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19 mars 2012

Quand tombent les ténèbres, chap.6, première partie

Quand Tombent les Ténèbres

Par Melissa Good

Traduction : Fryda

****************************

Gabrielle fronça les sourcils en voyant la chaise ostensiblement vide sur le porche puis elle plissa les yeux lorsqu’elle crut voir le mouvement rapide d’une silhouette vêtue de bleu. Elle pinça les lèvres. Et bien, elle avait promis de ne pas quitter le porche et elle ne l’a pas fait. Elle monta les marches et arriva derrière sa compagne, assise sur le sol près du coin arrière de la maison, ses longues jambes posées sur la rambarde en bois. Deux poulains mâchouillaient ses bottes et tous les deux levèrent leur petite tête et la secouèrent à son approche.

« Et bien… bonjour vous », dit la barde en riant et en se laissant tomber sur le sol en bois près de la guerrière. « Tu veux bien me présenter ? »

« Bien sûr. » Xena tendit la main et le plus proche lécha ses doigts agréablement. « Gabrielle, puis-je te présenter Hercule et Iolaus. » Elle lança un regard amusé aux deux poulains. « Les gars, voici Gabrielle. »

La barde se mit à rire. « Qui est qui ? »

Un des poulains trotta vers sa main tendue et glissa, tombant sur le museau. « Ok… alors voilà Iolaus », annonça Gabrielle immédiatement, ce qui fit venir un sourire aux lèvres de sa compagne. « Xena, ils sont adorables. » Elle grattouilla les oreilles du petit Iolaus et hennit doucement entre ses dents à son intention. Les deux poulains étaient bien bâtis et avec une nuance riche de jaune beurre. Mais la crinière et la queue d’Hercule étaient d’un brun foncé alors que celles d’Iolaus étaient blond clair, comme celles de sa mère.

« Mignons, hein ? » Xena sourit. « Regarde ça. » Elle claqua une fois de la langue et tous les deux tournèrent la tête, puis elle recommença et ils s’approchèrent d’elle en remuant leur petite tête.

Gabrielle en eut les yeux écarquillés. « Ouaouh… tu viens de leur apprendre ça maintenant ? » Elle se tourna et regarda derrière elle. « Pendant le temps où j’étais partie ? » Son regard revint se poser sur sa compagne. « Xena… je n’avais aucune idée que… »

Celle-ci haussa un sourcil. « Comment crois-tu qu’Argo a appris tout ce qu’elle sait ? » Demanda la guerrière d’un ton mesuré. « Ça ne vient pas tout seul. »

« Et bien… » La barde sourit d’un air peu assuré. « Je veux dire… bien sûr… j’ai bien compris que tu lui avais appris, mais… » Elle secoua la tête. « Encore un autre de tes nombreux talents, j’imagine. » Elle tendit le petit panier qu’elle portait. « De la part de maman. »

Maman, hein ? Xena étudia sa compagne avec attention. Pas ‘ta mère’, comme ça avait été le cas pendant tout le voyage pour venir ici. Le visage de Gabrielle était bien plus détendu et… elle plissa le nez. Ah… maman a usé de sa bière pour une bonne cause, on dirait. « C’est quoi ? » Elle regarda dans le panier et sourit. « Oh… je vois. » Elle sortit un gâteau et en mordit un morceau. « Mmm. »

« Oui. » Gabrielle approuva avec une bouchée dans la bouche puis elle jeta un coup d’œil à la grande femme. « Comment vas-tu ? »

Xena laissa les poulains lui lécher les doigts et eut un public immédiat et très attentif. Hercule réussit à se mettre sur ses pattes arrière et à poser les pattes avant sur le porche, passant le museau à travers la palissade pour pousser Xena dans la poitrine. « Heu… » Celle-ci ne put s’empêcher de rire tandis que le poulain la poussait et hennissait. « Je viens de me faire un nouveau fan, on dirait. » Elle brisa un petit coin du gâteau et le lui tendit, regardant avec amusement le poulain l’attraper de sa main avec la langue puis éternuer. Elle posa le front sur la rambarde et regarda tranquillement sa compagne. « Je pense que la fièvre est passée… » Elle prit une inspiration contrariée. « Je suis juste vraiment fatiguée et je ne sais pas pourquoi. »

Et elle l’était. Se lever et aller jusqu’à la rambarde avait demandé une somme impressionnante d’efforts. Elle avait l’impression de tirer sur des réserves à sec et, elle s’en rendait compte, c’était probablement ce qu’elle faisait. « J’ai l’impression que je pourrais dormir pendant des semaines. »

Gabrielle pesa ces mots. « Ça me semble une bonne idée », dit-elle en glissant un bras de réconfort autour de la taille de la guerrière tout en se rapprochant. Elle tendit un autre gâteau à Xena, en prit un pour elle et elles mâchèrent ensemble en silence, jetant les miettes aux poulains curieux.

« Alors… maman et toi, vous avez parlé ? » Finit par demander Xena, en mettant la tête sur le bras qu’elle avait posé sur la rambarde.

La barde lui lança un rapide coup d’œil. « Comment as-tu deviné ? »

« Tu as l’air plus détendue », répondit Xena d’un air ironique. « J’ai raison ? »

Gabrielle soupira et donna un coup avec ses talons dans le poteau du porche. « Bien sûr. » Elle lança un regard très sérieux à sa compagne. « Ta mère est vraiment très spéciale. »

Xena eut un bref sourire. « Oui. » Elle lécha pensivement ses doigts et fixa le panier. « Il en reste ? »

La barde l’étudia avec attention. « Si tu te sens mieux en les mangeant, tu peux tous les avoir. »

Xena leva un sourcil à ce sacrifice suprême. « Si je les mange tous, Gabrielle, je peux t’assurer que je ne vais pas aller mieux », dit-elle pince-sans-rire à la barde. « Mais… je pense que ça aide un peu. » Elle partagea le reste des gâteaux avec sa compagne tandis qu’elles revenaient vers le grand fauteuil attaché au porche, assez grand pour les accueillir toutes les deux. La brise chaude de l’été les réchauffait tandis qu’elles regardaient le soleil se coucher et elles rendirent leurs saluts aux villageois qui leur souhaitaient la bienvenue et qui se rendaient dans leurs habitations après l’auberge. Plusieurs d’entre eux s’approchèrent et passèrent quelques instants à leur parler, y compris Josclyn, qui venait d’arriver des champs du nord.

Le maire monta les marches et s’appuya contre la rambarde en leur faisant un signe de tête résolu. « Bienvenue. » Il fixa Xena. « Les petits oiseaux de passage m’ont raconté que tu as fait saigner le nez de ce fichu Romain. C’est vrai ? »

Xena resta silencieuse un bon moment avant de se rendre compte de quoi Josclyn parlait. César. « J’ai juste apporté mon aide », dit-elle d’un ton trainant. « C’est à Boudicca qu’en revient le mérite. »

Le maire acquiesça de la tête. « Très bien, si c’est comme ça que tu veux le présenter. » Il l’étudia avec une étincelle ironique dans les yeux. « Bonjour, jeune fille… bienvenue chez toi. » Il dit ces mots pour Gabrielle, qui était blottie dans le bras de Xena. « Tes histoires m’ont manqué. »

La barde lui sourit affectueusement. « Merci, Josclyn… c’est bon d’être à la maison. » Elle réfréna un bâillement, dû essentiellement à la chaleur humide. « Peut-être que je te verrai à l’auberge dans quelques jours. »

Il hocha la tête. « Oui. » Puis son regard se détourna, quelque part vers le paddock. « Ton Argo a donné des beaux poulains, Xena. »

Cela lui valut un sourire de la guerrière. « Oui… Argo est de bonne qualité. » Une note de fierté pointait dans la voix de Xena. « Ça va faire de beaux étalons. »

Josclyn se frotta le nez de son index. « Aah… oui… C’est aussi ce que je pense. » Il s’interrompit. « Ça fait un moment qu’on ne parle plus de la qualité des chevaux d’Amphipolis. »

Xena se souvint que le maire était responsable de la bonne santé financière du village et il venait de pointer une chose intéressante à laquelle elle n’avait pas encore réfléchi. « Oui… elle était connue pour ça, non ? » Répondit-elle lentement.

Ils se regardèrent et se firent un petit signe de tête. Puis Josclyn leur fit un signe de la main et continua vers sa ferme de sa longue démarche patiente.

