Indiscrétions, épisode 17
INDISCRETIONS
Deuxième Saison
Crédits :
Créé, Produit, Réalisé et Ecrit par :
Fanatic and TNovan
Episode Dix-sept : A nous deux,
Manhattan
Je glisse la clé dans la serrure,
et je sais ce que je veux. J’ai une seule idée en tête et elle est quelque part
dans l’appartement. Si j’ai de la chance, elle est au lit et elle est
nue ; ça fera gagner beaucoup de temps. Tant pis pour les préliminaires.
Je déteste quand je dois rester si tard au boulot.
Je laisse tomber ma mallette dans
l’entrée, jette mes clés sur la table, et commence à me débarrasser de mes
vêtements. Il y en a beaucoup trop sur mon chemin. J’accroche ma veste et
enlève mes bottes. « Kels ? » Viens par là, bébé, j’ai des plans
pour nous deux ce soir. « Oh Kelsey Diane… » Je fais passer mon T-shirt
par-dessus la tête et le balance quelque part dans la direction de la
buanderie.
Où est-ce qu’elle est ?
Ah, la voilà. Un bon sprint et
elle est dans mes bras. Elle doit le vouloir aussi.
« Har… » elle commence
en même temps que je la soulève.
Que non, pas le temps pour parler.
Le sexe maintenant, la discussion plus tard. Je l’embrasse profondément histoire
de rendre mes intentions limpides. Son gémissement ne fait qu’augmenter ma
détermination. Bon Dieu, j’adore ce son. Je veux l’entendre encore. Au diable
la chambre à coucher, on va peut-être bien commencer dans l’entrée
« Oh, femme, ce que j’ai
l’intention de te faire ce soir, » je l’informe tandis qu’elle reprend son
souffle. Je prends la direction de la cuisine avec Kels enroulée autour de moi
pour attraper une bouteille d’eau dans le frigo. Où qu’on termine, on va en
avoir besoin.
« Har… »
Je l’embrasse de nouveau. Elle va
finir par comprendre le plan de jeu. J’ai quelques soucis à la tenir, à prendre
la bouteille et à déboutonner sa blouse en même temps. J’ai besoin d’une paire
de mains supplémentaire, genre tout de suite. Moi aussi je vais peut être me
mettre à mordre les boutons. Secrètement, j’adore quand Kels fait ça.
Je presse son dos contre le
réfrigérateur pour libérer une main pendant que je tâtonne pour la bouteille
d’eau. Elle gigote contre moi. La porte en métal doit lui faire froid sur la
peau. C’est pour ça qu’elle fait tant de difficultés. « Kels, » je
chuchote dans son oreille. « Chérie, je vais te faire des choses ce soir
qui feraient rougir une pro. »
« Oh Seigneur… » elle
grogne, en laissant tomber sa tête contre mon épaule. Voilà, c’est mieux.
Laisse-toi aller à la tentation, bébé.
L’eau dans une main, Kels calée
dans mes bras avec les jambes nouées autour de ma taille, je repars. Je
l’embrasse juste à la naissance des seins. Pourquoi est-ce qu’elle essaie de se
reboutonner ? Je venais juste d’ouvrir sur quelque chose d’intéressant.
« Tu sais, on pourrait retenter
la table de la cuisine, » je blague en passant dans le couloir,
« même si j’ai pas trop aimé comment elle oscillait la dernière
fois. »
« Harper, on ne peut
pas… »
Je l’embrasse de nouveau avec
fougue. Elle ne saisit pas le message. ‘Peut pas’ ne fait pas partie de mon
vocabulaire ce soir. Beaucoup d’autres mots y sont, cependant, et je m’emploie
à lui en dire quelques uns pendant qu’on se dirige vers la chambre. Je parie
que les voisins deux étages plus bas sont jaloux maintenant, s’ils ne l’étaient
déjà pas avant. « Et ensuite, ma chère, je vais me planter entre tes
jambes et… »
Elle plaque sa main contre ma bouche et s’écarte de moi. Elle gronde, en me regardant droit dans les yeux, « Mama est dans le salon ! »
Je fronce les sourcils. « Oh
ouais, Kels. Très drôle. Bien sûr. » Je lève la main et recommence à déboutonner
sa blouse. « T’essaies de tuer l’ambiance ? »
Elle écarte ma main d’une tape.
« Harper, je ne plaisante pas, » elle chuchote. « Je te jure
devant Dieu que Mama est dans le salon. »
Est-ce un genre de nouveau jeu
bizarre que Kels a imaginé ? « Tu vas avoir des sacrés ennuis quand
je vais découvrir que c’est pas le cas, Stanton. Je vais t’attacher au lit et
te torturer pendant des heures. » Je la porte jusqu’au seuil du salon et
jette un œil derrière le coin.
Oh mon Dieu !
Mama est dans le salon.
Mon regard glisse sur mon moi à
moitié nu. Ma femme et son sourire en coin sont ma seule couverture. Je la serre
fermement et cours vers la chambre.
« Et dire, » j’entends Mama appeler depuis son poste sur le canapé, « que tu embrasses ta Mama avec cette bouche-là. »
* * *
« Pourquoi t’as pas dit
quelque chose plus tôt ? » se lamente-t-elle depuis le lit en serrant
la couverture autour d’elle, comme un cocon. Elle se cache la tête sous un
oreiller.
« J’ai essayé, espèce de
forcenée. Tu ne m’as pas laissé le temps d’en placer une avec ta petite tirade
classée X. »
Elle me lance un regard de dessous
l’oreiller. « T’aurais pu résister un peu plus. »
« Mais bien sûr, comme si ça
m’aurait avancé à grand chose. J’essayais de trouver un moyen de te dire
d’arrêter sans avoir à hurler. »
« C’était une si mauvaise
option, hurler ? »
« Apparemment pas. Tu le
faisais déjà assez toute seule, de toute façon. » Je ne peux pas m’empêcher
de la taquiner. Impossible de laisser passer une telle opportunité.
« Maintenant Mama sait ce que tu avais prévu, comme la moitié de Manhattan,
je parie. On avait toutes les portes-fenêtres ouvertes, pour profiter de cette
belle soirée et tout ça. »
Elle grogne et remet l’oreiller
sur sa tête. Je tire dessus et le jette au pied du lit.
« Maintenant, bouge tes
fesses et va voir Mama. »
« Non. » On dirait
Christian tout craché.
« Non ? Qu’est-ce que tu
veux dire, non ? Tu tiens vraiment à ce que je l’envoie ici ? »
Et là on dirait une mère tout craché. Les hormones se réveillent.
