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Guerrière et Amazone
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  • Vous trouverez ici des Fans Fictions francophones et des traductions tournant autour de la série Xena la Guerrière. Consultez la rubrique "Marche à suivre" sur la gauche pour mieux utiliser le site :O) Bonne lecture !!
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Guerrière et Amazone
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10 décembre 2011

Rencontre souterraine. de Gaxé

 

 

 

 

                                            RENCONTRE SOUTERRAINE

 

De Gaxé

 

Xéna, Gabrielle et Argo appartiennent à MCA et Renaissance Picture.

 

 

Le feu brûlait vivement, leurs couches étaient préparées l’une contre l’autre comme à l’accoutumée, et deux bols de soupe chauffaient, à moitié enfouis dans la braise. Plus loin, Argo, brossée et dessellée, broutait tranquillement au pied d’un chêne.

Gabrielle jeta un regard satisfait sur le camp et soupira de contentement, tout était parfait. Elle saisit un sac de toile dans les sacoches posées au sol, et s’éloigna en direction du pommier qu’elle avait vu tout à l’heure, persuadée qu’elle avait largement le temps de récolter quelques fruits avant que Xéna ne revienne avec le produit de sa chasse.

 

*****************

 

La guerrière fronça les sourcils et scruta le campement et ses alentours très attentivement avant d’appeler.

-« Gabrielle ? »

N’obtenant aucune réponse, elle avança plus rapidement et déposa le lièvre qu’elle venait de tuer et d’écorcher, à terre, non loin du feu, avant d’appeler de nouveau, d’une voix bien plus forte.

-« Gabrielle, où es-tu ? »

Pendant un instant, elle n’entendit rien d’autre que le silence de la nuit, seulement troublé par les bruits rapides et furtifs des quelques animaux qui erraient encore dans la forêt, puis, au bout de quelques secondes, son ouïe exercée discerna un son, semblant venir de très loin. Elle inclina la tête, concentrée, avant de se précipiter dans la direction d’où provenait ce qui lui avait paru être un cri de détresse.

Elle courut un long moment, sans prêter aucune attention aux branches qui lui égratignaient le visage et les bras, ignorant les ronces qui lui griffaient les jambes, jusqu’à ce qu’elle arrive à un espace un peu plus dégagé où elle s’arrêta un instant, reprenant son souffle avant d’appeler encore.

-« Gabrielle ! Est-ce que tu es là ? »

La voix de la barde lui parvint enfin clairement, même si elle ne réussit pas à identifier exactement d’où elle lui parvenait.

-« Je suis là, Xéna ! »

La guerrière plissa les paupières, observant chaque centimètre carré de l’espace devant elle, cherchant la silhouette familière au milieu des ombres de la forêt. Lentement, elle fit un pas en avant, puis deux, jusqu’à ce qu’elle aperçoive enfin un trou béant dans le sol, juste quelques mètres devant un pommier. Elle se précipita, se jetant au sol juste sur le bord de la fosse et regarda à l’intérieur. Là, accrochée des deux mains à une racine qui dépassait de la paroi, les jambes pendant dans le vide, Gabrielle leva vers elle un visage grimaçant de fatigue.

-« Xéna ! »

Elle n’eut pas le temps d’en dire davantage que déjà la guerrière déroulait son fouet pour le laisser pendre dans la fosse, le dirigeant vers les mains de son amie.

-« Accroche-toi, Gabrielle, je vais te tirer de là. »

Elle s’allongea à plat ventre afin d’avoir une longueur suffisante, manœuvrant le fouet jusqu’à ce que la barde puisse l’attraper de la main droite et assurer sa prise en enroulant une ou deux fois la lanière de cuir autour de son poignet. Lorsque cela fut fait, la guerrière se releva doucement, s’arc-bouta en plantant fermement ses talons dans le sol, et commença à reculer tout en tirant le fouet avec elle. A aucun moment, elle ne sentit venir le glissement de terrain. La terre s’effondra si soudainement sous ses pieds, qu’elle eut à peine le temps de tendre une main dans l’espoir de trouver quelque chose à quoi se retenir, pendant que l’autre resserrait sa prise sur le fouet. Elle entendit son amie crier et lutta pour garder les yeux bien ouverts dans l’espoir de l’apercevoir et, peut-être de pouvoir l’attraper au passage, jusqu’à ce que sa tête soit heurtée par un tronc d’arbre qui tombait en même temps qu’elle, lui faisant perdre conscience.

 

*******************

 

Xéna se redressa péniblement en grognant, passant une main sur son front en grimaçant lorsqu’elle sentit un peu de liquide poisseux humecter ses doigts. Elle leva la tête vers le haut dans l’espoir d’apercevoir un peu de ciel, mais ne distingua que l’obscurité. Poussant un soupir, elle finit de se lever et, resserrant sa prise sur le fouet qu’elle n’avait pas lâché, le suivit comme s’il s’agissait d’un fil d’Ariane, jusqu’à ce qu’elle distingue vaguement le corps de sa compagne sur le sol. S’agenouillant vivement, elle posa une main sur la gorge de la barde, soufflant de soulagement en sentant le battement régulier contre ses doigts, puis utilisa son autre main pour secouer doucement son amie par l’épaule.

-« Gabrielle ! Gabrielle, réveille-toi ! »

La reine amazone s’agita, gémit, puis ouvrit enfin péniblement les yeux, son regard d’abord flou, devenant plus clair au bout de quelques secondes. Elle porta une main à son crâne, effleurant du bout des doigts la bosse qui ornait son occiput avant de tourner un visage à l’expression encore un peu désorientée vers la guerrière.

-« Tout s’est effondré et nous sommes tombées, c’est bien ça ? » 

Xéna acquiesça puis tendit les bras, juste à temps pour attraper la barde qui s’était jetée contre elle, à la recherche de réconfort. Après un instant, la guerrière rompit le silence, caressant la joue de sa compagne du bout des doigts avant de demander.

-« Est-ce que tu vas bien ? »

 L’amazone se redressa et posa un regard un peu inquiet sur sa compagne.

-« Oui, rien de cassé, mais… Nous sommes dans de sales draps, non ? »

Xéna haussa une épaule et leva de nouveau les yeux.

-« Difficile à dire. Il fait trop sombre pour se rendre compte à quelle profondeur nous sommes exactement. »

Elle s’adossa contre la paroi, tenant toujours la barde par les épaules, et reprit d’un ton rassurant.

-« Nous ne pourrons vraiment évaluer la situation que quand nous y verrons plus clair. As-tu de quoi faire du feu et allumer une torche ? »

Gabrielle baissa la tête et répondit à voix basse.

-« Non. J’avais juste l’intention de ramasser quelques pommes et de revenir au camp tout de suite, et je n’ai rien emporté, désolée. »

Xéna sourit et déposa un petit baiser sur les cheveux de sa compagne.

-« Ne t’en fais pas pour ça. Il nous suffit d’attendre tranquillement que le jour se lève et qu’un peu de lumière descende jusqu’ici. Alors, nous aviserons. »

Elle resserra sa prise sur les épaules de son amie et s’installa aussi confortablement que possible, étendant ses longues jambes devant elle.

-« Pour l’instant, je suggère que nous dormions. »

La barde émit un petit grognement pour donner son accord, se nicha plus profondément dans les bras de sa compagne et ferma les yeux elle aussi.

 

*********************************

 

 

La guerrière ouvrit doucement les yeux et dressa l’oreille tout en s’efforçant de ne pas faire un seul mouvement. Attentive, elle tenta de discerner la nature des sons, pourtant discrets, qui l’avaient tirée du sommeil. Sur sa gauche, un souffle rapide, et nerveux. A droite, deux respirations plus lentes et profondes, et au milieu, juste en face de l’endroit où elle se tenait allongée avec Gabrielle,  un autre souffle, qu’elle percevait un peu moins nettement. Toujours sans bouger, elle scruta les ténèbres, tentant de distinguer au moins une silhouette dans l’obscurité, mais ne put rien apercevoir tant les ténèbres étaient épaisses. Très lentement, millimètres par millimètres, sa main descendit le long de son corps, pour se poser contre sa hanche, tout près du chakram. Ensuite, sans que sa vigilance ne décroisse un seul instant, elle attendit.

 

Les premières lueurs de l’aube teintèrent le haut de la fosse de rouge, donnant immédiatement à Xéna l’information qu’elle attendait. La cavité dans laquelle elles étaient tombées était très profonde, certainement trop pour qu’elles puissent envisager d’escalader les parois. Elle n’eut cependant que peu de temps pour y penser et ruminer sa déception, de légers bruits de pas attirant son attention. Fronçant les sourcils, elle tourna le regard en direction des coins les plus sombres de la fosse, là où se trouvaient ceux dont les respirations plus ou moins bruyantes l’avaient tenue éveillée pendant pratiquement toute la nuit. Elle ne vit rien de plus qu’auparavant, et petit à petit, entendit les bruits de pas décroître. Un moment, elle songea à se lever et aller voir de plus près, mais renonça rapidement à cette idée tant elle répugnait à laisser Gabrielle seule. Au lieu de ça, elle se leva et alla examiner les parois de la cavité d’un peu plus près, passant une main légère sur la terre qui s’effrita immédiatement sous ses doigts. Soupirant, elle retourna auprès de sa compagne et s’accroupit à ses côtés, un peu surprise de la trouver éveillée. Elles échangèrent un sourire, puis Gabrielle se redressa, s’adossant à la paroi avant de questionner son amie.

-« Tu as trouvé un moyen de nous sortir de là ? »

La guerrière secoua négativement la tête.

-« Pas encore, non. Je suis allée regarder les murs, et je ne pense pas que nous pourrons les escalader, surtout sur une telle hauteur. »

La barde ne parut pas particulièrement désappointée par cette réponse et se pencha en avant pour tapoter l’avant-bras de son amie.

-« Je suis sûre que tu trouveras, j’ai confiance en toi. »

Xéna sourit devant l’assurance de son amie, puis se releva et lui prit la main afin de l’aider à se mettre debout elle aussi, avant de tendre un bras en direction de l’endroit le plus sombre de la cavité.

-« Il est possible qu’il y ait une autre sortie. »

L’amazone plissa les paupières, essayant de discerner quelque chose dans l’ombre, puis tourna vers sa compagne un visage à l’expression interrogative.