Gabrielle la regarda d’un air curieux. « De quoi s’agit-il ? »

« Josc a une très jolie pouliche, d’environ deux ans », répondit Xena en lui lançant un regard ironique. « Elle a une robe grise, une crinière et une queue gris foncé… et elle bouge bien. » Très jolie. Pas entrainée comme Argo et bien plus petite que le cheval de guerre, mais un bel animal. « Il s’intéresse à l’avenir, je pense. »

La barde resta pensive à ces paroles. « Hmm. »

Xena se réinstalla et apprécia le calme. Elle sentait le battement du pouls de Gabrielle sur son bras nu et elle fut soulagée de remarquer que son épuisement semblait diminuer un peu, et malgré les gâteaux, elle avait encore faim. C’est bon signe… songea-t-elle en étudiant le visage de la barde. Tiens, tant que j’y suis… « Hé… écoute… Je me sens mieux… j’aimerais vraiment aller dîner à l’auberge… juste pour dire bonjour à tout le monde… qu’est-ce que tu en penses ? » Non… elle ne rata pas le sursaut soudain dans le battement de cœur de la barde et l’étincelle apparue dans ses yeux verts. En plein dans le mille. Elle en a besoin… et je ne vais pas lui dire non.

« Je… si tu en es sûre, Xena », répondit la barde lentement. « Je veux dire… oui, bien sûr, ce serait bien, mais pas si ça doit te fatiguer. »

« Nan. » La guerrière sourit. « Ça va aller. » Même si je dois m’y trainer par les ongles. « Allez, on y va. »

************************

L’auberge se remplissait maintenant que le soleil se couchait et que les marchands et les fermiers les plus riches venaient les uns après les autres s’installer pour boire et manger, et aussi profiter de la compagnie des villageois. La plupart des tables étaient occupées et plusieurs têtes se levèrent lorsque Xena poussa la porte et fit passer Gabrielle devant elle.

Les salutations fusèrent depuis toute la pièce, éclairée à présent par des chandelles sur les tables et les torches qui reposaient dans deux appliques sur le mur près de l’entrée de la cuisine. Il faisait chaud, et seule la brise qui venait des fenêtres soulageait la chaleur, en faisant vaciller les flammes comme des colonnes dansantes et l’air était plein de l’odeur de viande rôtie et de la senteur épicée de la bière fraîchement tirée à la pression.

Xena rendit les saluts par des hochements de tête et des signes silencieux comme à son habitude, mais elle ne leur prêta pas plus d’attention, observant l’accueil que recevait sa compagne.

C’était simple. Ils l’adoraient. Elle avait capturé leurs cœurs en hiver et des visages souriants et des bras amicaux l’accueillaient de toutes parts. Xena sentit une profonde chaleur monter dans ses tripes tandis qu’elle regardait la douce étincelle revenir dans les yeux de sa compagne, qui s’arrêtait souvent pour attraper une main tendue ou répondre à un salut chaleureux.

Elle en a besoin. Xena le reconnut tandis qu’elle observait les épaules de la barde se carrer et se redresser, et que le langage de son corps s’animait timidement tandis qu’elles traversaient la pièce. Regarde-la absorber tout ça… bon sang. Cela amena un sourire à ses lèvres qui s’agrandit lorsque la voix de Gabrielle s’éleva avec plus de confiance par-dessus la foule.

Elle s’installa dans un fauteuil à une table où leur famille avait l’habitude de s’asseoir et elle se carra au fond, sa botte contre le pied de table et les bras croisés. Gabrielle était toujours debout, penchée pour répondre à une question de la femme du meunier et riant doucement lorsque celle-ci la réprimanda pour sa minceur. « Je sais… je sais… mais maintenant que je suis ici, je sais que ça ne sera plus un problème », l’assura la barde en se laissant tomber dans le fauteuil près de sa compagne tout en prenant une inspiration profonde. Son regard croisa celui de Xena et elle secoua un peu la tête à son intention. « Ouaouh. »

La guerrière se contenta de sourire. Le visage de sa compagne était coloré et ses yeux contenaient une lueur chaude absolument sans prix pour elle. « On dirait bien que tu leur as manqué. » Elle fit un sourire désinvolte à Gabrielle.

Celle-ci prit une inspiration puis une autre. Elle tendit la main par-dessus la table et mêla ses doigts aux longs doigts de la guerrière. « Tu savais que ça se passerait comme ça, pas vrai ? » Dit-elle d’un ton doucement accusateur.

Xena bougea la tête de gauche à droite et haussa légèrement les épaules. « Je m’en doutais, oui. » Elle jeta un coup d’œil alentours puis regarda à nouveau Gabrielle. « Je suis contente de voir qu’Amphipolis répond à mes attentes. »

La barde se contenta de la fixer un long moment puis se leva brusquement et se jeta sur sa compagne, entourant le cou de la guerrière de ses bras pour la serrer très fort. « Je t’aime », dit-elle dans un murmure sincère.

Xena se sentit rougir lorsque tout le monde les regarda en riant chaleureusement. Elle vit Cyrène sortir pour voir ce qui causait le bruit et elle eut un sourire de travers quand sa mère les repéra et secoua la tête. « Gabrielle… je n’ai rien fait… allez… tout ça c’est pour toi. »

La barde la relâcha et se recula pour qu’elles puissent se regarder. « Désolée… » Elle leva la main et traça affectueusement la ligne colorée sur la joue de sa compagne. « Je ne voulais pas t’embarrasser. » Elle leva les yeux à l’arrivée de Cyrène à leur table et se tortilla pour sauter des genoux de Xena, se laissant tomber dans son propre fauteuil avec un air penaud. « Je euh… on dirait bien que je me montre en spectacle ce soir. »

Cyrène s’assit en face d’elles et effaça un sourire de soulagement sur ses lèvres. « Oh, c’est bon, ma chérie. » Elle fit signe à Johan de les rejoindre. « Merci d’amener le papillon grégaire avec toi. » Elle dit ceci avec un hochement de tête en direction de sa fille aux cheveux noirs, qui leva un sourcil. « Ne me regarde pas comme ça. »

« En fait. » Gabrielle leva la main. « C’était son idée. »

Xena se contenta de se carrer dans son fauteuil et les regarda en appréciant l’échange tout en gardant son expression neutre. Elle sentit un petit coup sous la table et fronça les sourcils. Un autre petit coup et elle se rendit compte qu’on pressait quelque chose de doux et chaud dans sa main, posée sur son genou. Elle plia les doigts autour et son expression se figea totalement pendant un long moment, avant qu’elle ne lève les yeux et croise le regard de sa mère.

Elle y vit une compréhension affectueuse et reçut un bref sourire en échange, tandis qu’elle explorait le petit paquet que sa mère lui avait donné. Un petit sac en tissu, avec deux objets ronds en métal à l’intérieur. Elle savait ce que c’était, et elle était contente à présent de les avoir confiés à Cyrène.

Est-ce que Gabrielle voudra reprendre le sien ? Xena sentit le poids familier du pendentif à son cou et ça la rassura. Elle leva les yeux et fit un sourire à sa mère ainsi qu’un léger signe de tête, avant de remettre le sac dans sa poche de ceinture. Plus tard. Pas ici devant le village tout entier… juste au cas où je me tromperais. Mais elle ne le pensait pas, pas en ce moment, pas avec le toucher tranquille et familier autour de son genou, quelque chose que Gabrielle ne semblait même pas avoir conscience de faire. Les doigts de la barde traçaient la courbe de sa peau et elle les sentait glisser le long de sa cuisse dans une caresse absente.

Xena jeta un coup d’œil et s’installa dans son fauteuil pour saisir une bouffée de brise, et elle remarqua que la pièce était bien peuplée… sans oublier chaude. Puis la main de la barde bougea à nouveau et elle admit pour elle-même que la foule ne causait probablement pas du coup de chaleur. Avec un sourire perplexe, elle se carra contre le dossier et prit une longue gorgée de bière.

Les serveuses apportèrent le dîner et elles se lancèrent dans l’exploration d’assiettées fumantes tout en échangeant des informations sur les quelques mois passés. Gabrielle leur fit un résumé censuré de leurs aventures, sur lequel elles avaient travaillé ensemble avant de venir à l’auberge. Elle laissa de côté les passages les plus durs mais leur raconta les aventures moins risquées qu’elles avaient eues, incluant celles avec les vierges, ce qui fit hurler Cyrène.

D’un accord commun et non dit, elles maintinrent une conversation au ton léger en contournant les sujets douloureux et elles réussirent à passer une soirée sympathique et presque détendue, malgré le fait que Gabrielle s’était soudain rendu compte que tous les regards brillants étaient tournés vers elle et elle se laissa convaincre de raconter une histoire courte.

