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16 janvier 2011

Un Noël Tropical, de Missy Good

Un Noël Tropical

(A Tropical Christmas)

Par Melissa Good – 25 décembre 2010

NdlT : Cette vignette de Missy est une tradition en quelque sorte chez elle, elle ponctue ses FF de petites histoires reliées aux fêtes diverses. Celle-ci je ne l’ai « découverte » que le 3 janvier, alors elle est un peu en retard pour Noël mais la traduire le jour-même eut impliqué que Missy me l’envoie avant sa publication J Les Américains sont très religieux à leur façon, aussi vous ne trouverez pas d’aventures vertigineuses ou de mystère à élucider dans cette histoire, mais l’atmosphère particulière que Missy a su développer autour de ses deux héroïnes. Je vous laisse apprécier la lecture, ou plutôt la traduction que j’en ai modestement faite. Je vous souhaite une très bonne année Missy Goodienne 2011 mais aussi toutes les autres à suivre pour ceux qui liront dans… 150 ans ! J Fryda

*******************

C’était une journée très claire et très ensoleillée, une de ces journées parfaites, fraiche mais sans cette humidité froide, et qui fait que tant de gens choisissent de prendre leur retraite dans la région sans même y passer un été d’abord.

Cecilia Roberts passa en revue les tables sur tréteaux installées dans l’herbe qui longeait les docks, avec un sentiment de satisfaction ; elle jeta un coup d’œil appréciateur au ciel bleu clair et sans nuages, où le soleil pointait vers l’horizon annonçant son coucher. « Joli. »

Les tables étaient couvertes de toutes ces choses qu’on aimait voir dans les fêtes, du grog à la sauce mexicaine à sept couches, toutes choses qu’elle avait soigneusement fait en sorte qu’elles soient fournies par quelqu’un d’autre pour s’assurer qu’elles seraient mangeables.

C’était agréable, songea-t-elle, d’avoir la possibilité de simplement appeler quelqu’un pour lui dire ‘faites-moi ça’. De ne pas avoir à s’inquiéter d’aller en voiture jusqu’au supermarché et se bagarrer avec les clients qui faisaient leurs achats de dernière minute pour le dîner, ni d’avoir à transporter le tout jusqu’à la cuisine du petit bateau et essayer de l’assembler.

Elle se retourna et regarda le grand yacht comme elle l’appelait, appréciant les lumignons multicolores de Noël qui en décoraient chaque centimètre carré. « Tu as bientôt fini, moussaillon ? »

Son mari se tourna depuis l’endroit où il attachait les derniers câbles. « Presque. » Il était pieds nus et portait un maillot de bains, un tee-shirt et une casquette de la Navy. « J’me disais qu’on pourrait d’mander à Dar de connecter ces trucs là-haut à la chaine pour les faire danser au son de la musique. »

« Bonne idée. » Elle leva le pouce en signe d’approbation. Les lumignons étaient horriblement criards et elle vit leurs voisins de droite leur lancer un regard dédaigneux en allant de leur voilier à moteur élégant jusqu’à leur Mercedes.

Leurs voisins ne lui posaient pas particulièrement de souci mais ils se trouvaient à ce niveau de la haute société où certaines choses avaient une importance qu’elles n’auraient pas eue s’ils s’étaient trouvés un cran au-dessus ou en-dessous.

Ceci, qui était née plusieurs crans au-dessus de pratiquement tout le monde dans le port, se contentait de rire d’eux et savourait sincèrement son mari résolument cul-terreux et ses décorations criardes.

Andy sauta du bateau sur le quai et la rejoignit, en jetant un coup d’œil examinateur aux tables. « Ça a l’air sympa », dit-il. « Les gens vont pas tarder à débouler. »

« Oui. » Ceci l’enlaça. « Est-ce que tu vas aller à cette église ce soir ? »

« Oui, madame », dit Andy. « J’me disais que ça dérangerait pas Kerry d’avoir de la compagnie et elle raconte tellement d’histoires sur cet endroit que j’me disais qu’il fallait que j’aille voir par moi-même. » Il se frotta les mains puis alla vers les tables et attrapa une petite grappe de raisin de l’un des bols qui débordait avant de l’enfourner dans sa bouche. « J’aime bien les fêtes. »

« Moi aussi. » Ceci observa l’assemblage de petites tables et de fauteuils et la grande table couverte de bouteilles d’alcool colorées et de boissons non alcoolisées. « Est-ce qu’ils ont apporté la glace ? Ah oui. Elle est là. » Elle repéra un petit fût avec une cuillère qui en sortait.

Un grondement sourd de moteur la fit se retourner et elle vit un autre yacht à moteur, un peu plus petit que le leur, qui naviguait dans le port de South Pointe. Le capitaine esquiva deux bateaux de pêche visiblement flambant neufs tandis que leurs pilotes luttaient pour comprendre le fonctionnement des moteurs, et s’approcha de l’emplacement près du leur à une vitesse prudente.

« Salut maman ! » La jeune femme blonde sur le pont lui fit signe. « J’adore les décorations lumineuses ! » Elle pointa du doigt le bateau près duquel elles se rangeaient. Elle portait un jean et un tee-shirt blanc avec les manches roulées sur les avant-bras et avec un arbre de Noël sur l’avant, et elle portait aussi un chapeau d’elfe avec des oreilles poilues vertes.

« Ouaf ! » Le labrador couleur crème près d’elle ajouta ses propres salutations, en secouant la tête ce qui fit tinter les clochettes sur son collier rouge vif.

Ceci alla jusqu’au bord du quai et lui fit signe à son tour, tandis que le nouvel arrivant se plaçait en flottant dans l’emplacement, cognant doucement les bouées pare-chocs avec une précision soignée. Elle sourit en regardant sa fille manœuvrer le grand bateau, dans un tee-shirt rouge à longues manches remontées jusqu’à ses coudes et un short en jean, la tête décorée d’un chapeau avec des bois de renne. « Bon anniversaire, ma fille ! » Cria-t-elle, ce qui lui valut un rapide sourire et un signe de tête de celle-ci qui gardait fermement les mains sur les manettes.

Andy apparut derrière elle et attrapa la corde que Kerry lui envoyait, la nouant au taquet du môle tandis que le bateau s’immobilisait.

Kerry remonta le côté du bateau jusqu’à la proue et jeta l’autre corde à terre puis se retourna pour lever le pouce vers le pont de pilotage. « On est amarrées, chérie. »

« Merci. » Dar coupa les moteurs et lança les accumulateurs avant d’ajuster les bois sur sa tête et de sauter en bas de l’échelle sur le pont. « Envoie-moi les crosses d’appontage, papa. »

Andrew apportait déjà les câbles électriques et la tuyauterie, mais il sauta sur le pont du bateau et repoussa sa fille en faisant les connexions lui-même. « Fiche le camp d’ici, la môme. »

Dar s’éclaircit la voix ;

« Tu peux voir comment raccorder les loupiotes à la musique par-là », lui dit Andy. « J’vais m’occuper de ça pour toi. »

Dar se mit à rire et suivit Kerry et Chino sur la jetée.

