son air féroce lui donna une
toute autre idée de la compagne de sa cible. Elle était bien plus sexy que ce
qu’il avait d’abord cru. Et puis ce coup de poing ! Quelle force dans un
si petit corps !
Il s’essuya le nez et lui fit un grand sourire joyeux. Elle
plissa un peu plus les yeux en faisant un mouvement de recul et son évidente
méfiance le ravi !
Il jeta un œil à Enyo et le sourire amusé de celle-ci lui
confirma qu’il ne craignait rien. Avec un peu de chance il pourrait dégoter une
partie à trois !
Tia réprima un ricanement en voyant le regard lubrique de
leur interlocuteur. Ses intentions étaient transparentes ! « S’il
savait le pauvre homme ! » songea-t-elle amusée, s’il savait combien
Lex lui arracherait les yeux avec plaisir, il stopperait tout de suite son
manège.
- Bon, fit la grande femme en attirant l’attention sur elle.
Si on passait à l’étape suivante ? Parce que je ne sais pas si tu as
remarqué Enrick mais tu interromps un dîner romantique là et j’ai hâte de
pouvoir profiter du reste de ma soirée donc vas droit au but s’il te plaît.
- C’est pas toi qui voulais me voir ? Sourit-il
- Aniock est mort, déclara la mercenaire avec un délicieux
sourire.
Enrick était à peine surpris. Cette femme méritait sa
réputation, pas de doute là dessus.
- Ton contrat est donc caduc.
Le tueur se permit un sourire en coin.
- Ca tu vois c’est moi qui en décide. Et il se trouve que
mon employeur m’a payé la totalité du contrat. En conséquence, mort ou vif cela
me laisse froid. Le contrat est maintenu. Il en va de ma réputation. Je suis
sûr que tu comprends ça.
- En effet.
- Donc si tu le veux bien, on va sauter les étapes de négociation et passer directement aux menaces.
Ces paroles amenèrent un grand sourire sur les lèvres de
Tia. Ils étaient exactement sur la même longueur d’onde.
- Je t’en prie, fit-elle très détendue.
- Tu me donnes Frédéric ou je fais sauter ma petite bombe et
la pauvre femme qui se trouve avec. Et l’immeuble sous lequel elle se trouve
aussi, ajouta-t-il nonchalamment. Et tous ceux qui y habitent.
Tia eut un petit sourire en coin et leva un sourcil
impressionné. Il était coriace le bougre.
- Qu’en penses-tu ?
- Je dis non.
- Ho ?
Là, Enrick devait s’avouer que ce n’était pas ce à quoi il
s’était attendu. Il avait pensé qu’au moins elle aurait hésité. Il la dévisagea
perplexe et curieux de savoir ce qu’elle préparait.
- C’est mon tour pour les menaces ? Demanda-t-elle
gentiment.
Il hocha la tête et l’écouta attentivement. Lex suivait
l’échange en ayant l’impression d’avoir plongé dans un monde parallèle.
« Jamais vu de menaces aussi civilisées ni détendues », se dit-elle
incrédule.
- Alors voilà, fit la mercenaire en déposant une clé USB sur
la couverture devant Enrick.
Celui-ci la prit et fronça les sourcils. Il leva un sourcil
interrogateur et la dévisagea.
- Va voir. Nous on ne bouge pas d’ici ! Déclara Tia
souriante.
Enrick hésita puis hocha la tête, ferma le poing sur la clé
et se leva. Il épousseta son pantalon et la fixa :
- J’en ai pour une demi-heure tout au plus.
Tia haussa les épaules et passa une main caressante sur
l’épaule de sa compagne sans quitter Enrick des yeux.
- Prends tout ton temps, dit-elle d’une voix séductrice.
Lex se surprit à réagir à la voix de sa compagne et son bas
ventre se contracta. Elle se traita de tous les noms. Comment pouvait-elle
penser au sexe dans une situation pareille ?!
Enrick les fixa toutes les deux avec un indéniable désir
dans les yeux.
- Je fais vite, fit-il avant de tourner les talons et de
partir rapidement.
Tia se tourna vers Lex en riant.
- Les hommes sont si faciles à exciter !
Puis elle vit le regard de Lex et dut réviser son jugement.
- Ok, y’a pas que les hommes, se moqua-t-elle.
Lex lui sauta dessus et Tia tomba à la renverse en riant.
Puis la bouche de Lex captura la sienne et une langue agile s’introduisit entre
ses lèvres. Tia profita des bonnes dispositions de sa femme pour laisser ses
mains se balader sur le corps palpitant au-dessus d’elle.
Elle remonta et retira le t-shirt de Lex puis dégrafa son
soutien-gorge et le jeta au loin. Elle enfouit son visage entre ses seins et
soupira.
Lex se sentit trembler (et le
souffle de Tia sur son nombril inonda son entrejambe.)
La tension et la jalousie nées à l’arrivée d’Enrick
se trouvèrent libérées au contact des mains, de la langue et du souffle de sa
femme.
L’ambiance romantique, la brise qui rendait sa
peau encore plus sensible, sa jalousie… tout ceci avait mené son excitation au
maximum. Elle haletait et n’en pouvant plus, se releva et se débarrassa de ce
qui lui restait comme vêtements.
Tia suivit son exemple plus lentement, se
repaissant de la vue excitante de sa femme nue debout au clair de lune. Lorsque enfin
Tia retira ses vêtements, Lex la repoussa sur la couverture et murmura :
- Laisse-moi faire.
Tia acquiesça et se laissa dominer avec délectation. Lex
passa son corps en revue avec fièvre et Tia se tordit en gémissant. Le souffle
court et le corps tendu à craquer, Tia supplia sa femme :
- Lex… Lex… je t’en prie…
(La jeune femme était aussi excitée que sa
compagne et elle ne se fit pas prier. Repoussant les
jambes de Tia elle se mordit la bouche en écartant les lèvres de sa vulve. La
chaleur et l’humidité qui s’en dégageait l’exaltait.
Une fois que se fut fait, elle ouvrit son propre sexe et le
colla avec douceur sur celui de sa compagne. La sensation que cela provoqua en
elles fut exquise et elles gémirent ensemble.
Appuyée sur ses avant-bras, Lex commença ses mouvements de va-et-vient et le frottement sur leurs clitoris respectif
augmenta les pulsations dans leur sang. Les frottements s’accélérèrent
rapidement et les halètements se firent plus lourds.
- Lex… je… j’ai envie…)
Tia rejeta sa tête en arrière et gémit. Puis empoigna sa
compagne et la fit basculer sur le dos en même temps qu’elle s’asseyait sur son
ventre. (Elle bloqua les mains de Lex le
temps que toutes deux reprennent leur souffle puis elle se pencha sur les seins
de Lex et les prit dans sa bouche.
Lorsqu’ils furent tendus au point d’être ultra sensibles et
de réagir à un simple frôlement, Tia passa sa main dans son dos et toucha
l’entrejambe de Lex sans quitter les yeux verts de vue. Ils luttèrent pour ne
pas se fermer et Tia se délecta de l’expression floue de sa compagne alors
qu’elle introduisait lentement ses doigts en elle.
Lex leva les deux mains et caressa les seins de sa femme.
Elle se souleva légèrement et embrassa le ventre ferme avant de retomber en arrière
vaincue par les assauts des doigts durs. Tout en agitant les hanches, Lex
glissa une de ses mains entre elles et trouva le clitoris très tendu de Tia.
Lex commença à s’en occuper tout en caressant les fesses et
les hanches de sa compagne de sa main libre.
Tia accompagnait le mouvement de hanches de Lex qui se
précipitait à la rencontre de ses doigts en se soulevant, à chaque va-et-vient,
légèrement.
Lorsque Lex agrippa la couverture en se cambrant et en
criant son extase, Tia s’enfonça aussi loin que possible puis se retira
rapidement et embrassa sa femme pour recueillir ses derniers moments de
plaisirs.
Elle s’allongea sur elle et écartant les jambes de Lex, elle
colla son sexe au sien et se frotta frénétiquement à elle, terminant l’acte
commencé par Lex.)
Alors que les vagues de plaisirs montaient de plus en plus,
Tia sentit deux mains attraper ses fesses et accompagner ses mouvements avec
force. Pantelante Tia plongea son regard sombre dans celui de Lex et celle-ci
la fixa intensément, voulant graver l’image de sa femme dans la jouissance.
Tia se mordit la lèvre pour s’empêcher de crier lorsque la
jouissance explosa dans ses reins. Et elle ferma les yeux, ce que Lex trouva
adorable.
Tia posa ensuite sa tête sur la poitrine de sa compagne et
reprit sa respiration pendant que Lex caressait ses cheveux. Tia adorait cette
sensation, elle avait alors l’impression d’être en sécurité et protégée.
Il n’y avait jamais eu que Lex pour lui donner ce sentiment.
Sous les gestes apaisants et réguliers, Tia finit par
s’assoupir et Lex ne fit rien pour l’en empêcher.
Elle n’avait pas oublié qu’Enrick allait revenir et elle avait bien l’intention
de faire passer et même graver au burin s’il le fallait dans l’esprit de cet
homme que Tia était à elle.
Elle attrapa un bout de la couverture et en recouvrit les
fesses de sa compagne, pas la peine de distraire le pauvre homme.
Elle continua sa caresse et observa les étoiles. Malgré
l’ingérence du tueur à gage, la soirée était parfaite et une fois encore Tia
avait fait preuve d’un grand romantisme.
Elle embrassa ses cheveux.
- Ma guerrière romantique…
Elle était si fleur bleue… mais… et ça Lex l’adorait, Tia ne
l’était qu’avec elle. Elle sourit aux étoiles et remercia les habitants des
cieux d’avoir mis sur sa route une personne aussi parfaite pour elle.
Une soirée parfaite qui concluait une journée parfaite… Elle
avait hâte d’essayer avec Tia les différentes connexions que le livre des
unions d’âmes avait décrites.
Elle entendit Enrick arriver et sourit sans bouger. Il se
planta, comme un peu plus tôt, au-dessus d’elles, projetant son ombre.
- Vous ne vous êtes pas ennuyées à ce que je vois.
- Pas vraiment, non, répondit Lex en caressant le dos nu de
sa compagne.
La petite femme sentit l’air s’alourdir et Enrick s’accroupit
à ses côtés d’un mouvement d’une rare fluidité, très gracieux. Il darda un
regard tendu sur elle, mélange de désir et de colère.
- Un problème ? Ne put-elle s’empêcher de le provoquer.
La clé peut-être ?
Enrick plissa des yeux agacés et Lex sourit, le défiant du
regard. Ils se jaugèrent un moment puis Enrick secoua la tête et lui fit un
grand sourire joyeux.
- Je crois que je vais adorer travailler avec vous, fit-il
en lui jetant la clé.
Il se releva et Lex le dévisagea surprise. De quoi
parlait-il ?
- Dites à votre femme que je suis d’accord, fit-il en
s’éloignant à grands pas. Surtout si j’ai droit à ce genre de spectacle à
chacune de nos rencontres ! Ajouta-t-il en riant.
Lex fit la grimace. Autant pour la leçon ! Après un
autre moment de paix, Lex sentit son ventre réclamer son dû et elle secoua
doucement sa compagne.
- Chérie ?
La mercenaire grogna mais ne se réveilla pas.
- Tia, mon cœur ? S’il te plaît… J’ai faim mon ange,
j’aimerais…
- Faim… ? Répéta la grande femme en ouvrant des yeux
gourmands. Moi aussi, ajouta-t-elle avant d’embrasser le creux de son cou ce
qui déclencha une agréable sensation de chaleur au creux de ses reins.
Lex réprima un sourire. Tia se réveillait toujours si elle
voyait une possibilité de sexe.
- Non, Ti, soupira Lex en la repoussant à contrecœur. J’ai
faim. De nourriture, expliqua-t-elle devant son
air perplexe.
- Oh, oui, bien sûr, marmonna-t-elle
d’un air déçu absolument adorable.
Lex fondit. Elle embrassa sa femme d’abord doucement puis de
plus en plus intensément. Enfin elle murmura :
- On peut remettre ça à plus tard, ok ?
- Ok, accepta la grande femme, charmée par son baiser.
Elles se levèrent et remirent leurs vêtements.
- D’autant qu’Enrick ne devrait plus tarder.
- Euh… chérie ?
- Hmm ?
Tia s’assit près des plats gentiment préparés par la propriétaire du Bed and Breakfast et
piocha une crevette qu’elle trempa dans une sauce faite maison.
- Hmmm, délicieux.
- Je… eh bien, Enrick est déjà passé en fait.
Tia stoppa son mouvement et la fixa.
- Pourquoi ne m’as-tu pas réveillée ?
Lex fit la grimace et éluda la question.
- Il nous à rendu la clé et a dit qu’il acceptait ta
proposition. Mais de quoi parlait-il ?
Tia la scruta un moment puis décida que ce n’était pas si
grave que Lex ne l’ait pas réveillée.
- Je lui ai montré les preuves que j’ai réunies concernant
son identité. Et en échange de mon silence je lui ai proposé une collaboration.
- Et c’est tout ? Je ne comprends pas Tia, on ne devait
pas le convaincre de renoncer au contrat ?
- C’est le cas, expliqua-t-elle. Dans le monde des tueurs à
gage un accord comme le nôtre équivaut à une association. Et on ne tue pas, on
ne contrarie pas et on ne double pas ses associés. Au contraire même. On
les aide lorsqu’il y a un problème.
- Vraiment. C’est… étrange, non ? Je veux dire son job
c’est de tuer contre de l’argent et… ce que tu décris… c’est un engagement.
Cela demande une telle loyauté !
- Justement. De part la spécificité de leur travail, ils ont
besoin d’avoir une personne sur qui compter en cas de besoin. Une personne dont
ils n’auront pas à se méfier. Cette personne est choisie très soigneusement et
il n’y en a pas d’autres. Comme tout le monde, ils ont besoin d’un soutien,
mais ne peuvent se permettre de faire confiance à trop de personnes. En
conséquence ils en choisissent une et mettent toute leur loyauté en elle.
- Eh ben, je ne m’en serais jamais douté…
- Peu de gens sont au courant et on devine pourquoi. Je me
suis assurée qu’Enrick n’avait personne avant de me proposer et voilà.
- Et voilà, répéta la petite femme. Tu veux dire,
comprit-elle soudain, que tu as une relation spéciale avec lui ? Toi toute
seule ? Avec lui ?
Tia sentit la tension s’installer et entreprit de la
désamorcer immédiatement.
- Je ne lui ai pas proposé de travailler avec moi, Lex, mais
avec nous.
- Mais… tu viens de dire qu’il n’investissait que dans une
relation.
- En effet, mais toi et moi ne formons qu’une personne et de
toute façon je ne lui ai pas laissé le choix. C’était nous deux ou rien.
- Oh.
Lex se sentit un peu honteuse mais aussi très soulagée de sa
réponse. Ensuite vint la joie. Elles ne formaient qu’une…
- Et comme tu l’as constaté, il a accepté.
- Oui. Et il en semblait plutôt content je dois dire.
Le coin des lèvres de Tia s’étira en un sourire amusé.
- Ca je devine aisément pourquoi…
- Hum ?
- Il est plus que beaucoup porté sur le sexe et il s’imagine
probablement pouvoir nous convaincre de faire une partie à trois un de ces quatre.
Lex eut l’air choqué et Tia se mit à rire.
- On dirait que tu n’as jamais entendu parler de ça !
Se moqua-t-elle. Je te rappelle que je propose régulièrement à Lin de nous
rejoindre !
- Mais… c’est pas pareil…, protesta la petite femme.
- Ah oui ? Tu préfères coucher avec Lin ?
- Tia ! J’ai pas envie de coucher avec Lin !!
La mercenaire éclata de rire. Sa femme était si facile à
faire tourner en bourrique !
Chapitre 5 :
Elles ne retournèrent dans leur chambre que tard
dans la nuit, après avoir largement profité des plats et de la pleine lune.
Elles s’étaient même baignées, pour un bain de minuit qui avait vite dégénéré.
Lex et Tia rentrèrent lentement, profitant des
rues vides et silencieuses, en se tenant la main comme deux collégiennes qui
viennent juste de se découvrir. Elles se lançaient de temps à autre des regards
malicieux et tendres puis se souriaient comme deux idiotes et détournaient le
regard.
Elles firent plusieurs détours histoire de
prolonger leur promenade et ne parvinrent à destination que bien après 3h du
matin.
Elles entrèrent sans faire de bruit dans
l’auberge et montèrent les escaliers jusqu'à leur chambre comme deux parfaites
cambrioleuses. Tia ouvrit la porte et laissa délibérément sa femme entrer en
première.
Elle s’appuya au chambranle et observa sa
compagne alors qu’elle découvrait la pièce. Ce fut d’abord de la surprise, qui
se changea rapidement en stupéfaction ce qui fit rire Tia, puis
l’émerveillement succéda bientôt à l’étonnement et Lex déambula dans la pièce,
complètement envoûtée par l’attention et la beauté enivrante du décor.
Tia avait fait disposer dans toute la chambre un
mélange de rose rouge, blanche et jaune ainsi que des marguerites, des boutons
d’or et des pâquerettes.
- Des pâquerettes, murmura la petite femme en en
prenant une, les larmes aux yeux.
Elle fit le tour de la pièce sans parvenir à
retenir ses larmes. Fleurs et bougies parfumées embaumaient toute la pièce et
le lit avait de nouveaux draps. En satin or.
Lex y passa la main. Doux comme des plumes
d’oies. Elle s’assit doucement au bord du lit et fixa sa femme, la pâquerette
toujours dans la main.
- En quel honneur ? Demanda-t-elle émue.
Tia entra enfin dans la chambre et referma la
porte avant d’avancer vers sa petite compagne. Elle hausa les épaules.
