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Guerrière et Amazone
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  • Vous trouverez ici des Fans Fictions francophones et des traductions tournant autour de la série Xena la Guerrière. Consultez la rubrique "Marche à suivre" sur la gauche pour mieux utiliser le site :O) Bonne lecture !!
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Guerrière et Amazone
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15 janvier 2016

Le Saut de la Foi, partie 5

                      Avertissements de l’auteure (et de la traductrice) : voir 1ère partie


Le Saut de la Foi

(Leap of Faith)

Partie 5

Par Mélissa Good (1998)

Traduction Fryda (2015)

 

Gabrielle regardait un lézard, encouragé par l’air chaud de la nuit, et qui déambulait sur le rocher contre lequel Xena était appuyée. Le campement était très calme, on n’entendait que le claquement du feu ; la respiration laborieuse des dormeurs fatigués résonnait ainsi que le hululement d’une chouette et le bruissement d’un quelconque animal à la recherche de son repas.

Xena était profondément endormie et elle souhaitait que ça ne change pas, alors elle restait blottie contre le corps chaud de la guerrière, bien que se garder éveillée dans ces conditions était une torture pure et véritable. Un état de contentement rêveur persistait à la saisir entre ses serres et elle avait vraiment du mal à résister à rejoindre sa compagne dans son sommeil paisible.

Cait maintenait la garde, ayant bien dormi ces deux derniers jours, mais elle avait promis de garder un œil ouvert, alors bon sang, c’est ce qu’elle allait faire. Malgré que ce soit à moitié impossible.

Et même si ça signifiait qu’elle allait avoir à fichument gérer demain le manque de sommeil qui la rendait grognonne et susceptible et elle le savait. Oh bon. Elle regarda le visage paisible au-dessus d’elle et sourit d’aise. Ça en vaut la peine… regardez-la.

Elle a sauté par-dessus ce gouffre. Oh… dieux… comment je vais pouvoir transformer ça en mots ? Gabrielle rit pour elle-même, avec le fort souhait de l’avoir vue par elle-même. Les Amazones n’avaient pas cessé d’en parler depuis qu’ils s’étaient arrêtés et si elle les connaissait bien, toute la Nation en entendrait parler dès qu’elles seraient rentrées. Bien. La barde hocha la tête pour elle-même. Ça aidera bien plus à apaiser cette froideur que n’importe quelle règle que je pourrais édicter.

Ses pensées revinrent à la grotte et elle repensa à quand elle était penchée sur ces enfants déconcertés, faisant écho comme mû par un signal avec les mots de Paladia… que pourrait demander une barde de plus ?

Elle regarda à nouveau sa compagne, traçant les traits acérés et anguleux de son regard amoureux. Qu’est-ce que n’importe qui pourrait demander de plus ? Les marques des griffes de l’attaque de Kelten étaient subtiles, des lignes sombres sur sa peau, et… Gabrielle regarda de plus près. Diminuaient déjà… Bien… les choses semblaient revenir en ordre, et à part quelques coupures et éraflures, Xena avait traversé une épreuve plutôt brutale à sa façon robuste.

En fait… Gabrielle regarda pensivement sa compagne. Elle a l’air d’aller plutôt bien… pas comme quand nous sommes rentrées à la maison la première fois… dieux… elle m’avait fait peur. La récupération anormalement lente de Xena et son manque général d’énergie avaient rendu la barde nerveuse et elle s’était intérieurement demandée combien était dû à la fièvre et combien était le résultat des mois précédents. Elle l’avait ressenti elle-même mais sur sa compagne habituellement robuste, ça avait semblé… bien plus évident.

Au moins les choses reviennent à la normale… songea-t-elle, tandis que ses doigts traçaient les lignes du vêtement bleu foncé de Xena d’un toucher de plume. Mm… je l’aime bien dans ce cuir, admit-elle d’un air désabusé, laissant l’odeur riche lui remplir les poumons. Ça… lui va d’une certaine façon. Son regard suivit la respiration lente et régulière sous sa joue, savourant les courbes subtiles et la senteur épicée distincte qui faisait partie de l’odeur naturelle de Xena. Ma guerrière. Elle laissa la pensée s’installer dans son esprit, en aimant la chaleur.

Ça m’a tellement manqué. Elle plissa les lèvres. Ça avait été comme d’être accro à quelque chose… et de ne plus l’avoir. C’était juste… parti… et ça avait été un tel manque profond et physique, qui la rendait presque folle. Elle savait que Xena le ressentait aussi parce que la guerrière devait toujours se retenir de la toucher, de lui caresser les cheveux, de la chatouiller… des choses qui étaient devenues une seconde nature pour elles deux et maintenant perçue comme quelque chose d’indésirable.

Et combien de fois avait-elle vu Xena aller étreindre Argo ? Juste enfouir son visage dans la crinière du cheval, avec une expression de confusion triste dans les yeux.

Je me demande ce qui serait arrivé si nous avions laissé faire ? Elle y réfléchit. Je souffrais, elle souffrait… cette proximité physique faisait le pont entre les différends que nous avions toujours eus. Elle haussa un sourcil blond. Et nous les avons toujours… seulement maintenant nous en sommes plus conscientes.

Les dieux en soient remerciés, c’était fini. Gabrielle joua paresseusement avec un lacet délié puis écarta les coins que les lacets maintenaient fermés et elle regarda sous le bandage qu’elle avait mis sur la perforation sur la poitrine de sa compagne. « Brave fille », murmura-t-elle légèrement en souriant à la blessure qui guérissait proprement.

Puis elle leva la tête et écouta, les sourcils légèrement contractés.

Le silence. Plus que ça ne devrait. Sa main se serra sur le bras de Xena et elle prit une inspiration pour parler, mais une voix basse et ronronnante chatouilla son oreille.

« Je les ai entendus », lui dit Xena. « Environ une douzaine, tout autour de nous. »

Gabrielle la regarda. « Depuis combien de temps tu es réveillée ? » Dit-elle d’un air soupçonneux.

Un léger sourire lui répondit. « Assez longtemps », grogna doucement la guerrière. « Mais j’ai savouré l’attention », ajouta-elle d’un ton taquin.

« Qu’est-ce qu’on va faire ? » La barde tenta d’ignorer la rougeur sur son visage.

« Doucement… glisse-toi de moi… libère mon bras gauche », lui dit Xena, qui glissa une main pour atteindre l’épée dans sa gaine près d’elle. Son battement de cœur accélérait déjà, pompant le sang dans son corps et renvoyant les dernières prises du sommeil qu’elle avait si récemment abandonné. « Ce doit être des amis de notre prisonnière… ils ne savent pas rester tranquilles pour sauver leur vie. »

Gabrielle tressaillit, réfléchissant à combien cette déclaration était probablement vraie, étant donné que c’était Xena qu’ils attaquaient. Elle tendit la main et l’enroula autour de son bâton adopté, dont elle n’aimait pas l’équilibre mais elle décida que c’était mieux que rien. « Est-ce qu’on ne devrait pas juste crier et réveiller tout le monde ? Peut-être qu’ils vont s’enfuir et ne pas attaquer. »

Xena pianota sur son chakram et pinça les lèvres. « Tu n’es pas drôle parfois, tu le sais », grommela-t-elle. « Oh bon. »

Elle prit une inspiration pour appeler puis fonça brusquement dans l’action alors qu’une pluie de fléchettes sombres volait dans la clairière. Son épée en retint la plupart, détournant les petits missiles d’elle et de Gabrielle, qui roula contre le rocher, étonnée. « Bon sang. » Elle se rendit compte que les autres membres de leur groupe avaient été atteints. « On disait qu’il n’y a que toi et moi, rouquine. »

Les attaquants attendirent puis se précipitèrent dans la clairière, s’attendant à trouver des adversaires endormis.

Et bien, la plupart l’étaient. Mais ils furent reçus près du feu par un cauchemar sombre et riant, dont la lame argentée détacha la tête du meneur de ses épaules et arrosa la clairière d’un sang rouge vif.

Et ceux qui suivaient, qui s’éparpillèrent, furent reçus par un long mouvement de bâton dans les mains d’une experte, qui leur fit tomber leurs armes avec des coups piquants et les fit tomber avec des piques solides et des balayages puissants.

Xena tint bon, placée devant Paladia sachant que c’était leur but, et envoyant ses adversaires au sol avec des coups de pied bien placés. Les deux hommes assez stupides pour dégainer leur épée et arriver sur sa haute silhouette avec des mouvements de balayage, furent éviscérés avec le bruit solide et distinct d’une épée qui piquait les os et les muscles, faisant écho dans la clairière.

L’un d’eux vint vers elle par-derrière et reçut un coup de coude dans la gorge, qu’elle écrasa et il tomba au sol avec un gargouillement hurlant.

Un autre par-derrière qui ne l’atteignit jamais, fut touché par un bras fin et clair qui tenait une lame cruelle dont le bord trancha sa gorge avec un professionnalisme mortel. Cait pencha la tête en arrière et rit. « Là, ça c’est de la balle. » Elle fonça se mettre à la gauche de Xena et intercepta une forme basse et lourde qui visait la jambe de la guerrière de sa dague. « Bon sang non… tu ne vas pas le faire. » La jeune fille évita son bras et frappa à son poignet, fendant la peau jusqu’à l’os et lui faisant lâcher son arme. « Bien. » Une autre coupure et son arbalète était partie, envoyée dans les airs par un coup de pied fin et botté.

Des bruits de sabots brisèrent le silence fantomatique dans leur arrivée brutale et Xena sauta d’un côté, attrapant Cait pour la pousser hors du chemin. Elle attendit et vit la forme sombre sur le cheval dans la lumière agitée du feu.

Elle vit le bord de la lance posée sur son épaule, le point mortel, coulant d’une substance sombre, dirigé droit sur sa poitrine.

Elle n’eut qu’une seule seconde pendant laquelle elle dut décider quoi faire. Si elle le laissait passer dans le tonnerre, il se dirigerait droit vers l’endroit où Ephiny et les Amazones étaient allongées. Elle soupira et espéra que sa prise serait bonne et elle tendit les mains vers la lance.

Ses mains s’enroulèrent autour du manche et elle sentit les échardes rugueuses érafler sa peau ainsi que le sursaut quand le mouvement de l’homme fut soudainement arrêté. Elle tira fort, se laissant tomber pour ajouter son poids à l’effort, et il lutta tendant de la frapper avec le bout.

« Oh non. » Elle mit une main sur son pommeau et tira violemment de côté, s’excusant mentalement auprès du cheval. Avec un couinement, il tomba lourdement, entraînant le cheval avec lui, droit sur elle.

Il y eu une rafale de coups et elle réussit à le frapper à l’abdomen, ce qui lui valut un gargouillement rauque. Quelqu’un tira le cheval vers l’avant, le faisant se mettre debout et cela lui libéra les jambes, lui permettant de rouler pour se mettre à genoux et soulever son opposant sans défenses avant de le jeter loin d’elle contre l’arbre auquel Paladia était attachée. « Salopard », cracha-t-elle en sentant le sang dans sa bouche et se rendant compte qu’elle s’était mordu l’intérieur de la joue.

Gabrielle fut à côté d’elle quelques secondes plus tard et elle passait la main le long de son bras. « Tu vas bien ? »

Xena cracha à nouveau, se débarrassant d’un peu du goût métallique et elle hocha la tête. « Oui… je vais bien… et toi ? Cait ? » Elle se mit debout et brossa son cuir.

« Super, merci », répondit la jeune fille en essuyant sa lame fine et mortelle sur la chemise en tissu sale de la victime. « Un bel exercice. »

« Ça va ici aussi », répondit Gabrielle en lançant un petit regard de côté à Cait.

Elles se retournèrent et regardèrent Paladia, qui remuait dans ses liens et qui s’immobilisa quand elle se rendit compte qu’elles lui portaient leur attention. « Ils ne s’arrêteront jamais », pavoisa-t-elle, triomphante. « Vous ne me garderez jamais. »

Xena reprit son épée et la rengaina puis elle s’avança et s’accroupit près d’elle, posant ses avant-bras puissants sur ses genoux. « Ecoute. Ce ne sont que de fichus gamins. » La guerrière s’essuya les mains et regarda autour d’elle. « Sept d’entre eux viennent de mourir. » Elle se pencha plus avant. « Tu pourrais m’en envoyer cent et ils mouraient de la même façon. » Elle haussa un sourcil. « C’est ça que tu veux ? Qu’ils meurent tous ? »

« Tu ne peux pas… » Protesta Paladia.

« Ah… si je peux », répliqua Xena avec un sourire. « Et je le ferai. » Sa voix baissa d’un ton. « Je suis ce genre de fille. » Elle se leva. « Rends service à tes sbires. Dis-leur de ficher le camp. » Elle secoua la tête et retourna près du feu, où Gabrielle se tenait, appuyée sur son bâton. « Crétins. »

La barde lui fit un sourire désabusé. « Pas vraiment, Xena. Si ça avait été quelqu’un d’autre que toi, ça aurait pu marcher. »

Arès grogna pour signifier son accord, léchant ses babines du sang qu’il avait pris en attaquant un des opposants à Gabrielle.

« Hmph », grogna Xena. « Peut-être. » Elle se mit au travail, attrapant les morts pour les tirer loin du campement, mettant les deux derniers sur le pauvre cheval avant de lui donner une tape. Les attaquants blessés s’étaient enfuis en boitant et elle les laissa partir, espérant que leur histoire d’horreur empêcherait une nouvelle attaque.

Quand elle revint, sa tâche finie, Gabrielle avait vérifié les Amazones sonnées qui étaient tour à tour, perplexes, outragées et embarrassées et elle s’installa près d’Ephiny, qui avait échappé aux fléchettes et était vaguement consciente. « Hé… tu as raté la fête. »

Les yeux clairs la regardèrent avec fatigue. « C’est l’histoire de ma vie. » Elle s’éclaircit la voix en tressaillant. « Vous allez bien ? »

Gabrielle rit doucement. « Nous ? Bien sûr… qu’est-ce que douze types quand on a une Xena qui met les chevaux par terre à elle toute seule. » Elle entoura les doigts de la régente des siens et prit une inspiration. « Comment te sens-tu ? »

« Ouille », répondit Ephiny en tournant la tête pour regarder Eponine et les autres s’étirer et se secouer pour se débarrasser des effets des fléchettes. « C’est comme si j’étais tombée d’une falaise. » Elle bougea un peu la tête. « Mais un peu mieux… je pense. »

« C’est bon à entendre », répondit Gabrielle.