« Bonne fête, maman. » Kerry étreignit Ceci. « Wow, la fête se présente super bien ! »

« Pas grâce à moi », dit Ceci. « Merci à la déesse des organisateurs de fêtes. » Elle se tourna vers sa fille, ferma les yeux et essaya de ne pas rire à la vue des cornes. « Où est-ce que tu as déniché ça ? »

« Le chapeau ? » Dar mit ses lunettes de soleil sur son nez. « Au même endroit où Kerry a eu son tee-shirt et Chino son collier. L’internet est notre meilleur ami pour les achats. »

« On a d’autres provisions pour la fête sur le bateau », dit Kerry. « Et j’ai… oh. Voilà Angie et Mike. » Elle pointa du doigt. « Et ma mère. » Elle observa les silhouettes. « J’espère que c’est une bonne idée de les emmener en bateau jusqu’à la cabane. »

« Je préfère que ce soit ta famille que la mienne », dit Ceci joyeusement. Elle fit signe aux Stuart, qui avaient hésité au bout de la marina avant de les repérer. Tous les trois portaient des sacs de voyage sur l’épaule. « Sinon j’aurais dû séparer les plats en sauce avec la strychnine des autres. »

Kerry plissa le nez dans un mélange d’amusement et d’horreur. « C’est aussi terrible que ça, hein ? »

Ceci l’observa. « Ils savaient qu’Andrew était vivant et ils ne m’ont rien dit », dit-elle. « Il n’y a rien sur cette Terre, ou même ailleurs, qui me permettra de leur pardonner ça, Kerry. Rien. »

Kerry tourna le regard sur le côté puis revint sur elle. « Non », dit-elle tranquillement. « La ligne jaune est définitivement franchie. » Elle tapota Ceci sur l’épaule. « Alors allons rejoindre ma famille et me laisser apprécier le fait que les choses auraient pu être pires. »

Dar les regarda partir vers le bord de la marina, puis elle tourna son attention sur le Bertram de 60 pieds enveloppé de lumignons. Elle observa son père, qui venait d’arriver près d’elle. « Tu vas emmener ce truc dans la parade des bateaux ? Tu vas éclairer toute la fichue route intercostale. »

Andrew se mit à rire. « Attends que je les branche », dit-il. « J’ai essayé hier soir et le voilier là a failli se planter dans la boutique des appâts tellement c’était lumineux. »

Dar retira ses lunettes et les accrocha au col de son tee-shirt. Puis elle monta sur le grand bateau et commença à examiner le panneau compliqué sur lequel les lumières étaient branchées. « Il y a une entrée audio ? »

« On peut tout brancher, sauf ta foutue tête là-dedans. »

Sa fille ricana et retira son chapeau à cornes, le posa de côté en se mettant sur un genou, et passa la tête sous la console. « Me dis pas que tu as un mix de new age et de country dans ton chargeur de CD. »

« Hé ! »

« Bonjour vous. » Kerry salua sa famille. « Contente que vous ayez trouvé. »

« Bonjour sœurette ! » Mike l’embrassa. « Wow, c’est sympa par-ici. »

Kerry le relâcha et alla embrasser sa sœur. « Comment vont les enfants ? »

« Sally est chez Richard », dit Angie. « Et Andrew est gardé par son père. » Son visage se tordit dans un sourire avec ces mots. « Il s’entraîne avant sa prochaine semaine officielle. »

Puis ce fut le tour de sa mère. Kerry remua son esprit de Noël pour qu’il se mette en place et se présenta pour une étreinte chaleureuse, surprise qu’elle soit acceptée. « Bienvenue à Miami Beach, maman. »

« C’est tout simplement charmant ici, Kerry », déclara Cynthia Stuart en la relâchant. « C’est un tel soulagement après la neige que nous avons eue chez nous », ajouta-t-elle. « Et ton tee-shirt est mignon. »

« Il s’éclaire en plus. » Kerry appuya sur l’étoile en haut de l’arbre et montra le résultat, puis elle l’éteignit. « Je garde ça pour la nuit tombée. »

« Il fait froid sérieux au nord », ajouta Angie. « Tu ferais mieux d’apporter une parka, sœurette. Ma plus grande peur c’est que la moitié des invités glissent du porche de chez maman à cause de la glace. »

« Oh. Beuh ! » Kerry se retourna. « Vous vous souvenez de la maman de Dar, Cecilia Roberts ? »

« Bonjour. » Ceci les accueillit chaleureusement. « Ravie de vous revoir. Contente que vous ayez pu venir à notre petite fête. » Elle tendit les mains à Cynthia qui les prit dans les siennes. « J’avais prévu cette petite chaleur dans l’hiver il y a longtemps déjà. Je ricane encore quand je vois les bulletins météo de la côte Est. »

« Seigneur, que c’est vrai », approuva Cynthia. « Je n’ai jamais vraiment réalisé la différence jusqu’à ce que nous arrivions aujourd’hui. Et nous y voilà, le soir de Noël, et regardez tous ces arbres » Elle marcha près de la mère de Dar jusqu’à ce qu’ils arrivent à l’endroit où les deux bateaux étaient amarrés.

« Tu es prête pour la semaine prochaine ? » Demanda Kerry à Angie en trainant derrière au milieu de ses frère et sœur.

« Oh oui », répondit Angie immédiatement. « Ça va être un mariage marrant. Pas comme la dernière fois. J’ai même pu choisir le traiteur comme ça on n’aura plus ces horribles roulés de poulet. » Elle mit le bras autour des épaules de sa sœur. « Tout le monde pensait que c’était dingue qu’on vienne aussi près de la date, mais c’est vraiment parfait, Ker. J’avais besoin d’un break et ça leur donne une occasion de venir et de tout décorer sans nous avoir dans les pattes. »

« Ouais, je vais te faire faire le grand tour », acquiesça Kerry. « On va prendre la bateau pour rentrer ce soir, maman pourra voir où on habite et on ira à la cabane demain matin pour passer Noël là-bas. C’est très beau. Tu vas adorer le coucher de soleil. »

« J’espère que je vais adorer les vagues », dit Mike d’un ton plaintif. « Je pense que je suis toujours malade en mer. »

« On a des cachets », le rassura Kerry, « ne t’inquiète pas pour ça. » Elle tourna le regard et vit Chino qui chargeait vers eux, dans un tintement de clochettes et d’oreilles qui battaient l’air. « Hé Rudolph ! Viens par ici ! »

« Ouaf ! » Le Labrador trottina jusqu’à eux, la queue remuant joyeusement.