« Mon Dieu, non ! Toi,
va la voir. »
« Tu vois, mon cœur, tu n’as
pas saisi l’essentiel. J’ai passé toute la soirée avec elle. C’est nous qu’elle
veut voir. »
« Ben, elle vient de voir une putain de bonne portion de nous. Qu’est-ce qu’elle pourrait vouloir de plus ? Seigneur, achève-moi maintenant. »
« Ça fait un dollar, chérie.
Je vais être gentille et ne pas te taxer pour les mots que tu as dits dans le
couloir. » J’écoute avec grand amusement Harper qui lâche un autre long
grognement. « J’ai quand même réussi à garder la plupart de mes vêtements.
Pas grâce à toi, Peloteuse. Bref, elle est ici pour planifier le mariage la
semaine prochaine. » Je me penche en avant et chuchote, « Elle reste
tout le weekend et le début de la semaine, histoire d’être certaine que tout
est réglé. »
Elle grogne encore et tire la
couverture par-dessus sa tête. « J’ai toujours su qu’elle me haïssait. Je
vais rester couchée ici et mourir d’embarras, okay ? »
« Non, pas okay. » Je
tire la couverture et mets une claque sur un estomac sans protection. « Et
elle ne te hait pas. Tu trouvais ça drôle quand Robie et Rene se sont pointés
et que c’est moi qui mourais. Pourquoi ce ne serait pas drôle maintenant,
Tabloïde ? »
Elle découvre sa tête.
« C’est ma Mama. L’autre fois c’était seulement Robie. »
« Hmm, triste excuse, mon
cœur. » Je tire sur la couverture. « Maintenant lève-toi, enfile
quelque chose, et va voir Mama. »
« Je peux prendre une douche d’abord ? »
C’est une tactique pour gagner du
temps, je m’en rends bien compte, mais si ça peut la faire bouger j’accepte.
« Si tu en as vraiment besoin. »
« Oh, et comment j’en ai
besoin. Une douche froide, beaucoup de savon, deux tubes de dentifrice et un
litre de bain de bouche devraient faire l’affaire sans trop de problème. »
Je laisse ma pauvre partenaire sur
le lit et retourne dans le salon. Mama rit tellement fort qu’elle en a les
larmes qui coulent sur les joues. « Elle arrive dans un instant. Elle va
prendre une douche d’abord. »
« Tu lui as dit de se rincer
la bouche ? »
Je souris et jette un œil derrière moi vers la chambre. « Ça elle y a pensé toute seule. »
* * *
C’était peut-être pas une si bonne
idée que ça.
Mama est debout, les bras croisés, en train de fixer une œuvre du Musée d’Art Moderne [MOMA]. Elle hausse un sourcil dans ma direction, comme si c’était de ma faute que ce soit pendu au mur. « Qu’est-ce que ça fait là ? »
Kels glousse derrière moi. Je lui
lance un regard lourd, mais parfaitement sans effet.
On regarde toutes la sculpture. C’est
un pénis en caoutchouc attaché à une lunette de toilette.
« Qu’est-ce que c’est censé
être ? »
Je hausse les épaules. « J’en
sais rien, Mama. »
« C’est ça que vous les
New-Yorkais vous appelez de l’art ? »
Kels rigole encore plus fort
devant ma gêne.
« Pour commencer, je suis pas
New-Yorkaise. Il se trouve qu’on vit à New York à cause du boulot.
Deuxièmement, je suis loin de considérer ça comme de l’art. Ma règle c’est que
si moi je peux le faire, c’est pas de l’art. »
« Je croyais que tu ne
travaillais pas avec cette matière particulière ? » blague Mama en désignant
le pénis.
Je vais mourir, là maintenant.
« Moi je trouve que ce serait
mieux s’il était orange vif, » suggère Kels. Elle est diabolique.
« Ma petite, leur couleur naturelle ne t’est visiblement pas
familière. »
Kels est à présent aussi rouge que
moi.
Un point pour toi, Mama !
Mama, l’air plutôt satisfaite
d’elle-même, nous fait un sourire onctueux. « Je crois que nous en avons terminé
avec cet endroit. Où déjeunons-nous ? »
Merci mon Dieu. Je ne pense pas que le MOMA soit tout-à-fait prêt pour affronter Mama.
* * *
On franchit à pied les quelques
rues jusqu’au Plazza Hotel. A Manhattan, c’est mon hôtel préféré. Situé à
l’extrémité de Central Park, on l’utilise depuis longtemps comme référence pour
mesurer l’élégance des hôtels de New York. Quand il a d’abord été construit au
tournant du siècle, c’était un hôtel résidentiel. Les Vanderbilt, premiers à
signer le livre d’or, avaient une suite de chambres qui est aujourd’hui louée
aux présidents et à la noblesse.
On a réservé au Palm Court pour le
déjeuner. La salle est magnifique, et conçue pour rappeler aux visiteurs le
jardin d’hiver de l’Hotel Carlton de Londres. Mama fait un bruit d’approbation.
« Enfin, nous pouvons nous détendre. »
Le maitre d’hôtel arrive pour nous
accueillir. Mama répond en français. Ils engagent tous les deux une petite
conversation pendant qu’il nous guide à notre table.
Je me tourne vers Kels tandis
qu’on les suit. « Si on déménage, est-ce qu’on devra prévenir la
famille ? »
« Oui, mon cœur. Maintenant,
sois sage, » elle chuchote en retour d’un ton apaisant.
Une fois assises, tout le monde se
détend. Mama redresse les couverts en argent en face d’elle, et lisse la nappe.
« J’ai été très patiente. »
Je commence à protester, mais Kels m’envoie un coup de pied sous la table. Je la ferme. Ça vaut mieux.
« J’ai attendu patiemment
pendant des années qu’Harper te trouve. » Mama a activé le charme et fait
un sourire éclatant à Kelsey. « Mon cœur est tellement plein. »
Kels tend la main et prend celle
de Mama. « Merci. »
On est en train de me préparer un
coup fourré. Je le sens. Prêt dans trois-deux-un…
« Ainsi, tu ne peux
qu’imaginer ma perplexité en voyant la réticence de ma petite fille à planifier
son propre mariage. »
Houston, nous avons décollé.
