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5 juillet 2010

Indiscrétions, épisode 17

 

INDISCRETIONS

Deuxième Saison

Crédits :

Créé, Produit, Réalisé et Ecrit par :

Fanatic and TNovan

Episode Dix-sept : A nous deux, Manhattan

Je glisse la clé dans la serrure, et je sais ce que je veux. J’ai une seule idée en tête et elle est quelque part dans l’appartement. Si j’ai de la chance, elle est au lit et elle est nue ; ça fera gagner beaucoup de temps. Tant pis pour les préliminaires. Je déteste quand je dois rester si tard au boulot.

Je laisse tomber ma mallette dans l’entrée, jette mes clés sur la table, et commence à me débarrasser de mes vêtements. Il y en a beaucoup trop sur mon chemin. J’accroche ma veste et enlève mes bottes. « Kels ? » Viens par là, bébé, j’ai des plans pour nous deux ce soir. « Oh Kelsey Diane… » Je fais passer mon T-shirt par-dessus la tête et le balance quelque part dans la direction de la buanderie.

Où est-ce qu’elle est ?

Ah, la voilà. Un bon sprint et elle est dans mes bras. Elle doit le vouloir aussi.

« Har… » elle commence en même temps que je la soulève.

Que non, pas le temps pour parler. Le sexe maintenant, la discussion plus tard. Je l’embrasse profondément histoire de rendre mes intentions limpides. Son gémissement ne fait qu’augmenter ma détermination. Bon Dieu, j’adore ce son. Je veux l’entendre encore. Au diable la chambre à coucher, on va peut-être bien commencer dans l’entrée

« Oh, femme, ce que j’ai l’intention de te faire ce soir, » je l’informe tandis qu’elle reprend son souffle. Je prends la direction de la cuisine avec Kels enroulée autour de moi pour attraper une bouteille d’eau dans le frigo. Où qu’on termine, on va en avoir besoin.

« Har… »

Je l’embrasse de nouveau. Elle va finir par comprendre le plan de jeu. J’ai quelques soucis à la tenir, à prendre la bouteille et à déboutonner sa blouse en même temps. J’ai besoin d’une paire de mains supplémentaire, genre tout de suite. Moi aussi je vais peut être me mettre à mordre les boutons. Secrètement, j’adore quand Kels fait ça.

Je presse son dos contre le réfrigérateur pour libérer une main pendant que je tâtonne pour la bouteille d’eau. Elle gigote contre moi. La porte en métal doit lui faire froid sur la peau. C’est pour ça qu’elle fait tant de difficultés. « Kels, » je chuchote dans son oreille. « Chérie, je vais te faire des choses ce soir qui feraient rougir une pro. »

« Oh Seigneur… » elle grogne, en laissant tomber sa tête contre mon épaule. Voilà, c’est mieux. Laisse-toi aller à la tentation, bébé.

L’eau dans une main, Kels calée dans mes bras avec les jambes nouées autour de ma taille, je repars. Je l’embrasse juste à la naissance des seins. Pourquoi est-ce qu’elle essaie de se reboutonner ? Je venais juste d’ouvrir sur quelque chose d’intéressant.

« Tu sais, on pourrait retenter la table de la cuisine, » je blague en passant dans le couloir, « même si j’ai pas trop aimé comment elle oscillait la dernière fois. »

« Harper, on ne peut pas… »

Je l’embrasse de nouveau avec fougue. Elle ne saisit pas le message. ‘Peut pas’ ne fait pas partie de mon vocabulaire ce soir. Beaucoup d’autres mots y sont, cependant, et je m’emploie à lui en dire quelques uns pendant qu’on se dirige vers la chambre. Je parie que les voisins deux étages plus bas sont jaloux maintenant, s’ils ne l’étaient déjà pas avant. « Et ensuite, ma chère, je vais me planter entre tes jambes et… »

Elle plaque sa main contre ma bouche et s’écarte de moi. Elle gronde, en me regardant droit dans les yeux, « Mama est dans le salon ! »

Je fronce les sourcils. « Oh ouais, Kels. Très drôle. Bien sûr. » Je lève la main et recommence à déboutonner sa blouse. « T’essaies de tuer l’ambiance ? »

Elle écarte ma main d’une tape. « Harper, je ne plaisante pas, » elle chuchote. « Je te jure devant Dieu que Mama est dans le salon. »

Est-ce un genre de nouveau jeu bizarre que Kels a imaginé ? « Tu vas avoir des sacrés ennuis quand je vais découvrir que c’est pas le cas, Stanton. Je vais t’attacher au lit et te torturer pendant des heures. » Je la porte jusqu’au seuil du salon et jette un œil derrière le coin.

Oh mon Dieu !

Mama est dans le salon.

Mon regard glisse sur mon moi à moitié nu. Ma femme et son sourire en coin sont ma seule couverture. Je la serre fermement et cours vers la chambre.

« Et dire, » j’entends Mama appeler depuis son poste sur le canapé, « que tu embrasses ta Mama avec cette bouche-là. »

 

* * *

 

« Pourquoi t’as pas dit quelque chose plus tôt ? » se lamente-t-elle depuis le lit en serrant la couverture autour d’elle, comme un cocon. Elle se cache la tête sous un oreiller.

« J’ai essayé, espèce de forcenée. Tu ne m’as pas laissé le temps d’en placer une avec ta petite tirade classée X. »

Elle me lance un regard de dessous l’oreiller. « T’aurais pu résister un peu plus. »

« Mais bien sûr, comme si ça m’aurait avancé à grand chose. J’essayais de trouver un moyen de te dire d’arrêter sans avoir à hurler. »

« C’était une si mauvaise option, hurler ? »

« Apparemment pas. Tu le faisais déjà assez toute seule, de toute façon. » Je ne peux pas m’empêcher de la taquiner. Impossible de laisser passer une telle opportunité. « Maintenant Mama sait ce que tu avais prévu, comme la moitié de Manhattan, je parie. On avait toutes les portes-fenêtres ouvertes, pour profiter de cette belle soirée et tout ça. »

Elle grogne et remet l’oreiller sur sa tête. Je tire dessus et le jette au pied du lit.

« Maintenant, bouge tes fesses et va voir Mama. »

« Non. » On dirait Christian tout craché.

« Non ? Qu’est-ce que tu veux dire, non ? Tu tiens vraiment à ce que je l’envoie ici ? » Et là on dirait une mère tout craché. Les hormones se réveillent.