« Elle est mignonne. » Mike tendit la main pour caresser le chien. « Un peu plus grande que la dernière fois que je l’ai vue ! »

« Ouuui. » Angie fit un sourire excessivement affectueux à Kerry. « J’ai TOUT entendu sur eux ces deux mois et demi », dit-elle. « La naissance des chiots, dont je vais apparemment hériter d’un, est prévue pour juste après le Nouvel An. »

« Hé. » Kerry s’accroupit et enlaça son chien. « Tu sais, Ang, tu me détestes peut-être maintenant, mais parfois avoir quelque chose qui vous donne un amour inconditionnel n’est pas une si mauvaise chose. » Elle leva les yeux vers sa sœur. « Tu vois ? »

Angie l’observa un instant. « Et bien, je présume qu’on verra ça », dit-elle. « Maman embauche une aide juste pour trainer avec des coussins pour chiot. »

« C’est ici que vous vivez avec le commandeur ? » Demanda Cynthia à Ceci tandis qu’elles approchaient des bateaux. « Il me semble que Kerry m’a dit que vous viviez sur un bateau. »

« Oui. » Ceci regarda sa maison flottante avec affection. « Vous savez, je pensais avoir perdu l’esprit quand j’ai commencé à imaginer pouvoir vivre sur un bateau après toutes ces années passées par Andy dans la Navy, mais j’aime vraiment bien finalement. »

« C’est charmant. » Cynthia observait le plus grand des deux yachts. « Est-ce qu’il y a assez d’espace à l’intérieur ? »

« Ça fait moins à nettoyer », précisa Ceci. « Et si on a en assez de ses voisins, on lève tout simplement l’ancre et on s’en va. »

« Hm », dit Cynthia d’un air songeur. « Je dois dire qu’il y a eu une occasion ou deux où ça aurait été très avantageux », dit-elle d’une voix pensive. « Roger a toujours voulu piloter son propre bateau. On n’a jamais vraiment eu le temps. »

« Salut la compagnie. » Andrew les salua depuis le bastingage. « Joyeux Noël à tous. »

« Je vous ferai faire le tour du propriétaire. » Ceci l’emmena sur le bateau. « Ne glissez pas sur ma fille et ces câbles. »

La tête de Dar émergea de dessous le placard. « Salut. » Elle salua la famille de Kerry. « Bienvenue à Miami. » Elle retourna les signes de main puis replongea pour continuer à travailler.

Kerry se posta près d’elle. « Qu’est-ce que tu fais, chérie ? »

« Je m’occupe de tout ça pour que Papa puisse faire danser les vingt-quatre couleurs de lumière de ce truc sur la musique de ‘Grand’mère s’est fait renverser par un Renne’.

Kerry retira ses lunettes de soleil et s’agenouilla pour regarder sous la console. « C’est une blague, hein ? »

Dar lui sourit. « Nan. »

Kerry se remit debout et se frotta le dessus du nez. « Et bien, ça va être une fête géniale. » Elle se retourna. « Tu veux boire quelque chose ? Il n’y a pas vraiment assez de place pour qu’on s’entasse tous dans la cabine. »

« Je suis partante ! » Angie descendit la passerelle d’embarquement et se dirigea vers les tables préparées. « On peut déposer nos sacs dans ton petit bateau à rames, sœurette ? Mike, va chercher celui de Maman. »

« Oui Chef, bien Chef. » Mike lui tira la langue mais il se tourna quand même pour descendre dans la cabine du Bertram. « J’espère que tu ne vas pas te comporter comme ça pendant trois jours. »

Angie et Kerry échangèrent des regards ironiques. « Allez. » Kerry montra le Dixieland Yankee. « J’ai aussi des boissons là-dedans. »

*****************************

Kerry descendit dans la cabine du Yankee, chantonnant doucement entre ses dents. Elle traversa la petite cuisine et sourit au son de la machine à café ; elle se frotta les mains avant de décrocher deux tasses isolantes et de les poser sur le comptoir.

Il faisait nuit dehors. Ou du moins le soleil était couché, parce que les lumières du bateau voisin produisaient assez d’éclairage pour pouvoir lire un petit livre.

La fête battait son plein et Kerry se dit que tout se passait plutôt bien. Ils avaient un mélange de collègues de travail et d’amis là-dehors, à la fois les leurs et ceux des parents de Dar, et ils avaient démarré un feu dans l’un des grills éparpillés dans les coins graillonneux et herbeux de la marina.

Ses kebabs avaient fait un bœuf. Kerry versa le café dans les tasses et ajouta de la crème et du sucre, puis elle remit les couvercles. Elle sentit le bateau rouler et elle leva les yeux au moment où une grande silhouette se baissait pour passer la porte qui s’ouvrait. « Salut Papa. »

« Salut kumquat. » Andrew vint près du comptoir et prit une des tasses. « T’es prête à aller à ta petite église ? »

« Ouais. » Kerry avait mis un sweater à capuche sur son tee-shirt léger vu le temps légèrement plus frais. « Tu es sûr de vouloir y aller ? C’est un peu bizarre. »

« Ouaip », dit Andrew. « Ceci a pas la patience pour ce genre de truc. »

« Dar non plus », grogna Kerry avec bonhommie. « Filons d’ici avant que ma famille ne se rende compte que nous partons. Je ne veux pas qu’ils nous collent aux talons. »

Andrew s’appuya sur le comptoir. « Ça pourrait être une bonne expérience pour eux. »

Kerry plissa le visage. « Je préfère de pas avoir ce genre d’expérience un soir de Noël. Je veux juste un service religieux et quelques cantiques, Papa. »

« T’y as bien droit. » Andrew se redressa. « Alors on y va. La soirée est belle pour marcher en plus. »

Ils descendirent du bateau sur la jetée, tournèrent et s’éloignèrent de la fête pour marcher le long de l’eau. Une fois qu’ils eurent dépassé le bout du quai, ils prirent le chemin le long de la marina qui longeait South Point Park et finissait sur Ocean Drive.

« J’pensais pas que ces trucs embêtaient Dar », risqua Andrew après quelques instants. « Elle est allée avec toi l’année dernière, si je m’souviens bien. »

Kerry hocha la tête. « Ça ne l’embête pas vraiment », admit-elle. « Mais il faut vraiment que l’une de nous deux reste à la fête, et à l’église, ils la rendent un peu dingue. » Elle mit les mains dans la poche avant de son sweater. « Ils veulent toujours qu’elle fasse des trucs. »

« Heu. »

« Dar n’aime pas que les gens fassent des suppositions », précisa Kerry. « Ça ne la dérange pas d’aider, mais là-bas, ça implique en quelque sorte qu’on soit requis pour ça. Je suis un peu plus habituée à ça. »

« A passer les plats ? » Devina Andrew.

