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25 octobre 2011

Réparation, chapitre 10

REPARATION

Par Susanne M. Beck (SwordnQuill)

Chapitre 10

*****************

Nous avons incinéré Rio aujourd’hui. Sur un grand bûcher ouvert, pour que son esprit soit libéré et, qu’avec la fumée du feu ardent, il prenne son essor pour aller à la rencontre de ses ancêtres au-delà de la mort.

C’est Ice qui a allumé le feu, comme nous nous y attendions, et avec une torche enflammée dans chaque main, elle a chanté. Un chant funèbre triste et mélancolique comme je n’en ai jamais entendu jusqu’ici, et que j’espère ne plus jamais entendre dans cette existence.

Je pense qu’elle était la seule à ne pas pleurer.

Pas que quiconque s’en soit rendu compte, parce qu’elles étaient bien trop occupées à verser leurs propres larmes.

Pour ce qui me concerne, tout ce que je peux vraiment ressentir, c’est une torpeur pénétrante. Comme si j’étais enveloppée dans du coton de la tête aux pieds. On appelait cela l’ennui autrefois, je crois (NdlT : en français dans le texte original). Ou peut-être est-ce un autre mot que je recherche. Mais à cet instant, je m’en fiche un peu.

Pony est la seule à n’être pas venue au service funéraire. Une des Amazones, la bien-nommée Doc (en effet), a retiré la balle de son épaule et l’a déclarée clouée au lit pour le futur proche. Au moins, elle est vivante.

Mais je ne sais pas quand, ou si, je serai capable de l’affronter.

Qu’est-ce qu’on dit à quelqu’un qui vous a sauvé la vie juste au moment où vous faisiez de votre mieux pour mettre fin à la sienne ?

« Je suis désolée », ne me semble pas vraiment adéquat. Et je ne pense pas que « Merci » soit tout aussi bien reçu, à ce point. Bien que Corinne se soit mise en quatre pour me convaincre du contraire.

Je suis profondément ennuyée de penser que j’ai pu volontairement mettre la vie de mes amies en danger juste pour pouvoir rejoindre ma compagne. Une compagne qui, assurément et pour toutes les meilleures raisons du monde, ne souhaitait pas ma présence pour commencer.

Je regarde la femme que je suis devenue et je me rends compte de combien j’ai changé. Et tous ces changements ne sont pas forcément pour le mieux.

Je trouve plus vite des défauts chez les autres et je me mets plus vite en colère. Je cède plus vite à la violence et je m’en prends plus vite aux autres.

Mais la pire des choses entre toutes, c’est que je me rends compte que je deviens une personne que javais toujours juré ne pas être au fond de moi.

Une femme qui fait passer ses propres besoins avant ceux des autres.

Et j’ai profondément honte de reconnaître combien je suis devenue égoïste à cet égard.

Et la seule que je dois blâmer, c’est moi.

De temps en temps, je vois Ice qui me regarde à sa façon particulière. Comme si elle n’était pas sûre de savoir ce qui m’arrive, mais ne sait pas non plus si je serais réceptive à ses tentatives de réconfort.

Elle s’est plutôt pas mal renfermée elle aussi, en tous cas, et je ne suis pas sûre non plus que l’une de nous deux soit prête à en parler pour l’instant. La mort de Rio l’a profondément touchée. Il y a une énergie furieuse qui tournoie autour d’elle comme un essaim. Une énergie qui tient tout le monde à distance. Elle est l’Ice de la légende. La seule Ice que la plupart de ces femmes aient jamais connue, ou dont elles ont entendu raconter les aventures. Elles la regardent avec respect quand elle passe et elles murmurent derrière leur main quand elles pensent qu’elle est hors de portée.

La plupart du temps, leur jugement n’est pas opportun, et quoi qu’elle ait pu entendre, ça ne sert qu’à accroître sa colère.

Nous avons fait l’amour hier soir. Un amour plutôt rude et brutal. Le genre que deux âmes et deux corps partagent quand ils ont mal et ont juste besoin de ressentir quelque chose par-delà. Même si ça n’est que pour un moment.

Ice était acharnée dans sa passion, me prenant encore, encore et encore. Et je le voulais, j’en avais besoin, je l’appelais de toute mon âme encore et encore, jusqu’à ce qu’elle nous ait épuisées toutes les deux et que nous nous soyons effondrées dans le sommeil, enroulées l’une dans l’autre.

Notre douleur était oubliée, pour un moment.

Mais elle est revenue ce matin, comme je m’y attendais, et elle a repris demeure en mon âme. Je souhaitais pouvoir pleurer, ou hurler, ou cogner les murs jusqu’au sang, mais il semblait que tout ce que je pouvais faire, c’était rester assise là avec mes pensées et prier pour que ce cauchemar apathique cesse rapidement.

S’il vous plait, Seigneur, si vous m’entendez, que cela se termine.

***********

J’ai été réveillée le lendemain matin par des cris.

Des cris masculins.

Repoussant les couvertures, je me suis mise à courir, sans me préoccuper de ma semi-nudité et de mon état froissé.

Le couloir était rempli de femmes qui murmuraient et je traversai en courant, comme une sorte de demi-arrière de demi-taille dans une course de fin de zone. Je tournai sur ma gauche et me dirigeai immédiatement vers la cuisine, où une foule encore plus grande et plus dense m’attendait.

La propriétaire du ranch avant Montana avait en quelque sorte anticipé la fin du monde, vous voyez. Elle avait grandi au temps des essais nucléaires de Las Végas et elle avait décidé de construire son propre abri antiatomique, et de l’installer à l’arrière de la maison avec un accès par la cuisine.

Normalement, dans cet abri, il y avait des provisions en boite et plusieurs trucs pour se nourrir, s’abriter et vêtir une grande communauté de femmes.

Là, il ne contenait qu’une seule chose.

Cavallo.

Ses cris continus me donnèrent la direction et je me dépêchai à travers la foule avec une vigueur renouvelée. Certaines femmes hésitaient à se mettre de côté mais quand elles voyaient qui poussait, elles se déplaçaient sans problème.

Lorsque je fus enfin libérée de la foule, je vis Cowgirl et Cheeto devant la porte ouverte, et qui regardaient à l’intérieur. Leurs corps étaient pressés l’un contre l’autre pour faire barrage aux femmes qui poussaient derrière.