« Mon Dieu, non ! Toi, va la voir. »

« Tu vois, mon cœur, tu n’as pas saisi l’essentiel. J’ai passé toute la soirée avec elle. C’est nous qu’elle veut voir. »

« Ben, elle vient de voir une putain de bonne portion de nous. Qu’est-ce qu’elle pourrait vouloir de plus ? Seigneur, achève-moi maintenant. »

« Ça fait un dollar, chérie. Je vais être gentille et ne pas te taxer pour les mots que tu as dits dans le couloir. » J’écoute avec grand amusement Harper qui lâche un autre long grognement. « J’ai quand même réussi à garder la plupart de mes vêtements. Pas grâce à toi, Peloteuse. Bref, elle est ici pour planifier le mariage la semaine prochaine. » Je me penche en avant et chuchote, « Elle reste tout le weekend et le début de la semaine, histoire d’être certaine que tout est réglé. »

Elle grogne encore et tire la couverture par-dessus sa tête. « J’ai toujours su qu’elle me haïssait. Je vais rester couchée ici et mourir d’embarras, okay ? »

« Non, pas okay. » Je tire la couverture et mets une claque sur un estomac sans protection. « Et elle ne te hait pas. Tu trouvais ça drôle quand Robie et Rene se sont pointés et que c’est moi qui mourais. Pourquoi ce ne serait pas drôle maintenant, Tabloïde ? »

Elle découvre sa tête. « C’est ma Mama. L’autre fois c’était seulement Robie. »

« Hmm, triste excuse, mon cœur. » Je tire sur la couverture. « Maintenant lève-toi, enfile quelque chose, et va voir Mama. »

« Je peux prendre une douche d’abord ? »

C’est une tactique pour gagner du temps, je m’en rends bien compte, mais si ça peut la faire bouger j’accepte. « Si tu en as vraiment besoin. »

« Oh, et comment j’en ai besoin. Une douche froide, beaucoup de savon, deux tubes de dentifrice et un litre de bain de bouche devraient faire l’affaire sans trop de problème. »

Je laisse ma pauvre partenaire sur le lit et retourne dans le salon. Mama rit tellement fort qu’elle en a les larmes qui coulent sur les joues. « Elle arrive dans un instant. Elle va prendre une douche d’abord. »

« Tu lui as dit de se rincer la bouche ? »

Je souris et jette un œil derrière moi vers la chambre. « Ça elle y a pensé toute seule. »

 

* * *

 

C’était peut-être pas une si bonne idée que ça.

Mama est debout, les bras croisés, en train de fixer une œuvre du Musée d’Art Moderne [MOMA]. Elle hausse un sourcil dans ma direction, comme si c’était de ma faute que ce soit pendu au mur. « Qu’est-ce que ça fait là ? »

Kels glousse derrière moi. Je lui lance un regard lourd, mais parfaitement sans effet.

On regarde toutes la sculpture. C’est un pénis en caoutchouc attaché à une lunette de toilette.

« Qu’est-ce que c’est censé être ? »

Je hausse les épaules. « J’en sais rien, Mama. »

« C’est ça que vous les New-Yorkais vous appelez de l’art ? »

Kels rigole encore plus fort devant ma gêne.

« Pour commencer, je suis pas New-Yorkaise. Il se trouve qu’on vit à New York à cause du boulot. Deuxièmement, je suis loin de considérer ça comme de l’art. Ma règle c’est que si moi je peux le faire, c’est pas de l’art. » 

« Je croyais que tu ne travaillais pas avec cette matière particulière ? » blague Mama en désignant le pénis.

Je vais mourir, là maintenant.

« Moi je trouve que ce serait mieux s’il était orange vif, » suggère Kels. Elle est diabolique.

« Ma petite, leur couleur naturelle ne t’est visiblement pas familière. »

Kels est à présent aussi rouge que moi.

Un point pour toi, Mama !

Mama, l’air plutôt satisfaite d’elle-même, nous fait un sourire onctueux. « Je crois que nous en avons terminé avec cet endroit. Où déjeunons-nous ? »

Merci mon Dieu. Je ne pense pas que le MOMA soit tout-à-fait prêt pour affronter Mama.

 

* * *

 

On franchit à pied les quelques rues jusqu’au Plazza Hotel. A Manhattan, c’est mon hôtel préféré. Situé à l’extrémité de Central Park, on l’utilise depuis longtemps comme référence pour mesurer l’élégance des hôtels de New York. Quand il a d’abord été construit au tournant du siècle, c’était un hôtel résidentiel. Les Vanderbilt, premiers à signer le livre d’or, avaient une suite de chambres qui est aujourd’hui louée aux présidents et à la noblesse.

On a réservé au Palm Court pour le déjeuner. La salle est magnifique, et conçue pour rappeler aux visiteurs le jardin d’hiver de l’Hotel Carlton de Londres. Mama fait un bruit d’approbation. « Enfin, nous pouvons nous détendre. »

Le maitre d’hôtel arrive pour nous accueillir. Mama répond en français. Ils engagent tous les deux une petite conversation pendant qu’il nous guide à notre table.

Je me tourne vers Kels tandis qu’on les suit. « Si on déménage, est-ce qu’on devra prévenir la famille ? »

« Oui, mon cœur. Maintenant, sois sage, » elle chuchote en retour d’un ton apaisant.

Une fois assises, tout le monde se détend. Mama redresse les couverts en argent en face d’elle, et lisse la nappe. « J’ai été très patiente. »

Je commence à protester, mais Kels m’envoie un coup de pied sous la table. Je la ferme. Ça vaut mieux.

« J’ai attendu patiemment pendant des années qu’Harper te trouve. » Mama a activé le charme et fait un sourire éclatant à Kelsey. « Mon cœur est tellement plein. »

Kels tend la main et prend celle de Mama. « Merci. »

On est en train de me préparer un coup fourré. Je le sens. Prêt dans trois-deux-un…

« Ainsi, tu ne peux qu’imaginer ma perplexité en voyant la réticence de ma petite fille à planifier son propre mariage. »

Houston, nous avons décollé. « Je ne suis pas réticente, Mama, » je proteste. « C’est juste que je n’ai pas envie que ça parte en vrille. On en a déjà parlé. »

« Exactement ! Parlé, parlé, parlé mais rien organisé. C’est ce que nous devons faire maintenant. Mon Dieu ! C’est dans une semaine à peine ! »

Dans une semaine. Quel bonheur. Mais, je suis déjà mariée à mon Gourou depuis deux semaines. Mama piquerait une crise si elle savait ! « Mama, » je dis de mon ton le plus patient, « qu’est-ce qu’il reste à faire ? Je sais que tu t’es déjà occupée des fleurs, des musiciens et du traiteur. Qu’est-ce qu’il reste à faire ? »

« Qu’est-ce qu’il reste à faire ? »

Je ricane. « Y a un écho ? » Vu le froncement de sourcil que je reçois en retour, c’était pas la bonne réponse. Kels me le confirme par un autre bon coup de pied dans le tibia. Elle se couvre en me serrant la main. Ouais, continue à jouer les innocentes devant ma mère, bébé. Je t’aurai plus tard.