« Je ne suis pas réticente, Mama, » je proteste. « C’est juste
que je n’ai pas envie que ça parte en vrille. On en a déjà parlé. »
« Exactement ! Parlé, parlé, parlé mais rien organisé. C’est ce
que nous devons faire maintenant. Mon
Dieu ! C’est dans une semaine à peine ! »
Dans une semaine. Quel bonheur. Mais, je suis déjà mariée à mon Gourou depuis deux semaines. Mama piquerait une crise si elle savait ! « Mama, » je dis de mon ton le plus patient, « qu’est-ce qu’il reste à faire ? Je sais que tu t’es déjà occupée des fleurs, des musiciens et du traiteur. Qu’est-ce qu’il reste à faire ? »
« Qu’est-ce qu’il reste à
faire ? »
Je ricane. « Y a un
écho ? » Vu le froncement de sourcil que je reçois en retour, c’était
pas la bonne réponse. Kels me le confirme par un autre bon coup de pied dans le
tibia. Elle se couvre en me serrant la main. Ouais, continue à jouer les
innocentes devant ma mère, bébé. Je t’aurai plus tard.
« Mama, » commence Kels,
« de quoi voulez-vous qu’on s’occupe ? »
« Il faut qu’on parle de
beaucoup de choses, la cérémonie par exemple. »
« Simple, ce serait
bien. »
Mama me lance le regard du démon.
« A quoi
pensiez-vous ? » demande Kels. Lèche-botte.
« Alors, bien entendu, il
faudrait que ce soit traditionnel. Notre prêtre s’est proposé pour l’office,
donc ceci au moins c’est réglé. »
« Mama, on est loin d’avoir un mariage traditionnel. » Je dois vite m’expliquer, avant qu’on ait droit à la grande scène ici au Plazza. « Après tout, on est deux femmes. »
« Et qu’est-ce que ça
signifie ? Que vous ne pouvez pas vous tenir devant Dieu et vos familles
pour proclamer votre amour l’une pour l’autre ? »
« Non - »
« Que tu n’es pas disposée à accorder
à ta mère le privilège d’organiser une fête pour toi ? »
« Non - »
« Alors quoi ? »
J’ai l’impression d’avoir de
nouveau cinq ans. Rassemblant mon courage, j’inspire un grand coup et tente de
raisonner avec ma Cajun enragée de mère. « Ce que je veux dire, c’est que
je ne me vois pas comme le mari ou l’épouse. Et c’est dur de s’imaginer un
mariage traditionnel sans ces rôles-là. »
Kels intervient, « Mon cœur, on pourrait s’avancer dans l’allée ensemble. Comme ça aucune de nous deux n’aura à attendre au pied de l’autel ou à arriver au bras de son père. »
Je lui souris. « Ça me plait
bien, y aller avec toi. » Je pourrais l’avoir à mon bras, comme j’en avais
envie aux Peabodys l’autre jour.
Mama coupe court à ces agréables
pensées. « Et qui composera la noce ? »
« La noce ? »
Mama me scrute entre deux yeux
plissés.
« En fait, Harper et moi
pensions demander à Robie et Rene d’être nos témoins. Robie pour Harper et Rene
pour moi. »
« Et tes autres
frères ? »
Je glisse un coup d’œil vers Kels,
à la recherche d’assistance. On me retourne un regard lourd de sens. Si
seulement je pouvais discerner le sens en question. Je risque une tentative,
« J’adorerais les avoir aussi. »
« Et, bien entendu,
j’aimerais également que Katherine, Elaine et Rachel soient avec moi. »
ajoute Kels.
Ma femme n’a donc aucune honte ?
« Bien. Je suis contente que
ce soit réglé. Qu’est-ce que vous porterez ? »
« Des vêtements, » je
dis.
Mauvaise réponse.
« Quoi que ce soit qui
complimente ce que portera Harper. » Kels repose le menton sur ses mains
et me sourit. Tout ça l’amuse beaucoup trop à mon goût.
Tu m’aides pas beaucoup là, chér’.
Bon, essayons de rediriger les choses vers Mama. « A quoi tu
pensais ? »
« Des habits de
cérémonie. »
« Je ne vais pas mettre un
smoking, Mama. » Je soupire et tente de lui faire comprendre. « Je ne
me vois pas comme un homme. »
« Alors tu mettras une
robe ? »
« Je ne vois définitivement
pas ça se produire non plus. »
« Dans ce cas nous n’avons plus aucune option. »
Kels, Dieu la bénisse, bondit à ma
rescousse. « Harper possède un très beau tailleur-pantalon Armani qui
serait parfait, je pense. Très élégant, féminin et approprié pour un
mariage. »
« Et toi, ma petite ? »
Okay, je suppose qu’elles ont
décidé de ma tenue.
« Hmm… »
Ha ! Kels ne sait pas.
Génial ! A son tour de se faire griller maintenant. Je me rendosse dans
mon siège. « Oui, chér, qu’est-ce que tu as prévu ? »
Ça ne marche pas super parce que
Kels me lance un regard qui égale celui de Mama. « Aucune importance,
Tabloïde. Tu n’as pas le droit de le voir avant le mariage, de toute
façon. » Elle se tourne et sourit à Mama. « Et Harper passera la nuit
d’avant chez Robie, n’est-ce pas ? »
Oh, ouais, j’ai fâché le Gourou.
« Mais, bien
entendu ! » Mama m’agite son doigt sous le nez. « Et toi ne va
pas te plaindre. »
« Même pas en rêve. Il reste
des trucs à décider ? » Je dis ça avec une pointe de sarcasme, vu que
concrètement, je n’ai rien aidé à décider du tout. Je suis restée assise là à
hocher la tête.
« Ce qu’on choisi pour le déjeuner, mon Cœur. »
* * *
Je laisse Harper dormir, et me glisse
hors du lit pour me préparer à ma journée de sortie avec Mama. Nous allons
faire les boutiques pour ma tenue de mariage. Comme Harper a platement refusé
de porter une robe, j’ai offert d’en mettre une. Ça a eu l’air de plaire
immensément à Mama. Je sais comment apporter le bonheur dans cette famille.
En prenant ma douche, je pense à
la cérémonie. Je sais qu’Harper et moi nous n’arrivons pas à nous imaginer dans
un mariage traditionnel. Naturellement, Mama a malgré tout une image très
claire dans la tête, et nous voulons toutes les deux que Mama soit contente.
Après tout Harper est la dernière de ses enfants à se marier. Et sa seule
fille. C’est un rôle qui s’accompagne de beaucoup d’attentes.
En retournant dans la chambre je trouve Harper en train de se réveiller, se frottant les yeux et s’agitant un peu dans le lit. Elle n’est pas encore suffisamment réveillée pour savoir que je suis levée, mais à la façon dont elle tâtonne mon côté, elle ne va pas tarder à s’en rendre compte. Je m’assois sur le bord, à côté d’elle, et peigne mes doigts dans ses cheveux. « Pourquoi tu ne te rendormirais pas ? » je chuchote.