-« Qu’est-ce qui te fait dire ça ? »

Xéna haussa les épaules et se dirigea lentement vers le lieu qu’elle venait de désigner tout en expliquant succinctement à sa compagne.

-« Nous avons eu des visiteurs cette nuit. »

Gabrielle haussa un sourcil surpris, et suivit la guerrière, se penchant en même temps qu’elle pour examiner le sol. Le manque de lumière rendait la chose difficile, mais la clarté était suffisante toutefois pour remarquer des traces de pas, bien marquées dans la terre. Xéna se baissa davantage, effleurant les marques du bout de l’index.

-« Ce sont de bien petits pieds. Comme si ces traces avaient été laissées par des enfants. »

Elle se releva et suivit les traces du regard jusqu’à ce qu’elle remarque une galerie à ras de terre, et très basse, devant laquelle elle s’accroupit à nouveau en marmonnant.

-« C’est par-là qu’ils sont arrivés. »

Elle haussa les épaules, grimaçant devant l’étroitesse de la galerie.

-« C’est donc par ici que nous allons quitter ce trou. »

Elle se remit debout et noua l’extrémité de son fouet à sa ceinture avant de tendre la poignée à Gabrielle.

-« Nous allons être obligées d’avancer à quatre pattes, et dans l’obscurité. Ne lâche surtout pas le fouet, ce serait trop bête que nous nous perdions l’une l’autre dans le noir. »

La barde jeta un regard dubitatif vers le bas et secoua la tête.

-« Ce serait surtout surprenant dans une galerie aussi étroite. »

Xéna  sourit à la remarque avant de s’engager doucement dans la galerie obscure en répliquant, la voix pleine d’espoir.

-« Ce sera peut-être plus haut et large d’ici quelques mètres. »

Prenant une profonde inspiration pour se donner du courage, Gabrielle se baissa à son tour et suivit son amie en grommelant dans sa barbe.

-« Souhaitons surtout que ça ne rétrécisse pas ! »

 

Heureusement, les craintes de Gabrielle se révélèrent sans fondement. Rapidement, les parois de la galerie s’élevèrent, la voûte du plafond montant suffisamment haut pour que la barde puisse se tenir debout pendant que sa compagne plus grande, bien que marchant courbée, pouvait se tenir sur ses pieds elle aussi. Elles avancèrent pendant un temps qui parut fort long à l’amazone, toujours dans l’obscurité la plus complète, jusqu’à ce que la galerie débouche sur une petite salle au fond de laquelle coulait un cours d’eau.

Xéna se redressa et s’étira avec satisfaction, poussant un soupir de soulagement en appuyant les deux mains sur le creux de ses reins, avant d’arrêter son geste, les yeux fixés sur un point, contre la paroi gauche de la petite grotte. La barde suivit son regard, poussant un petit cri à mi-chemin entre la surprise et la joie, avant de chuchoter dans un sourire.

-« Ces braises sont encore suffisantes pour refaire un feu. »

La guerrière acquiesça du menton et commença à s’avancer doucement tout en dénouant le fouet pour le rouler et l’accrocher de nouveau à sa ceinture. Les deux femmes se baissèrent près des braises rougeoyantes, remarquant dans le même temps le tas de brindilles et de branches déposé tout près de là. La barde s’empressa de souffler doucement, puis de rajouter quelques brindilles dans le petit foyer cerclé de pierres pendant que son amie se redressait et parcourait la petite grotte du regard sans rien remarquer d’anormal. Il ne s’agissait que d’une caverne comme elles en avaient déjà vues des centaines, au sol sablonneux et entièrement vide, hormis quelques rochers plus ou moins imposants dispersés de ci-de là.

Lorsque le feu fut bien parti, les flammes montant haut vers la voûte du plafond, la guerrière se dirigea lentement vers le petit cours d’eau, fixant le flux un instant, puis se tourna vers sa compagne, toujours accroupie devant le foyer et en appréciant manifestement la chaleur.

-« J’imagine que ceux qui ont allumé ce feu sont les mêmes qui nous ont surveillées cette nuit, et ils ne sont peut-être pas bien loin. Crois-tu pouvoir faire face s’ils reviennent pendant mon absence ? »

La barde releva brusquement la tête.

-« Ton absence ? »

Xéna hocha la tête et désigna la petite rivière d’un geste du bras.

-« Je vais plonger, et voir s’il est possible de revenir à la surface en passant par-là. »

Gabrielle opina d’un signe de tête et se déplaça autour du feu, cherchant dans le tas de bois mort jusqu’à ce qu’elle trouve ce qu’elle cherchait, un morceau de branche suffisamment long et épais qu’elle enflamma. Une fois qu’elle eut la torche bien en main, elle sourit à sa compagne.

-« Ceci fera une arme tout à fait acceptable en cas de besoin. »

Elle s’approcha de Xéna, posant la torche sur le sol un instant pour mettre ses mains autour de la taille de son amie.

-« Fais attention à toi. »

Son ton de voix très sérieux fut interrompu par un gargouillement bruyant venu de son estomac, ce qui amena un peu de rose à ses joues.  Cela fit sourire la guerrière qui se pencha pour déposer un tendre baiser sur le front de l’amazone.

-« Je te promets d’être prudente. »

Elle se détacha doucement, déposa son arme sur le sol, près du feu, fit un clin d’œil à Gabrielle, puis pénétra dans l’eau, plongeant sous la surface si rapidement qu’elle n’entendit pas son amie lui lancer d’une voix taquine.

-« Ne traîne pas, surtout ! »

La barde resta debout sur la rive pendant un petit moment avant de retourner s’asseoir près du feu, gardant la torche enflammée à portée de main.

 

*******************************

 

Xéna  se redressa et prit rapidement une grande goulée d’air, avant de chercher son amie du regard. Celle-ci, toujours près du feu, se leva en la voyant arriver, se précipitant à sa rencontre, apparemment soulagée de la voir revenir enfin, et son sourire s’agrandit encore en voyant ce que sa compagne tenait à la main.

-« Tu as pensé à tout, à ce que je vois. »

La guerrière hocha la tête et tendit le poisson à sa compagne en grimaçant.

-« C’est une bonne chose que j’ai réussi à l’attraper, parce que je suis allée aussi loin que je le pouvais, mais… »

Le sourire de la barde diminua rapidement, jusqu’à s’effacer complètement.

-« Tu n’as pas trouvé de sortie. »

Elle baissa la tête et soupira en fixant son regard sur la tanche que son amie avait pêchée, tendant la main vers elle.

-« J’ai besoin d’un couteau pour le nettoyer. »

Xéna plongea la main dans son décolleté pour en extraire un petit poignard qu’elle confia à sa compagne, lui attrapant le poignet au moment où l’objet changeait de main.

-« Ne t’en fais pas, Gabrielle. Nous sortirons d’ici d’une manière ou d’une autre, je te le promets. »

L’amazone hocha la tête, étirant ses lèvres en un sourire qu’elle voulait courageux et optimiste, retournant lentement s’asseoir près du feu en commençant à écailler la tanche pendant que Xéna se tournait de nouveau vers la petite rivière.

-« Je serai de retour avant même que le poisson soit cuit. »

 Gabrielle fut si surprise qu’elle faillit en lâcher son couteau de saisissement.

-« Tu y retournes ? »

La guerrière haussa les épaules.

-« Je suis allée voir en aval, maintenant je dois vérifier en amont. »

La barde grimaça, reprenant sa tâche sans regarder sa compagne.

-« Je sais, mais j’espérais que tu te reposerais un peu avant de repartir. »

Xéna soupira, et leva les deux mains devant elle avant de les laisser retomber. Elle avança jusqu’à ce que l’eau lui arrive à peu près à hauteur des genoux, puis plongea.

 

La guerrière repoussa d’une main lasse les cheveux qui lui tombaient sur le visage. Sa quête en amont de la rivière avait été aussi vaine que la précédente, en aval. Regardant en direction de sa compagne, près du feu, elle fut surprise, et un peu désappointée, de constater que celle-ci ne lui accordait pas un regard. Alors que la tanche grillait sous la braise, dégageant un délicieux fumet que la grande femme brune ne pouvait ignorer, la barde, sa torche à la main, gardait les yeux fixés sur la paroi opposée à celle à laquelle elle était adossée. Intriguée, Xéna tourna le regard dans cette direction mais ne vit rien, gênée qu’elle était par un gros rocher, et s’avança rapidement.

-« Gabrielle ? Est-ce que tout va bien ? »

La jeune femme blonde ne jeta même pas un coup d’œil à son amie et, même si sa posture sembla se détendre légèrement, sa voix était tendue lorsqu’elle répondit.

-« Je vais bien, oui »

La guerrière s’approcha encore, jusqu’à être tout près de sa compagne, et regarda de nouveau l’endroit que l’amazone fixait avec tant d’attention. Elle réagit immédiatement, ses réflexes l’entraînant à se baisser pour ramasser son épée toujours au sol et à la brandir, mais elle n’eut pas le temps d’en faire davantage que la main de Gabrielle se posait doucement sur son avant bras.

-« Ils n’ont pas l’air agressifs. »

Xéna plissa les lèvres dans une moue dubitative, mais baissa son arme, la gardant à la main alors qu’elle s’asseyait aux côtés de son amie et l’interrogeait doucement.

-« Depuis combien de temps sont-ils là ? »

L’amazone haussa les épaules.

-« Ils sont arrivés quelques minutes après ton départ. Je venais juste de mettre la tanche à cuire. »

La guerrière jeta un coup d’œil vers le feu avant de reporter son regard sur les trois personnages qui les observaient fixement et en silence, debout contre la roche, puis se tourna de nouveau vers sa compagne.

-« Je suis surprise que tu n’aies pas essayé d’engager la conversation. »

Gabrielle eut un petit sourire et répondit tout en dégageant la tanche de sous les braises, la nettoyant sommairement avant de la diviser en deux portions égales et d’en tendre une à la guerrière.

-« J’ai essayé. Je me suis approchée, les mains vides et bien en vue. Je les ai appelés gentiment, je leur ai fait mon plus beau sourire, mais ils ont reculé sans répondre. »

Elle prit une bouchée de poisson, mâchant la chair savoureuse avec un plaisir évident, avant de reprendre.