« Mama, » commence Kels, « de quoi voulez-vous qu’on s’occupe ? »

« Il faut qu’on parle de beaucoup de choses, la cérémonie par exemple. »

« Simple, ce serait bien. »

Mama me lance le regard du démon.

« A quoi pensiez-vous ? » demande Kels. Lèche-botte.

« Alors, bien entendu, il faudrait que ce soit traditionnel. Notre prêtre s’est proposé pour l’office, donc ceci au moins c’est réglé. »

« Mama, on est loin d’avoir un mariage traditionnel. » Je dois vite m’expliquer, avant qu’on ait droit à la grande scène ici au Plazza. « Après tout, on est deux femmes. »

« Et qu’est-ce que ça signifie ? Que vous ne pouvez pas vous tenir devant Dieu et vos familles pour proclamer votre amour l’une pour l’autre ? »

« Non - »

« Que tu n’es pas disposée à accorder à ta mère le privilège d’organiser une fête pour toi ? »

« Non - »

« Alors quoi ? »

J’ai l’impression d’avoir de nouveau cinq ans. Rassemblant mon courage, j’inspire un grand coup et tente de raisonner avec ma Cajun enragée de mère. « Ce que je veux dire, c’est que je ne me vois pas comme le mari ou l’épouse. Et c’est dur de s’imaginer un mariage traditionnel sans ces rôles-là. »

Kels intervient, « Mon cœur, on pourrait s’avancer dans l’allée ensemble. Comme ça aucune de nous deux n’aura à attendre au pied de l’autel ou à arriver au bras de son père. »

Je lui souris. « Ça me plait bien, y aller avec toi. » Je pourrais l’avoir à mon bras, comme j’en avais envie aux Peabodys l’autre jour.

Mama coupe court à ces agréables pensées. « Et qui composera la noce ? »

« La noce ? »

Mama me scrute entre deux yeux plissés.

« En fait, Harper et moi pensions demander à Robie et Rene d’être nos témoins. Robie pour Harper et Rene pour moi. »

« Et tes autres frères ? »

Je glisse un coup d’œil vers Kels, à la recherche d’assistance. On me retourne un regard lourd de sens. Si seulement je pouvais discerner le sens en question. Je risque une tentative, « J’adorerais les avoir aussi. »

« Et, bien entendu, j’aimerais également que Katherine, Elaine et Rachel soient avec moi. » ajoute Kels.

Ma femme n’a donc aucune honte ?

« Bien. Je suis contente que ce soit réglé. Qu’est-ce que vous porterez ? »

« Des vêtements, » je dis.

Mauvaise réponse.

« Quoi que ce soit qui complimente ce que portera Harper. » Kels repose le menton sur ses mains et me sourit. Tout ça l’amuse beaucoup trop à mon goût.

Tu m’aides pas beaucoup là, chér’. Bon, essayons de rediriger les choses vers Mama. « A quoi tu pensais ? »

« Des habits de cérémonie. »

« Je ne vais pas mettre un smoking, Mama. » Je soupire et tente de lui faire comprendre. « Je ne me vois pas comme un homme. »

« Alors tu mettras une robe ? »

« Je ne vois définitivement pas ça se produire non plus. »

« Dans ce cas nous n’avons plus aucune option. »

Kels, Dieu la bénisse, bondit à ma rescousse. « Harper possède un très beau tailleur-pantalon Armani qui serait parfait, je pense. Très élégant, féminin et approprié pour un mariage. »

« Et toi, ma petite ? »

Okay, je suppose qu’elles ont décidé de ma tenue.

« Hmm… »

Ha ! Kels ne sait pas. Génial ! A son tour de se faire griller maintenant. Je me rendosse dans mon siège. « Oui, chér, qu’est-ce que tu as prévu ? »

Ça ne marche pas super parce que Kels me lance un regard qui égale celui de Mama. « Aucune importance, Tabloïde. Tu n’as pas le droit de le voir avant le mariage, de toute façon. » Elle se tourne et sourit à Mama. « Et Harper passera la nuit d’avant chez Robie, n’est-ce pas ? »

Oh, ouais, j’ai fâché le Gourou.

« Mais, bien entendu ! » Mama m’agite son doigt sous le nez. « Et toi ne va pas te plaindre. »

« Même pas en rêve. Il reste des trucs à décider ? » Je dis ça avec une pointe de sarcasme, vu que concrètement, je n’ai rien aidé à décider du tout. Je suis restée assise là à hocher la tête.

« Ce qu’on choisi pour le déjeuner, mon Cœur. »

 

* * *

 

Je laisse Harper dormir, et me glisse hors du lit pour me préparer à ma journée de sortie avec Mama. Nous allons faire les boutiques pour ma tenue de mariage. Comme Harper a platement refusé de porter une robe, j’ai offert d’en mettre une. Ça a eu l’air de plaire immensément à Mama. Je sais comment apporter le bonheur dans cette famille.

En prenant ma douche, je pense à la cérémonie. Je sais qu’Harper et moi nous n’arrivons pas à nous imaginer dans un mariage traditionnel. Naturellement, Mama a malgré tout une image très claire dans la tête, et nous voulons toutes les deux que Mama soit contente. Après tout Harper est la dernière de ses enfants à se marier. Et sa seule fille. C’est un rôle qui s’accompagne de beaucoup d’attentes.

En retournant dans la chambre je trouve Harper en train de se réveiller, se frottant les yeux et s’agitant un peu dans le lit. Elle n’est pas encore suffisamment réveillée pour savoir que je suis levée, mais à la façon dont elle tâtonne mon côté, elle ne va pas tarder à s’en rendre compte. Je m’assois sur le bord, à côté d’elle, et peigne mes doigts dans ses cheveux. « Pourquoi tu ne te rendormirais pas ? » je chuchote.

Elle ouvre les yeux et me fait un petit sourire ensommeillé. Seigneur, ce que j’aime ça. « Pourquoi t’es debout ? »

« Je vais faire du shopping avec Mama, tu te souviens ? »

« Désolée. » Elle referme les yeux.