Elle ouvre les yeux et me fait un
petit sourire ensommeillé. Seigneur, ce que j’aime ça. « Pourquoi t’es
debout ? »
« Je vais faire du shopping
avec Mama, tu te souviens ? »
« Désolée. » Elle
referme les yeux.
« Pas moi. Arrête de faire la
peste ou bien je t’oblige à nous accompagner. »
Harper fait mine de zipper une
fermeture éclair sur sa bouche. « Mes lèvres sont scellées. Je ne dis plus
rien. »
« Poule mouillée. »
Elle rejette les couvertures.
« Tu veux chercher les plumes ? »
Kels lève-toi de ce lit ou tu n’iras jamais faire les courses. « Nan. »
Elle ricane et caquète.
Je me dirige vers notre placard
pour trouver quelque chose à mettre. J’espère que ça ne dérange pas Mama que je
m’habille décontracté, parce que c’est comme ça qu’elle va m’avoir. « Tu ne
me piégeras pas avec ça. J’ai promis que j’irai faire du shopping avec Mama, et
je vais y aller. »
Elle tire la couette du lit et
s’enroule dedans, me suivant dans le placard. Oh, Kels, n’y pense même pas.
Trop de mauvaises blagues possibles.
« T’es vraiment une
lèche-botte, au fait. »
« Moi ? »
« Oh, s’il-te-plait, ne joue
pas les innocentes avec moi, Kelsey Diane Stanton. Depuis le moment où elle a
franchit la porte c’est ‘Oui, Mama. Non, Mama.’ Toi, » Harper se penche en
avant, son nez touchant le mien, « t’es une lèche-botte. »
Je l’ignore et enlève une tenue
d’un cintre. Un doigt appuyé contre sa poitrine, je repousse Tabloïde hors du
placard, puis je rassemble mes affaires pour m’habiller. Lèche-botte,
hein ? Je vais t’en montrer, du léchage de bottes. Je suis de sortie avec
elle toute la journée, Tabloïde. Pendant que toi tu restes ici. Tu n’as aucune
chance.
Alors que j’enlève mon peignoir
pour m’habiller, elle tombe à genoux en face de moi. Ah, c’est l’heure de sa
petite discussion matinale. Je ne peux pas m’empêcher de sourire. Elle n’a pas
manqué un seul matin depuis qu’on a appris que j’étais enceinte. Même quand
elle voyage, elle appelle tous les jours et me fait poser le téléphone sur mon
ventre. Ce que je fais, même si je suis toujours tentée d’écouter. Il nous faut
un haut-parleur.
« Bonjours, mes
trésors. » Elle me fait un bisou sur le ventre. « Comment vont mes
bébés ce matin ? Alors comme ça vous allez faire du shopping avec Maman et
votre Grand-mère aujourd’hui ? »
« C’est pas comme s’ils
avaient le choix. »
Elle lève les yeux vers moi en
fronçant les sourcils. « Chut ! »
Je hoche la tête et elle continue.
« J’attends de vous un
rapport complet. Si vous prenez de bonnes notes, il y aura une
récompense. »
Ça lui vaut une claque pour rire
sur le bras. « Tabloïde, tu ne vas pas commencer à corrompre nos enfants
avant même leur naissance. Lève-toi. » Je la hisse sur ses pieds, l’embrassant
légèrement au passage. « Maintenant laisse-moi m’habiller ou tu viens
aussi. »
Je ris en la voyant trottiner vers
le lit, se jeter dessus, et tirer les couvertures par-dessus sa tête.
* * *
Bon, avec Harper dans le costume
Armani noir, cette robe devrait faire très bien. Je lisse le bas de la robe et
me tourne vers Mama. « Alors, qu’est-ce que vous en pensez ? »
Elle s’approche, ajuste un peu le
corsage et tripote les manches. La façon dont le haut est coupé mettra
parfaitement en valeur mon camée.
« C’est superbe, Kelsey. Ça
va être une magnifique cérémonie. Même si ma fille n’y met pas beaucoup de bonne
volonté. »
Je soupire, et prends ses mains
dans les miennes. « Mama, Harper n’essaye pas d’être difficile. Vraiment
pas. Elle ne se voit simplement pas debout au bout d’une allée à attendre que
je la rejoigne. »
« Serait-ce vraiment une si
mauvaise chose, Kelsey ? Je veux dire, qu’est-ce qu’il y a de mal avec ce
genre de mariage ? Même pour deux personnes du même sexe ? Ce n’est
pas parce que vous voulez créer vos propres traditions que vous êtes obligés
d’abandonner certaines des plus belles que nous ayons ? Je me souviens
avoir regardé Jonathan pendant que je remontais l’allée, et je pensais que
j’étais en train de quitter l’enfance et d’entrer dans une nouvelle vie avec la
personne que j’aimais le plus au monde. Il était tellement beau. C’est à peine si
je n’ai pas défaillis avant d’y arriver. »
Je connais ce sentiment.
« Non, Mama, bien sûr que non. »
« Enfin, de toute façon nous
avons résolu le problème puisque tu remonteras l’allée avec elle. » Il y a
un peu de reproche dans sa voix. Elle n’est pas contente du plan mais elle veut
bien s’en accommoder. J’aimerais qu’il y ait un moyen de la rendre heureuse. Je
déteste l’idée que ça ne se passe pas comme elle le voudrait. D’une certaine
façon, je me sens coupable d’avoir même suggéré ce compromis, parce que je sais
qu’Harper aurait fini par céder et accepter toutes ses demandes.
Sauf pour la robe. Là-dessus elle
était catégorique.
* * *
Je tiens l’alliance dans ma main
et sens un frisson me parcourir le corps. Cela rend notre prochain mariage
aussi réel pour moi que celui du Nouveau Mexique l’était pour Harper. Pas qu’il
n’était pas réel pour moi aussi, mais je n’avais jamais songé à me marier d’une
manière ou d’une autre. Je n’avais même pas pensé sérieusement au mariage à la
Nouvelle Orléans, jusqu’à ce que le diamant de cette bague n’accroche un rayon
de lumière.
« Tout va bien,
Kelsey ? » La voix de Mama me rappelle.
« Hmm ? Oh oui, je vais bien. Est-ce que je devrais l’acheter ? Je veux dire, je ne sais même pas si Harper a envie de porter une alliance. » Quoi que, s’il fallait qu’elle en porte une, ce serait celle-là. C’est une bande de platine avec un rang de quatre diamants. C’est très sobre mais élégant. Comme mon Harper.