Une main sortit, agrippa mon bras et me tira sur le côté. Je vis le visage grimaçant de Montana, puis celui également grimaçant de Corinne.

« Qu’est-ce qui se passe ? » Demandai-je, bien qu’une très grande partie de moi connaissait déjà la réponse à cette question.

Et comme pour me répondre, le hurlement s’arrêta.

Il ne diminua pas, comme le font souvent les hurlements de douleur. Non, il fut coupé totalement, laissant un silence vibrant et prégnant derrière lui.

Un silence brisé par le double bruit sourd d’un corps heurtant un mur puis le sol.

Puis le son d’un pas lourd venant vers nous.

Cowgirl et Cheeto firent un pas en arrière et Ice passa la porte. L’énergie autour d’elle était noire et menaçante. Plusieurs femmes hoquetèrent en la voyant et elles détournèrent rapidement le regard, leurs visages tirés et pâles.

Comme celui d’un cougar, le regard de ma compagne scruta la foule. Toute étincelle d’humanité semblait éteinte en lui. Il ne brillait que d’argent et de douleur promise.

C’était comme si elle jaugeait le troupeau.

Comme si elle devinait cela d’instinct, la foule s’écarta, laissant un long et large chemin pour qu’elle puisse avancer.

Son regard croisa le mien un instant avant de se détourner. Si elle ne m’avait même que faiblement reconnue, c’était profondément enfoui en elle.

Et ensuite, comme une ombre touchée par la lumière, elle partit, disparaissant dans la foule d’humanité comme si elle n’avait jamais été là.

Je commençai à la suivre mais Montana me retint.

« Laisse-la se calmer un peu, Angel. »

Se calmer ? Elle était déjà calme. Un calme mortel, en fait.

Mais je cédai à la requête de Montana. Parce que j’avais besoin d’aider Ice et que je ne pouvais pas le faire avant de savoir ce qui s’était passé.

Cowgirl disparut dans l’abri et réapparut un instant plus tard, le visage grimaçant. « Va chercher Doc », ordonna-t-elle à sa compagne.

Tandis que Cheeto partait, je me débarrassai de la prise de Montana et m’avançai. « Est-ce qu’il est… ? »

« Il a été écrabouillé, littéralement je veux dire, mais il est vivant. »

Je me tournai vers Montana. « Dis-moi ce qui s’est passé. »

Pendant un long moment, elle eut l’air de vouloir refuser, mais elle soupira et haussa les épaules. « Il n’a pas arrêté de jurer depuis qu’il s’est réveillé hier soir de la petite sieste que lui a offert Ice. J’ai voulu lui donner un petit déjeuner ce matin et Ice est venue avec moi. » Elle passa une main ferme dans ses cheveux noir épais. « Il a commencé à râler et à délirer, comme d’habitude. Il nous a traitées de noms pas particulièrement inventifs et a exigé qu’on le relâche. » Elle haussa à nouveau les épaules.

Je secouai la tête sans comprendre. Même aussi accablée de douleur qu’elle l’était, Ice n’aurait pas fait autant de dégâts juste à cause de quelques injures.

Doc entra, son kit médical à la main, suivie de près par Cheeto, et elle disparut dans le bunker.

Je retournai mon attention vers Montana. « Quoi d’autre ? »

« Il a commencé à parler de Rio », dit Corinne, la voix douce et sombre. « D’évidence, il avait entendu des femmes parler dans la cuisine un peu plus tôt, et il a décidé d’utiliser une grande partie de son esprit idiot dans un dernier sursaut. »

Je hochai la tête commençant à comprendre la rage de ma compagne.

« Et ensuite », continua Corinne, « il a commencé à parler de toi. Bien que peut-être ‘parler’ n’est pas la meilleure description dans ce cas-là. » Elle secoua la tête d’un faux air interrogatif. « Je ne saurai jamais comment ce type a pu devenir aussi important. Il n’a pas assez de cervelle pour remplir un dé à coudre. »

« Et ensuite il a essayé de l’attaquer », ajouta Montana. « Et à partir de là, ça a été pratiquement terminé. »

Ayant entendu tout ce dont j’avais besoin, je les remerciai toutes les deux et sortis de la maison pour me diriger vers l’endroit où je savais la trouver.

**************

Les écuries étaient fraîches et dans la pénombre, et elles sentaient fort le foin et les chevaux. Parce que le temps était assombri lui aussi, mes yeux s’adaptèrent rapidement à la faible lumière à l’intérieur.

Elle était assise sur une balle de foin poussée contre le mur du fond, les jambes écartées négligemment. Ses mains, rougies par le sang, jouaient avec un brin de paille et son visage était caché par ses cheveux longs.

Je ne pris pas la peine de m’approcher doucement. Je savais qu’elle savait que j’étais là. Si elle voulait m’arrêter, elle le ferait. Mais je ne pense pas qu’elle le voulait.

J’attrapai un vieux seau partiellement rempli d’eau et une poignée de chiffons propres entassés tout près. Je la contournai pour qu’elle ait un accès vers la porte et me laissai tomber sur un genou, plaçai le seau près de moi et y trempai un des chiffons.

Sans un mot, j’attrapai sa main gauche et commençai à nettoyer les coupures ensanglantées que sa rage avait forgées. Une grande partie du sang était celui de Cavallo, je le savais, et je nettoyai rapidement toutes traces de lui sur sa peau. Son visage m’était caché, son corps tendu et vrillé, mais je m’y attendais et me concentrai pour lui apporter uniquement autant de soutien et d’amour à travers mon toucher et ma présence que possible.

« Dure journée, hein ? » Finis-je par demander, lorsque je ne pus plus supporter le silence plus longtemps.

« Ouais », fut son seul commentaire tandis que j’échangeais sa main gauche pour la droite et reprenais ma tâche.

Je laissai tomber, sachant quand la pousser et quand ne pas le faire.

Ses mains maintenant bien nettoyées, je tapotai chacune d’elles pour la sécher avec un autre chiffon doux, puis je posai tout de côté et pris ses mains chaudes entre les miennes, les levant vers mes lèvres avant de les reposer sur ses cuisses où je les tins doucement.