- Sans raison particulière. Parce que je t’aime
et que je suis heureuse que tu aies bien voulu m’épouser. Parce qu’enfin j’ai
le temps de te prouver combien je tiens à toi puisqu’on a plus à courir. Sans
raison réelle. C’est juste… que je t’aime.
Lex se
mordit la lèvre, refoulant les larmes qui roulaient sur ses joues depuis déjà
cinq bonnes minutes. Tia ouvrit un des tiroirs de la table de nuit et en sortie
un paquet enveloppé dans du papier cadeau.
Lex ouvrit de grand yeux surpris.
- Oh bon sang Ti, et après se sera quoi ?
Dit-elle la voix tremblante.
La mercenaire se contenta de sourire et s’assit
en face d’elle en lui tendant le paquet.
- Ouvre donc au lieu de le regarder comme s’il
allait exploser.
Lex acquiesça et prit le paquet entre ses mains,
mais ne l’ouvrit pas. Elle le fixa quelques minutes, indécise.
- Lex, l’interpella Tia inquiète, ça va ?
Tu… tu n’es pas contente ?
Lex releva vivement la tête.
- Pas contente ? Pas contente ? Tia
comment peux-tu poser cette question ?!
Incertaine, Tia la dévisagea essayant de lire
sur son visage.
- C’est merveilleux ! S’écria la petite
femme éperdument. Et ça l’est tellement et sans raison et… je n’arrive juste
pas à le croire, ok ? C’est si… si…. Oh mon dieu Tia ! Fit-elle en
s’effondrant en pleurs sur ses genoux.
La grande femme était stupéfaite. Ce n’était pas
du tout la réaction attendue. Elle avait peur d’avoir commis une bourde. Elle
se pencha vers sa compagne et l’entoura de ses bras puis elle se balança
d’avant en arrière en la serrant contre elle, sans rien dire.
Lorsque les larmes de Lex se tarirent, Tia fit
des cercles apaisants dans son dos et sa petite compagne finit par retrouver
une respiration plus normale. Elle resta quelques minutes ainsi puis s’arracha
à l’étreinte chaude et rassurante et soupira en s’essuyant les yeux.
- Excuse-moi, murmura-t-elle.
- T’excuser de quoi ? Demanda Tia en
attrapant une larme solitaire sur son index. Lex si j’ai fait quelque chose de
travers c’est moi qui m’excuse.
Lex secoua vigoureusement la tête.
- Non, non, Ti ! Tu n’as rien fait de
mal ! Au contraire ! Tout est si beau, si… inattendu. Il n’y a aucune
raison à tout ça ! Je veux dire pas d’anniversaire ou… autre chose qui
expliquerait une soirée aussi parfaite ! Et ça m’a fait réaliser combien
tu m’aimes et ça m’a fait ressentir combien je t’aime et ça a… juste débordé…
je suis désolée… J’adore ta surprise et c’est vraiment peu dire !
S’exclama la petite blonde en prenant le visage de son amante en coupe.
- Tu es sûre ?
- Certaine.
Le visage de Tia se détendit presque aussitôt et
un nouveau sourire fleurta avec ses lèvres.
- Alors… tu veux ouvrir ton cadeau ?
- Et comment ! Répondit la petite blonde en
riant.
Lex prit le paquet et s’apprêtait à le déchirer
lorsqu’elle s’arrêta. Elle releva la tête dévisage sa femme et dit :
- Merci.
Tia lui sourit tendrement.
- De rien.
Elles se regardèrent un long moment, l’amour se
mélangeant à l’air entre elles, le rendant presque palpable, puis Tia rompit le
silence et dit doucement :
- Allez ouvre-le. J’ai hâte de voir ta réaction.
Lex sourit et revint à son cadeau. Elle déchira
le papier cadeau sans remords et découvrit une boîte en bois ouvragée. Ancienne
et très finement travaillée, elle semblait porteuse de secrets anciens et de
messages intimes.
Lex se mordit la lèvre et leva les yeux sur sa
compagne qui guettait sa réaction.
- Comment… ?
Lex ne put poursuivre, sa voix s’enrouant, mais
Tia comprit la question informulée.
- Comment j’ai su ?
Lex hocha la tête et Tia rit.
- Sans vouloir t’offenser, tu n’es pas très
discrète quand tu repères un objet qui te plaît.
Lex se racla la gorge.
- Tu es retournée seule au magasin de Harry.
Quand ? J’étais avec toi tout le temps !
Tia sourit.
- Comme pour le reste. J’ai demandé son aide à
la propriétaire de l’auberge.
Lex la dévisagea et Tia expliqua :
- Elle a un esprit aussi fleur bleue que le tien
alors ça n’a pas été très difficile de la convaincre. Elle était même flattée
que je lui demande et tout émoustillée à l’idée de participer à une telle
chose.
La petite femme acquiesça.
- Mais ouvre donc cette boîte.
Lex fronça les sourcils.
- Parce qu’il y a quelque chose dedans ?
La grande femme ricana.
- C’est tout toi ça ! Tu as vu la boîte,
elle t’a plu mais tu n’as pas cherché à l’ouvrir.
- Harry m’aurait zigouillée si j’avais eu le
malheur de toucher à un de ses précieux objets, marmonna Lex un peu vexée.
Lex dégagea complètement la boîte de son
emballage et la leva pour l’observer à la lumière de la lampe. Elle la tourna
et la retourna et sourit.
- Regarde, fit-elle à son amie émerveillée, elle
est… si belle, si… magique… on sent qu’elle à une histoire… et qu’elle recèle des
tas de secrets.
Tia sourit. Lex revint à la boîte. Elle l’avait
repérée la dernière fois où elles étaient allées dans la boutique de Harry.
Elle avait cru être discrète pourtant. Mais apparemment ça n’avait pas été le
cas.
La boîte, rectangulaire l’avait tout de suite
fascinée. Elle était en bois fin et les ornements étaient si travaillés, si
minutieux qu’elle en avait été époustouflée dans la seconde. La boîte dégageait
une aura de mystère et d’ancienneté qui l’attirait irrésistiblement.
Lex tendit une main respectueuse vers la boîte
et la caressa lentement avant de se de décider enfin à l’ouvrir.
Aussitôt des notes retentirent et une splendide
mélodie envahit la pièce. Lex resta un instant bouche bée puis releva la tête
et posa des yeux enchantés sur sa compagne. Tia lui sourit et elles écoutèrent
la superbe mélodie sans se quitter des yeux.
Lorsque les dernières notes s’égrenèrent, Lex
baissa les yeux sur la boîte et referma le couvercle lentement.
- Je… c’est superbe. Merci.
Lex secoua la tête.
- Les mots sont trop faibles pour exprimer ce
que je ressens en cet instant et j’en suis désolée car tout ce que je peux te
dire c’est… merci.
Tia sourit et l’attira à elle.
- Moi, ça me suffit.
**************************************
La nuit fut calme pour les deux jeunes femmes
qui dormirent enlacées. Mais au petit matin, les rêves de Tia se firent plus
sombres et elle se réveilla la première en sentant que les prochaines nuits
allaient être difficiles.
Elle resserra l’étreinte autour de sa femme et
huma l’odeur personnelle qui savait si bien la réconforter. Après quelques
minutes à écouter les battements de cœur de sa femme, Tia se sentit plus calme.
Elle savait d’où venaient ses rêves et la raison
de leur retour. Peut-être devait-elle enfin en parler ? L’exorciser plutôt
que de le garder enfermé et enfoui en elle comme si ça n’avait jamais eu
lieu ?
Elle se demanda pourquoi ce souvenir était le
pire pour elle.
Sassem avait été douloureux, horrible et
terrifiant à se remémorer. Pourtant, il était loin de la déstabiliser autant
que celui-ci.
Peut-être parce que c’était le dernier ou bien
parce qu’il s’agissait de Ronin.
Quoi qu’il en soit, c’était le moment. Elle se
sentait prête et… les souvenirs remontaient alors elle n’avait pas vraiment le
choix.
Ashee, Alti… peu importait son nom… c’était sa
faute si tout remontait avec une telle acuité…
Elle soupira et blottit sa tête contre la
poitrine de sa femme. Dans un geste réflexe, celle-ci l’entoura de ses bras. Et
Tia soupira d’aise.
Doucement Lex s’éveilla. Elle sentit tout
d’abord une douce pression contre sa poitrine, puis un souffle, chatouiller son
épiderme. Enfin, la chaleur qui embrasait ses sens à ce contact acheva de la
réveiller.
Elle baissa les yeux sur sa compagne et ne vit
que les cheveux noirs soyeux qui brillaient d’une lueur presque bleue dans les
premiers rayons du soleil. Elle embrassa le haut du crâne et caressa les
cheveux de Tia.
Lorsque sa femme était ainsi, Lex se sentait
bien. Elle aimait prendre soin d’elle autant que de se laisser chouchouter par
elle.
Tia lui avait avoué une fois que dans cette
position elle avait l’impression d’être une enfant. Elle se sentait si en
sécurité ainsi, tellement réconfortée qu’elle avait la même impression que
jadis… impossible qu’on la touche pour lui faire mal. Et Lex était très fière
de lui apporter cela.
Tia releva la tête et les yeux bleus si uniques
de sa compagne la transpercèrent comme au premier jour. Une irrésistible
attirance la poussa au contact et elle posa ses lèvres contre les siennes.
Un baiser intense suivit mais la mercenaire
rompît le contact et posa un regard grave sur elle. Lex sentit un changement
dans l’atmosphère et se prépara mentalement à ce qu’elle sentait qui allait
suivre.
- Tia ?
La grande femme l’observa un moment, détaillant
le visage si plein de bonté de sa petite femme et au si grand cœur.
- Je… je pense qu’il est temps.
Lex prit bien soin de ne pas montrer autre chose
qu’une tendre compassion. Elle n’avait pas besoin de lui demander de quoi elle
parlait, elle attendait ce moment depuis la maladie de Tia.
Elle hocha juste la tête, mais sentit son cœur
la trahir en s’emballant. Tia s’en aperçut et sourit. Elle se rapprocha d’elle
et l’embrassa. Un baiser léger. Juste fait pour rassurer. Et Lex se sentit
mieux. Elle savait que ce n’était pas ce qui aurait dû se passer. Que c’était
Tia qui devait être réconfortée par elle. Mais elle ne fut ni embarrassée, ni
honteuse. C’était typique de leur relation.
Lex se mit sur le dos et Tia cala sa tête entre
ses seins, passant ses bras autour de ses hanches. Elle ferma les yeux et
ramena à elle les souvenirs les plus douloureux de son existence.
Lex sentit le corps de sa compagne se crisper et
elle tenta de l’apaiser un peu en passant ses mains sur son dos, ses bras, sa
tête dans un mouvement lent et régulier. Peu à peu Tia se détendit et elle put
enfin commencer son récit.
- J’avais… je crois quelque chose comme 8 ans.
C’était… dans ma deuxième milice. Après… Pedro.
Lex resserra son étreinte à ce nom et caressa
les cheveux avec plus de douceur encore.
- Il y avait des… des espèces de ramassage… et
toutes les semaines des « volontaires » arrivaient pour être intégrés
à notre milice ou celles alentoures, afin de remplacer ceux qui étaient
morts, disparus ou capturés.
- J’avais appris rapidement à attendre autant
que craindre leur arrivée. La plupart étaient des ados et des adultes en colère
contre le gouvernement en place… mais parfois… parfois il y avait des enfants.
Et… enfin… je craignais qu’il ne soit comme Pedro mais en même temps j’avais
tellement envie de ne plus être seule que je ne pouvais m’empêcher de
les guetter.
Tia fit une pause puis reprit.
- Je ne leur parlais jamais en fait, parce que…
en fait je ne parlais plus depuis la mort de Gran-pa. Les autres, dans la
première milice, faisaient tout pour m’y obliger et plus ils le faisaient,
plus… j’avais envie de les tuer ou de mourir… La première fois que j’ai pensé à
mettre fin à mes jours, j’avais… 7 ans je crois. C’était de longs jours avant
mon… que je… ne fasse brûler le camp.
Tia déglutit et alors qu’elle sentait sa gorge
se serrer, une main apaisante se glissa sur sa nuque et la lui massa. Tia
profita de la caresse et put reprendre son récit après quelques minutes.
- Sais-tu ce que l’on ressent lorsqu’on l’on
veut mourir ?
Sans attendre la réponse Tia poursuivit.
- Un vide absolu. Le noir est la couleur qui
t’accompagne à chaque pas et chaque pas que tu fais est aussi lourd que si tu
avais des poids. Tu marches dans une mélasse si collante, si poisseuse que pour
toi il n’y a que l’arrêt de la marche et la noyade dans cette mélasse qui te
paraissent supportable.
Tia inspira profondément.
- Mais c’est faux bien sûr et tu le sais. La
mort… l’envisager… ça te rend si triste… tellement Lex… tu n’as pas idée de ce
que cela fait d’envisager une telle chose en sachant… en sachant que ce n’est
même pas une solution… juste la moins pire… seulement celle qui empêchera à la
souffrance de poursuivre son œuvre destructrice. Tu n’as pas envie de mourir
Lex, pas du tout. Tu veux seulement que la douleur cesse.
Tia fit une pause. Et Lex s’efforça de calmer
les battements précipités de son cœur, sachant que sa compagne était aux
premières loges pour les entendre.
- Lorsqu’on
m’a transféré dans la seconde milice. J’étais dans cet état d’esprit. Plus
encore qu’avant. Je venais de tuer tellement de gens. Et j’en avais éprouvé une
telle joie. Je me dégoûtais… Un jour… pas très longtemps après mon arrivée, un
convoyage est arrivé. C’était les nouveaux « volontaires ». Parmi
eux… il y avait un enfant. Un petit garçon tout mince, le fils du Capitaine de
notre région. Il voulait… il voulait être comme son père alors il était
vraiment très fier et content d’être là.
Au souvenir de ce qu’elle avait ressenti à ce
moment là, Tia serra les poings.
- Et je le haïssais. Si tu savais comme je le
détestais avec son sourire tout content. Il ne savait même pas à quel point
dans les jours suivants il allait haïr lui aussi cet endroit. Et c’est ça…
cette pensée qui m’a frappée, qui m’a fait changer d’avis. C’était qu’un gosse.
Il avait quoi ? 6 ans ? J’étais pas tellement plus âgée que lui mais…
je sais pas… j’ai eu envie de le protéger… Il avait… les cheveux blonds.
Elle se rappela la première fois où elle l’avait
vu et le coup au cœur puissant et le mélange de sentiments si contradictoires
et forts qu’elle en avait tremblé.
- Et malgré ses yeux noirs… il me rappelait
Ximenon. Je me suis remise à parler avec lui… j’ai commencé à moins penser à la
mort, la mienne surtout. Il m’a dit son nom à notre première rencontre :
Ronin. Ronin Densis. Il m’a demandé le mien et c’est là… c’est là que je me
suis rendue compte que je ne m’en souvenais pas. Ca m’a plongé dans une
profonde détresse. J’avais tellement l’impression d’avoir perdu qui j’étais…
Tia rouvrit les yeux et fixa la peau du bras
devant elle qui bougeait doucement, au rythme des caresses que sa compagne lui
prodiguait.
- Il l’a senti et tu sais, il était vraiment
intelligent et très sensible et il l’a senti. Il a senti ma détresse. Quand il
a compris que je ne parlais pas il s’est mis à parler pour nous deux. Le soir…
il me racontait des histoires pour que je m’endorme avant lui. C’était des
histoires que sa mère lui racontait pour l’endormir. Il avait remarqué que je
ne dormais pas beaucoup et il a compris que c’était parce que j’avais peur
alors il s’est mis à me raconter sa vie avant la milice et à me raconter des
histoires pour me distraire et empêcher les cauchemars de venir. Il était plus
petit que moi et pourtant… c’était lui qui prenait soin de moi.
Les yeux dans le vague Tia revécut ces moments.
- C’était si
étrange… la journée c’est moi qui le protégeais des autres et j’ai dû me
décider à reparler pour lui apprendre à se défendre et pour qu’il comprenne
certaines choses. On était si ami… c’était mon seul ami… je l’aimais comme un
frère. C’est d’ailleurs comme ça que je l’appelais… Je faisais ses corvées et
le plus des missions qu’on lui donnait. Il était si innocent, tellement
souriant… Lex il était tellement brillant..., fit-elle éperdue en levant les
yeux sur elle. Si pur… si net… je ne voulais pas qu’on le tâche, alors je le
protégeais au maximum.
Lex lui sourit les larmes aux yeux de voir la
souffrance hanter le regard bleu si pur de celle qui possédait son cœur.
- C’est tellement toi mon amour, dit-elle
doucement. Toujours à protéger ceux que tu aimes.
La mercenaire reposa sa tête sur la poitrine de
Lex, comme apaisée par ses propos.
« Oh Tia j’aimerais tellement que tu te
voies comme je le fais. Tu penses continuellement être un monstre, mais j’en
connais peu qui en vivant ton enfer… aurait gardé suffisamment d’humanité pour
faire ce que tu as fait… », pensa Lex en se retenant de le dire à voix
haute. Tia ne l’aurait pas cru et ce n’était pas le moment d’entamer un débat
pareil.
- Et puis j’ai été envoyé à l’école de Sassem.
Et j’ai dû le laisser se débrouiller sans moi.
Arrivée à ce point de son récit, Tia se tut et
Lex sentit que le pire était à venir.
- Je l’aimais tant…, souffla la grande femme. Si
j’ai tenu tout ce temps… après tout ce que j’avais vécu, c’était en grande
partie pour lui. Je lui avais promis de revenir et lui, m’avait promis d’être
encore là, sous-entendu en vie, lorsque je reviendrais.