« Ça, plus d’aider les travailleurs sociaux, et d’aller à tous les événements, et à l’école du Dimanche et à l’étude de la Bible… » Kerry compta sur ses doigts. « Vous savez de quoi je parle. »

« En fait, oui », dit Andrew. « Dar connaît rien de tout ça. Je voulais pas qu’elle le fasse. » Il marcha à pas lents, les mains dans ses poches. « J’ai jamais eu l’impression d’avoir le choix mais je voulais qu’elle, elle l’ait. »

Kerry hocha la tête. « Oui. »

« En plus, je voulais pas qu’les gens parlent sur elle plusieurs années après quand elle leur disait d’aller se faire voir, et puis que ma femme se roule par terre de rire en entendant ça. »

« Héhéhé » ricana-t-elle. « Bingo pour les deux. »

Andrew rit également. « Mais tu sais », dit-il. « J’l’ai élevée dans la foi, tout comme toi et quelquefois, j’ai juste envie de l’entendre. »

Kerry hocha à nouveau la tête en silence. Puis elle leva les yeux vers son grand compagnon de marche. « Tu crois toujours ? »

Andrew réfléchit un moment tandis qu’ils marchaient le long de la route qui menait au petit immeuble qui abritait l’église éclectique à laquelle Kerry et Dar se rendaient de temps en temps. « Est-ce que j’crois ? » Dit-il. « J’crois, Kerry. J’crois qu’y a un type là-haut qui nous protège. »

« Hm. »

« J’suis allé dans pas mal d’endroits où j’crois qu’c’est la seule chose qui m’a gardé en un seul morceau », dit son beau-père. « Croire dans la grâce du Seigneur, j’veux dire. Y a eu des moments où j’ai juste fermé les yeux et je l’ai laissé gérer. »

Kerry soupira, penchant un peu la tête en arrière pour étudier les étoiles. « Je suis si désorientée », finit-elle par admettre. « J’ai été élevée dans la foi et l’église, comme tu dis, et je n’ai jamais remis en question ma croyance en Dieu. »

Son regard sembla alors voir au-delà de la rue sur laquelle ils marchaient, vers un autre endroit. « Et je pense… non, je sais qu’il y a un endroit dans mon cœur qui lui appartient. » Un léger sourire passa sur ses lèvres. « Parce que cet endroit sait très sûrement toute la chance que j’ai. »

Andrew sourit. Il sortit une main de sa poche et lui tapota l’épaule.

« Et pourtant », continua Kerry. « Quand je lis le journal ou que je vais sur internet, ou que j’écoute les infos, la plus grande partie de ce que j’entends sur la religion est fait de haine plutôt que d’autre chose. » Elle s’interrompit, pensive. « Alors je présume que ma question c’est, qu’est-ce que tu en dis Dieu ? »

« Oui. »

« Croire est supposé vous faire vous sentir bien. C’est supposé vous apporter de la joie. Vous n’êtes pas supposé passer tout votre temps à fouiller les Ecritures pour trouver des raisons de haïr tout le monde. » Kerry sortit les mains de son sweater et les leva. « Est-ce que la vie n’est pas assez dure comme ça, sans qu’on se balade en haïssant délibérément les autres et en les blessant ? »

« Ah, ben. » Andrew soupira. « C’que j’ai appris Kerry, dans ma vie de dingue, c’est que les gens ont pas besoin de raison pour haïr. »

Kerry soupira.

« Ça fait partie de nous. On hait ceux qui sont pas comme nous », dit Andrew. « Aujourd’hui, c’est pas très bien vu de dire ça. Je peux pas donner un nom à quelqu’un et que ça passe, alors qu’hier on pouvait, tu vois ? »

« Vous voulez dire, comme de dire d’un Italien que c’est un rital », dit Kerry. « Ça ne posait pas de problème à la fin du siècle dernier, pas vrai ? »

« Ouais, c’est vrai », dit-il. « Mais on peut plus le faire maintenant. Et ces types avec les livres saints, ils en sortent des bouts qui disent qu’on peut être mauvais avec certains, et que ces certains-là, parce que les livres le disent, alors on peut appeler un type pédé, et se sentir bien, parce que les livres disent d’y aller. »

Kerry plissa le front pensivement. « C’est pas mal ce que Dar leur a dit l’autre soir, quand on parlait de ce soir, et pourquoi elle ne voulait pas vraiment venir. Elle a dit que même si cette église ne prêche pas ce genre de choses, les gens qui y vont trouvent quand même le moyen de créer leur tribu et de haïr les autres. »

« Oui. »

« Je présume que c’est ce qui nous rend humains. » Kerry mit la main dans le creux du coude d’Andrew. « Et bien, nous y voilà. » Elle montra le petit bâtiment. « Et on dirait bien qu’il y a des problèmes là-dehors. » Elle montra un alignement de manifestants. « Le pasteur David m’avait prévenue. »

Andrew pencha la tête d’un côté. « C’est quoi leur problème ? »

« On est homos », dit Kerry succinctement. « Ils veulent fermer l’église parce que leurs enfants passent sur ce trottoir pour aller à l’école. »

Andrew fixa les manifestants, puis Kerry, puis à nouveau les manifestants. « Quoi ? » Dit-il d’un ton brusque qui lui fit quasiment perdre tout son accent et sonner incroyablement comme sa fille.

Ce qui fit sourire Kerry. « Oui. » Elle soupira. « C’est le soir de Noël et ils sont là ; avec des pancartes, à espérer qu’on soit morts. Alors c’est pour ça que je suis en conflit avec tout ça, Papa. Comment le même Dieu en qui je crois, a-t-il pu me bénir autant et aussi être un phare pour ces gens-là ? »

Certains des membres réguliers de l’église se trouvaient de l’autre côté de la rue, dans un petit groupe serré et ils levèrent les yeux à l’arrivée d’Andrew et Kerry. « Hé », les interpella cette dernière. « On dirait bien qu’on a de la compagnie, hein Anne ? »

« Des connards », répondit une des femmes. « Pourquoi ils vont pas se fourrer du gui dans le cul ailleurs ? » Elle jeta un coup d’œil. « C’est qui ton pote, Kerry ? » Demanda-t-elle. « Un nouveau ? »

Il y avait trois hommes et quatre femmes et ils levèrent tous les yeux vers Andrew avec curiosité tandis qu’il avançait à grands pas lents pour s’avancer dans la lumière des réverbères, ses traits abîmés apparaissant clairement.

« C’est le père de Dar », dit Kerry. « Il est assez gentil pour venir avec moi parce que Dar est occupée avec une fête qu’on organise chez nous. »

« Salut », leur lança Andrew. « Heureux de vous rencontrer. »

« Heureux de vous rencontrer aussi », répondit Anne. « Maintenant que vous le dites, vous lui ressemblez pas mal. Pas vrai, Charlie ? »

« Ouais. » Un homme élancé et musclé acquiesça. « Bon, bienvenue à l’église, on aimerait juste que vous ayez pas à subir tout ce ramdam. »

« J’ai vu pire », dit Andrew.

« Bon, les gars, c’est l’heure », dit Kerry. « On y va. » Elle commença à traverser la rue avec Andrew sur les talons. Le reste du groupe hésita puis commença lentement à les suivre.

Kerry put voir les pancartes en se rapprochant. Elles comportaient une nuance de rage irraisonnée qui la fatiguait et il lui était difficile de se souvenir que c’était la nuit de Noël, et où elle se rendait tandis qu’elle montait sur le trottoir et que deux des femmes du groupe se mettaient devant elle pour lui bloquer le passage.