« Pas moi. Arrête de faire la peste ou bien je t’oblige à nous accompagner. »

Harper fait mine de zipper une fermeture éclair sur sa bouche. « Mes lèvres sont scellées. Je ne dis plus rien. »

« Poule mouillée. »

Elle rejette les couvertures. « Tu veux chercher les plumes ? »

Kels lève-toi de ce lit ou tu n’iras jamais faire les courses. « Nan. »

Elle ricane et caquète.

Je me dirige vers notre placard pour trouver quelque chose à mettre. J’espère que ça ne dérange pas Mama que je m’habille décontracté, parce que c’est comme ça qu’elle va m’avoir. « Tu ne me piégeras pas avec ça. J’ai promis que j’irai faire du shopping avec Mama, et je vais y aller. »

Elle tire la couette du lit et s’enroule dedans, me suivant dans le placard. Oh, Kels, n’y pense même pas. Trop de mauvaises blagues possibles.

« T’es vraiment une lèche-botte, au fait. »

« Moi ? »

« Oh, s’il-te-plait, ne joue pas les innocentes avec moi, Kelsey Diane Stanton. Depuis le moment où elle a franchit la porte c’est ‘Oui, Mama. Non, Mama.’ Toi, » Harper se penche en avant, son nez touchant le mien, « t’es une lèche-botte. »

Je l’ignore et enlève une tenue d’un cintre. Un doigt appuyé contre sa poitrine, je repousse Tabloïde hors du placard, puis je rassemble mes affaires pour m’habiller. Lèche-botte, hein ? Je vais t’en montrer, du léchage de bottes. Je suis de sortie avec elle toute la journée, Tabloïde. Pendant que toi tu restes ici. Tu n’as aucune chance.

Alors que j’enlève mon peignoir pour m’habiller, elle tombe à genoux en face de moi. Ah, c’est l’heure de sa petite discussion matinale. Je ne peux pas m’empêcher de sourire. Elle n’a pas manqué un seul matin depuis qu’on a appris que j’étais enceinte. Même quand elle voyage, elle appelle tous les jours et me fait poser le téléphone sur mon ventre. Ce que je fais, même si je suis toujours tentée d’écouter. Il nous faut un haut-parleur.

« Bonjours, mes trésors. » Elle me fait un bisou sur le ventre. « Comment vont mes bébés ce matin ? Alors comme ça vous allez faire du shopping avec Maman et votre Grand-mère aujourd’hui ? »

« C’est pas comme s’ils avaient le choix. »

Elle lève les yeux vers moi en fronçant les sourcils. « Chut ! »

Je hoche la tête et elle continue.

« J’attends de vous un rapport complet. Si vous prenez de bonnes notes, il y aura une récompense. »

Ça lui vaut une claque pour rire sur le bras. « Tabloïde, tu ne vas pas commencer à corrompre nos enfants avant même leur naissance. Lève-toi. » Je la hisse sur ses pieds, l’embrassant légèrement au passage. « Maintenant laisse-moi m’habiller ou tu viens aussi. »

Je ris en la voyant trottiner vers le lit, se jeter dessus, et tirer les couvertures par-dessus sa tête.

 

* * *

 

Bon, avec Harper dans le costume Armani noir, cette robe devrait faire très bien. Je lisse le bas de la robe et me tourne vers Mama. « Alors, qu’est-ce que vous en pensez ? »

Elle s’approche, ajuste un peu le corsage et tripote les manches. La façon dont le haut est coupé mettra parfaitement en valeur mon camée.

« C’est superbe, Kelsey. Ça va être une magnifique cérémonie. Même si ma fille n’y met pas beaucoup de bonne volonté. »

Je soupire, et prends ses mains dans les miennes. « Mama, Harper n’essaye pas d’être difficile. Vraiment pas. Elle ne se voit simplement pas debout au bout d’une allée à attendre que je la rejoigne. »

« Serait-ce vraiment une si mauvaise chose, Kelsey ? Je veux dire, qu’est-ce qu’il y a de mal avec ce genre de mariage ? Même pour deux personnes du même sexe ? Ce n’est pas parce que vous voulez créer vos propres traditions que vous êtes obligés d’abandonner certaines des plus belles que nous ayons ? Je me souviens avoir regardé Jonathan pendant que je remontais l’allée, et je pensais que j’étais en train de quitter l’enfance et d’entrer dans une nouvelle vie avec la personne que j’aimais le plus au monde. Il était tellement beau. C’est à peine si je n’ai pas défaillis avant d’y arriver. »

Je connais ce sentiment. « Non, Mama, bien sûr que non. »

« Enfin, de toute façon nous avons résolu le problème puisque tu remonteras l’allée avec elle. » Il y a un peu de reproche dans sa voix. Elle n’est pas contente du plan mais elle veut bien s’en accommoder. J’aimerais qu’il y ait un moyen de la rendre heureuse. Je déteste l’idée que ça ne se passe pas comme elle le voudrait. D’une certaine façon, je me sens coupable d’avoir même suggéré ce compromis, parce que je sais qu’Harper aurait fini par céder et accepter toutes ses demandes.

Sauf pour la robe. Là-dessus elle était catégorique.

 

* * *

 

Je tiens l’alliance dans ma main et sens un frisson me parcourir le corps. Cela rend notre prochain mariage aussi réel pour moi que celui du Nouveau Mexique l’était pour Harper. Pas qu’il n’était pas réel pour moi aussi, mais je n’avais jamais songé à me marier d’une manière ou d’une autre. Je n’avais même pas pensé sérieusement au mariage à la Nouvelle Orléans, jusqu’à ce que le diamant de cette bague n’accroche un rayon de lumière.

« Tout va bien, Kelsey ? » La voix de Mama me rappelle.

« Hmm ? Oh oui, je vais bien. Est-ce que je devrais l’acheter ? Je veux dire, je ne sais même pas si Harper a envie de porter une alliance. » Quoi que, s’il fallait qu’elle en porte une, ce serait celle-là. C’est une bande de platine avec un rang de quatre diamants. C’est très sobre mais élégant. Comme mon Harper.

« Ma petite, elle t’aime. N’en doute jamais. »

« Oh, mais je n’en doute pas. Je sais seulement que certaines personnes préfèrent ne pas en mettre, et Harper n’est pas très portée sur les bijoux. »

« Que te dit ton cœur ? »

Je souris à ma belle-mère, puis me tourne vers la vendeuse. Je retire ma bague de fiançailles et la lui tends. « Je veux la même inscription qu’à l’intérieur de celle-ci. »

Elle note la phrase et me rend la bague. « Superbe choix, Ms. Stanton. »

« Parfait en effet, » j’approuve. La bague et la femme.