Tia déglutit. La partie difficile arrivait.
- Et il a tenu sa promesse. Il a survécu… mais
pour ça il a dû commettre des actes, faire des choses… qui l’ont profondément
abîmé. Pour tenir sa promesse… il est devenu monstrueux. J’avais quitté un
garçon brillant et joyeux et j’ai retrouvé un adolescent plein de haine et
profondément cruel.
Tia fit une pause et prit une inspiration
tremblante en resserrant ses bras autour des hanches de sa compagne.
- Il était vraiment cruel. J’avais l’impression
d’avoir Pedro en face de moi et c’était horrible… mais il était si content de
me revoir… si profondément heureux. Pendant ce bref instant à mon retour, j’ai
eu l’impression de retrouver le petit garçon que j’avais quitté et c’est pour
cela que j’ai pris le risque de lui parler de mon évasion malgré les
changements opérés en lui. J’étais revenue pour lui. Pour l’emmener avec moi…
Je voulais nous emporter loin de
cet enfer. C’est ce que je m’étais juré de faire pendant ces trois années à
l’école. C’est ce qui m’avait fait tenir. Je… je devais retrouver Frédéric à un
endroit précis dans la jungle. Je l’avais dit à Ronin.
Le silence qui suivit fut plus long que les
précédents et le cœur de Lex se mit à battre violemment dans sa poitrine. Tia
roula sur le dos et fixa le plafond.
- Il m’a trahie. Il m’a dénoncée au chef de la
milice et j’ai juste eu le temps de m’enfuir dans la jungle avant qu’ils ne se
lancent à ma recherche. J’étais complètement perdue. Je lui en voulais et je
m’en voulais de ne pas être parvenue à mieux le préparer à mon départ et ce qui
allait suivre. J’étais en colère et malheureuse et je ne regardais pas où
j’allais. Je suis tombée sur plusieurs soldats que j’ai dû tuer… et puis
soudain je me suis rappelée du plan et de Frédéric qui risquait de se faire
attraper par la milice à notre point de rencontre et je m’y suis rendue.
Un silence.
- Ronin m’y attendait. Sagement. Comme s’il
n’avait rien fait de mal. Son fusil en bandoulière. Un sourire malicieux sur le
visage. Il m’a dit : je t’ai bien
eu hein ? Et je l’ai giflé en lui hurlant qu’il n’était qu’une sale ordure
de traître. Je n’ai pas fait attention au fait qu’il n’y était pour rien, que
c’était un conditionnement qu’il avait dû mettre en place pour survivre, que la
délation… était son seul moyen de tenir sa promesse. Mais il était si
fragile et si bon Lex… si bon qu’il n’a pas supporté ce qu’il devait faire…
pourtant il ne m’en a jamais voulu. C’est moi qui l’y avais obligé pourtant… en
l’obligeant à promettre de survivre… Il m’avait dénoncé sans mauvaise
intention. C’était juste son rôle dans la milice… un réflexe en quelque sorte…
je n’ai pas fait attention… si je l’avais fait… dieu, si je l’avais fait… Il
était devenu à moitié fou… de douleur, de colère et de dégoût de lui-même.
Lorsque je l’ai frappé… il a perdu la tête et m’a attaqué avec son couteau. Et
moi… moi j’avais été si bien entraînée pendant ces trois ans… je me suis
défendue sans m’en rendre compte, sans en avoir conscience… un simple réflexe…
et il était mort.
La voix de Tia se brisa sur le dernier mot et le
cœur de Lex se brisa.
- J’ai tué mon petit frère… il avait tenu pour
moi… et je l’ai tué…
Aujourd’hui encore, la douleur de ce souvenir,
l’incrédulité et le choc de son geste… la plongeaient dans une profonde
stupeur.
- Ca aurait pu s’arranger. Ca aurait dû le
faire, murmura-t-elle d’une voix presque inaudible. Il n’avait pas parlé de cet
endroit au chef. Il l’avait gardé pour lui. Et m’y avait rejointe. Comme prévu.
Mais j’étais en colère et je ne l’ai pas vu… et quand je l’ai fait, c’était
trop tard…
Les larmes roulaient sans interruption sur les
joues de Tia et sa voix tremblait d’une souffrance encore présente. Une
culpabilité qui n’avait pas disparu et ne partirait peut-être jamais. Un
accident aux circonstances particulièrement horribles.
- Tu étais une enfant Tia…, tenta Lex la voix
éraillée.
- Je n’étais pas une enfant, la contredit
durement sa compagne. Je ne l’ai jamais été…
« Comment pourrais-je te suivre là où tu
iras ? Se dit-elle pour elle-même. Après tout ce que j’ai
fait ? »
Puis épuisée d’avoir dû affronter des souvenirs
aussi douloureux, Tia ferma les yeux et s’enroula comme une liane autour de sa
compagne qui fit de même. Communiquant autant de chaleur et d’amour qu’elle le
put à travers leur étreinte et leur lien.
Pour détendre le corps tendu et l’esprit
fiévreux de sa femme, Lex commença à lui raconter certains écrits qu’elle avait
mis sur papier.
- J’ai écouté lorsque tu m’as dit de noter les histoires que
j’imaginais, pas seulement celle que j’entendais. J’ai écouté, j’ai noté et…
j’ai appris. Il y en a une… une que j’ai vraiment envie que tu écoutes. Ce n’est
pas vraiment une histoire... plus une pensée… une pensée que tous les peuples
opprimés, un peu comme le tien, celui de ton loup…
Lex sentit Tia se détendre un peu et elle commença sa récitation.
Te
souviens-tu, des temps immémoriaux. Des temps où notre mère la Terre, nous
faisait partager ses immensités glacées. Quel piètre chasseur tu faisais alors
! Je te regardais avec mes frères, tu avais un bâton, tu avais faim et souvent
nous en avons ‘hurlé’ de rire. En ces temps là, c’est peut être à nous que tu
dois ta survie. Tu chapardais souvent les restes de nos festins…et puis en nous
observant tu as pu copier notre technique de chasse et l’adapter à tes besoins.
Je pense même que tu as profité de nos battues, pour pouvoir assurer les repas
de ton clan. Tu as hiérarchisé ta tribu en prenant exemple sur nous. Nous, nous
t’avons laissé partager notre territoire, prélever ta part…nous n’avons jamais
été agressifs envers toi, et apparemment tu respectais les règles. Certains
d’entre nous ont même franchi le pas et sont allés chasser avec toi…Il ont
sûrement contribués à la survie de ton espèce… Espèce qui a pris de
l’assurance, perfectionnée ses armes…et alors tu as commencé à chercher
querelle…
Le temps a changé, le temps a passé.
Faisant fi de tes nombreux frères, toutes espèces confondues, que tu as tué et
massacré, tu as voulu être le seul fils de Dame Nature qui puisse commander, et
dicter sa loi. Alors que d’erreurs…
Ce grand navire, où nous sommes tous
embarqué, que Gaïa a mis 4,55 milliards d’années à construire, toi, il ne
t’aura fallu que 100 000 ans pour presque le réduire à l’état d’épave.
Allez ; ressaisis-toi. Il en est
peut-être encore temps. Laisses donc Mère Nature reprendre ses droits chaque
fois que cela est possible. Arrêtes de justifier tes actions par de fausses
affirmations : " Le loup est revenu, il n’y a plus de gros gibier, il a
tout détruit…. ". Alors que c’est le contraire qui se produit. La
régulation des troupeaux sauvages se fait naturellement et non plus avec vos "
bâtons tonnants " qui sont maintenant semeurs de mort et qui ne nous
donnent plus envie de rire. La chasse, pour toi, n’est maintenant plus une
nécessité mais simplement le plaisir de tuer. Moi ce n’a jamais été le cas, je
n’ai jamais chassé que parce que j’avais faim. Je t’ai toléré, par le passé,
alors que tu n’étais rien, tremblant de froid et de faim, dans ce monde où tu
venais juste d’arriver. Toi, tu m’as exclu de ton territoire, tu as voulu
m'exterminer, aujourd’hui je demande la permission de revenir…alors, essayons
de réapprendre à vivre ensemble… ami....'Chasseur' *
Lorsqu’il fut terminé, Lex se tut un instant puis conclut :
- Tu es humaine Tia et tu as vécu les pires horreurs… comme Ronin.
Vous avez tous deux agit comme vous le pouviez dans de telles circonstances.
T’en vouloir… n’a pas de sens. Tu n’as pas demandé à ce que cela arrive, pas
plus que lui. Tout ce que tu peux faire… comme ce loup… c’est d’avancer et de
pardonner. Te pardonner… ces choses que tu ne pouvais pas maîtriser.
- Ce récit, fit soudain Tia, il est à ton image…
la fin… est optimiste et ce n’est pas celle que l’on attendrait. Une vengeance,
une malédiction, oui. Surtout après tant d’injustices… mais pas toi, non. Pas
toi… tu es toujours si bonne…
Tia demanda :
- Conte-moi en une autre…
Lex s’exécuta et plusieurs histoires de loups,
mais aussi d’indiens suivirent et petit à petit, Tia retrouva le chemin que Lex
ne manquait jamais de baliser pour elle, le chemin vers la lumière. Elle sortit
de son sombre passé et envisagea l’avenir avec plus d’espoir.
« Tant qu’elle est avec moi… »,
songea-t-elle en s’endormant enfin.
Lex lissa ses cheveux un long moment, perdue
dans ses pensées mélancoliques mais où dominaient la joie d’avoir une fois de
plus su tirer Tia de son passé et de la douleur qui l’y bloquait si souvent.
Elle prit une décision ce matin là… une décision
qui, elle le savait, changerait leurs vies. Elle venait de comprendre une chose
importante, essentielle même… et elle ne voulait plus perdre de temps.
* de J.Brandenberg.
Fin Partie VIII
Partie IX : Et si on faisait un
bébé ?
Chapitre 1 :
Elles se réveillèrent un peu plus tard dans l’après-midi et
Tia téléphona à Frédéric pour savoir si leur arrivée s’était bien passée. Il
lui assura que oui et que les jumeaux étaient très heureux d’être rentrés
malgré les circonstances qui les avaient poussés à en partir.
Dès le pied posé au ranch, ils s’étaient rués sur le
téléphone pour inviter leurs amis à venir ou à prévoir des sorties, sans
oublier de les prévenir de la fête orgiaque que leurs mères prévoyaient pour
leurs 18 ans.
Tia rit et se sentit mieux une fois qu’elle eut raccroché.
Elle fixa quelques secondes le combiné et fut heureuse de se sentir plus
légère. L’humeur de ce début de journée s’était enfin envolée…
Elle tourna la tête vers son amie et l’observa alors qu’elle
s’essuyait les cheveux, une simple serviette de coton blanche cachant sa
nudité, mais pas ses belles jambes bien galbées…
Elle lui devait, une fois encore, beaucoup. Lex était
vraiment douée pour chasser ses démons. Elle aurait dû le savoir. Elle aurait
dû lui en parler plus tôt. Mais enfin, à quoi bon se flageller, c’était du
passé maintenant… elle se sentait plus légère et les jambes de Lex étaient
vraiment très attirantes.
Des gouttes d’eau coulaient le long de la nuque de Lex et
descendaient dans son dos… Tia se mordit la lèvre tout en sentant son cœur
battre à coups redoublés. Sa pression sanguine augmenta et cela se traduit par
une respiration plus lourde et des yeux bleus assombris par le désir.
Tia suivit la goutte des yeux et la vit changer de cap et
glisser sur l’épaule nue de sa compagne et glisser sur son bras avant de tomber
sur le sol où elle s’écrasa.
Tia releva les yeux et tomba sur des yeux verts amusés et un
sourire en coin. Lex leva un doigt et le secoua.
- C’est pas le moment Ti, on a un avion à prendre et une
jeune fille tout excitée à l’idée de voir Len nous attend. Et je doute que le
commissaire Gregorius apprécie les retards.
Mais Tia continuait de déshabiller sa femme des yeux et le
cœur de Lex s’emballa alors même qu’une douce chaleur envahissait ses reins.
- Non Ti. Arrête ça.
La mercenaire passa sa langue sur ses lèvres et Lex déglutit
avec difficulté. L’intensité du regard sur elle faisait perdre ses moyens à la
petite femme et elle dut prendre sur elle pour ne pas céder à ce que réclamait
son corps.
Les hormones en ébullition, Lex fit demi-tour et se réfugia
dans la salle de bains à toute vitesse sous le regard déçu de sa femme.
************************
Une heure plus tard, elles se retrouvèrent devant le
commissariat à attendre le commissaire et sa fille et une heure après ils
étaient tous dans l’avion. Le vol dura toute la nuit et le commissaire n’étant
pas très loquace et assez circonspect vis-à-vis de leur couple, il fut aussi assez
long.
M. Grégorius n’était pas à proprement parler hostile mais il
n’avait pas l’air de savoir comment se comporter avec elles et cela rendait
tout le monde mal à l’aise. Lex voyait bien que ça agaçait sa femme. Elle
espérait juste qu’ils arriveraient à destination avant qu’elle n’explose et
dise sa façon de penser à l’homme.
Ils débarquèrent au Canada 9 heures plus tard, aux alentours
de 2 heures du matin. Ils prirent la voiture que Frédéric avait louée pour eux
et deux heures plus tard ils arrivèrent enfin en vue du ranch.
L’aube ne pointerait que dans une heure mais Tia savait que
son ancien tuteur serait déjà debout. Et cela ne manqua pas. Il les accueillit
sur le perron de l’habitation principale et salua le commissaire et sa fille
cordialement.
Il leur expliqua qu’il avait fait préparer un des bungalows
pour eux et leur montra le chemin en faisant signe aux jeunes femmes d’entrer
sans attendre.
Elles ne se firent pas prier.
Lex déposa leurs sacs dans l’entrée et sentit un arôme divin
qui l’attira comme le miel
attire les abeilles et se dirigea d’un pas ferme et décidé vers la cuisine. Tia
l’y suivit avec curiosité et découvrit leur voisine en robe de chambre assise à
la table.
Tia marqua un temps d’arrêt avant de la saluer, mais Lex ne
fit qu’hocher la tête sans stopper son avancée. Elle se planta face à la
cafetière et attrapa une tasse de la taille d’un bol à punch qu’elle remplit
généreusement et saupoudra de sucre avant d’en boire une gorgée qui lui fit
fermer les yeux d’extase.
- Bonjour Anne, fit Tia en secouant la tête devant la
dépendance de sa femme. Vous êtes levée bien tôt.
- Frédéric m’a tellement manqué ces derniers mois, que je ne
peux me résoudre à le quitter d’une semelle lorsque nous sommes ensemble,
acquiesça-t-elle avec un sourire tranquille.
Tia sourit, comprenant parfaitement la situation. Elle
s’assit en face de la femme plus âgée et accepta le morceau de gâteau au
chocolat qu’elle lui tendait. Elle mordit dedans et sourit lorsque le chocolat
fondit dans sa bouche.
Les yeux mi-clos elle dévisagea Anne Dérestin tout en
savourant la délicatesse du chocolat. Lex prit une chaise à côté d’elle et posa
son bol à punch.
- T’as réussi à bouger ton puit ? Railla la grande
femme.
Lex lui jeta un regard courroucé puis l’ignora en dégustant
son nectar. Tia retourna alors à son étude. Le visage d’Anne était marqué par
les rides, mais il gardait son air doux et serein et Tia se demanda ce que cela
aurait fait de grandir avec une telle femme comme mère ou grand-mère.
Elle avait toujours l’air si calme et sûr d’elle… Frédéric
avait beaucoup de chance de l’avoir trouvée. D’autant plus qu’elle le regardait avec un amour sincère et plein de
tendresse, remarqua-t-elle en la voyant lever la tête à l’entrée de Frédéric
dans la pièce.
- J’étais sûr de vous trouver ici, fit-il en riant. Le
chocolat et le café sont vos péchés mignons. Je serais vous les filles, je
m’inquièterais d’être aussi prévisible.
Il ne s’attira que deux paires d’yeux noirs pour toute
réponse. Tia se leva, son assiette pleine de gâteau entre les mains et Lex fit
de même en serrant fermement son seau de café.
- Nous allons nous coucher, fit Tia d’un air dédaigneux non
sans reprendre une nouvelle part du fondant au chocolat.
Les deux femmes tournèrent les talons mais avant de sortir
Lex se retourna vivement, manquant de renversé son bol a punch, et le visage
rayonnant déclara :
- Demain, enfin, tout à l’heure, je vais contacter une
préparatrice de mariage pour organiser celui de Tia et moi.
- Mais vous n’êtes pas déjà mariées ? S’enquit le grand
homme perplexe.
- Ce n’est pas suffisamment officiel, le contredit la petite
femme en dardant sur lui un regard glacial qui le fit reculer sur sa chaise.
La seconde suivante elle tourna un visage radieux vers Anne.
- Frédéric étant comme un père pour Tia et n’ayant plus de
mère pour m’aider dans les préparatifs, je serais ravie que vous teniez ce rôle
auprès de moi.
Anne, complètement prise au dépourvu, et par l’enthousiasme
de la petite femme et par la demande hocha la tête sans réellement savoir à
quoi elle s’engageait. Lex la remercia et tourna les talons, emportant sa
piscine de café avec elle.
La femme âgée se tourna vers son ami avec stupéfaction.
- Elle ne vient pas de me donner un ordre déguisé ?
L’interrogea-t-elle.
Frédéric rit et acquiesça.
- Et si. Tu viens de rencontrer Alexia le bulldozer.
Lorsqu’elle veut quelque chose, et crois-moi elle ne veut rien autant que Tia,
elle ne laisse rien se mettre entre elle et son but.
- Mais… elles sont déjà mariées non ? Alors… que
peut-elle vouloir de plus ?