« On ne va pas laisser faire », lui dit la femme. « Allez trouver un autre endroit pour vos perversions. »

Sans même y penser, Kerry tendit la main et bloqua la progression d’Andrew, tout comme elle l’aurait fait pour Dar si sa compagne s’était trouvée là, parce qu’elle n’avait aucun doute que Dar aurait pris la pancarte de la main de la femme et lui aurait frappé la tête avec.

C’était très certainement ce que Kerry songeait à faire. « Excusez-moi », dit-elle. « Nous nous rendons à un service religieux. Je ne suis pas sûre de savoir pourquoi vous pensez que c’est perverti, mais nous avons le droit de le faire, alors écartez-vous gentiment du chemin. »

La femme ne s’était pas attendue au ton cultivé et calme. Les protestataires se massèrent autour de et derrière Kerry, les membres de l’église toujours agglutinés ensemble. « On ne veut pas de vous ici » dit la femme. « Nos enfants jouent par-ici. »

« Et qu’est-ce que ça a à voir avec tout ça ? » Demanda Kerry.

« Je ne veux pas les exposer à votre engeance. C’est contre nature », déclara la femme avec fermeté. « J’ai le droit de garder intacte l’innocence de mes enfants. »

Ah. Toujours penser aux enfants. Kerry sentit sa rage monter. « Est-ce que vous bloquez aussi la Cathédrale en bas de la rue alors ? Si vous lisiez les journaux, vous sauriez qu’ils sont plus en danger là-bas qu’ici. » Elle entendit un léger ricanement derrière elle. « Sortez de mon chemin. »

« Va au diable, sale pédé ! » Cria l’homme derrière elle. « Essaie un peu de me faire dégager ! »

« Ah oui ? La ferme toi-même, espèce de Marielito puant ! » Cria à son tour un des membres de l’église. « Qui est-ce qui t’a demandé de venir ? »

Le pasteur David apparut sur les marches de l’église et regarda la foule avec inquiétude. « J’ai appelé la police ! » Cria-t-il d’une voix forte. « Allez tout le monde ! C’est le soir de Noël ! »

« Qu’ils nous arrêtent ! On sera au journal télévisé ! » Cria le Latino. « C’est encore mieux pour nous ! Sortez ces pédés d’ici ! » Il pointa vers Kerry et Andrew. « Vous me touchez et je vous fais un procès pour tous les pennies de pédés que vous avez ! »

Kerry commença à avancer jusqu’à se trouver face à face avec la première femme du groupe. « Allez-vous me laisser passer ? » Demanda-t-elle. « J’ai un rendez-vous pour prier Dieu et célébrer la naissance de notre Seigneur. »

« Vous ne connaissez pas le Seigneur », dit la femme. « Il vous méprise. Les Ecritures disent que vous êtes une abomination ! » Elle leva sa pancarte avec l’air de vouloir en frapper Kerry.

« J’vous garantis », explosa la voix d’Andrew. « Que si vous posez ne serait-ce qu’un doigt sur le corps de ma gamine, que la police aura plus qu’à ramasser vos os brisés et vos corps de ce trottoir. »

Kerry sursauta car elle n’avait jamais entendu ce ton dans la voix de son beau-père avant ça. Elle lui jeta un coup d’œil et vit les traits de son visage anguleux encadré par sa capuche, le reflet des réverbères luisant dans ses yeux.

« Vous me menacez ! » Répondit la femme.

« Oui, madame, c’est exactement ce que je fais. » Andrew se glissa devant Kerry et fit reculer la femme d’un pas. « Vous parlez tous de protéger vos enfants, c’est ce que je suis en train d’faire. Je protège ma gamine. Vous devriez comprendre ça tous comme vous êtes. »

La femme fixa Kerry avec incertitude. « Ce n’est pas la même chose. »

« Ah oui ? » Contra Andrew. « Vous voulez pas que vos gamins voient des gens différents d’eux, et je veux pas que la mienne soit ennuyée par des hurluberlus pas chrétiens au cul serré. »

« Nous sommes Chrétiens ! » Hurla le Latino

« Ah ouais ? » Andrew cloua son regard sur l’homme. « Et qu’est-ce que vous croyez que Jésus f’rait s’il débarquait sur ce trottoir ? Vous pensez qu’il agiterait des pancartes ? »

« La bible… »

« Jésus a jamais écrit de bible. Tout ce qu’il a fait, c’est mourir pour donner à des abrutis comme vous et moi une chance d’obtenir la rédemption. Il a jamais dit qu’y avait des conditions comme la personne à qui on choisit de donner son cœur. »

Les protestataires trainèrent les pieds, regardant le Latino pour savoir quoi faire.

« Dégagez vos fesses de là ! »Hurla Andrew encore plus fort. « Avant que le Seigneur lui-même descende vous exploser pour venir montrer votre haine ici le jour de l’’anniversaire de son Fils. » Il s’avança, ses longs bras étendus au-dessus d’eux. « Allez ! Au nom de Jésus, qui vous fich’rait sûrement une foutue raclée, à vous tous espèce de pauvres idiots, s’il revenait sur Terre à c’t’instant ! »

Le Latino eut l’’air de vouloir réagir pendant un instant, puis il recula, ainsi que les femmes, et les protestataires s’’éparpillèrent tandis qu’Andrew prenait Kerry par le bras et se dirigeait vers l’église. « Je jure qu’il y a de plus en plus de connards chaque jour par mètre carré dans cette ville. »

« Hé ! T’es qui toi, bordel ! » Cria le Latino. « Petit malin ! »

Les autres l’avaient vite dépassé pour entrer dans l’église, mais Andrew s’arrêta sur les marches et se retourna pour faire face à l’homme. « Qui j’suis ? » Il mit la main sur sa hanche. « J’suis rien qu’un vieux matelot, c’est tout. Mais si vous aviez une goutte de bon sens dans le corps, vous viendriez dans cette église pour voir par vous-même ce qui se passe. »

« Je ne vais pas entrer là-dedans… » Cria la femme. « Vous voulez rire ? »

« Pourquoi ? » Kerry finit par parler. « Vous avez peur de voir que nous vénérons le même Dieu ? De la même façon ? Que peut-être nous ne sommes pas si différents après tout ? »

Après quelques instants de silence, la moitié du groupe partit. Mais la seconde continua à avancer avec ses pancartes. « Très bien », dit le Latino. « Allez p’tit malin, dégage de là. Tu veux que j’aille voir comment c’est ? Bien. »

Kerry et Andrew les laissèrent entrer puis ils les suivirent en fermant la porte derrière eux.