« Gabrielle ? » Le regard d’Ephiny était maintenant posé sur elle et sa voix baissa jusqu’à n’être qu’un murmure. « Tu… tu te souviens de la Thessalie ? »

La barde s’interrompit un long moment. « Et bien… oui… bien sûr que oui », finit-elle par répondre d’une voix étonnée. « De quoi s’agit-il ? »

Ephiny tourna le regard vers elle. « Quand tu as été vraiment malade… quand tu… heu… »

« Es morte ? » Proposa Gabrielle avec une grimace.

« Euh. Oui », acquiesça la régente. « Quand c’est arrivé… comment ça a été pour toi ? »

Gabrielle réfléchit à la question. « Et bien… au début c’était vraiment effrayant. » Elle se gratta le nez au souvenir. « Je savais… et bien, c’était douloureux, puis c’est devenu vraiment obscur… » Elle déglutit. « Et ensuite… j’étais sur cette plage… et c’était vraiment paisible… il y avait une… sorte de porte… plein de lumière… et je l’ai traversée. » Elle regarda Ephiny. « J’ai vu des gens que je connaissais là-bas… mon oncle… »

L’Amazone cligna des yeux. « Mais tu es revenue. »

Gabrielle ferma les yeux et hocha un peu la tête. « Oui… c’est vrai… je… il me manquait quelque chose. » Une longue pause et un petit sourire. « Quelqu’un. »

Ephiny lui pressa la main. « Déjà, hein ? »

« Oui. » La barde relâcha un long soupir. « Déjà… elle m’a appelée et je suis revenue. »

L’Amazone hocha tranquillement la tête. « J’étais là. » Elle hésita. « Et maintenant je suis allée où tu étais. »

Gabrielle l’étudia. « Mais tu es revenue. »

Ephiny réussit à produire un minuscule sourire. « Oui. » Puis elle haussa un sourcil. « Hé… on peut démarrer un club. Xena pourrait être la présidente… qu’en penses-tu ? »

Cela déclencha un reniflement de rire de la part de la barde. « Je présume que oui. » Elle tourna la tête. « En parlant de ça… je vais laisser Eponine me remplacer… il faut que je m’assure que Xena n’a pas rouvert ses entailles. »

Ils s’installèrent, cette fois avec deux Amazones pour monter la garde de manière visible et Xena retourna à son rocher, se laissant tomber à terre avec Arès, qui rampa immédiatement sur ses genoux et commença à mâchouiller ses lacets. « Arès ! »

« Agrrrrrrropfff. » Le loup la lécha puis roula sur le côté, se trémoussant comme s’il essayait de frotter son odeur partout sur son pelage épais.

« Tu veux bien arrêter ça ? » hoqueta la guerrière, exaspéré, levant les yeux pour voir des regards amusés qui se détournaient dans l’obscurité. « Bon sang… va mâchouiller les bottes de ta maman, d’accord ? »

« Hé ! » Gabrielle se mit à rire en s’avançant. « Pas tant que tu ne lâches pas les dinars pour une nouvelle paire. » Elle se laissa tomber à genoux puis s’affala sur son côté, relevée sur un coude tout en jouant avec un Arès ravi de son autre main.

« Mmm… » La guerrière imita sa compagne et s’affala, appuyée sur un coude et la regardant pensivement. « Et pourquoi pas… une jolie paire en cuir noir… jusqu’ici. » Elle passa le bout de son doigt sur le genou de sa compagne.

« Xena. » La barde roula les yeux. « Au cas où tu ne l’aurais jamais remarqué… j’ai des jambes courtes. Des bottes à hauteur de genou seraient ridicules sur moi… je me souviens quand j’ai dû porter les tiennes une fois (NdlT : Gabrielle évoque la scène dans The Greater Good/Par le fer et par le poison, où elle prend l’identité de Xena (empoisonnée) pour faire illusion auprès de leurs ennemis).

Xena sourit, de bonne humeur malgré l’attaque. Ou peut-être grâce à elle. « Oooh… je te trouvais belle allure dans ces vêtements. »

Gabrielle posa le menton sur sa main et soupira. « Je me sentais idiote… tout était trop long sur moi. » Elle se souvint. « Et ensuite je suis revenue et j’ai cessée de m’occuper de si ça m’allait ou pas. »

Un petit silence tomba, puis Xena roula sur le dos et tendit les mains. « Viens ici. » Elle prit la barde dans une étreinte chaleureuse puis la serra dans son endroit favori. « C’est ton tour de dormir, je pense. »

Gabrielle ne discuta pas et ferma obligeamment les yeux avant de passer un bras autour de l’estomac de sa compagne. « Je n’ai pas beaucoup dormi… » Marmonna-t-elle. « J’avais ce cauchemar… quand je suis retournée en Chine… pour te chercher. » Sa voix se brisa. « Mais tu étais partie… »

« Chhh. » Xena lui caressa affectueusement les cheveux. « Gabrielle… ça n’arrivera jamais, ok ? Je ne te quitterai jamais. »

Le regard vert se tourna vers elle. « Tu le penses. »

La guerrière hocha la tête. « Oui… dans la vie, dans la mort… peu importe ce qui arrive. »

Gabrielle cligna des yeux. « Pour toujours. »

Xena sourit paisiblement. « Pour toujours. »

La barde eut un sourire détendu tandis qu’elle se blottissait un peu plus et elle relâcha un soupir d’aise. « Tu es à moi. »

Cela lui valut un doux sourire nostalgique de sa compagne. « C’est bien ça. »

Arès roula les yeux et bâilla, puis il posa son museau sur la cuisse de Xena.


Cait s’installa jambes croisées près d’une Paladia rageuse et elle s’affaira sur un bol de la soupe de leur dîner épars. « C’était fichument stupide », informa-t-elle la femme costaude, en mordant dans un morceau de poisson avec une délectation évidente.

« Ferme-la », grogna Paladia en essayant de trouver un endroit confortable contre le tronc de l’arbre auquel elle était attachée. « Qui t’a parlé ? »

La jeune fille blonde élancée lui lança un regard dégoûté. « Tu n’es pas seulement stupide, tu es vulgaire », dit-elle à Paladia. « Tu ferais mieux de t’assagir. »

La femme bien plus grande la fixa. « Vous n’arriverez pas à me garder. »

Cait se pencha en avant en mâchouillant un morceau de fruit de son bol. « Est-ce que tu es totalement idiote ? Tu ne viens pas de voir ce qui est arrivé à ces gens ? » Elle secoua un doigt. « Ils sont morts, presque tous. » Une autre bouchée. « Tu ne sais pas ce que veut dire mort ? Tu n’as jamais tué personne ? »

Paladia cligna des yeux. « Bien sûr que si… » fanfaronna-t-elle.

« Je pense que non », l’informa Cait. « Parce que tu penses que ce n’est rien qu’une sorte de jeu. »

« Oh… » La femme ricana. « Et tu as tué combien de personnes, espèce de petit avorton ? »

Cait mâchouilla un morceau de pomme. « Six maintenant », répondit-elle nonchalamment. « Tu as vu ce dernier-là ? Joli. »

Paladia la fixa. « Tu es sérieuse », marmonna-t-elle.

« Plutôt », répondit Cait. « Je sais ce qu’est la mort, tu vois. » Elle piqua pour prendre du poisson. « Mes parents ont été tués par des brigands… j’étais plutôt contrariée et je suis allée prendre soin de la personne qui l’avait fait. » Elle avala et s’essuya la bouche. « Et ensuite, j’ai trainé autour d’Amphipolis… à attraper du petit gibier et à l’échanger pour de la nourriture…et le reste. »

« Ils ne t’ont pas virée ? » Demanda Paladia surprise.

« Quoi, ces gens-là ? Dieux non… » Cait sourit. « Ils sont super gentils… Cyrène laissait toujours des trucs dehors pour moi, je ne payais pas… elle est super. » Elle porta le bol à ses lèvres et prit une longue gorgée. « Et puis Xena est revenue… »

« Dieux… ne commence pas avec ça. Je suis fatiguée d’entendre parler de cette garce », cracha Paladia.

« Et bien, il faut que tu t’y habitues, vraiment… là où tu vas », lui dit Cait d’un ton pratique. « Elle ne peut pas l’empêcher, vraiment… elle respire et quelqu’un fait une histoire dessus. » Elle posa le bol. « En tous cas, elle est rentrée chez elle… et je lui ai demandé de me laisser aller chez les Amazones. »

« Te laisser ? » Paladia rit méchamment. « Pourquoi tu n’y es pas simplement allée ? »

« Et bien. » Cait s’installa, les coudes posés sur ses genoux. « J’avais besoin d’une introduction, tu vois… alors Xena m’a renvoyée avec la Reine Ephiny pour la garder sur le chemin du retour à cause de cette Amazone vraiment mauvaise qui essayait de la tuer. »

« Quoi ? » Demanda Paladia avec un intérêt prudent.

« Oui… ça arrive parfois, avec ces Amazones… elles sont toujours détraquées… Xena dit que ça a un rapport avec le fait qu’elles ont leurs règles toutes en même temps. » Cait pianota sur son menton. « Où j’en étais… oh oui… quoi qu’il en soit, je suis revenue juste à temps pour voir la défense de la Reine Gabrielle au village des Centaures. »

Elle avait maintenant l’attention de Paladia et le regard gris cloué sur elle. « Attendsuneminute… j’saispasqui là-bas m’a raconté une histoire folle au sujet d’une Reine Amazone qui a combattu d’autres Amazones pour des Centaures ou un truc comme ça… c’était elle ?? » Elle fit un signe de la mâchoire vers la silhouette dans l’ombre contre le rocher plus loin.

« Oh oui », confirma Cait. « C’était bien elle… elle s’est élevée contre ces méchants culs de Centaures plutôt pas mal en fait… mais j’ai pu voir Xena venir à la rescousse… et c’était juste super. » Elle remua une main théâtralement. « Elle a volé… comme un oiseau et elle a attrapé le carreau d’arbalète juste avant qu’il ne frappe la Reine. » Elle s’interrompit et soupira. « Sympa. »

Paladia regarda de l’autre côté du campement les deux femmes qui se reposaient dans la faible lumière du feu. Le regard de Xena fut saisi par des mouvements de lumière erratiques alors qu’elle regardait autour d’elle avec une alerte paisible, ses bras entourant d’un air protecteur la barde aux cheveux clairs qui dormait profondément blottie contre sa poitrine. « Alors c’est la grande Xena », dit-elle d’un ton songeur. « Ce n’est pas ce à quoi je m’attendais. »

Cait réfléchit à ces mots. « Elle est plutôt sympa quand on la connait bien. »

Paladia ricana. « Je n’ai aucune intention de la connaître mieux. » Elle tourna la tête et la posa contre l’écorce. « Elles ne me tromperont plus. »

L’Amazone blonde suçota sa cuillère et étudia sa prisonnière. « Ecoute bien, tu es allée voler des gens… à quoi tu t’attendais ? » Demanda-t-elle d’un ton sérieux. « Tu pensais que ça ne leur ferait rien ? »

Paladia déglutit et lui lança un rapide regard. « On n’a pas fait de mal… c’était juste un moyen de récupérer ce qui était à nous. »

Ça rendit Cait furieuse. Elle posa son bol et se glissa plus près. « Pas de mal ? Comment tu appelles ce qui est arrivé à Ephiny alors ? »

La grande femme recula brusquement. « Elle m’a attaquée ! » Protesta-t-elle. « Elle a mérité ce qui lui est arrivé ! »

Dans un éclair, Cait était sur elle, la forme élancée de la jeune fille masquait une force d’acier qui affronta celle de Paladia, son poing serrant le cuir et la tunique de la femme. « Tu es une bête mauvaise », dit-elle dans un grognement sourd et stupéfiant. « Tu lui as fait des choses horribles et dégoûtantes et quand elle a réagi… quand elle a essayé de protéger Gabrielle, tu l’as salement battue. » Un couteau apparut de nulle part et vint se presser contre la gorge de Paladia. « J’aimerais juste pouvoir te tuer, j’aimerais ça. »

« Ça… » Le visage de Paladia afficha de la confusion. « N’était pas si horrible… ça… je ne… c’était juste… »

Cait se rassit et laissa tomber ses mains. « Dieux… tu ne sais même pas combien tu es affreuse, n’est-ce pas ? » Elle secoua lentement la tête. « Tu as pensé que lui donner des drogues rendait la chose plus juste ? »

Un haussement d’épaules. « Elle s’en fichait. »

« Bien sûr que non… ou bien Gabrielle n’aurait pas essayé de la protéger en prenant sa place, n’est-ce pas ? » Dit brusquement Cait.

Paladia ricana. « Je pensais qu’elle…. » Sa voix traina. « Elle l’appréciait. »

Cait la frappa. « Elle le détestait tellement qu’elle était prête à risquer sa vie pour empêcher que ça n’arrive à quelqu’un d’autre. » Elle frissonna. « Beuh… tu me donnes la chair de poule. »

La grande femme la regarda. « C’est juste du plaisir… ça ne veut rien dire. »

Cait lui lança un regard noir. « Dieux, tu es une idiote », lâcha-t-elle. « Ça fait partie de l’amour… bien sûr que ça veut dire quelque chose. »

Paladia roula les yeux. « Oh… ok… c’est ça le problème. Vous pensez que ce genre de truc existe. » Elle bougea. « Lâche-moi. Je sais ça mieux que vous… j’ai appris de la façon la plus rude que l’amour n’existe pas… c’est juste ce que l’on fait, et à qui on le fait. »

L’Amazone roula sur un côté et regarda le feu. « Comment tu peux dire ça ? » Sa voix baissa d’un ton. « Regarde-les… comment peux-tu dire que l’amour n’existe pas ? » Même dans la faible lumière du feu, elles pouvaient voir l’expression ensommeillée de contentement sur le visage de Gabrielle alors qu’elle bougeait légèrement et s’enfonçait plus avant dans l’étreinte de sa grande compagne. Xena baissa les yeux et murmura quelque chose, un sourire sur le visage, puis elle posa son menton sur la tête de la barde et retourna son regard vers le feu. « Ça n’est simplement pas plus réel que ça. »

Paladia ne répondit pas.