- Le clamer à la face du monde, expliqua-t-il en riant.
Prévenir tous les mâles et femelles en rut que Tia est prise et bien prise. Que
leurs chances sont nulles et non avenues et qu’elle leur arrachera avec
délectation leur attribut sexuel s’ils s’avisaient seulement de penser à
draguer Tia.
- Ho.
Anne ouvrit de grands yeux en comprenant dans quoi elle
venait de mettre le pied.
- Donc cette cérémonie est faite pour marquer les esprits.
Elle va devoir être grandiose et parfaite et chaque détail sera étudié à la
loupe et moi… j’ai dit que j’allais l’aider, finit-elle avec un air malheureux
qui amena un rire moqueur à son compagnon.
Anne fit la moue puis sourit.
- Compte sur moi pour lui suggérer ton nom quand elle
demandera de la main d’œuvre supplémentaire, fit-elle les yeux brillants.
Frédéric la fixa les yeux pleins d’horreur et Anne éclata de
rire.
********************************
Le lendemain fut exactement le tourbillon d’activités et
d’allées et venues que craignait Tia. La fête que les jumeaux souhaitaient
était monstrueuse et la montagne de choses à faire la faisait paniquer
d’avance.
Ils la bombardèrent de suggestions toute la journée et Tia
ne put que noter les différentes propositions dans un carnet en leur promettant
d’y réfléchir dès qu’elle aurait une minute. Elle rêvait de s’isoler avec Lex
loin de toute cette effervescence et
d’oublier dans une étreinte sauvage tout le stress que la fête et le mariage
généraient en elle depuis le matin.
Mais sa petite compagne était occupée à sélectionner la
meilleure agence de mariage du coin et leur faisait passer à tous un entretien
d’embauche. Elle n’était donc absolument pas disponible. Ce qui ajoutait à son
angoisse puisqu’elle se retrouvait à devoir organiser la fête toute seule.
Elle avait bien tenté de coincer Frédéric mais il s’était
débrouillé pour disparaître à l’aube suite à une vague menace que lui aurait
proféré sa chère et tendre. Elle récupéra les listes que ses enfants avaient
faites et téléphona aux différentes familles pour lancer l’invitation et
préciser la date et le lieu.
Parce que bien évidemment la fête devait avoir lieu avant la
fin de la semaine, puisque Lex ne démordait pas de son idée originale et
voulait que leur mariage ait lieu à la fin de la semaine suivante.
Tia pensait dur comme fer que sa femme était devenue folle
mais après un coup de fil à Linya pour lui demander de parler à sa dulcinée,
elle avait compris que c’était une des nombreuses lubies qu’Alexia avait eu au
cours de sa vie et de laquelle on ne pourrait la détacher tant qu’elle n’aurait
pas obtenu ce qu’elle voulait.
La mercenaire avait donc décidé d’en prendre son parti mais
regrettait que Lex, lorsqu’elle lui avait dit qu’elle n’aurait pas à s’occuper
du mariage, ne lui ait pas précisé qu’elle devrait en contrepartie s’occuper de
l’anniversaire.
Elle était assise à la table du salon à se demander ce
qu’elle devait faire. Paniquant complètement en voyant le soleil se coucher en
n’ayant rien fait d’autre que de téléphoner aux invités.
« Mais qu’est-ce que je dois faire, nom de
dieu ?!! C’est quoi la prochaine étape ??! »
Elle essaya de se souvenir des anniversaires précédents mais
elle savait, en le faisant, que ça n’irait pas. Cette fois tout le monde
s’attendait à une fête « à tout casser » dixit son fils.
Soudain une idée lumineuse germa dans son esprit angoissé et
elle se rua sur le téléphone. Elle composa un numéro et attendit avec anxiété
que son interlocuteur décroche.
- Allo ?
Tia soupira de soulagement. C’était la personne qu’elle
voulait.
- Lizzie ? C’est Tia.
- Ho. Salut Tia ! Fit la voix soudain joyeuse de sa
plus jeune cousine.
- Tu… heu… tu es dispo dans les prochains jours ?
- Oui, pourquoi ?
- Hum, eh bien je me demandais… est-ce que tu t’y connais un
peu en fête ?
- Et comment ! Pourquoi tu en organises une ?
- Euh, oui. Les 18 ans des jumeaux. Tu…. Heu… eh bien en
fait, je… euh… suis assez nulle dans ce domaine…
Un ricanement moqueur la coupa.
- Sans blague… ? Railla sa cousine.
- Oui, bon heu… est-ce que tu pourrais me donner un coup de
main ?
Le cœur de Lizzie fit un bond dans sa poitrine.
- Tu veux dire… venir au ranch et t’aider à préparer cette
fête ?
- C’est ça.
- Et elle a lieu quand ?
- Dans trois jours.
- Lex ne peut pas t’aider ?
- Elle… heu… est occupée…
- Ho. Alors il n’y aura que toi et moi ?
- Je sais, fit la grande femme avec anxiété, ça fait peu
pour tout (« faire »), mais… on peut y arriver. J’en suis sûre,
fit-elle en tentant de s’en convaincre.
Lizzie contrôla l’excitation que la perspective de passer
trois jours seule en compagnie de sa superbe et si excitante
« cousine » faisait monter en elle.
- Alors… tu… tu veux bien ?
- Bien sûr, répondit Lizzie aussi neutre que possible.
- Oh merci, merci, merci, tu ne peux pas savoir comme je te
suis reconnaissante…
- Pas de souci. Je vais voir avec papa pour l’avion mais… je
pense être là dès demain midi. Ca ira ?
- Oui… enfin, heu y’a quelque chose que je peux puisse faire avant ton arrivée ?
- Eh bien… tu sais ce que veulent les jumeaux ?
- Oui, ils m’ont fait une liste.
- Commence par regarder s’il y a un endroit où ils
aimeraient aller pour une activité ou une autre et téléphone là-bas pour voir
si tu peux réserver l’établissement.
- Oh, oui, d’accord, ça je peux le faire, fit Tia soulagée au-delà du possible d’avoir enfin une aide. Je... je fais ça et j’attends ton coup de téléphone pour ton heure d’arrivée. Je viendrais te chercher.
- Ok. Je te rappelle dans une heure.
- Super ! S’exclama la mercenaire soudain plus joyeuse.
Je reste à côté du téléphone !
Lizzie s’empressa de calmer les battements de son cœur. Sa
déclaration ne voulait rien dire. Elle raccrocha et se dépêcha d’aller trouver
son père. Elle devait aussi décommander Tamara et elle savait que ça n’allait
pas plaire à sa petite amie mais elle s’en fichait… elle allait voir Tia.
********************************************
Le lendemain matin à l’aube Tia était dans la cuisine en
train de préparer le café de sa belle, apparemment Lex avait trouvé deux
agences prometteuses hier et elle avait l’intention de les engager toutes les
deux et de répartir les tâches entre elles. Elle devait maintenant leur
expliquer la raison de cet arrangement et les convaincre qu’ils étaient
collaborateurs sur ce contrat et non concurrent.
Tia vit sa femme entrer d’un pas déterminé et tourner un
regard encore flou vers elle. Elle tendit la main dans un geste réflexe et
porta directement la tasse à ses lèvres. Elle la vida d’un trait et soupira
d’aise en s’asseyant en face de Tia.
Celle-ci la lui remplit de nouveau et lui sourit alors qu’elle
savourait ses nouvelles gorgées.
- Comment Len a pris l’arrivée de Jenny hier ?
L’interrogea Lex les yeux toujours fermés. Je ne l’ai pas vu, je suis partie
avant qu’ils ne se lèvent et suis rentrée trop tard.
- Eh bien… il ne savait plus vraiment où donner de la tête,
se souvint la grande femme. Entre mon retour et celui de son amie et la
surprise… il était un peu perdu mais très excité. Il a passé la journée avec
elle.
Lex sourit.
- Par contre Lara m’a fait la tête. Je ne suis pas sûre
qu’elle ait apprécié l’arrivée d’une rivale sur son territoire, poursuivit Tia.
- Tu as parlé avec eux ? Demanda la petite femme en
rouvrant les yeux.
Tia resta silencieuse un moment.
- Pas vraiment.
Lex posa sa tasse et prit la main de sa femme.
- Ca serait bien que tu trouves cinq minutes pour le faire.
Je peux être là si ça peut t’aider mais Ti… ils ont besoin de toi. De savoir
que ça ne change rien entre vous, que tu ne leur en veux pas de leurs
réactions, que tu les aimes. Et toi aussi tu en as besoin. Cette discussion…
remettra les pendules à zéro et vous fera repartir du bon pied…
Tia réfléchit à ces propos tout en jouant distraitement avec
le dos de sa main.
- Je… pense que tu as raison, répondit-elle finalement.
Comme d’habitude, sourit-elle.
- Alors tu vas leur parler ?
La mercenaire hocha la tête.
- Tu veux que je sois là ?
Tia la dévisagea un moment en réfléchissant. Oui, elle
voulait que sa femme, l’autre mère de ses enfants soit là pour ce moment
délicat. Elle avait besoin de son soutien, besoin de ses mots qui coulaient
plus facilement que les siens et savaient si bien toucher les cœurs.
Mais elle savait aussi que ça la concernait elle et elle
seule et qu’elle devait le faire seule. Et Lex allait encore être si occupée
aujourd’hui… elle ne voulait pas l’obliger à faire des allers et retours entre
la ville et le ranch pour rien. Lex tenait tant à ce que leur mariage soit
parfait…
- Non, pas de souci. Je m’en sortirais seule.
- Tu es sûre ?
Tia sourit et lui pressa la main.
- Oui, j’en suis sûre… alors arrête de faire cette tête
anxieuse et coupable.
La petite femme hésita, sentant quelque chose, puis hocha la
tête et reprit sa tasse de café en posant un regard pensif sur sa femme.
- Comment tu vas t’y prendre pour la fête des jumeaux ?
Demanda-t-elle soudain. J’ai vu la liste de ce que tu as fait hier et c’est
loin de suffire.
- J’ai demandé à Lizzie de venir. Elle s’y connaît en fête,
alors ça devrait aller, t’inquiètes pas, répondit la grande femme les yeux
brillants de fierté devant son éclair de génie.
Lex réprima un sourire et acquiesça puis réfléchit au
malaise qui venait de s’installer en elle à la seule évocation du nom de la
cousine de Tia. Elle soupira dans son café. Jalousie. Lizzie était toujours
aussi accroc à sa femme et si elle aimait bien la petite, ça commençait à
l’agacer de lui voir des yeux de merlan frit à chaque fois qu’elle posait le
regard sur sa femme.
- Elle vient toujours habiter ici ? Fit-elle
brusquement.
- Oui. Enfin il faut que je lui en parle d’abord et que
j’arrive à la convaincre que c’est pour son bien sans pour autant lui dire
expressément pourquoi. J’aurais besoin de toi pour ça.
- Pour la convaincre ? Tu ne devrais pas avoir de mal,
rassure-toi, répondit sa petite compagne un brin agacée. Tu es sûre que c’est
une bonne idée ?
Tia leva des yeux surpris sur sa femme.
- Bien sûr. Pourquoi cette question ?
Alexia s’agita mal à l’aise sur son siège.
- Pour rien, répondit-elle rapidement.
Tia fronça les sourcils en étudiant sa femme. Puis elle
haussa les épaules et expliqua :
- Lizzie est un peu paumée. Et ce depuis pas mal de temps,
d’ailleurs. Gin a tout essayé mais il est dépassé et il le reconnaît lui-même.
Il a besoin d’une aide extérieur et Lizzie se fout comme de sa première chemise
de ses psys. Elle a besoin d’être recadrée et ici avec moi et Frédéric elle le
sera.
Lex hocha la tête sans regarder sa mercenaire. Elle ne
pouvait empêcher la jalousie de naître en elle à l’idée que la gamine vienne
ici. Elle et Tia avaient un lien spécial, duquel elle était exclue et ça… ça ne
lui plaisait pas du tout.
- Ce que Lizzie
a vécu avant son arrivée au sein de la famille qui est aujourd’hui la sienne,
mais… Lex, personne ne le prend en compte et c’est une erreur. Et elle, elle ne
parle pas. Elle devrait. Je suis bien placée pour savoir combien c’est
douloureux et destructeur de ne pas le faire.
Cette fois sa femme la regarda lorsqu’elle acquiesça
doucement de la tête.
- Je sais.
- Pourtant je sens un mais…
Lex lui fit un sourire en coin.
- Oui, mais… ce n’est rien. Rien qui ne puisse être résolu
seule alors pas de souci. Fais ce que tu as à faire… Je te soutiens à 100%.
Le sourire rayonnant que lui adressa Tia fit bondir le cœur
de Lex et ses hormones plutôt calme jusque là entamèrent une danse du ventre.
Tia vit les yeux verts s’assombrir et lança un nouveau
sujet, ignorant complètement la morsure du désir qui la traversait soudain.
- D’après Rhapsody, les jumeaux vont devoir redoubler leur
terminal à cause de tous les cours qu’ils ont ratés.
Comme prévu, le sujet fit disparaître l’excitation et
apparaître l’indignation.
- Quoi ?! Mais ce n’était pas de leur faute ! Ils
pourraient le prendre en compte et leur donner une chance quand même !
Tia sourit.
- Rhapsody s’en est occupée. Elle a obtenu que les jumeaux
suivent des cours de rattrapage cet été et passent leurs examens à la rentrée.
Ensuite et bien… ça dépendra d’eux.
- Oh. Cool. Elle est sympa notre voisine.
- Oui, répondit la grande femme avec un sourire tendre.
Quelque chose dans la réponse, ou plutôt dans la façon de
répondre de Tia, fit tinter une alarme dans la tête de Lex, mais celle-ci n’y
prêta pas attention, trop concentrée sur l’avenir des jumeaux.
- Et les jumeaux ne le prennent pas trop mal ?
- Je ne leur aie pas encore dit. Tout comme pour Lizzie je
vais attendre la fin de la fête pour aborder le sujet, histoire de ne rien
gâcher à personne.
Lex hocha la tête.
- Et pour leur dossier à la fac ? Ca ne va pas poser
problème ? Je sais qu’ils les ont faits avant notre… heu… départ précipité
mais les facs n’attendent pas les résultats aussi longtemps d’habitude,
non ?
- Non mais j’ai fait jouer les relations de la famille pour
une fois. Nous sommes des Kensington, alors autant que ça serve des fois. J’ai
demandé à Gin, qui s’y connaît mieux dans ce domaine, d’intervenir auprès des
facs où ils ont postulé pour qu’ils attendent la rentrée avant d’accepter ou de
refuser leur candidature.
- Donc en gros, tout dépend de leurs résultats ?
- Hmm, oui, répondit Tia en avalant un morceau du gâteau qui
traînait encore. Ils sont acceptés en fait, et il leur faut juste des notes
excellentes, mais ça ne m’inquiète pas, ils sont vraiment doués.
Lex acquiesça, tout à fait d’accord avec ce jugement.
- Alors nos enfants vont aller à la fac, hein ? Ils
vont partir dans quelques mois, fit Lex un peu déroutée par cette soudaine
perspective.
Tia sourit devant sa déconvenue et lui prit la main. Elles
entrelacèrent leurs doigts et Tia porta celles-ci à ses lèvres.
- Ca ira… au pire ils reviendront tous les week-ends. Tu
sais combien Len veut succéder à Frédéric dans l’exploitation du ranch. Quant à
Lara… elle a beau dire, elle ne peut pas se passer des grands espaces.
Lex hocha la tête et résista à l’envie de lui parler de la
décision qu’elle avait prise. Elle avait choisi un moment précis pour ça et ne
voulait pas gâcher ce qu’il aurait de parfait, alors elle se retint.
- On se retrouvera seule pendant quelque temps, cela nous
fera du bien, ajouta sa compagne.
Soudain le moral de Lex à cette idée remonta en flèche et
elle décocha un sourire ultra brite à sa femme. Celle-ci se pencha sur elle et
l’embrassa doucement.
- On va finir cette conversation dans la chambre ?
Murmura la grande femme à l’oreille de Lex.
La petite femme la regarda, lui sourit déposa un baiser très
suggestif sur ses lèvres et… se sauva, sous le regard incrédule de Tia.
- Chacun son tour d’ignorer les désirs de l’autre !
Lança la petite blonde en riant.
Tia fit la grimace. Elle savait qu’elle n’aurait pas dû
ignorer sa compagne.
Chapitre 2 :
La fête avait été mémorable. Elle avait commencé
tôt, très tôt même ! Avec les premiers rayons du soleil, et c’était finie
encore plus tard dans la nuit.
Tia passa entre les tentes, plantées pour
l’occasion, où les jeunes avaient décidé de dormir cette nuit et vérifia bien
que celle de Len ne contenait pas de petite amie et celle de Lara de petit ami
trop entreprenant.
Lex avait aidé Tia et Lizzie toute la journée
pour que cette fête se passe bien et elles n’avaient pas trop été de trois pour
éviter toutes les catastrophes qui avaient menacé d’exploser toute la journée.
Frédéric et Anne n’avaient fait qu’une brève
apparition en décrétant qu’ils étaient trop vieux pour ça et qu’ils préféraient
s’isoler.
- Trop vieux, tu parles, marmonna Tia entre ses
dents, en poursuivant son tour, trop excités oui !
Elle finit son inspection et rejoignit sa femme
et Lizzie près du grand feu de joie que les jeunes avaient allumé à la tombé de
la nuit. Elle passa un bras derrière son dos et attira Lex contre elle.
Celle-ci glissa le sien dans la poche arrière du
jean de Tia et appuya sa tête contre son épaule. Lex intercepta le regard
envieux de Lizzie et son soupir lourd. Elle eut pitié un instant. Comment se
sentirait-elle à sa place ? A aimer une femme qui ne lui rendrait jamais
son amour ? Qui en aimerait toujours une autre ?