Qu’est-ce que je vais bien pouvoir leur raconter… La barde retourna cette pensée. Quelque chose de léger… de court… Elle prit une inspiration et observa la pièce, y voyant des visages qu’elle avait appris à connaître au cours des longs mois d’hiver, et elle ressentit un sursaut de nervosité, se rendant soudain compte que ce n’était pas du tout la même chose que de se retrouver devant des étrangers relatifs. Ces gens la connaissaient… la plupart d’entre eux avaient une idée de ce qui lui était arrivé, à elle et à sa compagne assise tranquillement au fond… ça la secouait un peu.

Son esprit se figea et elle sentit son estomac plonger… puis un regard bleu très clair croisa le sien et elle vit le sourire confiant sur les lèvres de Xena, ce qui la remit en selle. Je peux le faire, se dit-elle tranquillement. Elle plissa le front puis leva la main et leur raconta l’histoire d’Hercule et du cochon, qui les fit se tordre de rires, des rires ravis qui la traversèrent et ramenèrent sa confiance en douceur.

Elle reporta son regard sur sa compagne et y vit de la fierté chaleureuse, tandis qu’elle finissait son histoire, et elle accepta les applaudissements enthousiastes avec un sourire intimidé, puis elle fit ses excuses. « Hé… » Protesta-t-elle quand ses paroles furent accueillies avec un chœur de grognements. « La journée a été longue… je vous en dirai plus demain. »

Elle revint vers sa compagne et l’examina, à demi cachée dans l’obscurité contre la cloison. « Je suis exténuée. » Elle se laissa à moitié tomber dans son fauteuil et prit son verre pour le vider d’un trait, puis elle le reposa. « On pourrait penser que j’ai assez dormi aujourd’hui mais je présume que non. » Elle étouffa un bâillement et regarda Xena à la dérobée. La guerrière affichait une très bonne attitude mais Gabrielle connaissait chaque partie de son corps, et pour la barde, la fatigue tendue de sa compagne était douloureusement évidente.

« C’est l’heure de dormir pour les bardes ? » Demanda Xena, contente que l’obscurité cache son propre épuisement. « Ça me parait être une bonne idée. » Elle se leva avec précautions et mit la main sur l’épaule de sa mère. « Bonne nuit… merci pour la compagnie. »

Le regard acéré ne rata rien. « Essaie de te reposer, Xena », répondit tranquillement Cyrène. « D’accord ? »

Un sourire ironique recourba les lèvres de la guerrière. « D’accord. » Elle sentit la main de Gabrielle qui s’installait autour de son coude tandis que la barde la guidait dans l’auberge pour sortir dans la chaude nuit d’été. Je présume que je ne lui ai pas non plus donné le change à elle… songea-t-elle un peu désabusée, mais elle  décida que ce n’était pas vraiment mauvais.

*********************

« Tu t’es amusée ? » Risqua Xena tandis qu’elles marchaient sur le sol en terre battue.

« Tu le demandes vraiment ? » La barde rit doucement. « Xena… je ne m’attendais pas à ce que ça se passe comme ça. » La barde soupira et se passa la main dans les cheveux. « Mais… oui… je me suis vraiment sentie bien », admit-elle avec un sourire ironique.

Xena ressentit une satisfaction tranquille. « Moi aussi. » Elle mit le bras autour des épaules de Gabrielle. « Cette histoire de cochon était amusante aussi… je ne l’avais jamais entendue. »

Cela lui valut un sourire nostalgique de sa compagne. « Je… c’est Iolaus qui me l’a racontée la dernière fois qu’on s’est vus… mais je n’ai jamais eu l’occasion de… je veux dire… je présume que j’ai arrêté de vouloir les raconter. » Gabrielle ferma les yeux lorsqu’elle sentit la douce pression des lèvres sur ses cheveux. « Oui. » Elle soupira doucement. « Tous ces visages amicaux… ça… j’ai vraiment, vraiment apprécié ça. »

« Bien », murmura la guerrière alors qu’elles atteignaient la cabane et elle réussit à rassembler l’énergie nécessaire pour monter les marches et ouvrir la porte. « Ouaouh… » Elle se cala tandis qu’Arès bondissait dans les airs et atterrissait en posant ses pattes avant sur sa poitrine. « Arès… allons… » Le loup lui lécha le visage avec enthousiasme puis tourna son attention vers Gabrielle.

« Oui… oui… je vois bien vers qui tu vas en premier. » La barde lui tira une oreille. « On sait bien qui tu préfères. »

« Seulement parce que je lui donne des friandises », murmura Xena en se laissant tomber sur le lit sur le dos avec un manque de grâce atypique. Le loup sauta près d’elle et se blottit contre elle, le museau posé sur son genou, en laissant passer un soupir satisfait.

« Oh bien sûr. » Gabrielle réfréna un rire. « Regarde-le… un vrai mercenaire. » Elle regarda le loup bouger la tête sur un endroit plus confortable et fermer les yeux de bonheur, puis elle retira ses bottes et alla vers le lit, étudiant la guerrière allongée sérieusement.

« Hé. » Elle regarda les yeux bleus cligner puis s’ouvrir avec effort. « Attends, je vais t’enlever ça. » Ses doigts tirèrent doucement sur les lacets et elle tapota les jambes puissantes tout en retirant les bottes de sa compagne. « Tu sais, Xena… je pourrais être furieuse contre toi de t’être forcée à rester pendant tout  le dîner et toute cette soirée si tu te sens mal. »

Xena ouvrit un œil bleu et la regarda avec nostalgie. « Tu ne dois pas », l'implora-t-elle doucement. « Ça en valait la peine… ton visage le montrait. » La guerrière lutta pour se mettre sur ses coudes et repoussa un épuisement ennuyeux. « Je ne me sens pas mal, vraiment… juste un peu fatiguée. »

Gabrielle grimpa dans le lit et roula sur le côté, puis elle tira la couverture sur elles deux et mit la main sur l’épaule de Xena. « Qu’est-ce que je vais bien pouvoir faire de toi ? » Demanda-t-elle avec un faux soupir tout en la repoussant sur le lit, puis elle mit la main sur son front et fut soulagée qu’il soit frais.

« Tout ce que tu veux », répondit Xena d’un ton fatigué.

« Tout ? » Souffla Gabrielle dans son oreille en se penchant un peu plus.

Xena hocha la tête, un léger sourire sur les lèvres.

La barde traça un dessin au hasard sur la clavicule de sa compagne. « Très bien… alors je veux… passer le reste de ma vie avec toi. »

La guerrière ouvrit les deux yeux et l’étudia sérieusement. « Vraiment ? »

Gabrielle soutint son regard tout aussi sérieusement. « Oui. » Elle posa la main sur la poitrine de Xena. « Je veux dire… » Elle s’interrompit et rassembla ses pensées pendant un instant. « Ça semble étrange de dire ça… c’est comme… et bien, bien sûr, non ? » Elle joua inconsciemment avec la ceinture de la tunique de la guerrière. « Mais je n’ai jamais vraiment réfléchi à devoir prendre cette décision auparavant… J’ai toujours pensé que c’était acquis. Et… et ce soir, pendant que je racontais cette histoire, j’ai levé les yeux et je t’ai vue me regarder… » Un autre soupir. « Et je me suis rendu compte que je ne voulais plus jamais, jamais, lever les yeux et ne pas te voir me regarder ; »

Un signe de tête tranquille. « Alors je présume que tu vas avoir besoin de ceci », Xena glissa un cercle de métal dans la main de la barde et lui referma les doigts dessus. Et elle se contenta d’attendre, le cœur battant si fort qu’elle était surprise que Gabrielle ne l’entende pas. Elle n’avait pas pensé le faire ce soir… mais elle se disait que ce serait mieux de… savoir. Elle ne pouvait pas s’en empêcher… elle avait besoin de savoir… de voir… si Gabrielle accepterait de retrouver cette facette de leur vie.

Gabrielle ferma les yeux et laissa sa tête tomber en avant sur la poitrine de sa compagne, sans regarder ce qu’elle avait dans la main.

Le reconnaissant au toucher.

Elle se souvenait de ce moment douloureux où elle l’avait rendu, sur ce bateau de retour de Chine. Quand elle avait dit à Xena qu’elle pensait ne plus mériter de le porter, et qu’elle avait regardé la guerrière le prendre dans sa main et aller vers la proue du navire, pour se tenir là, le vent fouettant ses cheveux noirs en arrière pour ce qui sembla être une éternité.

Xena ne lui avait plus jamais reparlé de ça. Elle n’avait plus jamais porté le sien après ce soir-là. Gabrielle l’avait soupçonnée de les avoir jetés tous les deux par-dessus bord, pour laisser la mer les emporter.