« Tout le monde est prêt ? » Gabrielle mit son sac sur son épaule et surveilla le petit groupe. Le reste de la soirée s’était passé sans incident et elle avait ouvert les yeux à contrecœur juste après l’aube pour voir le sourire indulgent de Xena qui brillait pour elle.

Le petit déjeuner avait été frugal mais personne ne s’en était soucié, simplement reconnaissants d’être sortis des grottes et en route pour leur foyer. Les Amazones étaient prêtes et avaient installé quelques lanières pour porter leur régente blessée, qui était consciente mais souffrait et à qui Xena avait donné… ok l’avait forcée à boire… une solution qui la mettait dans un état légèrement vaporeux.

Les villageois étaient plus que prêts à partir et Lennat attendait que Gabrielle le rejoigne… lançant des regards incertains vers le grand Kelten qui s’était obligeamment soumis au toucher de Xena et marchait prudemment en petits cercles, étirant ses muscles atrophiés et en ébouriffant son pelage fraîchement lavé pour le sécher.

Gabrielle pensa qu’il était presque joli avec ses poils argentés et elle décida de mettre de côté son antipathie ancienne pour lui, au moins pour un moment. Il avait dit qu’il marcherait avec eux le reste de la journée, voyant que leurs chemins les emmenaient dans la même direction, puis il se dirigerait vers son foyer. Elle se demanda vraiment pourquoi… puisqu’il détestait les humains, mais elle soupçonnait que c’était parce qu’il était fasciné par Xena.

Comme personne d’autre dans notre petite communauté, pas vrai ? Elle lança un regard alentours, silencieusement amusée par le nombre de regards furtifs dans la direction de la source de laquelle sa compagne revenait d’un pas chaloupé, les jambes nues et portant uniquement sa combinaison en cuir. Le soleil luisait sur les gouttelettes d’eau qui couvrait sa peau et elle avait l’air… Gabrielle sentit un léger sourire étirer ses lèvres. Mmm…

Apparemment oublieuse de l’attention, Xena finit d’essorer l’eau de ses cheveux et y passa les doigts, rejetant sa tête en arrière, envoyant une légère brume dans toutes les directions. Elle avança dans l’herbe à hauteur de cheville et finit près de Gabrielle, qui se tenait tranquillement là et elle lui lança paresseusement un de ses bracelets en cuir. « Salut. »

La barde fit tourner le bracelet sur un doigt. « Salut à toi. »

Xena enregistra le silence à ce moment et regarda autour d’elle, les sourcils froncés aux regards soudainement détournés. « Quelque chose ne va pas ? » Elle retourna son attention vers la barde avec un froncement perplexe.

« Non. » Gabrielle sourit. « Pas que je puisse voir. » Elle battit de ses cils blonds vers son âme-sœur et glissa un bras protecteur sur son bras, bien en place autour du biceps de Xena, incapable de résister à tracer les lignes lisses des muscles d’un doigt languide.

La guerrière lui lança un regard soupçonneux puis secoua la tête et prit sa cuirasse, la passant par-dessus ses épaules avant d’en ajuster les boucles. « Peux-tu… » Elle tressaillit quand la blessure dans son ventre se fit sentir alors qu’elle faisait un faux mouvement. « Bon sang. »

« Bien sûr. » Gabrielle glissa les mains au-dessus de la surface en cuir chaude et œuvra sur la bretelle avant de donner une petite tape quand elle eut fini. « Et voilà. » Elle laissa ses doigts trainer, savourant la douce texture du cuir.

Xena se pencha. « Tu vas bien ? » Demanda-t-elle avec une note de curiosité.

La barde prit une longue goulée d’air, un mélange de cuir humide et de peau chauffée par le soleil et elle sourit. « Hein… oui… » Elle fit une pause. « Pourquoi ? »

La respiration de la guerrière lui chatouilla l’oreille et ses jambes faillirent ployer sous elle. « Parce que tu as pris une nuance vraiment agréable de rose. » Elle passa le doigt sur le cou de la barde, traçant le léger rougissement et laissant une trace de chair de poule derrière elle.

« Xena ? » Gabrielle serra les dents et cligna fort des yeux.

« Hmm ? » Sa compagne arqua un sourcil. « Oui, Gabrielle ? » Sa voix tomba à son registre le plus bas.

« Arrête ça ou bien tu vas faire partie du spectacle », l’avertit la barde d’un ton ironique.

Xena soupira et passa près d’elle pour s’asseoir sur le rocher avant d’enfiler ses bottes, de tirer sur les lacets pour les serrer et les attacher autour de sa jambe. « Je réfléchissais », commença-t-elle, puis elle garda le silence tandis qu’elle entendait des pas approcher.

Gabrielle prit la jambière gauche et la lui tendit alors qu’Eponine arrivait. « Oui ? » Elle se tourna à demi. « Hé Pony… Eph va bien ? »

L’Amazone hocha tranquillement la tête. « Ooouuui… je pense… elle râle sur ce que Xena lui a donné… mais je lui ai dit qu’il y avait pire moyen pour lui faire perdre conscience. » Ceci avec un regard noir dans la direction de Xena. « J’ai toujours le cou douloureux de ton petit tour, je veux que tu le saches. »

Xena finit d’attacher sa jambière et se leva, tapant le sol de ses deux pieds pour mettre les choses en place. « Oui… et bien, il y a pire que ça aussi. » Elle mit son sac sur son épaule et fit un signe de la tête vers la pente qui descendait. « Allez… on y va. » Un regard. « Le temps ne va pas coopérer pour toujours. »

Ils avancèrent lentement pour que les porteuses de civière s’habituent et à cause des liens de Paladia qui ne lui permettaient que des pas courts. Eponine était en tête, avec les villageois et la civière derrière elle, portée par deux Amazones, puis venaient Solari et Terrea, qui marchaient devant leur prisonnière, suivies par Cait, Johan et l’autre Amazone. Kelten marchait avec soin derrière elles, Xena et Gabrielle assurant l’arrière.

La guerrière gardait un œil sur les environs, les poils de sa nuque se soulevant plusieurs fois quand elle sentit des guetteurs. Un sifflement avertit Eponine qui leva un poing en reconnaissance et les Amazones prirent position en éventail, préparant leurs épées avec un Arès qui faisait des cercles, reniflant avec soupçon.

Les ombres disparurent.

Le soleil grimpa un peu plus, réchauffant l’air déjà chaud et humide jusqu’à ce qu’ils transpirent tous abondamment. Xena garda un œil sur le temps et appela à un arrêt après midi, s’avançant pour vérifier l’état d’Ephiny, avec Gabrielle péniblement sur ses traces. La guerrière repoussa les cheveux humides de ses yeux et s’agenouilla près de la civière, posant doucement la main sur le front de la régente. « Eph ? »

Les yeux clairs s’ouvrirent en clignant et cherchèrent son visage. « Ouille. »

Le visage de Xena se pinça de sympathie. « Ecoute… je sais que ça fait mal… je peux te donner plus de remède… »

Une main faible l’arrêta. « Pas mal… mal de mer. » Elle roula un œil vers ses petites porteuses embarrassées. « Je n’ai pas eu autant de nausées depuis que j’ai navigué sur ce lac près de chez nous et que j’ai subi une tempête. »

Gabrielle sourit et s’accroupit près de sa compagne, prenant un des poignets d’Ephiny dans sa main. « Je vais te montrer un truc que j’ai appris il y a quelques temps, OK ? »

Ephiny regarda avec intérêt tandis que la barde tapotait un endroit à l’intérieur de son bras. « Hé… » Elle s’interrompit puis pencha la tête. « Ça marche. » Une note de surprise fatiguée colorait sa voix puis elle regarda Gabrielle avec intérêt. « Tu me fais remonter le temps, mon amie. » Un sourire vint sur ses lèvres. « Avec ces vêtements… je voulais te le dire avant… »

La barde se leva et s’essuya le front. « Sans rire… et ceux-ci sont aussi inconfortables que l’étaient les vieux. » Elle jeta un coup d’œil noir à sa compagne qui étouffa un rire. « De quoi tu ris ? »

Xena mit le pouce sur sa poitrine. « Moi ? Rien… mais… » Avec un grand geste elle sortit sa dague et avança sur sa compagne, faisant tourner le couteau dans ses doigts experts. « J’ai peut-être une solution à ton petit problème. »

Gabrielle mit les mains sur ses hanches et pencha la tête. « Ah oui ? »

Lentement, Xena s’agenouilla puis passa délicatement la dague autour de la cuisse de Gabrielle, tranchant le tissu. Elle se pencha en avant et fit le tour de ses jambes puis vint vers son autre cuisse, séparant la plus grande partie de la jupe longue et maintenant en loques. Le tissu tomba sur le chemin poussiéreux et la barde fit un pas au-dessus, essayant très fort de réfréner un rire.

Elle n’était pas vraiment sûre de savoir si elle devait être embarrassée, contente, stimulée ou quoi… Toute l’attitude de Xena était gentiment taquine, ce qui était unique et rare en public pour la guerrière normalement stoïque.

La brise était bonne sur sa peau nue, cependant… alors elle attendit, regardant Xena se mettre debout puis se rapprocher, tirant sur la chemise qu’elle portait et sortant les bords de la taille de la jupe où ils étaient rentrés.

Le léger son du tissu qu’on écarte et la sensation frissonnante de la dague contre son côté tandis que Xena faisait une coupe puis une autre puis amenait les bouts devant et les liait proprement dans un nœud au-dessus de son nombril. Puis elle compléta le vêtement par des coupes efficaces des manches, rendant l’effet pas trop lointain des vêtements qu’elle portait habituellement.

A part les dentelles… qui avaient vraiment, vraiment l’air idiot… et les coupes joyeuses que Xena fit ensuite dans le haut de la jupe, qui exposa ses jambes musclées presque jusqu’à ses hanches.

Quand ce fut terminé, la guerrière recula et leva les mains en questionnement. « Alors ? »

Les Amazones tapèrent dans leurs mains et rirent, même Ephiny, qui se mordit la lèvre parce que rire lui faisait mal. « C’est bien, bien mieux. » La régente hocha la tête. « Xena… tu as raté ta vocation. »

« Ah oui », dit Xena en ricanant légèrement. « Elle m’a appelé mais je ne pouvais pas l’entendre par-dessus le bruit de mon épée qui rendait quelqu’un misérable. » Elle retourna son attention vers son âme-sœur. « C’est mieux ? »

Gabrielle releva ses cheveux de sa nuque, regardant ses nouveaux vêtements diminués. « Bien mieux. » Elle sourit. « Je ne vais pas me prendre les pieds dedans au moins. » Elle passa près de sa compagne et se dirigea vers l’arrière, secouant la tête d’amusement.

Xena reprit sa vérification des blessures de la régente, ignorant complètement les sourires narquois sur les visages des Amazones. « Le soleil te gêne, Eph ? »

« Non », dit Ephiny d’une voix trainante et faible. « Il te gêne, toi ? »

Xena la regarda, puis vers le cercle des guerrières souriantes. « Je ne sais pas de quoi tu parles », marmonna-t-elle en se levant, puis elle se frotta les mains et hocha la tête pour montrer la rangée de montagnes. « Le temps change… nous avons deux choix. »

Les sourires et les rires stoppèrent et elles accordèrent leur attention. « On peut monter la route vers le territoire des Amazones… trouver un endroit pour passer la nuit. »

L’inquiétude colora les visages. « Oui, je sais », dit Xena en soupirant. « Je pense aussi qu’on va être à l’étroit et j’en suis un peu fatiguée. » Elle regarda au loin. « On peut aussi arriver à Amphipolis avant la tombée de la nuit, si on se dépêche. »

La maison. Dieux… voir leur cabane familière et s’imaginer tombant dans leur lit douillet avec Gabrielle, fut une pensée bienvenue juste à cet instant. Est-ce que ce n’était pas pathétique ? Xena se réprimanda elle-même ironiquement. « Josc peut la garder… » Elle montra Paladia qui écoutait avec une expression figée. « Dans la prison pour quelque jours… Vous pouvez rester pour l’union de Gran et Toris… Eph peut être remise d’aplomb… »

« Xena. » Ephiny cligna des yeux.

« Quoi », répondit la guerrière.

« Tu n’as pas besoin de nous convaincre de venir dans ta ville natale », marmonna la régente d’un ton sec. « En plus… c’est là que je me rendais au départ. »

Des regards rapides de la part des Amazones qui finirent par hocher la tête. « Ça me semble bien », bâilla Solari. « Allons-y. »

Elles reprirent leur chemin, cette fois un peu plus joyeusement. Xena vint se mettre derrière Gabrielle. « C’est réglé. »

« La maison ? » Demanda la barde ayant discuté ce point avec elle plus tôt. « Tu as réussi à les convaincre aussi vite ? Dieux, Xena… peut-être que tu devrais être Reine des Amazones. »

« Epargne-moi. » Sa compagne roula ses yeux bleus.

« Peut-être que tu devrais les rejoindre et leur apprendre… hum… des chansons de marche… cimenter ce truc de leadership », continua la barde sérieusement. « Ça pourrait être bon pour elle. » Elle s’interrompit. « Et pour toi. » Elle saisit l’éclair rapide d’incertitude dans le regard de son âme-sœur et mit la main sur son dos. « Je blague. »

Xena maintint le silence un moment puis cligna des yeux et pencha la tête pour regarder sa compagne. « Nan… je préfère la vue d’ici. » Elle passa les doigts d’un air taquin sur la cuisse nue de la barde.

Gabrielle rougit et lui tapa la main. « Tu veux bien arrêter ça ? C’est bien assez que je vous ai toi et ta combinaison en cuir tout près de moi… n’empire pas les choses, d’accord ? »

La guerrière abandonna son badinage et se mit un peu plus loin pour marcher en silence. « Désolée », répondit-elle calmement.

La barde lança un coup d’œil au profil maintenant sérieux et tressaillit intérieurement. « Hé… » Elle se rapprocha et cogna doucement le bras de Xena. « Je ne voulais pas le dire comme ça le parait. »

Un haussement d’épaule. « C’est bon. » La voix de Xena était égale. « J’ai été un peu bête. » Elle se massa les tempes. « Je ne suis pas sûre de savoir ce qui m’a pris. »

Gabrielle mit la main autour du bras chaud de sa compagne et appuya sa tête sur l’épaule large. « La même chose qui m’a prise… et qui me fait avoir envie de t’entrainer dans les buissons », répondit-elle avec un sourire penaud, rougissant lorsque Xena haussa les deux sourcils. « Je suis… hum… vraiment contente que nous allions à la maison ce soir plutôt que de nous diriger vers le territoire amazone. »

Les sourcils grimpèrent encore plus.