Elle la plaignait. Puis l’envahit le sentiment
mesquin de joie et de supériorité. Elle ne pouvait pas s’en empêcher. Lizzie
aimait sa compagne avec une telle constance et une telle ferveur qu’elle se
sentait menacer.
Pourtant elle savait que Tia
n’envisageait même pas la jeune fille sous cet angle. Lex détailla
l’adolescente qui a 20 ans n’en était plus du tout une.
Elle était ravissante.
Ses cheveux châtains bouclés avaient encore
poussé et tombaient maintenant au milieu de son dos. Elle les avait fait lisser
et leur avait ajouté des reflets roux en faisant un henné. Elle les avait fait
couper devant en dégradé et cela encadrait magnifiquement son visage aux traits
fins.
Ses yeux brun velouté étaient profondément
chaleureux. Et Lizzie dégageait de toute sa personne une sensualité et une
assurance fascinante. La jeune fille était devenue une femme captivante. La
complexité de sa personnalité associée à son évidente envie de vivre, en
faisait une femme très attirante.
Et Lex se sentit mal à l’aise en même temps
qu’elle réalisait que la jeune fille aimerait Tia probablement aussi longtemps
et aussi intensément qu’elle. Lizzie n’était pas le genre de personne à passer
à un autre amour sous prétexte que celui-ci n’était pas et ne serait jamais
partagé. Elle était entière et lorsqu’elle aimait… aimait vraiment… c’était
pour la vie.
Tia avait changé son existence. L’avait rendu
meilleure, plus belle. Elle partageait la même vison du monde et avait un passé
semblable. Les sentiments qui déchiraient la jeune fille devenue femme… seule
Tia les connaissait vraiment.
Lex imagina ce que serait la vie de sa femme
lorsqu’elle disparaîtrait. Elle ne voulait pas que Tia gâche ses années sur
terre. Elle voulait qu’elle vive. Même si le paradis ou les Champs-Elysées
existaient, on ne pouvait pas gâcher les années qu’on nous offrait sous le
prétexte égoïste que l’on ne pouvait pas vivre sans sa moitié.
On le pouvait. Il le fallait. Un cadeau tel que
la vie, on ne le gâchait pas ainsi.
Elle fixa Lizzie un instant et le regard si
tranquille et aimant qu’elle posa sur sa femme lui fit comprendre qu’elle
tenait là sa chance.
En association avec ce qu’elle allait demander
après leur mariage à Tia, elle savait que l’idée qu’elle venait d’avoir pourrait permettre à Tia de rester ici. En
attendant qu’enfin elles soient réunies là-haut.
Lex allait vivre les années qui lui restaient en
gardant jalousement le cœur et le corps de sa femme pour elle, mais le moment
de sa mort venue… si les sentiments de Lizzie n’avaient pas changés, et il y
avait peu de chance pour ça, elle ferait en sorte que ce soit elle, Lizzie qui
s’occupe de sa femme. Elle qui la console, qui l’aimera pour elle, Lex, elle
qui formera un nouveau couple avec son âme sœur.
Si elle formulait sa demande comme son dernier
souhait… elle savait que Tia ne pourrait le refuser malgré son envie de le
faire.
Lizzie saurait l’aimer comme Tia le méritait.
Elle saurait prendre soin d’elle et composer avec son caractère si difficile
sans pour autant la laisser tomber et
elle savait que Lizzie penserait à elle, Lex, chaque fois qu’elle aimera Tia.
Ca lui suffisait. Le bonheur de sa femme avant
tout.
Bien sûr Tia refuserait et lutterait longtemps.
Mais sa libido étant ce qu’elle était... elle craquerait fatalement. Et pour ne
pas avoir l’impression de trahir Lex, elle le ferait avec Lizzie.
Et Lizzie était superbe. Alors ce ne serait pas
non plus une corvée pour sa belle, songea la petite femme en détaillant le
profil anguleux de Lizzie.
Mais pour l’instant la grande et superbe
mercenaire était la sienne et elle comptait bien en profiter. Elle pinça les
fesses de sa femme et fit semblant de rien lorsque celle-ci sursauta et se
tourna vers elle d’un air embarrassé.
Elle croisa le regard de Lizzie par-dessus la
tête de sa femme et sourit à la jeune fille. Tia forma silencieusement les mots
merci pour tout et Lizzie lui retourna un sourire très fier. Elle avait adoré
chaque minute passée en compagnie de la grande femme et si la voir dans les
bras d’une autre était douloureux, elle ne regrettait pas du tout d’être venue.
Tia était son premier amour et elle le savait,
son unique amour. Elle devait seulement accepter qu’elle ne serait jamais le
sien. Et chercher quelqu’un qui saurait l’aimer malgré son attachement à la
belle mercenaire aussi.
Pour l’instant Tamara faisait parfaitement
l’affaire et elle était si sexy…
Inconsciente des pensées qui traversaient les
têtes des deux femmes qui se trouvaient à ses côtés, Tia se dit qu’elle était
heureuse. Tout allait bien. Alexia était dans ses bras, Lizzie semblait avoir
mis un frein à son enthousiasme amoureux et les jumeaux avaient passé une
journée qu’ils avaient adorée.
La vie était belle.
Bien sûr le lendemain serait plus difficile,
elle devait parler à ses enfants et avoir une discussion ma foi délicate avec
Lizzie. Mais pour l’heure elle n’avait pas de souci, alors pourquoi y
penser ?
- Les organisateurs de l’agence
« marions-nous aujourd’hui » voudraient que tu donnes ton avis sur
plusieurs choses, lança Lex en fixant les flammes.
- Quel genre de choses ? S’inquiéta la
grande femme.
Lex réprima un sourire.
- Oh tu sais des trucs…
- Non, je sais pas ! Rétorqua la mercenaire
soudain angoissée.
Lex laissa échapper un petit rire et mit fin au
supplice de sa belle.
- Le gâteau que tu aimerais avoir, les fleurs,
ta robe… ce genre de chose…
Tia expira, soulagée et répondit :
- Facile : gâteau au chocolat avec nappage
chocolat, des lys, des marguerites et des pâquerettes et je ne porterais pas de
robe.
- Quoi ?! Mais tu porteras quoi
alors ? S’exclama la petite femme en se redressant.
Tia sourit d’un air mystérieux.
- Tu verras bien…
- Tiaaaaaaa,
- Non, non, inutile de me supplier… je ne dirais
rien. Ce sera une surprise.
Tia gloussa quand le visage de sa bien-aimée se
ferma et prit une expression vexée et elle se demanda ce qu’elle allait bien
pouvoir mettre. Pas une robe ça c’était certain ! Elle trouvait ça
vraiment ridicule deux femmes en robe pour se marier.
Mais pas non plus un smoking. Peut-être un
simple pantalon en toile blanche ? Ou un jean ? Naaaaan, Lex la
tuerait sur place.
Elle décida d’y réfléchir plus tard et posa un
regard serein sur les flammes mouvantes. Il fut un temps où le simple fait de
voir quelque chose brûler lui retournait l’estomac. Après ce qu’elle avait
fait… rien d’étonnant.
Mais Lex avait changé tout ça… Et ses enfants
aussi. C’était fou comme pour ceux que l’on aimait on se retrouvait capable de
faire face à ses pires peurs, à ses démons les plus tenaces.
Sa famille. Sa famille l’avait sorti de sa
misère personnelle. Lui avait redonné une vie qu’elle ne pensait pas un jour
retrouver. C’était… bien trop précieux pour ne penser, même qu’une seconde, que
c’était normal ou acquis et elle bénissait chaque matin les dieux, le destin ou
quoi que se soit d’autre d’avoir mis mis ces gens là sur sa route.
Enfin… enfin, elle acceptait ce que Sassem lui
avait fait comme une chose qui devait arriver pour qu’elle ait la chance
d’avoir ses jumeaux. Ce n’était plus un traumatisme ou un épisode tragique de
son passé. C’était ce qui devait se passer pour que ses deux enfants, voient le
jour. Des êtres merveilleux qu’elle aimait infiniment.
Elle ne regrettait plus d’avoir tué ce monstre.
Plus du tout. Pas même de la façon dont ça c’était passé. Cela faisait partie
d’elle. Ce côté noir était une partie de sa personnalité. Une part importante
que Lex aimait autant que l’autre.
Elle allait donc travailler là dessus. Pour
apprendre à accepter son âme noire et qui sait ? Peut-être qu’elle
pourrait enfin ne faire plus qu’une ?
Mais en attendant que cela arrive, elle avait
l’intention de profiter de Lex, parce qu’elle n’avait pas la moindre idée de ce
qu’il adviendrait d’elle lorsque la louve et elle seraient enfin réunies. Et
pour être franche, elle n’avait pas envie d’y penser.
Elle se pencha sur sa femme et lui murmura à
l’oreille :
- J’ai hâte d’être à notre nuit de noces…
Lex se força à ne pas réagir à la voix
séductrice ou aux chatouillis à son oreille.
- Parce que jusque là, poursuivit sa moitié, on
fait chambre à part…
Lex sursauta et fixa sa femme incrédule.
- Pas encore ! S’exclama-t-elle angoissée.
Elle ne risquait pas d’oublier la frustration
qui avait été la sienne pendant les jours qui avaient précédé leur
mariage ! L’excitation permanente suivit de la frustration et de
l’énervement. Elle n’avait quasiment pas dormi et avait été tendue tout au long
de la cérémonie. Tout avait été une torture et elle n’était pas prête de
vouloir renouveler l’opération !
- Et si… pense à la nuit fabuleuse à laquelle cela
va nous mener…
Lex hésita. Effectivement leurs retrouvailles
avaient été explosives. Délicieuses même. Mais la tension qui l’avait maintenu
dans un état de nerfs permanent, elle ne voulait réellement pas le revivre.
- Non, Ti, je ne veux vraiment pas revivre ça,
fit-elle en secouant la tête.
Tia sourit.
- Dommage que se ne soit pas une demande,
hein ? Lâcha-t-elle tranquillement.
- Qu… comment ça ?
- Elle veut dire que ce n’est pas toi qui
décide, intervint une Lizzie goguenarde.
« Et comment avait-elle entendu ce que sa femme
lui avait murmuré à l’oreille ? » s’interrogea la petite blonde. Elle
chassa cette pensée incongrue et se concentra sur ce que venait de dire sa
compagne.
- Tu veux dire que je n’ai pas voix au
chapitre ?
- C’est ça.
- Tu n’as pas le droit ! Déclara la petite
femme en fronçant les sourcils. Ca me concerne aussi.
- Ha oui ? Rétorqua nonchalamment la grande
femme. Comme lorsque tu as décrété qu’on resterait pure jusqu'à notre union la
première fois ? M’excluant complètement de la décision ?
Lex s’agita d’un pied sur l’autre. Elle
détestait être prise à son propre jeu. Mais elle ne voyait pas vraiment ce
qu’elle aurait pu opposer comme argument.
Elle fixa sa femme de ses yeux vert mousse et
hocha la tête solennellement. Puis quitta ses bras et tourna les talons. Tia la
vit s’éloigner à grandes enjambées résolues et elle l’interpella un peu
perplexe :
- Où tu vas ?
- Demander aux organisateurs de se bouger le
train.
Un éclat de rire suivit sa sortie.
******************************************
Tia se tourna vers Lizzie et partagea un regard
complice. La mercenaire se dit qu’elle ne trouverait pas de meilleur moment
pour leur discussion. Elle attrapa donc la main de sa cousine et la traîna à sa
suite.
La jeune femme sentit son cœur battre à coups
redoublés quand la grande main ferme de Tia se referma sur ses doigts. Et elle
la suivit en se souciant comme de sa première chemise de l’endroit où elle
l’embarquait.
Elle la mena à l’écart des festivités et
l’invita à s’asseoir sur une souche qui traînait près du chemin menant aux
bungalows. Tia s’assit à califourchon dessus et Lizzie plia son genou pour que
celui-ci repose sur le tronc et faire face à Tia sans pour autant devoir
adopter sa position.
- Lizzie je t’ai amené ici pour
une bonne raison, commença la grande femme.
La jeune fille hocha la tête et attendit la
suite dans l’expectative.
- Voilà. Je… j’aimerais, après que tu aies fini
tes examens, ça va de soi, que… que tu viennes habiter ici.
Lizzie ouvrit des yeux ronds et une vague de
joie la transperça.
- Tu… Vraiment ?! Mais… pourquoi ?!
C’est là que la conversation devenait délicate.
Tia choisit soigneusement les mots qu’elle allait prononcer.
- Avec ton père… on pense que ça pourrait t’être
plus… profitable… pour ton épanouissement personnel, si tu te retrouvais
entouré de… heu… personnes qui te comprennent mieux…
Le visage de la jeune fille se ferma et elle
tourna un regard coléreux au loin.
- Je vois, fit-elle platement. Papa ne sait plus
quoi faire pour me contrôler alors il m’envoie ici.
Autant pour sa délicatesse.
- Eh bien... y’a un peu de ça mais pas
totalement.
Lizzie tourna son regard où une paisible colère
se trouvait. Une fois de plus Tia fut profondément touchée par la profondeur de
la blessure qu’elle y voyait. Elle aurait tellement aimée l’aider plus…
- Eh bien va-y, lança Lizzie d’une voix
mordante, explique-moi ce qui en fait partie ou pas.
Tia se racla la gorge en se demandant ce qu’elle
pouvait dire ou pas.
- On pense, qu’effectivement tu ne fréquentes
pas les bonnes personnes. Mais ce n’est pas cela qui motive ma demande. Enfin
pas entièrement, admit-elle devant le regard sceptique de sa cousine. Je pense…
et Frédéric est d’accord là dessus… que tu es comme nous.
Lizzie fronça les sourcils.
- Comment ça, comme vous ?
Tia se passa la langue sur les lèvres et
réfléchit à la façon de présenter les choses.
- Eh bien… Frédéric… s’est toujours vu comme un
loup solitaire.
Lizzie hocha la tête.
- Et lorsqu’il m’a découverte… il a pensé que
j’étais de la même race que lui. Et il avait raison.
Nouvel acquiescement de Lizzie.
- Aujourd’hui… en fait on y pense depuis le
début mais… enfin bref… Frédéric et moi on pense que tu es comme nous. De la
race des loups et… enfin…
Tia soupira. Elle n’avait pas la moindre idée de
la façon de présenter les choses. C’était si bizarre comme façon de vivre.
- On vit comme ça depuis qu’il m’a pris sous son
aile, débita-t-elle d’une traite. Karl, lui et moi, on a vécu comme une meute
et on fonctionne ainsi entre nous. C’est… notre façon d’être. C’est pas une
chose qu’on explique, mais que l’on vit. On trouve leur façon d’être plus
vraie, plus pratique et logique que celle des humains et… enfin bref… elle nous
convient. Elle nous cadre tout en nous permettant d’être nous même.
Elle fixa sa cousine droit dans les yeux et
déclara :
- Nous ne sommes pas civilisés Liz. Nous sommes
des êtres sauvages gouvernés par nos instincts et on en a parfaitement
conscience. La façon dont vivent les meutes nous permet de ne pas être jugés et
de vivre selon notre vraie nature sans pour autant être des monstres.
Tia fit une pause pour permettre à Lizzie de
digérer tout ce qu’elle venait d’entendre.
- C’est cela que je te propose Liz. De vivre
parmi notre meute, à ce mot elle grimaça, s’il convenait parfaitement, elle
avait toujours eu du mal à envisager sa façon de vivre en ces termes, comme si
elle avait honte de sa partie animale.
Et comprit-elle soudain, c’était le cas.
- En tant que membre.
Lizzie la dévisagea un long moment en silence.
- Tu penses que je suis perdue, c’est ça ?
Tia hocha la tête.
- Je pense que tu ne sais pas qui tu es. Que tu
veux à toute force entrer dans le moule pour faire plaisir aux gens qui
t’entourent mais que ça te tues doucement. Je pense sincèrement que venir vivre
ici te fera voir ta place dans le monde différemment et te fera du bien. Mais
réfléchis bien parce que si tu dis oui, il y aura des règles à suivre… des
règles qui si elles ne sont pas suivies à la lettre peuvent mener à certaines
sanctions comme le rejet ou l’exil. Si tu acceptes de suivre notre façon de
vivre, tu devras m’obéir… parce que c’est moi qui dirige notre petit groupe et
que je ne tolèrerais pas de débordement.
Lizzie inspira doucement et expira. Ca faisait
vraiment beaucoup d’infos à assimiler d’un coup.
Tia lui releva le menton et l’obligea à la
regarder.
- Prends le temps d’y réfléchir. Mais saches que
quoi que tu décides… tu auras toujours une place au sein des miens. Si tu n’es
pas prête, on attendra que tu le sois.
Lizzie fixa les prunelles d’azur de la femme
qu’elle aimait depuis leur première rencontre et n’y vit qu’une sincère
inquiétude.
- Tu m’aimes ? Ne put-elle s’empêcher de
demander.
Tia comprenait ce besoin. Ce vide qui vous
engouffrait vivant après avoir mis fin aux jours d’une personne et vous donnait
l’impression de ne plus rien valoir, d’être devenu le monstre que vous aviez
combattu et le besoin désespéré d’être accepté, aimé comme on était, malgré ce
qu’on avait fait, malgré ce que l’on était.
Et lorsque cela arrivait… la liberté qui nous
envahissait… nous faisait voir une lueur qui ne s’y trouvait pas auparavant et
on avait l’impression de nouveau de valoir quelque chose… et on voulait, on
essayait à toute force… de se reconstruire. De bâtir quelque chose à partir de
cette lueur. A partir de la loque que l’on était devenue.
