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26 juillet 2015

Coup de pouce des Dieux, de Honey, première partie

 

 

 

PARTIE I : Les ennuis ne sont jamais loin

 

Chapitre 1 :

 

Alexia s'éveilla en douceur. Elle ouvrit les yeux et observa un long moment les rayons du soleil jouant sur les fleurs posées sur son bureau. Des roses blanches et des jaunes. Apportées par Lizzie le matin de son emménagement, il y avait à peine deux jours. Quelques pétales étaient tombés autour du vase et Lex trouvait que cela donnait un air plus romantique et doux à son espace de travail.

 

Elle aimait bien Lizzie et pensait sincèrement que la jeune fille serait d'une aide véritable pour Tia le jour où elle viendra à disparaître mais comme ce ne serait pas avant un bon moment, elle devait s'avouer être légèrement contrariée par le lien fort qu'elle sentait exister entre sa femme et sa jeune cousine.

 

Sa femme... elle goûta le mot, le fit rouler sur sa langue puis sourit. Tia Kensington alias She-wolf, alias Enyo, mercenaire numéro un sur le marché, sa femme. Qui l'aurait cru ?

 

Elle laissa échapper un gloussement et se redressa avec une grâce infinie. Le drap glissa sur sa peau nue et s'entassa sur lui-même. Lex posa les pieds sur le sol et, les mains posées de chaque côté de son corps, se perdit un instant dans ses pensées.

 

Puis, elle se secoua et se leva avec fluidité. Elle se dirigea vers la chaise de son bureau et y prit un t-shirt taille XXL appartenant à sa compagne. Elle l'enfila et eut une sorte de petit frétillement lorsqu'elle l'ajusta. Un nouveau gloussement et elle se tourna vers le lit, maintenant vide.

 

Elle sourit et secoua la tête avec indulgence avant de traverser le couloir qui séparait leur chambre de la cuisine. Là, elle découvrit sa fille en train de se faire un toast au Nutella. La langue tirée, les sourcils froncés, la jeune fille étalait la précieuse pâte sur la tranche de pain avec une application digne d'éloge.

 

-          Si seulement tu daignais faire autant d'effort quand il s'agit de tes devoirs, lâcha Lex en entrant.

 

Lara sursauta et posa un regard coupable sur sa mère. Lex rit et passa une main caressante sur les cheveux auburn.

 

-          Tu es bien comme ta mère, y'a pas de doute, fit-elle gentiment moqueuse.

 

Constatant qu'elle ne la désapprouvait pas, Lara poursuivit sans plus lui accorder d'attention.

 

-          Même pas un bonjour ? Fit sa mère avec un air faussement malheureux. Et moi qui pensais t'avoir inculqué un minimum de politesse.

 

La jeune fille jeta un regard en coin à sa mère avec un petit sourire amusé. Elle secoua la tête et termina son œuvre.

 

-          Salut, daigna-t-elle finalement lâcher alors que Lex prenait la cafetière en feignant de ne pas être pressée d’en boire.

 

Lara l'observa pendant qu'elle attrapait une tasse et y versait le précieux nectar. La main ne tremblait pas, le geste était lent. Mais la lueur dans les yeux de sa mère était on ne peut plus explicite. Et l'impatience se lisait dans le corps tendu par l'attente forcée.

 

-          Tu crois que tu me trompes ?

 

Lex se figea puis se retourna avec lenteur. A la main, la tasse qu'elle brûlait de monter à ses lèvres. L'air faussement dégagé, Alexia leva un sourcil interrogateur puis fit monter la tasse à sa bouche avec une nonchalance étudiée. Lara resta suspendue à son geste, attendant, avec une lueur malicieuse dans le regard, ce qui allait immanquablement suivre.

 

Et en effet, sitôt le breuvage en contact avec ses papilles, Lex perdit son flegme. Elle ferma les yeux et but la boisson avec une avidité de droguée. En trois gorgées, la tasse fut vidée et Alexia poussa un soupir d'aise.

 

Un éclat de rire l'obligea à rouvrir les yeux et elle se renfrogna. Une fois de plus, elle avait failli. Elle haussa les épaules, et, se drapant dans sa dignité, remplit de nouveau sa tasse avant de passer devant sa fille indigne et de se rendre sur la terrasse.

 

Là, elle trouva sa femme en pleine séance d'exercice. Elle l'observa tout en dégustant son café à petites gorgées. Les gestes étaient toujours aussi parfaits. Empreints d'une grâce poétique, les mouvements étaient rapides, efficaces et d'une précision mortelle.

 

Leurs rigueurs était un véritable régal pour les yeux. Lex savait qu'elle était elle-même doué, mais ce niveau là... même Enyalios l'égalait avec peine. C'était inné à la grande femme, inscrit dans ses gênes. Bien trop parfait pour être seulement dû à cette existence.

 

Lorsque son kata fut terminé, Tia fit quelques étirements puis rejoignit sa femme.

 

-          Salut toi ! Lança-t-elle joyeusement, à peine essoufflée.

 

Elle l'embrassa et le désir familier jaillit entre elles. Tia se repoussa et prenant appui sur la rambarde en bois qui les séparait lui sourit. Elle souffla sur une mèche qui lui tombait dans les yeux et dit :

 

-          Je t'ai déjà dit que j'adorais tes tenues au petit matin ?

 

-          Une fois ou deux il me semble, acquiesça la petite blonde. Tu as fini ?

 

Tia secoua la tête.

 

-          Aujourd’hui j'aimerai m'essayer au sabre.

 

-          Au sabre ? Répéta Lex surprise.

 

La mercenaire hocha la tête et désigna un katana posé contre le coin de la porte, derrière Lex.

 

-          Je l'ai reçu hier, un cadeau d'Enyalios pour notre mariage, et je trouve dommage qu'il ne serve qu'en décoration. Même s'il est superbe, et que je ne pense pas l'utiliser un jour, je crois que ça serait intéressant de prendre quelques cours.

 

-          Des cours ? Répéta-t-elle. Avec qui ?

 

-          Ca va te surprendre, mais Rhapsody s'y connaît.

 

-          Rhapsody ?

 

Lex fit la grimace, elle avait l'impression d'être un perroquet. Elle jeta un oeil à sa tasse et se  dit qu'une troisième ne serait pas superflue.

 

-          Comment a-t-elle appris à s'en servir ?

 

-          Son frère apparemment.

 

-          Je croyais qu'il était mort.

 

-          Il l'est. Il a appris le kendo adolescent en même temps que le cross et comme elle avait l'air intéressé mais que leurs parents trouvaient que ce n'était pas une activité pour une fille, il lui a donné des cours.

 

-          Et elle va t'en donné maintenant ?

 

-          Non, pas maintenant. Là, je vais me familiariser avec son maniement. Puis j'irais dans la grange et je terminerai ma séance par un combat en aveugle avec Frédéric.

 

Lex hocha la tête et après un dernier baiser, Tia prit son sabre et s'éloigna. Depuis son combat avec Sassem, Tia avait renforcé son entraînement et sa discipline. La louve n'était pas réapparue depuis sa dernière confrontation avec Ashee mais toute deux savaient qu'elle n'était pas loin. Et Tia craignait tant ce que la louve représentait qu'elle n'acceptait pas d'attendre ce qui apparaissait comme inévitable, à savoir leur fusion, sans tout faire pour augmenter ses chances de garder le contrôle.

 

Elle ne le disait pas, mais Lex savait que la menace du vent de la destruction pesait sur sa conscience autant que la pression que cette menace induisait pour ses enfants. Mais elle avait décidé de ne pas se préoccuper du sort des fils du vent, malgré les suppliques de Gardan, leur chef.

 

La prophétie qu'il leur avait annoncé gardait Lex éveillée la nuit. Son implication dans la réussite ou l'échec de Tia l'angoissait. Elle avait été soulagée et heureuse lorsque sa compagne avait prit la décision de tourner le dos à leur sauveur du désert.

 

Mais cela minait quand même sa femme et comment aurait-il pût en être autrement ? Les jumeaux étaient au centre de tout ça. Et encore... Lex ne lui avait pas parlé de l'importance de son propre rôle.

 

Elle soupira et chassa ses pensées importunes. Quoique dise la prophétie dont avait parlé Gardan, ce n'était pas pour aujourd'hui, alors inutile d'y penser pour l'instant. Et tant qu'elle gardait avec elle la bague que Tia lui avait offerte, elle était sûre de ne pas la trahir. Leur amour, le lien quasi-magique que celui-ci symbolisait, l'ancrait aussi sûrement auprès de Tia que l'eau, les poissons.

 

De retour dans la cuisine, elle se servit en café pour la troisième fois. Elle fixa un instant les placards devant elle puis se secoua et porta la tasse à ses lèvres pour la liquider en une seule et longue gorgée avant de se rendre dans la salle de bains.

 

Elle se savonna avec vigueur en songeant qu'elle aurait dû attendre la fin de l'entraînement de sa belle mercenaire... la douche aurait été plus amusante ! Elle referma les robinets et attrapa une serviette. Puis elle se sécha tout en passant la porte de sa chambre et sélectionna dans l'armoire un jean noir et un t-shirt blanc, tout simple, à manches courtes.

 

Pieds nus, elle se rendit jusqu'au salon où elle trouva les jumeaux affalés devant la télé et Lizzie pelotonnée dans une des causeuses en train de lire.

 

Elle salua tout le monde et s'installa dans l'autre causeuse, faisant face à sa cousine par alliance. Elle l'étudia un moment. Lizzie avait maintenant vingt ans. Elle possédait un corps de femme et Lex savait que sa mercenaire l'avait noté. Et elle ne pouvait décemment pas le lui reprocher... Lizzie était splendide.

 

Mais elle possédait la fougue de la jeunesse et avec elle, son inconscience. Elle perdait son temps a tenter de courtiser Tia mais c'était amusant de voir l'air embarrassé de sa femme devant les assauts de la jeune fille.

 

Une heure s'écoula ainsi sans qu'aucune parole ne soit échangé et Lizzie ne leva pas le nez de son livre. Puis un téléphone sonna et la jeune fille bondit presque de son fauteuil en reconnaissant la sonnerie. Elle se jeta sur son portable et l'ouvrit.

 

-          Allo ? Fit-elle d'une voix excitée. Tamara ?

 

La réponse devait être celle attendue car les yeux de Lizzie se mirent à briller et elle sauta littéralement sur place. Elle sortit de la pièce en trombe et son babillage surexcité se perdit rapidement.

 

-          Elle est ridicule..., lança Len.

 

Lex échangea un regard amusé avec Lara qui fixa ensuite son frère d'un air malicieux.

 

-          Quoi ? Fit celui-ci.

 

-          Elle me fait penser à quelqu'un...

 

Len haussa les épaules et retourna à sa série, ignorant le commentaire qui suivit sur son attitude cul cul quand il parlait avec Jenny. Il remisa la voix de sa sœur au loin sans mal, tant l'épisode qu'il suivait le passionnait.

 

La série, Lie to me, faisait partie des préférées de sa mère. Il l'adorait. Non pas parce que les personnages étaient intéressants, même s’ils l'étaient, mais parce que chaque épisode montrait de façon précise et avec des exemples à l'appui, comment décoder les mensonges.

 

Il s'amusait ensuite avec sa mère à deviner quand elle mentait et quand elle disait la vérité. C'était assez difficile vu que Tia avait passé la moitié de son existence à survivre grâce au mensonge. Mais parfois il tombait juste et Tia riait de sa perspicacité, fière de lui. Quant à lui, si sa mère devinait à chaque fois ses mensonges, force était d'admettre qu'il s'améliorait grandement.

 

Lex avait récemment fini par se joindre à eux dans ce grand jeu du mensonge. Lara avait été invitée mais elle avait dédaigné ce jeu « vain et inutile » selon elle. Elle préférait nettement parfaire ses techniques de combats avec Frédéric.

 

Depuis la fin de l'histoire avec Enrick, Lara suivait un entraînement presque aussi rigoureux que celui de sa mère. La virtuosité de sa mère l'avait impressionnée et Lara avait décidé qu'elle ne souhaitait pas dépendre de qui que ce soit pour se défendre. Sa mère avait acquiescé, un peu incertaine quant à ses sentiments vis-à-vis de tout ça.

 

Lex avait suivi quelques uns de ses entraînements, surtout pour voir ses progrès depuis les propres cours qu'elle lui avait donnés, et, si la jeune fille n'était pas encore au niveau de Len, elle s'en rapprochait rapidement. De plus elle ne souhaitait pas seulement savoir se défendre mais aussi survivre, alors que Len se concentrait sur les combats.

 

Leur échappée à travers l'Afrique l'avait marquée et elle avait compris que la vie ne se résumait pas à l'école, les amis et les loisirs. Parfois celle-ci nous menait sur des chemins inconnus, auxquels on n'aurait jamais pensé. Et si d'aventure cela devait à nouveau lui arriver, elle tenait à être aussi parée que possible.

 

Tout cela, Lara s'en était ouvert à Lex. Ses confidences les avaient rapprochées et si Tia voyait sa nouvelle orientation avec quelques réticences, Lex la comprenait parfaitement.

 

Souvent le soir, alors que Len et Tia disputaient une partie de « qui ment quand », Lex et Lara partaient en promenade. Parfois, elles parlaient, parfois non. Parfois, Lex lui racontait des anecdotes sur Tia qui faisaient la joie de la jeune fille. Mais toujours elles finissaient la promenade en se testant. Lex avait commencé à apprendre le Japonais et le Grec à Lara qui avait remarqué combien sa mère appréciait ces langues.

 

Sur le chemin du retour, Lex lui apprenait ainsi des mots, des expressions, le nom des plantes qu'elles croisaient et d'autres choses encore.

 

Ainsi Lara, lentement mais sûrement, se hissait au niveau de sa mère. Elle savait ressembler physiquement à son père, qu'elle avait appris depuis peu à haïr, et en agissant ainsi, elle espérait finir par faire oublier à Tia son géniteur. Si elle lui ressemblait assez, si elle adoptait sa façon de penser et de vivre, alors sûrement sa mercenaire de mère cesserait d'avoir ces éclairs de peur et de douleur mélangés qui, parfois, traversait son regard lorsqu'il se posait sur elle.

 

Lara se moqua encore de son frère pendant quelques minutes puis se leva, ayant déjà décroché de l'épisode. Lex la suivit des yeux et se leva à son tour. Dehors, elle retrouva sa compagne qui posait son sabre sur les marches de la terrasse et s'assit à ses côtés.

 

Elle mit sa tête sur son épaule.

 

-          Alors ?

 

-          J'aime bien le sabre. Je devrais pouvoir apprendre rapidement ce que Rhapsody à a m'enseigner.

 

Lex rit.

 

-          Comme si tu pouvais apprendre lentement !

 

Tia sourit et toutes deux firent signe à Frédéric, qui après une douche rapide, partait rejoindre sa petite-amie.

 

Lex s'éclaircit la voix et se décida à aborder un sujet qui l'effrayait un peu mais qui lui tenait à cœur.

 

-          J'aimerais qu'on fasse un enfant aujourd'hui, lâcha-t-elle tout à trac.

 

Tia cilla.

 

-          Aujourd'hui ? Répéta-t-elle. Mais heu... tu sais qu'il faut un rendez-vous ?

 

-          Je sais, répondit Lex frustrée en frottant son visage sur le bras de Tia, mais je n'ai plus envie d'attendre.

 

Tia rit et secoua la tête. Elle attira sa femme à elle et posa un baiser sur sa tempe.

 

-          Je vais appeler en rentrant, mais crois-moi mon cœur, je doute que l'on puisse avoir un rendez-vous pour aujourd'hui. L'insémination artificielle est une procédure bien trop complexe pour être improvisée ainsi. Et puis, il faut choisir le donneur mâle aussi. Et ça, ça prend du temps.

 

Lex soupira et entoura sa compagne de ses bras. Elle leva sur elle un regard de chien battu et lâcha :

 

-          C'est pas juste... je le voulais aujourd'hui, et puis le père on sait déjà que se sera toi, alors où est le problème ?

 

Tia faillit s'étrangler et étouffa son fou rire derrière une quinte de toux factice tout en maintenant la petite femme contre elle.

 

-          Je suis flattée que tu me crois capable d'une chose pareille et encore plus que tu le veuilles mais ça n'est pas possible.

 

Seul un regard noir lui répondit. Tia se mordit la lèvre et inspira profondément avant de dire avec douceur :

 

-          Ce sera notre enfant, cela ne fera aucun doute. Mon ovule, ta grossesse... mais je ne peux pas le féconder.

 

Lex fourra sa tête dans le t-shirt humide de sa compagne.

 

-          Je sais, déclara enfin la petite blonde d'une voix étouffée. Mais ça m'agace d'impliquer un tiers...

 

Tia ne répondit rien, mais la lueur amusée dans ses yeux n'avait pas disparu. Lex se redressa soudain et la fixa.

 

-          Tu sens mauvais, l'accusa-t-elle grognon.

 

Tia n'y tint plus et éclata de rire.

 

-          Tu t'attendais à quoi ? Je viens de finir ma séance !

 

Lex haussa les épaules et lâcha :

 

-          Annara se débrouillait toujours pour sentir bon pour Sara.

 

La répartie surprit Tia qui posa un regard incertain sur sa femme.

 

-          Vraiment ?

 

Lex hocha la tête. Tia fit la moue puis soupira, comme si un fardeau immense pesait sur ses épaules.

 

-          Alors il ne me reste plus qu'à aller prendre une douche, déclara-t-elle d'un air malheureux. Et à me balader avec un flacon de déo à l’avenir...

 

Lex acquiesça d'un air grave et s'efforça de ne pas montrer son amusement alors que la grande femme la quittait pour rejoindre la salle de bains. Lorsque Tia eut disparu derrière la porte Lex se tordit de rire.

 

Elle avait réussi !