« Ouille. » Gabrielle sautilla un peu en marchant. « Arrête ce regard… je ne peux pas m’en empêcher. »

Finalement, cela lui valut un sourire de la part de sa compagne sévère. « Tu ferais mieux d’arrêter toi. »

« Quoi ? » La barde la fixa. « Ça ? » Elle sautilla.

« Gabrielle. » Xena étouffa un rire.

« Nan nan nan… » La barde bondit comme un lapin, tirant la langue à sa compagne, incapable de résister au désir soudain et inexplicable qu’elle avait de se laisser aller dans ce doux amusement.

La guerrière se couvrit les yeux. « Je pense qu’on a toutes les deux manqué de sommeil cette nuit », annonça-t-elle. « On se laisse aller. » Elle regarda à travers ses doigts pour voir le large sourire de Gabrielle. « Tu ferais mieux d’arrêter ça… » Mais l’étincelle joueuse dans les yeux de la barde la retournèrent et remuèrent une puissante chaleur qu’elle avait à moitié oubliée.

Une vague de vertiges qui menaçait de la faire s’effondrer au sol encore et encore, tandis qu’elle se sentait prendre un chemin escarpé dont la fin la dernière fois n’avait signifié que de la douleur insupportable, et elle était incapable de s’arrêter… une partie d’elle-même désespérée que cela arrive, et une autre partie terrifiée à cette idée.

Elle ne s’était jamais attendue, à son âge, à tomber aussi entièrement, à s’abandonner tellement à l’amour dans une chute incontrôlable. Et elle l’avait payé.

Profondément.

Et maintenant ça revenait, lui tendant la main, la captivant, la tentant… la terrifiant.

Ce serait si facile de reculer… leur relation se renouait. Elle n’avait pas besoin de ça.

Non. Elle n’en avait pas besoin. Mais oh par les dieux… qu’elle le désirait.

La barde passa à nouveau la langue et faillit la perdre quand Xena pencha la tête avec soin et la captura entre ses dents, pour la fondre dans un long baiser, laissant ses sens trouver des endroits pour leurs pas, priant pour qu’elle ne finisse pas la tête la première sur la piste. Elle finit par reculer, regardant devant elles coupablement, soulagée que le groupe semble avancer impassiblement.

« Pfiou », dit Gabrielle, en prenant une profonde inspiration avant de la relâcher. « La journée va être loooongue. »

« Mpff », acquiesça Xena, en passant le bras autour des épaules de la jeune femme et souriant de manière insouciante.

Au bord du gouffre où elle se tenait, elle laissa le vent qui hurlait près d’elle balayer ses doutes, et avec un lien simple et intrépide, elle se jeta à nouveau dans l’espace.

Au-dessus de leurs têtes, les nuages se rassemblaient et au loin, un sourd grondement de tonnerre remua l’air, le vent s’agitant tandis que les feuilles autour d’elles dansaient au hasard.


Le tonnerre augmentait et se rapprochait, les vibrations roulaient à travers le sol au moment où ils atteignirent la vallée de la rivière, se dirigeant vers le pont qui traversait le territoire d’Amphipolis. Le vent s’était considérablement levé et la lumière avait pris une teinte étrange de roux qui rehaussait le vert intense de l’herbe de la rivière.

« Bizarre », dit Gabrielle alors qu’ils s’arrêtaient pour un repos rapide et elle se laissa tomber jambes croisées sur le sol avec un bruissement de végétation sèche. Elle sursauta légèrement quand un criquet prit son bras pour un chemin et sauta sur sa jambe, s’arrêtant ici et là tout en secouant ses antennes. « Salut. »

Arès vint en trottinant et renifla la créature teintée de vert puis il s’assit et pencha la tête dans sa direction. « Roo », yodla-t-il doucement et le criquet manœuvra pour garder un œil sur lui, secouant sa carapace rigide et faisant à nouveau sursauter Gabrielle.

« Yaa. » La barde poussa l’insecte d’un doigt essayant de l’encourager à continuer son voyage.

Xena arrêta d’étudier le temps d’un air inconfortable et regarda la scène avant de sourire, emmêlant ses doigts dans les cheveux soyeux de la barde.

Gabrielle oublia le criquet et leva les yeux pour lui retourner son sourire. « Pas loin, hein ? » Demanda-t-elle après ce qui sembla être un vraiment long moment à se regarder. Qu’est-ce qui nous arrive aujourd’hui ?

La guerrière cligna des yeux et secoua la tête comme pour l’éclaircir. « Hum… » Elle regarda l’horizon. « Non… pas vraiment… j’espère qu’on va le faire à temps… je n’aime pas l’allure du ciel. »

La barde soupira et s’appuya sur ses mains, son regard vert clair étudiant les nuages. Un bruissement sur sa droite lui fit tourner les yeux tandis que Kelten traversait les hautes herbes et faisait face à Xena.

« Je vais à la maison, Elue », lui dit le grand Etre de la Forêt. Son visage était moins hagard et, propre, il paraissait en meilleure santé que quand ils l’avaient libéré. « Je dirais bien que ça a été un plaisir, mais ça ne l’a pas été. »

Xena ricana doucement. « Comment t’es-tu fait prendre par ces gamins, à propos ? »

Kelten regarda au loin. « La vie est dure parfois… » Il tourna ses yeux aux teintes argentées vers elle. « J’ai été défié, j’ai perdu. » Il plissa le nez. « Je présume qu’il a pensé que m’épargner était faire preuve de bonté. » Il rit d’un air déplaisant. « Je me disais que je pourrais me trouver un endroit écarté… j’ai trouvé un sanglier à la place. »

Xena relâcha un souffle, les mains sur ses hanches, en regardant le sol. « C’est rude », dit-elle. « Qu’est-ce que tu vas faire maintenant ? »

Il haussa les épaules. « Ça n’a pas vraiment d’importance… trouver une grotte… peut-être tuer quelques petits animaux pour le plaisir comme au bon vieux temps. » Il montra ses canines dans un sourire félin. « Tu connais ça. »

« Sois prudent », dit calmement Gabrielle.

Il la regarda. « Ça serait contraire à mon but, non ? » Son regard alla vers le visage tranquille de Xena et ils échangèrent des signes de tête silencieux et de commun accord. « Qu’Arès te garde, Elue. » Son museau se plissa dans une expression ironique tandis qu’il se détournait et séparait les hautes herbes de ses mains.

« Qui t’a battu, Kelten ? » Demanda Xena en croisant les bras.

Il la regarda par-dessus son épaule argentée. « Ce gamin à qui tu as fait si peur qu’il a mouillé son pelage… » Son regard montrait un dégoût douloureux. « La vie vous mord rudement parfois. » Puis il secoua la tête et disparut lentement dans le sous-bois, se dirigeant vers la ligne d’arbres qui entourait les basses collines qu’ils venaient juste de quitter.

« Mpff », murmura doucement Gabrielle en regardant son criquet qui avait apparemment décidé qu’il aimait beaucoup son genou. Mais les pattes la chatouillaient. « Ce n’est que justice poétique, je présume. »

Xena étudia ses bottes. « Je pense que je peux mieux voir que toi à travers ses yeux… » Elle soupira et secoua la tête. « S’il ne s’agissait que de justice poétique, je détesterais voir où j’en serais maintenant. »

Ouille. Gabrielle tressaillit. Bon point. Elle amena doucement le criquet jusqu’à une quenouille et se leva, brossant sa jupe et avançant d’un pas tranquille jusqu’à sa compagne pensive. « Et bien… je présume que c’est bien pour toi de finir avec une poétesse, non ? » Elle mit la main sur le bras de Xena. « Ta peine c’est d’avoir à m’écouter babiller tout le temps. »

La guerrière la regarda furtivement puis se détendit dans un sourire. « Je prends. »

« Bonne réponse », l’informa Gabrielle tandis qu’elles se mettaient à marcher vers le reste du groupe, assis. Elle entoura légèrement la taille de sa compagne et sourit lorsque Xena mit son bras autour de ses épaules. « Allez… on bouge ou on va tous finir mouillés », cria-t-elle à ses compagnons qui se reposaient.

Ses paroles furent accueillies par des rires des Amazones et elle les regarda, perplexe. « Quoi ? » Elle se retourna et regarda Xena qui se couvrait les yeux de sa main libre tout en se mordant la lèvre. « Quoi ? ? ? » Elle se repassa ses mots puis roula les yeux et grogna. « Dieux… vous êtes dégoûtantes. » Elle relâcha son bras du corps de sa compagne et la frappa du dos de la main dans l’abdomen, puis elle partit vers l’endroit où se trouvait Lennat, agenouillé près de Johan.

« Ouille. » Xena massa l’endroit puis enleva son sac de son épaule avant de s’accroupir près de la civière d’Ephiny. « Comment vas-tu ? » Elle tourna la tête de la régente doucement et étudia le bleu qui tachait la moitié de son visage.

« J’apprécierais si vous n’essayiez pas de me faire rire », marmonna la régente, ses yeux clairs brillant à travers ses paupières à demi fermées et gonflées. « Tu peux faire ta routine sans humour et stoïque le temps que j’aille mieux ? »

Xena haussa un sourcil et réfréna un sourire, essayant de mettre une expression sobre sur son visage. « Bien. » Mais le léger sourire restait sur ses lèvres malgré tout. « Tu veux plus de remède pour la douleur ? »

Ephiny réfléchit. « Non… » Elle prit une profonde inspiration et la relâcha. « Je suis fatiguée de me sentir comme enroulée dans un linceul. » Elle cligna plusieurs fois des yeux. « Ma vision est plutôt brouillée. »

Xena plissa le front. « Et bien… » Elle examina le coup sur la tête de la régente. « C’est pas mal gonflé… peut-être que c’est la cause. » Elle détourna le regard et croisa celui, très inquiet d’Eponine, qui la regardait. « Oui… c’est probablement ça… on va attendre quelques jours. » Elle se mâchouilla un peu la lèvre. « Ecoute, Eph… je sais… »

« Hé. » La régente leva faiblement la main. « Si tu commences à essayer de me réconforter, tu vas me faire voler les plumes de peur, alors arrête. »

La guerrière baissa les yeux. « Très bien. » Elle céda. « Allons-y… ce soleil ne te fait pas de bien de toutes les façons… et être prise dans une tempête ne le fera pas non plus. » Elle prit un baume herbal dans son kit et commença à l’appliquer sur les coupures irrégulières qui traversaient le visage de l’Amazone.


Lennat leva les yeux en entendant des bruits de pas et il sourit en voyant Gabrielle. « Bonjour… » Il tapota le rocher près de celui sur lequel il était assis, au milieu d’un groupe de Potadéiens. « Assieds-toi… au moins quelques minutes. »

Ce qu’elle fit, ses jambes sur un côté, ses avant-bras sur ses cuisses. « Vous allez bien ? Je sais qu’on est un peu pressés… mais Xena veut qu’on soit à couvert avant la tempête. »

« On va bien », lui dit Lennat, en jetant un coup d’œil à ses compagnons. « On est juste vraiment contents d’être sortis de là, bien qu’ils étaient supposés nous laisser partir dans tous les cas… je ne suis pas sûr de savoir comment ça allait se passer. »

« Oh. » Gabrielle se frappa doucement la tête. « C’est vrai… et bien c’est Xena qui devait livrer votre rançon », expliqua-t-elle. « C’était avant qu’on sache pour Ephiny. »

Ils se regardèrent. « Wow… » Lennat se mit à rire nerveusement. « On se demandait… on avait la plus grande partie de nos économies de l’année avec nous… je ne sais pas ce qu’on va faire maintenant. »

« Oh », dit Gabrielle à nouveau avec une expression penaude sur le visage. « Où avais-je la tête… tiens. » Elle fouilla dans son sac et en sortit une sacoche en cuir usé, décorée de gerbes de blé tissées et de couleur rouge et ocre. « C’était dans la chambre de Paladia… j’ai reconnu le sceau du village. »

Lennat eut un large sourire tout en soulevant la sacoche. « Gabrielle ! ! ! » Il explosa de joie et se mit à rire. « Tu es la meilleure ! »

La peau douce autour des yeux de sa belle-sœur se plissa quand elle lui sourit en retour. « A ton service. » Elle laissa son regard voyager sur eux, puis sur Paladia affalée contre un arbre tombé, avec une Cait en alerte tout près. « Excuse-moi un instant. » Elle se leva et alla vers elles, fit un sourire à Cait et un hochement de tête, avant d’étudier sérieusement Paladia. « Ces coupures s’infectent. Je vais y mettre des herbes. » Elle posa son sac et s’agenouilla sur un genou.

« Ne me touche pas », gronda doucement Paladia. « Je n’ai pas besoin d’aide. »

Gabrielle l’ignora et sortit la petite fiole de baume qu’elle avait utilisée sur Xena un peu plus tôt et elle plongea les doigts dedans. « Ça ne fera pas mal », rassura-t-elle la femme robuste. « Reste juste tranquille un instant. »

Paladia garda le silence une seconde puis plongea vers l’avant, mit ses bras liés autour du cou de Gabrielle et tira sur ses liens. « Espèce de garce… je vais peut-être mourir mais je t’emmène avec moi. »

Cait se figea, à demi assise, à demi debout.

Gabrielle eut le souffle coupé et elle lutta, cognant la cage thoracique de la grande femme de ses coudes. Elle posa ses deux pieds sur le sol et poussa aussi fort qu’elle le pouvait, déséquilibrant Paladia, ce qui lui fit un peu perdre prise. Elle eut à peine le temps de prendre une bonne bouffée d’air quand le monde entier lui tomba dessus.

Elle entendit le bruit des os qui craquaient alors que Paladia tombait sur elle et les entrainait au sol, le cri de la renégate lui vrillant les oreilles. Un instant plus tard, le poids fut enlevé et elle entendit le bruit de quelque chose de lourd qui heurtait le sol.

Puis il y eut un silence et une main posée doucement sur son épaule. « Gabrielle ? »

Elle toussa puis roula sur le dos et se força à ouvrir les yeux, fixant droit un regard bleu tendu. « Ouaouh… » Elle fit un sourire forcé à sa compagne. « J’ai préféré quand ils me menaçaient d’un couteau. » Elle s’éclaircit la gorge. « Merci… »

Des doigts testèrent délicatement son cou puis firent tourner sa tête d’un côté et de l’autre. Elle resta tranquillement allongée, profitant de l’attention avec reconnaissance. « Je vais bien », finit-elle par dire à sa compagne, qui l’aida néanmoins à se lever avec précaution et parcourut son corps d’un air soucieux.