Des minutes ou des heures pouvaient avoir passé, ou bien des jours même, mais quand elle leva la tête pour me regarder, ses yeux contenaient la femme que je connaissais et qui brillait dans leurs profondeurs sans fond. « Merci », murmura-t-elle.

Je lui fis mon premier vrai sourire depuis des jours. « A ton service. » Je pressai ses grandes mains, gratifiée par une pression en retour. « Je t’aime, tu sais. »

Ses cheveux bougèrent quand elle hocha la tête. « Je sais. »

Voyant la question dans ses yeux, je tentai d’y répondre avec le peu d’information que j’avais. « Je ne pense pas qu’il va pouvoir aller danser avec Ginger Rogers d’ici peu, mais je pense qu’il va s’en sortir. »

Elle hocha la tête en remerciement, son regard s’évadant à nouveau.

« Tu penses qu’il cherchait à mourir ? »

Son regard se concentra à nouveau tandis qu’un sourcil parfait se dressait pour aller se cacher derrière sa frange de cheveux.

« Je suis sérieuse ! Je veux dire que tu as déjà défait un paquet de ses gardes à mains nues au Canada, tu en as fichu un autre paquet KO dans sa propre maison, et ensuite tu lui mets une pâtée et tu l’amènes ici. Il doit bien savoir qu’il n’a aucune chance contre toi. »

Elle haussa les épaules. « Tu as peut-être raison. Peut-être qu’il ne veut pas retourner en prison. »

« Ou peut-être que c’est juste un idiot. »

Elle rit légèrement. « Je pensais que ça, c’était acquis. »

Je ne pus m’empêcher de sourire en retour. « Et bien, oui, là-dessus tu as raison. »

Nous tombâmes dans un silence plus ou moins confortable et je sentis ses pouces caresser lentement mes phalanges. Je sus qu’elle était plongée dans ses pensées.

« Alors », demandai-je après quelques instants, « qu’est-ce qu’on fait maintenant ? »

Elle prit une profonde inspiration et la relâcha lentement, puis elle lâcha mes mains et se redressa. « Ça dépend de ce qui filtre sur Cavallo. On n’a pas eu de nouvelles du sud de la frontière mais ces corps ne vont pas rester cachés longtemps. »

« Tu as des nouvelles de Donita ? »

« Je l’ai appelée hier soir pour lui dire qu’on l’avait. Elle va organiser un endroit pour le déposer quelque part en ville. Elle dit que la situation est un peu difficile ces derniers temps. »

« Difficile comment ? » Une volute de crainte s’enroula au fond de mon estomac et y prit racine.

« Elle ne pouvait rien dire. Je vais essayer de la contacter à nouveau ce soir. Il faut qu’on bouge aussi vite que possible. Je ne veux pas que le ranch soit l’objet de soupçons. »

« Et tu penses que ça risque d’être le cas ? »

« Je ne peux pas m’autoriser à penser autrement, Angel. Pas avec ceci. »

Je me relevai avec elle et remarquai pour la première fois, le petit sac en daim pas plus grand qu’un quart de dollar, accroché à son cou sur un collier de peau serré à l’étouffer.

« Le totem de Rio », murmurai-je, clignant des yeux pour repousser les larmes qui menaçaient de se former à cette vue. Une tâche de son sang avait séché sur la peau, créant une ligne rouge sombre qui ne rendait l’objet que plus précieux et plus profond.

Ice mit la main au creux de sa gorge et toucha brièvement le totem avec révérence, avant d’écarter les doigts. Son expression était un curieux et déchirant mélange de tristesse, de perte et de détermination inflexible et stoïque.

Comme un papillon de nuit vers une flamme, j’étais attirée vers elle et j’entourai sa taille de mes bras en même temps qu’elle entourait la mienne.

Et là, dans la pénombre des écuries en cette froide journée d’hiver, nous finîmes par trouver la capacité de vivre notre chagrin.

************

Nous sommes rentrées au ranch, main dans la main. La plupart des femmes étaient toujours rassemblées, discutant sans aucun doute des festivités de la matinée. Un silence mortel s’installa cependant et je fus frappée par une curieuse impression de deja-vu (NdlT : en français dans le texte). La dernière fois que je m’étais retrouvée au centre de toutes les attentions, je venais de rentrer d’une soirée idyllique passée avec ma compagne.

Il se trouvait que cette fois-ci, ma compagne était avec moi.

Des regards curieux se détournèrent et je sus sans coup férir qu’Ice avait lancé à ces femmes un de ses regards noirs brevetés. Je faillis me mettre à rire avant de réaliser à nouveau que la plupart de ces femmes ne l’avaient jamais rencontrée auparavant et que les histoires qu’on leur avait racontées n’étaient rien, comparées à sa présence tangible.

Une légende personnifiée.

Corinne sortit de la foule et nous fit signe de la suivre.

Toujours main dans la main, nous passâmes dans un couloir peu éclairé jusqu’à la chambre de Corinne. « Je pense que vous devriez voir ceci », dit-elle en montrant un grand téléviseur posé sur son bureau. Il avait été allumé sur une station mexicaine et bien que les paroles des journalistes eussent pu être du grec pour ce que j’en comprenais, la scène qui s’étalait derrière les hommes était aussi claire que du cristal.

C’était la clairière où Rio avait donné sa vie pour que nous puissions nous sauver. Des bâches jaune fluo étaient parsemées sur le sol près de la rivière. Je savais que ces bâches cachaient les corps des hommes qu’elle et Ice avaient tués pendant que nous nous échappions de l’autre côté de la frontière.

« Qu’est-ce qu’ils disent ? » Demandai-je tandis qu’Ice et Corinne regardaient tranquillement se dérouler les événements. « Est-ce qu’ils savent qui sont ces hommes ? Ce qui s’est passé ? Est-ce qu’ils… »

La pression de la main d’Ice calma mon discours décousu tandis que Corinne se tournait vers moi. « Non, ils n’ont pas identifié les corps. On dirait bien qu’aucun d’eux ne porte de papiers. » Elle dit ceci avec un regard significatif dans la direction d’Ice.

« Rio s’en est occupée », répondit succinctement ma compagne.