 

Depuis leur retour des déserts, Tia s'enfonçait régulièrement dans l'angoisse, la peur ou la culpabilité lorsqu'elle avait le temps de penser. Souvent après ses entraînements d'ailleurs. Alors elle avait décidé aujourd'hui d'offrir une distraction à sa femme.

 

Elle était satisfaite de la façon dont elle avait mené la conversation. Elle repensa à Annara et Sara et se souvint de l'odeur de la guerrière après ses propres séances de travail. Si il y avait bien une chose qu'elle ne regrettait pas de leur épreuve en Afrique c'était bien ça.

 

Tous les jours elle renouait avec son ancienne vie en tant que barde. Des souvenirs nouveaux refaisaient surface et la prenaient par surprise. C'était un peu dérangeant au début. Mais elle s'y était fait et devait s'avouer que Tia en cuir... mmmm, elle adorait !

 

Elle rit de sa propre perversion et se leva enfin, décidée à faire quelque chose d'un peu plus concret du reste de sa matinée.

 

 

                                                                       ***

 

Le lendemain, grâce à la ténacité pour ne pas dire l'obstination de Lex, elles avaient rendez-vous en ville pour l’insémination. Elles avaient toutes deux passé le reste de la journée de la veille sur place, pour convaincre, passer les tests, prélever des ovules, et choisir un géniteur.

 

Heureusement que Lex avait commencé le traitement de production des ovules sans lui en parler quelques temps plus tôt., sans ça elles n'auraient rien pût faire avant un longtemps. Et même si Tia avait eut envie de protester, elle s’en était abstenue. Elle comprenait Lex, et ce qui était fait était fait.

 

Pour choisir le géniteur, Lex avait pointé une fiche avec une grimace complètement au hasard. Tia avait ri puis repoussé sa main en déclarant que puisqu'elle allait être le père autant que ce soit son choix.

 

Lex avait acquiescé avec enthousiasme avant de sortir se promener dans le jardin de la clinique pour y rencontrer des parents satisfaits ou en attente, comme elles.

 

Tia avait finalement sélectionné un homme. Celui-ci était médecin, donc intelligent, les caractéristiques physique le décrivaient comme étant un sportif qui entretenait son corps depuis de longues années, ce qui signifiait de bons gênes. Pas d'antécédent de maladies graves, ce qui était plutôt rare et quelques précisions sur les valeurs qu'il prônait. A savoir, le travail, l'amour et la valeur des choses. Plus important encore, il était blond et s'il n'avait pas les yeux verts, il était précisé dans sa fiche que son père et son grand-père si.

 

Lorsqu'elles étaient rentrées en début de soirée, elles avaient annoncé la nouvelle aux jumeaux. Len et Lara n'avaient pas eu l'air surpris mais un peu contrarié. La colère n'était pas de mise, mais la joie non plus. Après un long moment de silence, Len avait finalement haussé les épaules et Lara avait demandé des explications. Lesquelles avaient d'ailleurs fait hausser bien des sourcils.

 

Les questions avaient fusé et si l'enthousiasme n'avait pas été délirant devant l'originalité de leur méthode, l'intérêt lui, était présent.

 

Elles avaient rendez-vous en fin de journée ce qui laissait du temps à Tia pour commencer à étudier l'art du sabre avec Rhapsody. Leur voisine revenait d'une course de chevaux fructueuse et, ses enfants étant chez leur père, elle avait décidé de s'octroyer quelques jours de vacances, qu'elle avait gracieusement accepté de passer dans leur ranch.

 

Si Lex n'était pas contre, elle en était moyennement ravie. Sa jalousie était quasi sous contrôle mais en plus de Lizzie, devoir aussi supporter le lien étrange qu'elle voyait se tisser entre Rhapsody et sa femme ne cessait pas de l'inquiéter.

 

Trop de femmes avaient un lien qu'elle ne comprenait pas avec sa mercenaire et cela l'agaçait. Aussi lorsque leur trop charmante voisine était arrivée, elle avait ostensiblement fait comprendre à la jeune femme qu'aujourd'hui était un grand jour, celui où leur couple allait se resserrer encore plus.

 

Rhapsody n'avait pas été dupe mais s'était bien gardée de montrer son amusement. Elle s'était installée dans la chambre d'amis près de la leur et était ressortie dire bonjour aux enfants.

 

Elle avait ensuite proposé à Tia de lui montrer quelques passes. Et depuis presque deux heures maintenant, elles se mouvaient en parallèle, leur sabre à la main, l'esprit concentré.


Lex les observait et leur grâce autant que leurs vêtements noirs et près du corps, leur queue de cheval et leur air concentré, étaient comme le miroir l'une de l'autre. Elles étaient splendides...

 

Soupirant, elle jugula sa jalousie naissante et partit téléphoner à Lynia, histoire d'avoir un autre avis que celui de son cœur perverti.

 

Rhapsody se tourna vers Tia et l'observa un moment. Ses gestes étaient sûrs et plein d'une énergie crépitante. Pour autant, ils étaient aussi extrêmement doux.

 

Tia finit son enchaînement et lui fit face. Passant une main sur son front, elle essuya la sueur qui s'en écoulait et lui sourit. Les yeux illuminés par la satisfaction, Tia était resplendissante.

 

-          Alors ?

 

-          Alors tu es la meilleure élève qu'un prof puisse rêver d'avoir.

 

Rhapsody secoua la tête.

 

-          Sincèrement, je n'ai jamais vu quelqu'un d'aussi doué que toi.

 

Le sourire à la fois fier et arrogant était irrésistible et Rhapsody, pour la première fois depuis leur rencontre, se trouva être troublée par son amie. Elle s'efforça de bannir ce sentiment imprévu et répondit au sourire.

 

-          Une heure matin et soir pendant une semaine ça te va ?

 

-          Ca me va. Mais on pourra continuer après que tu sois rentrée ? Demanda Tia d'un air inhabituellement timide.

 

-          Bien sûr. Mais tu vas devoir te déplacer, je ne pense pas être capable de venir ici chaque jour.

 

-          Pas de souci ! Il faudra juste qu'on décide des dates et heures.

 

-          Quand j'aurais une idée de mon emploi du temps, je te donnerais mes plages horaires. J'ai un nouvel arrivant, expliqua-t-elle en riant. Un poulain sauvage et je vais devoir m'occuper de son dressage avec attention. On le dit inapprochable et un peu dangereux.

 

-          Alors pourquoi l'avoir acheté ?

 

-          Il m'a fait les yeux doux...

 

Tia rit et s'approcha. La malice et l'air serein de son professeur trouvèrent un écho en elle.  Une image brève mais au contenu émotionnel vif, apparut. Une femme asiatique en kimono la toisait avec un sourire au fond des yeux et un maintien digne d'une reine. Les mains jointes devant elle, elle semblait lui demander d'approcher.

 

Puis l'image s'évanouit et Rhapsody lui fit de nouveau face. L'image était partie mais l'émotion qu'elle avait fait naître était toujours là... Mélange d'amour, d'excitation et de peur.

 

-          Alors il suffit de te faire les yeux doux, murmura-t-elle en la couvant d'un regard à la fois tendre et brûlant.

 

Rhapsody ouvrit de grands yeux stupéfaits et déglutit. Puis Tia cligna des yeux et revint à elle. Elle fronça les sourcils et recula d'un pas en levant les mains.

 

-          Désolée, je ne sais pas ce qui m'a pris.

 

Rhapsody secoua la tête et détourna le regard.

 

-          Ce n'est rien.

 

-          Manifestement si et je suis désolée.

 

-          Tia, fit Rhapsody en vrillant son regard dans le sien, ce n'est rien. Tu as juste joué un peu et j'ai réagi avec exagération. C'est moi qui m'excuse.

 

Après ce presque aveu, il y eu un instant de flottement qui se dissipa quand Rhapsody sourit avec malice.

 

-          Évidemment, si tu veux vraiment me faire les yeux doux...


Et elle leva les sourcils d'un air comique et suggestif. Cela eut l'effet escompté et la tension disparut. Tia et elle firent quelques étirements puis regagnèrent l'intérieur du ranch en quête d'une collation bien mérité.

 

 

 

Chapitre 2 :

 

Tia observait Lizzie. La jeune fille était en train d'admirer le panorama que lui désignait Lara. Elle semblait sereine et joyeuse, mais la tension qui raidissait ses épaules le démentait. Toute autre personne qu'elle se serait laissée abuser, mais Tia était ce qu'elle était et les plus subtils comportements étaient un livre ouvert pour elle.

 

Au cours des semaines écoulées depuis le début de l'été, Tia avait entendu Lizzie crier la nuit. Souvent. Les cauchemars de son passé la hantaient bien plus que ce que Tia s'était imaginé.

 

Le jour, Lizzie donnait le change, mais la nuit... elle n'était pas capable de contrôler son inconscient et ses peurs ressurgissaient. La culpabilité qu'elle percevait dans ses gémissements déchirait le cœur de la mercenaire. Elle qui avait été si certaine que Lizzie retrouverait son équilibre en venant vivre ici...

 

Elle soupira et s'approcha de la jeune fille qui n'en était plus tout à fait une. Se faisant Lara lui fit face et vit le regard que sa mère posait sur sa cousine. Elle saisit la situation avec la même perspicacité dont sa mère faisait preuve en toute situation et lui fit un sourire en les laissant seules.

 

Tia suivit sa fille des yeux avec une pointe de fierté. Puis elle tourna son attention vers sa cousine et la poussa doucement du coude.

 

-          Tu aimes ? Fit-elle gentiment.

 

Lizzie fixa la mercenaire avec intensité et lâcha :

 

-          Oh que oui...

 

Tia déglutit et s'agita mal à l'aise. Elle avait de plus en plus de mal à savoir quoi faire des remarques de la jeune fille. Elle détourna le regard et soupira une fois de plus.

 

-          C'est autant pour Lex que pour toi qu'on est là tu sais.

 

Lizzie ouvrit de grands yeux.

 

-          Pour moi ? Pourquoi ?

 

-          Je dors rarement la nuit entière. Parfois je me promène dehors, parfois je fais le tour de la maison...

 

Lizzie comprit et ce fut son tour de soupirer. Elle mit les mains dans ses poches et resta silencieuse un moment.

 

-          Tu veux en parler ?

 

Lizzie hésita.

 

-          C'est juste... que je n'arrête pas de revoir son regard. Fixe. Sans vie. Accusateur.

 

Tia n'eut pas besoin de demander de qui elle parlait. Elle fit un pas de côté et attira la jeune fille contre elle. Lizzie n'avait jamais oublié et n'oublierais jamais l'homme qu'elle avait tué. Elle le savait mais lui avait, en quelque sorte, laissé croire le contraire.

 

-          On devrait en parler à un autre moment.

 

Lizzie acquiesça.

 

-          Ce soir, ça t'irait ?

 

-          Ca m'irait. Mais...

 

Elle leva les yeux sur sa compagne.

 

-          Je devrais tout te dire, hein ? Fit-elle avec un sourire amer.

 

-          Ca serait mieux, oui. Mais rien ne t'y oblige. Cependant... cependant si tu ne me dis rien à moi, tu devrais songer à consulter quelqu'un.

 

-          C'est obligé ?

 

-          Oui, c'est obligé.

 

-          Alors, autant que ce soit toi. Au moins tu sais de quoi je parle.

 

Tia hocha la tête et resserra son étreinte.

 

-          Après le repas, on ira faire un tour et on en discutera.

 

Elles échangèrent un regard où les souvenirs douloureux se télescopaient, puis les cris du reste de la famille les attirèrent et elles les rejoignirent.

 

Tia prit Lex dans ses bras, l'enveloppant, et posa son menton sur le haut de son crâne.

 

-          Ca va ?

 

Lex rit et hocha la tête sans quitter des yeux Len et Lara qui, avec force cris, encourageaient deux tortues qui faisaient la course. Heureuse, Tia laissa la tension qui la tenait s'évacuer doucement. L'intervention de Lex s'était très bien passée et les ovules avaient été fécondées comme prévu. Après cela, le médecin avait préconisé du repos et Tia avait pu voir qu'en effet Lex en avait besoin.

 

Entre ça et les cauchemars récurrents de sa cousine, elle avait décrété un week end familial. Et tout son petit monde était parti à sa suite, à la montagne. Il faisait un peu frais, mais c'était un air vivifiant et puisque tout le monde semblait se plaire ici, elle avait décidé de prolonger le séjour.

 

Bien sûr Lex avait protesté, la rentrée des jumeaux venant seulement d'avoir lieu, mais Tia avait argué, avec sa finesse coutumière, que justement c'était la rentrée et que manquer l'école maintenant était moins grave. Elle avait ensuite promis qu’ils ne manqueraient plus un jour de classe durant le reste de l'année.

 

En effet, la directrice du lycée n'avait guère apprécié les absences de l'année passée, quand bien même celles-ci avaient été justifiées.

 

Les jumeaux eux avaient été ravis de cette prolongation impromptue de leur oisiveté. Elle croisa le regard de Frédéric qui avait amené sa petite amie et souriait aussi largement qu'elle, si ce n'était plus.

 

Karl, à la maison pour quelques jours de repos, les avait accompagnés avec plaisir. Elle se redressa légèrement et étudia sa famille avec une certaine surprise. Elle qui avait passé la moitié de sa vie seule était maintenant si entourée qu'elle n'arrivait pas à croire que cela ne l'ennuyait pas.

 

Elle s'y était faite avec tellement de facilité ! Le rire de Lex s'envola dans le ciel clair et elle comprit à qui elle le devait.

 

Lex avait changé sa vie. Elle rit. Lex avait changé sa vie ! Et c'était une telle joie !

 

-          Qu'est-ce qui te fait rire ? L'interrogea soudain sa femme.

 

Tia secoua la tête.

 

-          Rien. Toi, ma vie, la nôtre. Je ne sais pas.

 

Se fut au tour de Lex de rire.

 

-          C'est des symptômes que je connais ça, fit Lex.

 

-          Ah oui ? Et c'est grave, docteur ?

 

-          Tu es heureuse, c'est tout.

 

-          C'est tout et c'est bien. Bien suffisant, ajouta-t-elle en posant une main possessive sur le ventre encore plat de sa femme.

 

La main plus fine de Lex la recouvrit et la jeune femme approuva.

 

-          Au fait, onn’    n’en a jamais parlé, mais... tu préférerais une fille ou un garçon ?

 

-          Et toi ? Lui retourna la mercenaire.

 

-          Moi ? Je ne sais pas en fait. On en a déjà un de chaque, rit la petite femme.

 

-          Tu as envie de savoir ?

 

-          Hum... je crois que non... une surprise ça me paraît bien ! S'enthousiasma Lex.

 

Tia sourit.

 

-          Je suis d'accord.

 

-          Mais bon, ne nous précipitons pas. Après tout, rien ne nous dit que ça a marché.

 

-          Ca a marché.

 

-          Comment peux-tu en être aussi sûr ? Demanda Lex avec une lueur de curiosité amusé.

 

Tia haussa les épaules sans la lâcher.

 

-          Question de feeling.

 

La répartie fit éclater de rire sa femme.

 

-          N'importe quoi !

 

***

 

Comme promis après le repas, Lizzie et Tia s'isolèrent. Lex qui avait été prévenu les regarda partir en les plaignants. Une soirée lourde les attendait.

 

Mais sur l'ordre express de son âme sœur elle chassa toute pensée négative de son esprit et se concentra sur sa soirée. Une main sur son ventre, allongée sur des coussins posés devant la cheminée, Lex se laissa aller à quelques rêveries impliquant son futur bébé, sa femme, les jumeaux et une plage aux Bahamas.

 

Pendant ce temps, Tia entraîna sa jeune cousine dans une promenade sur ski, peu propice à la parlotte. Si elle était surprise de cette balade sportive, Lizzie n'en était pas mécontente. Elle avait besoin de se défouler.

 

Alors qu'elles descendaient une des seules pistes éclairées, elle songea à Tamara. Sa petite amie lui manquait. L'inverse par contre...

 

Elle soupira. Elle savait que Tamara aimait trop le sexe et les rencontres impromptues pour se passer de l'un et de l'autre sous prétexte qu'elle n'était pas là. Le statut même qui était le sien, à savoir celui de petite amie, tenait du miracle et restait très fragile. Il tenait surtout au fait qu'elle laissait Tamara faire ce qu'elle voulait et participait assez régulièrement à ses « rencontres ».

 

Elle n'aimait pas le sentiment qui l'envahissait alors. Celui d'être sale. Mais elle tenait à Tamara. Elle jeta un oeil à la silhouette qui glissait devant elle. C'était étrange... elle aimait Tia à la folie mais Tamara... d'une manière étrange avait atteint son cœur aussi.

 

Elle aimait Tamara. Mais pas plus que Tia, la jeune femme ne faisait attention à elle. Elle la tenait pour quantité négligeable.

 

Pourtant elle s'accrochait à sa petite amie. Parce qu'elle ne savait pas abandonnée et parce qu'avec Tamara elle était à un autre niveau. Elle ne lui donnait que des miettes c'était vrai, mais elle lui donnait quelque chose quand même... cela lui donnait un espoir. Celui d'être un jour plus.

 

Evidemment, elle n'était pas stupide, elle savait que Tamara n'était pas le meilleur partie qui soit et qu'elle se fichait d'elle. Mais elle l'aimait et à la différence de Tia, Tamara la laissait l'aimer et lui donnait quelque chose en échange.

 

Son père pensait qu'elle méritait mieux. Peut-être était-ce le cas. Mais elle ne le croyait pas. Tamara n'était pas la meilleure personne du monde, mais elle n'avait tué personne. Elle, Lizzie, était bien plus mauvaise.

 

Mais ça, son père ne voulait pas le voir.

 

Une bosse soudaine la força à se concentrer pour ne pas perdre l'équilibre et elle fixa son esprit sur la piste. Après deux autres descentes, elle posa un regard pétillant sur sa compagne.