Xena respira à nouveau alors que son cœur commençait à ralentir lentement, très lentement pour revenir à son rythme normal. Elle se rassura en se disant que les marques rouge vif sur son cou étaient la seule blessure de son âme-sœur bien-aimée, puis elle retourna son attention vers la femme qui souffrait atrocement sur le sol.

Ce qui n’était pas étonnant étant donné que son bras faisait un angle impossible avec son corps et que l’os supérieur était brisé en deux, la partie haute émergeant de la peau dans un contraste affreux de blanc et d’ocre contre le rouge du sang qui coulait autour de la cassure.

Un pied plus haut et le coup sauvage de Xena lui aurait brisé le cou et, brièvement, la guerrière pensa que ça lui aurait évité l’agacement d’avoir à gérer une prisonnière maintenant sérieusement blessée.

Quelquefois, se dit-elle très sombrement, les anciens temps avaient du bon. Bon sang… bon sang bon sang bon sang. Elle jura doucement pour elle-même lançant un regard dégoûté aux nuages. « Très bien… il va me falloir deux bâtonnets droits pour faire une attelle… et on ferait bien de monter un abri… on ne va pas arriver à Amphipolis avant que cette fichue tempête ne démarre.

Elle s’avança de deux pas courts pour venir près de Paladia et se laissa lourdement tomber sur un genou, tirant la femme par son épaule avec rudesse. La femme hurla et Xena frappa férocement de deux doigts, à la jointure du cou et de l’épaule et le cri cessa. « Maintenant, tu la fermes et si tu fais le moindre mouvement pendant que je fais ça, je te casse l’autre. Compris ? »

Le souffle de Paladia arrivait en petits hoquets et elle leva les yeux vers Xena avec une véritable terreur non feinte. Elle détourna les yeux, haletante, alors que la guerrière utilisait la force brute pour tirer et réaligner les os ; elle ne pouvait plus rien ressentir.

Gabrielle grimaça, contente que l’os blanc et bizarre disparaisse sous la chair, et elle se tourna pour lancer un regard désabusé aux Amazones grimaçantes et aux Potadéiens horrifiés. « Ok… Xena a raison… faisons un abri. » Elle fit signe à Johan. « On va avoir besoin de branches élastiques et d’un bouquet de ces hautes herbes pour les lier ensemble… » Elle sursauta un peu quand un éclair craqua à travers le ciel violet sombre, faisant presque briller l’herbe verte de la rivière dans la lumière du soleil que les nuages n’avaient pas totalement bloquée encore. « On ferait mieux de se dépêcher. »


Et bien… Xena écouta la première et sauvage rafalede gouttes contre le toit en chaume tissé au-dessus d’elle avec une inquiétude pensive. Au moins on a quelque chose. Les Amazones avaient trainé Paladia en dessous d’une partie de l’abri, sans se priver de traiter rudement la femme costaude, mais Xena pensait que celle-ci s’en fichait un peu. Elle avait remis en place le bras de la renégate et l’avait équipé d’une attelle, mais elle avait relâché le blocage de ses nerfs et savait que la blessure lui causait beaucoup de douleur.

Une explosion de tonnerre fit se rapprocher Gabrielle inconsciemment et elle lança un regard de coin à sa compagne, notant les touches de pâleur sur son visage et les lignes tendues de sa mâchoire et de sa gorge. « Hé. »

Les yeux vert brume presque couleur noisette dans la lumière basse la regardèrent. « Hé. »

Xena cligna des yeux. « Tu vas bien ? »

Un léger hochement de tête. « Oui… » Mais elle se rapprocha encore plus, pressant son corps contre celui de Xena. « C’est juste que je n’aime pas quand il y a du bruit, je pense. » Elle leva les yeux alors qu’un éclair éclairait le ciel assombri, tremblottant à travers les nuages dans une vague bizarre et mouvante. Le vent fouettait l’herbe, les faisant remuer follement d’une direction à l’autre et le léger hululement faisait se dresser les poils sur la nuque de la barde.

Xena mit le bras autour de sa compagne et la serra. « Pas de glissement de terrain ici, mon amour » murmura-t-elle doucement, laissant son autre main sur le dos d’Arès, qui était pressé contre sa jambe.

Gabrielle prit une inspiration. « Comment sais-tu à quoi je pensais ? » Demanda-t-elle doucement, en mettant ses deux bras autour de sa compagne pour la serrer contre elle.

Un léger sourire plissa le visage de Xena. « Je le savais, c’est tout », répondit-elle en regardant par-dessus la tête de Gabrielle, le groupe installé d’un air critique. Les Amazones étaient en cercle serré, avec Eponine contre une bûche tombée, et Ephiny, avec un léger sourire narquois, qui s’appuyait contre la poitrine de la maîtresse d’armes.

Johan se trouvait de l’autre côté d’Arès, ses grandes mains puissantes légèrement posées sur ses genoux, tandis qu’il mâchait patiemment un brin d’herbe. Les Potadéiens étaient de l’autre côté de Gabrielle et la plupart, en tant que gens de la campagne habitués aux tempêtes, avaient saisi l’occasion de sommeiller.

Le tonnerre roula à nouveau et elle sentit le léger frissonnement traverser le corps de Gabrielle. Elle leva sa main libre du dos d’Arès et entoura la tête de la barde, la serrant un peu plus et ajustant sa poigne puissante autour d’elle par protection.

Gabrielle relâcha un petit soupir et son regard traça le profil fort de Xena, se concentrant sur les cils noirs qui bougeaient alors que l’attention de la guerrière voyageait sur le petit groupe. Les petits muscles près de ses yeux bougeaient aussi ainsi que ses oreilles, juste un peu, tandis qu’elle absorbait l’information de son environnement comme une grande éponge vêtue de cuir. La barde bâilla un peu et tressaillit quand sa gorge lui fit mal à cette occasion.

Comme si elle l’avait senti, la guerrière la regarda à son tour, tournant son attention sur sa compagne avec une absorption totale, qui était rare quand elles n’étaient pas dans la sécurité de leur foyer. Une main bougea et releva son menton, tandis que Xena examinait les éraflures rouge vif sur sa peau. « Saleté… j’aurais dû lui briser plus que son bras », dit-elle dans un souffle.

« Tch », la réprimanda doucement Gabrielle. « Ce ne sont que des éraflures, Xena… calme-toi. »

« Grrr », grogna la guerrière d’une voix basse et profonde, avec une chaude férocité qui surprit la barde.

« Hé… » Elle sourit tranquillement. « Ça c’est ma tigresse, hein ? »

Xena haussa un sourcil en même temps que la moitié de sa bouche. « Désolée », marmonna la guerrière, en lui effleurant la joue du dos de ses doigts. Leurs regards se croisèrent et elles sentirent le tiraillement fort de leur connexion, qui bloqua leur environnement pour un instant.

« Xena… » Gabrielle ne pouvait pas écarter son regard du regard bleu attirant juste au-dessus d’elle. « Je suis prête à parier que tout le monde nous regarde. »

Xena sourit lentement. « Je me fiche qu’ils le fassent autant que du cul d’un cochon volant, Gabrielle. »

La barde sourit doucement. « Le cul d’un cochon volant… comment penses-tu que cela puisse arriver ? Tu penses que le cochon va simplement remuer son cul et que sa queue va le faire tournoyer et le soulever ? »

Elles se regardèrent un long moment et se mirent à rire. Xena laissa son rire trainer avant d’écarter à contrecœur son regard de sa compagne et de tourner un œil noir vers le reste de l’abri.

Des expressions allant de l’admiration à l’envie croisèrent son regard avant que tout le monde bouge pour trouver quelque chose d’autre à regarder. Un éclair apporta une diversion bienvenue et Xena se réinstalla, relâchant un soupir satisfait, la tête posée contre celle de Gabrielle.

L’air craqua autour d’eux et le vent se fortifia, les éclairs étaient pratiquement constants et, tandis que Xena penchait la tête d’un côté et observait le ciel, elle nota une teinte bizarre sur les nuages. Elle sentit Arès gronder contre sa jambe et le loup pencha la tête, ses yeux jaunes contrastant avec son pelage noir. « Doucement, mon gars. »

« Grrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrr. » Arès aplatit ses oreilles contre sa tête. Il se pressa plus contre la guerrière et ouvrit la gueule pour haleter nerveusement.

Xena pensa faire pareil quand les poils de sa nuque se dressèrent et qu’un frisson la traversa. « J’ai un mauvais pressentiment », marmonna-t-elle, sentant Gabrielle sursauter et se raidir à ses paroles.

Le vent se leva et un léger hurlement emplit l’air, un bruit qui fit démarrer des alarmes fortes et urgentes en Xena. Elle passa la tête hors de l’abri, sans se soucier de la pluie battante et regarda autour d’elle, sentant son pouls grimper. Le vent lui fouetta les cheveux douloureusement contre son visage et elle leva la main, repoussant impatiemment les mèches.

Elle regarda devant puis derrière, sur sa droite et elle se leva pour regarder par-dessus leur abri.

Et elle se figea, une douzaine de jurons dans quatre langues différentes luttant pour sortir. Le grondement avait sa source. « Il faut qu’on parte d’ici », cria-t-elle en sortant ainsi que Gabrielle sous la pluie. Elle tournoya et repéra un petit surplomb. « Par ici… vite ! »

Gabrielle lança un regard à ce qui arrivait et bougea, écartant le bord de l’abri pour attraper le bras de Cait. « Viens. »

« Dieux. » Les yeux de Cait faillirent lui sortir de la tête en voyant le cône noir qui tournoyait furieusement et qui s’approchait. « C’est trop vrai. »

Elles bougèrent, Solari pour aller auprès d'Eponine l’aider avec Ephiny et Johan prenant en charge les villageois terrifiés. « C’est quoi ça ? » Cria-t-il à Xena, qui les menait avec un air soucieux et nerveux.

« Une tornade », répondit-elle d’un ton crispé et saccadé. Xena poussa les autres Amazones vers l’avant puis se retourna et regarda Paladia qui était penchée en avant, fixant la tempête en marche avec des yeux écarquillés et dépourvus de compréhension.

Un autre moment de décision et Xena jura pour elle-même férocement puis elle bondit avec quelques longues enjambées et se laissa tomber auprès de la renégate. « Je n’ai pas le temps d’être gentille », dit-elle d’une voix rauque. « Je vais te mettre sur mon épaule et te sortir d’ici, mais qu’Arès me vienne en aide, si tu fais mine de bouger, je jette ta carcasse sans valeur au milieu de ce truc. »

Paladia arracha son regard de la tornade en marche, dont le son rugissant submergeait tout maintenant. Elle réussit à faire un petit signe de tête en réponse.

« Très bien. » Xena frappa de façon experte dans un point de pression, ce qui endormit le bras de la femme puis elle lui attrapa les poignets et la souleva, passant son corps par-dessus ses épaules et l’équilibrant avec une force rude et dure. « Ne bouge pas. »

Le vent soufflait avec une telle puissance à ce moment-là que Xena eut du mal à se frayer un chemin vers le surplomb. Il persistait à la tirer en arrière, interférant avidement avec son avancée.  Tout près du havre de paix, elle sentit des mains attraper la silhouette tremblante de Paladia et elle s’en dessaisit, balançant sur le côté quand le poids fut soulevé de ses épaules. Une rafale de vent la poussa contre un arbre et elle se carra contre lui, enroulant ses mains autour d’une branche basse couverte d’écorce pour se redresser.

Bon sang. Son regard suivit l’énorme cône tournoyant, maintenant si près qu’elle pouvait voir des objets bouger dans le vent. Elle plissa les yeux, incapable de se débarrasser de l’impression qu’elle y avait vu une vache. La tornade arracha de l’herbe sur son chemin et aspira l’eau de la rivière, semblant suivre la ligne de l’eau. « Je pense qu’elle va passer à côté de nous », cria-t-elle, pas sûre que les personnes effrayées et blotties sous le surplomb puissent l’entendre.

Puis elle bougea et la furie sauvage traversa le champ. Xena relâcha son arbre et commença à avancer vers le surplomb, mais une rafale soudaine la poussa en arrière et une énorme branche imbibée d’eau s’emmêla dans ses jambes, l’envoyant sur le côté.

Elle se battit frénétiquement pour reprendre l’équilibre, mais l’aspiration était trop forte. Elle commença à la tirer sur le sol, la faisant passer sur des rochers et à travers l’herbe qui la fouetta tandis qu’elle persévérait, roulée en boule, à chercher quelque chose à attraper.

La tornade rugissante l’engouffra et elle sentit des mains coléreuses qui la tiraient, la faisant rebondir sur le sol. Désespérément elle serra les poings sur la terre, les racines… n’importe quoi… mais ils s’échappaient de ses doigts.

Elle n’entendit pas les pas qui s’approchaient, le rugissement était trop fort… mais à un moment, elle roulait sur l’herbe, le suivant elle était clouée sur place par un poids chaud et solide, dont la poigne la serrait avec une force assurée.

Par réflexe, elle entoura de ses bras ce que son corps reconnut instantanément comme son âme-sœur. « Bon sang… »

« Tais-toi », cria Gabrielle en la serrant plus fort. « Si je ne te l’ai pas dit une fois… je te l’ai dit cent fois… où tu vas, je vais. »

Le vent redoubla et les souleva toutes les deux ; elles se retrouvèrent dans les airs, en mouvement, frappées par des débris causés par le vent. Xena soupira et entoura sa compagne de ses membres, et elle se contenta de lutter pour sa vie.


Le temps cessa de signifier quelque chose, se rendit compte Xena, alors que la seule chose qui avait de l’importance était de tenir une Gabrielle terrifiée, et d’essayer de ralentir le battement de son cœur mentalement. Elle a peur des hauteurs, se souvint-elle nerveusement. « Doucement ! »

La force du vent les poussait d’un côté et de l’autre, les faisant tomber dans des trous d’air nauséeux, pour remonter à nouveau. La guerrière sentit des objets la frapper et elle tressaillit alors qu’elle tourbillonnait dans l’air, essayant de protéger autant sa petite compagne que possible. Le rugissement était incroyable, un gémissement horrible qui bloquait tout le reste en tournoyant autour d’elles.