« Alors comment… ? »

« Un des hommes n’était pas encore mort. »

« Oh. » Elle se tourna vers moi. « Dans tous les cas, ils ne peuvent que spéculer sur ce qui s’est passé à ce stade. Bien que le déroulement des événements soit plutôt évident même pour les non-initiés, tu ne crois pas ? »

Je hochai la tête, le cœur à la gorge.

« Est-ce que les éventuels survivants, si on présume qu’il y en a, pourraient t’avoir reconnue ? » Demanda Corinne à Ice.

« Elle portait une cagoule de ski », avançai-je.

« C’était des locaux », répondit Ice. « Ces hommes », elle montra le téléviseur, « étaient à Cavallo. »

« Aah », répondit Corinne en hochant la tête d’un air sage. « Et les hommes morts ne parlent pas. Du moins c’est ce qu’on dit. »

« Y a-t-il le moindre risque que ceci remonte jusqu’à toi ? » Demandai-je à Ice.

« On dirait bien que c’est déjà le cas », répondit-elle. « Si ça ne l’est pas, ça le sera vite. Les gardes que j’ai laissés en vie vont raconter à quelqu’un, plus ou moins vite, que la main qui les nourrissait a été enlevée. Il ne faudra pas longtemps pour que quelqu’un quelque part additionne deux et deux. »

« Et que ça fasse sept au total », ricana Corinne.

« Il faudra qu’on bouge dès que Cavallo sera stable. »

« Ce qui devrait être dans soixante-douze heures, sauf circonstances inattendues », déclara Corinne.

« Pourquoi aussi longtemps ? » Demandai-je.

« Notre médecin résident veut s’assurer qu’il n’y a pas de lésions internes qui pourraient nous causer des surprises sur la route. » Elle regarda vers Ice, les yeux brillant de respect. « Comment as-tu réussi à infliger autant de dommages superficiels sans briser aucun de ses os, c’est une chose que je ne comprendrai jamais. C’était un plaisir de voir un maître en action. »

Je détournai les yeux, légèrement nauséeuse. Accepter le fait qu’Ice avait battu quelqu’un à sang par colère, était une chose. Que quelqu’un d’autre exprime de la joie dans ce geste était une chose entièrement différente.

« Bon », dis-je simplement, pour briser le silence inconfortable, « on fait quoi maintenant ? »

Ice se redressa et relâcha ma main. « Il faut que je contacte Donita. » Et sur ces mots, elle partit.

Je m’effondrai lentement sur le lit étroit de Corinne, le regard toujours collé sur le téléviseur. Corinne resta debout tout près, ses yeux noirs se concentrant tandis que nous regardions les corps chargés dans les ambulances. Bien que je sus, tout au fond de mon âme, que c’étaient ces hommes qui avaient tué Rio, blessé Pony et tenté de leur mieux de nous tuer toutes, je ressentais tout de même un peu de tristesse.

Pas pour eux, bien sûr, parce qu’ils étaient morts et s’en fichaient bien.

Mais pour leurs familles et leurs aimés. Pour leurs enfants, qui allaient passer des mois, peut-être des années, à se demander quand leur père allait rentrer à la maison. Pour les parents qui allaient pleurer leur mort, et pour les épouses ou compagnes qui ne se résoudraient jamais à dormir dans un lit vide.

Ça aurait pu être moi.

Ça pourrait toujours l’être, un jour, étant donnée la vie que j’avais choisi de mener.

Et c’est à ça que tout tient, n’est-ce pas.

Le choix.

Ces hommes avaient vécu selon leurs choix et ils étaient morts de ces choix. Comme nous le faisons tous, je suppose, d’une façon ou d’une autre.

Je n’irai pas jusqu’à dire que j’étais heureuse que ces hommes soient morts, ni que je n’aurais pas souhaité leur mort si j’en avais eu la possibilité.

Mais j’en étais arrivée à me rendre compte, surtout ces derniers jours à vivre les entrailles retournées, que la responsabilité est une chose bien plus facile à vivre en théorie qu’en pratique. Chacun porte la responsabilité de ses actions et de la douleur que ces actions causent aux autres.

Tandis que la signification de tout ceci me frappait en plein dans les tripes, je me redressai et me tournai vers Corinne. « Il faut que je leur parle. »

Elle sourit. De ce sourire ancien et sage dont elle usait parfois, et elle hocha la tête, sachant très bien de qui je parlais. « Elles en ont besoin, Angel. »

Je hochai la tête et pris une profonde, très profonde inspiration. C’étaient mes amies. Et même si elles ne l’avaient pas été, elles méritaient mieux que ce silence de ma part.

Corinne se pencha et pressa sa joue douce et fraîche contre la mienne. « Ça, c’est mon Ange. »

Je l’étreignis puis me levai tandis qu’elle s’écartait. « Je n’ai pas le sentiment d’être un ange en ce moment, Corinne, mais merci. »

« Nous apprenons de nos erreurs. Même les Anges », dit-elle calmement, puis elle me poussa dans la bonne direction.

Je déglutis pour repousser ma crainte et descendis les quelques marches qui me mèneraient à la chambre que partagaient Pony et Critter. La porte était fermée comme je m’y attendais, et tandis que je levais la main pour frapper à la porte, je me passai à l’esprit ce que je leur dirais. Ce qui se réusmait à « Je suis désolée, s’il vous plait, pardonnez-moi. », mais c’était le mieux que je pouvais faire à cet instant. Je me trouvais soudain à court de mots.

La porte s’ouvrit avant que je puisse frapper et Critter apparut. Nous nous regardâmes, l’air incertain. Une si grande partie de moi me réclamait de m’enfuir que je faillis lui céder. Une autre partie voulait simplement fondre en larmes et la serrer pour essayer de chasser la douleur de ses yeux. Je me tenais entre ces deux rochers proverbiaux (NdlT : allusion probable à Charybde et Scylla) pendant un long moment avant que ce nouveau sens de la responsabilité me pousse aux fesses et prenne la décision à ma place.