Mais elle aurait dû être plus avisée. Xena ne les aurait jamais abandonnés, du moins pas à Poséidon.

« Merci », murmura Gabrielle tranquillement, le visage toujours enfoui dans le tissu bleu foncé. Elle sentit la poitrine de Xena se soulever quand celle-ci prit une inspiration profonde et entendit son cœur agité commencer à ralentir. « Tu… ne sais pas combien j’ai regretté d’avoir fait ça. » Elle se laissa tomber sur sa compagne et sentit les bras puissants se refermer autour d’elle. « Combien de fois j’ai… oh par les dieux, Xena… je suis tellement désolée. »

« C’est bon », répondit Xena quasiment dans un murmure. « Je suis désolée aussi. » Elle approcha la tête de la barde et déposa un baiser. « On aurait dû se parler plus… je ne peux pas croire que j’ai laissé les choses aller si loin… et je ne pouvais pas… te parler de tout ça. »

Gabrielle se laissa glisser et se mit à sa place préférée avec un sentiment merveilleux de soulagement. Elle glissa la bague à son doigt et ferma sa main en un poing, faisant passer son pouce sur l’anneau de métal. « Est-ce que… tu… » Un doute l’assaillit… est-ce que Xena avait gardé le sien ? Puis elle se souvint des minuscules morceaux de parchemins pliés que sa compagne avait gardés. « Tu as toujours le tien ? »

En réponse, Xena plia la main devant les yeux de la barde. Gabrielle l’attrapa et apporta la peau chaude contre ses lèvres où elle la retint. « Tout signifie tellement plus maintenant », dit-elle doucement. « Même les petites choses. »

« Mmm », murmura Xena. « Tu as raison. » Curieusement, sa fatigue diminua légèrement. « Je pense que les petites choses font encore plus mal… on ne se rend pas compte qu’elles sont là… jusqu’à ce qu’elles disparaissent. »

La barde posa le visage sur la poitrine chaude de Xena. « Je sais… comme quand tu me laisses m’énerver sur toi. »

« Comme quand tu me souris », répondit Xena d’une petite voix.

Gabrielle leva la tête et regarda sa compagne, et les ombres d’une douleur rappelée dans ses yeux à demi clos. « C’est tellement douloureux à cause de la force de ce que nous avons, Xena… j’ai raison ? »

La guerrière hocha doucement la tête. « Oui… et je suis contente que ce soit aussi fort. » Elle se releva à demi et embrassa doucement sa compagne.

La barde sentit le goût rémanent des gâteaux au miel et du cidre qu’elle avait bu, et sans même y réfléchir, elle répondit, se blottit un peu plus et entoura la nuque de Xena de sa main, sentant la douceur soyeuse des cheveux noirs de la guerrière sur sa peau. « Mm. » Elle tenta de contrôler la réaction de son corps, se souvenant que sa compagne était malade, mais ça ne sembla pas marcher tandis que ses mains glissaient délicatement sur le tissu et se frayaient un chemin pour atteindre la peau chaude.

Avec un léger grognement, elle s’écarta et prit une profonde inspiration pour calmer sa respiration saccadée. « Heu… »

Xena traça sa joue de ses doigts et attira son visage vers le bas ; elle sentit les bras de la guerrière l’entourer et la rapprocher, de telle façon que leurs corps soient en contact sur toute leur longueur. C’était une explosion chaude et profonde de sensations et elle était à peine consciente que son esprit envoyait une protestation légère et futile, et même inutile face au chatouillis sensuel qui suivait le toucher de Xena qui remontait lentement sur sa peau. « Je pensais que… tu étais malade. » Réussit-elle à dire dans un souffle.

La guerrière temporisa sa réponse et fixa la barde avec une expression de regret nostalgique. « Je me sens soudain mieux. » C’était presque vrai en fait… l’épuisement minant luttait dans une bataille féroce avec une poussée de désir. Elle les mettait à égalité pour savoir lequel finirait par l’emporter et de regarder  les yeux au vert profond brumeux si près des siens, changeait rapidement la donne.

Gabrielle savait qu’elle devrait mettre fin à ça mais le toucher continuait à caresser sa peau affectueusement et elle se rendit compte qu’elle voulait ceci, qu’elle voulait que la passion sauvage qu’elle pouvait ressentir entre elles l’emporte, et qu’elle emporte avec elle les souvenirs horribles et sales hors de son esprit, et hors de son cœur. Elle se laissa aller dans le toucher de Xena, ses mains débouclant la ceinture de la guerrière et elle vit le sourire sensuel s’installer sur les lèvres de sa compagne à ce contact. « Tu… me promets… » Elle céda et ses lèvres mordillèrent la clavicule de la guerrière. « Tu me dis si c’est trop, Xena. »

Xena se laissa agréablement emporter par la sensation brûlante et tempétueuse que le contact de la barde lui apportait. Elle mordit légèrement le lobe d’oreille tout proche et souffla sa réponse. « Désolée… je ne peux pas te le promettre. » Sa voix baissa jusqu’à son registre le plus bas et le plus grondant, et elle entendit l’inspiration rude de Gabrielle. « Mais tu me dis si c’est trop pour toi, ma barde… d’accord ? »

Gabrielle sentit qu’elle perdait le contrôle et elle se laissa aller, faisant confiance à leur lien pour que tout aille bien. « Je ne peux pas le promettre non plus. » Ce fut ses derniers mots avant que le désir enfoui dans son corps ne la submerge complètement.

C’était comme une première fois, à nouveau… avec Xena si douce et si patiente avec elle, ne la bousculant pas, ne demandant rien… laissant simplement sa connaissance du corps de Gabrielle l’emporter rapidement au-delà de toute pensée, ou de toute crainte. Elle y ouvrit son cœur, sentant que la puissance qui montait entre elles emportait tous ses souvenirs de Dahak et les réduisait en miettes, les entrainant loin de sa vie, de son esprit et de sa réalité.

Elle n’était pas sûre de savoir comment sa chemise avait disparu mais elle se rendit compte alors que c’était la même chose pour celle de Xena, et elles glissaient l’une contre l’autre, peau contre peau, tandis que son corps se souvenait de combien il aimait le contact doux de son âme-sœur. Elle était un peu nerveuse, encore consciente des flammes taraudantes qui avaient détruit son sommeil pendant de longs mois, et qui le feraient encore si l’étreinte sécurisante de Xena ne les tenait pas à distance la nuit. Mais ces souvenirs refluaient, repoussés par le contact des doigts de Xena remontant sur son ventre et traçant des dessins légers sur ses seins.

Xena bougeait avec précautions, avec prudence, laissant ses sens s’étendre pour capturer le rythme du cœur de la barde et sa respiration, retenant presque son souffle tandis que ses mains et ses lèvres cherchaient les endroits les plus sensibles chez sa compagne. Elle passa légèrement la main sur la hanche nue de la barde et ses doigts suivirent la courbe des muscles puissants de sa cuisse, sentant le mouvement sensuel du corps de Gabrielle contre le sien. Elle sentit la poitrine de la barde se soulever lorsqu’elle relâcha un tout petit cri, et elle leva la main immédiatement pour entourer la joue enflammée. « Hé… ça va ? »

« Ou… oui. » Gabrielle cligna des yeux et les ouvrit et elle essaya de reprendre son souffle. « C’est juste que… c’est si bon. »

La guerrière sourit affectueusement et l’embrassa, et elle regarda le sourire tremblant qui grandissait sur les lèvres de sa compagne. Elle tourna son attention sur la mâchoire de Gabrielle, sentant le mouvement lorsque la barde déglutit et elle mordilla la peau sensible sur le pouls, qui battit rapidement sous ses lèvres. C’était si bon de faire ça… quelque chose qui lui avait manqué plus qu’elle ne l’aurait cru pendant les longs mois de leur éloignement. Quelque chose de plus que la jouissance physique… qu’elle pouvait trouver chez n’importe qui, comme elle l’avait dit un jour à Gabrielle. Sans le sentiment, l’acte ne signifiait… rien. Avec lui, même le contact le plus simple touchait votre âme… et de l’avoir connu… d’avoir ressenti la passion honnête qui avait caractérisé le moindre de leur contact…

De l’avoir perdu… par les dieux. Et maintenant, tandis qu’elle se promenait doucement et avec précautions le long du corps de la barde, s’arrêtant dans des endroits familiers pour les mordiller légèrement, et de sentir le contact connaisseur de Gabrielle en retour… c’était si doux. Elle atteignit le nombril de la barde et le mordilla avec excitation autour de la zone sensible, sentant les muscles se contracter fortement sous la peau et elle sentit le toucher chaud de Gabrielle dans ses cheveux et sur ses épaules.