***********

« Et où est donc passé Kerry ? » Angie s’installa dans un fauteuil près de Dar. « Je ne l’ai pas vue depuis une heure. »

Dar était avachie dans un fauteuil de metteur en scène, les pieds sur l’une des grandes glacières tandis qu’elle tenait une assiette de grillades en équilibre sur les cuisses. « Papa et elle sont partis à cette église du bord de mer en bas », dit-elle. « Ils font un petit service religieux pour le soir de Noël et se baignent tous nus dans l’océan habituellement. »

Angie interrompit son sirotage pour la fixer.

« En général, on fait l’impasse sur la baignade. » Les yeux de Dar brillaient. « On a notre propre jacuzzi. » Elle prit un morceau de poulet et le tendit à une Chino qui attendait patiemment sous son fauteuil.

« Oh. » Angie secoua la tête et se carra dans son fauteuil. « Est-ce qu’il s’agit de cette église gay dont elle m’a parlée ? »

Dar acquiesça de la tête.

« Tu ne voulais pas y aller ? »

Dar haussa les épaules. « Ce n’est pas vraiment ma tasse de thé », dit-elle. « Je n’ai pas grandi avec tout ça et ils me tannent tout le temps pour que je chante. »

La sœur de sa compagne se mit à rire. « Et bien, je suis un peu ambivalente sur ce sujet. J’emmène les enfants et les réunions sociales, ça me va, mais je n’ai jamais vraiment ressenti une connexion avec l’église. » Elle leva les yeux à l’approche de Ceci. « Cette fête est géniale. »

« Oui, ça s’est plutôt bien passé, pas vrai ? » Ceci se retourna pour étudier les festivités derrière elle, qui brillaient un peu comme à Times Square et diffusaient à tout rompre les chansons probablement les plus éclectiques que le port avait entendues depuis plus d’un an. « Tout le monde s’amuse. »

« Attends une minute, Dar ? » Angie leva la main. « Tu as dit qu’ils te tannaient pour que tu chantes ? De quoi s’agit-il ? »

Dar soupira.

« Dar a une très jolie voix pour chanter », dit Ceci spontanément. « Comme son père, et ils chantaient ensemble quand elle était petite. »

« Merci Maman. » Dar mordit dans un morceau d’agneau. « Bref, ils ont une chorale et ils me tannent toujours pour que je fasse des trucs avec eux. J’ai foutument pas le temps. »

Cynthia s’approcha et prit un siège de l’autre côté d’Angie. « C’était particulièrement charmant », dit-elle. « Je n’ai jamais été dans une fête comme celle-ci. »

« C’est vrai que c’était chouette. » Angie se tordit le cou d’un côté. « Bien que je pense qu’on a perdu Mike. Il est tombé amoureux de quelqu’un du bureau de Kerry. »

Dar leva les yeux au ciel.

« Je peux vous poser une question ? » Cynthia s’adressait à Ceci. « J’ai entendu dire que vous ne célébriez pas Noël, est-ce que c’est vrai ? »

Ceci s’adossa dans son fauteuil et fit craquer ses phalanges. « Je célèbre Noël », dit-elle. « Je saisis toutes les occasions que la société me donne de faire la fête et d’offrir des cadeaux. Tout est bon à prendre. »

Dar gloussa.

« Mais si vous demandez si je célèbre le 25 décembre en tant que fête religieuse, non », continua Ceci. « Même si j’étais du genre Chrétienne, le fait d’avoir mis un enfant au monde ce jour-là m’en aurait guérie. Ça ne se discute pas. » Elle lança un regard ironique à sa fille. « Désolée, ma grande. »

Dar pointa un os vers elle. « Tu fais comme si c’était de ma faute », dit-elle. « Je n’avais pas mon mot à dire. »

« Non, c’est vrai », dit Ceci en riant. « Mais franchement, je préfère célébrer ton anniversaire et garder mes psalmodies et mes sacrifices de sang pour le Solstice. »

Cynthia cligna des yeux. « Je vous demande pardon ? »

« Maman est païenne. » Dar écarta toute autre explication.

La mâchoire de la mère de Kerry se décrocha. « Bonté divine. Je n’en avais aucune idée. Je sais que j’ai entendu quelque chose… mais je ne pensais pas que… et bien, je ne pensais rien ! »

« Avant que vous ne perdiez l’esprit et pensiez que je suis sataniste », dit Ceci, « je ne le suis pas. Le paganisme est une croyance essentiellement préchrétienne qui est centrée sur la nature et un équilibre de ce que nous considérons être une déité entre les essences masculine et féminine. »

« Oh. »

« C’est grandement pour ça qu’Andrew et moi avons décidé de ne pas élever Dar dans la religion », conclut Ceci. « Concilier sa religion et la mienne lui aurait pris toute sa vie et bien plus encore. Il est baptiste du sud. »

« Oh », dit Cynthia avec une intonation complètement différente.

« Vous savez, je pense que ce serait plus facile », dit Angie. « Si deux personnes ont quasiment la même foi, les différences peuvent les rendre dingues. » Elle sirota un verre de punch au rhum. « Richard et moi nous étions de branches légèrement différentes de la même église et il y avait toujours des disputes sur la tradition que nous devions suivre. »

« Vous savez », Cynthia s’adossa au fond de son fauteuil et croisa les mains. « Il m’est apparu, plutôt récemment, que je ne suis pas totalement convaincue de l’existence de Dieu. »

Pendant un moment, on n’entendit qu’un profond silence. Puis Angie recracha une gorgée de son punch sur l’herbe, tout en toussant et en fixant sa mère, les yeux exorbités.

« Pas mal. » Ceci leva le pouce vers Cynthia.

« Et bien, vraiment », dit Cynthia. « Je regarde ce qui se passe dans le monde et tout ce que je vois, c’est ce qu’on m’a appris être une abomination aux yeux du Seigneur. La guerre. La haine. Des tueries sans fin. Le crime. La maladie. La destruction. » Elle leva la main et la laissa retomber. « Quoi, c’est quoi la finalité de tout ça ? Soit il n’y a pas de puissance divine, ou alors la puissance divine se fiche pas mal de nous. »

« Et bien. » Dar prit la parole. « Je présume que les gens diraient que si tout ça arrive dans ce monde, c’est parce que si peu de gens sont croyants. »

« Peuh », dit Cynthia. « Je travaille quotidiennement avec un immeuble entier de gens qui vont à l’église chaque jour avec dévotion et sont aussi moraux que ce caillou. Ce sont des bêtises. Le genre hypocrite nauséeux. »

Un autre bref silence. « Et bien je pense que tout ceci appelle une autre tournée de punch. » Ceci se leva. « Je reviens tout de suite ! »

*************

Kerry s’installa sur le banc où elle et Dar aimaient à s’asseoir, sur le côté gauche près de l’arrière. Andrew se glissa près d’elle et les protestataires allèrent s’asseoir sur le dernier banc sur la droite, leurs pancartes levées bien en vue entre eux.