-« Je l’ai fait à plusieurs reprises. Ils ont reculé, à chaque fois, dès qu’ils me jugeaient trop près d’eux. Et sans jamais prononcer une parole. »

Xéna sourit, agitant son index devant Gabrielle.

-« Ce n’est pas très prudent d’y être allée les mains vides. »

Mais le ton était plus affectueux que sévère et la barde ne s’offusqua pas de cela, au contraire elle s’appuya contre l’épaule de sa compagne.

-« Puisque tu ne m’as rien dit, je suppose que tu n’as pas trouvé de sortie en amont non plus ? »

Son amie acquiesça, son front se plissant dans la contrariété. Elle termina rapidement sa portion de poisson, frotta énergiquement ses mains l’une contre l’autre,  puis désigna d’un geste les trois silhouettes à l’autre bout de la grotte.

-« il va falloir que nous entrions en contact avec eux, ils savent certainement comment sortir d’ici. » 

Gabrielle termina son repas à son tour et se dirigea lentement vers la rivière, se baissant pour se laver les mains dans l’eau froide.

-« Et comment comptes-tu t’y prendre pour les convaincre de nous aider ?

Xéna haussa négligemment une épaule.

-« On va commencer comme tu l’as fait, en essayant de nouer un contact. »

L’amazone revint se planter devant son amie, se frottant doucement le front du bout de l’index.

-« Ils risquent de s’enfuir, même si on ne les brusque pas. »

La guerrière se leva elle aussi, passant un bras autour des épaules de la barde pour la serrer brièvement contre elle.

-« S’ils s’enfuient, on les suivra. »

Elle se baissa pour ramasser la torche qu’elle fit passer à l’amazone avant de chercher une autre branche à enflammer. Une fois qu’elles eurent toutes deux une torche en main, elles commencèrent à avancer lentement en direction des trois personnages qui les observaient toujours avec une grande attention. Comme Gabrielle l’avait prédit, ils ne restèrent pas sur place bien longtemps, commençant à reculer dès que les deux femmes eurent fait quatre pas dans leur direction. Stoppant leur avancée, les deux amies se concertèrent du regard, puis Gabrielle fit encore un pas tandis que Xéna restait en arrière, tenant les deux torches dans sa main gauche, en profitant pour observer les trois personnages un peu plus attentivement.

Des hommes, sans aucun doute. Trapus et solides, et vêtus de la plus minimaliste des manières, d’une sorte de pagne en peau qui ne leur couvrait que le bas ventre. Avec tous les trois des cheveux aussi sombres que leurs barbes broussailleuses, et, détail qui attira l’attention de la guerrière, des yeux apparemment dépourvus de paupières.. Des hommes de petite taille, sans doute de vingt à trente centimètre inférieure à celle de Gabrielle, chacun d’entre eux portant un bâton long d’environ un mètre dont l’une des extrémités étaient taillée en pointe.

Ils cessèrent de reculer en voyant la guerrière s’arrêter, mais leur posture indiquait toujours la plus grande méfiance malgré les quelques paroles apaisantes que leur lança la barde.

-« N’ayez pas peur, nous ne vous voulons aucun mal ! Au contraire, nous avons besoin de votre aide. »

Les hommes ne répondirent pas, échangeant quelques regards que les deux femmes ne purent pas interpréter, puis tournèrent les talons et détalèrent à toutes jambes sitôt qu’ils virent la guerrière faire un pas en avant. Celle-ci rejoignit rapidement son amie, deux pas devant elle, et lui tendit une torche avant de lui donner une petite tape sur l’épaule.

-« Allons-y ! »

La jeune blonde emboîta le pas de son amie brune, tournant son visage vers elle pour interroger.

-« Pourquoi crois-tu qu’ils sont si craintifs ? »

Les lèvres de Xéna se tordirent dans une moue dubitative.

-« Je n’ai jamais entendu parler d’un peuple de petite taille comme celui-là. Je suppose qu’ils vivent sous terre depuis très longtemps, et peut-être sont-ils timides, ou effrayés par les gens ordinaires comme nous. »

La barde haussa un sourcil.

-« Un peuple ? Nous n’avons vu que trois personnes pour l’instant. Et comment pourrait-ils vivre continuellement sous terre ? »

La guerrière se baissa pour observer les traces que les trois personnages avaient laissées à l’entrée d’une galerie qui s’ouvrait juste derrière l’endroit où ils s’étaient tenus immobiles.

-« Il ne prennent vraiment aucune précaution, ça va être un jeu d’enfant que de les suivre. »

Elle s’engagea immédiatement dans la galerie, jetant un regard par dessus son épaule pour s’assurer que sa compagne la suivait avant de répondre enfin à ses questions.

-« Nous n’en avons vu que trois, mais je suis persuadée qu’ils sont plus nombreux que ça. D’abord parce que j’ai entendu quatre respirations cette nuit, ensuite parce que je ne peux pas croire qu’il s’agisse simplement de trois personnages qui erreraient bêtement sous terre, sans but ni raison. Et la vie souterraine, sans lumière, me paraît la seule explication à leur absence de paupières.»

Elle secoua la tête, pestant contre le manque de hauteur de la galerie qui l’obligeait à marcher courbée en deux encore une fois, et reprit.

-« Ils n’ont pas vraiment cherché à se cacher, ce qui me fait penser qu’ils n’ont pas vraiment peur de nous. Ils m’ont plutôt donné l’impression d’être un peu timorés peut-être, mais surtout intrigués ou étonnés, comme s’ils ne s’attendaient pas à voir qui que ce soit ici. »

Elle s’interrompit, marchant un instant en silence avant de s’arrêter pour brandir sa torche devant elle afin d’examiner la galerie avec plus d’attention.

De chaque côté, de larges pieux de bois soutenaient ce qui ressemblait à des poutres placées en travers du plafond.

-« Ils ont étayé, ce qui signifie que c’est un passage qu’ils empruntent suffisamment souvent pour qu’ils s’en donnent la peine. »

La barde hocha la tête, ne jetant qu’un coup d’œil distrait aux étais, avant de revenir à ce qui la préoccupait.

-« Tu ne trouves pas que c’est un peu trop facile, comme s’ils voulaient que nous les suivions ? »

Xéna fit un petit geste de dénégation, un demi-sourire étirant ses lèvres.

-« Je ne crois pas que ce soit un piège. Mon intuition me dit qu’ils sont plutôt inoffensifs. D’ailleurs, s’ils avaient voulus nous attaquer, ils en auraient eu tout le loisir cette nuit. »

Sa phrase terminée, la guerrière cessa de nouveau d’avancer et inclina sa torche, faisant signe à sa compagne de faire la même chose et tendit le bras devant elle.

-« Nous arrivons au bout de la galerie »

Elle tendit un bras, désignant une lueur devant elles.

-« Il y a du feu là-bas. Essayons tout de même d’arriver discrètement. »

Chacune déposa sa branche enflammée à terre, puis elles se remirent lentement en marche, la guerrière passant devant sa compagne blonde, jusqu’à ce qu’elles arrivent à l’extrémité de la galerie. Là, Xéna se plaqua dos contre la paroi, tirant son amie à ses côtés avant de jeter un coup d’œil curieux sur la scène qui se déroulait devant elle, tandis que derrière elle, Gabrielle tendait le cou pour regarder par dessus son épaule.

Un grand feu brûlait au centre de ce qui ressemblait à un campement, à l’intérieur d’une grotte de belle taille. Des couches étaient alignées sur le sol, de façon apparemment aléatoire. Dans un coin, deux ou trois grands paniers étaient rassemblés, posés sur un gros rocher plat. Les trois hommes se tenaient près du foyer, au centre d’un cercle formé par environ deux dizaines de personnes, hommes et femmes tous de petite taille, et même quelques enfants. Ils ne semblaient pas parler, mais faisaient des gestes et des signes précis, comme s’ils s’exprimaient de cette manière, alors que tous ceux qui se trouvaient autour d’eux les observaient attentivement.

Après un instant, Gabrielle commença à remuer et interrogea son amie du regard, mais celle-ci secoua négativement la tête et recula un peu à l’intérieur de la galerie, entraînant l’amazone avec elle. Lorsqu’elle estima s’être suffisamment éloignée, elle se pencha à l’oreille de sa compagne pour murmurer doucement.

-« Si nous arrivons trop brusquement, ils vont s’enfuir de nouveau. Je préfère que tu ailles chercher ta torche et que tu bloques le passage vers cette galerie quand nous en sortirons. Pour ma part, je vais me débrouiller pour me positionner devant la seule autre sortie que j’ai repérée. Un fois qu’ils seront coincés sans pouvoir s’échapper, ils seront bien obligés de nous faire face, et on arrivera bien à nouer un contact d’une manière ou d’une autre. »

La barde acquiesça et s’empressa d’aller chercher une des torches qui gisaient encore sur le sol à quelques mètres de là, avant de rejoindre rapidement sa compagne. Elles avancèrent de nouveau jusqu’à être tout près de l’entrée de la grotte, où la guerrière interrogea brièvement son amie.

-« Prête ? »

Gabrielle prit une profonde inspiration et hocha la tête pour donner son assentiment, raffermissant sa prise sur sa torche. Ensuite, tout alla très vite.

Xéna poussa son cri de guerre, bondissant et traversant la grotte en quelques sauts périlleux particulièrement rapides, pendant que son amie se plaçait devant la galerie, brandissant sa torche devant elle d’un air menaçant. Les petits personnages, surpris par cette intrusion, se mirent tous à courir dans la direction de l’autre sortie, celle que la guerrière avait repérée, mais ils n’eurent pas le temps de l’atteindre que déjà la grande femme brune se tenait devant, les mains croisées sur sa poitrine, et un sourire pas très avenant sur le visage.

L’affolement ne dura que fort peu de temps, et très vite, les petits personnages se regroupèrent, échangeant des regards effrayés avant de commencer à s’agiter, remuant les mains en faisant diverses mimiques plus ou moins expressives.