« Je… heu… je peux entrer ? »

Après une seconde, elle recula et me laissa de la place pour entrer. « Bien sûr. »

J’entrai dans la chambre, mes pas lents et hésitants. Pony était allongée sur le lit et recouverte d’un drap jusqu’au menton. Elle semblait plutôt pâle et les traits tirés, mais en meilleur état que je m’y étais attendue, en toute honnêteté. Son regard noir croisa et soutint le mien. Il contenait de la douleur, autant que de l’incertitude, mais pas la colère ou la haine à laquelle je m’attendais. Ou, pour dire la vérité, que je méritais.

« Salut Pony », dis-je doucement, en m’arrêtant à quelques pas de son lit.

« Salut, Angel. » Sa voix, bien que légèrement rauque, était forte et assurée. « Comment vas-tu ? »

Cette question me fit me sentir encore plus mal, bien sûr. Ce n’est pas sur moi qu’on avait tiré, après tout. « Je vais bien. Et toi ? »

Elle haussa les épaules. « Pas trop mal. Doc a dit que je devrais être sur pied d’ici peu. » Elle se pencha en avant d’un air conspirateur. « J’aimerais juste que l’infirmière Ratched, ici présente, se le mette dans la tête. » (NdlT : C’est un persdonnage du film Vol au-dessus d’un nid de coucou avec Jack Nicholson, qui a un côté sadique avéré.)

Bien que j’eusse envie de rire, je ne le fis pas, toujours trop effrayée pour pouvoir espérer que les choses entre nous redeviennent comme avant.

« Comment va Ice ? » Demanda-t-elle.

« Un peu mieux. Elle pleure toujours la mort de Rio, mais… » Je haussai les épaules, faisant passer ainsi mon impossibilité à deviner les émotions de ma compagne.

Pony sourit. « J’ai entendu dire qu’elle a mis une raclée d’enfer à Cavallo. »

Je hochai la tête au lieu de répondre verbalement et regardai Critter venir s’asseoir sur le côté du lit. Avec deux paires d’yeux clouées sur moi, il me devint encore plus difficile de réfléchir et mes mots sortirent de moi comme l’eau d’une cascade. « Je sais que vous n’allez pas pouvoir me pardonner, je ne peux même pas me pardonner moi-même, mais je voulais que vous sachiez toutes les deux combien je suis désolée pour ce que je vous ai fait l’autre soir. C’était injuste de ma part. J’ai failli vous faire tuer. Vous êtes mes amies et je vous ai traitées de façon horrible. J’ai été égoïste et entêtée et je me suis comportée comme une idiote totale. Je voulais juste vous dire ça. Que je suis désolée pour ce que j’ai fait et je suis désolée de vous avoir évitées ces derniers jours. Vous ne le méritez pas. Pas de ma part, pas de quiconque. J’ai été idiote et j’avais peur. Je suis désolée. »

Je dus m’arrêter, à court de mots. Je me tenais là, engourdie, n’osant pas lire quoi que ce soit dans la façon dont elles me regardaient.

Ce qui s’est passé ensuite, je laisse Pony et Critter le raconter, si elles ont jamais un jour envie de le faire. Il suffit que je dise que ces deux femmes, que la plupart des gens auraient regardées de haut et dont ils auraient dit le plus grand mal, compte tenu de leurs erreurs passées, ont plus d’honneur et d’intégrité, de compassion et de générosité, d’amour et de loyauté que les milliers de gens qui clament haut et fort leur droit à aller les premiers au Paradis.

Elles m’ont appris une chose sur l’amitié ce jour-là, et sur le pardon et le pouvoir de l’amour.

Je ne peux qu’espérer qu’un jour, je ressentirai le droit de mériter l’honneur qu’elles m’ont fait en m’appelant ‘leur amie’.

****************************

Ce soir-là, alors que j’étais allongée, nue, dans les draps frais et propres de notre lit, Ice entra dans la chambre, le regard sombre et distant.

« Qu’est-ce qui ne va pas ? » Demandai-je immédiatement, en me mettant sur les coudes frappée par son expression.

Elle tapota son téléphone mobile contre sa paume d’un air absent. « Je n’ai pas réussi à contacter Donita. »

Je sentis mes tripes se serrer. « Du tout ? Mais je pensais que tu avais une ligne directe avec elle ? »

« Oui. Elle ne répond pas. »

« As-tu essayé un des autres numéros ? Non, oublie ma question. Bien sûr que tu l’as fait. » Je gigotai pour me mettre assise, les jambes croisées devant moi. « Tu connais quelqu’un là-bas qui pourrait savoir où elle est ? Le procureur, peut-être ? Ou la juge ? »

« La seule personne en qui j’ai confiance, c’est Donita. »

Je hochai mon acquiescement en me mordant la lèvre inférieure. « Alors… qu’est-ce qu’on fait maintenant ? On attend jusqu’à ce que tu réussises à la joindre ? »

Ice secoua la tête. « On ne peut pas se le permettre. Aussitôt que Cavallo est en état de voyager, on part. »

« Même si on ne sait pas où l’emmener ? »

« Même », répondit-elle, une résolution ferme dans son ton ; « Est-ce qu’on a eu plus de détails aux infos ? »

« Pas vraiment. Ils n’ont toujours pas identifié les corps. L’histoire ne semble pas être arrivée jusqu’ici. Du moins, pas de ce qu’on a entendu. »

« Bien. » Elle posa le téléphone sur la table de chevet et se débarrassa de ses vêtements d’un air las, puis elle se glissa entre les draps et posa la tête sur ma cuisse.

Je souris et passai la main dans les mèches couleur de jais de ses cheveux, savourant la sensation sur mes doigts.

Un petit chantonnement satisfait monta de sa gorge tandis que son corps se détendait contre le mien et que le bout de ses doigts traçait des lignes abstraites sur mes jambes.

Je sentis son épuisement et approfondis mon contact en massant son crâne et son front, faisant de mon mieux pour apaiser les tensions de la journée. Presqu’avant que je ne m’en rende compte, son propre toucher ralentit et s’arrêta, et sa respiration devint plus profonde et régulière pour passer à un vrai sommeil ; le premier depuis des jours, sinon des semaines.

Et bien que nous soyons au bord d’un précipice si profond que je ne pouvais en voir le fond, je m’entourai de ce petit îlot de paix comme enveloppée dans un pull chaud et je laissai mes doutes et mes peurs être balayés par le pouvoir incroyable de l’amour.