- Bien sûr que je t’aime, répondit Tia avec une
étrange douceur.
Et comme pour sceller ses propos, elle se pencha
sur la jeune fille et déposa un baiser tendre sur ses lèvres.
Lizzie ferma les yeux pour mieux profiter de la
chaleur des lèvres dont elle rêvait si souvent et qui hantaient aussi bien ses
nuits que ses journées. Le baiser fut bien trop bref et trop chaste au goût de
la jeune fille, mais elle s’en contenta et rouvrit les yeux lorsque leurs
bouches se séparèrent.
Elles échangèrent un long regard où la
compréhension d’une douleur identique et d’un passé qu’elles auraient voulu
différent s’y reflétait.
- Tu t’appelleras Chin, fit Tia d’une voix douce
comme la soie.
Lizzie hocha la tête et demande :
- Tu… as un nom spécial aussi ?
- Oui, mais il n’est révélé qu’aux membres…
- Oh. Et… vous êtes combien ?
Tia sourit.
- Trois.
- Et qui… qui en fait… partie ? Seulement
toi, Frédéric et Karl ?
La mercenaire hocha la tête. Et Lizzie sentit un
mélange de sentiments l’envahir. De la joie à l’idée qu’Alexia était exclue, de
la honte à l’idée de s’en réjouir et de la confusion à l’idée d’être aussi
semblable à Tia.
Elle essayait depuis plusieurs années de
concilier son passé avec son présent mais plus le temps passait, plus elle
avait du mal à y parvenir. Elle se sentait si à l’ écart du monde. Même parmi
les marginaux elle se sentait seule. Différente.
Et voilà que Tia débarquait et lui expliquait
pourquoi et lui offrait un endroit, un lieu où non seulement elle serait
toujours acceptée mais où elle ne se sentirait plus aussi différente. Parce
qu’ils étaient tous comme elle…
Elle ferma brièvement les yeux et fit un pas en
avant. Elle posa sa tête contre l’épaule de la grande femme et entoura sa
taille de ses bras. Tia referma ses bras sur elle et la serra doucement.
- Prends ton temps, lui dit-elle en la berçant.
Rien ne presse et si tu as des questions…
- Je sais... tu es là.
- Toujours, confirma la grande femme doucement.
*******************************
Le lendemain matin, Tia prit ses enfants à part
dès leur réveil. Elle n’en pouvait plus d’attendre pour leur parler. Elle
stressait et voulait savoir où ils en étaient vis-à-vis d’elle et des
révélations qu’ils avaient appris.
Elle les trouva attablé devant un bol de
céréales avec l’air déterré de ceux qui sont debout mais loin d’être réveillés.
Elle les trouva seuls et décida d’en profiter. Elle s’assit en face d’eux et
attendit qu’ils ouvrent des yeux moins ensommeillés sur elle pour parler.
Ils hochèrent vaguement la tête dans sa
direction lorsqu’ils la remarquèrent enfin et elle rit.
- Gueule de bois ? Se moqua-t-elle.
Ils haussèrent les épaules et Tia se racla la
gorge.
- Ecoutez, je… je sais que ce n’est pas vraiment
le moment pour ce genre de discussion mais… je… j’ai besoin de savoir.
Ils la fixèrent, échangèrent un regard puis se
redressèrent en se frottant les yeux. Ils la dévisagèrent ensuite, l’air plus
vif et Tia soupira intérieurement de soulagement. Ils semblaient parfaitement
savoir de quoi elle voulait parler exactement et cela éviterait des
explications embarrassantes pour eux trois.
Ce fut Len qui commença.
- On sait
que ça n’a pas été facile pour toi, dit-il en jouant avec ses céréales sans la
regarder. Que notre père… t’a fait ce que…
Len serra les poings et sa mâchoire se crispa.
Il ne put se résoudre à prononcer les mots, à rendre encore plus réel ce que
chacun savait en le disant à voix haute.
- … ce qu’un homme peut faire de plus immonde à
une femme.
Sa voix se fit plus sourde, plus crispée et Lara
posa une main douce sur celle de son frère. Elle la pressa et poursuivit à sa
place. Elle leva la tête et croisa le regard de sa mère. Tia fut saisie par le
bleu limpide des yeux de sa fille et son sérieux.
- Mais tu nous as gardés.
Elle fit une pause et répéta :
- Tu nous as gardés. Et tu nous as aimés.
Tia hocha la tête lentement sans quitter sa
fille des yeux.
- Le reste n’a pas d’importance. On t’a et on a
Alexia.
- Ca nous suffit, conclu Len en osant enfin
croiser son regard. On sait que tu ne nous quitteras jamais de ton plein gré,
que tu nous protègeras toujours même contre nous même. Même si on t’en veut.
- On l’a compris, poursuivit sa fille. On est
juste terriblement triste pour toi. Ce que tu as dû subir… et… franchement…
- On te trouve incroyable, finit Len en posant
des yeux émerveillés sur sa mère.
- Incroyable ? Répéta Tia en retrouvant sa
voix.
Ils hochèrent la tête dans un bel ensemble.
- Tu es si courageuse, murmura Lara, si forte.
Tu es une telle battante…
La mercenaire les dévisagea tour à tour les
larmes aux yeux. Elle vit ses enfants la regarder avec une confiance et un
amour absolu et déglutit difficilement. Ils auraient pu être semblable mais là
où il y avait de l’émerveillement dans les yeux de Len, elle trouva de l’admiration
dans ceux de sa fille.
Lara était la plus mature et celle qui avait le
plus les pieds sur terre, remarqua-t-elle une fois de plus. C’était si étrange
pourtant… Len était le plus calme et le plus appliqué et Lara était parfois si
futile… si superficielle…
Exception faite de la couleur de ses yeux, Lara
semblait complètement semblable à Lex. Elle était un mélange étrange de
l’Alexia d’avant sa rencontre avec Tia et de celle d’aujourd’hui…
Tia leva la main et caressa la joue de sa fille.
Puis elle se leva et fit le tour de la table. Elle se mit entre eux et les
attira à elle. Ils partagèrent cette étreinte avec le même soulagement.
Enfin, leur relation pouvait revenir à la
normale.
- Merci pour Jenny, au fait, fit la voix
étouffée de son fils tout contre elle.
Tia sourit et regarda le soleil déverser ses
premiers rayons de la journée dans la cuisine, qui de nouveau, s’illuminait.
Chapitre 3 :
C’était le grand jour.
Et Tia stressait à mort.
Elle ne comprenait pas pourquoi. Elle avait déjà
épousé Lex. Elle avait uni son âme à la sienne. L’avait laissé adopter ses
enfants.
Elle ne pouvait pas être plus liée ou engagée à
elle.
Pourtant elle stressait.
La grande brune lissa du plat de la main son
pantalon en se détaillant anxieusement dans la Psyché. Elle avait revêtu un
pantalon en cuir noir. Celui qu’elle portait lors de sa première sortie en
amoureuse avec Lex. Pour le haut, elle avait choisi de porter un marcel en
coton noir tout simple. Sa tenue était complétée par un bandana noir qu’elle
avait noué sur ses cheveux détachés.
Elle enfila ses bottes de motard et vérifia une
fois encore son reflet.
Elle avait l’air dangereuse et sauvage.
Elle avait une chance sur deux de se faire jeter
par sa douce fiancée. Elle grimaça. Elle était de moins en moins sûre de son
choix. Alexia s’attendait à du classique et elle allait être surprise !
Mais en serait-ce une bonne ou une mauvaise ? Allait-elle lui jeter son
bouquet de mariée au visage ou juste la fusiller du regard ?
Elle se redressa et inspira profondément. Elle
carra les épaules et calma les pensées chaotiques qui agitaient son esprit.
Elle avait fait un choix et elle comptait bien s’y tenir.
Elle entendit qu’on toquait à la porte de sa
chambre et inspira une dernière fois avant d’aller ouvrir. Frédéric écarquilla
les yeux puis hocha la tête et lui fit un petit sourire encourageant.
Elle lui en retourna un crispé et le suivit au
dehors. Le soleil la frappa brutalement et elle prit le temps d’apprécier
l’instant. Pour apaiser sa nervosité ? Ou pour tout graver en elle ?
Elle ne le savait pas mais s’appliqua à imprimer chaque image, chaque son,
chaque senteur… dans un coin connu d’elle seule tout en s’avançant vers l’autel
au côté de Frédéric.
Elle sourit tranquillement aux invités qui la
fixaient avec des airs incrédules, confus ou perplexes. Puis se plaça au pied
de l’autel et se tourna pour
faire face à l’allée.
Tia détailla l’assistance autant que
l’environnement.
Alexia avait été fantastique… comme toujours. En
une semaine elle avait accompli un véritable miracle.
Le mariage se faisait en plein air et une
estrade avec une arche fleurie avait été installée à l’arrière du ranch. Des
chaises en bois blanches étaient disséminées sur toute la propriété afin que
les invités puissent suivre la cérémonie puis s’asseoir où bon leur semblaient
entre deux danses.
Le thème que Lex avait choisi était celui de
songe d’une nuit d’été, de William Shakespeare. Des peintures en trompe l’œil,
des décors peints sur des panneaux en bois, des arbres et plantes moussues
amenés directement et spécialement pour l’événement, des statues… Le décor
était digne d’un royaume de fée…
Plus loin sur sa gauche se trouvait une piste de
danse, aménagée pour l’occasion et abritée par un chapiteau rouge pétant où se
trouvait inscrit : Tia et Alexia, pour la vie et au-delà. L’inscription
comme la couleur du chapiteau faisaient grimacer la mercenaire, mais Alexia
avait tenu à l’un comme à l’autre. Pour la couleur Tia ne comprenait pas, mais
pour l’inscription elle savait que c’était pour prévenir tous ses soupirants
qu’elle était prise et bien prise.
Ca l’avait fait rire mais elle pouvait
comprendre son besoin de marquer sa possession. Elle ne s’était pas toujours
très bien comportée. Tia lorgna vers le buffet froid que le traiteur venait à
peine de finir d’installer et saliva à la seule vue des montagnes de saumon
fumé, des fontaines aux chocolats, de la crème chantilly et des fruits
artistiquement disposés…
Elle mourrait de faim parce que depuis la veille
elle avait été incapable d’avaler quoi que se soit. La fébrilité de Lex l’avait
finalement atteinte et elle s’était retrouvée à se traiter de tous les noms
lorsqu’elle n’avait pu aller dissoudre sa nervosité dans une étreinte
amoureuse, parce qu’elle avait, par jeu, décrété qu’il n’y aurait rien entre
elles jusqu’à la nuit de noces.
Elle n’avait bien entendu, frustrée et énervée
comme elle l’était, avec si peu de sommeil, pu avaler quoi que se soit ce matin
aussi. Résultat, il n’était pas loin de midi, elle mourrait de faim, de
nervosité et de frustration.
Elle trompa son énervement en détaillant les
participants et vit que Marcelius Roberts avait répondu à leur invitation. Elle
lui sourit et il lui retourna un petit signe de la main. Elle poursuivit son
tour d’horizon et s’arrêta sur un grand brun ténébreux qui la regardait avec un
petit sourire à la fois triste et goguenard. Elle vit aussi de l’admiration
dans ses yeux. Elle fut rassurée par son approbation. Il avait compris son
choix de tenue. Peut-être Lex le comprendrait-elle aussi finalement ?
Elle était heureuse qu’il soit là. Enyalios
était si important pour elle…
Elle croisa ensuite le regard furieux et
méprisant de M. Stephanos et se trouva partagée entre sa colère de le voir la
juger ainsi et sa joie lorsque Lex se rendrait compte qu’il avait finalement
accepté son invitation.
Elle décida de garder son agacement pour elle et
de faire bonne figure. Elle ne réagirait ni à ses regards, ni à ses piques.
S’il y avait une chance pour que Lex et son père se réconcilient ce ne serait
pas elle qui l’en empêcherait.
Elle sourit à M. Stephanos qui détourna le
regard en reniflant. « Ca promet pour la suite », songea la grande
femme en haussant des épaules mentales.
Au premier rang, elle vit Rhapsody et la
sérénité qui l’envahissait à chaque fois qu’elle posait les yeux sur elle et
plongeait son regard dans le sien, prit possession d’elle. La nervosité
s’apaisa, la frustration s’amenuisa et la faim se tut. Elles se sourirent.
Le regard de Tia fut attiré juste à côté de sa
voisine, par les parents de Linya qui lui faisaient un petit signe. Elle le
leur retourna et vit qu’ils la fixaient d’un air perplexe et interrogatif. Elle
fronça les sourcils. Qu’est-ce qu’ils voulaient ? Elle haussa mentalement
les épaules et se dit qu’elle verrait bien après la cérémonie.
Elle se tourna vers Linya qui jouait les
demoiselles d’honneur de Lex et lui fit un clin d’œil auquel elle répondit.
Elles se sourirent et Tia fit un signe de tête vers ses parents. Linya se
tourna vers eux et après un échange non verbal qui passa au-dessus de la tête
de Tia, Linya fit la grimace en levant les yeux au ciel et murmura une excuse
silencieuse à l’attention de sa grande amie.
Celle-ci ouvrit de grands yeux perplexes. Elle
était de plus en plus intriguée. Elle allait lui demander des précisions quand
les premières notes de la marche nuptiale retentirent.
Le regard de Tia comme celui des invités se
porta instantanément sur l’allée centrale. Tia sentit son cœur battre à coups
redoublés. Elle fixait la porte d’entrée du ranch à s’en faire mal aux yeux.
Elle se retint de se dandiner sur place et entendit un rire bas et grave,
moqueur à sa droite, mais décida de ne pas relever. Cela aurait fait trop
plaisir à Enyalios. Et risquait de lui faire manquer l’entrée de Lex.
Elle vit la porte d’entrée s’ouvrir au ralenti
comme dans les films et se dit que vraiment elle allait devoir se calmer parce
qu’imaginer des ralentis c’était un vrai signe de guimauverie ! Elle
inspira brutalement lorsqu’elle vit sa moitié apparaître et ne la quitta plus
des yeux alors qu’elle s’avançait les yeux braqués sur elle.
Lex était vêtue à l’ancienne. D’un haut en lin
bleu et d’une longue jupe en lin marron-rouge. Ses cheveux étaient lâchés sur
ses épaules sauf deux mèches sur le devant ramenées vers l’arrière et attachées
en demi-queue.
Ses cheveux avaient des reflets auburn et
brillaient doucement au soleil. Ses yeux d’un vert intense la fixaient avec
détermination et un brin d’appréhension. Tia fronça les sourcils, son cœur
s’arrêta brièvement de battre et sa respiration se coupa alors même qu’une
image d’une netteté incroyable s’imprimait sur sa rétine.
Sa compagne prise au milieu d’un combat contre
des brigands, leurs regards se croisant pour la première fois par-dessus les
épaules des hommes de Draco, le vert la transperçant dans une sensation
inconnue d’elle jusqu’alors et la perturbant au point qu’elle ne sente pas un
des hommes lever son bras pour la frapper dans le dos.
Même lorsqu’elle était tombée au sol, la douleur
lui faisant perdre momentanément l’usage de ses jambes, elle n’avait que ces
yeux verts incroyables dans la tête. C’était son corps, si remarquablement
entraîné qui avait enchaîné les coups pour mettre fin aux velléités des hommes
de Draco sans qu’une seule fois l’image de cette jeune paysanne ne la quitte.
Et aujourd’hui elle était à nouveau devant elle.
Sa jeune paysanne. Devenue femme. Devenue guerrière. Devenue tellement plus
pour elle…
Alors que tout le monde dévisageait Lex comme si
elle venait d’un autre monde, Tia sentit les larmes monter et l’une d’elle
roula sur sa joue, juste avant qu’elle n’éclate de rire. Elle était si
heureuse.
Sa première, toute première rencontre avec son
âme sœur… elles étaient tellement faites l’une pour l’autre…
Elles avaient pensé exactement à la même chose…
se vêtir comme au jour de leur première rencontre… seulement Lex était remontée
un peu plus loin… et Tia avait fait un mix avec leur première sortie en
amoureuse.
Elle fixa son regard rieur et heureux sur sa
moitié alors que celle-ci finissait de remonter l’allée pour se poster à ses
côtés et elle vit la même joie, la même émotion dans ses yeux lorsque Lex
détailla sa tenue.
La petite blonde se pencha doucement vers elle
et dit :
- Ma mercenaire indomptable…
Tia sourit et répliqua :
- Jusqu'à toi. Seulement jusqu’à toi…
Elles se redressèrent et se tournèrent vers le
pasteur dans un même élan. Aucune d’elle n’avait une confession particulière
mais elles voulaient un mariage dans les règles et la religion protestante leur
semblait la moins bizarre et la plus crédible.
Aussitôt les yeux braqués sur lui, le pasteur se
mit à commencer son discours. Les filles plongèrent instantanément leurs
regards l’un dans l’autre et n’en dévièrent plus. C’est ainsi, l’une dans
l’autre, qu’elles prononcèrent leurs vœux.
A la fin de la cérémonie, Tia se pencha vers sa
femme et déclara doucement mais gravement :
- Je ne te promets pas de ne pas te faire
souffrir, je ne te promets pas de faire toujours ce qu’il faut, je ne te
promets pas d’être une personne facile à vivre, mais je te promets de toujours
essayer et de ne jamais te quitter.
Lex déglutit, envahie par l’émotion et ferma les
yeux lorsque Tia déposa un baiser léger comme la brise sur ses lèvres puis les
rouvrit et acquiesça. Elle se racla la gorge et fit-elle aussi une promesse à
sa femme :
- Je te suivrais où que tu ailles. Comme je l’ai
toujours fait, que tu le veuilles ou non. Je ne compte pas t’obéir…
Ces mots arrachèrent un petit rire à la
mercenaire.