 

* * *

 

Je sors sur le balcon pour la trouver détendue, les pieds contre la balustrade, en train de lire un livre avec contentement. Elle a un grand verre de thé glacé à portée de main et a l’air de nager en plein bonheur. J’espère que je ne suis pas sur le point de lui gâcher le moment. Je m’approche et passe les bras autour de son cou, en frottant un peu mon visage contre son oreille.

« Salut, sexy. » Je ne peux pas m’en empêcher. Le fait que Mama soit là la rend toute nerveuse et c’est juste trop marrant de la taquiner là-dessus.

« Kels, sois sage ! » elle gronde, sans surprise. Tellement prévisible.

« Ooh, qu’est-ce que c’est que cet accueil ? » Je fais mine de bouder et fais le tour pour m’installer résolument sur ses genoux.

Ses mains viennent automatiquement autour de ma taille. « Tu es une allumeuse, en plus d’être une lèche-bottes. Où est Mama ? » Elle jette un coup d’œil derrière elle vers les portes-fenêtres. Chat échaudé craint l’eau froide.

« Elle fait la sieste. » Je remets mon visage contre son cou et mordille son oreille.

J’entends sa respiration faire un sursaut. « Merci mon Dieu pour ça. »

« Oh ouais. » Je continue à explorer la peau légèrement salée sous mes lèvres. Elle commence à transpirer un peu, malgré la brise. Ah oui, la question. Il vaudrait mieux que j’entende la réponse avant qu’on ne soit autrement occupées. Car j’ai l’intention d’être très autrement occupée dans très peu de temps. « Harper ? »

« Ouais ? » Elle laisse tomber son livre sur le dallage. Je devine qu’elle est un peu contrariée que je change d’attelage en cours de route. Après l’autre soir, ma chère et tendre n’est pas d’humeur à trop différer. Il vaudrait mieux que je me dépêche.

« Je me demandais. » Je lui fais un autre baiser dans le cou et tire sur le premier bouton de sa chemise, pour le libérer. « Est-ce que, » je commence, en défaisant le bouton suivant avec un petit grattement du bout des ongles sur le haut de sa poitrine. « Est-ce que tu veux une alliance ? Je veux dire, est-ce que tu veux porter une alliance ? »

Elle fait tomber sa tête en arrière, les yeux clos, et se lèche les lèvres. « Qu’est-ce que t’as dit, bébé ? » Tandis que mes ongles glissent plus au sud, elle tente sans succès de capturer mes mains.

« Est-ce que tu veux porter une alliance ? »

Elle ouvre les yeux et me regarde comme si j’avais perdu la tête. « Purée, oui. Si ça se faisait, j’en porterais une en travers du nez. Je veux que tout le monde sache. » Elle capture enfin ma main et lui fait un petit bisou. « Je suis prise. » Un autre bisou sur le dos de ma main. « Hors marché. Complètement retirée et heureuse de l’être. » Elle s’écarte soudain, les yeux perplexes. « Pourquoi ? Tu ne veux pas m’en donner une ? »

« Oh arrête, je veux te trouver la plus belle qui existe. Je voulais seulement être sûre que tu en voudrais. Certaines personnes n’aiment pas l’idée d’en porter, tu sais. »

« Tu rigoles ? » Elle se redresse dans son fauteuil et me tire contre elle, prenant un ton sérieux. « Quand j’étais à Colombus, la nuit où tu es venue et où tu m’as dit pour nos Bébés Gourous, j’étais à un resto. La serveuse là-bas n’a pas arrêté de me draguer et je n’ai pas arrêté de lui dire d’arrêter. Pendant tout ce temps tout ce que je souhaitais c’était d’avoir une alliance. Je veux que tout le monde sache, que je suis à toi. »

« Eh bien, je pourrais faire tatouer mon nom sur ton front. » Je passe mon doigt dessus, lissant les rides d’inquiétude. « Et rappelle-moi d’aller à Colombus après la naissance des enfants pour avoir un mot avec cette serveuse. » Je défais un troisième bouton de sa chemise et autorise ma main à se promener dessous de nouveau.

« Nan, t’embête pas. J’ai déjà jeté les ordures. » Elle lâche un autre long grondement tandis que ma main continue de sa propre volonté. « En plus, je crois que Langston pourrait bien tomber dans les vapes si je me faisais un tatouage. »

Je retourne à ce merveilleux cou. « Peut-être bien. Tu sais que Mama fait la sieste en haut, à l’étage. Je suis sûre que si on marche sur la pointe des pieds, on pourrait aller jusqu’à notre chambre sans la réveiller. » J’espère qu’elle va être d’accord avec le plan. Ses tétons ont certainement l’air prêt à venir avec moi.

« Tu crois ? Tu crois que tu peux être silencieuse ? »

« Moi ? Ce n’est pas moi qui grogne si fort que le chien gronde, Harper Lee. »

« Il a peur que tu me fasses mal. Pas que je me plaigne, bien sûr. »

« C’est ça, ouais. » Je me lève et lui tends la main. « En route. S’il le faut, je te donnerai quelque chose à mordre pour étouffer le bruit. »

« Oh, chér, je peux bien penser à deux ou trois choses à mordre, ça c’est sûr. » Elle lance un regard plus que lascif à ma poitrine.

« Prouve-le. » J’enchaîne en retirant ma chemise et en la jetant sur ses genoux. Je sais que le débardeur que je porte en dessous ne cache pas grand-chose. Vu comment mes seins ont augmenté de taille, je trouve les soutiens-gorge trop contraignants à porter le week-end. Généralement je n’en mets pas quand je suis à la maison. Au grand plaisir d’Harper.

Je baisse les yeux vers elle. Je connais ce regard. Ça ne sera plus long maintenant. La seule question qui demeure, c’est parviendra-t-on jusqu’à la chambre à coucher ?

« Devrais-je enlever cela aussi ? » Je tire le débardeur de mon pantalon, en le soulevant suffisamment pour dévoiler quelques centimètres de peau. Je me penche et chuchote dans son oreille, « Ici et maintenant ? »

Un autre long grognement.

Je prends la décision pour elle, considérant que nous sommes en plein jour et que nous avons des voisins dans des buildings plus grands. « Tu as une seconde pour sortir ton derrière de cette chaise, Tabloïde. Ou bien je vais commencer sans toi. » Je me dirige vers la chambre.

Avant même de m’en rendre compte, elle est debout et je suis dans ses bras. « Je ne crois pas ! »

Parfois c’est juste trop facile.