************

« Oh, oui mon amour », hoquetai-je tandis que des lèvres chaudes appliquaient une douce succion sur une zone particulièrement sensible de ma nuque. Ce hoquet se transforma en un grognement lorsque de longs doigts dansèrent sur mes seins, en rythme avec le battement qui s’accélérait de mon cœur. Je me laissai aller contre le long corps derrière moi, et sentis les hanches d’Ice balancer contre la serviette qui couvrait mes fesses, et cette sensation me causa une faiblesse soudaine dans les genoux.

Submergée d’un désir que je ne connaissais que trop bien, je me tournai dans le cercle de son étreinte légère et collai nos corps, tandis que je prenais les mèches noir de jais de ses cheveux pour attirer sa tête vers la mienne dans un mélange incendiaire de lèvres et de langues.

« Au lit », hoquetai-je en m’écartant pour reprendre de l’air. « Tout de suite. »

Elle grogna au fond de sa poitrine et me souleva aisément tandis que mes mains s’affairaient sur la serviette qui recouvrait sa moitié supérieure suite à notre douche matinale.

Avant que je puisse cligner des yeux, je me retrouvai sur le dos tandis que les ressorts du lit couinaient leur déplaisir sous moi. Ice me surplombait, l’expression sur son visage telle l’épitome de tous les fantasmes que j’avais rêvés et quelques-uns auquels je n’avais pas encore pensé.

Comme la lionne qu’elle était, remplie d’une faim fauve, luisante et à peine contrôlée. Ses yeux, remplis de passion, passaient sur mon corps, déclenchant des incendies partout où son regard portait. Elle avait les narines écartées, sentant l’air et la passion qui grandissait entre nous. Elle grogna à nouveau, un long et sourd grognement, et mon corps se liquéfia et brûla plus fort que le soleil.

S’assurant qu’aucune partie de nos corps ne se touchait, elle s’abaissa. Des dents blanches attrapèrent ma lèvre inférieure et une langue puissante tournoya et goûta sa prise, puis elle tira et relâcha, puis la recaptura jusqu’à ce que je pense devenir folle de ce besoin submergeant qu’elle créait en moi.

Mes hanches envoyèrent leur propre supplique et je grognai lorsque leur quête inutile ne reçut de réponse que l’air frais de la chambre.

Mon grognement de frustration reçut un rire diabolique en retour, mais elle était juste avec moi, cette maîtresse de mes passions, et elle n’utilisa mon désir contre moi que pour un instant, avant de terminer cette douce torture en mêlant nos corps.

Oh, la transcendance de ce moment unique et exquis, lorsque nous nous joignîmes comme deux moitiés d’un tout parfait.

La serviette d’Ice était tombée quelque part en chemin et la chaleur luxuriante de sa passion qui baignait ma peau, m’envoya tournoyer plus loin. Des lèvres plus douces que la soie la plus fine enveloppèrent mes seins et l’air fut rempli des bruits sensuels de la peau contre la peau.

Un instant plus tard, Ice se raidit au-dessus de moi, mais pas de passion. J’ouvris brusquement les yeux pour saisir l’expression profonde sur son visage.

« Quoi ? » Murmurai-je, avec à peine de souffle pour le dire.

Et j’entendis alors, les bruits d’une lutte dans la chambre d’à côté, avec des cris étouffés et des voix furieuses, dont l’une d’elles était indéniablement celle de Pony.

Mais à ce moment précis, je me fichais que Pony crie ou sur qui Pony criait. Je voulais Ice et je la voulais tout de suite.

Elle revint rapidement, capturant mes lèvres dans un autre baiser incendiaire tandis que sa main commençait son long voyage excitant vers l’endroit où j’en avais le plus désespérément besoin. Puis elle s’arrêta à nouveau. Je grognai de frustration, frappant rudement de la main contre le matelas, assez pour que ça me pique.

Cette fois nous entendîmes ensemble le cri.

Juste deux mots, mais c’était comme si on nous avait jeté de l’eau glacée.

« La police ! »

Ice roula hors du lit et se leva, dans un seul mouvement fluide. Elle traversa la chambre et avait posé la main sur la poignée avant même que j’ai une chance de m’asseoir.

« Ice ! N’oublie pas ton… peignoir », dis-je en soupirant, ayant parlé à l’air vide. « Oh bon sang. »

Je réussis à faire coopérer mes membres atones et me levai avec bien moins de grâce que ma compagne, attrapai mon propre peignoir et le serrai autour de ma nudité avant d’en attraper un second et de foncer derrière elle.

Si la situation n’avait pas été aussi sérieuse, je serai tombée au sol de rire tandis que je me glissais dans la chambre de Pony. C’était comme si j’arrivais devant une version très adulte du jeu de ‘1 2 3 Soleil’.

Pony était sur le dos, avec une Critter à moitié affalée sur elle dans une position qui aurait franchement pu être considérée comme sexuelle si elles n’avaient pas été habillées toutes les deux. Nia était dans un coin, les yeux tellement écarquillés que s’ils n’avaient pas été attachés à son crâne, je suis sûre qu’ils seraient tombés et auraient roulé sur le sol comme des billes. Cheeto était près de Nia, la peau bronzée de son visage d’un rouge luisant. Cowgirl, près d’elle, n’avait pas l’avantage d’un bronzage et la rougeur sur son visage tirait sur le pourpre.

Et, bien entendu, la pièce centrale de ce tableau, c’était mon amante nue, sur laquelle tous les regards étaient cloués.

Je me repris et traversai la petite distance qui restait entre nous pour glisser le peignoir sur les épaules d’Ice. Bien qu’elle le passa et le serra sur une vaste étendue de sa peau merveilleuse, ces actions ne firent rien pour briser les regards figés de ses admiratrices.

Cet exploit fut accompli par Montana, qui entra dans la chambre avec une expression grimaçante. Elle prit la direction des événements sans effort.