 

Satisfaite, Tia se déchaussa et l'invita à la suivre. Voyant que sa cousine ne prenait pas le chemin du chalet, elle la suivit intriguée et curieuse.

 

Tia la conduisit jusqu'à une anfractuosité, elle-même donnant sur l'entrée, très enneigée, d'une petite grotte. Là, Tia posa ses skis contre la paroi et défit son manteau qu'elle jeta au sol. Elle fit signe à Lizzie de s'y asseoir et partit un peu plus loin en quête de bois pas trop humide. Elle revint quelques minutes plus tard et disposa son trésor en tas devant elles.

 

Lizzie entoura le tas de bois de pierre et Tia sortit son briquet. Elles regardèrent un moment le feu brûler puis la grande femme se tourna vers sa compagne.

 

-          Raconte.

 

Un seul mot. Jeté d'une voix douce. Un mot, un seul. Mais qui appelait tant d'espoir, de douleur et de crainte. Lizzie hésita. Le regard de Tia était franc. Sans faille. Alors elle se lança.

 

Elle lui conta sa tristesse lorsque son amie était morte. Le choc quand elle avait comprit qui l'avait tué et pourquoi. Surtout pourquoi. Elle avait mis du temps s s'en remettre. Mourir pour avoir refuser qu’un client ne la frappe était si… injuste !

 

Et puis un jour la douleur avait reflué pour laisser la place à la colère. La rage l'avait rapidement remplacée. Et pour finir l'obsession. Celle de faire payer. De faire souffrir autant qu'elle, et aussi son amie, avait souffert.

 

Une pensée. Une seule. Tuer.


Mais comment ? Il était le fils du parrain de la mafia. L'héritier unique et intouchable. Imbu de sa personne, il n'en était pas moins prudent et très intelligent. Il ne se déplaçait jamais sans une armée de gardes du corps.

 

Elle était jeune et savait pouvoir compter dessus. Idiot, comme tout les gens trop sûr d'eux, il ne se méfierait pas d'une gamine. Elle avait réfléchi à un plan tablant sur sa jeunesse. Encore et encore. Evitant de le croiser, mais le surveillant inlassablement.

 

Après deux mois de ce régime, la traque qu'elle avait mis en place était rôdée. Mais cela l'avait mis sur les rotules aussi.

 

Elle n'avait pourtant pas renoncé et son plan au point, était passée à l'action. Son plan était si simple qu'il avait pris tout le monde par surprise. Elle s'était tranquillement approchée de lui comme une gamine perdue, à la recherche de son chemin.


Elle avait revêtu ses vêtements les plus gamins, s'était fait des tresses et, aux bords des larmes, avait joué son rôle. Comme prévu, le pervers qu'il était l'avait approchée. Elle ne lui avait pas laissé le temps d'en placer une. Il s'était baissé vers elle, son sourire trop sûr de lui accroché aux lèvres, et elle avait sorti son arme tout en se collant à lui.

 

Ses gardes du corps étaient répartis autour d'eux, mais aucun ne faisait attention à elle. Elle n'était qu'une gamine. Et c'était lui qui l'avait approchée...

 

Elle avait fait un pas en avant pour coller le canon de son arme contre son cœur et étouffé le bruit de la détonation. Un ouf et il était mort. Le regard fixé, incrédule sur elle, sur le vide, sur la mort.

 

La détonation étouffée lui avait laissé quelques secondes avant que les gardes du corps ne comprennent à qui ils avaient affaire. Elle avait alors reculé et s'était engouffrée dans la ruelle à deux pas d'où elle était.

 

Bien sûr, l'homme posté là avait, par pur réflexe, tenté de l'empêcher de passer, mais il se tournait à demi vers son boss pour comprendre ce qui se passait, alors elle avait évité son bras sans trop de problème.

 

Après cela la fuite avait été un jeu d'enfant. Elle avait repéré un itinéraire que seule une personne de sa taille et avec son agilité était capable de suivre.

 

En deux minutes, elle avait disparu.

 

Puis son portrait avait circulé et même si l'image était plus jeune, elle savait qu'ils ne tarderaient pas à la reconnaître. Elle s'apprêtait à partir lorsqu'un de ses anciens professeur de collège l'avait reconnue, l’obligeant à se réfugier dans un foyer pour jeunes, où Lex et Tia l’avait trouvé.

 

Un silence s'installa. Tia étudia sa jeune cousine sans rien dire, lui laissant le temps de sortir de son cauchemar personnel. Les cheveux raides et auburn brillaient doucement dans la lueur du feu. Elle était belle. Son visage était sans défaut, son teint parfait. Et la souffrance qui transparaissait sur ses traits lui en rappelait une autre.

 

Lizzie était forte. Bien plus que ce qu'elle pensait. Elle était meilleure aussi. Mais ça, elle n'arriverait pas à l'en convaincre. Pas maintenant en tout cas.

 

Elle leva une main et repoussa une mèche derrière son oreille. Lizzie se tourna vers elle. Elles échangèrent un long regard où elles se dirent combien la vie était dure et combien se battre était fatiguant. Mais dans celui de Tia la détermination et l'assurance dominaient. Cela rassura Lizzie mais creusa aussi son malaise.


Elle ne serait jamais à la hauteur. Un sentiment de découragement nouveau l'envahit. Elle détourna le regard et se mordit la lèvre. Elle était si lasse...


Si lasse de devoir se battre pour seulement exister. Pour juste se convaincre qu'elle en avait le droit. Se sentir mal dans sa peau... pendant un temps elle avait oublié ce que c'était mais... ça n'avait pas duré.

 

La culpabilité était bien la pire des armes. Elle baissa la tête et contempla le sol de pierre.

 

-          Je ne... je ne le regrette pas tu sais, souffla-t-elle sans la regarder. Je ne le regrette pas.

 

-          Et c'est bien ça le pire, hein ?

 

Lizzie ferma les yeux. Le soulagement déferla en elle avec une force inouïe. Quelqu'un la comprenait. Vraiment. Elle les rouvrit et souffla.

 

-          Oui, acquiesça-t-elle en plongeant son regard dans le sien.

 

-          Je connais.

 

-          Et... ça ne te gêne pas ?

 

Tia fixa un point dans le vide avant de répondre, plongée dans ses souvenirs.

 

-          Si mais... c'était un sort qu'ils ont mérité mille fois. Ca n'aurait pas dû venir de moi mais ça l'a été.

 

Elle fit face à Lizzie.

 

-          Je garde en tête l'idée que sans moi et mon intervention, des gens continueraient certainement de mourir de leurs mains. Je sais que ce que j'ai fait était, en théorie, mal, mais c'était aussi juste. Ne le dis pas à Lex mais... parfois tuer c'est le seul moyen d'arrêter un monstre.


Lizzie hocha la tête. Elle comprenait. Elle aussi elle savait que son geste, même porté par la vengeance, était juste. Elle avait rétabli un équilibre, fait justice dans un lieu où sans elle, elle n'aurait pas existé. Pas quand le gouvernement était factice et dirigé par une branche caché de la mafia sicilienne.

 

-          Mais cette absence de remords... c'est comme si j'étais lui, expliqua-t-elle les yeux sur les flammes.

 

-          Je sais. J'ai parfois cette impression aussi.

 

-          Et comment fais-tu pour la chasser ?

 

-          Je me tourne vers Lex... sourit Tia avec tristesse. Elle est mon humanité. Elle me la montre, me la fait redécouvrir chaque jour. Je suis meilleure que ce que je pense dans ces moments là. Pas parfaite, mais meilleure.

 

-          Et on fait comment quand personne ne nous inspire ça ?

 

-          On cherche la personne qui nous le montrera.

 

-          Et si on croit l'avoir trouvé ? Mais que ça n'est pas... comme ça ?

 

Tia ne répondit pas tout de suite. Elle savait à qui Lizzie faisait allusion. Son oncle avait été très clair au sujet de ce qu'il pensait de Tamara. Elle-même avait fait une enquête sur la jeune femme. Elle n'était certainement pas faite pour Lizzie mais la jeune fille était fragile en ce moment et le lui dire tout de go n'amènerait à rien de bon. De plus, elle l'aimait. Ca, Tia l'avait bien vu et si cela la surprenait, quelque part elle comprenait.

 

Lizzie cherchait désespérément quelqu'un en qui croire. Quelqu'un sur qui se reposer. Elle était comme elle enfant... seule, complètement seule. Mais Lizzie ne vivait pas dans la jungle, entourée de monstres sanguinaires et pervers. Et d'une certaine façon... c'était pire. Elle se sentait exclue, à mille lieues des sentiments et pensées diverses qui agitaient les gens normaux peuplant son monde.

 

Ce n'était pas l'enfer, mais c'était un enfer quand même. Plus insidieux, moins visible mais bel et bien présent.

 

Tia se rapprocha de Lizzie et la prit dans ses bras.

 

-          Alors ça ne doit pas être la bonne personne.

 

-          Mais si... si on pense que si et que c'est juste un manque de temps ? Qu'il faut être patient ?

 

-          Si ce n'est pas le bon moment, inutile d'insister. Si c'est la bonne personne alors tu la retrouveras sur ton chemin lorsque le moment sera venu. Mais pour l'heure...

 

Tia ne poursuivit pas mais Lizzie comprit. Elle serra les poings avec colère.

 

-          En attendant... et même après, il va te falloir apprendre à vivre avec. C'est difficile. Tellement que parfois rien ne pourra empêcher les cauchemars. Mais il te faudra tenir bon. Parce que ça en vaut la peine.

 

-          C'est facile  à dire quand on a trouvé la bonne personne, jeta amèrement Lizzie.

 

-          Je sais. Mais c'est tout ce que je peux t'offrir.

 

-          L'espoir ?

 

-          Et une ligne de conduite à laquelle t'accrocher en attendant.

 

Lizzie la dévisagea longtemps, puis hocha la tête. Elle avait raison. Elle n'avait pas d'autre choix de toute façon.

 

 

 

Chapitre 3 :

 

Penchée sur une rambarde en bois verni, la déesse de l'amour observait avec joie et insouciance ses amies. Elle se trouvait sur une terrasse située en surplomb de la table où Sara, Annara et leur famille déjeunaient.

 

Annara, enfin Tia comme elle se faisait appelé dans cette vie, semblait détendue comme jamais. Et cela lui faisait infiniment plaisir... elle avait tant souffert. Aphrodite avait fait de son mieux pour l’aider tout au long de sa vie, mais parfois cela lui avait vraiment semblé pitoyable.

 

Les règles selon lesquelles les Dieux ne doivent pas intervenir dans les affaires humaines étaient tellement stupides ! En leur temps, elle et sa famille ne se privait pas ! Ni pour s'immiscer dans leurs vies, ni pour les rencontrer. Les Dieux qui avaient aujourd'hui pris le pouvoir étaient vraiment très loin de cette philosophie.

 

Et cela l’agaçait au plus haut point ! Durant les siècles qui avaient suivi la fin du règne de Zeus, la vie avait été dure pour ceux qui restaient. D'abord le Dieu unique avait relégué sa propre importance au loin. Elle, la déesse de l'amour… négligée !

 

Et par la suite, le temps avait fait son œuvre et la presque totalité des hommes l'avaient oublié...

 

C'était vexant, mais pas seulement. La perte de leur statut de Dieux régnants les avait empêchés d'intervenir comme ils en avaient envie. Pour Aphrodite, ce n'était pas très grave, elle s'en fichait comme de l'an quarante. Quelques personnes la vénéraient toujours, après tout elle était la déesse de l'amour et on croit toujours en elle, quelque soit le temps et le lieu, et cela lui suffisait. Elle pouvait se servir parmi eux pour renouveler ses serviteurs sur l'Olympe et pour la distraire. Evidemment pour Arès et les autres Dieux un peu plus... dans l'action dirons-nous, c'était une insulte faite à leur nom.

 

Elle avait très peu le droit  d'intervenir et lorsqu'elle le faisait, elle avait peu de marge de manœuvre.

 

Néanmoins, elle était ce qu'elle était et Annara et Sara étaient ses amies. Alors elle s'était obstinée. Avait utilisé avec parcimonie et efficacité ses interventions.

 

Et aujourd'hui elle pouvait observer avec satisfaction et fierté le résultat de son acharnement.

 

Sara avait l'air heureuse. Néanmoins, Aphrodite lisait une pointe d'angoisse en elle. Et elle savait pourquoi. Mais pour cela elle ne pouvait rien faire. Elle soupira. Aucune épreuve ne leurs seraient jamais épargné, songea-t-elle.

 

Elle se redressa et s'éloigna. Elle n'était pas une déesse régnante certes, mais il y avait certaines choses qu'elle pouvait encore faire...

 

Elle s'éloigna en réfléchissant aux différents problèmes existants et aux solutions éventuelles, sans manquer de noter au passage les regards admiratifs des hommes et envieux des femmes, qui se posaient sur son sublime et parfait postérieur.

 

En souriant à un serveur très craquant, elle passa la porte vitrée de la terrasse, une lueur pétillante dans les yeux et une idée pleine de fantaisie germant dans son esprit.

 

                                                                       ***

Tia discutait avec Karl et Frédéric. Ils se tenaient un peu à l'écart et Lex leur jetait de fréquent coup d'oeil. A leur regard et la gravité de leur mine, elle savait qu'ils discutaient de l'avenir de Lizzie.

 

Tia ne lui avait pas rapporté grand chose de la conversation qu'elle avait eu avec elle, ce qu'elle comprenait. Mais elle lui avait confié que Lizzie allait mal et qu'elle ne savait pas vraiment quoi faire.

 

Elle lui avait parlé de Tamara et de la mauvaise influence de celle-ci. Elle lui avait raconté l'amour qu'elle avait décelé dans le regard de Lizzie et sa profonde confusion. Lex l'avait écouté avec attention. Tia lui avait demandé quelques conseils mais son expérience en matière d'adolescent rebelle se cantonnait à ce qu'elle avait été elle-même.

 

A part couper les liens existant entre Tamara et Lizzie, elle ne voyait pas vraiment ce qu’elle pouvait faire.

 

-          Alors il ne faut plus qu'elles se téléphonent, non ? Avait demandé Tia incertaine.

 

-          Je pense que c'est ce qu'il y a de mieux, oui.

 

-          Mais elle l'aime. Si je fais ça, elle risque de se braquer.

 

Lex avait pincé les lèvres au mot « amour ». Après tout, pour elle Lizzie était et serait toujours amoureuse de sa femme.

 

-          Je ne serais pas aussi certaine que toi de ça, avait-elle répliqué sceptique.

 

-          Qu'est-ce que tu veux dire ?

 

-          Juste qu'à mon avis, elle est une « remplaçante ».

 

Tia lui avait alors jeté un regard agacé qui lui avait fait comprendre son erreur. Elle n'aurait pas dû remettre en question l'honnêteté de Lizzie. Tia avait une foi quasi-aveugle en la jeune fille. D'autant plus que la mercenaire se reconnaissait en elle.

 

-          Si Lizzie dit qu'elle l'aime, c'est qu'elle l'aime, avait lâché Tia sèchement.

 

Une bouffée de jalousie l'avait alors prise. Le lien entre Tia et Lizzie était fort, elle venait d'en avoir une nouvelle preuve. Pas aussi fort que le sien avec Tia mais quand même... ce que cela pouvait l'énerver ! Même si elle en comprenait la raison, elle n'aimait pas voir sa femme se sentir aussi proche d'une autre qu'elle. Est-ce qu'elle avait d'autres femmes dans sa vie elle ?!

 

Une jeune femme blonde à l'air malicieux avait surgi dans son esprit. Linya. « Oui, bon, mais ce n'est pas pareil ! » Avait-elle songé avec mauvaise foi.

 

Elle s'était néanmoins contrôlée et avait respiré profondément et posé un regard calme sur sa femme, très fière de ses progrès en la matière.

 

-          Excuse-moi, avait-elle commencé. Je ne connais pas Lizzie aussi bien que toi, c'est vrai, mais soit certaine qu'entre toi et elle, c'est toi qu'elle choisirait si on le lui demandait.

 

-          Je le sais ça, avait rétorqué la grande femme toujours agacée. Mais ça ne veut pas dire qu'elle ne tient pas de façon déraisonnable à Tamara. Notre lien à Lizzie et moi est fragilisé par sa présence et je sens bien qu’elle pourrait bien faire n'importe quoi pour la voir. Elle lui manque et qui que soit cette fille, elle la tient au creux de sa main. Son influence sur Lizzie est considérable et franchement surprenante. Mais Lizzie est fragile en ce moment et perdue. Elle compte sur moi pour lui donner une raison.

 

-          Une raison à quoi ?

 

-          A sa présence. A son existence. Tout ceci a si peu de sens pour elle, avait-elle ajouté en faisant un signe de la main qui englobait leur environnement.

 

Lex avait pesé ses mots avec soin.

 

-          Tu as déjà vécu ça toi, non ? Ce manque, ce vide... tu connais... peut-être... pourrais-tu lui donner quelques conseils sur la façon dont tu as surmonté ça ?

 

Tia lui avait lancé un sourire triste.

 

-          C'est toi qui m'a permis de remonter la pente. Toi et Enyalios.

 

Le frémissement de déplaisir à cette évocation n'avait pas échappé à la mercenaire mais elle avait joué l'innocente. Honnêtement, elle ne comprenait pas ce que Lex avait contre son ancien mentor. Enyalios était un homme bon. Drôle, charmant et fiable, il avait été là chaque fois qu'elle ou Lex en avait eu besoin. Alors que lui reprochait-elle ?

 

Lex avait souri puis soupirer.

 

-          Je suis désolée, je ne te suis pas d'une grande aide...

 

-          Te parler, bien souvent, me suffit tu sais.