« Ma petite, elle t’aime. N’en doute jamais. »
« Oh, mais je n’en doute pas.
Je sais seulement que certaines personnes préfèrent ne pas en mettre, et Harper
n’est pas très portée sur les bijoux. »
« Que te dit ton
cœur ? »
Je souris à ma belle-mère, puis me
tourne vers la vendeuse. Je retire ma bague de fiançailles et la lui tends.
« Je veux la même inscription qu’à l’intérieur de celle-ci. »
Elle note la phrase et me rend la
bague. « Superbe choix, Ms. Stanton. »
« Parfait en effet, » j’approuve. La bague et la femme.
* * *
Je sors sur le balcon pour la
trouver détendue, les pieds contre la balustrade, en train de lire un livre
avec contentement. Elle a un grand verre de thé glacé à portée de main et a
l’air de nager en plein bonheur. J’espère que je ne suis pas sur le point de
lui gâcher le moment. Je m’approche et passe les bras autour de son cou, en
frottant un peu mon visage contre son oreille.
« Salut, sexy. » Je ne
peux pas m’en empêcher. Le fait que Mama soit là la rend toute nerveuse et
c’est juste trop marrant de la taquiner là-dessus.
« Kels, sois
sage ! » elle gronde, sans surprise. Tellement prévisible.
« Ooh, qu’est-ce que c’est
que cet accueil ? » Je fais mine de bouder et fais le tour pour
m’installer résolument sur ses genoux.
Ses mains viennent automatiquement
autour de ma taille. « Tu es une allumeuse, en plus d’être une
lèche-bottes. Où est Mama ? » Elle jette un coup d’œil derrière elle
vers les portes-fenêtres. Chat échaudé craint l’eau froide.
« Elle fait la sieste. » Je remets mon visage contre son cou et mordille son oreille.
J’entends sa respiration faire un
sursaut. « Merci mon Dieu pour ça. »
« Oh
ouais. » Je continue à explorer la peau légèrement salée sous mes lèvres.
Elle commence à transpirer un peu, malgré la brise. Ah oui, la question. Il
vaudrait mieux que j’entende la réponse avant qu’on ne soit autrement occupées.
Car j’ai l’intention d’être très autrement occupée dans très peu de temps.
« Harper ? »
« Ouais ? »
Elle laisse tomber son livre sur le dallage. Je devine qu’elle est un peu
contrariée que je change d’attelage en cours de route. Après l’autre soir, ma
chère et tendre n’est pas d’humeur à trop différer. Il vaudrait mieux que je me
dépêche.
« Je
me demandais. » Je lui fais un autre baiser dans le cou et tire sur le
premier bouton de sa chemise, pour le libérer. « Est-ce que, » je
commence, en défaisant le bouton suivant avec un petit grattement du bout des
ongles sur le haut de sa poitrine. « Est-ce que tu veux une
alliance ? Je veux dire, est-ce que tu veux porter une
alliance ? »
Elle fait tomber sa tête en arrière, les yeux clos, et se lèche les lèvres. « Qu’est-ce que t’as dit, bébé ? » Tandis que mes ongles glissent plus au sud, elle tente sans succès de capturer mes mains.
« Est-ce que tu veux porter
une alliance ? »
Elle ouvre les yeux et me regarde
comme si j’avais perdu la tête. « Purée, oui. Si ça se faisait, j’en
porterais une en travers du nez. Je veux que tout le monde sache. » Elle
capture enfin ma main et lui fait un petit bisou. « Je suis prise. »
Un autre bisou sur le dos de ma main. « Hors marché. Complètement retirée
et heureuse de l’être. » Elle s’écarte soudain, les yeux perplexes.
« Pourquoi ? Tu ne veux pas m’en donner une ? »
« Oh arrête, je veux te
trouver la plus belle qui existe. Je voulais seulement être sûre que tu en
voudrais. Certaines personnes n’aiment pas l’idée d’en porter, tu sais. »
« Tu rigoles ? »
Elle se redresse dans son fauteuil et me tire contre elle, prenant un ton
sérieux. « Quand j’étais à Colombus, la nuit où tu es venue et où tu m’as
dit pour nos Bébés Gourous, j’étais à un resto. La serveuse là-bas n’a pas
arrêté de me draguer et je n’ai pas arrêté de lui dire d’arrêter. Pendant tout
ce temps tout ce que je souhaitais c’était d’avoir une alliance. Je veux que
tout le monde sache, que je suis à toi. »
« Eh bien, je pourrais faire
tatouer mon nom sur ton front. » Je passe mon doigt dessus, lissant les
rides d’inquiétude. « Et rappelle-moi d’aller à Colombus après la
naissance des enfants pour avoir un mot avec cette serveuse. » Je défais
un troisième bouton de sa chemise et autorise ma main à se promener dessous de
nouveau.
« Nan, t’embête pas. J’ai
déjà jeté les ordures. » Elle lâche un autre long grondement tandis que ma
main continue de sa propre volonté. « En plus, je crois que Langston
pourrait bien tomber dans les vapes si je me faisais un tatouage. »
Je retourne à ce merveilleux cou.
« Peut-être bien. Tu sais que Mama fait la sieste en haut, à l’étage. Je
suis sûre que si on marche sur la pointe des pieds, on pourrait aller jusqu’à
notre chambre sans la réveiller. » J’espère qu’elle va être d’accord avec
le plan. Ses tétons ont certainement l’air prêt à venir avec moi.
« Tu crois ? Tu crois
que tu peux être silencieuse ? »
« Moi ? Ce n’est pas moi
qui grogne si fort que le chien gronde, Harper Lee. »
« Il a peur que tu me fasses
mal. Pas que je me plaigne, bien sûr. »
« C’est ça, ouais. » Je
me lève et lui tends la main. « En route. S’il le faut, je te donnerai
quelque chose à mordre pour étouffer le bruit. »
« Oh, chér, je peux bien
penser à deux ou trois choses à mordre, ça c’est sûr. » Elle lance un
regard plus que lascif à ma poitrine.
« Prouve-le. »
J’enchaîne en retirant ma chemise et en la jetant sur ses genoux. Je sais que
le débardeur que je porte en dessous ne cache pas grand-chose. Vu comment mes
seins ont augmenté de taille, je trouve les soutiens-gorge trop contraignants à
porter le week-end. Généralement je n’en mets pas quand je suis à la maison. Au
grand plaisir d’Harper.