« Cowgirl, Cheeto, allez à la clôture. Je veux connaître le moment exact où ils seront en vue. Critter, rassemble les non-Amazones et fais les rentrer dans la maison. Allez ! »

Tandis que Critter bondissait pour obéir, Pony tenta de sortir du lit, mais fut repoussée par sa compagne. « Oh, non, tu ne bouges pas, l’héroïne. Tu restes là et tu nous laisses, nous les bidasses, nous occuper du sale boulot pour toi. »

« Ça risque pas ! » Grogna Pony en utilisant sa plus grande force pour maîtriser sa compagne plus mince. « Dégage de moi, ok ? »

« Pony ! »

« Ça suffit ! »

Bien que ces mots ne soient pas dits d’une voix forte, ils contenaient toute la puissance de la personnalité d’Ice et une fois encore, toute la pièce se figea.

« Qu’est-ce qui se passe ? » Demanda Montana, toujours du même ton égal et contrôlé.

« Paycheck vient juste d’appeler. Au moins dix voitures de police se dirigent par ici à toutes pompes. »

« Cavallo ? »

« Non. Apparemment, le mari de Nia a décidé d’amener la cavalerie. »

Nia s’avança et posa la main sur l’épaule de Pony. « S’il te plait, reste au lit. Je vais m’occuper de ça. »

« Mais… »

Elle soupira, et soudain, je vis une toute nouvelle Nia se tenir devant moi. Une Nia plus triste et plus sage, qui avait appris quelques leçons de vie de la manière la plus brutale.

« Rio m’a appris quelque chose l’autre jour », dit-elle, comme si elle parlait pour elle-même. « Elle m’a appris qu’il est temps que je grandisse et que je me dresse pour quelque chose en quoi je crois. » Elle leva fièrement le menton et nous regarda l’une après l’autre. « J’ai décidé de commencer par croire en moi. »

« Nia », protesta Pony. « Tu ne peux pas… »

« Si, Pony, je peux. Et je vais le faire. Chacune de vous a donné quelque chose pour moi. Et il est temps que je commence à vous le rendre. » Elle tourna des yeux suppliants vers Montana. « S’il te plait, demande à Pony de rester ici. Je ne veux voir personne d’autre blessé à cause de moi. »

« Tu ne penses pas retourner auprès de lui », dit Montana.

« Non. Plus jamais. Il a probablement convaincu ces policiers que j’avais été kidnappée et amenée ici contre ma volonté. Je dois juste les convaincre que je suis ici parce que je le veux. »

Après un long moment, Montana hocha la tête. « Très bien, mais tu vas avoir des renforts, juste au cas où. »

« Très bien », répondit doucement Nia.

« Génial ! » Cria Pony, en reprenant sa lutte pour se libérer de l’étreinte de Critter.

« Pas toi, Pony. Tu restes au lit. On peut s’occuper de ça sans toi juste pour cette fois. »

« Bon sang ! Pas toi aussi, Montana ! Allez ! Je ne suis pas invalide, pour l’amour de Dieu ! »

« Non, mais tu pourrais le devenir si je te vois mettre un seul pied hors de ce lit, Pony. Et je le pense vraiment. »

Avec un grognement digne d’un Emmy Award, ou d’un martyr, Pony s’effondra sur le lit et se couvrit le visage d’un bras.

Montana se tourna alors vers Ice et moi. « Il faut que vous partiez d’ici. Doc prépare déjà Cavallo pour le voyage. Même si la police est ici pour Nia, on ne peut pas se permettre qu’ils fouillent la maison. »

Ice acquiesça de la tête. « On sera prêtes dans cinq minutes. »

Elle se tourna et prit ma main avant de se diriger vers notre chambre pour préparer un voyage dont la fin était plus qu’incertaine.

***************

Nous revînmes vers notre chambre en silence. Il n’y avait pas grand-chose à dire à ce stade. Ice avait déjà tenté de me convaincre de ne pas la suivre et je l’avais carrément envoyée promener. Mes fesses étaient autant en jeu que les siennes et quoi qu’il arrive, j’étais plus déterminée que jamais qu’on traverse ça ensemble.

Elle attrapa son sac de voyage, déjà prêt, de dessous le lit, puis ouvrit un tiroir dans la table de chevet et en sortit son revolver. Bien qu’il fasse autant partie d’Ice que la couleur de ses yeux, je détestais cette arme, avec sa finition immaculée et brillante et son air malveillant. Je l’évitais comme la peste et si j’avais pu lancer un mauvais sort pour éloigner les frissons glacés qu’il me procurait à chaque fois que je le regardais, je l’aurais volontiers fait.

Elle ne me jeta pas même un coup d’œil en soulevant le clip pour insérer une balle dans la chambre, avant de le glisser dans sa ceinture à l’arrière de son jean. « Tu es prête ? »

« Dans une seconde », répondis-je en attrapant mon sac lui aussi quasiment prêt. « Pour combien de temps je dois prévoir des affaires ? »

« Au moins deux semaines, mais n’emporte pas trop de choses. Avec Cavallo, on ne va pas avoir beaucoup d’espace pour nous. »

« Et quelle voiture on prend, à propos ? »

« Montana a dit qu’elle allait nous montrer quelque chose, alors je suppose qu’on le saura en le voyant. »

« Très bien. Et si je te retrouvais à l’arrière ? »

« D’accord, mais dépêche-toi. Ces flics ne vont pas tarder à arriver. »

« J’arrive tout de suite. »

Corinne entra au moment où Ice sortait et elle vint près de moi, les bras croisés sur son ample poitrine. « Je viens d’apprendre que vous partiez, c’est ça ? »

« Oui », dis-je en regardant la pièce pour m’assurer que je n’oubliais rien d’indispensable. Je repérai l’objet qu’Ice avait sculpté pour mon Noël et je l’attrapai avec précautions sur la table de chevet, puis passai le doigt sur les ailes de l’ange magnifiquement sculptées comme on le ferait sur un talisman.

« Tes affaires seront en sécurité ici », dit Corinne.