 

Lex avait été touchée par la sincérité toute simple de ces mots et Tia s'était allongée près d'elle, la tête sur ses genoux, et l'avait dévisagée un long moment. Lex s'était prêté à son jeu, restant tranquille pendant son inspection, lui caressant les cheveux, les joues et déposant quelques baisers sur son front.

 

Elle aimait tant sa mercenaire...

 

-          Je n'avais jamais eu personne à qui parler de ce qui me préoccupait avant toi. Enfin j'avais bien Frédéric mais... tu sais... c'était autre chose. Et...

 

-          Et tu gardais tout pour toi, en bon chef de meute...

 

Tia  l'avait regardée avec surprise. Ce que disait Lex était vrai bien sûr, mais elle n'avait jamais pensé que c'était une chose qu'elle comprendrait. Apparemment, elle l'avait sous-estimée. Elle avait réprimé une grimace et hausser les épaules.

 

-          Ce n'est pas que Frédéric n'aurait pas aimé que je me confie à lui, où ce genre de chose, c'est juste que… ça ne correspondait pas au rôle qu'on m'avait attribué, avait-elle expliqué en se demandant si Lex comprenait vraiment de quoi elle parlait.

 

-          Je suis certaine que Frédéric n'aurait pas été choqué si tu avais contrevenue à cette règle mais je pense que ça ne lui a même pas traversé l'esprit.

 

-          Comment ça ?

 

-          Comme tu l’as dis. Ton rôle était autre. Dur, indestructible, impassible. Capable de tout supporter. C'est ainsi que te voit la plupart des gens, non ? Il ne t'a jamais vue comme une enfant, ça ne l'a donc pas choqué de ne pas te voir te comporter comme les adolescents normaux. D'autant plus que lui même ne savait pas ce que c'était.

 

-          Et... comment crois-tu qu'il me voyait ? L'avait interrogée Tia, curieuse de voir jusqu'où Lex avait compris la particularité de ses relations avec Frédéric.

 

-          Eh bien comme moi, j'imagine... avait-elle répondu songeuse. Comme un loup solitaire. Un chef de meute. Dur, hargneux, mais fidèle et loyal.

 

Tia s'était mordue la lèvre pour retenir une exclamation de joie. Elle qui avait craint de lui parler de l'arrangement si particulier qui existait entre elle, Karl et Frédéric ! Bon sang, quel soulagement !

 

Maintenant elle était certaine que Lex comprendrait leur fonctionnement. Et la raison de l'intégration de Lizzie à celui-ci. Quant à Lex... si elle comprenait ça, elle pouvait parfaitement y entrer aussi !

 

Heureuse de ne plus avoir à exclure la femme qui hantait ses jours et ses nuits d'une partie importante de sa vie, elle s’était redressé pour lui faire part de son enthousiasme.

 

L'heure qui avait suivi avait été consacrée au décodage du fonctionnement de la meute mise en place pour elle par Frédéric. Tia lui avait expliqué quand et comment celle-ci était née et comment elle en avait pris la tête.

 

Lex avait vu la gêne de sa femme en prononçant le mot « meute », elle avait comprit donc que c'était une désignation de Frédéric et que Tia était embarrassée de ne pas savoir vivre comme tout le monde.

 

Lex avait comprit enfin pourquoi elle se sentait exclue comme ça. Et savoir d'où cela provenait l’avait soulagé. Elle avait été légèrement contrariée de savoir que Tia en avait parlé à Lizzie avant elle, mais elle savait pourquoi elle l'avait fait alors elle ne lui en avait pas tenu rigueur.

 

Revenant au moment présent elle vit que Tia en avait terminé avec le sujet Lizzie et lui faisait signe de la rejoindre.  

 

-          J'ai fait part de ma décision de t'intégrer au groupe, à Karl et Frédéric. Je dois encore mettre Lizzie au courant mais en dehors de  ça, tout est officiel.

 

-          Génial ! S'exclama Lex avec enthousiasme. Et y'aura une cérémonie, un truc dans le genre ?

 

Tia ouvrit de grands yeux.

 

-          Une cérémonie ? Non, bien sûr que non.

 

-          Oh, fit Lex déçue. Bah tant pis ! L'essentiel est que j'en sois !

 

-          Heu Lex, tu as bien conscience de la heu, particularité des règles de vies dans ce heu, groupe ?

 

-          Tu peux dire meute chérie, je ne vais pas m'enfuir en courant ! Fit Lex en passant un doigt moqueur sur sa joue. Et oui, j'ai bien saisi. Tu décides de tout en tout. Mais ce que j'aimerais bien savoir, c'est quand je peux moi décider ? En clair quand commence tes règles et quand elles se terminent.

 

Tia échangea un regard blasé avec un Karl hilare puis revint à sa femme. Elle croisa les bras sur sa poitrine et entreprit de réfléchir aux mots adéquats.

 

-          Lex... vivre comme une meute, à partir du moment où tu y es acceptée c'est... pour toujours...

 

Lex fronça les sourcils.

 

-          Tout le temps, ajouta Tia en se penchant un peu en avant pour appuyer son propos.

 

-          Tout le temps, tout le temps ?

 

-          Oui, Lex. C'est une façon de vivre.

 

-          Donc tu veux dire que je ne pourrais jamais te  contredire ?

 

Tia soupira.

 

-          Tu as déjà vu Frédéric se priver de me sermonner ?

 

-          Non, admit la petite blonde. Mais...

 

-          Ca veut juste dire qu'en cas de problème, c'est moi qui ai le dernier mot. Et que lorsque je décide quelque chose pour ton bien, tu ne peux pas aller contre. Comme c'est le cas pour Lizzie en ce moment, par exemple.

 

-          Je vois. Je ne suis pas très sûre que cela me plaise... mais...

 

-          Mais ?

 

-          J'ai confiance en toi. Je sais que tu n'abuseras pas de ton pouvoir. Et que tout ce que tu feras sera dans notre intérêt.

 

-          Mais... ?

 

-          Qui le fait pour toi ?

 

Le regard franc de Lex mit Tia mal à l'aise. Elle ne savait pas pourquoi mais elle ne se sentait pas bien dans ses baskets.

 

-           Toi, non ? Répondit-elle en haussant les épaules.

 

Lex la dévisagea un instant avant de se tourner vers Frédéric et Karl.

 

-           Ca pose un problème à l'un de vous si de temps en temps je prends le pas sur Tia ?

 

Frédéric secoua la tête et Karl haussa les sourcils, surprit. Tia la fixa sans comprendre.

 

-           Qu'est-ce que ça veut dire ? Demanda-t-elle à sa femme.

 

-           Que selon ma prérogative de femme, je prendrai soin de toi. Malgré toi s'il le faut.

 

Tia fronça les sourcils.

 

-          En somme tu prends le pouvoir.

 

-          Pendant un temps limité et dans ton intérêt, oui.

 

Tia réfléchit un moment puis secoua la tête.

 

-          Ca ne va pas être possible. Tu ne peux pas prendre ma place de temps à autre, ça risque d'être trop confus...

 

Lex resta saisie par ce refus. Elle ne le montra pas, mais elle était blessée. Frédéric était tout aussi surprit. Tia n'avait  jamais rien refusé à Lex. Surtout pas sa propre indépendance !

 

-          Pour que tout reste clair, poursuivi la mercenaire, il te faut un statut stable. Permanent. Je pense qu'un rôle de co-chef serait mieux.

 

Le cœur de Lex fit un bond.

 

-          Que... co-chef ? Tu veux dire... ?

 

-          Eh bien tu es ma femme... ce serait normal non ?

 

-          Mais... ça ne vous embête pas ? Fit-elle à l'attention de Frédéric et Karl.

 

-          Bien sur que non, fit Frédéric.

 

-          Tu as l'âme d'un meneur, renchérit Karl. Et puis... je dois avouer qu'être mené à la baguette par deux jolies jeunes femmes est assez... excitant, rit-il.

 

-          Pervers, lança Tia en lui retournant son sourire. Alors ça te va ? Fit-elle à l'attention de Lex.

 

-          B... bien sûr ! Mais... heu concrètement, ça veut dire quoi ?

 

-          Concrètement et bien tu diriges leurs vies. Et tu peux prendre des décisions pour moi si tu l'estime nécessaire. La réciproque est tout aussi vrai bien entendu. Mais sache que je ne les mène pas à la baguette, ne t'en déplaise Karl. Ils sont libres de mener leur vie comme ils l'entendent. Le truc, c'est qu'en cas de problème... je prends les commandes point barre. Pas de question, pas de discussion. Sauf, si on a le temps.

 

-          Je vois. Ok, eh bien... je vais te laisser continuer alors, sourit-elle. Moi, tant que je peux prendre soin de toi...

 

Tia ne pût retenir un sourire devant la joie enfantine de sa femme.

 

-           N'oublie pas cependant que si je ne suis pas a même de m'occuper d'eux, ce sera à toi de le faire.

 

Lex hocha la tête, mais au fond d'elle, elle savait que Frédéric et Karl étaient tout à fait capable de s'occuper d'eux-mêmes. Elle n'aurait qu'à se charger de Lizzie. Soudain elle releva la tête.

 

-           Et les jumeaux ?

 

-           Quoi les jumeaux ?

 

-           Ils en font partie ou pas ?


Tia grimaça.

 

-           Ils sont parfaitement intégrés donc je serais tentée de dire non, mais...

 

-          Mais ils prennent depuis quelques années une direction qui ne te dit rien qui vaille, finit Frédéric pour elle.

 

-          Depuis que je suis revenue dans leur vie pour être exacte.

 

Tia et son ancien mentor échangèrent un regard énigmatique et intense puis Tia soupira. Elle se tourna vers Lex et déclara :

 

-          Pour être franche je n'en sais rien. Pour l'instant on va dire que non et puis on verra. Mais j'espère vraiment que non.

 

La petite blonde hocha la tête et prit la main de sa femme.

 

-          Tu n'as pas à te blâmer tu sais. Ils sont heureux. Et n'est-ce pas tout ce qui compte ?

 

-          Tu as raison. Encore, sourit la mercenaire en pressant sa main.

 

 

 

Chapitre 4 :

 

En soupirant de plaisir Lex se coula dans l'étreinte de sa compagne. Tia dormait depuis une bonne heure et Lex venait de rentrer de sa sortir luge avec les jumeaux. Elle pétait le feu ! Et en voyant sa femme, détendue et vulnérable, le désir familier l'avait embrasée.

 

Elle s'était débarrassée de ses vêtements à la vitesse de la lumière et s'était glissée dans le lit avec une envie pressante.

 

Elle entreprit de repousser les vêtements de sa femme mais celle-ci ne faisait pas mine de se réveiller. Elle décida donc de piquer son cou de petits baisé. Mais cela n'eut pas plus de succès.

 

Lex se redressa sur un coude et étudia Tia. Sa femme dormait sur le dos. Vêtue d’un t-shirt uni blanc aux manches courtes et un caleçon d'homme noir, elle était splendide. Ses cheveux noirs étaient étalés sur l'oreiller et sa peau mate brillait doucement à la lueur de la lune.

 

Décidée, Lex se mit à genoux et d'un mouvement déterminé, fit glisser le caleçon sur les chevilles de Tia. La vue de l'intimité de son amie fit saliver la petite blonde, qui s'empressa de jeter le vêtement au loin. Elle repoussa ensuite le t-shirt aussi haut que possible en se demandant comment diable Tia pouvait encore dormir et se coucha sur elle.


Sa peau touchant la sienne la fit frémir. Elle prit un téton en bouche tout en griffant légèrement les côtes de sa femme. Elle sentit un mouvement sous elle et sourit sans cesser de prodiguer ses attentions.


Elle frotta son sexe contre le sien en de lents mouvements langoureux et un soupir retentit. Elle relâcha les seins tendus et descendit. Parvenue au sexe de sa femme qui commençait à être humide, elle repoussa un peu les cuisses et se glissa entre.

 

D'un geste tendre, elle écarta les lèvres gonflées de sa langue et découvrit, de son index et de son pouce, le clitoris qui n'attendait qu'elle.

 

Lorsqu'elle le prit entre ses doigts et le fit doucement rouler, un gémissement s'éleva. Sans s'interrompre, elle glissa sa langue dans le sexe maintenait gorgé de rosée et entreprit d'en parcourir les parois humides.

 

Les cuisses de Tia se contractèrent et Lex sortit sa langue pour lécher les lèvres gonflées et prendre le clitoris en bouche. Elle le fit rouler dans sa bouche, le mordilla, le lécha et poussa Tia au bord de l'extase.

 

Juste avant qu'elle ne jouisse, elle se redressa, tirant un cri de protestation à sa femme et, écartant les jambes de sa femme plus largement, remonta vers sa bouche. Elle l'embrassa furieusement tout en introduisant trois doigts en elle.

 

Quelques mouvements pressant et Tia jouit. Elle resserra son étreinte sur Lex se faisant et cria. La tension libérée, elle relâcha son amie et plongea son regard dans le sien.

 

-          Qu'est-ce qui t’a pris ? Souffla-t-elle les yeux à demi fermés.

 

-          Une envie soudaine... envie d'ailleurs pas assouvie.

 

Un sourire sensuel lui répondit qui la remua. Elle se pencha vers elle et l'embrassa mais Tia la repoussa.

 

-          On ne ferait pas mieux d'attendre ?

 

-          Pourquoi on ferait ça ?

 

-          Ben... le bébé...

 

Lex éclata de rire.

 

-          Et  qu'est-ce que tu veux que ça lui fasse ? Il s'en fiche lui !

 

-          Oui, mais... C'est pas dangereux ?

 

Lex rit tellement fort qu'elle se plia en roulant sur le lit. Vexée, Tia la regarda faire un peu perplexe. Lorsqu'elle se fut enfin calmée, Lex lui fit face en posant ses mains sur les seins de Tia.

 

-           Ca ne craint rien, rassure-toi. J'ai demandé au docteur.

 

Soulagée, les épaules de Tia se relâchèrent et elle repoussa son amie pour se débarrasser de son t-shirt.

 

 

                                                                       ***

 

Le lendemain, les deux femmes retrouvèrent leur petite famille autour de la table du petit-déjeuner dans la salle de restaurant de l'hôtel. Lizzie les regarda approcher, furieuse. Non seulement Tia lui avait interdit de parler avec Tamara, mais en plus Lex devenait sa supérieure dans la meute !

 

Non mais c'était quoi cette blague ?! Et comme si ça ne suffisait pas, elles avaient entendu leurs ébats la veille, ce qui l'avait maintenue éveillé la moitié de la nuit. Son corps était en manque. En manque de Tamara. Et imaginer Tia nue et pantelante de désir avec une autre qu'elle l'avait énervée.

 

Elle en avait marre. Elle ne pouvait avoir Tia alors pourquoi elle ne se résignait pas ?! Pourquoi ne pouvait-elle pas l'oublier ?!! Et bon sang pourquoi Tia l'empêchait-elle de voir Tamara ?!!

 

C'était bien la seule femme à être parvenue à lui faire occulter Tia quand elles étaient ensemble !

 

Elle soupira et détourna son attention des deux femmes. Tamara lui manquait... ses baisers possessifs et sauvages, ses mains tantôt d'une douceur insupportable, tantôt brusque presque brutal, sa bouche exigeante, son sourire moqueur... elle soupira à nouveau. Elle avait bien conscience que Tamara ne prenait pas vraiment soin d'elle mais quelque part c'était ça qui lui plaisait. Sa brutalité. Le plaisir dans la douleur. Oh Tamara n'allait jamais très loin mais elle avait découvert qu'elle aimait ça. Beaucoup.

 

Son cœur se serra. Il n'y avait pas que le sexe qui lui manquait avec Tamara. Parfois, pas très souvent, mais parfois, Tamara lui offrait quelque chose. Une fleur, un bibelot, un moment rien qu'elles deux où Tamara se concentrait totalement sur elle, et même si elles ne finissaient jamais au lit, ces moments presque normaux lui étaient précieux. Elle avait alors l'impression de compter un peu pour elle. Et ses cadeaux, elle les gardait précieusement avec elle. Il n'y en avait que trois. Mais c'était ses trésors.

 

Oh dieu qu'elle avait envie de voir Tamara !

 

Elle jeta un regard en coin à sa chef. Tia était occupée à roucouler avec sa femme tout en se moquant d'une des manies de sa fille. Elle savait que ce n'était pas très malin mais... si elle se débrouillait bien, peut-être qu'elle pourrait voir Tamara dans leur dos ?

 

Après tout aucun d'eux ne faisait vraiment attention à elle. Elle se leva.

 

-          Ca va Liz ? S'enquit Tia en posant ses magnifiques yeux bleus sur elle.

 

-          Oui, oui. Pas de soucis. J'ai fini, je vais aller dans ma chambre me reposer un peu avant la randonnée.

 

-          Bonne idée, je vais faire pareil, fit Len. Parce qu'avec le parcours que m'man nous a préparé on va crevé sur place !

 

Lizzie lui sourit en cachant son désappointement. Mais heureusement, son intention était réellement d'aller se reposer et elle put s'isoler dans le hall de l'entrée pour téléphoner à sa petite amie, après qu’il eut disparu dans les escaliers.

 

La sonnerie retentit plusieurs fois avant qu'enfin sa correspondante ne daigne décrocher.

 

-          Ouais ? Fit la voix éraillée de Tamara.

 

-          Tamara ? S'exclama Lizzie en se forçant au calme. C'est Lizzie !

 

-          Ha. Salut.

 

Lizzie entendit une pointe de colère dans la voix de Tamara et un manque d'enthousiasme certain.

 

-          Salut, tu vas bien ? Lança-t-elle toujours aussi heureuse de l'avoir au bout du fil.

 

-          Ouais. Mais t'es où ? Et pourquoi tu réponds pas quand j'appelle ? Finit par demander la jeune femme.