 

* * *

 

Le lundi arrive beaucoup trop tôt. Avec le stress d’avoir ma mère en ville et l’absence d’un Jour Sans Vêtements, je ne me sens pas détendue. En plus de tout ça, Mama veut visiter le studio aujourd’hui.

« Pourquoi je peux pas appeler pour dire que je suis malade ? »

Ça fait rire Kels et elle me frotte gentiment le dos. « Parce que je ne vais pas l’emmener toute seule. »

« Tu es sortie toute seule avec elle hier. »

On m’enlève ma merveilleuse couette et l’air froid frappe ma peau nue. « Debout. Maintenant. »

« T’es méchante. »

« C’est ce que Langston dit aussi. Prends une douche et viens rejoindre Mama et moi pour le petit-déjeuner. »

 

* * *

 

A la seconde où on sort de l’ascenseur, Brian est là et nous attend. Il a les bras chargés de ballons et d’animaux en peluche. « Oh mon Dieu ! » il crie d’un ton perçant en voyant Kels.

« Quoi ? »

« Pourquoi tu ne me l’as pas dit ? » Il tape du pied et décale une hanche.

« Te dire quoi ? »

« Tu es enceinte ! Tout le bureau est au courant après ton petit tête-à-tête avec Langston. Oh mon Dieu ! Je vais être tonton ! » Il pousse les cadeaux vers Kels. Puis il tourne son attention vers moi. « Comment t’as fait ça, l’Etalon ? Tu es sans aucun doute une grande ‘productrice’ si tu as réussis ce coup là. »

Dieu, si ma mère n’était pas là, j’aurai une réplique pour lui, ça c’est sûr. « Voici Mama, » je dis, vite, avant que j’oublie.

Brian tourne son attention vers Mama. « Joli costume. Donna Karan ? La collection de printemps ? »

« Vous devez être Brian, » elle répond en lui tendant une main.

Qu’il embrasse. Mon Dieu ! Faut-il donc que tout le monde cherche à plaire à Mama ? « Harper a parlé de moi, hein ? »

« Non, Robie. »

Brian se pâme à l’évocation du nom de mon frère. « Est-ce que vous en avez encore des comme lui à la maison, Mme Kingsley ? J’en cherche un d’environ un mètre quatre-vingt cinq, quatre-vingt dix kilos, les cheveux sombres et les yeux clairs. »

« Je suis navrée, tout les miens sont pris. Certainement qu’un gentleman aussi beau et charmant que vous-même doit avoir plus d’un soupirant. »

« Oh, allons ! » il proteste.

Elle passe son bras au sien et ils commencent à marcher dans le couloir. « Dites-moi ce qui ne va pas, laissez Mama s’en occuper pour vous. »

Kels se penche vers moi et ferme délicatement ma mâchoire grande ouverte. « Je suppose qu’on invite Brian au mariage. »

« On en fera la demoiselle d’honneur. »

 

* * *

 

Je ne sais pas pourquoi je suis aussi nerveuse. Ce n’est pas comme s’il pouvait se passer quelque chose de mal. Il ne peut pas refuser de me laisser épouser Harper. Il ne peut pas m’envoyer dans une autre école, comme on a fait durant toute mon enfance. Même si lui et Mama se détestent, personne ne peut rien faire contre.

Seigneur, j’espère que c’est vrai.

Harper entre dans la chambre, certainement pour me chercher. « Qu’est-ce qui ne va pas ? »

« Rien, » je mens.

« Tu peux me le dire, » elle réplique, sans me croire.

« Je suis un peu stressée. »

« Oh, bébé, » elle m’entoure de ses bras. « Pourquoi ? Toi et ton papa vous vous entendez très bien. Et ce n’est que Mama qu’ils vont rencontrer. »

« Nos parents se rencontrent pour la première fois, Tabloïde. Ça ne te rend même pas un tout petit peu nerveuse ? »

« Non. Pourquoi ça devrait ? C’est pas comme si ça pouvait changer quoi que ce soit. Ils peuvent se haïr jusqu’à ce qu’il gèle en enfer et ça n’aura aucune importance. » Elle sourit en coin, sachant que je ne peux pas techniquement lui faire payer un dollar pour celui-là [NDLT : ‘Hell’=Enfer est un juron en anglais]. « Kels, chérie, s’il-te-plait ne te stresse pas. » Elle pose ses mains sur mon ventre. « Ce n’est pas bon pour toi ni pour les Bébés Gourou. »

J’inspire profondément et hoche la tête. « Tu as raison, Tabloïde. Profitons de la soirée et on verra bien quelles seront les retombées. »

« Exactement. En plus, je pense que Mama va bien aimer ton père. C’est ta mère qu’elle détesterait. »

« Il faudra qu’elle prenne son tour. »

 

* * *

 

Je suis en train de siroter mon jus de fruit lorsque la sonnette retentit, me faisant presque bondir au plafond. Malgré toutes les paroles rassurantes de Harper, j’ai la sensation que cette soirée va être un énorme désastre.

J’entends Papa et Amanda entrer. Je souris quand j’entends Harper soulager sans attendre Papa de Claire. J’inspire profondément et me blinde pour l’inévitable. Mama, debout à côté de moi, doit sentir mon hésitation. Elle me prend la main et la serre légèrement.

Quand ils entrent dans le salon, un immense sourire s’installe sur le visage de mon père. « Cecile Kingsley ! Mon Dieu, ma chère, ça fait combien de temps ? »

Mama traverse la pièce pour le saluer et ils s’embrassent comme des amis longtemps perdus de vue. « Matt Stanton ! Je n’arrive pas à y croire ! C’est toi le père de Kelsey ? »

Je regarde vers Tabloïde, et je sais que le choc est aussi évident sur mon visage qu’il l’est sur le sien.

« Vous vous connaissez ? » je réussis à bafouiller sans avoir l’air d’une idiote complète.

« Si je la connais ? » rit mon père. « Mon Dieu, Jonathan, Cecile et moi nous connaissons depuis avant ta naissance. Je n’ai pas l’occasion de les voir suffisamment, loin de là. » Il se tourne et sourit à Harper. « J’ai dû leur envoyer un présent lorsque tu es née. Seigneur, je n’ai pas fait le rapprochement. Je dois me faire vieux ! »

« Ne dis pas de bêtises, Matt, tu as l’air en grande forme. »

« C’est Amanda et Claire, elles me font rester jeune. Laisse-moi te présenter ma femme et la petite sœur de Kelsey. » Il la mène vers les personnes en question.