« Eh ben, est-ce que c’est pas spécial ça. » Andrew ouvrit son livre de cantiques et l’examina. « Y a des chants que j’aime bien au moins. »

« C’est quoi leur but », marmonna Kerry en jetant un coup d’œil derrière elle. « Connards. »

« Laisse-les tranquilles, Kerry », lui conseilla son beau-père. « Ils valent pas la peine que tu t’énerves. »

Non, admit Kerry, ils ne le méritaient pas. Elle s’installa sur son banc en voyant le pasteur avancer vers l’autel dans ses habits habituels. Il ne s’agissait pas d’eux et il ne s’agissait pas de haine. « Hé, tu fais un bon prêcheur, papa. C’était génial là-dehors. »

Andrew gloussa. « J’en ai assez entendu des gars comme eux depuis des années. » Il observa le pasteur. « Bon, ça au moins c’est une vision plus confortables que les habits de prêtre. »

Lentement, le reste des membres habituels de l’église arrivèrent, non sans jeter des regards venimeux aux intrus de l’arrière. Anne s’assit près de Kerry et se pencha contre le dossier, secouant un peu la tête. « Ils n’ont pas une église à eux où aller ce soir ? On n’a pas vraiment assez de sièges pour tout le monde en fait. »

Kerry jeta un coup d’œil alentours, réalisant qu’elle avait raison. « Wow. C’est vraiment plein. »

Anne hocha la tête. « Pas sûre que ça vienne du récent climat politique, mais on se fait de nouveaux membres à la vitesse des gangs. » Elle jeta un coup d’œil à Kerry. « Surtout des plus jeunes. »

« Une grande partie des grandes églises commence à prendre une tournure plus conservatrice », dit Kerry tranquillement. « J’ai reçu une lettre d’information de mon ancienne église et tu sais quoi ? J’ai failli la brûler. »

« Failli ? »

Le pasteur David s’éclaircit la gorge et mit les mains sur le pupitre en bois. Il était fait de bois flottant et de morceaux de verre trempé et en le voyant, Kerry ne put s’empêcher de sourire. Le bois et le verre venaient de leur petite plage de sable à Dar et elle.

« Et c’est un beau et merveilleux soir de Noël, car nous sommes réunis ici ce soir pour célébrer la naissance de notre Seigneur Jésus Christ, lumière du monde, qui est venu parmi nous pour délivrer son message de paix et d’amour pour toute l’humanité, aujourd’hui et pour toujours. »

Kerry réfléchit à ses paroles tout en écoutant le sermon, un discours calme et décontracté, typique du pasteur David qui mélangeait un peu de tradition avec un peu d’humour, et toujours avec en arrière-plan la tristesse nostalgique qui reconnaissait que la religion qu’ils pratiquaient n’était pas toujours en leur faveur.

Qu’est-ce que ça voulait bien dire de croire ? Quelle était la réalité de la foi ? Était-ce quelque chose en soi, ou quelque chose venant de la société qui avait toujours ce besoin de former des tribus, comme Dar lui avait dit ?

Noël est un moment où nous pouvons déposer nos ennuis, mettre de côté notre colère contre nos voisins, et nos frustrations sur le monde et avoir simplement ce petit espace où nous tous pouvons apprécier d’être à nouveau des enfants », dit le pasteur David. « C’est alors que les mots, paix sur la Terre et que tous les hommes soient de bonne volonté, sont prononcés, et qu’il y a du sens dans cette nuit spéciale, pour ce petit moment dans le temps, nous pouvons baisser nos barrières et tendre la main à nos ennemis, être simplement des humains ensemble. »

Était-ce vrai ? Kerry regarda Andrew qui écoutait tranquillement. Ou bien les gens qui disaient ça, prononçaient ces platitudes juste parce que c’était ce qu’on attendait ? Combien de sa propre vie religieuse s’était déroulée parce que c’était ce qu’on attendait d’elle et pas parce qu’elle le ressentait ?

Elle pensa à la façon dont elle considérait Noël maintenant, et comment elle y avait pensé quand elle était revenue au Michigan. A la maison les signes étaient parfaits. Il y avait toujours un arbre fraîchement taillé, merveilleusement décoré avec les décorations héritées et dessous il y avait toujours eu un tas de cadeaux pour elle, son frère et sa sœur.

Des chaussettes pendaient devant l’âtre, il devait y avoir des archives de journaux partout dans Saugatuck avec des photos de sa maison, de la maison de son père, avec tout le tralala en place. Elle se souvenait en avoir trouvé une en cherchant les affaires qu’Angie lui avait apporté de la maison et elle avait vu sa chaussette, le fil blanc soigneusement tracé avec son nom, qui pendait.

Ils étaient allés à l’église ce matin-là et ils avaient ouvert les cadeaux et chanté des cantiques.

Et ici, maintenant ? Kerry sourit un peu. Et bien, elles avaient un arbre, ça c’est sûr. Mais il était couvert de bric et de broc et de petits animaux en peluche, des bibelots que Dar avait achetés dans les brocantes et il était surmonté d’un flamand rose.

Pas très traditionnel. Mais les cadeaux y étaient, des tas et des tas sous l’arbre, emballés dans toutes les couleurs de l’arc-en-ciel et même, cette année, quelques-uns pour sa mère, sa sœur et son frère également.

Pour Ceci et Andrew aussi. Ils allaient ouvrir les cadeaux et ensuite s’entasser sur le bateau et descendre la côte dans la lumière du soleil, échangeant les confins sérieux de l’église pour l’air frais et la brume salée, et peut-être même faire un barbecue sur la plage près de la cabane.

Pas très traditionnel, non. C’était là le seul service religieux auquel elle se rendait probablement dans toute l’année, à l’exception peut-être de Pâques. Ils les faisaient sur la plage au lever du soleil et c’était magnifique.

Et pourtant, d’être assise là, à regarder le pupitre, à écouter les paroles de David, la musique qui démarrait, elle ressentait de la joie dans son cœur, sachant que cette année la ramènerait dans sa famille, rapporterait les rires et les fêtes et une nouvelle appréciation, peut-être autant de sa part que de la leur.

Noël offrait une bonne raison pour ouvrir son cœur, décida-t-elle. Il ne pouvait pas tout guérir et ne voulait pas dire la même chose pour tout le monde, mais il donnait une chance à chacun d’explorer les possibilités, quand votre garde était baissée, et que vous aviez l’envie de ressentir cette grâce envers le monde.

Alors peut-être que la foi, c’était plus une question de ce que vous ressentiez à l’intérieur de vous, et ce que vous étiez prêt à donner, que les décorations qui l’entourait.

Oui. Kerry ouvrit son livret de cantiques et baissa les yeux, elle avait trouvé sa place et elle commença à chanter avec le reste de la congrégation. Après un court instant, Andrew se joignit à elle et elle leva les yeux, surprise, lui souriant tandis qu’il lui faisait un clin d’œil.

Sa voix était riche et profonde, plus profonde que celle de Dar mais avec le même ton chaud et la même résonnance, et elle regarda derrière lui, et vit les protestataires assis sur leurs bancs, qui regardaient les cantiques avec des expressions pensives.

Est-ce qu’ils allaient ouvrir leur cœur à cet instant ? Est-ce qu’ils se joindraient à eux pour célébrer cette foi partagée ?