 

-          Oh, je suis désolée… C'est à cause de ma... heu tutrice. Elle ne veut plus que je te vois.

 

-          Pour qui elle se prend cette pouffe ?! S'insurgea Tamara avec indignation. Tu es MA petite amie. Et t'as passé l'âge qu'on te dise quoi faire !

 

Partagée entre la joie devant la possessivité de sa petite amie et une certaine colère que Tia soit insultée ainsi, elle préféra se concentrer sur le positif.

 

-          Je suis d'accord avec toi et je dois dire que tu manques terriblement...

 

A sa grande surprise et sa joie immense Tamara lâcha d'une voix douce :

 

-          Tu me manques aussi...

 

-          C'est vrai ? Ne put-elle s'empêcher de demander.

 

-          Bien sûr. Tu sais, jeta Tamara l'air de rien, tu es la première avec qui ça dure aussi longtemps... Presque un an... c'est le triple de ma relation la plus longue. Je me lasse vite d'habitude mais avec toi... je sais pas, j'ai pas envie de ne plus te voir.

 

Lizzie se mordit la lèvre. Les larmes aux yeux, elle se retint de dire une chose qui aurait tout gâché. Tamara disait enfin ce qu'elle mourrait d'envie d'entendre depuis tant de temps. Bon ok, ce n'était pas une déclaration d'amour, mais elle lui disait qu'elle tenait à elle quand même ! Et elle lui manquait !

 

Elle savait que faire plaisir à Tamara en la laissant l'entraîner dans des parties à trois, qu'elle préférait parfois éviter, seraient payant en définitive. Elle avait toujours craint que Tamara ne se lasse d'elle comme elle s'était lassée de ses ex, mais en acceptant ses pratiques, elle avait réussi à aller contre sa nature ! Elle se l'était attachée ! Et si elle poursuivait ses efforts, sûre qu'elle finirait par tomber amoureuse !

 

-          J'en suis heureuse, souffla-t-elle.

 

Puis elle se reprit et demanda :

 

-          Est-ce que... tu pourrais venir me voir ?

 

-          Tu es où ?

 

-          Tia, ma tutrice, nous a embarqués en vacance à la montagne. Le désavantage c'est que ce n'est pas à côté c'est sûr mais plus proche quand même que le ranch vu que tu es à Seattle en ce moment. Et l'avantage c'est que personne ne se doutera qu'on se verra.

 

-          Hummmm je sais pas, loin comment ?

 

-          On est dans un coin paumé pas loin de Vancouver. Je sais que tu y as un cousin... tu pourrais peut-être... ?

 

Le silence au bout du fil lui signifia que Tamara réfléchissait, ce qui lui donna de l'espoir. En temps normal jamais Tamara n'aurait dit oui. C'était par désespoir qu'elle avait demandé. Mais après son aveu elle pouvait en effet espérer un geste de sa part.

 

Un soupir retentit au bout du fil.

 

-          Ok, répondit-elle finalement avec une résignation patente. Tu restes là-bas combien de temps ?

 

Muette de stupeur, Lizzie dut déglutir à plusieurs reprises avant de parvenir à répondre.

 

-          Je... heu, quelques jours encore.

 

-          Bon, je pense que je serais là demain matin.

 

Lizzie se mordit la lèvre et retint une exclamation de joie.

 

-          Je... j'ai hâte, souffla-t-elle finalement.

 

A l'autre bout, un rire retentit. Tamara savait parfaitement l'effet qu'elle faisait à Lizzie. Et elle adorait ça. Au début c'était surtout le fait d'avoir un nouveau et complaisant jouet qui lui avait plu. Maintenant... elle ne savait plus trop. Le fait était qu'elles étaient encore ensemble un an après leur rencontre. Ok, leur relation était assez décousue, et elle-même voyait d'autres filles mais avec aucune autre que Lizzie, elle n'avait de relation suivie. Et elle avait remarqué qu'elle aimait parfois lui acheter un truc ou rester seule avec elle. Et qu'elle se déplaçait pour aller la voir. Et aussi, ça ça l'ennuyait pas mal, qu'elle lui manquait. Juste un peu, mais quand même. Ca ne lui était jamais arrivé avant.

 

Ca  l'agaçait un peu que la jeune fille ait put comme ça, s'insinuer dans son cœur. Elle n'était pas encore amoureuse mais... elle repoussa la pensée, n'ayant aucune envie d'aller au bout.

 

Une idée traversa son esprit.

 

-          Si pendant ce temps là tu nous dégottais une boîte sympa où on pourrait se retrouver. Une boîte du style du Kimcuir.

 

Lizzie retint un mouvement d'humeur. Elle aurait préféré un tête-à-tête, mais Tamara n'en était pas vraiment fan. Elle n'était pas franchement à l'aise dans les boîtes bondage mais Tamara si alors...

 

-          Ok, je trouverais ça et t'enverrais l'adresse par sms.

 

-          Parfait ! Je suis sûre qu'on va bien s'amuser... ajouta-t-elle d'une voix pleine de sous-entendus.

 

L'excitation se fraya un chemin au creux de l'estomac de Lizzie et la perspective de se faire ligoter lui sembla moins embêtante si c'était Tamara qui le faisait.

 

-          A demain, fit-elle doucement avant de raccrocher.

 

***

 

-          J'aimerais bien partir en mission, lança soudain Lex.

 

Tia se tourna vers elle avec surprise. Sa femme était en train de noter je ne sais trop quoi dans son journal intime, journal qu'elle tenait depuis peu de temps d'ailleurs. Mais elle lui avait dit éprouver le besoin depuis toujours de raconter des histoires et puisqu'elles avaient du temps devant elles, elle s'était dit que c'était le moment pour commencer. Dedans, d'après ce que Lex avait accepté de lui en lire, elle notait les missions qu'elles avaient effectuées.

 

Amusée, Tia s'était rendu compte que Lex la mettait systématiquement en avant, la décrivant avec de tels adjectifs qu'elle avait l'air d'une héroïne de conte de fée.

 

-          Tu plaisantes j'espère ?

 

-          Non pourquoi ?

 

Lex s'était détournée de son journal.

 

-          Lex, fit la mercenaire sur le ton de l'évidence, tu es enceinte.

 

-          Ca on n'en est pas encore sûr.

 

Tia secoua la tête l'air de dire « pourquoi doutes-tu de moi ? »

 

-          Crois-moi, tu es enceinte.

 

-          Ok, répondit Lex en levant les yeux au ciel, je suis enceinte. Mais en quoi ça nous empêcherait de partir en mission ?

 

Deux sourcils se haussèrent brièvement.

 

-          Pleins de mères bossent jusqu'à presque terme de nos jours ! Renchérit Lex avec conviction.

 

-          Lex, elles ne font pas ton métier. De toute façon il n'y a pas à discuter. C'est trop dangereux. Tu pourrais prendre un mauvais coup et la hop, plus de bébé ! Donc c'est non. Pas de mission. Pas d'entraînement non plus.

 

-          Attends un peu ! Les entraînements sont nécessaires pour se garder en bonne condition. Comment veux-tu que je reste une bonne mercenaire sans entraînement ?!

 

Tia fit la grimace. Elle avait malheureusement raison.

 

-          Tia, plaida la petite femme avec des yeux de merlan frit, je n'ai pas encore eu l'occasion d'étrenner mon nom... soit sympa... juste une petite mission.

 

Mais Tia était intraitable et elle secoua la tête.

 

-          Pas question. Pour l'entraînement ok, je vais voir ce qui peut être acceptable. Mais les missions c'est niet.

 

Lex, dans un louable effort pour contenir sa mauvaise humeur, souffla bruyamment.

 

-          Et si ce n'était pas physique ? Si c'était un simple piratage ou un truc dans le genre ?

 

-          Pour ce genre de mission, désolée de te dire cela mais tu n'as pas une grande réputation. Ce n'est pas à toi que l'on fera appel.

 

-          Bon sang, tu peux quand même envisager la chose, non ?! Je suis sûre que je peux trouver une mission simple qui ne nécessiterait même pas d'effort physique !

 

-          Lex...

 

-          Non, je ne t'écouterais pas ! Tu n'essaies même pas ! Renseigne-toi au moins !

 

Tia soupira, puis céda.

 

-          Ok, ok. Je regarderais les propositions que tu as reçues, ça te va ?

 

Un grand sourire franc lui répondit. Tia retourna à ses armes, qu'elle entretenait avec un soin maniaque, en se demandant si elle n'était pas devenue faible. Depuis qu'elle était avec Lex, elle devait s'avouer être devenue beaucoup moins déterminée.

 

Une seconde, elle envisagea la chose. C'était un problème non ? Que se doit dans son travail ou dans sa vie, cela pouvait poser un problème, non ?

 

Elle jeta un oeil à la fenêtre au travers de laquelle elle voyait sa fille flirter outrageusement avec un jeune de la station et elle fronça les sourcils. Pour qui se prenait ce petit coq ?!

 

Puis elle soupira et revint à son Cesna. Non ce n'était peut-être pas plus mal finalement. Avant Lex, elle serait allée voir ce jeune idiot et lui aurait collé la trouille de sa vie. En fait, si Lex n'était pas entrée dans sa vie, elle n'aurait jamais décidé d'élever ses enfants.

 

Donc, de ce point de vue là, son affaiblissement était peut-être une bonne chose. Maintenant, d'un point de vue professionnel, Enyalios lui avait déjà fait remarquer qu'il allait bientôt redevenir le numéro Un.

 

Cela l'avait agacée. Et ça l'agaçait toujours d'ailleurs. Peut-être que maintenant que Lex avait sa propre indépendance, pouvait-elle se détacher d'elle ? Du moins sur ce plan là... Si elle la traitait sur un pied d'égalité, elle devrait avoir moins de mal à séparer sa vie amoureuse de sa vie professionnel.

 

Rassurée par cette perspective, elle se remit à son entretien avec une vigueur renouvelée.

 

 

 

Chapitre 5 :

 

 

Le lendemain matin Lizzie se mit en quête d'une boîte bondage comme promis. Pour se faire elle prétexta des courses à faire pour le pique-nique du midi. Bien entendu, Len et Lara exigèrent toute une liste d'ingrédients tous plus mauvais les uns que les autres. Elle cru que Tia y mettrait le holà mais au contraire elle y rajouta quelques pots de Nutella et deux ou trois paquets de M&M’s.

 

Ce fut Lex qui intervint. Elle fit les gros yeux à sa femme et tança ses enfants en reprenant la liste à Lizzie. Elle en raya une bonne partie mais laissa les pots de Nutella. Tia lui fit un grand sourire de contentement ce qui fit marrer Lizzie. Lex y ajouta deux paquets de café à moudre de la meilleure marque et Lizzie gloussa. Quelle bande d'accros quand même !

 

Elle partit sous les moqueries et avec assez d'argent pour pouvoir acheter tout le stock du magasin.

 

La première demi-heure fut passée à parcourir le bottin trouvé dans une  cabine téléphonique. Evidemment dans une station touristique c'était pas en ville qu'elle allait trouver ce qu'elle cherchait. Elle soupira. Elle allait devoir pousser plus loin.

 

Pénétrant dans un cyber café, elle paya une demi-heure d'Internet et s'installa dans un coin au fond de la salle, ordinateur face au mur pour éviter les regards indiscrets. Elle tapa sa recherche. Le second lien sur lequel elle cliqua fut le bon.

 

Elle visita leur boîte virtuellement et grimaça un peu. Ca lui semblait assez hard mais il y avait deux salles plus soft qui, elle l'espérait contenteraient Tamara. Elle ne se voyait vraiment pas tenter les deux autres.

 

Elle nota soigneusement l'adresse et l'itinéraire pour s'y rendre puis sortit. Elle fit ensuite les courses en se demandant quelle excuse elle allait pouvoir inventer pour sortir ce soir. A ce moment là elle vit qu'il était 9H et se rua sur la cabine téléphonique la plus proche. Elle composa le numéro de Tamara.

 

La conversation fut courte, Lizzie n'ayant plus beaucoup de temps avant que Tia ne se montre suspicieuse, et elles convinrent de se retrouver devant la station de bus à 22h.

 

Puis Lizzie rentra et Lex entreprit avec son aide, de préparer le pique-nique.

 

Pour Lizzie la journée s'écoula comme un rêve. A la fois trop longue et sans couleur. Une seule chose envahissait son esprit. Tamara et leur rendez-vous.

 

Le soir venu, elle n'avait pas trouvé d'excuse alors elle déclara qu'elle était fatiguée et partit se coucher tôt. Elle avait décidé de faire le mur. Elle savait qu'il y avait une chance sur deux que Tia vienne vérifier qu'elle aille bien durant la nuit, mais elle décida que le jeu en valait la chandelle.

 

A 21h30 elle se glissa hors de son lit et, ses baskets noires à la main, elle se coula dans le couloir de l'hôtel. Un oeil jeté de part et d'autre et elle rejoignit l'ascenseur de service. Elle avait vérifié, il donnait sur la partie personnelle. Normalement il fallait un pass pour l'activer et elle en avait subtilisé un au serveur du restaurant, celui qui avait un faible pour elle.

 

Elle se retrouva à 22h pile devant l'arrêt de bus en ville. Un peu inquiète, elle vit défiler les minutes sans que Tamara n'apparaisse. Après 15 minutes d'attente vaine, enfin sa petite amie apparut. Comme à son habitude, elle ne s'excusa pas mais pour une fois Lizzie ne s'en formalisa pas. Elle était trop heureuse de la revoir.

 

Se retenant à grand peine de lui sauter dans les bras, elle fit un pas vers elle et la serra avant de l'embrasser brièvement. Elle aurait aimé faire plus, mais Tamara n'était pas fan des démonstrations d'affection.

 

Néanmoins, Tamara la surprit ce soir là. Elle lui prit la main et l'attira à elle pour lui donner un baiser qui la laissa pantelante. Satisfaite de la réaction de sa petite amie, Tamara eut un sourire en coin.

 

Elles prirent le bus et se rendirent main dans la main jusqu'à la boîte. Dans le bus, Tamara la détailla et fit la moue devant sa tenue pour le moins chaste.

 

-          Je sais mais je n'avais pas prévu d'aller en boîte quand on est partie.

 

Tamara haussa les épaules et se tourna vers la vitre. Lizzie en profita pour admirer sa petite amie. Celle-ci, vêtue d'un pantalon en cuir moulant, d'un gilet en cuir qui laissait voir le soutien-gorge fait de la même matière, elle était à tomber. Un collier en cuir clouté, trois anneaux noirs et sertis de petits pierres cristallisées et une ceinture avec une lourde boucle en fer ancien parachevaient sa tenue. Ses courts cheveux bruns avaient poussés et Tamara les avaient repoussé en arrière et lisser avec du gel. Les pointes en étaient roses fuchsia ce que Lizzie trouva intéressant.

 

Tamara avait l'air dangereuse et bien plus jeune que ses vingt-neuf ans. Lizzie se dit qu'elle avait vraiment de la chance d'être avec une femme comme elle.

 

Elles arrivèrent à la boîte et Tamara entra comme en terrain conquis. Elle entraîna Lizzie à travers les différentes salles existantes et la jeune fille grimaça en voyant dans laquelle Tamara avait fixé son choix.

 

Au fond contre le mur, se trouvait une scène sur laquelle une croix en bois avec des attaches en cuir pour les poignets, le cou et les pieds étaient posés. Une humiliation publique s'y déroulait. Heureusement pour elle, Tamara n'avait pas ce jeu-là en tête. Elle l'entraîna dans le fond de la salle où elle découvrit des box donnant ainsi une certaine intimité.

 

Les larges vitres pouvaient être occultées ou non selon le désir des personnes d'être vu. En suivant Tamara le long du couloir, Lizzie comprit qu’elle était probablement venue y faire un tour plus tôt. Elles passèrent devant plusieurs groupes de personnes occupés à mater l'intérieur des box ouverts au public et arrivèrent enfin devant l'un d'eux, un VIP d'après ce que la pancarte laissait entendre.

 

Lizzie déglutit, pleine d'appréhension. Tamara lui fit signe d'entrer. Une fois à l'intérieur de la pièce chichement meublé, la femme plus âgée lui désigna le canapé en velours rouge sur lequel trônait une tenue qu'elle lui demanda d'enfiler. A l'opposé de la fenêtre et à droite du canapé se trouvait l'unique autre « meuble » de la pièce. Une réplique de la croix qui se trouvait sur la scène qu'elle avait vue en entrant. A côté, un petit établi avec divers instruments tel que fouets, godemichés, liens en cuir, en lin, en tissus rêche ou doux, menottes et d'autres objets dont raffolaient les femmes qui venaient ici, se trouvaient accrochés.

 

Lizzie acquiesça et se défit de son jean et de son pull trop sage pour mettre une jupe en cuir marron droite et vraiment très courte, ainsi qu'une chemise en coton blanc très très fine.

 

-          Ne remet pas tes sous-vêtements, intima Tamara.

 

Lizzie se tourna vers elle, avec un manque d'assurance qui était sa marque de fabrique lorsqu'elle se trouvait avec Tamara. Sa petite amie avait tiré le rideau devant la fenêtre ce qui la soulagea grandement.

 

-          Met-toi sur la croix dos face à moi.

 

Sans rien dire, car tel était son rôle dans ce duo soumise/dominante, elle fit ce qui lui était demandé en priant pour que Tamara ne pousse pas trop loin le jeu. Elle savait qu'elle pouvait l'arrêter a tout instant mais elle connaissait maintenant suffisamment Tamara pour savoir que cela ne lui plairait pas de ne pas pouvoir aller au bout de son fantasme. Et si Tamara n'était pas satisfaite, Lizzie avait peu de chance de la garder comme petite amie.

 

Tamara l'attacha mais sans trop serrer, ce qui la rassura. Elle ne mit pas le lien pour le cou ni ceux pour les jambes. Entravés seulement au niveau des poignets, Lizzie respira plus librement. Le souci était que le dos tourné ainsi, elle se sentait très vulnérable.