Le calme revint au bout d’un moment et celui qui semblait le plus âgé s’approcha lentement de la guerrière, le pas hésitant mais la mine assurée. Il se planta devant elle et leva fièrement le menton, avant de brandir son bâton pointu en direction de la poitrine de Xéna qui ne cilla même pas devant la menace, le laissant faire pendant quelques secondes avant de s’impatienter et de repousser le bâton sur le côté d’un revers de main. Après cela, elle avança d’un pas, montrant une détermination certaine, mais essayant de ne pas paraître menaçante pour autant. Debout devant l’homme, elle attendit un instant, surveillant la barde du coin de l’œil pendant que celle-ci se dirigeait lentement vers elle après avoir récupéré les deux torches. Une fois qu’elles furent côte à côte, ne lâchant jamais longtemps des yeux ni celui qui était face à elles, ni les autres, elles se concertèrent du regard, semblant hésiter sur la suite à donner à tout cela. Enfin, la guerrière haussa les épaules et attira l’attention de l’homme qui leur faisait face d’un geste, avant d’articuler soigneusement.

-« J’ai bien remarqué que vous ne parliez pas, mais j’aimerais savoir si vous comprenez ce qu’on vous dit. »

L’homme ne broncha pas, ne montrant aucun signe de compréhension, se contentant de froncer les sourcils et de se gratter machinalement le menton au travers de sa barbe, en dévisageant la guerrière qui poussa un soupir exaspéré avant de jeter un coup d’œil à sa compagne. La barde sourit, s’avança et commença à bouger.

Ses gestes étaient lents, et volontairement exagérés. D’abord, elle se frappa la poitrine, puis désigna son amie de la pointe de l’index avant de faire un mouvement circulaire qui les englobait toutes les deux, puis de désigner le haut de la grotte, à plusieurs reprises. L’homme la regarda faire très attentivement, puis se tourna vers ses compagnons pour faire quelques gestes lui aussi, bien plus rapides et complexes que ceux de l’amazone. Les deux femmes observèrent la scène avec beaucoup d’intérêt, essayant d’interpréter l’échange, mais n’y parvinrent ni l’une ni l’autre, ce qui amena la guerrière à marmonner d’un air dégoûté.

-« Comment peuvent-ils avoir développé un langage gestuel dans un environnement aussi obscur ? »

Gabrielle sourit d’une façon un peu désabusée, répondant sur le même ton.

-« C’est tout à fait incroyable. »

Son amie se frotta une main sur le front.

-« De toutes façons, aussi improbable que ce soit, il va falloir faire avec. »

L’homme, qui s’était retourné vers elles pendant leur courte discussion, s’approcha de nouveau de la guerrière qu’il toucha plusieurs fois de la pointe de son bâton, au creux de l’estomac d’abord, sur chacune des épaules ensuite, pour finir par effleurer presque délicatement chacun de ses mollets. La grande femme brune se raidit sous le premier contact, et resta extrêmement vigilante jusqu’à ce qu’il ait finit, mais toléra néanmoins tous les autres en remarquant l’air concentré de l’homme, son attention augmentant encore lorsqu’il se tourna vers Gabrielle pour faire la même chose. Lorsque ce fut terminé, il s’inclina légèrement, puis s’éloigna à reculons pour rejoindre les autres membres de sa tribu, avec qui un nouveau ballet de gestes et de signes compliqués commença.

Les deux femmes attendirent la fin de ce qui ressemblait à des palabres, observant les alentours à la recherche de tout ce qui pourrait les aider à remonter à la surface ou, tout du moins, à communiquer avec cet étrange peuple. Rien n’ayant attiré son attention, Xéna soupira une fois, puis une deuxième fois avec encore plus d’impatience, avant de s’avancer d’un pas décidé vers le petit groupe.

L’homme qui s’était présenté devant elle auparavant, qui semblait être l’aîné du campement et qui paraissait le diriger, la regarda arriver sans crainte ni appréhension apparente, et fit un geste vers le feu, apparemment pour l’inviter à s’asseoir en leur compagnie. Elle n’hésita pas et s’exécuta, invitant Gabrielle à se joindre à eux d’un simple regard. Une fois que tout le monde fut installé, en cercle autour du feu, quelques femmes s’empressèrent, amenant une énorme marmite qu’elles mirent à chauffer pendant que deux autres femmes faisaient passer à chacun des tubercules d’une étrange couleur, à mi-chemin entre le brun et le rougeâtre.

Xéna et Gabrielle échangèrent un regard mal à l’aise lorsqu’elles comprirent que la racine qu’on leur avait donné devait être mangée, mais la guerrière ne tergiversa pas, et bien que n’ayant jamais vu de telles racines, ferma les yeux et mordit à pleines dents dans la sienne, tandis que la barde, elle, prit plus de temps avant de se résigner à son sort.

D’abord, elle épousseta consciencieusement le tubercule, chassant le moindre grain de poussière réel ou imaginaire d’un revers de main, ensuite elle l’observa, le tournant et le retournant dans tous les sens, puis elle le sentit, inspirant fortement à plusieurs reprises, et ne cessa son petit manège qu’en s’apercevant que tous la fixaient avec des yeux impatients. Elle poussa un petit soupir et mordit à son tour dans la racine, essayant de cacher sa grimace d’appréhension du mieux qu’elle le pouvait. Le goût, s’il était inhabituel et ne ressemblait en rien à ce qu’elle avait pu manger jusqu’à présent, n’était pas désagréable, et elle finit sa part bien plus volontiers qu’elle ne l’avait commencée.

Autour d’elle, tous les membres du peuple de petite taille, ainsi que la barde les avait déjà nommés dans son esprit, se mirent à rire. Les bouches étaient ouvertes, les ventres tressautaient, les épaules étaient secouées, et certains se tapaient même sur les cuisses avec enthousiasme, tout cela dans un silence d’autant plus impressionnant que les manifestations de joie étaient évidentes.

Cela dura un long moment, mais ils se calmèrent progressivement et reprirent leur repas comme si de rien n’était. Les deux amies, qui n’avaient évidemment pas partagé l’hilarité générale, ne comprenant pas ce qui avait pu provoquer une telle gaieté, soupirèrent de soulagement, achevant leur racine en échangeant quelques regards intrigués. Les mêmes deux femmes qu’auparavant apportèrent ensuite des écuelles de bois qu’elles remplirent à la marmite et distribuèrent de la même manière que les tubercules. Là encore, l’amazone ne put se départir de sa méfiance et hésita un long moment avant de se décider à entamer le ragoût qu’on venait de lui donner, mais encore une fois, elle dut admettre que cette viande, qu’elle ne parvenait pas à identifier, était bien meilleure qu’elle ne le craignait, et termina son repas avec un plaisir évident. 

Lorsque tout le monde fut repu, l’aîné des hommes se leva et se dirigea vers les deux femmes leur faisant un geste plein d’autorité pour les inviter à le suivre. Elles n’hésitèrent pas et s’exécutèrent, curieuse de savoir où il comptait les emmener, et eurent la surprise de constater qu’il s’arrêtait devant les trois paniers qu’elles avaient aperçus tout à l’heure. Il s’assit au pied du gros rocher sur lequel les paniers étaient posés et regarda les deux femmes sans ciller jusqu’à ce qu’elles s’asseyent elle aussi. Là, il ferma les yeux, semblant méditer ou réfléchir un instant très intensément, avant de relever la tête et de tendre les bras en direction des trois paniers, une expression extatique sur le visage. Bientôt, tous les autres membres du campement vinrent s’asseoir auprès d’eux, formant un cercle autour du rocher et tendirent les bras vers les trois paniers, la même expression ravie s’affichant sur leurs traits.

La scène était étonnante. Les hommes, les femmes et les enfants, tous semblaient rendre un véritable hommage aux paniers, comme s’ils étaient un bien précieux et merveilleux auquel  chacun devait montrer respect et amour.

Gabrielle, bien qu’un peu interloquée, tenta de faire la même chose que leurs hôtes, pour les même raisons qui l’avaient poussées à partager leur repas. Respecter leurs coutumes, ne pas les choquer, et si possible, essayer de les comprendre. La guerrière, de son côté, se refusait à rendre ce qui ressemblait à un hommage, à de simples paniers. Elle se contenta donc de rester assise en silence et d’observer d’abord les trois objets sur leur gros rocher, cherchant ce qu’ils pouvaient avoir d’extraordinaire pour que ces gens se comportent de telle manière devant eux.

Elle ne vit rien d’autre que de grosses corbeilles, plus hautes que larges et tout à fait ordinaires, particulièrement usagées de surcroît. Décoloré, l’osier se détachait à de nombreux endroits, et ce qui restait en place semblait près de tomber en poussière. La guerrière secoua la tête dans l’incompréhension et parcourut de nouveau la grotte du regard, attendant impatiemment que la « cérémonie » ou quoi que ce soit d’autre, se termine.

Ce dura encore quelques minutes, puis l’aîné se releva enfin, se tournant vers son peuple pour leur faire signe de se mettre debout eux aussi. Il se tourna vers Gabrielle, un large sourire aux lèvres et lui tapota gentiment l’épaule, lançant un coup d’œil beaucoup moins approbateur à la guerrière, avant de leur faire une nouvelle fois signe de le suivre.

Ensemble, ils se rendirent de nouveau auprès du feu, où tous les hommes étaient en train de se réunir pendant que les femmes vaquaient à diverses occupations que les deux amies ne distinguaient pas clairement dans la demi-obscurité de la grotte. L’aîné s’approcha des deux amies, puis tendit une main hésitante, désignant quelque chose par-dessus l’épaule de la guerrière dont le premier mouvement fut de se retourner pour regarder derrière elle. Elle comprit lorsque l’aîné fit un geste de dénégation et après une demi-seconde d’hésitation, dégaina son épée, gardant la poignée dans la main droite alors qu’elle posait la lame à plat sur sa main gauche.

Tous les hommes s’approchèrent observant l’arme avec beaucoup de curiosité et échangeant quantité de gestes et de mimiques entre eux, tendant parfois une main en direction de la lame pour l’effleurer prudemment. Xéna les laissa faire un instant, un peu amusée au fond de leur émerveillement un peu enfantin, mais rangea rapidement son épée dans son fourreau quand ils s’enhardirent et voulurent prendre l’arme en main. Elle recula d’un pas et prit son expression la plus autoritaire, leur signifiant clairement qu’il n’était pas question qu’elle confie sa lame à qui que ce soit. Bien que visiblement déçus, ils n’insistèrent pas, et brandirent leurs bâtons, les plaçant juste sous le nez de la grande femme brune, l’incitant manifestement à les observer de près. Elle haussa les épaules et recula à nouveau d’un pas pour avoir un peu d’espace, saisissant un des bâtons au hasard afin de le regarder attentivement, le rendant rapidement à son propriétaire après avoir constaté que c’était exactement ce à quoi elle s’attendait, une arme grossière et sans qualité particulière.