Je baisse les yeux vers elle. Je connais ce regard. Ça ne sera plus long maintenant. La seule question qui demeure, c’est parviendra-t-on jusqu’à la chambre à coucher ?
« Devrais-je enlever cela
aussi ? » Je tire le débardeur de mon pantalon, en le soulevant suffisamment
pour dévoiler quelques centimètres de peau. Je me penche et chuchote dans son
oreille, « Ici et maintenant ? »
Un autre long grognement.
Je prends la décision pour elle,
considérant que nous sommes en plein jour et que nous avons des voisins dans des
buildings plus grands. « Tu as une seconde pour sortir ton derrière de
cette chaise, Tabloïde. Ou bien je vais commencer sans toi. » Je me dirige
vers la chambre.
Avant même de m’en rendre compte,
elle est debout et je suis dans ses bras. « Je ne crois pas ! »
Parfois c’est juste trop facile.
* * *
Le lundi arrive beaucoup trop tôt.
Avec le stress d’avoir ma mère en ville et l’absence d’un Jour Sans Vêtements,
je ne me sens pas détendue. En plus de tout ça, Mama veut visiter le studio
aujourd’hui.
« Pourquoi je peux pas
appeler pour dire que je suis malade ? »
Ça fait rire Kels et elle me
frotte gentiment le dos. « Parce que je ne vais pas l’emmener toute
seule. »
« Tu es sortie toute seule
avec elle hier. »
On m’enlève ma merveilleuse
couette et l’air froid frappe ma peau nue. « Debout. Maintenant. »
« T’es méchante. »
« C’est ce que Langston dit aussi. Prends une douche et viens rejoindre Mama et moi pour le petit-déjeuner. »
* * *
A la seconde où on sort de
l’ascenseur, Brian est là et nous attend. Il a les bras chargés de ballons et
d’animaux en peluche. « Oh mon Dieu ! » il crie d’un ton perçant
en voyant Kels.
« Quoi ? »
« Pourquoi tu ne me l’as pas
dit ? » Il tape du pied et décale une hanche.
« Te dire quoi ? »
« Tu es enceinte ! Tout
le bureau est au courant après ton petit tête-à-tête avec Langston. Oh mon
Dieu ! Je vais être tonton ! » Il pousse les cadeaux vers Kels.
Puis il tourne son attention vers moi. « Comment t’as fait ça,
l’Etalon ? Tu es sans aucun doute une grande ‘productrice’ si tu as
réussis ce coup là. »
Dieu, si ma mère n’était pas là,
j’aurai une réplique pour lui, ça c’est sûr. « Voici Mama, » je dis,
vite, avant que j’oublie.
Brian tourne son attention vers
Mama. « Joli costume. Donna Karan ? La collection de
printemps ? »
« Vous devez être Brian, » elle répond en lui tendant une main.
Qu’il embrasse. Mon Dieu !
Faut-il donc que tout le monde cherche à plaire à Mama ? « Harper a
parlé de moi, hein ? »
« Non, Robie. »
Brian se pâme à l’évocation du nom
de mon frère. « Est-ce que vous en avez encore des comme lui à la maison,
Mme Kingsley ? J’en cherche un d’environ un mètre quatre-vingt cinq,
quatre-vingt dix kilos, les cheveux sombres et les yeux clairs. »
« Je suis navrée, tout les
miens sont pris. Certainement qu’un gentleman aussi beau et charmant que
vous-même doit avoir plus d’un soupirant. »
« Oh, allons ! » il
proteste.
Elle passe son bras au sien et ils
commencent à marcher dans le couloir. « Dites-moi ce qui ne va pas,
laissez Mama s’en occuper pour vous. »
Kels se penche vers moi et ferme
délicatement ma mâchoire grande ouverte. « Je suppose qu’on invite Brian
au mariage. »
« On en fera la demoiselle d’honneur. »
* * *
Je ne sais pas pourquoi je suis
aussi nerveuse. Ce n’est pas comme s’il pouvait se passer quelque chose de mal.
Il ne peut pas refuser de me laisser épouser Harper. Il ne peut pas m’envoyer
dans une autre école, comme on a fait durant toute mon enfance. Même si lui et
Mama se détestent, personne ne peut rien faire contre.
Seigneur, j’espère que c’est vrai.
Harper entre dans la chambre,
certainement pour me chercher. « Qu’est-ce qui ne va pas ? »
« Rien, » je mens.
« Tu peux me le dire, »
elle réplique, sans me croire.
« Je suis un peu
stressée. »
« Oh, bébé, » elle
m’entoure de ses bras. « Pourquoi ? Toi et ton papa vous vous
entendez très bien. Et ce n’est que Mama qu’ils vont rencontrer. »
« Nos parents se rencontrent
pour la première fois, Tabloïde. Ça ne te rend même pas un tout petit peu nerveuse ? »
« Non. Pourquoi ça
devrait ? C’est pas comme si ça pouvait changer quoi que ce soit. Ils
peuvent se haïr jusqu’à ce qu’il gèle en enfer et ça n’aura aucune
importance. » Elle sourit en coin, sachant que je ne peux pas
techniquement lui faire payer un dollar pour celui-là [NDLT : ‘Hell’=Enfer est un juron en anglais]. « Kels,
chérie, s’il-te-plait ne te stresse pas. » Elle pose ses mains sur mon
ventre. « Ce n’est pas bon pour toi ni pour les Bébés Gourou. »
J’inspire profondément et hoche la
tête. « Tu as raison, Tabloïde. Profitons de la soirée et on verra bien
quelles seront les retombées. »
« Exactement. En plus, je
pense que Mama va bien aimer ton père. C’est ta mère qu’elle
détesterait. »
« Il faudra qu’elle prenne son tour. »
* * *
Je suis en train de siroter mon
jus de fruit lorsque la sonnette retentit, me faisant presque bondir au
plafond. Malgré toutes les paroles rassurantes de Harper, j’ai la sensation que
cette soirée va être un énorme désastre.
J’entends Papa et Amanda entrer.
Je souris quand j’entends Harper soulager sans attendre Papa de Claire.
J’inspire profondément et me blinde pour l’inévitable. Mama, debout à côté de
moi, doit sentir mon hésitation. Elle me prend la main et la serre légèrement.
Quand ils entrent dans le salon,
un immense sourire s’installe sur le visage de mon père. « Cecile
Kingsley ! Mon Dieu, ma chère, ça fait combien de temps ? »
Mama traverse la pièce pour le saluer et ils s’embrassent comme des amis longtemps perdus de vue. « Matt Stanton ! Je n’arrive pas à y croire ! C’est toi le père de Kelsey ? »
Je regarde vers Tabloïde, et je
sais que le choc est aussi évident sur mon visage qu’il l’est sur le sien.