Gabrielle s’enroula autour de sa compagne, enfouissant son visage dans les longs cheveux noirs, inspirant son odeur, laissant ses doutes s’envoler tandis qu’elle se concentrait sur le chatouillis brûlant que Xena excitait en elle ; elle sentait ce puits noir dans son esprit se tortiller pour maintenir la terreur, désespéré de vouloir conserver sa prise mais impuissant face à l’amour et à la confiance qu’elle souhaitait offrir à nouveau à la guerrière.

Et c’est ce qu’elle fit tandis que les sensations montaient en elle, elle rappela volontairement les souvenirs du temple et du feu et elle les laissa partir, les regardant se détruire et se dissoudre sous le renouveau de ces connexions particulièrement intimes. Elle laissa son propre instinct se relâcher et elle sentit une joie douce et profonde couler en elle tandis qu’elle traçait des dessins sensuels sur la peau bronzée qui se tendait en reconnaissance, puis elle frissonna quand un souffle chaud fit venir la chair de poule le long de son ventre.

Son cœur se mit à battre rapidement et une vague de sensations frissonnantes la traversa tandis qu’elle donnait le plein contrôle aux mains expertes de sa compagne et laissait Xena la prendre dans une explosion brûlante de passion.

Elle finit par être consciente de la faible brise qui la chatouillait sur ses épaules nues tandis qu’elle était allongée là, incapable de bouger, son corps tremblant en rythme avec sa respiration, uniquement consciente de l’odeur de Xena et des touchers de plume sur la peau de son dos, et du battement de cœur rapide sous son oreille.

Elle était libre. Elle pouvait sentir l’angoisse et la douleur se transformer lentement et se modifier… devenir quelque chose dont elle se souviendrait toujours, mais qui ne serait plus jamais tapi au fond d’elle dans ses ombres malveillantes et taraudantes. Dahak l’avait blessée… il l’avait utilisée dans une intention maligne qui l’avait grandement déchirée intérieurement… mais il y avait un noyau en elle qu’il ne pourrait jamais toucher… une part d’elle qui était tellement verrouillée que même sa force meurtrière ne pourrait y pénétrer.

Seule Xena en avait la clé. Et si la guerrière avait choisi de ne pas retirer les murs qu’elle avait construits autour de son propre cœur, alors cette partie d’elle-même aurait été perdue et elle le savait.

« Ça va ? » La voix de Xena lui parvint grondante sous son oreille, à la fois verbalement mais aussi à travers les vibrations qui envoyaient des chatouillis dans ses sens.

Elle réussit, sans trop savoir comment, à rassembler péniblement la force pour lever la tête et elle roula sur le côté, étudiant le profil sombre à travers ses yeux mi-clos. « Heu… à la perfection, merci. » Elle frotta légèrement sa joue contre la peau de Xena et hocha la tête d’approbation quand le battement de cœur sous son oreille ralentit et se stabilisa. « Et toi ? » La respiration de Xena était toujours saccadée et elle libéra une de ses mains agrippée au corps de la guerrière pour commencer à tracer doucement la poitrine qui se soulevait de manière erratique, souriant quand le rythme s’apaisa d’un seul coup.

« Mm. » Xena ferma les yeux. « Génial. » Puis elle se força à rouvrir les yeux. « Tu… euh… » La guerrière la regarda avec incertitude. « Tout va bien là-haut ? » Elle repoussa très doucement des doigts les cheveux trempés du front de la barde et s’arrêta, lorsqu’elle vit les larmes qui coulaient le long des joues de la jeune femme. « Gab ? »

« Tu sais… » La voix de Gabrielle tremblait. « Il a fallu que je réfléchisse à ce que tu voulais dire là ? » Elle déposa des baisers légers sur la peau à sa portée et relâcha un long soupir de soulagement en sentant toute cette chaleur amicale. « Tout va très très bien. »

Cela lui valut un vrai sourire de la part de Xena, fatigué mais honnête, et la guerrière tira la couverture légère en coton sur ses épaules nues et la serra autour de leurs corps emmêlés. « Je suis contente », répondit-elle simplement, laissant l’épuisement la submerger enfin. « Je t’aime. »

Gabrielle la regarda et cligna de ses yeux remplis de larmes.  « Je t’aime aussi. » Elle laissa retomber sa tête et ferma les yeux, s’enfonçant dans le sommeil avec un sourire de soulagement.

******************

Une pluie légère tombait, mouillant le bord du porche en bois et obscurcissant le soleil agité qui envoyait occasionnellement un rayon timide vers le sol ; celui-ci se réfléchissait sur les feuilles et éclaboussait de temps en temps de lumière grise le parchemin posé sur les cuisses de Gabrielle. La barde était assise, ou plutôt affalée dans un des grands fauteuils, une jambe passée par-dessus un bras et la tête posée contre le dossier. Elle faisait tourner une plume entre ses doigts en relisant ce qu’elle venait d’écrire dans son journal et réfléchissait à ce qu’elle pourrait y ajouter.

Ça fait deux jours que nous sommes ici. Je pensais qu’il faudrait bien plus de temps mais je me sens déjà bien mieux… par les dieux… je me sens totalement différente même. Ou peut-être que je me sens plus comme j’avais l’habitude d’être… oui… je suis retombée dans la routine de ces lieux plutôt facilement et je pense que ça a fait une vraie différence dans la façon dont je me sens et comment je me vois moi-même.

La nuit dernière n’a pas été douloureuse. Ouaouh. Je ne sais pas ce qu’il y a avec Xena… ok bon, si, je sais, mais… quand même, elle peut me faire me sentir complètement retournée de l’intérieur vers l’extérieur… d’un simple regard. Hé… rien que d’y penser, j’en ai la gorge sèche. C’est bizarre… mais c’est comme si mon corps était tellement accordé à elle que je… Ouaouh. Il faut que j’arrête ça. Mais je ne peux pas m’en empêcher – c’est si bon quand elle me touche… ou qu’elle me serre contre elle… et ça arrive tout le temps.

Pfiou. Calme-toi, Gabrielle.

Je me suis un peu inquiétée pour elle… mais elle semble aller mieux ce matin, redevenue elle-même. Je pense qu’elle a juste été dépassée par ce truc parce que le guérisseur d’ici dit que ça va bien. Il l’a examinée ce matin sur l’insistance de maman, mais je pense que ça l’a fâchée. Xena, je veux dire. Il a fallu que je rappelle à maman de prendre un peu de distance… parce que si on en fait trop, elle va commencer à masquer quand elle va mal, juste pour éviter qu’on l’embête avec ça. Elle s’est un peu mordu la lèvre puis elle a admis qu’elle avait oublié et elle a un peu laissé Xena tranquille après.

Mais bien sûr, Xena étant ce qu’elle est, s’est sentie obligée de prouver qu’elle allait bien en se portant volontaire pour aller avec l’équipe de ramassage de myrtilles ce matin. J’allais aussi y aller mais Josclyn avaient deux contrats à transcrire et il m’a demandé de l’aider. J’espère qu’elle n’en fera pas trop… elle a l’air d’aller bien ce matin mais… bon on allait bien toutes les deux ce matin.

Bon sang, oui qu’on allait bien. J’ai même abandonné l’idée de lui apporter son petit déjeuner au lit et on a passé une éternité à rester juste là toutes les deux, et à parler… elle a même fait un bon mot.

Elle m’a rendu la bague hier soir. J’ai passé beaucoup de temps assise sur ce porche à la regarder après le petit déjeuner. Elle est vraiment jolie… la crête du faucon et toutes ces gravures. Et l’intérieur où elle a fait graver nos noms et la date de notre union ici. Elle est si belle et elle signifie tellement pour moi, je ne peux pas croire que je suis en train de la tenir dans ma main. Et c’était tellement… Xena… pas d’histoire, pas de discours, juste ‘tiens’ et voilà. Je sais qu’elle a souffert quand je la lui ai rendue, autant ou même peut-être plus que moi, mais elle garde tout en elle.

Je m’inquiète pour ça parfois… parce que quand elle laisse tout sortir finalement, comme dans cette petite grotte où Solan est né, ça devient vraiment, vraiment intense. Mais je ne pense pas que je vais la changer, je vais juste essayer d’être là pour elle.

Comme elle était là pour moi hier soir… je sais qu’elle était plus qu’épuisée mais elle a repoussé ça tout au fond d’elle comme elle le fait toujours et elle l’a dépassé pour moi. Comme elle le fait toujours. Elle me fait me sentir tellement spéciale… je souriais encore quand je me suis réveillée.