« Oh, je sais bien. C’est juste que… »

« C’est difficile de quitter encore une fois une nouvelle maison ? »

Je soupirai. « Quelque chose comme ça, oui. Surtout quand on ne sait pas où on va. »

Corinne haussa les sourcils. « Donita ne vous l’a pas dit ? »

« Elle ne nous a rien dit. Ice n’arrive pas à la joindre. »

« Alors, ça c’est inquiétant. »

« Oui, je sais. » Je massai la raideur qui se formait rapidement sur ma nuque et jetai un dernier long regard à la chambre. Je m’arrêtai sur la pile grandissante des journaux que je tenais depuis avant Mexico, et qui m’avait suivie partout. Et on aurait bien dit qu’ils allaient encore une fois rester en arrière. Je regardai Corinne. « Tu veux bien me les garder en lieu sûr ? Je ne… pense pas avoir de la place pour eux dans la voiture. »

« Je me serais sentie insultée si tu n’avais pas eu l’envie de me le demander, mais ça aurait été un gâchis d’énergie, alors je suppose que je vais juste dire oui. » Elle prit les livres et les serra contre sa poitrine. « Ils seront là quand tu reviendras. »

« Merci », répondis-je, pour bien plus que faire la nounou pour mes journaux, et nous le savions toutes les deux.

Elle posa les journaux sur le lit et me serra fort tout contre elle à m’en couper le souffle. Je respirai l’odeur de son petit sac parfumé et, comme toujours, j’en tirai une bonne mesure de réconfort. Ma profonde affection pour elle brûlait dans mon cœur et je la serrai avec toute la force que je pouvais trouver, tout en gardant à l’esprit la fragilité de ses os âgés.

Elle me rendit mon étreinte et nous avions des yeux larmoyants en nous séparant. « Vas-y, Angel. »

Je pris une profonde inspiration et hochai la tête, puis j’attrapai mon sac. « Je t’aime, Corinne », dis-je en effleurant sa joue d’un baiser.

« Je t’aime aussi, ma douce Angel. Prends soin de toi. »

« Je ferai de mon mieux. »

Je fonçai dans les couloirs, sac en main, jusqu’à l’arrière de la maison où je dus me frayer un chemin contre une marée de femmes qu’on escortait pour les mettre en sécurité. Je sortis et vis Ice et Montana qui se tenaient près d’une très grande Jeep – le genre qui ressemble à une sorte de croisement entre une voiture et un tank. Le moteur était allumé et faisait un énorme bruit en grondant, ce qui me donna un faible aperçu de sa puissance. Elle était d’un bleu foncé métallique avec des vitres fortement teintées, pour mieux détourner les regards curieux, devinai-je.

En me voyant, Ice attrapa mon sac et le posa sur le siège arrière. Un siège arrière dont je me dis qu’il pouvait confortablement accueillir une famille de quatre personnes et leur chien – et peut-être quelques chats, un oiseau ou deux, et un aquarium en plus pour faire bonne mesure.

Je me demandai brièvement si elle était vendue avec un majordome, avant de faire le tour par l’arrière pour regarder à l’intérieur. L’espace était énorme et il y avait une sorte de matelas posé sur le sol, ainsi que deux petits oreillers et deux paires de menottes attachées aux supports du siège.

Un parfait nid d’amour pour les gens du genre pervers.

Ce qui, bien entendu, me donna quelques idées, dont je ne peux pas partager le contenu avec des gens polis.

J’entendis du bruit derrière moi et m’écartai à temps pour éviter d’être renversée par Cheeto et Cowgirl qui portaient un Cavallo allongé entre elles. Son visage bouffi était marqué d’un arc-en-ciel de bleus et d’éraflures et il semblait franchement mort.

Les deux femmes le jetèrent dans la Jeep, puis Cowgirl entra et commença à le menotter. Doc supervisait en souriant.

« Comment va-t-il ? » Demandai-je.

« Il a eu un réveil un peu agité ce matin, mais je l’ai envoyé sur le Croiseur Valium et là il ne ressent plus aaaauuucune douleur. » Elle me tendit un petit sac noir. « Il y a des médocs là-dedans. S’il commence à hurler, tu lui colles une autre dose. Elles sont pré-mesurées alors ne t’inquiète pas de le surdoser sans le vouloir. »

Je pris le sac au moment où Cowgirl sautait à bas de la Jeep et se frottait les mains sur son jean. « Emballé et prêt à partir. »

Je m’écartai un peu plus et Doc referma la portière, enfermant Cavallo à l’intérieur.

Ice vint près de moi. « Tu es prête ? »

« Je ne peux pas l’être plus, je présume. »

« Allons-y alors. »

Après avoir échangé de rapides embrassades avec Cowgirl et Cheeto, et une poignée de mains ferme avec Montana, je grimpai dans la cabine haute de la Jeep et m’y installai. Mon ventre était une boule en fusion de tension et ma tête battait fortement au rythme de mon cœur. Le visage d’Ice était inhabituellement grimaçant tandis qu’elle s’installait à son tour sur le siège du conducteur et attrapait le levier de vitesse.

« Qu’est-ce qu’il y a ? » Demandai-je, la tension dans mon corps grimpant encore d’un cran.

« Je n’aime pas les laisser comme ça. Je ne m’enfuis jamais devant un combat. » Son ton était sec, sa voix mesurée.

« Et tu ne fuis pas maintenant non plus », répliquai-je, en posant une main sur son poignet. « J’ai foi en la parole de Nia. La mort de Rio l’a changée. En mieux. Et la police s’assurera que rien de mal n’arrive aux femmes. Montana a un ami ou deux parmi eux. »

Elle haussa un sourcil de pure surprise.

Je réussis tout juste à réfréner un sourire satisfait. Bien que les chances étaient de une sur un million, j’avais bien réussi à coincer ma compagne avec une information qu’elle ne possédait pas.

Si les circonstances avaient été moins graves, j’aurais pu prendre le temps de savourer cet événement unique. « Bien que l’expression flic/taularde semble un peu courte, l’amoureux de Paycheck est officier de police. Et si Nia joue bien son rôle et dit la vérité, Montana et les autres sont en sécurité. »

La mâchoire serrée, elle hocha la tête et engagea une vitesse. Le moteur rugit et sans plus de tralala, nous fûmes parties.

Vers où, ça je n’en étais pas sûre. Je ne pense pas qu’Ice elle-même le savait à ce stade. Mais au moins, on roulait et tant qu’on roulait, je pouvais me convaincre que, quelque part sur la route devant nous, une lumière nous attendait au bout du tunnel qui avait enfermé quasiment le tiers de mon existence.

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Conclusion - Chapitre 11

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Commentaires
I
Bientôt l'épilogue...Ca va être difficile de quitter nos héroïnes.<br /> <br /> Isis.
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