 

Tamara commença doucement. Elle l'embrassa dans le cou, sur les joues, caressa son corps à travers, et bientôt, sous les vêtements, attisant le désir de Lizzie pour elle. Lui donnant du plaisir sans jamais l'amener à l'orgasme.

 

Lorsqu'elle fut suffisamment trempée à son goût, elle se recula et attrapa un fouet léger aux lanières fines et souples.

 

Elle commença à en fouetter le dos de Lizzie mais pas trop fort.  Le but était que le fouet claque, pas qu'il laisse des marques. Tamara n'aimait pas voir le corps de Lizzie blessé, alors elle faisait attention.

 

Les gémissements de plaisir de Lizzie se muèrent bientôt en halètement de douleur. Douleur qu'elle s'efforça de contrôler pour ne pas que Tamara se rendent compte de combien elle n'aimait pas l’instrument.

 

Les coups de fouet étaient entrecoupés de caresses savamment dosées, de gadgets utilisés avec art et Lizzie se retrouva rapidement partagée entre plaisir et souffrance. Tamara était si douée qu'elle avait réussi à amener Lizzie au bord de la jouissance malgré les coups et les liens resserrés sur ses poignets.

 

Lizzie la suppliait de la prendre lorsque Tamara eut une meilleure idée. Se tournant vers la porte, elle l'ouvrit et sortit quelques secondes. Lizzie qui avait compris ce que Tamara était allée chercher se mordit les lèvres, partagée entre excitation et dégoût.


Il en allait quasiment toujours ainsi avec Tamara. Ce qu'elle lui faisait lui permettait de découvrir des plaisirs inimaginables, mais de telle façon qu'à chaque fois elle se dégoûtaient un peu plus. Bientôt, deux hommes revinrent avec elle. Des jambières en cuir furent tout ce qu'ils portaient et Lizzie put voir combien ils étaient excités de la voir ainsi.

 

Elle déglutit et posa son regard sur Tamara qui surveillait le moindre geste des deux hommes. Le premier déchira sa chemise d'un geste sûr et, avec un grognement de plaisir, ramassa un des fouets aux lanières plus dures avant de lui en assener quelques coups sur le dos.

 

Contrairement  à Tamara, eux ne se retenaient pas, et le fouet lui arracha des hurlements lorsqu'elle sentit sa chair se déchirer et le sang couler. Lorsqu'enfin cela cessa, elle rouvrit les yeux et découvrit une Tamara choquée.

 

De toute évidence elle ne s'attendait pas à ça. Mais elle n'avait pas fait un geste pour empêcher l'homme de la frapper. Et avant qu'elle ait pensé à protester, l'homme resserra ses liens sur ses poignets à lui faire mal, tout en se collant à elle avant de la prendre avec brusquerie. 

 

Lizzie vit Tamara se mordre la lèvre et serrer les poings. Elle y reconnut le signe de son excitation personnelle et comprit que c'était de la voir être maltraitée et baisée, car il n'y avait  pas d'autre terme pour ce qu'on lui faisait, qui l'excitait ainsi. Cela la blessa plus qu'elle n'aurait cru et elle serra les poings.

 

Elle ne quitta pas sa petite amie des yeux durant tout le coït. Lorsque le premier homme eut terminé, le second le remplaça et remonta sa jupe sur ses hanches. Il voulait voir son sexe et l'humidité que son traitement particulier faisait naître en elle. C'était une humiliation. Une petite, mais une humiliation quand même.

 

Il excita la partie sensible de son anatomie de quelques habiles coups de langue avant de pincer ses tétons avec des pinces prévues à cet effet.

 

Lizzie réprima le frisson, moitié désir, moitié douleur, qui la prit, et l'homme la pénétra à son tour.

 

Pendant qu'il s'activait, Lizzie se demanda pourquoi Tamara ne voulait jamais ou presque lui donner du plaisir seule. La plupart du temps Lizzie était partagée avec d'autres. Et cela la dégoûtait. Au début elle avait trouvé ça nouveau et excitant mais ça n'avait pas duré. C'était Tamara qui lui plaisait. Tamara qui l'excitait. C'était ses mains, sa bouche, sa langue qu'elle voulait sur elle. Pas celles des autres.

 

Et alors que la jouissance montait en elle, portée par une vague de douleur générée par le premier homme qui la mordait aux seins et appuyait sur les pinces avec force, elle se demanda pourquoi il fallait qu'à chaque fois elle finisse, malgré son dégoût et sa peur, par jouir sous les assauts de parfaits inconnus.

 

Alors même que l'orgasme la submergeait, elle se demanda ce que Tamara avait fait d'elle et si cela lui plaisait vraiment.

 

Et alors qu'elle se perdait dans les yeux noirs de sa petite amie, qui avait enfin daigné la regarder, elle comprit. Dans la douleur, elle expiait. Dans le plaisir, elle oubliait. Elle avait besoin de ce traitement pour se sentir mieux, même si cela ne durait pas. Elle en avait besoin pour se rappeler qu'elle était humaine. Une humaine comme les autres. Pas une psychopathe. En laissant Tamara faire d'elle ce que bon lui semblait, elle se prouvait à elle-même qu'elle n'était pas une tueuse sanguinaire. Elle ne cherchait pas le contrôle absolu et était capable de s'abandonner, c'était bien la preuve, non ?

 

Pourtant, alors que les effets de l'orgasme refluaient et que la douleur dans son dos se réveillait, elle se sentit comme à son habitude. Mal dans sa peau. Sale.

 

Alors elle se concentra sur les plaies qui saignait encore et fermant les yeux, supplia son amante de la prendre enfin.

 

Tamara se débarrassa de ses vêtements et virant les hommes de la pièce, s'abattit sur le corps nu et ruisselant de sa petite amie.

 

                                                                       ***

 

Lorsqu'elle rentra, la matinée était bien avancée et elle savait ce qui l'attendait mais Lizzie n'avait pu faire autrement.  Les blessures infligées par les copains de jeu de Tamara avaient des être pansées, désinfectées et recousues. Après cela, Tamara avait insisté pour qu'elle reste dormir avec elle à l'étage.

 

Elle avait somnolé, partagée entre inquiétude et douleur et avait trouvé, à chacun de ses réveils, Tamara à son chevet, la veillant avec une douceur et une bienveillance qu'elle ne lui avait jamais connue.

 

Elle avait reconnu la lueur de culpabilité dans son regard et elle avait dû se retenir pour ne pas lui dire que ce n'était pas grave. Parce que c'était grave.

 

Tamara avait joué avec elle, repoussant ses limites plus loin que d'habitude. La faisant souffrir comme rarement et y prenant du plaisir. C'était ce dernier point qui l'avait blessée le plus. Celui qu'elle ne parvenait pas à lui pardonner.

 

Et puis elle ne savait plus où elle en était. Elle avait eu un orgasme incroyable. Le mélange douleur/plaisir avait été plus intense mais si savamment dosé qu'elle avait adoré. Et elle détestait ça...

 

Ca lui faisait penser à certaines choses, des souvenirs qu'elle aurait préféré oublier, un temps plus ancien où elle vivait avec sa meilleure amie, call-girl de luxe qui vivait parfois des horreurs avec les clients que lui choisissait son mac.

 

Parfois, peu, mais trop souvent à son goût, elle avait assisté à ces moments de déchéance. Après chacune de ces séances, Lizzie avait vomi et demandé à sa meilleure amie comment elle pouvait faire une telle chose. Comment elle avait pu laisser cet homme faire d'elle un objet.

 

Et aujourd'hui elle en était un.

 

Malgré elle, malgré la répugnance qu'elle s'inspirait et malgré sa colère contre Tamara, elle avait apprécié ses gestes doux, son inquiétude et ses soins attentionnés.

 

C'était nouveau ça d'ailleurs, cette colère contre Tamara. Nouveau et déstabilisant. Elle ne savait pas et ne voulait même pas gérer ça. Elle voulait juste l'aimer et être aimée.

 

Alors elle l'avait laissée faire. Et ce matin, elle l'avait raccompagnée jusqu'à son hôtel. Mais Lizzie avait refusé qu'elle affronte Tia et Lex avec elle et Tamara n'avait pas insisté.

 

Voilà comment elle s'était retrouvée devant une Tia furax et une Lex inquiète.

 

Debout dans sa chambre Tia l'avait attendue toute la nuit. Les deux femmes s'étaient inquiétées mais Tia avait convaincu Lex qu'elle n'était pas en danger et parfaitement capable de se défendre en cas de problème.

 

Cette confiance avait touché Lizzie.

 

-          Pour la troisième fois, demanda Tia, où étais-tu cette nuit ?!

 

Lizzie se mordit la lèvre pour réprimer un gémissement. Son dos la faisait horriblement souffrir mais elle ne pouvait se permettre de le montrer.

 

-          En boîte, répondit-elle enfin.

 

-          En boîte ?! S'exclama Lex abasourdie. Et tu ne pouvais pas simplement dire que tu voulais sortir ?!

 

Lizzie tenta de trouver une réponse valable mais n'y parvint pas. Elle soupira, reconnaissant sa défaite.

 

-          J'étais avec Tamara.

 

Tia ouvrit la bouche puis la referma, éberluée.

 

-          Mais comment...


Elle secoua la tête en comprenant. Posant un regard sévère sur sa cousine, elle déclara.

 

-          Tu as contrevenu à mes directives.


Lizzie tressaillit en entendant la condamnation dans sa voix. Son cœur se mit à battre plus fort. Elle craignait ce qui allait suivre tout en l'appelant de tous ses vœux. Elle avait cru que vivre auprès de Tia les rapprocheraient  mais elle se rendait compte que quelques soient les avantages que cela lui procurait, c'était tout simplement trop douloureux.

 

Ces derniers temps aimer Tia était devenu une torture. Une blessure mal cicatrisée et sans cesse rouverte.

 

Elle dévisagea celle qui avait capturé son cœur à la seconde où elle l'avait rencontré et ne sentit qu'une pointe de douceur noyé dans un océan de douleur. Aimer sans retour, aimer sans espoir, était insupportable.

 

Et si elle acceptait les blessures infligées par Tamara, elle ne voulait pas le faire, ou du moins plus le faire, avec Tia.

 

Pour la première fois en quatre ans, elle se résigna à ne jamais rien partager d'autre avec Tia que de l'amitié. Et à sa grande surprise, cela la soulagea.

 

L'image de Tamara surgit soudain dans son esprit et elle comprit qu'elle avait pris la place de la mercenaire. Oh bien sûr Tia aurait toujours un morceau de son cœur et toujours elle aurait des sentiments particuliers pour elle, mais il n’y avait plus cette attente qui la rongeait auparavant.

 

Elle n'espérait plus et, en regardant Lex, elle comprit que cela allait changer leur relation. En mieux. Et là aussi, surprise, elle constata que cette perspective lui plaisait.

 

Elle avait toujours profondément admiré Lex et il y avait en elle toujours cette reconnaissance infinie pour la façon dont elle l'avait tirée de son piège en Italie. Elle et Tia étaient quelque part, intimement liées à sa résurrection, et elle était heureuse de pouvoir se rapprocher d'elles.  

 

-          Je sais.

 

-          Tu l'as fait en toute connaissance de cause.

 

-          Oui.

 

Lizzie n'osait pas regarder son mentor. Celle qui représentait tout ce qu'elle aurait voulu être. Elle avait honte. Pas d'avoir désobéi, même si elle devait l'admettre, elle se sentait coupable, mais ce qu'elle avait fait était si malsain que même Tia ne comprendrait pas elle en était sûre.

 

-          Pour aller en boîte avec Tamara.

 

-          Oui.

 

-          Je n'y crois pas une seconde.

 

L'assession surprit Lizzie qui releva vivement les yeux sur Tia.

 

-          Comment ça ?

 

-          Si tu avais voulu t'éclater en boîte avec Tamara ça n'aurait pas duré toute la nuit. Tu te serais débrouillée pour rentrer plus tôt. Non pas que ça aurait changé quoi que se soit, note bien. Mais il y a autre chose. Quoi ?

 

-          Mais... rien je t'assure !

 

-          Lizzie n'ajoute pas l'insulte à l'affront s'il te plaît.

 

La voix de Tia ne s'était pas élevée, mais si elle était calme, le danger qui en émanait était perceptible pour qui connaissait la mercenaire. Et Lex la connaissait. Tia était choquée d'avoir été désobéie. Lizzie la vénérait littéralement et elle se demandait depuis combien de temps elle se fichait d'elle ainsi. Elle avait l'impression d'avoir été plus stupide qu'une dinde !

 

Bon sang, elle s'était laissé aveugler par ses sentiments envers sa jeune cousine. Mais elle ne commettrait plus la même erreur. Elle ne lui accorderait plus sa confiance ainsi.

 

Lizzie baissa les yeux sans cesser de se mordre la lèvre. Elle ne pouvait pas lui dire... Il fallait pourtant qu'elle trouve quelque chose à lui dire et vite ! La tension ambiante tirait fortement sur son dos et cela la brûlait tellement qu'elle avait envie de gémir.

 

Lex se leva brusquement et s'avança vers Lizzie dans l'espoir de lire en elle. La jeune fille surprise, sursauta ce qui fit sauter un point. Elle se mordit la lèvre plus fort et serra les poings à s'en arracher la peau. Les larmes lui montèrent aux yeux et elle étouffa un sanglot.

 

La honte, la douleur, la tristesse et la fatigue se mélangèrent en elle et elle fut sur le point de laisser les larmes s'échapper quand un sursaut d'orgueil la poussa à se reprendre.

 

Elle se redressa, ignorant la douleur qui transperça son omoplate gauche et planta un regard clair dans les yeux verts de Lex.

 

Mais il était trop tard, Lex avait repéré le tressaillement de douleur et Tia l'odeur du sang frais. Attrapant sa cousine brusquement, elle l'attira vers elle et la retournant découvrit une tâche sur son pull. Elle le remonta sans tenir compte des protestations de sa cousine et découvrit les zébrures rouges et boursouflées des coups qu'elle avait pris la veille.

 

Des hématomes noirs, jaunes et violacés constellaient le reste de son dos et Tia retint sa respiration. Puis ses yeux tombèrent sur les poignets de Lizzie, dont les manches remontées par le mouvement de Tia avaient découvert les marques de lien, et elle comprit.

 

« Oh bon dieu... », Songea-t-elle consternée.

 

 

 

Chapitre 6 :

 

 

Elle jeta un regard choqué à Lex avant d'inciter Lizzie à s'asseoir.

 

-          Lex, va me chercher ma trousse de secours.

 

Sans dire un mot, bien qu'elle n'ait pas saisi ce qui se passait, la petite femme fit ce qui lui était demandé et sortit. Aussitôt Tia fit face à Lizzie. Agenouillée devant elle, elle lui retira, avec des mouvements d'une grande délicatesse, son pull et son t-shirt.

 

-          Ca va ? Demanda-t-elle en la voyant contracter la mâchoire.

 

Lizzie hocha la tête puis, sans la regarder, lâcha :

 

-          Ne la laisse pas voir... s'il te plaît.

 

Tia acquiesça et poussa Lizzie à s'allonger sur le ventre sur son lit. Lex toqua à la porte et Tia s'avança à sa rencontre.

 

-          Merci, fit-elle en récupérant son nécessaire de premiers soins.

 

-          Qu'est-ce qui se passe ? Et pourquoi tu m'empêches d'entrer ? ajouta-t-elle en voyant que sa femme restait plantée dans l'entrée.

 

Tia s'humecta les lèvres et répondit :

 

-          Je t'expliquerais plus tard mais pour l'instant... pourrais-tu nous laisser seules ?

 

Bouche bée, Lex recula d'un pas. Elle hocha la tête mais cette nouvelle exclusion dans la relation Lizzie/Tia faisait mal. Elle ne dit rien mais Tia vit bien, à ses poings serrés, que la jeune femme était blessée.

 

-          Ce n'est pas ce que tu crois, fit-elle en la retenant par le bras. Elle est embarrassée et elle ne veut pas que d'autres la voit ainsi.

 

-          J'avais bien compris, ne t'en fait pas.


Mais l'expression de Lex était toujours fermée. Tia soupira alors que sa femme tournait les talons puis haussa les épaules. Elle aurait bien le temps d'éclaircir les choses après. Elle retourna auprès de Lizzie.

 

Elle s'assit aux côtés de la jeune fille en réprimant un soupir. Dommage que Lizzie ne veuille pas de Lex, elle aurait eu bien besoin de ses conseils. Comment allait-elle gérer ça ?!

 

Elle commença par désinfecter les plaies les plus moches puis les pansa en tentant de ne pas appuyer sur les divers hématomes. Un tressaillement lui apprit qu'elle n’y était pas arrivée.

 

-           Bon sang Lizzie... soupira-t-elle affligée.

 

Lizzie se crispa et Tia posa une main sur son épaule.

 

-          Qu'est-ce qui t'arrive en ce moment... parle-moi...

 

La jeune fille dû se mordre la lèvre jusqu'au sang pour empêcher les mots de sortir. Elle était persuadée que Tia ne comprendrait pas et elle avait tellement honte ! Elle entendit un soupir et s'en voulu de décevoir son mentor ainsi. Elle était décidément en dessous de tout !

 

-          Tu l'aimes donc tant que ça ? Demanda finalement la mercenaire.

 

-          Oui, répondit Lizzie en s'étranglant sur les sanglots qu'elle retenait.

 

Tia se mordit la lèvre. Et maintenant ? Que devait-elle dire ?

 

-          Tu... c'est déjà arrivé... ?

 

Tia ne savait pas quel mot utiliser.

 

-          Oui. Mais pas aussi... jamais autant.

 

La mercenaire hocha la tête.