Après cela, l’effervescence se calma, comme si les hommes n’avaient rien attendu d’autre que l’attention portée à leurs armes par la guerrière. D’un seul mouvement, ils se tournèrent tous vers l’aîné qui, levant son bâton au-dessus de sa tête d’un geste martial, invita apparemment chacun à le suivre, son regard insistant sans équivoque sur la guerrière et la barde. Les deux amies échangèrent un coup d’œil, puis Gabrielle secoua négativement la tête.

-« Je préfère rester ici, voir ce que font les femmes. »

Elle fit un geste en direction des paniers et poursuivit.

-« Et essayer de comprendre certaines choses. »

Xéna hocha la tête pour donner son assentiment.

-« Pour ma part, je vais aller avec eux. »

Elle sourit à sa compagne, posant gentiment une main sur son épaule.

-« Je suppose qu’ils partent à la chasse, et je suis sûre que tu es aussi curieuse que moi de savoir quelle viande nous avons bien pu manger tout à l’heure. Et puis il n’y a qu’en les suivant dans les galeries que j’ai une chance de trouver un moyen de remonter à l’air libre.»

La barde lui rendit son sourire et pressa la main sur son épaule avec la sienne.

-« J’espère que tu trouveras. »

 

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Une torche à la main, l’aîné s’engagea le premier dans la galerie devant laquelle la guerrière s’était tenue en arrivant dans la grotte. Xéna le suivait immédiatement derrière, heureuse d’emprunter un passage qui lui permette de se tenir entièrement debout, contrairement aux fois précédentes. Son sentiment de satisfaction augmenta encore quand, après quelques minutes de marche, elle sentit le sol s’élever sous ses pieds, l’idée de revoir la surface aussi rapidement la faisant jubiler. Cela ne dura malheureusement pas, la galerie recommençant à descendre au bout de quelques mètres seulement, mais la guerrière n’eut guère de temps pour ruminer sa déception. L’aîné venait de s’arrêter, désignant du bout de sa torche trois galeries, parallèles les unes aux autres et qui démarraient au ras du sol.

Fronçant les sourcils, Xéna se baissa pour mieux observer les trois tunnels qui avaient retenu l’attention de l’aîné, sa perplexité augmentant encore quand elle remarqua leur étroitesse. Il n’était certainement pas question que quiconque pénètre là-dedans. Se redressant vivement et d’un mouvement souple, elle posa sur l’aîné un regard interrogatif auquel il répondit par un sourire énigmatique, avant de faire signe à la guerrière de se reculer légèrement.

L’un des hommes avança alors, s’accroupissant devant les trois petites galeries avant d’introduire lentement une torche dans celle de droite, puis une autre dans celle de gauche, ne délaissant que la galerie centrale. Ensuite, solidement campé sur ses deux jambes, son bâton pointu bien en main, il attendit.

Enfumés, paniqués par les flammes, les rats, de gros mulots apparemment très vigoureux, se précipitèrent, s’échappant de la galerie à toute vitesse pour être embrochée par l’homme posté là qui dressa fièrement son bâton vers l’aîné et la guerrière, paraissant particulièrement fier de sa prise. Le vieil homme flanqua une tape amicale sur l’épaule du chasseur, dans un geste de satisfaction évidente avant de se tourner vers la femme brune, le menton levé dans une attitude remplie de fierté, lui désignant les rats comme si c’était la plus belle prise qu’un chasseur puisse ramener, ce qui d’ailleurs, était peut-être le cas dans cet univers souterrain.

 

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Gabrielle réprima un haut le cœur en regardant les femmes écorcher des rats et ce qui semblait être des taupes, et en réalisant que c’était sans doute le même genre de viande qu’elle avait avalé avec plaisir quelques instants auparavant. Contenant sa nausée à grand peine, elle s’approcha encore, réfléchissant aux gestes qu’elle aurait à faire dans l’espoir de réussir à communiquer convenablement. D’abord, elle se contenta de rester à observer les femmes, répondant aux sourires qu’elles lui adressaient de temps à autres, mais bien vite, elle posa une main hésitante sur l’avant bras de celle qui se trouvait le plus près d’elle, lui désignant sa tâche de la pointe du menton. La femme acquiesça avec un large sourire et se leva, tendant volontiers ses outils de pierre à la barde qui les prit avec une main qu’elle s’efforça de garder ferme, avant de se baisser pour copier du mieux qu’elle pouvait la façon de faire des autres femmes.

Après quelques tâtonnements, elle acquit rapidement le coup de main qui lui permit de s’acquitter de son ouvrage de manière tout à fait convenable, et en fut félicitée d’une caresse énergique dans le dos administrée par celle qui lui avait prêté ses outils. Encouragée par l’atmosphère bienveillante et chaleureuse qui régnait, l’amazone se sentit suffisamment sûre d’elle pour tenter de poser quelques questions.

Elle se releva et, sans quitter la femme du regard, désigna les trois paniers d’un geste du bras, soulevant un sourcil en essayant de prendre l’expression la plus interrogative possible. En face d’elle, la femme hocha la tête avec énergie en souriant largement avant de tendre les deux bras dans une posture identique à celle que tout le monde avait adoptée auparavant. Gabrielle secoua la tête et, recommença patiemment, désignant de nouveau les trois paniers, du bout de l’index cette fois, avant de ramener les mains devant elle, paumes tournées vers le haut en haussant les épaules, écarquillant les yeux avec une moue interrogative.

La femme sembla comprendre à cette deuxième tentative, et fronça les sourcils, montrant les paniers une nouvelle fois, la tête inclinée en regardant la barde s’approcher doucement du gros rocher. Elle parut hésiter une seconde, puis haussa les épaules et se tourna vers ses compagnes, ses mains s’agitant à toute vitesse devant elle.

La « discussion » dura un certain temps, pendant lequel Gabrielle attendit tranquillement sans donner le moindre signe d’impatience que le petit groupe se mette d’accord. Enfin, la femme qui avait prêté ses outils à l’amazone se détacha du groupe pour se diriger vers elle, un sourire un peu hésitant sur le visage, et l’entraîna tout près du gros rocher au pied duquel elle se baissa. La femme cessa tout mouvement un instant, paraissant se recueillir, puis commença à déplacer une pierre, ronde lisse et de belle taille qui se trouvait là, révélant derrière elle, une petite cavité juste à la base du gros rocher d’où elle retira, avec mille précautions, une tablette d’argile qu’elle tint précautionneusement contre elle pendant un instant. Autour d’elle, les femmes, qui s’étaient regroupées, retinrent toutes leur souffle avant de tendre toutes, et avec un bel ensemble, les bras en direction de la tablette, de la même manière et avec la même expression ravie qu’elles avaient arborée, en direction des paniers.

Après un moment, la femme qui tenait la tablette fit un geste indiquant à Gabrielle de s’asseoir, et, une fois que la barde se fut exécutée, lui tendit la plaque d’argile avec des mouvements extrêmement prudents. Consciente de l’importance que l’objet revêtait aux yeux de celles qui l’entouraient, l’amazone se montra elle aussi particulièrement attentive, posant très délicatement la tablette sur ses genoux, avant de se pencher dessus, curieuse de comprendre ce qui provoquait un tel comportement de la part de ce peuple.

 

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La rivière charriait du bois mort en si grande quantité qu’ils n’eurent aucun mal à en rassembler un grand tas, qu’ils se répartirent ensuite, chacun portant un fagot sur son dos.

La guerrière jeta un regard au cours d’eau, tentée de plonger pour le suivre en partant de cette grotte là, mais décida finalement de rester avec les petits hommes, alors qu’ils s’engageaient dans ce qui lui semblait être la centième galerie depuis leur départ du campement.

Celle-ci était large, haute et bien étayée, la terre sous leurs pieds était battue, sans doute par des milliers de passages. Les torches projetaient une lumière mouvante, qui faisait danser leurs ombres sur les parois du tunnel, donnant une allure un peu fantasmagorique à leur petit groupe. Xéna, un peu abasourdie par le véritable dédale de galeries et de grottes qui s’étendaient sur une surface considérable, fut encore plus étonnée en arrivant dans une salle bien plus vaste et plus haute que toutes celles qu’ils avaient traversées jusqu’à présent, mais ce qui attira immédiatement son attention fut la clarté qui régnait là. Alors que les petits hommes marchaient du même pas pressé qu’ils avaient adopté dès le départ, la guerrière, elle, ralentit son allure, cherchant du regard d’où pouvait provenir une telle luminosité.

Il ne lui fallut que peu de temps pour trouver une ouverture, tout en haut des murs, une ouverture qui semblait très étroite, mais qui donnait, sans aucun doute possible sur l’extérieur.

Elle s’approcha rapidement des murs, passant une main dessus, d’abord doucement, puis avec de plus en plus d’énergie, rassurée de constater qu’ils étaient faits de roche, bien dure et apparemment solide. Tendant un bras, elle chercha une prise du bout des doigts, souriant lorsqu’elle en trouva une sans difficulté. Reculant de deux pas pour avoir un meilleur angle de vue, elle s’efforça de visualiser l’ascension nécessaire pour atteindre le sommet avec un minimum de risque, si concentrée qu’elle sursauta de surprise au moment où l’aîné lui toucha doucement le bras, lui faisant ensuite signe de venir rejoindre le petit groupe. L’espace d’un instant, elle hésita, préférant continuer à étudier les parois, puis changea d’avis, et emboîta le pas de l’homme, prenant simplement la précaution de marquer régulièrement les parois des galeries qu’ils empruntaient avec la pointe de son épée, afin de ne dépendre de personne pour retrouver la grotte.

 

Le trajet de retour fut relativement court. Ils déposèrent chacun leur fagot dans une petite fosse, près du foyer principal, puis Xéna parcourut immédiatement le campement du regard, cherchant sa compagne au milieu des ombres, pendant que les hommes, eux, se réunissaient près du feu.

La barde se trouvait au milieu du groupe de femmes, semblant essayer d’apprendre quelques gestes et signes, avec apparemment une grande application. La guerrière ne retint pas son sourire devant ce spectacle, s’approchant doucement de sa compagne en tentant d’interpréter les gestes qu’elle faisait, sans doute pas si habilement qu’elle l’aurait souhaité à en juger par l’expression hilare des femmes autour d’elle.