Oh, ça c’est trop bizarre. Il faut que je m’asseye. Je recule de deux pas et trouve le canapé. Harper, délestée de Claire par Mama, traverse et vient s’assoir à côté de moi, en m’embrassant sur le front. « Et toi qui t’inquiétais. »

 

* * *

 

Je prends une profonde inspiration et remplis mon verre. En levant les yeux je découvre mon père debout dans le couloir de la cuisine. J’entends les autres rire et discuter comme de vieux amis depuis le salon. La soirée a été bonne, malgré mes prédictions.

« Alors comme ça, ma petite fille se marie, hein ? »

Je hoche la tête. « Hé oui. Est-ce que tu aimerais venir ? Ou bien c’est encore un peu trop bizarre pour toi ? Parce que, si c’est le cas, je comprends. » On a déjà fait beaucoup de chemin en peu de temps tel que c’est. Je ne peux pas m’attendre à des miracles.

« Je ne manquerais ça pour rien au monde. Je serai là. » Il m’ouvre ses bras et je fais un pas pour qu’il me prenne dans ses bras. « Est-ce que ton père peut faire une requête parfaitement égoïste ? » Je sens ses lèvres effleurer le haut de mes cheveux.

Je me blottis plus profondément dans ses bras, connaissant pour la première fois depuis longtemps ce qui m’avait manqué dans mon enfance. « Bien sûr. »

« Puis-je conduire ma petite fille à l’autel ? »

Je le regarde, choquée que le sujet soit même abordé. « Tu veux ? » dis-je une fois que j’ai réussi à retrouver ma voix.

Il hoche la tête, et baisse les yeux vers moi. « Il y a certaines choses dont un père rêve, tu sais. Ça en fait partie. Le jour où tu es née, je t’ai dit qu’un jour je te donnerais à un jeune homme très chanceux, mais que, d’ici là, je prendrais bien soin de toi. » Ses yeux se remplissent de larmes, mais il cligne avant qu’elles ne tombent. « J’ai vraiment raté la première partie de cette promesse. J’aimerais remplir la seconde partie et te donner à cette jeune femme très chanceuse. »

Je sens mes propres yeux se remplir de larmes tandis qu’il poursuit.

« Tu es ma fille ainée et je t’ai toujours aimée, Kelsey Diane, peu importe ce que tu as été amenée à croire. Je serai honoré si tu me laissais le faire. » Il prend l’air grave un moment, comme s’il semblait craindre un rejet de ma part. « Je comprendrais si tu ne veux pas. Claire ne va pas se marier avant longtemps et je ne suis pas stupide. Je sais que je serai probablement mort depuis longtemps à ce moment et je n’aurai pas l’occasion de faire ça pour elle. »

Je me recule et secoue la tête avec véhémence. « D’une, ne pense même pas à ça. Claire et moi on a besoin que tu sois là encore très longtemps. Elle a besoin de son papa et moi aussi. Et de deux, je serai honorée si tu me conduisais à l’autel. »

On se serre dans les bras pour un long moment chaleureux.

Maintenant, je vais devoir annoncer à Tabloïde qu’elle a gagné de jouer le fiancé.

 

* * *

 

Tout le monde est enfin parti. Mama dort à l’étage. La ville est tranquille en dessous de nous. Je suis dans les bras d’Harper et on danse sur de la musique très douce, sur le balcon. C’est plutôt s’étreindre sur de la musique, mais à cet instant c’est parfait.

« Tu as suffisamment chaud ? » souffle Harper dans mon oreille, envoyant des frissons ricocher sur ma peau.

Je le serre contre moi et fais glisser mes mains sous sa chemise, rentrant en contact avec la chaleur de sa peau. « Tout est parfait. »

« Tu es parfaite. » Elle me tient encore plus près, si c’est possible.

« Tu es d’accord avec les changements dans la cérémonie ? Je sais que tu ne voulais pas avoir des rôles stéréotypés, mais… » Elle me fait taire d’un baiser.

« Chér’, ne t’inquiète pas pour ça. Ça me va. C’est plus important pour moi que ton père soit là et qu’il ait un rôle dans le mariage. »

« Merci. »

« Et puis, je t’ai déjà épousée comme je voulais. Je suis contente. »

« Je t’aime, Harper. »

« Et pour dire la vérité, j’ai hâte de te voir remonter cette allée. » Puis elle rit à voix basse et se penche plus près. « En plus, j’étais pas sûre de pouvoir y arriver moi-même sans m’évanouir. »

 

* * *

 

Je déambule jusqu’à la cuisine. Je m’attendais à y trouver Mama et je ne suis pas déçue. « Le café est frais, » elle dit en levant le nez de son roman.

« Si je ne te voyais pas en plein jour, je m’inquièterais que tu sois un vampire. »

Elle rit un peu. « Je suppose que j’ai le teint suffisamment pâle. »

Je remplis ma tasse et mélange la crème. « Tu es belle, Mama. A l’intérieur et à l’extérieur. »

« Viens t’assoir avec moi, mon chou. Raconte-moi pourquoi tu es debout au milieu de la nuit. »

« L’hérédité. »

« Touché. »

« Je voulais te parler, en fait, à propos du mariage. » Elle a l’air un peu inquiet. Je me dépêche de la rassurer. On a enfin mis en boîte les derniers détails la nuit dernière avec Matt. Enfin, tous sauf un. « Je sais qu’on avait dit qu’on ferait le mariage chez Robie, mais je ne veux pas que ça se passe là-bas. »

« Très bien, » dit-elle, prudemment.

« Je veux que ça se déroule dans la maison que je nous ai acheté à la Nouvelle Orléans. »

« Redis-moi ça, mon chou. »

Je m’autorise un sourire. « La maison à côté de celle de Robie a été mise aux enchères il y a quelques semaines. Robie me l’a fait savoir et il a soumis une offre en mon nom. Elle a été acceptée et on a signé lundi. »

« Est-ce que vous rentrez à la maison ? »

« Pas avant un moment, Mama. Mais je voulais qu’on ait un endroit à nous quand on le fera. Kels n’a jamais eu de véritable famille. Sa mère s’est bien débrouillée pour et elle en a fait voir des vertes et des pas mûres à Kelsey et à Matt. C’est ça que je veux lui donner : un foyer, une famille, un endroit où on peut aller s’abriter quand les temps deviennent durs. En plus, je veux que les jumeaux aient une maison avec un jardin et des cousins à la porte d’à-côté. »

Mama refoule ses larmes. « Tu grandis juste comme il faut, Harper. »

« J’ai des supers modèles. »

« Ta nouvelle maison a un belvédère dans le jardin de derrière, si je me rappelle bien ? »

Mama ne perd pas le nord, ça c’est sûr. « Qu’est-ce que t’as fait ? Tu as regardé par-dessus la barrière ? » je plaisante.