« Vous vous
connaissez ? » je réussis à bafouiller sans avoir l’air d’une idiote complète.
« Si je la
connais ? » rit mon père. « Mon Dieu, Jonathan, Cecile et moi
nous connaissons depuis avant ta naissance. Je n’ai pas l’occasion de les voir suffisamment,
loin de là. » Il se tourne et sourit à Harper. « J’ai dû leur envoyer
un présent lorsque tu es née. Seigneur, je n’ai pas fait le rapprochement. Je
dois me faire vieux ! »
« Ne dis pas de bêtises,
Matt, tu as l’air en grande forme. »
« C’est Amanda et Claire,
elles me font rester jeune. Laisse-moi te présenter ma femme et la petite sœur
de Kelsey. » Il la mène vers les personnes en question.
Oh, ça c’est trop bizarre. Il faut que je m’asseye. Je recule de deux pas et trouve le canapé. Harper, délestée de Claire par Mama, traverse et vient s’assoir à côté de moi, en m’embrassant sur le front. « Et toi qui t’inquiétais. »
* * *
Je prends une profonde inspiration
et remplis mon verre. En levant les yeux je découvre mon père debout dans le
couloir de la cuisine. J’entends les autres rire et discuter comme de vieux
amis depuis le salon. La soirée a été bonne, malgré mes prédictions.
« Alors comme ça, ma petite
fille se marie, hein ? »
Je hoche la tête. « Hé oui.
Est-ce que tu aimerais venir ? Ou bien c’est encore un peu trop bizarre
pour toi ? Parce que, si c’est le cas, je comprends. » On a déjà fait
beaucoup de chemin en peu de temps tel que c’est. Je ne peux pas m’attendre à
des miracles.
« Je ne manquerais ça pour rien au monde. Je serai là. » Il m’ouvre ses bras et je fais un pas pour qu’il me prenne dans ses bras. « Est-ce que ton père peut faire une requête parfaitement égoïste ? » Je sens ses lèvres effleurer le haut de mes cheveux.
Je me blottis plus profondément
dans ses bras, connaissant pour la première fois depuis longtemps ce qui
m’avait manqué dans mon enfance. « Bien sûr. »
« Puis-je conduire ma petite
fille à l’autel ? »
Je le regarde, choquée que le
sujet soit même abordé. « Tu veux ? » dis-je une fois que j’ai
réussi à retrouver ma voix.
Il hoche la tête, et baisse les
yeux vers moi. « Il y a certaines choses dont un père rêve, tu sais. Ça en
fait partie. Le jour où tu es née, je t’ai dit qu’un jour je te donnerais à un
jeune homme très chanceux, mais que, d’ici là, je prendrais bien soin de
toi. » Ses yeux se remplissent de larmes, mais il cligne avant qu’elles ne
tombent. « J’ai vraiment raté la première partie de cette promesse.
J’aimerais remplir la seconde partie et te donner à cette jeune femme très
chanceuse. »
Je sens mes propres yeux se remplir de larmes tandis qu’il poursuit.
« Tu es ma fille ainée et je
t’ai toujours aimée, Kelsey Diane, peu importe ce que tu as été amenée à
croire. Je serai honoré si tu me laissais le faire. » Il prend l’air grave
un moment, comme s’il semblait craindre un rejet de ma part. « Je
comprendrais si tu ne veux pas. Claire ne va pas se marier avant longtemps et
je ne suis pas stupide. Je sais que je serai probablement mort depuis longtemps
à ce moment et je n’aurai pas l’occasion de faire ça pour elle. »
Je me recule et secoue la tête
avec véhémence. « D’une, ne pense même pas à ça. Claire et moi on a besoin
que tu sois là encore très longtemps. Elle a besoin de son papa et moi aussi.
Et de deux, je serai honorée si tu me conduisais à l’autel. »
On se serre dans les bras pour un
long moment chaleureux.
Maintenant, je vais devoir annoncer à Tabloïde qu’elle a gagné de jouer le fiancé.
* * *
Tout le monde est enfin parti.
Mama dort à l’étage. La ville est tranquille en dessous de nous. Je suis dans
les bras d’Harper et on danse sur de la musique très douce, sur le balcon. C’est
plutôt s’étreindre sur de la musique, mais à cet instant c’est parfait.
« Tu as suffisamment
chaud ? » souffle Harper dans mon oreille, envoyant des frissons ricocher
sur ma peau.
Je le serre contre moi et fais
glisser mes mains sous sa chemise, rentrant en contact avec la chaleur de sa
peau. « Tout est parfait. »
« Tu es parfaite. » Elle
me tient encore plus près, si c’est possible.
« Tu es d’accord avec les changements dans la cérémonie ? Je sais que tu ne voulais pas avoir des rôles stéréotypés, mais… » Elle me fait taire d’un baiser.
« Chér’, ne t’inquiète pas
pour ça. Ça me va. C’est plus important pour moi que ton père soit là et qu’il
ait un rôle dans le mariage. »
« Merci. »
« Et puis, je t’ai déjà
épousée comme je voulais. Je suis contente. »
« Je t’aime, Harper. »
« Et pour dire la vérité, j’ai hâte de te voir remonter cette allée. » Puis elle rit à voix basse et se penche plus près. « En plus, j’étais pas sûre de pouvoir y arriver moi-même sans m’évanouir. »
* * *
Je déambule jusqu’à la cuisine. Je
m’attendais à y trouver Mama et je ne suis pas déçue. « Le café est
frais, » elle dit en levant le nez de son roman.
« Si je ne te voyais pas en
plein jour, je m’inquièterais que tu sois un vampire. »
Elle rit un peu. « Je suppose
que j’ai le teint suffisamment pâle. »
Je remplis ma tasse et mélange la
crème. « Tu es belle, Mama. A l’intérieur et à l’extérieur. »
« Viens t’assoir avec moi,
mon chou. Raconte-moi pourquoi tu es debout au milieu de la nuit. »
« L’hérédité. »
« Touché. »
« Je voulais te parler, en fait, à propos du mariage. » Elle a l’air un peu inquiet. Je me dépêche de la rassurer. On a enfin mis en boîte les derniers détails la nuit dernière avec Matt. Enfin, tous sauf un. « Je sais qu’on avait dit qu’on ferait le mariage chez Robie, mais je ne veux pas que ça se passe là-bas. »
« Très bien, » dit-elle,
prudemment.