Silencieusement, prenant garde à ne déranger personne, Xéna s’assit sur le sol, en face de son amie, observant avec attention chacun des gestes qu’elle faisait sans parvenir à en saisir le sens. L’amazone lui sourit gentiment mais ne s’interrompit pas pour autant, fronçant les sourcils dans la concentration alors qu’elle tentait de reproduire des mouvements plus ou moins élaborés. Autour d’elles, les femmes souriaient, secouant énergiquement la tête de bas en haut avec approbation, ou au contraire de droite à gauche en signe de dénégation, et l’encourageant avec de petites tapes sur l’épaule. La guerrière observa la scène un long moment, mais finit par se lasser et se releva, signifiant à Gabrielle de la suivre d’un simple geste du menton. Elles s’installèrent dans un coin, Xéna appuyant son dos contre une paroi et croisant les bras sur sa poitrine, avant de raconter brièvement ce qu’elle avait fait de son temps à sa compagne. Celle-ci bondit pratiquement sur place en l’entendant évoquer la possibilité d’une sortie, ce qui fit briller une étincelle malicieuse dans les yeux bleus de son amie. Désignant d’un mouvement du menton les petits personnages éparpillés dans le camp, elle interrogea l’amazone, un soupçon d’amusement perçant dans sa voix.

-« Aurais-tu envie de revoir la surface ? Pourtant, tu m’as plutôt donné l’impression de bien t’adapter, aux gens comme à l’environnement. »

La barde haussa les épaules en faisant une petite grimace à son interlocutrice.

-« Bien sûr que j’ai envie de remonter ! »

Elle pivota sur ses talons, faisant un tour complet sur elle-même pour observer l’ensemble de la grotte et ses occupants, avant de faire de nouveau face à sa compagne.

-« Je trouve ce peuple intéressant, par leur manière de vivre si surprenante soit-elle, et ce sont des gens agréables et accueillants parmi lesquels il ne serait certainement pas désagréable de vivre, mais… »

Elle s’interrompit un instant, regardant vers le haut avant de ramener ses yeux sur Xéna.

-« Je ne peux pas imaginer ne jamais revoir le soleil, ou un ciel bleu d’été, je ne crois pas que je supporterais de ne plus jamais sentir la pluie sur mon visage, ou le vent dans mes cheveux. »

Elle avança jusqu’à être si proche de son amie que leurs corps s’effleurèrent alors que leurs souffle se mêlaient.

-« Et surtout, je ne crois pas que tu le supporterais toi-même. »

La guerrière passa ses bras autour de la taille de sa compagne et la tira un peu plus contre elle, tout en hochant la tête pour acquiescer.

-« C’est vrai, j’aurais beaucoup de mal à  rester ici, mais pas à cause de l’absence de soleil, ni du manque d’espace, mais plutôt parce que je ne supporterais pas de te voir malheureuse, quelles que soient les raisons. »

Les mots, prononcés d’une voix sincère, touchèrent profondément Gabrielle, non pas parce qu’elle doutait des sentiments de la guerrière, mais plutôt parce que celle-ci n’avait pas l’habitude d’exprimer ce qu’elle ressentait à voix haute. La barde, souriant doucement,  posa une main sur la joue de sa compagne, dont les yeux ne quittaient pas les siens. Lentement, leurs visages se rapprochèrent, Xéna resserrant sa prise sur la taille de son amie, puis leurs lèvres se rejoignirent en un baiser profond et intense.

Un bruit de pas et une sensation de mouvement sur le côté amenèrent la guerrière à interrompre le baiser. Sans lâcher sa compagne, elle releva brusquement la tête, surprise de constater qu’une grande partie des petits personnages étaient là, à les regarder avec des yeux curieux et intrigués, que l’absence de paupière faisait paraître encore plus grands. En les voyant, la barde recula immédiatement, rougissant légèrement en lissant machinalement sa jupe pour cacher son embarras, tandis que la guerrière, elle, cherchait ce qui pouvait bien provoquer un tel étonnement chez les petits personnages.

Après un petit instant, l’aîné s’avança et, prenant la barde par la taille, posa sa bouche sur la sienne, sans montrer la moindre hésitation, mais paraissant plutôt vouloir expérimenter ce qu’il venait de voir. Passé le premier moment de stupeur, Gabrielle le repoussa énergiquement, s’essuyant la bouche d’un revers de main avant de lancer un regard noir à l’homme. Celui-ci la regardait, un air d’incompréhension totale sur le visage, puis se tourna vers la personne la plus proche de lui, le chasseur qui avait tué les deux rats, et le tira vers lui pour l’embrasser de la même manière qu’il venait de le faire avec l’amazone. Rapidement, les autres membres du campement se mirent à imiter leur chef, et bientôt, tout le monde embrassait tout le monde, changeant régulièrement de partenaire sous l’œil ébahi des deux femmes.

Retenant un rire en mettant une main sur sa bouche, la barde se tourna vers son amie, remuant ses sourcils pour indiquer son amusement. La guerrière haussa les épaules, regardant les petits personnages avec un demi-sourire avant de passer un bras sur les épaules de son amie pour l’entraîner plus loin.

-« Ils découvrent quelque chose qu’ils ne connaissaient pas, apparemment. Laissons-les s’amuser, et raconte-moi plutôt ce que tu as fait pendant mon absence. »

Gabrielle hocha la tête en s’asseyant près du foyer que tout le monde avait déserté pour l’instant, se tournant vers les flammes avec une satisfaction évidente.

-« Eh bien, je n’ai pas appris grand-chose, mais je crois avoir compris pourquoi ces paniers sont si importants pour eux. »

Xéna haussa un sourcil et s’installa confortablement aux côtés de sa compagne.

-« Voilà une histoire qui m’intéresse. »

La barde se racla la gorge, se cala contre son amie avant de commencer, narrant avec force détails et une certaine fierté, la manière dont elle avait réussi à obtenir ces renseignements avant d’entrer dans le vif du sujet.

-« La tablette n’était pas recouverte de signes écrits, mais de dessins. Malheureusement, elle est sans doute aussi ancienne que les paniers, et en aussi mauvais état. »

La voix de la guerrière sembla légèrement déçue alors qu’elle interrogeait.

-« Tu n’as pas pu les déchiffrer ? »

Gabrielle sourit victorieusement, hochant la tête avec ardeur.

-« Ca n’a pas été facile, et la plupart des dessins étaient effacés, mais je crois avoir réussi à saisir l’essentiel. »

Elle fit une pause pour prendre une respiration un peu plus profonde, et surtout pour le plaisir qu’elle éprouvait à faire patienter son amie, avant de commencer enfin son court récit.

-« D’après ce que j’ai pu voir des dessins, les ancêtres de nos amis sont descendus sous terre d’eux-mêmes, apparemment pour fuir un grand danger dont je n’ai pas réussi à déterminer la nature. Ils avaient trois paniers avec eux, trois paniers qui contenaient tous leurs biens, mais aussi quelques objets, peut-être des reliques je ne suis pas bien sûre, liés à leur religion. »

La barde cessa de nouveau de parler, mais cette fois, c’était seulement pour prendre une gorgée d’eau à la gourde de sa compagne. Cela fait, elle s’essuya les lèvres d’un revers de main, puis reprit.

-« Ils ont été suivis jusqu’ici, et ont été obligés de se cacher, de se faufiler dans des endroits extrêmement difficiles d’accès afin d’échapper à leurs poursuivants, et lorsqu’ils y sont enfin parvenus, se sont installés de façon sommaire, s’adaptant petit à petit à cette manière de vivre qui est finalement devenue permanente.

Pendant leur périple dans les galeries, tandis qu’ils s’efforçaient de distancer et d’égarer leurs ennemis, ils ont bien évidemment emmené les paniers avec eux, les utilisant sans doute pour stocker leurs réserves de provisions, et certainement tout ce qui était précieux ou indispensable à leurs yeux. Ils ont tellement pris l’habitude d’en prendre grand soin, de ne jamais les lâcher du regard et de s’assurer qu’ils ne risquaient pas de s’abîmer ou de prendre l’eau qu’au fil du temps, les paniers qui ne servaient plus de garde-manger depuis longtemps, sont devenus bien plus précieux que les éventuelles reliques, si elles sont encore là. »

La guerrière hocha lentement la tête, ses lèvres se tordant dans une moue admirative.

-« Apparemment, tu as réussi à déchiffrer l’essentiel. »

La barde se frotta les yeux d’une main tout en répondant.

-« A vrai dire, certains dessins étaient pratiquement indiscernables, tant la tablette s’effritait. Mais grâce à ceux qui étaient gravés au-dessus, ou au-dessous, j’ai extrapolé un peu, imaginé ce qui avait pu se passer, en essayant de rester le plus proche possible de la réalité. »

Elle se frotta de nouveau les yeux, grimaçant pour retenir un bâillement sans parvenir à le cacher à son amie qui lui caressa doucement le bras avec un petit sourire, avant de désigner l’ensemble du campement et de ses occupants d’un geste large.

-« Tout le monde se prépare à dormir et nous devrions en faire autant. Nous aurons besoin d’être en forme pour remonter à la surface. »

Gabrielle acquiesça, cherchant du regard ce qui pourrait leur servir de couche, tout en questionnant, une note d’impatience dans la voix.

-« Quand crois-tu que nous pourrons partir ? »

Avant que Xéna ne puisse répondre, une femme s’approcha, tendant le paquet qu’elle tenait dans les bras vers les deux amies, un large sourire aux lèvres, et faisant immédiatement quantité de gestes et de signes compliqués dès qu’elle eut les mains libres. Gabrielle l’observa un instant, hochant plusieurs fois la tête pour la remercier, puis regarda un peu plus attentivement ce qu’elle venait de lui donner.

Le paquet contenait de simples couvertures, faites de petites peaux cousues ensemble, mais sa vue fit grimacer la barde, son visage exprimant un tel dégoût que sa compagne souleva un sourcil étonné et observa plus attentivement les couvertures pour comprendre ce qui provoquait cette réaction chez son amie.

-« Tu es gênée parce que ce sont des peaux de rats ? Pour ma part, je crois que c’était plutôt prévisible, non ?»