Xena se força à ouvrir les yeux, regardant bravement vers le bas pour voir des éclairs de vert et de marron sous elles. Un fort impact les poussa de côté et elle sentit la pression de l’air diminuer, les emportant dans une longue et horrible plongée. Elle sentit que Gabrielle serrait les poings et elle déglutit.

La tornade choisit ce moment pour changer de direction, les soufflant vers le haut pendant un moment effrayant, puis, soudain elle partit vers la rivière et elles furent libérées.

Tombant sans filet vers le sol.

Oh bon sang. Xena serra les bras et amena la tête de la barde contre la sienne. « Tiens bon, d’accord ? » Elle manœuvra son corps dans les airs pour qu’il frappe en premier quoi qui leur arrive dessus, puis elle fit un angle vers le bas, repérant un toit de chaume épais en-dessous d’elles.

Et bien. Elle regarda le cercle d’arbres malvenus et décida que c’était l’alternative, puis elle soupira et fit une petite correction dans les airs et les envoya se cogner dans la surface marron et rude. « Prépare-toi… ça va faire mal », avertit-elle Gabrielle et elle sentit la barde qui prenait une grande inspiration.

Elle atterrit sur le dos et roula sans rien pouvoir y faire sur le côté tandis que les poutres en bois refusaient de supporter son poids et éclataient à l’impact.

Ce qui leur sauva probablement la vie tandis qu’elles traversaient le chaume épais, arrachant la surface tissée et les légers poteaux en bois. Une humidité sombre assaillit ses sens juste avant qu’elles ne rebondissent du bord d’un grenier de guingois et ne chutent.

L’impact était un peu moins douloureux que Xena ne s’y était attendue, tandis qu’une cacophonie de sons explosaient autour d’elles, des corps effrayés s’éparpillant hors de leur chemin et leur permettant de tomber sans obstacle.

De la boue.

Une giclée d’une substance marron foncé et gluante les recouvrit, en même temps qu’un couinement impossible qui mit les nerfs de Xena en vrille.

Elle attendit que le monde arrête de tourner et elle leva une paupière pour étudier son environnement.

Une porcherie.

Gabrielle s’était dégagée et était assise près d’elle, regardant autour d’elle d’une manière un peu floue. Elles étaient sur le côté d’une porcherie construite de guingois et avec une odeur diabolique, et de l’autre côté…

Des cochons. Menés par une truie aux yeux rouges et au museau poilu, dont le pelage était fait de taches de brun et de gris, et dont les bajoues frémissaient de rage, faisant couler de la salive de sa bouche.

Gabrielle cligna des yeux. « Gentil cochon. »

« Euh. » Xena sentit sa gorge s’assécher. « Gabrielle… sors de là. »

« Pourquoi ? » Demanda la barde d’un ton raisonnable. « Je viens juste de tomber. » Elle regarda sa compagne. « Et toi ça va ? »

Xena bougea un peu et le porc couina, la regardant d’un œil noir et outragé. « Bien sûr, c’est génial. » Elle secoua un morceau de merde de cochon de sa main et vérifia sa condition, contente de ne rien trouver de cassé. « Reste où tu es », avertit-elle le porc.

La truie grogna et tapa le sol de ses pattes, reniflant d’une manière agitée. Derrière elle, une portée de minuscules porcelets remua. L’un d’eux passa sous le ventre de sa mère et trotta jusqu’à Xena, reniflant sa botte avec intérêt. »

« Va-t-en », gronda Xena en le poussant.

La truie couina et fonça sur elle, ses longues dents jaunes dénudées.

« Par les boules d’Arès… » Cria Xena en plongeant hors du chemin pour atterrir la tête la première dans la boue, puis roulant pour se mettre à genoux, attrapant Gabrielle par la taille et la projetant d’un côté. Le porc trébucha pour s’arrêter et renversa sa course, fonçant sur la guerrière, se jetant sur elle et les envoyant toutes les deux rouler dans un coin de la porcherie.

Xena mit les bras autour du cou épais et poilu et roula pour clouer le porc au sol. « Tu ferais mieux d’arrêter ça », cria-t-elle. « Ou tu as des chances de devenir du bacon, ma brave. »

La truie claqua des dents, serrant un morceau de la jupe en cuir de Xena avec une intention féroce. La guerrière libéra un bras et frappa du coude la tête de l’animal, ce qui arrêta le couinement et la lutte furieuse sous elle.

Elle relâcha une longue inspiration et roula hors du dos de l’animal, s’appuyant contre un poteau affaissé et étendant ses deux jambes dans la boue. Puis elle roula la tête d’un côté et repéra sa compagne, assise sur un seau retourné, un porcelet sur un bras. « Gabrielle ! »

La barde sourit. « Il n’est pas mignon ? » Elle souleva le petit animal qui renifla et remua ses sabots.

Xena la regarda. « Sa mère vient juste d’essayer de me tuer. »

« Tch. » Gabrielle remua un doigt. « Il faut plus qu’un porc pour vaincre la grande Princesse Guerrière. »

Elles se regardèrent puis levèrent les yeux vers le plafond.

« Tu sais, Gabrielle… » Xena croisa les jambes, repoussant de la boue de son genou avant de capturer un énorme taon qui s’apprêtait à faire d’elle son déjeuner. « J’ai été… guerrière… pirate… j’ai combattu les légions de Rome… conquis des villes et des états… parcouru le monde… »

« Oui ? » La barde se pencha en avant, tapotant son petit ami. « Je sais tout ça. »

« Mm. » La guerrière hocha un peu la tête. « Mais je n’ai jamais su combien la vie pouvait être excitante avant de te rencontrer. »

Gabrielle leva les yeux au ciel. « Xena, c’était une tornade… un acte de la nature… ce n’était pas de ma faute », déclara-t-elle avec une véhémence feinte. Puis son expression se radoucit. « Tu vas vraiment bien ? On a heurté ce toit plutôt rudement. » Elle posa le porcelet et se leva pour aller vers sa compagne et s’agenouiller pour l’examiner.

« A part être couverte de merde de cochon et d’avoir un peu mal, je vais bien », l’assura Xena en posant doucement la main sur son genou. « Désolée… je sais que tu as dû avoir peur. »

Gabrielle regarda ses bottes sales et pinça les lèvres. « D’une certaine façon… parce que tu sais combien je hais les hauteurs… mais… » Son regard vert brume se détourna et s’arrêta sur le regard bleu de Xena. « J’étais avec toi… et ça rendait quoi qu’il arrive… ok. »

Xena eut un large sourire à ces mots et elle soupira. « Allons trouver de l’eau, d’accord ? » Elle se remit debout et passa par-dessus la rambarde de la porcherie, puis elle aida Gabrielle à faire de même. Elles se retournèrent en chœur pour regarder la porcherie là où la truie commençait à reprendre ses esprits et à avancer en trébuchant, bougeant sa tête lourde dans un brouillard avant de les repérer.

Elle couina et fonça, se cognant à nouveau la tête sur le poteau de la rambarde, passant au travers de celle-ci pour attraper les genoux de Xena de ses longues dents.

« Bon sang. » Xena recula en secouant la tête. « Quel porc. »

Gabrielle se pencha par-dessus la rambarde, là où était le porcelet qui renifla sa main et elle le tapota. « Celui-ci est gentil. »

La guerrière la regarda. « C’est probablement toi qui est gentille, mon amour. » Elle dit les mots avec une douce certitude. « Il répond simplement. » Elle lança un regard noir à la truie qui mâchouillait le bois, essayant de l’attraper. « Moi, au contraire… »

Gabrielle renifla doucement puis elle souleva le porcelet et le tint contre sa poitrine alors qu’elle traversait l’étable pour l’installer dans les bras de Xena. Le porcelet la renifla, lui chatouillant le nez de ses petites moustaches soyeuses et il grogna très doucement, puis se blottit et ferma les yeux.

« Oh pour… » La guerrière relâcha un grognement agacé. « Gabrielle… enlève-moi ce truc… vu ce que je sens, il va probablement penser que je suis sa mère. »

La truie couina d’une rage absolue et commença à se cogner la tête à nouveau contre les poteaux en bois.

Gabrielle gloussa mais obéit, reposant le porcelet maintenant mécontent dans la porcherie. « Tu restes là, Wilbur. »

Xena se tourna en se brossant et se dirigea vers la porte. « Wilbur ? » Elle se retourna et fixa sa compagne qui l’avait rattrapée alors qu’elles atteignaient la sortie. « Pourquoi Wilbur ? »

La barde haussa les épaules. « Pourquoi pas ? » Elle ouvrit la porte et elles sortirent.

Dans une féroce tempête de pluie qui faillit les repousser dans l’étable.

« Et bien », dit Xena en soupirant et en fermant les yeux tout en se passant les doigts dans ses cheveux noirs. « Je voulais de l’eau. »

Gabrielle gloussa et fit un cercle, les bras tendus et elle laissa les énormes gouttes rincer la boue des porcs de sa peau et de ses vêtements ajourés. « Xena, ça a été… vraiment stupéfiant… pas vrai ? »

La guerrière s’arrêta d’enlever son armure, secouant des morceaux de foin sale et de boue. « Qu’est-ce qui l’était… moi luttant contre un cochon et gagnant ? »

« Tch. » Gabrielle la frappa. « D’être emportées par une tornade, relâchées en plein air et y survivre. » Elle eut un regard intérieur en y réfléchissant. « Wow… ça va faire une histoire fantastique. »

Xena tressaillit. « Oh… c’est sûr… » Elle lutta pour enlever ses bottes et les cogna l’une contre l’autre, laissant la pluie rincer la saleté, puis elle alla vers le lourd abreuvoir en bois posé à l’extérieur de l’étable avant de plonger la tête dedans, se frottant avec des gestes brusques, puis faisant surface pour laisser l’eau de pluie du réservoir couler de son dos.

Gabrielle la rejoignit, puis elle mit ses mains contre le bord en bois de l’abreuvoir. Elle regarda Xena qui essayait avec peu de succès de nettoyer son cuir et elle sourit. « Parfois, le tissu ça a ses avantages. » Elle tira sur le bord de sa jupe raccourcie.

La guerrière cessa ses efforts et regarda Gabrielle d’un air interrogateur. Puis elle sourit. « Oh… oui… je suis d’accord. » Elle eut un regard sensuel pour sa compagne. « Surtout du tissu qui devient… hum… » Ses yeux étincelèrent. « Transparent. »

Gabrielle regarda vers le bas, surprise, puis elle rougit. « Oh par Hadès », marmonna-t-elle en croisant les bras sur sa poitrine tout en regardant autour d’elle pour voir s’il y avait d’autres spectateurs.

« Ne fais pas ça. » Xena laissa tomber ses bottes près de son armure et lui prit doucement les mains pour les embrasser. « Tu n’as rien dont tu doives être honteuse, ma barde. » Elle se rapprocha et relâcha les doigts de sa compagne qui vinrent s’enrouler autour du bras de la guerrière tandis que cette dernière passait les mains dans les cheveux blonds-roux et mouillés.

Le bruit de la pluie frappant le sol diminua tandis qu’elles se regardaient, des souvenirs chaleureux revenant à la surface. « Hé… est-ce que je peux avoir un salut ? » La taquina Xena avec affection.

« Mmm… » Répondit la barde en s’avançant pour entrer en contact avec sa compagne. « Tu as un salut… » Elle déposa un baiser sur la peau juste au-dessus du bord de la combinaison de Xena. « Tu as un merci aux dieux pour ta présence… » Elle se rehaussa, suçotant doucement le pouls qui battait sous ses lèvres. « Tu as un… je n’ai jamais été aussi… aussi… contente de voir quelqu’un dans ma vie… » Ses mains bougèrent avec une insistance subtile contre le corps de Xena. « Et tu as un je t’aime. » Elle mordilla le menton de sa compagne. « Est-ce que j’ai oublié quelque chose ? »

Xena baissa la tête et trouva les lèvres de la barde, refermant les bras autour du corps mouillé collé chaleureusement à elle sur toute sa longueur. C’est insensé, lui objecta son esprit, tandis que les mains de Gabrielle se glissaient sous le cuir délacé. Hé… comment est-ce que c’est arrivé ? Le toucher monta d’une manière séduisante le long de sa cage thoracique, traçant les contours de son corps, puis montèrent sur les courbes de ses seins. C’est ça… je suis bonne à enfermer. On vient juste d’échapper à une tornade, à une attaque de cochons furieux et nous sommes au milieu d’une tempête violente.

« Mm… » Gabrielle se rapprocha, mordillant avec abandon tandis que les mains de la guerrière voyageaient sur elle, ouvrant sa chemise en lin et envoyant des éclairs le long de sa peau. « C’est fou, non ? »

« Oui oui », approuva volontiers Xena, puis elle soupira et se recula avant de poser son front sur celui de sa compagne.

Gabrielle la regarda, une note de douleur dans les yeux. « Tu ne… » Elle laissa tomber la pensée en même temps que son regard.

Xena lui toucha le menton et lui leva le visage. « Oh… si… absolument, ma barde. » Xena lui lança un regard ironique et frustré. « Mais il y a une douzaine de personnes là-dehors qui pensent probablement que toi et moi avons été écrasées contre les rochers… il faut qu’on les trouve. » Elle mit les bras autour de la jeune femme. « Nous devons être responsables, Gabrielle. »

La barde se nicha contre elle, jouant avec ses lacets. « Etre responsable ça craint des fois, Xena », grommela-t-elle.

« Je sais », approuva sa compagne avec un soupir agacé. « Allons… rentrons à la maison par Hadès… je veux un long bain, un lit chaud et douillet et toi. » Elle s’interrompit. « Pas nécessairement dans cet ordre. »

La barde renifla délicatement sa combinaison en cuir. « Oui, dans cet ordre », plaisanta-t-elle en poussant doucement sa compagne. « Ça t’ennuie si je porte ton armure ? Je me sens un peu… » Elle regarda vers le bas. « Visible. »

Elles rirent et prirent leurs affaires et s’éloignèrent de l’étable après que Xena eut attaché deux pièces au verrou pour compenser les dommages. « Ce n’est pas vraiment de ma faute, mais… » Elle haussa les épaules. « Ce n’est pas juste que ce pauvre fermier paye pour ça. »

Gabrielle finit d’attacher ses cheveux mouillés en arrière. « C’est vrai », approuva-t-elle tandis qu’elle rejoignait sa compagne, laissant la grande femme couper le rideau de pluie alors qu’elle marchait sur le sol boueux en direction de la rivière.