Le bruit de pas de course attirèrent son attention et elle regarda arriver un des gars du village qui dévalait la route jusqu’au centre du village. Il la vit et changea brusquement de direction. « On… on a besoin d’aide… une civière. »

Gabrielle prit difficilement une goulée d’air. « Qu’est-ce qui s’est passé ? »

« Des brigands », cria-t-il en continuant à courir.

********************

L’air matinal, épaissi par l’humidité, semblait s’installer autour d’elle, mais Xena l’ignora allègrement et attrapa un autre buisson de mûres dont elle extrait les fruits dodus, évitant avec soin les épines en les déposant dans le panier passé sur son épaule.

Elle jeta un rapide coup d’œil autour d’elle et en mit une dans sa bouche, savourant l’explosion de jus sucré avec un plaisir coupable. Ce n’était pas la première qu’elle détournait et, elle se l’avoua joyeusement, ce ne serait pas la dernière parce que les fruits étaient juteux et trop bons pour s’en priver.

Le soleil réchauffait ses épaules et elle leva les yeux pour le voir pointer son nez à travers les nuages. Un oiseau atterrit tout près et son regard s’attarda sur lui, incapable de repousser le sentiment chaleureux et doux d’un plaisir presque vertigineux qui s’était blotti dans sa  conscience toute la journée.

Ça avait été fantastique de se réveiller ce matin. Un sourire étira ses lèvres et elle déroba une autre baie, la mâchant en fermant les yeux et en se souvenant du moment merveilleux où elle avait émergé, avec le poids compact et nu de Gabrielle étalée sur elle dans un abandon total. La barde s’était réveillée quelques minutes plus tard et avait cligné des yeux, puis elle avait soupiré d’aise et s’était blottie un peu plus, envoyant des courants plaisants le long de son corps.

Une barrière était réellement tombée entre elles. Elle ne s’était jamais sentie aussi ouverte… aussi vulnérable… C’était absolument fantastique.

Et même si elle avait rassuré sa compagne sur ce point, Gabrielle avait insisté pour qu’elle reste au lit et était allée à l’auberge pour rapporter un panier chargé de plusieurs petites choses cuites et de fruits. Elle avait entouré le panier de ses bras et avait partagé son contenu entre elles, alternant des bouchées et des baisers jusqu’à ce qu’elles soient totalement rassasiées et plaisamment conquises l’une par l’autre. 

Cela avait fait renaître tant de souvenirs… Xena soupira et se força à retourner son attention vers les baies, tentant d’ignorer les regards en coin brillants qu’elle recevait de ses compagnes de cueillette. J’ai dû oublier où j’étais, en conclut la guerrière d’un air désabusé tout en sautant sur un rocher pour attraper une grosse branche.

Mais elle était contente de voir que son corps coopérait plus aujourd’hui, bien qu’un peu à contrecœur. Bien que la fatigue taraudante fut toujours présente, elle était plus éloignée et elle n’était pas aussi fatiguée qu’elle l’avait été la veille. Je me demande ce que ça peut bien être, par Hadès ? Songea-t-elle en soupirant. Ça doit être un reste de cette maudite fièvre… Mais le sommeil et être à la maison semblaient lui faire du bien et quant à sa compagne…

Xena sourit tranquillement. Elle avait observé Gabrielle tourner dans la cabane après leur petit déjeuner plaisant et toucher avec douceur les choses diverses éparpillées dans la pièce, et elle avait apprécié le sourire qui sculptait les lèvres de la barde. Elle semblait déjà aller mieux, se dit la guerrière. Les ombres noires sous ses yeux avaient diminué et même la façon dont elle bougeait semblait… différente. Plus confiante, en tous cas plus à l’aise.

Elle sentit qu’on tirait sur sa tunique et ça la sortit de sa rêverie. Elle baissa les yeux un peu surprise.

« Salut. » Un petit garçon aux cheveux ras tira à nouveau. C’était le fils d’une des femmes qui ramassaient les baies et dont le mari avait une boutique de tisserand au village.

« Oui ? » Répondit Xena en adoucissant consciemment sa voix.

Le garçonnet montra le haut du doigt. « Trop haut. » Il fronça les sourcils vers l’épaisse grappe de baies au-dessus de sa tête.

La guerrière regarda les baies puis le garçonnet, consciente du regard de sa mère qui l’observait furtivement. « Tourne-toi. »

Il fit la moue « P’quoi ? »

Xena haussa un sourcil. « Parce que je te le demande. »

Le regard marron la jaugea puis le garçonnet fronça à nouveau les sourcils. « Ok. » Il se tourna en sautillant un peu.

Xena ressentit une piqûre de nostalgie en le soulevant doucement pour le mettre sur ses épaules, et en entendant le rire ravi du garçonnet qui leva la main pour secouer rudement la branche. Des images de Solan la frappèrent avec douleur mais elle se contenta de déglutir et garda une prise ferme sur les jambes remuantes tandis que les baies tombaient autour d’eux. « Hé… » Réussit-elle à dire dans un hoquet. « Tu essaies d’en mettre un peu dans le sac, ok ? »

« Maman… regarde ! » La voix enfantine haute perchée la déchira intérieurement mais elle mit ça tranquillement de côté. Le garçonnet attaqua vigoureusement le buisson, réussissant à capturer quasiment tous les fruits dans son sac. « Mmm. » Il en fourra quelques-uns dans sa bouche et mâcha, laissant le jus couler le long de son menton en gloussant. « T’en veux ? » Il en offrit hardiment un grand spécimen à Xena qui l’accepta solennellement. « Ok… fini… tu me promènes ? »

Xena, poney guerrier. C’était une pensée faite à moitié de tristesse, à moitié d’autodérision. « Bien sûr. » Elle monta vers l’endroit où la mère du garçonnet se tenait et s’essuyait le front et elle le déposa, le laissant rebondir près de la femme en sueur. « Et voilà. »

La femme ébouriffa les cheveux de son fils et regarda la grande guerrière timidement. « Merci Xena… il va en parler pendant un bon mois. » Elle s’interrompit et tendit la main avec hésitation pour toucher le bras de Xena. « On a appris… je suis tellement désolée. »

Il fallut un long moment avant que la boule dans sa gorge ne descende suffisamment pour qu’elle puisse parler. « Merci… » La guerrière inspira. « Je te remercie. »

Une seconde femme plus âgée arriva tout près et lança un regard de sympathie à Xena. « Si… s’il y a quelque chose qu’on peut faire, Xena… si tu as besoin de parler à quelqu’un, on est là pour toi. »

C’était si inattendu qu’elle dut prendre un long moment avant de trouver une réponse à faire. Cela l’émouvait, ça touchait quelque chose de profondément enfoui, créant un pont au-dessus de l’énorme gouffre qu’elle avait toujours ressenti entre elle et les habitants de sa ville natale. « Je… heu… merci. Je… vraiment… » Elle hésita, sentant les regards sur elle. « Ça me fait plaisir… vraiment. »

La femme plus âgée se rapprocha et ouvrit la bouche pour parler, puis elle s’interrompit quand elle vit Xena se raidir.

Des bruits de sabots. Xena les entendit un moment après avoir senti la vibration dans ses bottes. Elle se retourna et étudia la zone, pestant contre les herbes à hauteur de poitrine qui bloquaient son champ de vision. « Quelqu’un arrive », leur dit-elle brusquement. « Des cavaliers. »

Les femmes échangèrent des regards anxieux et deux d’entre elles attrapèrent le bras des quatre ou cinq enfants qui les accompagnaient, les entrainant au fond des buissons tandis que le bruit des chevaux leur parvenait également.

Les herbes s’aplatirent et six cavaliers s’arrêtèrent brusquement en les voyant, leurs regards se régalant de cette vue. « Oh ho… qu’est-ce qu’on a là ? » Le chef du groupe produisit un sourire édenté. « Oooh… je vois des fruits juteux, les gars. » Il se lécha les lèvres et bougea sur sa selle, faisant avancer son cheval. Puis il s’arrêta un peu lorsqu’une des villageoises sortit du groupe et se mit bravement dans son chemin.

Grande. Son regard la jaugea. Des cheveux noirs comme la nuit et des yeux bleus comme la glace… on peut dire qu’elle a du chien. Il eut un sourire admiratif. Mais elle était habillée comme les autres et elle portait un panier rempli de baies sur son épaule… c’était juste une autre cible… « Salut, jolie madame. » Son regard jaugea la forme élancée de haut en bas.