Gabrielle soupira profondément, et haussa les épaules avant de commencer à étendre deux couvertures sur le sol en marmonnant.

-« Je suppose que oui. »

Elle s’allongea, visiblement à contrecœur mais tentant de faire bonne figure, ne se détendant que lorsque sa compagne, une fois bien installée à ses côtés, l’enlaça. Il ne fallut que peu de temps pour que, malgré sa répulsion, la barde s’endorme comme tous les occupants du campement.

 

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Xéna se leva lentement et s’étira, tendant ses bras haut vers la voûte du plafond, avant de tourner son regard en direction de sa compagne, souriant malgré elle devant l’expression dégoûtée qu’elle arborait encore dans son sommeil.

Après un court instant d’hésitation, tentée de réveiller son amie immédiatement, la guerrière décida plutôt d’aller à la rencontre de l’aîné, qui, en compagnie de plusieurs autres membres de sa tribu, s’installait devant le feu qu’un des hommes venait de ré-alimenter. Se baissant pour être à la même hauteur que l’homme assis, elle mima du mieux qu’elle put, l’action de manger, portant plusieurs fois sa main à sa bouche avant de feindre la mastication. L’aîné comprit rapidement de quoi il s’agissait, hélant d’un geste une des femmes pour lui donner sans doute quelques directives, ses mains s’agitant à toute vitesse devant lui. Dès qu’il eut terminé, la femme se précipita, revenant rapidement avec deux écuelles de bois contenant manifestement le même ragoût que la veille.

La guerrière fit la moue devant ce que lui présentait la femme, puis secoua négativement la tête, cherchant du regard quelque chose d’autre qu’elles pourraient manger sans risques de nausées. Ne trouvant rien qui attire son attention, elle saisit une brindille, près du feu, pour dessiner sommairement dans la poussière du sol, ce qui ressemblait à une des racines qu’elles avaient goûtées la veille. La femme hocha la tête et s’éloigna, se dirigeant vers l’un des coins les plus sombres de la grotte pour en revenir très rapidement avec ce que la guerrière lui avait demandé.

 

Gabrielle soupira, passant une main sur son front pour dégager une mèche de cheveux, avant de bailler à s’en décrocher la mâchoire. Mal réveillée, elle cligna des yeux dans la semi obscurité de la grotte avant de jeter un regard machinal sur la couverture qui couvrait ses genoux, se levant d’un bond en la rejetant brusquement quand elle se rappela avec quelles peaux elle était faite. La respiration haletante, elle ne se détendit qu’en voyant venir son amie, au devant de laquelle elle s’avança en marmonnant, les dents serrées.

-« Je ne resterai pas ici une heure de plus ! ».

Même si elles étaient prononcées tout bas, l’ouïe exercée de la guerrière discerna parfaitement les paroles de sa compagne. Elle prit son expression la plus raisonnable et passa un bras sur les épaules de l’amazone dans un geste réconfortant.

-« Nous partirons dès que nous aurons avalé quelque chose, il ne serait pas très judicieux de faire un ascension aussi difficile que celle qui nous attend, avec l’estomac vide. »

La barde secoua la tête, les lèvres étirées dans une moue boudeuse.

-« Il n’est pas question que je mange du rat à nouveau. »

Xéna sourit, relâchant son amie tout en lui montrant les racines qu’elle tenait à la main.

-« Ce ne sera pas nécessaire. »

Gabrielle poussa un soupir de soulagement et s’empara immédiatement d’une racine, commençant à manger avant même d’être arrivée près du feu, là où elle s’assit sur le sol en compagnie des membres de la tribu. La guerrière la suivit de près, entamant sa propre racine dès qu’elle fut assise.

Sitôt le repas terminé, l’aîné se rapprocha de la guerrière, brandissant son bâton comme il l’avait fait la veille, manifestant apparemment le désir de retourner chasser le rat, son expression passant rapidement d’enthousiaste à désappointée quand il comprit, d’après les gestes de dénégation que la grande femme brune faisait, qu’elle n’avait pas l’intention de les accompagner. Fronçant les sourcils, il avança jusqu’à coller son visage aussi près de celui de sa vis à vis que leur différence de taille le lui permettait, ses yeux sans paupière paraissant démesurément grands. Elle posa sa main sur la poitrine de l’homme, le repoussant doucement mais fermement, puis passa un bras sur les épaules de la barde avant de tendre un index déterminé vers le haut, à plusieurs reprises. L’aîné grimaça puis se tourna vers les membres de sa tribu, ses mains dessinant dans l’air de multiples signes rapides et complexes, entamant une conversation silencieuse, mais certainement animée.

D’abord un peu amusée par cette agitation, la barde finit par pincer les lèvres devant les mines désapprobatrices qu’arborait la plupart des petits personnages, et se tourna vers sa compagne pour murmurer.

-« Ils n’ont pas l’air d’approuver. »

La guerrière haussa les épaules.

-« On se passera de leur permission. »

Là-dessus, elle saisit gentiment le bras de son amie, décidée à partir immédiatement. A ses côtés, Gabrielle la suivit sans montrer aucun entrain ni enthousiasme, ce qui amena Xéna à l’interroger avec un peu d’étonnement.

-« Pour quelqu’un qui ne voulait pas rester ici plus longtemps que nécessaire, je trouve que tu manques singulièrement d’ardeur. »

L’amazone ne répondit pas tout de suite, s’arrêtant d’abord de marcher pour désigner la tribu d’un geste du bras.

-« Ils ont été bons, accueillants et bienveillants. J’aurai aimé leur dire au revoir. »

Observant les petits personnages à son tour, la guerrière haussa un sourcil avant de croiser les bras sur sa poitrine.

-« Et comment comptes-tu leur faire connaître la gratitude que tu éprouves envers eux ? En les serrant tout contre ton cœur les uns après les autres ? Pour les remercier de t’avoir fait manger du rat ? »

Même si la taquinerie était évidente dans la voix de sa compagne, la barde se raidit, la simple mention de l’animal lui donnant de nouveau envie de vomir. Lançant un regard noir à son amie, qui riait sous cape, elle s’approcha du foyer pour saisir deux torches, en tendant immédiatement une à la guerrière en lui intimant sèchement.

-« Allons-y ! »

Elles traversèrent la grotte et s’engagèrent dans la galerie sans plus échanger une parole, la guerrière levant régulièrement sa torche pour repérer les signes qu’elle avait gravés sur les parois.

Le silence, lorsqu’elles arrivèrent à destination, était impressionnant. Observant l’ensemble de la salle, puis la paroi qu’il allait falloir escalader, et enfin l’ouverture dans le plafond, la barde ne put retenir un frisson d’appréhension. Sa compagne le remarqua et passa un bras sur ses épaules, la tirant contre elle dans un geste rassurant.

-« Ne te laisse pas impressionner. Pour ce que j’ai pu en juger, les prises sont nombreuses, et solides. La seule difficulté est la longueur de l’ascension. »

Elle s’interrompit, resserrant légèrement sa prise sur les épaules de son amie avant d’ajouter avec beaucoup de conviction.

-« Tu en es tout à fait capable, Gabrielle. J’ai une entière confiance en toi. »

L’amazone hocha la tête et sourit bravement, essayant de montrer une assurance qu’elle ne possédait pas, avant de tourner de nouveau son regard vers l’ouverture, tentant de distinguer le ciel sans y parvenir, si concentrée qu’elle ne remarqua pas immédiatement le mouvement de sa compagne lorsque celle-ci lorsque celle-ci tourna sur elle-même en marmonnant, se contentant de questionner à voix basse.

-« Que dis-tu ? »

Xéna tapota le haut du bras de sa compagne qui détacha enfin les yeux du plafond pour tourner le regard vers la grande femme brune qui fit un mouvement du menton en direction de la galerie d’où elles venaient.

-« Finalement, tu vas pouvoir les faire, tes au-revoir. »

Gabrielle regarda dans la direction indiquée par sa compagne, pas vraiment surprise de voir que tous les membres de la tribu se trouvaient là, immobiles et debout, en train de les observer dans le plus grand silence.

Après un moment, l’aîné s’approcha doucement, brandissant devant lui un bâton pointu visiblement plus long que ceux que les deux femmes avaient vus jusque là. Arrivé devant la guerrière, il prit l’arme de bois à deux mains et la lui présenta avec une attitude qui ressemblait à de la déférence, s’inclinant légèrement en attendant manifestement que Xéna saisisse le bâton, ce que celle-ci ne tarda pas à faire, remerciant l’homme d’un signe de tête avant de retourner auprès de son amie, lui montant le bâton en chuchotant.

-« Au moins, ça nous fera un souvenir. »

La barde sourit et s’avança à son tour pour saluer l’aîné, inclinant la tête alors qu’il lui tapotait l’épaule d’un geste un peu paternel. Puis, au moment où elle pensait pouvoir reculer et s’apprêtait à faire un signe de la main pour saluer l’ensemble de la tribu, il prit fermement son visage entre ses deux mains pour déposer sur ses lèvres le même baiser un peu mouillé qu’il y avait laissé la veille. Prise par surprise une nouvelle fois, l’amazone le repoussa sans douceur, grimaçant en s’essuyant la bouche d’un revers de main, d’autant plus vexée qu’elle entendait son amie ricaner derrière elle. Se retournant brusquement, elle lui lança un coup d’œil furibond, puis lui flanqua une bourrade sur l’épaule, suffisamment violente pour la faire trébucher, le mouvement la faisant avancer involontairement d’un pas, et l’amenant de nouveau face à l’aîné qui, sans perdre un instant, profita de l’occasion pour embrasser la guerrière de la même manière qu’il l’avait fait avec la barde.

Reculant vivement en repoussant l’aîné sans aucune douceur, la guerrière ne riait plus du tout et jeta un regard  courroucé à son amie qui gloussait derrière elle, mais n’eut pas le temps de lui dire le fond de sa pensée, l’aîné attirant de nouveau son attention en touchant délicatement son avant bras. Dès qu’elle posa de nouveau les yeux sur lui, l’homme désigna l’ouverture du plafond puis se baissa pour creuser un trou dans le sol, montrant alternativement chacune des deux ouvertures de la pointe de l’index. Une fois qu’il fut sûr que les deux femmes l’observaient attentivement, il les désigna, l’une après l’autre, indiqua le trou dans le plafond, puis reboucha celui qu’il avait fait dans la terre du sol, ne cessant son manège qu’après que les deux amies lui aient fait des signes de tête approbateur lui signalant qu’elles avaient compris ce qu’on leur demandait, ce que Xéna confirma d’ailleurs en paroles, même si elle n’était pas certaine qu’il comprenne ses mots.