« Baisse-toi! » Hurla Eponine à pleins poumons, ce qui fut à peine entendu par-dessus le hululement surnaturel. Elle attrapa Cait par sa combinaison en cuir et tira tandis que la jeune fille essayait frénétiquement de filer pour suivre Xena et Gabrielle. « Bon sang, Cait… arrête ça ! »

« Laisse-moi partir ! » Insista Cait en se tordant pour lutter. « Tu as vu ça ? Ça les a emportées ! Il faut qu’on les suive ! »

Solari détourna le dos de la paroi du fond où elle protégeait Ephiny et Paladia, ainsi que les villageois rassemblés autour d’elle. « Ne sois pas idiote, Cait… on va y aller… après que les choses évoluent un peu… quel intérêt ça aurait qu’on soit prises là-dedans aussi ? »

Johan était pratiquement assis sur un Arès qui grondait hideusement, désespéré de se libérer et de suivre ses maîtresses adorées, et il leva les yeux. « Baisse-toi, bon sang. » Il raffermit sa prise sur le loup. « La dernière chose dont elles ont besoin c’est de s’inquiéter pour toi, alors reste tranquille. » Ses paroles n’étaient pas que pour le loup et Cait renonça aussi.

Un lourd craquement alors qu’un arbre cognait le surplomb sous lequel ils étaient blottis, envoyant des copeaux d’écorce à l’odeur acide dans leur cachette. Le surplomb s’étendait en fait au-dessus d’une petite dépression, faisant presqu’une toute petite grotte et bien que le vent souffle en rafales à l’entrée et envoie des gravillons, de la terre et des feuilles abîmées à l’intérieur, ils étaient relativement en sécurité.

Aussi soudainement qu’il était apparu, le hululement disparut et le vent tomba, le seul son maintenant étant celui de la pluie contre les rochers, et la complainte distante du grondement du tonnerre.

« C’est parti », dit Eponine tranquillement en relâchant sa prise sur Cait qui bondit dehors dans la tempête.

La jeune fille revint dans l’instant, s’accroupissant pour poser une main fine sur le granit. « Et elles aussi. »

Ils se regardèrent tous en silence pendant un long moment. « Dieux », dit Solari en soupirant, la tête posée sur ses mains. « Ça ne peut pas arriver. »

Eponine se laissa tomber contre la paroi, ses mains tombant dans une incrédulité frustrée, tandis que Johan relâchait Arès. Le loup rampa en haut du petit rebord qui menait à leur cachette et il trottina pour sortir. Ils perdirent de vue son pelage noir pendant un court moment puis, soudain, un hurlement lugubre brisa le bruit de la pluie, les faisant frissonner.

Johan regarda le sol puis ses mains, les serrant.

Un silence austère s’étendit. « Bon sang », dit Terrea doucement.

« Vous savez quel est votre problème ? » La voix d’Ephiny flotta dans l’atmosphère oppressée.

Ils la regardèrent tous. « Vous n’avez aucune foi », accusa la régente. « Je croirai qu’il leur est arrivé quelque chose quand vous me montrerez les corps. »

C’était une évidence brusque et acérée de l’esprit épuisé d’Ephiny. Mais l’atmosphère fut allégée tandis qu’Eponine venait s’accroupir près d’elle, serrant leurs mains. « Elle a raison », affirma tranquillement la maîtresse d’armes. « Nous allons attendre que le temps se calme un peu et aller les chercher. »

Paladia bougea dans son coin. « Qu’est-ce qui vous fait croire qu’il y aura quelque chose à trouver ? » Demanda-t-elle d’un ton malveillant.

Eponine la regarda droit dans les yeux. « Si Xena ne s’était pas arrêtée pour prendre ta carcasse sans valeur, nous ne nous poserions pas la question maintenant, pas vrai ? » Elle grogna doucement. « Alors garde ta bouche dégoûtante fermée. »

Paladia la fixa puis les regards tendus et en colère qu’elle recevait des autres et elle secoua la tête. « Vous êtes tous cinglés. »

Cait entra d’un pas lourd dans leur cachette, tirant Arès derrière elle et elle souffla pour repousser ses cheveux blonds mouillés de ses yeux. « C’est pourri », cracha-t-elle exaspérée et en colère. « Il faut juste que cette pluie s’arrête. » Elle lança un regard noir au mauvais temps puis elle s’installa, tirant le loup près d’elle. Il se laissa tomber sur ses fesses et mit la tête sur ses pattes avec les oreilles pathétiquement baissées. « On va les trouver, Arès… » Cait tapota la tête noire d’un air réconfortant. « Ne t’inquiète pas. »

« Roo. » Le loup soupira en clignant des yeux.

La pluie ne ralentit qu’un bon moment après et ils émergèrent, jetant des coups d’œil à la destruction engendrée par la tempête. Des arbres avaient été déracinés et balancés dans la nature, quelques-uns plongés dans la rivière avec leurs racines apparentes. Le sol était jonché de morceaux de feuilles et de branches, et le vent avait emporté des buissons arrachés au sol et ballottés sur l’herbe.

« Bon sang. » Eponine relâcha une longue inspiration. « Quel bazar. » Elle regarda vers les nuages qui s’écartaient et elle secoua la tête.

Arès trotta pour sortir et alla à l’endroit où on avait vu Xena et Gabrielle pour la dernière fois, et il s’assit, reniflant avec un air dégoûté. « Agrrrrrhhoo. » Il pencha la tête et hurla, puis il se retourna et les regarda.

« Chhh… » Ephiny tendit la main vers lui depuis sa civière. « Ça va aller, Arès… » Le loup s’approcha et lui poussa le bras avant de le lécher. « Tu connais tes mamans mieux que ça… allez. »

Le soleil fit une apparition blafarde, bas à l’ouest, et ils se tournèrent vers lui avec reconnaissance. « R’gardez comme il est rouge », dit Terrea d’un ton songeur en clignant des yeux. « Wow. »

Le ciel était d’un pourpre clair à l’horizon avec des traces de bleu léger parsemées et au centre, le soleil brillait telle une balle rouge, envoyant un voile de cramoisi sur le paysage. Un léger vent remontait, apportant la senteur de la végétation abîmée vers eux, et l’odeur fraiche et propre des rochers lavés par la pluie.

Solari soupira, se passant les doigts dans ses cheveux couleur bronze mouillés, puis elle se retourna. « Et bien, on dev… » Elle s’arrêta et regarda la pente longue et herbeuse qui menait vers l’est. « Oh… par l’amour d’Artémis. »

Ils se retournèrent en chœur, surpris et repérèrent ce qu’elle avait vu.

Solari fixa l’image dans son esprit et elle devint son souvenir préféré de ces deux-là. En bas de la cote, marchant difficilement à travers les herbes longues et vertes, dans la lumière rouge chaleureuse du soleil, arrivaient Xena et Gabrielle, comme si elle faisait une balade tranquille après le dîner à la maison.

La guerrière avait dégainé son épée et taillait joyeusement dans les herbes et Gabrielle racontait quelque chose, ses mains bougeant dans un discours empathique. La lumière se reflétait sur les gouttes de pluie qui mouillaient encore leur peau et le vent repoussait les cheveux noirs et clairs.

Xena souriait, de ce demi-sourire en coin qui la caractérisait, et le visage de Gabrielle était rougi par l’histoire qu’elle racontait, ses yeux cloués sur sa grande compagne tandis qu’elles marchaient.

Leurs différences n’avaient jamais été aussi apparentes dans l’obscurité et la lumière ; l’armure et les armes de Xena et la voix et les gestes doux de Gabrielle, sa haute taille imposante contre l’énergie compacte de la barde. Comme le jour et la nuit.

Ça n’avait jamais été aussi clair pour Solari. Des opposées, reliées par quelque chose qui les attirait l’une vers l’autre tellement puissamment, qu’elle pouvait presque le voir là, dans la lumière mourante d’une longue journée.

Elles marchaient dans la lumière, se rendit compte l’Amazone et un étrange frisson la saisit. Ensemble.

Elles étaient des légendes, elle sentit cette connaissance s’installer au plus profond d’elle-même. Charismatiques, affranchies des règles, se dirigeant avec confiance vers un avenir inconnu. « Wow. » Solari se retourna et se frappa la tête de la main. « Il faut que j’arrête de boire de cette bière à la cerise que fait Lida… ça me fait trop réfléchir. »

Eponine lança un cri et remua la main. « Sacrées idiotes… regardez-les qui arrivent tranquillement… est-ce qu’elles ne savaient pas qu’on était hors de… » Elle haussa la voix. « C’est gentil à vous de prendre votre temps ! »

Xena leva les deux mains. « Désolée. » Elle tapota son épée contre sa botte et la rengaina, se frottant les mains sur sa combinaison en cuir toujours mouillée. « On a été emportées. » Elle s’agenouilla pour saluer un Arès extatique, qui bondit contre elle et la fit tomber avant de la chevaucher gaiement et de lui lécher le visage. « Oh… Arès… arrête ça… » Xena repoussa le loup et cracha des poils. « Peuh. »

Il y eut un grognement. « Dieux… » Marmonna ironiquement Eponine. « Quelqu’un vérifie si j’ai de la fièvre. Elle fait des bons mots. »

Gabrielle les dépassa et prit son sac, jeté rapidement dans l’abri, contente que le soleil et le vent nouveau ait pratiquement séché ses vêtements. Elle passa le sac sur son épaule et prit son bâton emprunté, puis elle grimpa pour aller vers Ephiny. « Et bien… allons-y… ce n’est pas si loin et je vais te dire… je suis affamée. »

Ephiny la regarda. « Oh… ça change. » Elle gloussa faiblement et tendit la main pour tapoter le genou de la barde. « Contente que vous alliez bien toutes les deux. » Elle s’interrompit et cligna des yeux. « Comment avez-vous fait, à propos ? »

Gabrielle attendit que les autres Amazones soulèvent la civière et qu’elles avancent avant de répondre. « Oh… et bien… on a été soulevées en quelque sorte et ça allait un peu dans tous les sens… puis on est retombées. On a attendu que la pluie se calme un peu et on est revenues. » Elle examina le bois de son bâton avec attention. « Rien de spécial. »

Ephiny la regarda. « Oui oui. »

« Non, vraiment », protesta Gabrielle. « Xena a atterri dans de la boue… c’était assez doux. »

« Et toi ? » Répliqua la régente.

« Oh. » La barde rit doucement. « J’ai atterri sur Xena. » Elle sourit et haussa les épaules. « Pas de problème. »

Tandis que les derniers rayons rouges les coloraient et que l’air tournait de doré à bleu taché de pourpre, ils traversèrent la rivière et montèrent la côte vers la route qui allait rapidement les amener à Amphipolis. Tandis qu’ils se rapprochaient, Xena commença à chercher avec anxiété des signes de dommages, espérant que la tempête les avait atteintes sans toucher son village natal.

Un dernier tournant et ils furent dans l’enceinte du village, et des sifflets bruyants de bienvenue firent soudain écho à travers les champs mouvants de blé épais et doré presque couleur chocolat dans le crépuscule. Une sentinelle bondit du ponceau d’un côté de la route et trotta vers eux pour s’avancer tout droit vers Xena.

« Eren. » La guerrière salua la sentinelle, un garçon trapu avec des cheveux noirs et une expression claire et ouverte. « Tout le monde va bien ? »

Il hocha la tête. « Bien…bien… » Il regarda autour de lui. « Ah… tout le monde est là, je vois… » Son regard alla vers Johan et Gabrielle et il sourit. « Y a eu de l’excitation par ici… Cyrène sera contente de votre retour. »

« Vous avez vu la tempête ? » Demanda Gabrielle en venant près de sa compagne, une main posée sur son dos. « Il y a eu des dégâts ? »

« Oui », répondit le garçon. « La tempête est passée aussi par ici… elle a arraché deux trois trucs, et… mm… elle nous a apporté des cadeaux inattendus. » Il hocha la tête vers la ville. « Allez-y… vous verrez par vous-mêmes. » Son regard sans un mot alla vers une Paladia silencieuse et sévère et l’Amazone blessée. « Je vais passer le mot. » Il échangea un hochement de tête connaisseur avec Xena. « Ta mère est dans la cour… elle essaie de trouver comment faire descendre la vache de son toit. »

Xena haussa brusquement les sourcils. « La vache ? »

Gabrielle réfréna un rire. « Le toit ? » Elle chatouilla gentiment sa compagne dans les côtes. « C’est sûr qu’elle sait comment se mettre dans les ennuis. »


Cyrène se tenait là, les chevilles profondément dans la boue hors de l’auberge à regarder vers le haut. Plusieurs jurons lui vinrent aux lèvres et elle se demanda ce que serait la réaction des villageoises qui bavardaient, si elle les prononçait.

Il faisait presque noir et elle n’avait aucune idée de comment elle allait faire partir la vache agaçante – que les dieux soient pulvérisés – du toit de l’auberge. L’animal piétinait nerveusement, meuglant, les yeux roulant dans sa tête de confusion et de peur. Deux hommes avaient essayé de monter sur le bâtiment pour tenter de la calmer mais l’animal se contentait de bouger avec agitation, ses sabots pris dans le foin épais.

Granella et Toris étaient chez Josclyn, essayant de retirer la chèvre de sa cheminée et elle se retrouva à souhaiter avec ferveur que le reste de sa famille soit de retour et en bonne santé.