« Mais non ! » Elle se recule de la table avec un air indigné, avant qu’il ne se change en un sourire penaud. « J’ai regardé depuis une fenêtre à l’étage chez Robie. »

« Surtout n’oublis pas, » je préviens, « c’est une surprise pour Kels. Donc il faut que tout le monde fasse comme si c’était chez Robie jusqu’à après le mariage. C’est mon cadeau de mariage pour elle. »

« Non, le cadeau c’est toi. La maison ce n’est qu’une chose. »

 

* * *

 

« Non. Tabloïde, tu le mets ou bien on ne bouge pas d’ici, » ordonne Kels, en laissant pendre un bandeau au bout de son index.

« Oserai-je demander pourquoi vous avez comme ça un bandeau sous la main ? » demande Mama. Elle se tient de l’autre côté de la limousine que Matt a envoyé ce matin, pour nous emmener à l’aéroport.

Oh bon sang ! Maintenant ma Mama pense qu’on joue les perverses au lit. Attendez, c’est le cas. Eeehh merde. Où est mon doudou quand j’ai besoin de lui ?

« Les menottes sont dans mon sac si j’en ai besoin, » répond Kels du tac-au-tac, avec un petit sourire en coin pour moi. « Tu sais, celles que tu aimes tellement, doublées avec de la fourrure ? »

« Kels ! » je gronde en lui prenant le bandeau des mains. « Arrête. Mama va avoir une terrible opinion de nous. »

« Mais non, voyons. » dit Mama en riant avant de monter dans la voiture.

Je jette un regard noir à ma femme. « Elle pense que tu es une personne très bizarre, tu sais. »

« Elle sait que je suis une personne très bizarre. J’ai accepté de t’épouser, non ? »

« Fais gaffe ou je vais devoir te punir. »

« Des promesses, toujours des promesses. Maintenant mets ce bandeau et monte dans la voiture. »

Je le glisse sur mes yeux et Kels m’aide à rentrer dans la voiture, avec un bisou. « Ça en vaut la peine, c’est promis. »

« Ça vaut mieux, » je gronde. C’est humiliant : aller à l’aéroport en voiture, avec un bandeau, à l’arrière d’une limousine avec ma femme, et je ne peux même pas me jeter sur elle parce que ma Mama est là aussi. Je pourrais perdre mon certificat de chaud lapin si le club l’apprenait.

Je les entends rire sous cape pendant tout le trajet. Kam m’aime, lui au moins. Il a la tête posée sur mes genoux, et me laisse lui gratter derrière les oreilles.

« Il espère juste que tu vas lui donner des frites, » chuchote Kels. Seigneur, comment elle peut lire dans mes pensées comme ça ? C’est flippant.

 

* * *

 

La limousine finit par s’arrêter et je sens bien qu’on est à l’aéroport. Oh la grosse surprise. Pour aller à l’aéroport, j’ai dû mettre un bandeau ? C’est quoi le problème, Kels, il y a une convention des mannequins Playboy que tu ne veux pas que je traverse ? J’ai été vachement sérieuse pour ce qui est de ne pas regarder ailleurs. Je sais que je vis avec une femme enceinte aux hormones déchaînées. Je ne suis pas stupide.

Je reste assise sans bouger jusqu’à ce que je sente la main de Kels glisser dans la mienne, me tirant et m’aidant à sortir de la voiture. Sans un mot, je me laisse guider et après une courte marche, je sens Kels lever le bras et enlever le bandeau.

Je garde mes yeux fermés. Par protestation, vous comprenez.

« Bordel, Harper, ouvre les yeux ! » ordonne ma femme avec un petit coup dans les côtes.

Je tressaille. Toujours les yeux fermés, je tends ma main. « Donne-moi un dollar. »

Je la sens le plaquer dans ma paume. « Je vais te donner un bon coup de pied au fond du pantalon si tu n’ouvres pas les yeux. »

Finalement, c’est ce que je fais, et je reste le souffle coupé quand Kels chuchote, « Il est tout à toi, bébé. »

Je jette un coup d’œil à Mama, qui tient la laisse de Kam, et elle sourit. Je balance la tête et retourne mon attention sur l’avion. Je suis sans voix. Je fixe le jet privé avec ‘Harper’s Baby’ peint sur le côté.

« C’est mon cadeau de mariage pour toi, Harper. Je dois te le donner maintenant. Je ne pouvais pas vraiment le cacher dans mes valises. »

« Kels, je ne sais pas quoi dire. C’est trop. »

« Non. » Elle pose ses doigts sur ma bouche. « Entre nous il ne peut jamais y avoir trop. Je voulais faire ça pour toi, Harper. Je crains que mon père n’ait un peu déteint sur moi, » elle ajoute avec un petit rire. « En plus, les bébés et moi on aime vraiment bien dormir dans l’espace canapé. Et puis ça nous permettra d’aller à la maison à la Nouvelle Orléans aussi souvent qu’on en a envie, maintenant que nous n’avons plus à voyager en classe éco. »

Je mets mes lèvres près de son oreille. « Si Mama n’était pas là, tu ne dormirais pas sur le canapé, chér’. Merci. Tu me coupes le souffle. »

 

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Bien que cette série soit inspirée par quelques faits réels, il s'agit d'une œuvre de fiction et les références à des personnes ou des organisations réelles ne sont incluses que pour donner un certain air d'authenticité. Tous les personnages, principaux ou secondaires, sont entièrement le produit de l'imagination des auteurs, ainsi que leurs actions, motivations, pensées et conversations, et aucun des personnages ni des situations qui ont été inventées pour eux n'ont pour but de représenter des personnes ou des événements réels. En particulier, les descriptions des chaînes de télévision CBS et NBC ne sont pas destinées à représenter ces sociétés, ou aucune des personnes y travaillant, mais sont seulement utilisées afin d'apporter un sentiment d'authenticité à cette œuvre de fiction.

 

 

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Commentaires
H
heureuse d'avoir lu la suite et attend la suite avec impatience <br /> merci
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M
Merci d'avoir mis la suite!!! <br /> <br /> Je crois bien que j'allais finir par mourir d'impatience =)<br /> Ça fait du bien de retrouver Harper et Kels, elles m'avaient manquées. Et maintenant il n'y a plus qu'a attendre le suivant^^<br /> <br /> Merci encore!<br /> <br /> Maëva
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