« Je veux que ça se déroule
dans la maison que je nous ai acheté à la Nouvelle Orléans. »
« Redis-moi ça, mon
chou. »
Je m’autorise un sourire.
« La maison à côté de celle de Robie a été mise aux enchères il y a
quelques semaines. Robie me l’a fait savoir et il a soumis une offre en mon
nom. Elle a été acceptée et on a signé lundi. »
« Est-ce que vous rentrez à
la maison ? »
« Pas avant un moment, Mama.
Mais je voulais qu’on ait un endroit à nous quand on le fera. Kels n’a jamais
eu de véritable famille. Sa mère s’est bien débrouillée pour et elle en a fait
voir des vertes et des pas mûres à Kelsey et à Matt. C’est ça que je veux lui
donner : un foyer, une famille, un endroit où on peut aller s’abriter quand les
temps deviennent durs. En plus, je veux que les jumeaux aient une maison avec
un jardin et des cousins à la porte d’à-côté. »
Mama refoule ses larmes. « Tu grandis juste comme il faut, Harper. »
« J’ai des supers
modèles. »
« Ta nouvelle maison a un
belvédère dans le jardin de derrière, si je me rappelle bien ? »
Mama ne perd pas le nord, ça c’est
sûr. « Qu’est-ce que t’as fait ? Tu as regardé par-dessus la
barrière ? » je plaisante.
« Mais non ! » Elle se recule de la table avec un air
indigné, avant qu’il ne se change en un sourire penaud. « J’ai regardé
depuis une fenêtre à l’étage chez Robie. »
« Surtout n’oublis
pas, » je préviens, « c’est une surprise pour Kels. Donc il faut que
tout le monde fasse comme si c’était chez Robie jusqu’à après le mariage. C’est
mon cadeau de mariage pour elle. »
« Non, le cadeau c’est toi. La maison ce n’est qu’une chose. »
* * *
« Non. Tabloïde, tu le mets
ou bien on ne bouge pas d’ici, » ordonne Kels, en laissant pendre un
bandeau au bout de son index.
« Oserai-je demander pourquoi
vous avez comme ça un bandeau sous la main ? » demande Mama. Elle se
tient de l’autre côté de la limousine que Matt a envoyé ce matin, pour nous
emmener à l’aéroport.
Oh bon sang ! Maintenant ma
Mama pense qu’on joue les perverses au lit. Attendez, c’est le cas. Eeehh
merde. Où est mon doudou quand j’ai besoin de lui ?
« Les menottes sont dans mon
sac si j’en ai besoin, » répond Kels du tac-au-tac, avec un petit sourire
en coin pour moi. « Tu sais, celles que tu aimes tellement, doublées avec
de la fourrure ? »
« Kels ! » je
gronde en lui prenant le bandeau des mains. « Arrête. Mama va avoir
une terrible opinion de nous. »
« Mais non, voyons. »
dit Mama en riant avant de monter dans la voiture.
Je jette un regard noir à ma
femme. « Elle pense que tu es une personne très bizarre, tu sais. »
« Elle sait que je suis une personne très bizarre. J’ai accepté de t’épouser, non ? »
« Fais gaffe ou je vais
devoir te punir. »
« Des promesses, toujours des
promesses. Maintenant mets ce bandeau et monte dans la voiture. »
Je le glisse sur mes yeux et Kels
m’aide à rentrer dans la voiture, avec un bisou. « Ça en vaut la peine,
c’est promis. »
« Ça vaut mieux, » je
gronde. C’est humiliant : aller à l’aéroport en voiture, avec un bandeau,
à l’arrière d’une limousine avec ma femme, et je ne peux même pas me jeter sur
elle parce que ma Mama est là aussi. Je pourrais perdre mon certificat de chaud
lapin si le club l’apprenait.
Je les entends rire sous cape
pendant tout le trajet. Kam m’aime, lui au moins. Il a la tête posée sur mes
genoux, et me laisse lui gratter derrière les oreilles.
« Il espère juste que tu vas lui donner des frites, » chuchote Kels. Seigneur, comment elle peut lire dans mes pensées comme ça ? C’est flippant.
* * *
La limousine finit par s’arrêter
et je sens bien qu’on est à l’aéroport. Oh la grosse surprise. Pour aller à
l’aéroport, j’ai dû mettre un bandeau ? C’est quoi le problème, Kels, il y
a une convention des mannequins Playboy que tu ne veux pas que je
traverse ? J’ai été vachement sérieuse pour ce qui est de ne pas regarder
ailleurs. Je sais que je vis avec une femme enceinte aux hormones déchaînées.
Je ne suis pas stupide.
Je reste assise sans bouger
jusqu’à ce que je sente la main de Kels glisser dans la mienne, me tirant et
m’aidant à sortir de la voiture. Sans un mot, je me laisse guider et après une
courte marche, je sens Kels lever le bras et enlever le bandeau.
Je garde mes yeux fermés. Par
protestation, vous comprenez.
« Bordel, Harper, ouvre les
yeux ! » ordonne ma femme avec un petit coup dans les côtes.
Je tressaille. Toujours les yeux
fermés, je tends ma main. « Donne-moi un dollar. »
Je la sens le plaquer dans ma paume. « Je vais te donner un bon coup de pied au fond du pantalon si tu n’ouvres pas les yeux. »
Finalement, c’est ce que je fais,
et je reste le souffle coupé quand Kels chuchote, « Il est tout à toi,
bébé. »
Je jette un coup d’œil à Mama, qui
tient la laisse de Kam, et elle sourit. Je balance la tête et retourne mon
attention sur l’avion. Je suis sans voix. Je fixe le jet privé avec ‘Harper’s
Baby’ peint sur le côté.
« C’est mon cadeau de mariage
pour toi, Harper. Je dois te le donner maintenant. Je ne pouvais pas vraiment
le cacher dans mes valises. »
« Kels, je ne sais pas quoi
dire. C’est trop. »
« Non. » Elle pose ses
doigts sur ma bouche. « Entre nous il ne peut jamais y avoir trop. Je
voulais faire ça pour toi, Harper. Je crains que mon père n’ait un peu déteint
sur moi, » elle ajoute avec un petit rire. « En plus, les bébés et
moi on aime vraiment bien dormir dans l’espace canapé. Et puis ça nous
permettra d’aller à la maison à la Nouvelle Orléans aussi souvent qu’on en a
envie, maintenant que nous n’avons plus à voyager en classe éco. »
Je mets mes lèvres près de son
oreille. « Si Mama n’était pas là, tu ne dormirais pas sur le canapé,
chér’. Merci. Tu me coupes le souffle. »
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