- Comme si tu l’avais jamais fait…
- … je t’aime, poursuivit la petite femme sans
relever l’interruption même si le commentaire l’avait fait sourire, et c’est
pourquoi je veux être avec toi. Toujours. Quel que soit le lieu où tu te rends…
ou bien où l’on t’envoie, murmura-t-elle plus bas.
Un instant la signification de cette promesse
flotta entre elles deux et Tia ne sut si elle devait prendre Lex dans ses bras
et la remercier ou la secouer et lui dire de réfléchir un peu à ce qu’elle
disait.
Pour que sa compagne soit la seule à entendre ce
qu’elle allait dire Tia se pencha un peu plus vers Lex et baissa la voix.
- Te rends-tu compte de l’endroit où je risque
d’aller ? En admettant même que j’ai droit au repos cette fois et non à
une énième réincarnation ? On sait ce qu’il y a là-bas…, chuchota-t-elle
encore plus bas, on l’a vue… Ashee nous l’a montré… tiens-tu vraiment à te
retrouver au milieu d’eux ?
Eux. Les démons. Lex frissonnait de terreur rien
qu’à penser à eux. Elle leva ses yeux limpides sur la grande femme à ses côtés
et sut avec une certitude absolue où elle ne pouvait pas être. Loin d’elle.
- Je ne tiens pas particulièrement à être en
leur sein, mais Tia j’aimerais que tu arrives à saisir… je ne peux pas vivre
loin de toi… se serait comme m’arracher les bras et les jambes…
Lex fit une pause puis reprit.
- Oui, j’en suis sûre. Et tu oublies que nos
âmes sont liées désormais… on ne peut plus rien y changer, conclut-elle
satisfaite.
Tia eut un sourire triste. Elle leva la main où
se trouvait son alliance et dit :
- Il me suffit de la retirer… et à notre mort
nous ne pourrons nous retrouver…
Instantanément les yeux verts virèrent à
l’orage.
- Tu n’as même pas intérêt à y penser, gronda la
petite femme.
Tia réfléchit et Lex en profita pour avancer ses
arguments sentant que c’était aujourd’hui et maintenant que se jouait leur
avenir… leur devenir…
- Arrête d’essayer de me protéger comme si
j’étais encore une enfant… je n’en suis plus une… depuis longtemps. Accorde-moi
le droit, comme n’importe quel adulte, de faire mes propres choix. Accorde-moi
ton respect et respectes mes décisions en comprenant bien que pour chacune
d’elles, j’ai longtemps pesé le pour et le contre. Accepte le fait que tu es la
raison pour laquelle j’existe et que je ne pourrais jamais être heureuse si je
ne suis pas avec toi… s’il te plaît accorde-moi tout ça… ça fait tant de vies
que j’essaye de te l’expliquer… tant de vies gâchées, tant de douleurs, tant de
solitude… une simple existence difficile à tes côtés me rendra toujours plus
heureuse qu’une éternité en sécurité et sans souffrance.
Lex reprit son souffle et enchaîna :
- A quoi bon vivre sans amour ? Je peux
tout supporter, et il me semble d’ailleurs l’avoir prouvé, si tu es là. Et Tia,
n’oublie pas… la joie on ne peut la ressentir que parce qu’avant on a
expérimenter la souffrance… ne t’imagine pas qu’une vie ou une éternité au
paradis puisse faire une alternative acceptable parce que je ne souffrirais
pas…parce que je ne connaîtrais pas la joie non plus. Pas sans toi... je ne le
pourrais plus jamais…
- Tu… tu es sûre ?
Lex fit
un pas en avant et prit les mains de Tia entre les siennes.
- Tia… il aurait fallu que Gabrielle ne
rencontre jamais Xena, qu’elle reste à Potéidaia pour se satisfaire d’une vie
où tu n’es pas… et ça, ma douce, c’est juste impossible… Accepte-le.
Accepte-moi… je t’en prie…
Tia la considéra longuement et se souvint
soudain de ce que Lex avait obtenu il y a peu…
- Mâat, fit-elle en passant son index sur la
joue de sa compagne. Tu es indépendante maintenant. Je ne peux plus te
considérer que comme mon égale… tu l’étais aussi lorsque… lorsque je t’ai
sacrifié au nom de l’honneur et du repos des 40 000 âmes à Jappa.
Le regard de la mercenaire se fit lointain.
- J’ai pris la décision pour nous deux… une fois
de plus… sans te laisser le choix… sans écouter tes propres désirs… ce n’est
pas ça un couple…
Tia revint au présent.
- Je suis désolée… sans cette décision… sans mon
égo… on n’en serait pas là aujourd’hui…
Lex sourit.
- Encore une fois, ton ego à parler… Ce n’est
pas à cette décision que l’on doit notre présent. Mais aux deux qui ont suivi.
La tienne. De t’arracher une partie de ton âme. Et la mienne. De te suivre où
que tu ailles.
Une pause.
- Cesse de croire que tu es responsable de tout
ce qui m’arrive de mal. Je sais très bien me mettre toute seule dans les
ennuis.
C’était tellement vrai que Tia rit ?
- La décision de te mutiler était stupide… mais
c’était par amour que tu l’as fait… pour moi… pour réparer… en quelque sorte…
Je pourrais tout à fait dire que c’était ma faute.
- Non, Lex c’était ma décision…
- En effet, la coupa la petite femme, ta
décision. Mais je pourrais te retirer ton libre arbitre ou faire comme s’il
n’existait pas…
Tia comprit. Pour la première fois en des
siècles d’existence, elle comprit son erreur. Celle qu’elle répétait
inlassablement, vie après vie… celle qu’elle avait failli refaire. Alors qu’on
lui octroyait enfin une nouvelle chance… et le droit de réparer…
- Je… je suis désolée… je… je ne me rendais pas
compte… je ne voyais pas…
Le cœur de Lex fit un bond dans sa poitrine et
une allégresse sans nom la submergea. Enfin Tia avait compris. Enfin elles
allaient construire leurs avenirs à deux… enfin… elles allaient être sur un
pied d’égalité…
Elle serra les mains de sa compagne et demanda,
fébrile :
- Alors, c’est oui ?
Tia ne se souvenait pas de la question, si tant
était qu’il y en ait eu une, mais elle savait ce que Lex attendait d’elle.
- C’est oui.
Et avec ces mots les deux femmes scellèrent
enfin leur mariage. Elles s’étreignirent et s’embrassèrent fougueusement sous
les sifflements et les applaudissements de l’assistance qu’aucune des deux
n’entendirent.
Elles se séparèrent tranquillement et se
perdirent dans les yeux l’une de l’autre.
- Plus jamais séparées… promit la grande femme…
plus jamais rien sans toi…
Lex lui fit un grand sourire, l’embrassa une
dernière fois et se tourna vers les spectateurs sans attendre la fin de la
bénédiction du pasteur qui depuis le début de leur échange essayait tant bien
que mal de poursuivre.
- Et maintenant, on fait la fête !
S’exclama la nouvelle mercenaire avec joie.
Depuis que Tia lui avait annoncé que désormais
elle n’était plus son apprentie, c’était la première fois qu’elle ressentait
vraiment sa nouvelle indépendance.
Alors qu’elles descendaient l’allée sous le
traditionnel lancé de riz, les parents de Linya les interceptèrent au grand dam
de leur fille qui se rua à leurs côtés.
- Maman, fit-elle, ce n’est vraiment pas le
moment pour ça…
Mais celle-ci ne l’entendait pas de cette
oreille. Tia et Lex les regardaient tous les trois un peu perplexe.
- Pourquoi ne pas avoir fait un mariage à
trois ? Demanda la mère de Linya. Ce n’est pas possible ? Il me
semblait pourtant qu’au Canada ça l’était. Comptez-vous épouser notre fille un
jour, ou allez-vous la cantonner au rôle de maîtresse ?
Les questions s’adressaient aux deux mariées
mais il était clair, au regard perçant que la vieille dame posait sur Tia que
c’était à elle seule que les reproches voilés allaient. La mercenaire la
dévisagea stupéfaite et se tourna vers Linya, l’air de dire :
« Mais ils n’ont toujours pas
capté ?! »
Linya fit une grimace penaude et Lex éclata de
rire.
Chapitre 4 :
Les deux agences de mariage retenues par Lex avaient fait un
travail incroyable pour la réception. On avait vraiment l’impression de pouvoir
rencontrer la reine des fées à tout moment.
Tia qui n’aimait pas du tout ce genre de chose était
particulièrement émerveillée par son environnement.
Elle jetait de fréquents coups d’œil aux alentours, avec
l’air d’être Alice au pays des merveilles. Lex qui avait repéré son manège
était particulièrement fière de son idée. Elle se trouvait aux côtés de sa
femme et tenait sa main, fermement serrée dans la sienne. Elle ne la lâchait
que pour les danses auxquelles elle devait participer.
Tia tirait la gueule dans ces cas là, mais ne pouvait
refuser. La mercenaire elle-même avait dû y aller de sa participation. Elle
avait bien entendu choisi très sérieusement les quelques partenaires qui
auraient cet honneur.
Au plus grand déplaisir de Lex, Tia avait dansé plusieurs
fois avec Enyalios et y avait semble-t-il, pris à chaque fois beaucoup de
plaisir. Tia avait aussi dansé avec Marcelius, Frédéric et son oncle Gin.
Soudain Lizzie se planta devant les deux femmes et les
félicitèrent avec un immense sourire. L’instant suivant, elle invitait Tia à
danser. Et à la grande surprise de Lex, Tia accepta. Elle les regarda gagner la
piste de danse avec un petit pincement au cœur. Une appréhension au creux du
ventre, qui ne fit que grandir à mesure qu’elle les voyait évoluer sur la
piste.
Elle était si semblable… la même grâce, le même pas de
prédateur, le même malaise dans le monde…
Lex se redressa. Oui Lizzie et Tia feraient un couple
merveilleux… mais cela devrait attendre qu’elle, Lex, ne soit plus de ce monde.
De plus, et cela, Lex le remarqua avec un soulagement évident, Tia ne regardait
pas du tout Lizzie de la façon dont une femme en regarde une autre qui lui
plaît.
Dans la tête de Tia, Lizzie était toujours une enfant. Trop
proche en âge de sa fille, Tia ne la verrait pas comme une partenaire potentielle
avant longtemps. Si cela arrivait un jour d’ailleurs. Lorsque son temps
viendra, lorsque son corps lâchera, Lex devrait faire le nécessaire pour que
Tia ouvre les yeux sur Lizzie.
C’était un sacrifice nécessaire au bonheur de Tia. Mais cela
n’allait pas sans douleur. A sa mort, s’ajoutait la séparation d’avec son âme
sœur et à cela… la douleur de la savoir avec une autre…
Elle tourna la tête en direction d’Enyalios qui observait
Tia avec un air de regret nostalgique. Et soudain cela frappa Lex. Enyalios
était amoureux de Tia. Depuis de nombreuses années déjà.
Elle secoua la tête, incrédule. Puis considéra cette
nouvelle option. Tia aimait infiniment Enyalios. Elle lui vouait une admiration
et une reconnaissance sans borne. Et Tia avait besoin d’admirer ceux qu’elle
aimait. En cela, Enyalios était un meilleur choix pour sa mercenaire que
Lizzie.
Mais Lizzie était totalement dévouée à sa compagne. Elle
aurait la patience qui serait nécessaire à Tia lorsqu’elle serait morte.
Enyalios… non, elle ne le voyait pas faire ça. Mais peut-être se
trompait-elle ? Peut-être qu’il serait différent ? Pour Tia.
Il allait falloir qu’elle y réfléchisse sérieusement. Et
qu’elle apprenne à les connaître plus. Elle allait devoir observer sa femme
lors de ses contacts avec eux… et déterminer lequel lui conviendrait mieux.
C’était un bon plan. Et cela lui donnait le temps à
elle-même pour s’y faire. Elle n’avait pas beaucoup d’illusion sur son
efficacité, mais elle devait au moins le tenter. La vie de Tia ne devait pas se
terminer avec la sienne.
- Elles sont magnifiques, fit une voix la tirant de ses
réflexions.
Lex découvrit leur voisine, Rhapsody en train de contempler
les couples sur la piste avec un air pétillant de joie et un je ne sais quoi de
bienveillant qui lui adoucissait le visage.
- En effet, répondit-elle.
Rhapsody se tourna vers elle avec un grand sourire.
- Félicitation, fit-elle simplement. Pour le mariage, la
mariée et la superbe fête.
Lex hocha la tête et lui retourna son sourire.
- Merci à vous pour tout ce que vous avez fait pour nous et
les jumeaux… ces derniers mois.
Rhapsody secoua la tête.
- Ce n’était rien voyons.
Lex la
dévisagea interloquée.
- Rien ? Vous rigolez ?! Vous… vous avez géré
notre domaine, vous êtes occupée de la scolarité des jumeaux, avez joué les
intermédiaires avec la police… et tout cela sans rien demander en échange et
sans réellement nous connaître ! Alors non, ce n’est pas rien.
Rhapsody la regarda rejeter sa désinvolture avec amusement.
- Et croyez-moi, on s’en souviendra longtemps, déclara la
petite femme avec conviction.
- Ce n’est pas la peine, vraiment, insista la rousse.
Lex l’étudia un moment, se demanda ce qui motivait cette
femme presque aussi grande que la sienne.
- Pourquoi avez-vous fait cela, d’ailleurs ? Lui
demanda-t-elle brusquement. Je veux dire, on est voisin ok, mais… on en se
connaît pas vraiment.
Rhapsody lui jeta un regard malicieux.
- Pas que je n’apprécie pas, se reprit rapidement la petite
blonde. Mais avouez que c’est étrange…
La femme rousse secoua les épaules et reporta son regard sur
la piste. Après quelques instants de silence, Lex remarqua qui sa compagne
dévisageait. Tia. Et l’expression de Rhapsody était… un mélange de douce
nostalgie et de perplexité.
Lex fronça les sourcils. Lorsque Tia croisa le regard de
leur voisine et que Lex y vit soudain apparaître une sérénité et un calme
qu’elle ne lui avait jamais vu, elle se raidit.
Se pourrait-il… ?
Elle dévisagea tour à tour les deux femmes et sentit
l’habituelle pointe de jalousie naître au creux de son estomac. Enyalios et
Lizzie furent vite relégués bien loin dans ses pensées. Ce qu’il y avait entre
Tia et leur voisine semblait bien plus dangereux que l’amour absolu de Lizzie
ou l’attachement farouche de Tia pour Enyalios.
Elle se rappela soudain
que juste après leur dispute et son départ pour le village d’El kasam, Tia lui
avait avoué être allée discuter un soir avec elle. Elle se souvint de sa
jalousie d’alors… elle n’avait pas réellement eu de raison pour cela, mais
maintenant… maintenant… si.
La musique prit fin et Lizzie et Tia revinrent vers elle.
Lex croisa le regard joyeux de sa femme et ne put s’empêcher de lui retourner
son sourire. Mais elle ne lâcha pas son visage des yeux lorsque la mercenaire
se tourna vers leur voisine pour la présenter à Lizzie.
- De quoi parliez-vous ? Demanda Lex à Lizzie qui
semblait particulièrement joyeuse.
- De mon emménagement !
Lex tiqua. Et Tia qui le vit s’empressa de lui
expliquer :
- C’est temporaire et euh… Gin est d’accord. C’est…
Lex leva la main, la coupant dans ses bredouillements.
- Frédéric m’a expliquée.
Une pause.
- Je n’y vois pas d’inconvénient.
Lizzie et Tia échangèrent un regard soulagé et Lizzie courut
en direction de son père pour mettre au point son départ. Tia se tourna vers sa
femme avec une certaine appréhension. Frédéric lui avait expliqué, ok. Mais
quoi exactement ? De plus elle voyait bien dans son regard que Lex aurait
vraiment préféré que se soit elle qui s’occupe de cela et c’était normal.
Une fois de plus, Tia avait merdé. Pourquoi diable n’en
avait-elle pas parlé à Lex ?
Lex ne comprenait pas pourquoi Tia ne lui avait pas
elle-même fait part de cette nouvelle. Ni même pourquoi elles n’en avaient pas
discuté au préalable. Lizzie avait besoin d’un cadre plus strict, près de personne
(qui) capable de comprendre ce qu’elle avait vécu… ok. Mais pourquoi
en faire une telle cachotterie ?
Elle sentait qu’il y avait plus. Que Tia ne lui disait pas
tout. Et être exclue d’un lieu où apparemment Lizzie était acceptée, ne lui
plaisait pas du tout. Et en plus de devoir surveiller étroitement les rapports
étranges entre leur trop charmante voisine et sa femme, elle allait devoir
calmer les ardeurs de la cousine de Tia…
Leur nouvelle vie s’annonçait pour le moins agitée pour son
cœur…
Elle soupira.
- Il va falloir qu’on en parle, jeta-t-elle à Tia qui
s’empressa d’acquiescer.
Gin interpella sa nièce et Tia, après un baiser à sa femme
et un petit signe à Rhapsody, s’excusa et le rejoignit.
La femme rousse fit face à la mariée et déclara :
- Vous êtes très belle ensemble. Il se dégage une telle
douceur de Tia lorsqu’elle vous touche, vous regarde ou parle de vous.
Lex la fixa étonnée.
- Vraiment ?
Rhapsody hocha la tête.
- Vraiment. Et la réciproque est tout aussi vraie.
Elles se tournèrent toutes deux vers l’intéressée et
l’observèrent un moment.
- Vous êtes le couple idéal et pourtant… une angoisse sourde
et une tension imperceptible se dégage de chacune de vous. Une pincée de
tristesse, comme… une peur latente qui vous empêche de vraiment être heureuses.