Une des femmes, celle qui avait défié Kerry, commença à chanter. Une autre posa le livret et sortit du banc, se dirigeant vers la porte.

Le reste se contenta de rester, les bras croisés.

Ah bien. Kerry se trouvait dans un endroit où elle pouvait les ignorer et elle le fit. Elle sentit son cœur s’alléger et elle libéra son esprit, acceptant le sentiment de paix et souhaitant honnêtement que tout le monde ici puisse aussi le ressentir.

Bon anniversaire, Prince de la Paix.

******************

« Ah, les voilà. » Ceci pointa le bout du chemin où on voyait approcher deux silhouettes. « On va pouvoir conclure. » Elle s’appuya sur le bastingage du bateau tout en regardant l’équipe de nettoyage du traiteur qui s’occupait des tables, et les derniers invités qui trainaient en petits groupes et bavardaient.

« Jolie fête. » Dar était appuyée près d’elle. « Même si les flics nous ont appelé et que la tour de contrôle de l’aéroport international de Miami s’est plainte que nos lumières aveuglaient les pilotes. »

Ceci ricana.

La famille de Kerry était installée dans la cabine du Dixie et Dar avait déjà appelé leur propre marina pour les prévenir qu’ils allaient être de retour un peu tard.

L’un dans l’autre, c’était une belle soirée de Noël. Elle voyait le sourire sur les lèvres de Kerry alors qu’ils approchaient, et elle se sentit sourire en retour, contente que sa compagne ait apprécié le temps passé à l’église dans une activité que Dar tolérait vraiment au mieux.

« Bon anniversaire, à propos », dit Ceci. « On a des cadeaux pour toi qu’on va apporter demain matin. »

Dar sourit, un peu embarrassée. « Il ne fallait pas. »

« Bien sûr que si », contra sa mère. « Tout le monde donne des cadeaux à un enfant imaginaire en ce jour. Il faut qu’on le fasse pour une vraie et en plus, j’ai travaillé trop dur pour que tu ne soies pas reconnaissante que ça ne se soit passé qu’une fois et que j’en offre un cadeau pour ça. »

Dar se mit à rire.

« Hé, c’est vrai. » Ceci leva la main. « Crois-moi, Dar, si Kerry et toi décidez d’invoquez la Science Bizarre pour avoir un enfant, que ce soit toi qui le portes. Tu es assez grande pour ça. »

« On a un chien. » Dar laissa son rire couler. « Crois-moi, maman, tous nos petits-enfants auront des queues. »

Sa mère se mit à rire. « Et bien, c’est bien dommage pour ton père, parce qu’il ne pourra pas apprendre au chien à plonger, mais on fera avec. » Elle se tourna et regarda Dar. « Mais tu sais quoi ? Je suis très contente d’avoir une bonne raison de fêter le 25 décembre à nouveau, Dar. Ton père mis à part, je suis contente qu’on ait saisi cette seconde chance. »

Dar regarda vers le quai, puis vers Ceci. « Moi aussi. »

Ceci sourit. « Salut vous deux ! » Elle salua Andy et Kerry. « C’était bien ? »

Andrew sauta sur le bateau. « Ouaip », dit-il. « J’crois que ces gens font un beau service. »

« Ils l’ont fait et ça l’a été. » Kerry tendit la main vers Dar. « On y va, mon amour ? Il est assez tard pour qu’on regagne notre emplacement sans avoir à cogner trop de skippers avinés. »

Dar sauta sur le quai et prit sa main. « On vous voit demain ? » Dit-elle. « Coupez les loupiotes, d’accord ? Ils vont penser qu’un OVNI a atterri dans le port sinon. »

Elles retournèrent au Dixie main dans la main. « Belle nuit », dit Dar.

« Merveilleuse nuit », approuva Kerry. « L’église va maintenant poursuivre ton père pour qu’il vienne chanter dans la chorale, comme ça tu sais. Peut-être qu’ils vont te lâcher un peu. »

Dar se mit à rire. « Il pourrait bien y aller », dit-elle. « Il aime bien ce genre de truc. » Elle se pencha pour détacher le noeud et lança la corde sur le bord, puis elle alla à l’arrière et sortit le nœud du taquet tout en sautant à bord. Le Dixie bougea un peu tandis qu’elle se dirigeait vers la passerelle. « Je vais lancer les hamsters avant qu’on cogne quelque chose. »

« Attends. » Kerry l’attrapa par sa ceinture. Elle ouvrit les bras tandis que Dar se retournait et elle l’enlaça dans une étreinte énorme. « Merci pour le plus beau cadeau que j’aie jamais eu, Dar. »

Dar prit son visage dans ses mains. « Pareil. » Elle se pencha et embrassa Kerry. « Pas besoin de cadeaux, de fêtes et d’apparat. Tout ce dont j’ai besoin pour mon anniversaire, c’est toi. »

Aah. Kerry sentit son cœur papillonner un peu en entendant ces paroles. Elle avait entendu ce message. Quoi que la vie lui apporte, elle était bénie d’avoir cet amour, et ça valait bien tout le reste.

Joyeux anniversaire, en effet.

**********************

Fini de traduire le 08/01/2011 - Fryda

 

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Commentaires
T
Effectivement, bonne année à toi chère Fryda et à tous les lecteurs de cet excellent blog consacré à nos héroïnes favorites ;)<br /> <br /> <br /> <br /> Décidemment, je manque à tous mes devoirs, lol
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F
bonne année, à défaut de joyeux Noël :-P
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T
J'ai pris beaucoup de retard dans mes lectures, mais vue que Missy et sa fidèle traductrice seront toujours connues dans 150 ans, je peux bien vous faire connaître mon admiration avec un an de retard, lol.<br /> <br /> <br /> <br /> Étant moi-même croyante, j'ai beaucoup aimé la réflexion sur le vrai sens de Noël: abattre des murs de haine, faire luire le pardon et l'amour, pour célébrer celui qu'on nomme le prince de paix.
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F
Merci chacha1082, je me sens plus scribe que barde car mes écrits ne sont pas les originaux, qui sont eux aussi fort intéressants et qui me portent. Le cerveau fume parfois, oui, mais il y a la piscine ou la douche froide pour le ramener à bonne température :-)<br /> Et ça me plait tellement que je n'ai pas l'impression d'y laisser trop de temps. <br /> Je suis une grande fan de Greta Garbo (quel rapport me direz-vous)) la Divine qui disait "Leave me alone" quand elle voulait être enfin tranquille, mais je ne le dirai pas ;-)
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C
Ohhh...siiiiii!!! tu peux dire non ou te défiler!!! :)Je pense que traduire des écrits prend énormément de temps et le cerveau doit bien fumer par moment :). Donc...Je pense que tu as le droit de dire noooonnn!!!laissez moi tranquille!!!:-)<br /> <br /> Au fait Mme la Barde...Vos écrits sont très intéressant...:-)
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