La femme haussa un sourcil et mit les mains sur ses hanches. « Tu veux quelque chose ? »

« Oh oui… » Il fit avancer son cheval jusqu’à être à sa portée. « Je t’échange du boooooon temps contre ces baies… qu’est-ce que t’en penses ? »

La femme sourit, faisant apparaître des dents très blanches en contraste avec sa peau bronzée. « J’en pense que tu pourrais ficher le camp d’ici et je ne te briserai pas les jambes, qu’en dis-tu ? » Répliqua-t-elle d’un ton de conversation. « Ça te parait bien comme marché ? »

Il rit et se tourna vers ses compagnons. « Allez… on va s’amuser. » Il se tourna alors rapidement et lança sa monture vers l’avant, retirant une petite masse de sa sacoche de selle et dirigeant un coup vers la tête de Xena.

Je ne suis vraiment pas en forme pour ça. Xena soupira intérieurement en laissant tomber son sac et en s’accroupissant, attendant qu’il vienne assez près pour qu’elle puisse l’attraper. Elle évita son coup maladroit, s’accrocha à son bras et tira fort, le faisant brusquement tomber de l’animal et le lâchant lorsqu’il atteignit le sol. Elle se retourna alors et se baissa sous l’épée d’un de ses compagnons, cognant le cavalier dans les reins et le faisant tomber en avant sur sa selle, puis elle donna une tape au cheval qui le fit partir au galop.

Un troisième l’attaqua et elle sortit de son chemin, donnant un coup de pied au menton de son premier adversaire qui fit tourner sa tête rudement sur le côté. Elle évita à nouveau le troisième cavalier, puis se figea, lorsqu’elle vit la petite silhouette déterminée qui courait vers eux, poursuivie par une femme aux yeux fous. Bon sang. Elle jeta un coup d’œil et prit deux longues enjambées, se propulsant en l’air pour atterrir brutalement sur le troisième cavalier, les emportant tous deux du dos du cheval pour tomber sur le sol qu’elle frappa avec un craquement d’os.

Mais elle fut vite debout, le garçonnet dans ses bras et elle l’emportait hors du chemin des quatrième et cinquième cavaliers, qui passèrent dans un grondement au-dessus de son corps plié, les sabots de leurs chevaux la ratant par un quelconque miracle. Elle se redressa et envoya doucement l’enfant dans un carré d’herbes tout près. « Reste là », lui ordonna-t-elle, en se retournant pour repartir en trombe, à temps pour attraper la veste en cuir du cinquième cavalier et le faire tomber de son cheval, envoyant son coude dans sa mâchoire et le sentant s’effondrer dans ses bras. Elle le laissa tomber au sol et cria un avertissement mais la femme qui courait ne put s’arrêter à temps et le quatrième cavalier la percuta, l’envoyant contre un arbre proche.

Xena jura et s’abaissa pour soulever un caillou qu’elle envoya par un grand geste de côté du bras et qui frappa la tête de l’homme, le faisant s’effondrer sur sa selle. Son cheval prit peur et partit au galop, fonçant à travers les herbes pour disparaître au loin. Elle le regarda partir puis fit un cercle lent sur elle-même, sentant que le danger était écarté. Soit les cavaliers s’étaient enfuis, soit ils étaient prostrés sans bouger dans l’herbe, et elle relâcha un long souffle saccadé avant de se diriger vers l’endroit où la femme était allongée, la tête soutenue par l’aînée tremblante.

La femme leva les yeux à l’approche de Xena et déglutit. « Sa jambe. »

La guerrière regarda et tressaillit. La jambe de la femme était méchamment brisée, la partie la plus basse presque à angle droit. « Très bien. » Elle regarda autour d’elle et vit un cercle de regards horrifiés qui l’observaient. « Toi. » Elle repéra un garçon plus âgé. « Retourne au village… on va avoir besoin d’une civière pour la ramener. Cours. »

Et c’est ce qu’il fit, filant à travers les herbes en direction de la route. Xena relâcha un long souffle et regarda la femme blessée qui mordait son poing pour s’empêcher de hurler de douleur. « Tiens bon », dit la guerrière d’une voix basse et calme et elle frappa deux points de pression, observant le corps raidi se détendre tandis que la jambe perdait toute sensation. « Très bien… toi, tiens bien son bras, » indiqua-t-elle à l’ainée. « Et toi, tu tiens ce bras-là, et préparez-vous. »

Elles firent comme demandé, entourant les bras de la femme des leurs et la fixant dans un silence tendu.

Xena hocha la tête, puis referma doucement les mains autour de la jambe de la femme, puis elle cala son pied contre une racine d’arbre tout en tirant lentement et régulièrement le membre jusqu’à ce qu’il soit droit, et elle sentit le léger clic de frottement quand les os se réalignèrent. Un soupir de soulagement traversa le cercle des observateurs et deux femmes s’avancèrent avec des branches déjà taillées puis s’agenouillèrent, les lui tendant.

« Bien vu. » Elle étudia les branches et les posa le long de la jambe blessée, puis elle regarda sa ceinture de tunique qu’elle déboucla, l’utilisant pour sécuriser un bout de l’attelle artisanale. Elle sentit une main sur son bras et leva les yeux pour voir la mère du garçonnet qui lui tendait un morceau de corde qu’elle avait utilisé pour soutenir son panier. « Merci. » La guerrière lui sourit puis fixa fermement la partie haute de l’attelle.

« Bien. » Elle obtint l’attention de la femme blessée. « Ecoute… il faut que je relâche le blocage… et ça va faire mal… mais pas autant qu’avant, d’accord ? »

Les yeux de la femme blanchirent et elle leva à nouveau son poing vers sa bouche, mordant une de ses phalanges avant de faire un seul et rapide signe de la tête pour Xena. La guerrière fit une légère tape sur sa jambe valide avant de relâcher le point de pression, observant le corps de la femme se raidir, puis très lentement, se détendre tandis que la douleur se calmait. « Ça va ? » Demanda doucement Xena.

La femme aux cheveux clairs hocha lentement la tête et tendit une main tremblante pour attraper celle de Xena et la presser. « Merci », murmura-t-elle d’une voix rauque. « Le bébé… il courait… où est-il ? »

« Ici, Hanna. » La mère du petit garçon se rapprocha, en portant son enfant couvert de terre. « Il a été méchant et je suis tellement désolée. » Elle lança un regard sévère à son fils. « Rivas, excuse-toi… regarde ce qui est arrivé. »

Il fit la moue. « Désolé. »

Xena entoura son genou de son bras et étudia le garçon. « Quand on te dit de rester où tu es, tu devrais écouter », lui dit-elle en lui lançant un de ses regards les plus sévères.

Il fit une moue encore plus grande. « J’voulais t’aider. » Il tira sur une de ses mèches de cheveux noirs. « Cogner les hommes. » Il remua un petit poing. « Boum boum ! »

La guerrière lutta pour réfréner un sourire ironique. « Pas avant que tu soies bien plus vieux, mon pote », dit-elle d’un ton grondant. « Je peux très bien m’occuper d’eux toute seule. » Elle échangea un regard avec sa mère et secoua la tête, refermant la porte sur ce qui avait pu la tarauder. Des pas de course lui firent lever la tête et elle se retourna quand elle sentit une présence familière.

Puis une main toucha son épaule. « Hé… » Gabrielle se mit sur un genou près de sa compagne. « Qu’est-ce qui s’est passé ? » La respiration de la barde était saccadée et elle transpirait.

Xena mit une main sur son dos et le massa. « Calme-toi… » Dit-elle d’une voix basse. « Des ordures qui cherchaient les ennuis », ajouta-t-elle à voix haute, en montrant les silhouettes toujours immobiles.

La barde prit une inspiration profonde et se passa la main dans les cheveux pour les pousser en arrière. « Je vois qu’il les ont trouvés. » Elle fixa sa compagne. « Toi, tu vas bien ? »

« Parfaitement bien », répliqua Xena d’un ton neutre. « De l’aide arrive ? »

« Oui… » Gabrielle tendit le cou, en posant légèrement la main sur l’épaule de sa compagne pour garder l’équilibre. « Ils devraient être juste derrière moi… » Elle s’interrompit. « Quoique… je me suis plutôt précipitée pour venir ici. » Elle prit une inspiration profonde et la relâcha. « Pfiou. »

Xena sourit et lui tapota le côté. « Je vois ça. » Elle se tourna vers la femme blessée. « Ça va aller. » Elle leva les yeux vers les herbes qui se séparaient à nouveau et quatre villageois en sortirent, portant une civière. « Par ici. » Elle se leva et recula quand les quatre hommes arrivèrent en courant, en mitraillant de questions, auxquelles l’aînée répondit avec impatience. Gabrielle recula avec elle et se tint à côté d’elle, les regardant tranquillement poser la femme sur la civière et la soulever.