-« Je te donne ma parole que nous boucherons le trou dès que nous serons sorties. »

L’aîné hocha la tête avec enthousiasme, souriant largement, puis retourna se placer juste devant les autres membres de sa tribu, restant aussi immobile qu’eux. Les deux amies échangèrent un regard, puis s’approchèrent lentement de la paroi, la guerrière calant le bâton qu’on lui avait donné dans son dos, coincé derrière le fourreau de son épée, en marmonnant.

-« J’aurais préféré une corde. »

Elle leva une dernière fois les yeux vers l’ouverture du plafond, caressa doucement et brièvement l’épaule de sa compagne et entama l’ascension, Gabrielle la suivant trois ou quatre mètres plus bas.

 

*************************

 

La barde reprit son souffle, écroulée sur le sol de la forêt dans laquelle elles venaient d’arriver, regardant les nombreuses écorchures que les aspérités de la roche avaient laissées sur ses mains. A ses côtés, Xéna, assise dans l’herbe elle aussi, observait les alentours, cherchant ce qu’elle pourrait utiliser pour boucher le trou béant, juste au pied d’un énorme chêne.

Fermant les yeux, essayant de récupérer de l’effort physique intense qu’elle venait de faire, Gabrielle frissonna en revivant quelques uns des moments les plus difficiles de leur ascension. Comme quand sa main avait glissée, ses doigts douloureux peinant à tenir fermement leur prise sur une roche humide, ou quand Xéna avait été obligée d’agrandir l’ouverture donnant sur l’extérieur avec son épée, et que les débris lui étaient tombés sur la tête, manquant de l’assommer.

Le mouvement de sa compagne, qui se levait avec une souplesse surprenante compte tenu des efforts qu’elle venait de faire, la tira de sa rêverie. Elle ouvrit péniblement les yeux, luttant contre l’envie de se laisser tomber dans l’herbe et de juste observer le ciel, pour regarder la guerrière se diriger d’un pas déterminé vers un rocher de belle taille dont elle fit lentement le tout, comme pour mieux l’évaluer, avant de saisir le bâton que l’aîné lui avait donné, l’utilisant comme un levier dans le but évident de faire rouler le rocher. Poussant un petit soupir, la barde se leva elle aussi, frottant ses mains l’une sur l’autre avant d’aller rejoindre son amie.

-« Où crois-tu que nous sommes ? »

Xéna interrompit son effort un instant, le temps de jeter un regard vers l’amazone et de placer différemment son levier, reprenant sa tâche alors qu’elle répondait.

-« Je n’en suis pas très sûre, ce n’est pas une région que je connais, mais je ne pense pas que nous soyons excessivement loin de notre campement de l’autre soir, j’ai plutôt l’impression que nous nous trouvons dans la même forêt. »

Gabrielle hocha la tête, apparemment satisfaite de la réponse de sa compagne, puis s’arc bouta et poussa des deux mains contre le rocher, joignant ses forces à celles de la guerrière.

Cela prit un long moment, la roche était vraiment imposante, mais petit à petit, elles se rapprochèrent du gouffre, Gabrielle demandant une pause à son amie juste au moment où elles allaient enfin atteindre leur but et poser le rocher sur la crevasse par laquelle elles étaient passées pour revenir à la surface. Xéna arrêta de pousser et jeta un regard amusé à l’amazone, son sourcil droit monta haut sur son front alors qu’elle interrogeait, un peu d’ironie perçant dans sa voix.

-« Encore quelques adieux à faire, peut-être ? »

L’amazone répondit d’un haussement d’épaule dédaigneux avant de s’allonger à plat ventre sur le sol, regardant une dernière fois vers le monde souterrain qu’elles venaient de quitter. Tous les membres de la tribu se tenaient immobiles, les visages tournés vers le haut, l’aîné tenant son bâton fermement au-dessus de sa tête dans un geste que les deux femmes lui avaient fréquemment vu faire. Souriant largement, la barde agita la main de gauche à droite, espérant qu’ils comprendraient cette manière de saluer, puis se releva rapidement, reprenant immédiatement sa place aux côtés de sa compagne.

Après un dernier effort aussi bref qu’intense, le rocher obtura complètement l’ouverture dans le sol.

***********

 

Gabrielle grimaça en se frottant le cou, là où un souffle chaud et humide lui chatouillait la peau, mais c’est seulement en entendant renâcler Argo qu’elle se décida à ouvrir les yeux. Debout près d’elle, la jument dorée promenait ses naseaux de son visage à ses épaules tandis que, une main sur l’encolure de sa jument, Xéna souriait des réactions de sa compagne.

Lentement, la barde se redressa, s’asseyant sur l’herbe en étirant ses bras vers le ciel, avant de tendre une main pour caresser le chanfrein de la jument, tout en questionnant son amie avec curiosité.

-« Comment est-elle venue jusqu’ici ? »

La guerrière haussa négligemment les épaules, mais le ton de sa voix, comme la lueur dans ses yeux, indiquaient à quel point elle était fière de sa monture. 

-« Je l’ai appelée. »

L’amazone se leva en souriant et vint s’appuyer contre sa compagne, posant doucement sa joue sur son épaule.

-« Combien de temps ai-je dormi ? »

Xéna tourna la tête pour déposer un petit baiser sur le crâne de la barde.

-« Juste le temps de venir pour Argo, et de chasser le dîner de ce soir pour moi. »

La simple mention du dîner fit lever la tête à Gabrielle qui chercha du regard le gibier tué par sa compagne, souriant en voyant le paquet enveloppé de peau que la guerrière lui désigna du menton en chuchotant.

-« Une poule d’eau. »

La barde se tourna légèrement pour étouffer un gloussement contre l’épaule de son amie qui entoura sa taille de son bras avant d’ajouter.

-« Nous devrions retourner au campement de l’autre soir, toutes nos affaires sont là-bas. »

L’amazone acquiesça mais n’esquissa pas le moindre geste, restant appuyée contre la guerrière.

-« Je suppose que tu es certaine de pouvoir le retrouver sans problème ? »

Xéna lui jeta un regard faussement vexé, haussant un sourcil pour répondre d’une voix grondante.

-« Est-il nécessaire de poser une telle question ? »

Gabrielle sourit, mais ses yeux restèrent fixés sur le gros rocher qu’elles avaient déplacé.

-« Je n’aurais jamais imaginé qu’un peuple puisse vivre ainsi, sous terre. »

Sa compagne ne répondit pas tout de suite, resserrant brièvement sa prise sur le corps de la barde avant de la relâcher, se tournant ensuite complètement vers sa jument, saisissant la bride d’une main ferme avant de l’enfourcher rapidement, puis de tendre une main vers son amie.

-« Je n’en avais jamais entendu parler moi non plus, mais apparemment ils aiment la discrétion, et sont tout à fait heureux de vivre comme ils le font. »

Gabrielle prit la main tendue, s’installant sur le dos de la jument en entourant la taille de son amie, devant elle, avec ses bras en poussant un petit soupir de plaisir.

-« Quoi qu’il en soit, je garderai un bon souvenir de ce peuple, qui, contrairement à la plupart de ceux qui vivent à la surface de la Terre, a su se montrer chaleureux et bienveillant. »

La guerrière hocha la tête, semblant partager l’avis de l’amazone, et  répondit d’un ton extrêmement sérieux.

-« Personnellement, ce que je regretterai le plus, c’est leur cuisine. J’espère que tu as pensé à noter une ou deux recettes. »

Le rire de la guerrière, alors que la barde s’indignait, résonna haut et clair dans toute la forêt.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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Commentaires
G
Merci pour ce commentaire, sygui. <br /> <br /> <br /> <br /> <br /> <br /> <br /> Pour répondre à tes questions, je pense que ce peuple, s'il parlait avant de venir sous terre,ce qui est loin d'être certain, s'est tu parce qu'il était poursuivi, et qu'il avait intérêt à être silencieux pour ne pas se faire repérer.<br /> L'absence de paupière me paraissait logique s'ils sont là depuis longtemps. Quant à la membrane nictitante, je n'ai pas le temps de consulter un dictionnaire maintenant, je te répondrai donc à l'occasion.
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S
hey,<br /> <br /> Encore une nouvelle qui se lit toute seule !<br /> <br /> Bien menée, on a envie de la poursuivre, même si on suppose bien que la fin sera heureuse. La petite démarche ethnographique est tout à fait sympa, et rencontrer un peuple conçu par Gaxé fort intéressant, tel le passage sur le culte des paniers et la lecture de la tablette ou, bien sûr, l'apprentissage du baiser !!!<br /> <br /> Cependant, mon esprit compliqué a une ou deux interrogations (que Gaxé lèvera sans l'ombre d'un doute d'un commentaire fort à propos ;- )<br /> - je ne suis pas sure de saisir pourquoi ce peuple a cessé de parler ou de grogner, s'il n'avait pas développé de langage avant de se rendre sous terre... est-ce à cause de l'écho qui pourrait se propager sous terre ?<br /> - j'aime bien l'idée de l'évolution darwinienne concernant la paupière, mais tu nous as caché qu'ils devaient avoir conserver - développer leur membrane nictitante (j'avoue, merci wiki pour la précision du terme)! cachotière !<br /> <br /> Bon, je sais, je chipote !!! mdr<br /> Mais cela n'enlève rien au plaisir que j'ai eu de lire ton texte ! Merci
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G
Cette fois, c'est moi qui rougis. J'ai l'impression que je le dis souvent, mais merci Fryda.
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F
Ma tête dans le sac ;-) ... mais pas assez pour ne pas apprécier.<br /> Encore une histoire original, basée sur la série qui nous réunit, extrêmement bien écrite, fluide.<br /> Et je ne fais pas de démagogie, ce n'est pas mon genre.<br /> Je propose qu'on attribue le prix "MISSY GOOD" 2011 du blog à Gaxé pour l'ensemble de son oeuvre cette année, prolixe et de grande qualité !
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