Lex tourna un visage stupéfait vers Rhapsody qui continuait
d’étudier sa femme. Elle n’en revenait pas de la sensibilité de cette femme…
- Et… en admettant que vous ayez raison… qu’il… qu’il y ait
en effet quelque chose qui… qui nous empêche d’être heureuses. De… de profiter
de ce que l’on s’apporte l’une à l’autre… que… me conseillez-vous de
faire ? Pour… euh… l’effacer ?
Rhapsody s’arracha à la contemplation de la grande femme
qui, pour une raison étrange, ne cessait de la fasciner, et considéra la petite
blonde un moment.
- Cela dépend surtout de ce qu’est cette chose qui vous
empêche d’avancer.
Lex n’avait pas la moindre idée de ce qui lui prenait de
parler à cœur ouvert avec cette parfaite inconnue, qui menaçait son couple, en
plus, elle le sentait. Et pourtant… elle ne pouvait s’empêcher de lui faire
confiance.
Quelque chose… oui, quelque chose d’indéfinissable, en
contradiction totale avec le pétillement vivace dans ces yeux ardoise,
l’apaisait. Lui disait qu’elle pouvait avoir confiance, que cette femme avait
ses intérêts à cœur.
- Ma mort, déclara-t-elle soudain sans pouvoir le retenir.
Cela la hantait tellement. La peur, l’angoisse, serait-ce
douloureux ?, sa séparation prochaine d’avec son unique amour… elle savait
que c’était idiot, que c’était dans de nombreuses années… mais la peur se
fichait du nombre d’années… elle était là, s’insinuant dans chacun des endroits
qui lui faisait mal, dans les lieux cachés où personne n’avait le droit de se rendre, le lieu de
peurs primaires… les plus horrifiantes…
Rhapsody ne cilla pas, ne marqua pas de surprise, bien
qu’intérieurement elle s’interrogeait. Et cette apparente décontraction décida
Lex à se confier. Elle lui narra la maladie de sa mère, ses angoisses d’en être
atteinte, les tests, les résultats… comment cela les avait séparées puis leurs
retrouvailles, les mots de Tia, sa propre angoisse…
Tout sortit d’un seul coup, et si cela parut confus à
Rhapsody, elle n’en laissa rien paraître. Elle laissa le silence s’installer
entre elles, le temps que Lex se reprenne puis elle posa une main douce sur son
épaule et la pressa.
- Faites un enfant.
- Qu… hein ?
Lex était abasourdie. Elle tenta de comprendre pourquoi sa
nouvelle amie lui disait cela puis elle se souvient de la question qu’elle lui
avait posée.
- Vous pensez que c’est la solution ?
Sa voisine hocha la tête.
- C’est quelque chose de vous, auquel elle pourra
s’accrocher après votre disparition. Quelque chose de vous qui l’obligera à ne
pas vous suivre.
Lex déglutit. Rhapsody avait cerné le vrai souci de Lex.
- C’est aussi quelque chose qui vous fera oublier pendant un
moment, ses premières années, votre disparition prochaine. Parce que
croyez-moi, avec un bébé, on a plus tellement le temps de penser au futur. Seul
le présent compte. Et pour vous comme pour Tia… c’est ce qu’il vous faut.
Evidemment, si vous n’aimez pas les enfants, commença la rousse...
- Non, non, la coupa la petite femme. J’adore les enfants et
Tia… Tia serait ravie en fait, mais…
- Mais quel genre de mère cela fera de vous ? Finit
Rhapsody pour elle. Quels souvenirs aura-t-il de vous ?
Lex hocha la tête.
- Filmez-vous. Et il aura les plus beaux. Et Tia lui parlera
de vous et lui dira combien vous étiez quelqu’un de bon et généreux… ne vous en
faites donc pas… il aura les plus beaux souvenirs.
Lex baissa les yeux sur le parquet ciré. Rhapsody venait de
balayer ses doutes en un revers de mains. Si facilement. Comment avait-elle pu
être convaincue que c’était une mauvaise idée ? Elle releva la tête et
posa son regard vert sur sa compagne du moment. Qui était cette femme ?
Elle sentait quelque chose, mais était incapable de mettre
le doigt dessus.
- Merci, fit-elle sans la quitter des yeux.
Un pétillement amusé dansa dans les prunelles grises.
Rhapsody se pencha en avant et faisant une petite courbette déclara :
- Tout le plaisir était pour moi. Et souvenez-vous,
ajouta-t-elle peu après, je suis la ferme située à 11 km
Lex lui sourit et accepta la proposition implicite.
« Incroyable, pensa-t-elle en déambulant à la recherche de sa femme, je
suis toujours inquiète à propos du lien qu’elle et Tia semblent avoir, mais je
n’arrive pas à la détester »
« La vie ne pourrait-elle pas être simple pour
changer ? » songea-t-elle avec un petit sourire joyeux qui démentait
l’exaspération de ses pensées.
*****************************************
Tia finit sa conversation avec son oncle, acceptant
gracieusement ses félicitations pour la seconde fois et ses commentaires sur
leur choix respectif de tenue. Elle se détourna pour rejoindre sa compagne et
Rhapsody et intercepta M. Stephanos se dirigeant vers sa fille avec l’air
déterminé du bulldozer qui va faire mal.
Elle se précipita vers lui et sans lui laisser le temps de
réagir ou de protester, lui prit le bras et le propulsa derrière le buffet, le
cachant à la vue de sa fille. Tia vérifia que Lex n’avait rien remarqué et fit
face à l’homme d’affaires courroucé.
Il la fusilla du regard puis la toisa de haut en bas.
- On peut savoir ce qui vous a pris ? Demanda-t-il aussi
calmement que possible.
Tia lui fit un sourire déplaisant.
- Ce qui m’a pris ? Vous croyez sérieusement pouvoir
foncer sur ma femme avec l’air d’un taureau devant un tapis rouge, sans
que je réagisse ?
Tia le vit tressaillir au mot femme et l’exaspération
remplaça son agacement initial.
- Vous savez, déclara-t-elle doucereusement, vous feriez
mieux de vous réjouir pour moi et votre fille…
M. Stephanos fronça les sourcils. En père traditionaliste il
voulait l’envoyer bouler, mais en homme d’affaires avisé, il ne le fit pas.
- Et pourquoi ça ?
Elle le fixa un long moment avec un sourire carnassier,
jusqu'à ce qu’il s’agite, mal à l’aise.
- Parce que vous êtes en affaires avec la compagnie
Kensington, que vous comptez sur le projet Renkord pour augmenter votre
clientèle et vos rentrées d’argent, sans parler de votre statut.
- Et en quoi cela a-t-il un rapport avec vous ?
Il était plus que surpris qu’elle soit au courant de telle
chose. Son projet n’était pas un secret, ni sa collaboration, mais il ne voyait
pas pourquoi une femme comme elle s’intéresserait aux affaires.
Tia lui fit un grand sourire joyeux et se pencha vers lui en
se tournant à demi.
- Vous voyez le grand homme brun là-bas ?
M. Stephanos suivit son doigt des yeux et hocha la tête.
- M. Kensington, le PDG des entreprises du même nom, votre
oncle.
- C’est ça. Et bien devinez quoi ? S’exclama-t-elle
toute joyeuse.
- Quoi ?! Demanda-t-il de mauvaise grâce et méfiant.
Avec le sourire du chat de Cheshire, elle déclara :
- La compagnie ne lui appartient pas. Il n’est qu’un des
actionnaires principaux. Et devinez à qui elle est ?
Il sentait venir les problèmes et demanda avec un brin
d’appréhension :
- A qui ?
- A moi ! S’écria-t-elle en faisant un petit bond qui
le fit reculer de deux pas. Et mon oncle est déterminé à ce que je sois au
courant des moindres faits et gestes de la compagnie, en conséquence je reçois
des rapports tous les jours et si un projet me plaît plus que les autres ou
non, je le dis à mon oncle qui s’empresse de faire aboutir ou de rejeter le
projet en question sans plus l’étudier.
Elle se pencha un peu plus vers lui, envahissant son espace
vital.
- Il veut que je participe à la vie de l’entreprise et a
entière confiance en mes capacités de femme d’affaires.
M. Stephanos déglutit et réfléchit à toute vitesse. Cette
femme, d’après ce qu’il en savait ne perdait pas son temps en parole inutile,
autrement dit, ses propos n’étaient pas un avertissement, mais une menace.
- Je vois fit-il en hochant la tête, dissimulant sa colère
de devoir être poli avec elle.
Tia la devina au fond de ses yeux mais décida qu’elle avait
gagné suffisamment de choses aujourd’hui.
- Donc soyez gentil et agréable avec votre fille. Rien ne
vous oblige à me couvrir de compliments ou mentir mais… ne la blessez
pas. Ce jour est son jour. Ne l’oubliez pas.
Il serra les mâchoires fortement et hocha la tête sèchement.
- Et voyez les choses du bon côté, fit-elle toujours aussi
joyeuse, votre fille a mis le grappin sur un gros poisson, qui ne pourra que
vous être utile dans vos affaires. N’est-ce pas ce que vous vouliez ? Et
puis… je ne suis pas Danzel, mais je lui ressemble non ? Ajouta-t-elle
malicieusement. Et avec de meilleures relations, plus d’argent et un statut
social bien meilleur.
- Mais plus de danger et de mort, ne put s’empêcher de
cracher l’homme en face d’elle. Vous ne lui convenez pas quoi que vous essayiez
de me faire croire. Vous êtes instable, dangereuse et avec un passé plus lourd
que celui d’un criminel.
Tia serra les poings et se força au calme. « Ce ne sont
que des mots », se répéta-t-elle plusieurs fois. « Mais qui reflètent
la vérité… » ne put-elle s’empêcher de penser. Puis elle se souvint que
Lex était une adulte parfaitement capable de savoir ce qui était bon pour elle ou
pas.
Et qu’elle avait décidé qu’elle, Tia, était ce qu’elle avait
de meilleure. Qui était-elle pour rejeter un tel postulat ? Elle la
rendait heureuse. Tout ce qui lui restait à faire, pour donner tord à cet
homme, c’était de continuer à la rendre heureuse… et de la protéger de tout.
Peut-être qu’un jour, il accepterait de voir que sa dangerosité faisait d’elle
la meilleure protection pour sa fille.
- Ce n’est pas le jour pour en débattre, dit-elle calmement.
Contentez-vous de faire de ce mariage, une journée mémorable pour votre fille.
Ils se jaugèrent du regard, puis M. Stephanos acquiesça.
*************************************
Lorsque Lex put enfin rejoindre Tia, la nuit tombait. Elle
la surprit en lui passant les mains autour de la taille et en collant son
visage contre le haut du dos de la mercenaire. Celle-ci reconnut instantanément
la propriétaire des bras et savoura l’étreinte. Ces dernières heures, Lex lui
avait bizarrement manqué.
Elle n’était jamais très loin, toujours dans son champs de
vision, mais Tia n’avait jamais pu l’approcher suffisamment pour pouvoir la
toucher et Lex était constamment entourée de gens, si bien qu’aucune d’elles
n’avait réellement eu l’occasion de s’approcher.
La mercenaire posa ses mains sur celles de sa compagne et
les pressa en reposant son dos contre le corps de sa femme.
Lex murmura tout contre son omoplate :
- Tu m’as manqué…
Et Tia sourit. Comment était-ce possible ? Elles
n’avaient même pas été vraiment séparées. Haussant les épaules devant ce
mystère de plus, elle tourna la tête vers sa compagne et jeta :
- On s’éclipse ? J’ai fait assez de rond de jambe pour
le reste de l’année…
Lex rit puis se détacha à contrecœur de son âme sœur et
acquiesça. Elle prit la main de Tia et l’entraîna de l’autre côté du ranch, en
direction des bungalows.
- Où va-t-on ? Demanda la grande femme.
- Surprise ! Répondit la petite blonde avec un sourire
joyeux en pressant le pas.
A cet instant elle eut tellement l’air d’être la jeune fille
qu’elle avait rencontré pour la première fois à Potéidaïa qu’elle en oublia de
respirer un instant. Tia déglutit puis hocha la tête.
Arrivée en bas de la pente, Lex fit une pause et se tourna
vers elle.
- Deux choses. Pour commencer, ça fait un bon moment que je
n’ai pas vu Linya et ça m’inquiète, tu sais où elle est ?
Tia sourit, moqueuse.
- Avec ses parents. Elle essaie de les convaincre
définitivement qu’elle n’est pas et n’a jamais été notre maîtresse.
Lex grimaça, un peu gênée de l’avoir mise dans cette
position.
- Elle va avoir besoin de beaucoup de chance. Quand ses
parents se sont mis une idée en tête, pour admettre qu’ils se sont trompés, il
leur faut de vraies preuves.
- Je donnerais cher pour y assister ! Rit la
mercenaire.
Lex la fusilla du regard.
- Ca n’a rien de drôle ! C’est nous qui l’avons mise
dans une situation pareille !
Tia se pencha sur sa femme jusqu'à ce que le bout de leur
nez se touche.
- C’est quoi la deuxième chose ?
Alexia, troublée par la proximité de sa compagne mit
quelques secondes à répondre.
- Tu veux toujours des enfants ? Demanda-t-elle
finalement plus doucement, presque avec timidité.
De saisissement, Tia se recula brusquement.
- De toi ?! Bien sûr !
Lex sourit et déclara :
- Alors tu en auras.
Tia déglutit.
- Tu… tu es sûre ?
- Certaine, affirma la petite blonde.
- Qu’est-ce…
Tia hésitait à poser sa question, mais Lex le fit pour elle.
- Qu’est-ce qui m’a fait changer d’avis ?
La grande brune hocha la tête.
- Beaucoup de choses. Mais principalement toi.
Soudain, alors qu’elle prenait conscience de ce qu’elle
venait d’accepter, Lex se sentit envahie d’une joie farouche, qui fit bondir
son cœur. Elle leva ses yeux verts, brillants sur sa femme et déclara avec
conviction :
- C’est mon plus grand rêve, tu te souviens ? Porter
ton enfant. Un petit bébé Tia…
Lex rit et se mit à tourner sur elle-même comme une enfant.
Elle était si soulagée… son plus grand rêve pouvait enfin se réaliser !
Elle avait été si bête ! Elle avait été son seul obstacle ! Et
celui-ci s’était enfin effacé… grâce à Rhapsody…
Elle leva un visage resplendissant de bonheur enfin obtenu
et Tia se jura, en la voyant enfin libérée de ses doutes et de la tension qui
l’habitaient depuis l’annonce de ses résultats, qu’elle ne laisserait rien se
mettre entre Lex et son bonheur.
Même si pour cela elle devait renier sa parole, bafouer la
confiance d’un peuple et laisser tomber des milliers de gens.
Elle ne retournerait pas dans les royaumes désertiques. Elle
n’aiderait pas le peuple du vent. Elle ne combattrait pas Ashee.
Pour une fois… elle n’allait s’occuper que de Lex. De Lex et
de leur famille. Le monde pouvait bien s’écrouler autour d’elle… rien ne
gâcherait les moments qu’elles avaient à passer ensemble.
10 ans, c’est long. 10 ans, c’est court. Elle n’en perdrait
plus un instant.
Elle ne voulait plus jamais voir d’ombre sur le visage de sa
bien-aimée. Et elle ne voulait surtout pas risquer de voir dans les yeux verts,
la lueur démoniaque qu’elle avait aperçue dans le songe montré par Ashee.
Si elle avait retenu une chose de la fuite engendrée par la
traque du Fantôme… c’était qu’il n’y avait aucune honte à fuir pour protéger sa
famille. Aucune honte à ressentir pour avoir refuser de combattre… même pour
une juste cause.
Et aujourd’hui, Tia savait qu’elle prenait la bonne
décision. Pour Lex. Mais aussi pour Len et Lara. Les peuples du désert
devraient se débrouiller seuls. Elle ne les aiderait pas.
- Et devine quoi ? Fit la voix de sa femme, l’arrachant
à ses pensées.
- Quoi ?
- Papa est ravi à l’idée d’avoir des petits enfants !
Tia réprima une grimace.
- Tu lui as expliqué notre… heu… arrangement ?
- Non, c’est trop technique ! Et puis c’était la
première fois en quatre ans qu’on se reparlait sans animosité, je n’avais pas
envie de compliquer une conversation déjà délicate. Je lui ai juste dit que
j’allais porter ton enfant !
Tia soupira intérieurement de soulagement. La bataille
serait donc pour plus tard. Elles arrivèrent enfin devant le bungalow que Lex
avait choisi pour leur première nuit officielle en tant que femmes mariées.
Elle jeta un coup d’œil à son âme sœur puis se mit de côté en ouvrant le
battant, afin que Tia soit la première à entrer.
Celle-ci voulut la prendre dans ses bras et Lex se recula en
riant, protestant que ça, c’était pour l’entrée dans leur maison. Tia accepta
de bonne grâce le rejet et sur l’insistance de sa femme, pénétra la première
dans le bungalow.
Elle n’alla pas plus loin.
Tout les meubles de la pièce était entièrement recouverte de pétales de roses. Quatre
bougies légèrement parfumées et disposées aux coins de la pièce éclairaient
d’une lueur amoureuse les pétales étalés partout.
Tia retira ses bottes et posa délicatement, presque avec
révérence, les pieds sur le
sol ainsi recouvert. Les pétales étaient doux et leur parfum associé à celui
des bougies, lui fit tourner un peu la tête. Et c’est avec un sentiment
d’euphorie et de légèreté qu’elle fit volte-face.
Elle ne dit rien. Echangea
simplement un regard avec Lex. Y mit tout ce qu’elle ressentait en cet instant
et les promesses d’un avenir qu’elle lui jurait radieux. Puis prit la main de
sa femme, la tira doucement dans la pièce et referma la porte.
Fin