Le petit groupe repartit, la civière en premier, entourée de femmes bavardant, laissant Xena et Gabrielle fermer la marche.

Xena prit son panier et le passa sur son épaule avant de rejoindre la barde, son bras posé nonchalamment sur les épaules de la jeune femme. « Comment s’est passée la transcription ? »

Gabrielle entoura fermement la taille de la guerrière de son bras en sentant sa démarche légère chancelante. Elle lança un regard à Xena et ne fut pas surprise de voir celle-ci baisser les yeux et s’appuyer un peu plus contre elle. « Parfaitement bien, hein ? » L’accusa-t-elle gentiment en secouant la tête. « Qu’est-ce que je vais bien pouvoir faire de toi ? »

Xena soupira et donna un coup de pied dans une pierre sur son chemin. « Je pensais y avoir répondu la nuit dernière », dit-elle d’un ton grognon, en regardant en coin pour voir le sourire rapidement effacé sur les lèvres de la barde. « Je vais bien… vraiment… bien mieux qu’hier… et je viens de battre une demi douzaine de types… lâche-moi un peu, tu veux ? »

« Eeeeet bien… » La barde fit semblant de réfléchir. « Je pense que je peux. » Elle continua en silence pendant un moment, écoutant le chant paresseux des oiseaux et le sifflement de l’herbe, observant Xena du coin de l’œil. Elle finit par inspirer. « Tu veux en parler ? »

Un long silence tandis qu’elles marchaient au même rythme sur le chemin. « Tu le sais toujours, pas vrai ? » Finit par dire Xena, d’un ton tranquille et sérieux.

« Toujours », répondit la barde, tout aussi sérieusement. « C’est la bagarre ? »

Un mouvement de la tête brune. « Non… ça, ça s’est bien passé… ou plutôt, disons… aussi bien que ça se passe toujours. » Elle leva sa main libre et la laissa retomber. « C’est juste que je… ce petit enfant… il… » Elle relâcha un long souffle. « C’est idiot d’y penser. »

Solan, réalisa Gabrielle en regardant devant elle, repérant l’enfant qui avait la tête posée sur l’épaule de sa mère et le regard vissé sur sa compagne. Oh. Elle pinça les lèvres. « Xena… »

« C’est… tu sais, je ne m’autorise pas à penser à comment il était… à cet âge-là… je ne sais pas pourquoi… » Xena se contenta de soupirer. « Ce n’est pas comme si je l’avais vraiment connu. » Elle regarda le visage figé de sa compagne d’un air malheureux. « Je… je suis désolée, Gabrielle… ce n’est pas juste de ma part de même t’en parler. » Elle hésita. « Non ? »

La barde sentit un nœud se dénouer dans sa poitrine en entendant ces mots. « Xena… merci de t’en rendre compte. » Elle prit une inspiration lente. « Mais ce n’est juste pour aucune de nous… tu peux te rendre folle en pensant à ‘et si’ comme ça. » Elle soupira et posa la tête contre l’épaule de la guerrière. Elle tourna le regard et étudia le profil tendu, à demi obscurci par les cheveux noirs balayés par le vent. Elle débattit intérieurement un long moment puis prit une inspiration. « Xena… tu sais… heu… » Elle sentit que sa compagne se tournait légèrement pour la regarder.

C’était difficile. C’était une chose à laquelle elle pensait depuis un moment déjà… depuis que cela commençait à aller mieux entre elles. Mais elle n’avait aucune idée de la façon dont Xena allait réagir à sa suggestion. « Tu peux… me crier dessus si je suis stupide de te dire ça… » Commença-t-elle, sentant le bras autour d’elle se raidir. « Mais Xena… tu es encore très jeune. Tu pourrais… »

La guerrière s’arrêta de marcher et se tint là, les yeux fermés, pendant un très long moment.

« Non », répondit-elle doucement. « Je ne veux plus revivre tout ça. » Elle laissa retomber ses bras sur le côté. « Je ne peux pas. » Elle grimaça. « Je ne pense pas que mon corps en soit encore capable d’ailleurs. » Ses épaules s’affaissèrent. « Je ne peux pas… Gabrielle, je… »

Et bien. Gabrielle se mordilla la lèvre. Ce n’est pas comme si je ne m’y attendais pas… mais il fallait que j’essaie. En avant pour le plan B. « D’accord… d’accord… je suis… écoute, je suis désolée d’avoir… je ne voulais pas… » Son babillement nerveux fit sortir Xena de son immobilité silencieuse et la guerrière remit son bras autour de ses épaules et recommença à marcher lentement sur le chemin. « Je veux dire que… je sens que… je vois des enfants comme celui-là et je me dis… » Le bras de Xena se resserra et elle se blottit avec gratitude dans la chaleur qui lui était offerte. « Je pense que… je veux savoir ce que c’est. » Elle finit doucement. « Encore. »

Xena s’arrêta à nouveau, cette fois pour une raison complètement différente. Elle se tourna et mit les deux mains sur les épaules de la barde, la faisant tourner pour lui faire face et la regarder droit dans les yeux avec une intensité tranquille. « Qu’est-ce que tu as dit ? »

La jeune femme leva sa tête blond-doré et ses yeux verts brume croisèrent les siens sans fléchir. « Avant qu’on ne quitte la maison, on a parlé d’une décision à prendre », dit-elle calmement. « J’y ai beaucoup pensé. »

La guerrière laissa retomber ses mains et prit plusieurs inspirations, peu sûre de ce qu’elle devait répondre.

Gabrielle baissa le regard. Je présume que c’était trop espérer qu’elle ressente la même chose… après ce qui est arrivé. « Je suis désolée… je ne… reparlerai plus de ça. » Elle se dégagea et commença à marcher sur le chemin, laissant sa compagne silencieuse derrière elle.  Par les dieux, c’était stupide. Juste au moment où ça allait bien, il fallait que tu lui sortes ça. Et pourquoi est-ce que je fais ça en fait ? Pour moi ? Ou pour elle ? Est-ce que je veux un enfant ou bien est-ce que je veux seulement tenter de lui rendre Solan ?

Elle fit encore quelques pas. Quelle importance ? Le silence derrière elle était assourdissant. Plus maintenant, je présume.

Elle marcha seule pendant ce qui lui parut être une éternité, presque jusqu’au chemin étroit qui menait à la route vers Amphipolis. Seule avec ses pensées, pas vraiment plaisantes, jusqu’à ce qu’elle entende des pas légers derrière elle, qui avançaient à petite vitesse. Ils la rattrapèrent et Xena fut soudain près d’elle, ralentissant pour marcher à côté d’elle dans un calme embarrassé.

« Tu m’as prise par surprise », entendit-elle, dit d’une voix très douce. « Je… ne pensais pas… que tu voudrais jamais… »

Gabrielle secoua lentement la tête. « C’est bon… je ne suis… pas sûre de savoir si je le pensais vraiment. »

Xena prit son bras et s’arrêta, la faisant tourner pour lui faire face à nouveau. La guerrière prit affectueusement sa joue dans sa main et son autre main dans la sienne. « Gabrielle… je pense que si, tu le pensais. »

Elles se regardèrent. « Je sais que ça n’a pas beaucoup de sens », admit la barde. « Après tout ça. »

La guerrière laissa un sourire nostalgique recourber ses lèvres. « Non… après tout ça, ça a vraiment beaucoup de sens. » Elle caressa légèrement la peau claire. « Te connaissant… sachant qui tu es… rien d’autre n’aurait vraiment beaucoup de sens. » Elle se pencha et l’embrassa.

Et bien… Gabrielle sentit une minuscule étincelle vive la traverser rapidement. C’est un début.

Un cri retentissant attira leur attention et elles se retournèrent pour voir Toris qui courait vers elles.

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Suite et fin, chapitre 6-2

 

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Commentaires
T
Vivement la dernière partie ;)<br /> <br /> <br /> <br /> Merci à l'équipe de traduction
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F
Mon plaisir, comme toujours, merci à vous :-)
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R
très jolie suite comme toujours......<br /> <br /> merci a vous et a fryda<br /> <br /> je ne me lacerai jamais de ce site ;)
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I
De retour pour la suite attendue,avec bonheur,de l'histoire,avec une superbe traduction comme toujours:Merci Fryda.<br /> <br /> <br /> <br /> Isis.
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F
ça n'a pas été facile entre la technique et la technique mais je suis heureuse qu'on n'ait pas retardé la publication de la suite de "En résistance". Encore une belle histoire :-)
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