 

-          Qu'est-ce qui était différent cette fois ?

 

-          Je... ce n'est pas elle tu sais...

 

Tia resta quelques instants silencieuse. Comprenait-elle bien ce que cela signifiait ? Elle jeta un oeil au visage obstinément tourné vers le mur de Lizzie. Elle ferma les yeux, stupéfaite de l'abîme dans lequel sa protégée était tombée sans même qu'elle ne s'en aperçoive.

 

Elle s'allongea près d'elle et posa sa main sur sa tête en une caresse légère.

 

-          Depuis combien de temps êtes-vous ensemble ?

 

-          Presque un an, répondit Lizzie après une hésitation.

 

-          Et... elle t'aime ?

 

Les poings de Lizzie se serrèrent convulsivement et Tia ferma les yeux. Elle n'avait pas besoin de réponse mais elle comprenait aussi que si Tamara l'avait aimée, Lizzie ne serait pas  dans une si grande détresse émotionnelle. Si Tamara l'avait aimée, aussi bizarre que cela soit, Lizzie ne se serait pas accrochée autant à elle.

 

Au fil de ses émissions TV et des discussions échangées avec Lex, elle avait compris que l'être humain courait toujours après l'approbation et l'amour d'une personne aimée et que c'était encore plus intense lorsque cela nous était refusé.

 

Lizzie était dans ce cas de figure. Elle aimait passionnément une personne qui se fichait d'elle comme de sa première chemise...

 

-          Je suis désolée, murmura Tia en l'attirant vers elle sans pour autant toucher à ses blessures.

 

Entendre la compassion et la pitié dans la voix d'une personne qu'elle admirait tant piqua Lizzie au vif et elle se tourna enfin vers elle.

 

Elle secoua la tête et expliqua :

 

-          Tu te trompes, elle tient à moi ! D'accord, elle n'est pas encore amoureuse mais si je persévère elle finira par le devenir ! Elle n'est jamais restée aussi longtemps avec quelqu'un d'autre que moi ! Et tu sais, je lui manquais ! Elle a fait le déplacement jusqu'ici quand même, c'est pas rien ! Elle tient à moi, crois-moi !

 

Tia ne dit rien mais son regard parlait pour elle. L'attitude de Tamara ressemblait plus à ce qu'un enfant capricieux et privé de son jouet ferait qu'a une femme amoureuse. Lizzie prenait pour de l'affection  un simple esprit de révolte devant l'autorité. Elle était juste un moyen d'emmerder le monde pour Tamara. Un jouet docile et une façon de se rassurer sur son pouvoir sur le monde.

 

Tia avait le cœur déchiré... Lizzie avait été si forte ! Comment avait-elle pu se laisser entraîner là-dedans ?

 

La réponse, Tia la connaissait déjà. L'amour tout simplement. Cela fit prendre conscience à la grande femme qu'il fallait une bonne dose de chance et une plus grande encore de courage pour oser aimer. Le courage on en avait besoin pour prendre le risque de se mettre à nu devant la personne aimée. S’abandonner totalement, au risque de se perdre si la personne à qui l’on donnait tout cela n’était pas celle que l’on croyait.

 

La chance on en avait besoin pour aimer la bonne personne. Celle qui n'utiliserait pas vos sentiments pour vous détruire. Celle qui prendrait soin avec une douceur et une conscience intense de la préciosité des sentiments qu'on lui portait, même si ceux-ci n'étaient pas partagés.

 

Tia avait  eu tellement de chance de tomber amoureuse de Lex ! Personne d'autre ne la comprenait comme elle. Personne d'autre ne prenait soin d'elle, même malgré elle, comme Lex le faisait.

 

Les yeux posés sur le visage de Lizzie, son cœur se serra. Lizzie n'avait pas eu cette chance... elle était tombé amoureuse d'une fille égoïste qui se servait d'elle et de la confiance qu'elle lui donnait pour la diminuer.

 

Elle n'avait jamais rencontré cette Tamara mais elle savait à coup sûr que Lizzie était à même de la mettre KO si l'envie lui en prenait. Le pouvoir de Tamara n'était pas physique, c'était bien pire. Tamara tenait Lizzie par les sentiments, les émotions, la psyché...

 

Et Lizzie avait sombré.  Sans qu'elle ne le remarque. Cette Tamara en avait-elle conscience ? Etait-elle le genre de femme à s'en délecter ou bien n'y faisait-elle même pas attention ? En d'autres mots, Tamara faisait-elle du mal à Lizzie intentionnellement ou bien la souffrance de Lizzie était-elle une simple conséquence de sa négligence vis-à-vis d'elle ?

 

Tia ne le savait pas. Et cela l'étonnait. Etant sa protégée et sa cousine, elle aurait dû savoir tout ce qui concernait Lizzie. Elle repensa alors aux fils du vent et au vent de la destruction.

 

Elle leur avait délibérément tourné le dos et ça non plus ne lui ressemblait pas. Elle avait agi par peur. Pour ses enfants. Mais aussi pour Lex et pour elle. Sa confrontation avec Ashee l'avait profondément ébranlée et ce que la louve lui avait révélé l'avait terrorisée.

 

Intervenir dans la guerre qui se profilait c'était embrasser un avenir qui la terrifiait. Un avenir qui était bien capable de lui voler tout ce à quoi elle tenait. Tout ce pour quoi elle s'était battue.

 

« Et pourtant, songea-t-elle en se tournant vers Lizzie, pourtant, lui tourner le dos fait de moi une personne que je ne reconnais pas. »

 

Parfois fuir plutôt que se battre, lorsque d'autres vies que la nôtre étaient en jeu, était la meilleure des solutions. Mais alors qu'elle regardait Lizzie, elle comprit qu'à un moment donné, la fuite devait cesser.

 

Si elle avait fait face à ses responsabilités, Lizzie n'aurait peut-être pas plongé aussi loin dans la détresse. Peut-être qu'elle n'aurait pas pu tout lui éviter mais elle aurait pris conscience de sa douleur bien avant cet instant.

 

Elle était devenue lâche... La fuite avait pour but de protéger, mais en définitive cela l'avait rendu couarde. Faible. Le genre de personne qu'elle détestait être.

 

Cela devait cesser. Elle soupira et leva une main pour caresser la joue de Lizzie. Lex n'allait pas apprécier.

 

                                                                       ***

 

La respiration de Lizzie était profonde et régulière. Cela faisait un moment maintenant que la jeune fille s'était endormie. Elle avait tenté de lui faire comprendre que Tamara n'était pas aussi mauvaise qu'elle le pensait, mais elle avait bien vu que cela ne convainquait pas Tia. Alors elle lui avait conté les circonstances dans lesquelles elle avait reçu ses blessures. Mais le regard de Tia était resté inflexible et, épuisée, elle avait fondu en larmes. Tia l'avait consolée comme elle l'avait pu.

 

Pour finir, Lizzie s'était endormie dans ses bras.

 

La grande femme se libéra de l'étreinte de sa cousine et la repoussa avec précaution. Elle vérifia son dos une dernière fois et, avec une grimace de compassion, tira le drap sur elle.

 

Elle sortit de la chambre à pas de loup et rejoignit Lex dans la leur. Sa femme était occupée à consigner quelque fait marquant dans son journal et ne leva pas le nez lorsqu'elle entra. Tia décida de ne pas la déranger et s'allongea sur le lit. Elle avait matière à réflexion, alors un moment de solitude ne lui ferait pas de mal.

 

Quelques minutes s'écoulèrent ou peut-être des heures, Tia n'aurait su le dire. Lorsqu'elle  partait dans des réflexions où les décisions qu'elle devait prendre risquaient de poser problème, elle oubliait le temps qui passait.

 

Lex vint finalement la tirer de sa torpeur.

 

-          Le problème est réglé ?

 

La voix de Lex contenait une pointe d'amertume qui obligea Tia à ouvrir les yeux. Elle posa un regard brumeux sur sa femme puis cligna des yeux et sembla reprendre pied. Elle se redressa et s'appuya contre la tête du lit.

 

-          Pas vraiment. C'est... plus grave qu'on ne le craignait.

 

Lex fronça les sourcils.

 

-          Qu'est-ce que tu veux dire ?

 

-          Lizzie est... complètement sous la coupe de cette femme. Et ce n'est pas du tout une bonne chose.

 

Lex contint un mouvement d'humeur.

 

-          Ca t’ennuierait d'être plus claire ou bien ça doit rester top secret ? Fit-elle sèchement.

 

-          Tu es sûre que tu vas bien ? L'interrogea Tia inquiète.

 

-          Oui !

 

Sa voix avait claqué et Lex détourna le regard. Elle prit de profondes et longues inspirations puis, plus calme, revint à sa compagne.

 

-          Désolée. Je suis un peu sur les nerfs.

 

-          Tu veux qu'on en parle ?

 

Lex hésita. Et soupira.

 

-          Non. C'est stupide. Explique-moi plutôt ce qui se passe avec Lizzie.

 

Se fut au tour de Tia d'hésiter. Elle sentait que c'était plus profond que ce que prétendait Lex mais elle ne semblait pas prête à en parler et une autre préoccupation la taraudait.

 

Elle fit un résumé de ce que Lizzie lui avait raconté ainsi que ses propres déductions et demanda à Lex quoi faire. Comment gérer une telle chose ? Devait-elle avertir son oncle ? Elle ne savait pas. Elle avait l'impression d'avoir failli.

 

Lex entendit l'échec dans sa voix et son cœur compatit. Elle connaissait suffisamment Tia pour savoir que sa femme prenait toute la faute sur ses épaules. D'autant plus, lorsqu'il s'agissait d'une personne à laquelle elle tenait.

 

Elle repoussa son sentiment de solitude et la colère que celui-ci faisait naître et se serra contre sa femme.

 

-          Tu n'y es pour rien Tia. Et tu le sais.

 

Un sourire triste lui répondit.

 

-          J'ai commencé à renoncer à mes responsabilités lorsque j'ai renié la promesse faite à Gardan.

 

Lex se figea. Elle sentait que la suite n'allait pas lui  plaire.

 

-          Tia tu ne vas pas me dire...

 

Les muscles de la mâchoire de Tia jouèrent et Lex se prépara au pire.

 

-          Je suis désolée mais...

 

Elle jeta un oeil à sa femme qui, une main sur le ventre l'autre sur son bras, la fixait en attente. Et elle renonça. Ce n'était pas le bon moment. Lex était trop tendue et si elle l'avait amenée ici ce n'était certainement pas pour ça. Elles auraient tout le temps d'en parler plus tard. Car si Lex était enceinte, alors il était hors de question qu'elle prenne la route.

 

Pas avant que leur enfant ne soit né en tout cas.

 

-          J'ai besoin de toi, fit-elle en changeant brusquement de sujet. Lizzie... est vraiment amoureuse de Tamara et Tamara est mauvaise pour elle.

 

-          Je suis d'accord avec toi, répondit Lex avec réticence.

 

Elle n'avait pas envie de connaître le fond de la pensée de Tia et ce changement était bienvenu mais Lizzie... elle ne savait pas quoi faire. Elle se sentait coupable. Elle avait toujours eu cette... réticence vis-à-vis de la jeune fille... cette envie de l'envoyer bouler parce qu'elle était simplement amoureuse de Tia.

 

Sa jalousie l'avait poussé à détourner sa femme de la jeune fille alors même que celle-ci cherchait seulement un moyen, une personne, à qui s'accrocher pour ne pas sombrer. Elle ne l'avait pas compris. N'avait pas essayé de le faire. Elle était aussi coupable que Tamara.

 

Elle se redressa.

 

-          On doit voir cette Tamara, déclara-t-elle avec une lueur de hargne au fond des yeux. Et lui signifier clairement qu'elle n'a plus intérêt à tenter de revoir Lizzie.

 

Tia se redressa aussi et la dévisagea, de plus en plus inquiète. Lex avait l'air... en colère mais pas seulement. Elle lui prit le poignet.

 

-          Laisse-moi m'en occuper. Toi tu dois te reposer et te détendre tu te souviens ?

 

Lex serra les poings, l'amertume se mélangea à la culpabilité et elle explosa.

 

-          Arrête de toujours vouloir m'exclure !

 

Tia sursauta.

 

-          J'en ai marre que tu veuilles constamment me  mettre à l'écart dès que Lizzie est dans le coin !

 

Bouche bée, la mercenaire fixa sa femme sans rien trouver à dire.

 

-          Je... tu te trompes Lex ! S'exclama-t-elle finalement. Ca n'a rien à voir ! Je n'essaie pas de t'exclure de quoi que se soit, mais si tu te souviens bien on est venue ici pour que tu te détendes et là je vois bien que ce n'est pas du tout le cas. Tu es en colère, tu m'en veux et apparemment tu en veux aussi à Lizzie. Elle n'a pas besoin de ça et toi non plus.

 

Lex détourna le regard. Pourquoi prenait-elle tout le temps la défense de Lizzie ?!

 

-          Ecoute, argumenta Lex, tu t'en veux, non, de ce qui est arrivé à Lizzie ? Eh bien cela te semble-t-il inimaginable que cela soit pareil pour moi ? Je veux l'aider. N'aie aucune crainte, je ne ferais aucun mal à ta précieuse protégée.

 

Le ton autant que les propos de Lex, laissaient entendre une colère bien plus intense et une blessure bien plus profonde que ce que Tia s'était imaginé.

 

« Bon sang, mais comment ai-je fait pour ne pas m'en apercevoir avant ?! » se demanda-t-elle consternée par son aveuglement.

 

Au même instant, Lex sembla prendre conscience de ce qu'elle venait de dire et surtout, de la façon dont elle l'avait dit. Stupéfaite, elle secoua la tête. Mais qu'est-ce qu'il lui prenait ? Elle posa un regard incrédule sur Tia. Sa femme, qu'elle agressait sans raison. Par jalousie envers une adolescente perdue et en souffrance. Avait-elle perdu l'esprit ?!

 

Ok, ok, il allait vraiment falloir qu'elle bosse sur sa jalousie, là ça frôlait l'hystérie ! Elle soupira.

 

-          Tu n'as rien à te reprocher, fit soudain Tia.

 

Un regard las se posa sur elle. Malgré la fatigue, les yeux verts de Lex avaient toujours le même pouvoir sur elle. Elle s'apaisa et leva une main vers la joue de sa femme.

 

-          Je ne t'exclue de rien du tout Lex. Sinon je ne t'aurais jamais demandé de diriger notre groupe ensemble. Sur un pied d'égalité. Je ne t'exclue pas de ma relation avec Lizzie, mais elle et moi partageons une chose qui me permet d'avoir sa confiance. Et il est certaines choses dont je ne peux, de moi même, te parler. Ca... la douleur de Lizzie, les raisons de celle-ci... c'est intime, profond et je ne peux pas la dévoiler, la mettre au vu et au su de tous sans son consentement. Elle ne voulait pas que je le sache tu sais. Mais à la seconde où j'ai compris de quoi il retournait, elle n'a eu d'autre choix que de m’en parler. Pour autant, se livrer à tout le monde... tu sais bien combien c'est difficile.

 

Elle fit une pause pour reprendre sa respiration et poursuivit :

 

-          Je ne t'exclus de rien mais parfois cela ne dépend pas de moi. Je t'aime Lex et je t'ai tout donné de moi, alors ne dis pas que je t'exclus de ma vie ou de l'un de ses aspects.

 

-          Je suis désolée, fit Lex en touchant sa main. Je ne sais pas ce qui m'a pris.

 

Tia l'attira dans ses bras. Une nouvelle crise venait d’être évitée, c'était tout ce qui comptait. Elle commençait à en avoir l'habitude de toute façon. Soudain, une idée germa dans son esprit et elle fixa sa femme avec un sourire béat.

 

-          Changement d'humeur. Passer d'un extrême à l'autre. Humeur exacerbée. Etre sur les nerfs et émotive... ça ne te rappelle rien ? Enuméra-t-elle sans cesser de sourire.

 

Lex fronça les sourcils. Elle fixa le sourire idiot de sa femme et comprit où elle voulait en venir. Elle éclata de rire. Un peu perplexe, un peu vexée, Tia attendit la fin de la crise.

 

-          Chérie, fit-elle en hoquetant, c'est beaucoup trop tôt pour ça voyons !

 

-          Tu vois une autre explication peut-être ?

 

Lex rit encore puis essuya une larme.

 

-          Même si je suis enceinte, les symptômes de ce type ne peuvent pas déjà apparaître.

 

-          Ha ? Fit Tia surprise. Y'a pas d'exception ?

 

Lex hésita.

 

-          Ben, pas à ma connaissance, mais... enfin peut-être. Mais franchement ça m'étonnerait.

 

-          Donc, c'est possible ! Triompha Tia. Ok, donc il va falloir que je prenne ça en compte. Et il faudra que l'on reparle de ce qui t'effraie tant aussi, mais pour l'instant on a...

 

-          Je sais, un problème à régler, et je persiste à dire qu'on devrait aller voir Tamara.

 

-          Et je suis d'accord mais ce n'est pas ce que j'allais dire, la tança-t-elle gentiment en agitant un doigt vers elle. Je voulais dire qu'on a un événement à fêter ! S'enthousiasma Tia au bord de l'explosion.

 

-          Tia ! On n'est pas sûr que je sois enceinte ! Rit Lex.

 

-          Bien sûr que tu l'es ! Contra Tia en se levant d'un bond avant de se précipiter vers la porte.

 

-          Où est-ce que tu vas ? L'interrompit sa femme.

 

Tia se tourna vers elle, les yeux brillants de joie.

 

-          L'annoncer à tout le monde bien sûr !

 

 

 

Chapitre 7 :

Lex la regarda partir, excitée comme une puce et secoua la tête en souriant. Enceinte ! Elle baissa les yeux vers son ventre. L'était-elle vraiment ? En tout cas, elle devait admettre que sa crise de jalousie elle ne l'avait pas vue venir !

 

Et c'était si stupide ! Si encore Tia avait des sentiments amoureux pour Lizzie ok, mais même pas !

 

Cela lui fit penser à sa jeune cousine par alliance. Elle était partagée quant à ses sentiments. D'un côté, elle était soulagée que la jeune fille soit enfin passée à autre chose. Qu'elle soit tombée amoureuse d'une autre que Tia. D'un autre côté, sa détresse de ne pas avoir une chance avec la mercenaire, l'avait poussée à se jeter dans les bras d'une véritable garce.

 

Pincement de culpabilité. Elle soupira. Elle avait envie de massacrer Tamara. Et elle n'avait même pas vu Lizzie ! Mais la consternation et les descriptions de Tia avaient été très claires. Et la culpabilité faisait le reste. Elle n'avait pas prêté beaucoup d'attention à sa cousine en dehors de ses sentiments pour sa femme.

 

Elle se leva et sortant de sa chambre, se rendit dans celle de Lizzie. Là, elle poussa le battant de la porte avec précaution et, sans faire de bruit, pénétra dans la pièce.

 

Lizzie se trouvait sur son lit. Endormie sur le ventre, le drap tiré sur son dos, elle vit néanmoins les hématomes violacés et le haut des zébrures qui avaient déchirés son dos. Lex serra les poings. Quand bien même Tamara n'était pas amoureuse de Lizzie, comment avait-elle pu laisser faire une telle chose ?!

 

On ne laissait pas quelqu'un avec qui l'on était et pour qui l'on prétendait avoir de l'affection, se faire maltraiter ainsi sans réagir bon sang !

 

Elle s'assit sur le bord du lit et observa sa cousine. Les yeux gonflés, les traits tirés, elle semblait si fragile ! Lex se souvint de la jeune ado perdue qu'elle avait rencontré dans un foyer. Elle était alors sauvage, courageuse et pleine de hargne. Rien n'aurait pu la détruire. Elle n'aurait jamais laissé personne la traîner plus bas que terre. Elle rendait coup pour coup et ne faisait confiance à personne.

 

Au contact de Tia et de sa famille Lizzie avait changé. Peut-être trop.


De qui se moquait-elle ? C'était les adultes autour d'elle qui avait failli. Elle se leva finalement, bien décidé à se rattraper et à protéger la jeune fille comme elle l'aurait fait avec Lara. Après tout, elle avait à peine trois ans de plus que sa fille. Et elle était aussi touchante qu'elle quelque part.

 

Elle était secrète oui, plus que Lara, mais moins que Tia. Et après celle de sa femme, aucune réserve ne lui semblait insurmontable.

 

Lex rejoignit sa femme dans le salon de l'hôtel et fut accueillie par une véritable ovation. Frédéric et sa fiancée ainsi que Karl la félicitèrent et même Len et Lara semblèrent contents pour elle. Oh ce n'était pas le délire, mais c'était déjà plus enthousiaste qu'avant ! Peut-être leur fallait-il seulement du temps pour s'y faire ? Dans le cas contraire, il leur faudrait avoir une discussion tous ensemble.

 

Lorsque les jumeaux voulurent allez réveiller Lizzie pour la prévenir, Tia décréta qu'elle avait fait le mur la veille et qu'elle était désormais consignée dans sa chambre, sans droit à aucune visite.

 

Déçus, Len et Lara avaient passé le reste du petit déjeuner à décider de ce qu'ils allaient faire de leur journée. A la base, Lizzie devait les emmener en ville. Ils devaient s'y détendre dans diverses salles de jeux, cinéma et même à la piscine en soirée.

 

Ils en voulaient donc autant à la jeune fille pour avoir été imprudente, qu'à leur mère pour l'avoir punie aussi sévèrement.

 

A la fin du repas ils se tournèrent d'un même mouvement vers leurs mères et demandèrent :

 

-          On peut passer la journée sur les pistes ?

 

Tia leva deux sourcils surpris.

 

-          Evidemment ! Pourquoi vous me le demandez ?

 

-          Non, on veut dire... seuls.

 

-          Tout les deux ? Tout seuls là-haut ?

 

Ils hochèrent la tête.

 

-          Je ne crois pas non.

 

-          Oh maman allez ! Protesta Len contrarié. On n'a pas cinq ans !

 

-          C'est vrai, renchérit sa sœur. On a dix-sept ans ! Tu sais que les parents de nos amis leur laissent une indépendance plus importante que la nôtre depuis plusieurs années déjà ? J'ai l'impression d'être en prison !

 

La déclaration prit Tia au dépourvu et elle se sentit brutalement perdue. Figée en plein mouvement, elle posa un regard désemparé sur sa fille. Etait-ce vrai ? Enfermait-elle ses enfants comme elle l'avait été ?

 

Lara vit tout de suite la gaffe qu'elle avait faite et détourna les yeux en retenant un soupir énervé. Pourquoi n'avait-elle pas, comme tout le monde, une mère normale ?! Une qui n'aurait pas tellement de traumatismes liés son enfance qu'elle n'aurait pas à surveiller ses propos ?

 

Aussitôt formulée, la pensée la culpabilisa. N'importe quoi ! C'était parce qu'elle avait vécu ça justement qu'elle, Lara, avait pu naître. Et puis qu'y pouvait-elle sa mère ? Elle n'avait pas demandé à être maltraitée !

 

Elle échangea un regard avec son frère puis fit face à sa mère. En passant elle jeta un oeil à Lex et vit que sa deuxième mère se retenait de faire une remarque désobligeante. Le regard qu'elle posa sur elle valait toutes les engueulades du monde, mais elle apprécia que Lex ne dise rien. Elle comprenait pourquoi elle avait fait cette remarque et savait qu'elle ne l'avait pas fait exprès.

 

Elle avait juste oublié, voilà tout. Sa mère avait l'air mieux depuis leur retour du désert. Plus légère, plus souriante. Sa dépression ne semblait plus être qu'un souvenir et les cauchemars s'étaient apparemment espacés.

 

-          Excuse-moi je ne le pensais pas, fit-elle doucement.

 

-          Tu es sûre ? Demanda sa mère, la mine soucieuse. Je... si tu te sens brimée, n'hésite pas à me le dire... ce n'est pas ce que je souhaite tu sais.

 

-          Je sais. Je suis désolée. Je ne me sens pas brimée du tout, je t'assure. J'essayais juste de te convaincre. De façon un peu tordue, je sais, mais... enfin c'est comme ça que ça marche d'habitude...

 

-          Ah ?


Tia se tourna vers sa femme.

 

-          Ca marche vraiment comme ça ?

 

Lex acquiesça.

 

-          C'est tordu je trouve.

 

-          Ca l'est. Les ados sont les champions de la culpabilité et de l'ingratitude, assena Lex en jetant un regard éloquent à ses enfants.

 

Lara fit la grimace et Len s'insurgea :

 

-          Eh j'ai rien dit moi !

 

-          Et de la désolidarisation aussi, ajouta Lex en se tournant vers Tia la cuillère pleine de confiture levée.

 

Len fit la moue et se rencogna dans son siège, vexé. Tia observa sa femme et ses enfants un instant, un peu perdue devant la complexité des rapports humains. Elle qui pensait commencer à bien saisir leur fonctionnement ! 

 

-          Alors les adolescents ont un fonctionnement différent du reste des hommes ? Interrogea-t-elle sa femme.

 

-          En un sens oui. Ils découvrent qu'ils existent en dehors de leur famille et souhaitent le montrer au monde entier. Alors ils deviennent égoïstes et manipulateurs. Mais ce n'est pas vraiment eux, tu vois ? Juste un passage obligé à tout être humain pour se découvrir.

 

-          Comme un rite de passage à l'âge adulte ? Fit Tia en commençant à comprendre.

 

-          C'est ça ! Acquiesça Lex en engloutissant sa tartine.

 

Soulagée, Tia retrouva des battements de cœur plus calme. Un instant, elle avait eu si peur d'avoir changé plus qu'elle ne le craignait et d'avoir maltraité ses enfants sans le savoir, si peur d'être une mauvaise mère, que son cœur avait manqué des battements.

 

Elle n'avait aucun point de repère et ni Frédéric, ni Karl, ni même Lex, ne savaient vraiment ce qu'être une mère signifiait. Aucun d'eux n'en avait eu une. Aucun d'eux n'avait de point de comparaison.

 

Elle se tourna vers Lex. Mais elle pouvait faire confiance à sa femme. Elle savait la différence entre le bien et le mal et si elle avait franchi la limite, Lex le lui aurait dit. Elle, elle avait pu être une ado normal. Enfin aussi normale que le laxisme de son père le lui avait permis.  

 

Elle respira plus librement. Elle sourit à ses enfants et attrapa une brioche.

 

-          Et donc... relança Len, on peut ou pas ?

 

-          Quoi donc ? Répondit sa mère qui avait perdu le fil.

 

-          Ben, aller sur les pistes seules.

 

Tia se tourna vers sa femme et se pencha vers elle.

 

-          C'est vrai que les parents de leurs amis laissent plus d'espace à leurs enfants ? Chuchota-t-elle.

 

-          Oui, répondit Lex, mais les circonstances sont différentes pour eux. Ils n'ont pas nos types d'ennemis.

 

Tia hocha la tête et déclara :

 

-          Mais pour l'instant, des ennemis on en a plus.

 

Lex pensa aux fils de la destruction, mais se garda bien d'en parler. Si Tia ne pensait pas à eux, c'était une bonne chose pour leur avenir.

 

-          En tout cas, ici, ajouta Tia rapidement.

 

« Autant pour moi ! » Songea Lex.

 

-          Alors pourquoi ne pas leur accorder un peu d'espace ?

 

Tia lui sourit comme une enfant et se redressant, déclara aux jumeaux qu'ils avaient le droit. Les exclamations fusèrent et le déjeuner se termina sur une note joyeuse. Les jumeaux ne tardèrent pas et s'enfuirent quasiment de la table, un grand sourire plaqué sur leur visage.

 

Tia se tourna ensuite vers Karl.

 

-          Ca t'ennuierait de garder un oeil sur eux ?

 

-          Non. J'avais dans l'idée de me faire deux ou trois pistes moi aussi, ajouta-t-il avec un clin d'oeil avant de se lever.

 

-          Merci.

 

-          Vous avez prévu quelque chose ? Demanda Lex à Frédéric et Annie.

 

-          A part traîner en amoureux... répondit Frédéric avec un regard explicite sur sa fiancée, rien.

 

-          Ah si ! S'exclama Annie. Deux ou trois galipettes sont prévues au programme !

 

La répartie fit rougir Frédéric ce qui fit éclater de rire Tia et Lex.

 

-          En effet, il ne faut pas l'oublier !

 

-          Et vous ? Lança Frédéric pour détourner l'attention, qu'avez-vous l'intention de faire ?

 

-          Oh, eh bien..., fit Lex en échangeant un regard avec Tia, on avait l'intention d'aller en ville. Traîner, ce genre de choses...

 

-          Je vois, fit Annie avec un sourire entendu, ce genre de chose...

 

Lex rit. Quelques minutes plus tard elles prirent congés et demandèrent au concierge de l'hôtel une carte du centre ville. Lizzie avait expliqué à Tia que Tamara logeait chez son cousin. Tia et Lex étudièrent la carte quelques minutes puis convinrent que le mieux était de  s'y rendre en taxi.

 

Une demi-heure suffit pour trouver le bon appartement. Ce fut Tamara en personne qui ouvrit la porte. Avant de se présenter, Tia en profita pour détailler la femme qui avait attiré sa cousine dans ses filets.

 

Tamara était assez grande. Plus que Lex et Lizzie, mais moins qu'elle. Dans les 1m78 environ. Les cheveux et les yeux noirs, elle possédait une allure sportive qui s'accordait à merveille avec ses traits séduisants.

 

Elle portait du cuir. Son pantalon était en cuir, son bracelet de force aussi et la veste qu'elle portait par dessus son t-shirt noir en coton également. Elle avait le look SM gravé sur le front. Comment Lizzie avait-elle pu se laisser prendre ?

 

Tamara les toisa un peu amorphe, une lueur intéressée dans le regard.

 

-          T’emballe pas ! Lança Lex en forçant le passage, tu ne nous intéresses pas le moins du monde !

 

-          Oh mais ne vous gênez pas surtout ! Entrez donc ! Répondit-elle en les fusillant du regard. Qui êtes-vous et que voulez-vous ? Jeta la femme le regard dur.

 

Tia ne prononça qu'un mot, mais il fit toute la différence.

 

-          Lizzie.

 

Puis, alors que le regard aux éclats d'acier se muait en embarras, Tia passa devant elle et rejoignit Lex qui se tenait au centre de la pièce principale de l'appartement, les bras croisés en une attitude vindicative.

 

Tamara referma la porte après s'être recomposée une expression neutre et leur fit face.

 

-          Je suis désolée de ce qui lui est arrivé, mais ce n'était pas de ma faute.

 

-          Non bien sûr, railla Lex, t'y es pour rien ! T'es juste celle qui l'a amenée là-bas, a attiré ces mecs et leur a dit de faire ce qu'ils voulaient !

 

-          Je n'ai jamais dit un truc pareil ! S'énerva Tamara. Je ne savais pas qu'ils feraient ça ! Elle ne peut s'en prendre qu'à elle-même ! Elle n'avait qu'un mot à dire pour que ça s'arrête, mais elle ne l’a pas fait ! Preuve que ça a dû lui plaire, finit-elle avec un sourire sardonique qui donna envie à Lex de lui refaire le portrait.

 

La petite femme fit un pas en avant mais Tia l'arrêta.

 

-          Tu es mieux placée que quiconque pour savoir qu'elle ne l'aurait jamais donné et ne donnera jamais ce mot.

 

L'intervention calme de la mercenaire déstabilisa Tamara.

 

-          Et comment je l'aurais su ? Marmonna la femme avec mauvaise foi.

 

-          Regarde-moi, ordonna Tia.

 

Malgré elle Tamara croisa le regard de la grande femme.

 

-          Ose me dire en face que tu ne sais pas combien Lizzie tient à toi. Ose me dire que tu ne sais pas qu'elle ferait n'importe quoi pour te plaire, pour attirer ton attention, se lier ton affection. Va-y, dis-le.

 

Tamara déglutit et détourna le regard.

 

-          Je ne savais pas, répéta-t-elle de plus en plus mal à l'aise.

 

-          Tu es celle sensée prendre soin d'elle. Dans les couples de votre type,  il me semble que le dominant est sensé connaître la limite de son partenaire de manière à le protéger d'elle-même. C'était ton rôle. Tu as failli.

 

-          Je... je n'ai pas réalisé ! Protesta Tamara. Et quand je l'ai fait c'était trop tard !

 

-          Vraiment ? Fit Tia d'une voix dangereusement basse.


Deux pas et elle fut devant Tamara. Le mouvement avait été si vif que Tamara ne l'avait pas vu. Elle sursauta lorsqu'elle se retrouva nez à nez avec la fameuse cousine de Lizzie et elle comprit que sa petite amie n'avait pas enjolivé les choses en parlant d'elle. La mercenaire était réellement dangereuse.

 

-          Alors ça ne t'a pas excitée, murmura Tia en approchant sa bouche de son oreille. Et lorsqu'elle t'a supplié de terminer... tu as hésité, tu as pris soin d'elle, sans profiter de sa faiblesse...

 

-          Je...

 

-          Ou bien tu as fait tout le contraire ? Attisant par là même sa honte et sa souffrance. Ca t'a plu, pas vrai ? Ajouta la mercenaire en la repoussant contre le mur sans cesser de chuchoter. Tu as vu le pouvoir que tu avais sur elle et ça t'a excitée...

 

-          Non ! Jeta Tamara avec une lueur de détresse dans le regard. Non, ça ne m'a pas excitée ! Ca m'a rassurée !

 

Les mains posées contre le mur des deux côtés de la tête de Tamara, Tia se figea. Elle recula légèrement afin de pouvoir dévisager la femme plus jeune qu'elle de si peu d'année. Quatre années d'écart. Des cheveux noirs. Une aura dangereuse. Tia pouvait voir ce qui avait attiré Lizzie et elle s'en voulait.

 

Se serait-elle laisser approcher par une femme comme Tamara si elle, Tia, ne l'avait pas repoussé ? Ou serait-elle tombée amoureuse de cette femme malgré tout ?

 

-          Rassurée ? Répéta Tia.

 

Tamara hocha la tête et dans ses yeux, Tia découvrit un monde de douleur.

 

Une écorchée vive.

 

En elle, Lizzie avait trouvé un écho de sa propre souffrance. Mais là où Lizzie s'en servait pour mieux comprendre son environnement, Tamara ne savait l'extérioriser qu'en dévastant. Surtout ce à qui elle tenait. Il en allait toujours ainsi. Elle se souvenait du temps où elle aussi, elle voulait détruire ceux qu'elle aimait. C'était une telle faiblesse. Une telle source de souffrance potentielle et elle en avait déjà tant à cette époque là.

 

Alors en définitive Lizzie avait raison... Tamara tenait à elle. Elle se recula et se redressa. Elle venait de prendre une nouvelle décision.  

 

-          Ok, alors... tu rentres avec nous.

 

-          Comment ça ? Intervint Lex.

 

-          Nous partons demain. Nos vacances se terminent, expliqua-t-elle à Tamara. Tu rentres avec nous au ranch. C'est ça, précisa-t-elle en la voyant sur le point de protester, où les flics. A toi de choisir.

 

Stupéfaite, Lex dévisagea successivement Tia et Tamara. Mais qu'est-ce que c'était que cette histoire encore ??!

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Commentaires
T
La chute est impressionnante, car inattendue et pourtant réel, parfois la souffrance se cache de manière étrange et Tia le comprend mieux que personne. J'adore aussi l'idée de Lex enceinte.
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