Elle sentit des mains sur ses épaules et elle sursauta puis se retourna pour voir le visage de Johan dans la pénombre. « Allez… Johan. » Elle toussa et l’attrapa avant de l’étreindre. Par-dessus son épaule, elle repéra la haute silhouette immanquable qui devait être Xena et près d’elle… ah. Cyrène sourit de soulagement. Les cheveux distinctement clairs de Gabrielle. « Merci aux dieux. » Son regard dépassa Xena vers le groupe blotti derrière elle. « Qu… »

Xena s’avança, regardant toujours la vache. « On a des invités », répondit-elle laconiquement. « On a besoin de la prison de Josclyn. » Elle croisait maintenant le regard de sa mère. « Et à nouveau de ta chambre à l’arrière. »

Cyrène tressaillit et se dégagea des bras de Johan, en voyant la civière. « Oh… » Elle reconnut la forme claire dessus. « Ma chérie… » Elle relâcha un souffle et mit les mains sur ses hanches. Elle avait été en colère… non, elle avait été furieuse contre Ephiny quand l’Amazone était venue en visite et avait ‘prévenu’ Granella contre sa fille. Furieuse ? Oh… Par Artémis… c’était peu dire, pas après ce que Xena avait fait pour cette femme dans l’hiver… pas après que Xena eut risqué sa vie pour sortir l’Amazone de l’eau gelée…

Ce que sa fille avait fait… l’avait troublée. Mais elle l’avait vu différemment d’Ephiny… Xena qui était finalement allée chercher Gabrielle et l’avait emportée… violente, oui. Effrayante, bien sûr. Mais c’était… Cyrène soupira. Elle comprenait que ces deux-là devaient être ensemble. Et elle avait foi en sa fille, à la fin, pour protéger Gabrielle de tout mal. Même d’elle-même.

Et c’est ce qu’elle avait fait. Mais Gabrielle s’était laissé convaincre de raconter leurs retrouvailles chez les Amazones, et ça…

Oh, Cyrène avait été livide. Livide. Elle avait ressenti l’envie d’aller trouver des Amazones elle-même et de simplement… les cogner. Mais, à voir le visage abîmé d’Ephiny et l’inquiétude visibles des autres Amazones, et celle de ses filles…

Oh bon. Elle soupira en repoussant son ressentiment tout au fond d’elle. Il sera bien assez temps pour ça plus tard, je suppose. « Très bien… emmenez-la à l’intérieur… » Elle regarda vers Josclyn qui venait d’apparaître dans la pénombre. « Josc… on a besoin d’une cellule. »

Le maire leva les mains et regarda derrière lui vers Toris et Granella qui arrivaient en courant. « Bien… » Il fit signe. « Suivez-moi. » Deux Amazones qui poussaient Paladia devant elles obéirent tandis qu’une cacophonie de salutations démarrait.

« Sœurette… » Toris atteignit Xena et lui tapota l’épaule. « Tu les as eus, alors ? »

« Oui », répondit la guerrière. « Les enlèvements arrêtés, les victimes sauvées, fin de l’histoire. » Elle étudia la zone. « On dirait que vous avez eu du remue-ménage par ici. »

« Par les dieux oui… » Son frère repoussa ses cheveux noirs de ses yeux. « C’était horrible… ce maudit truc était aussi grand qu’une montagne… et la chose la plus bruyante que j’ai jamais entendue. C’est bien qu’elle vous ait ratés. »

Xena et Gabrielle échangèrent un long regard communicatif et compréhensif. « Et bien… on l’a vue », expliqua la barde en mettant les mains dans son dos. « On pensait qu’on serait mieux ici, au cas où. »

« C’est bien », dit Toris en soupirant et en regardant sa promise, agenouillée près d’Ephiny. « Content que vous soyez rentrés sains et saufs. »

Cyrène regarda le groupe épuisé puis tourna un regard évaluateur vers sa fille. « Alors… tu as résolu le problème ? » Demanda-t-elle.

« Ouaip », répondit Xena en croisant les bras.

« Capturé les méchants, sauvé les gentils, tout mis en ordre ? » Persista sa mère.

« Ouaip », répondit à nouveau la guerrière.

« Bien. » Cyrène hocha brusquement la tête. « Arrange-moi cette vache. » Elle montra le toit d’un coup de menton puis prit le bras de Gabrielle. « Viens, ma chérie, j’ai une cocotte de quelque chose dont vous pourriez tous avoir besoin. » Elle fit signe aux Amazones et aux Potadéiens de la précéder. « Tout le monde dedans. »

Gabrielle dégagea son bras et s’arrêta. « Je vais rester pour aider Xena », dit-elle à l’aubergiste, un peu irritée du brusque traitement infligé à son âme-sœur.

Cyrène la tira. « Viens… elle peut gérer une petite vache… tu dois avoir faim. »

Le regard de la barde croisa le sien et brilla. « Elle aussi. » Elle sentit une main se poser tranquillement sur son épaule et elle tourna le regard vers le visage de sa compagne.

« C’est bon », lui dit Xena en sentant la tension. « Vas-y… je vais m’occuper de ça et j’arrive. »

« Non », répliqua la barde d’un ton neutre. « Viens… allons voir ça. »

Cyrène pinça les lèvres, reconnaissant trop tard la fibre férocement protective présente chez la barde fougueuse. « Très bien… très bien… je suis désolée… » Elle leva une main. « J’ai été mordante… mais s’il te plait, Xena… je sais que tu peux trouver un moyen de faire descendre ce maudit animal… je suis à court d’idées. »

La guerrière lui fit un signe de la tête. « Oui… je peux gérer ça… » Elle embrassa la barde sur la tête. « Vas-y… s’il te plait ? Repose-toi… mange un peu… je vais aller vite. »

Gabrielle hésita puis elle serra la mâchoire. « Non », dit-elle avec une note de finalité. « Je veux t’aider. »

Xena haussa les épaules pour sa mère. « On se voit à l’intérieur, maman. » Elle recula de quelques pas et regarda la vache malheureuse.

Cyrène les étudia toutes les deux dans la lumière vacillante de la torche, sa fille avec les mains sur les hanches et Gabrielle les bras croisés, la tête penchée d’un côté, en attente. Elle s’avança vers la barde et s’appuya contre elle. « Pardon. »

Les yeux vert brume devenus noisette dans la lumière de la torche clignèrent. « On a passé quelques jours difficiles, maman. » Elle jeta un coup d’œil à l’auberge. « Ephiny a traversé beaucoup d’épreuves… nous tous. » Son regard suivit sa compagne qui faisait le tour de l’auberge en réfléchissant studieusement. « J’espère que ça ne va pas prendre longtemps. »

L’aubergiste se sentait maintenant horriblement coupable. « Dieux… tu as raison. » Elle commença à se diriger vers sa fille mais la barde la retint. « Qu… Gabrielle, décide-toi, ma chérie. »

La barde soupira. « Elle a commencé… je vois les roues qui tournent dans sa tête… laisse-la finir. » Elle trotta vers sa compagne, la rattrapant alors qu’elle étudiait une pile de planches, accidentellement laissées dans la cour de l’auberge par la tornade. « J’ai une idée. »

Xena la regarda. « Va à l’intérieur… » Elle ébouriffa les cheveux de la barde. « Je peux m’occuper de ça. »

Gabrielle l’entoura immédiatement de ses bras chauds. « Je sais que tu peux… mais je cherchais juste une excuse pour t’avoir à moi toute seule. » Elle mit le nez dans la peau douce au-dessus du cuir de Xena. « Ça te pose un problème ? »

Xena sentit un sourire idiot plisser son visage. Peut-être que c’était parce qu’elle était fichument fatiguée. « Hum… non… non… pas du tout. » Elle resta silencieuse un moment, inspirant la proximité de sa compagne. « Merci… » Murmura-t-elle dans l’oreille toute proche. « C’est bon d’entendre ça. »

Gabrielle sourit et lui mordilla doucement la peau. « Allez, tigresse… finissons-en et on file. » Elle posa le menton sur la clavicule de Xena et regarda autour d’elle. « C’est quoi le plan ? »

Elles mirent deux planches sur le bord bas du toit et Xena les remonta nonchalamment, finissant sur le chaume de l’auberge avec la vache nerveuse. « Gabrielle… j’espère que tu as raison quand tu dis que les animaux m’aiment bien… ou je vais finir par une rencontre de près avec le cul de cette vache. »

« Attends… » Gabrielle sauta sur les planches et balança avec prudence puis elle rejoignit son âme-sœur. « Ok… alors… maintenant elle a deux cibles. » Elles restèrent tranquillement là à regarder la vache. Celle-ci les regarda à son tour, puis elle baissa la tête et mâchouilla un peu du chaume.

Xena la regarda. « Je me demande si je peux lui mettre un bandeau ? » Elle se retourna. « Peut-être que je pourrai la faire descendre comme ça. »

Gabrielle réfléchit puis elle arracha avec soin la plus grande partie du bas du reste du tissu de sa chemise et la lui tendit. « Essaie. »

La guerrière sourit et chatouilla la cage thoracique maintenant très nue. « Mmm… ça te t’ennuie pas si je le fais. » Elle regarda la barde lever les yeux au ciel. « Oh… d’accord… la vache. » Avec précautions elle s’approcha de l’animal fatigué, qui leva sa… Elle se baissa et regarda. Sa tête, et observa avec méfiance la guerrière qui s’approchait. « Doucement », marmonna Xena en posant ses pieds avec soin sur les poutres qui supportait le toit sous le chaume.

La vache mâchouilla sa nourriture, crachant par le nez des morceaux de chaume tandis qu’elle s’approchait. « T’est une brave fille… doucement maintenant. » Xena rassura l’animal tendant une main hésitante pour gratter le museau de la vache.

« Meuh. » L’animal s’abaissa, avançant d’un pas pour la cogner dans le ventre.

« Arrête ça », marmonna Xena en reprenant son équilibre.

« Meuuuh. » L’animal s’avança à nouveau, la cognant plus fort et léchant les lacets de son armure de cuir.

« Hé… » Xena attrapa la tête de la vache pour se rétablir. « Maintenant ça va… ce cuir n’appartenait pas à quelqu’un que tu connaissais, pas vrai ? »

« Meuuh. » La vache la regarda avec une désapprobation évidente.

« Qu’est-ce que j’ai avec les animaux aujourd’hui ? » Xena soupira. « Gabrielle… viens ici… peut-être qu’elle t’aimera mieux. » Elle attendit que sa compagne la rejoigne. « Tu ne sens pas comme un de ses oncles perdu de vue. »

« Tch. » Gabrielle claqua de la bouche doucement, chantonnant pour la vache. « Hé… gentille vache… »

L’animal ouvrit grand sa gueule et passa sa grande langue, braillant d’outrage.

« Peut-être pas. » Xena se mordit la lèvre mais réussit à mettre le bandeau sur les yeux de la vache. « Maintenant… viens… » Elle attrapa le cou de la vache et la tira vers l’avant. « Ne me fais pas te bousculer. »

« Meuuuh ! » La vache protesta mais elle avança, plaçant ses sabots de manière incertaine.

Elles emmenèrent la vache près des planches et à moitié du chemin, un visiteur inattendu mit un grain de sable dans les rouages.

« Roo ! » Arès bondit sur les planches, son poids faisant plier le bois déjà trop sollicité à son point de rupture.

Il se brisa, envoyant vache, guerrière, barde et loup dans le tas de fumier de l’auberge.

« Meuuh ! »

« Roo ! »

« Merde. »

« C’est en-dessous de la vérité », dit Xena en soupirant, lançant à sa compagne un regard pathétique et douloureux. « La Rousse, tu m’emmènes à la maison, ok ? » Elle enleva un morceau de débris non identifiable de son épaule. « Je ne veux plus être une héroïne aujourd’hui. »

Gabrielle fondit dans une crise de rires fatigués. C’était juste trop.

Elles emmenèrent la vache inquiète et agacée à l’étable et firent un salut à Argo et à ses poulains ; la jument les renifla et détourna le museau. « Oh… génial. » Xena lui lança un regard sarcastique. « C’est ton crottin, madame. »

Argo renifla et retourna à son panier de foin.

Leur cabane ne leur avait jamais paru aussi bonne, se dit Xena en montant péniblement les marches pour ouvrir la porte.

« Ah ah ah. » Gabrielle la fit s’arrêter. « Laisse l’armure et les bottes dehors. »

« Mpf. » Xena s’assit sur le banc du porche et fit comme demandé, retirant l’armure avec un mépris rampant et la jetant en tas, suivie par ses bottes. Elle se mit debout pieds nus et entra dans la cabane, où elle pouvait entendre les bruits d’éclaboussures à l’arrière de l’alcôve qu’elle avait construite pour y mettre une petite baignoire qui leur épargnait d’aller dans la maison de bain commune au milieu des regards curieux. Elle s’arrêta un instant pour allumer les chandelles, envoyant une senteur de cire d’abeille chaude, aux nuances herbeuses, à travers la pièce puis elle alla à pas lents vers l’alcôve.

Gabrielle y avait allumé les chandelles et elles faisaient ressortir sa silhouette fine dans de mystérieuses ombres et reflets, saisissant des lueurs dorés de ses cheveux clairs. « Retire le cuir », dit-elle, continuant à verser des seaux d’eau dans la baignoire.

« Tiens… laisse-moi faire… » Xena s’avança pour l’aider mais la barde lui frappa les mains. « Wow… hé… tout doux. »

Gabrielle se tourna vers elle et mit les mains sur les hanches. « TOI, tout doux, Xena. » Elle lança un regard sévère à sa compagne. « Ne discute pas avec moi. Enlève ce cuir et entre dans la baignoire, maintenant ! »

Xena écarquilla des yeux bleus tout ronds. « J’ai fait quelque chose de mal ? »

Le regard de la barde s’adoucit et elle se rapprocha, levant les mains vers les lacets de la combinaison de sa compagne. « Non… » Elle effleura la joue de Xena du bout de ses doigts. « Tu as tout fait bien… je veux juste que tu soies propre et confortable. »

« Oh. » Xena sourit et relâcha un soupir de soulagement, tandis qu’elle enlevait le vêtement mouillé et tâché et regardait la barde l’emporter dehors. Elle alla vers la baignoire et y entra, pour descendre dans l’eau avec un grognement.

Gabrielle revint dans la pièce et se tint au bord de la baignoire, retirant les restes de ses vêtements maintenant vraiment abîmés et tristement honteux, s’arrêtant avant de prendre l’énergie pour entrer dans l’eau.

« Mm. » Xena eut un sourire narquois en regardant sa compagne se déshabiller. « Je me sens déjà mieux. »

Gabrielle sourit et la rejoignit dans l’eau, prenant un morceau de savon aux herbes et commençant à frotter la peau de sa compagne. « Dieux, Xena. » Elle tressaillit, passant doucement sur la blessure en cours de guérison sur la poitrine de la guerrière et essayant d’être prudente pour éviter d’appuyer sur les bleus qui couvraient une bonne partie de son torse.

« Hmm… » Xena eut un regard évaluateur pour elle-même. « On dirait que j’ai cogné une falaise de tout mon long », dit-elle d’un ton ironique. « Va savoir. »

Sa compagne soupira. « Mets-toi sur le côté, s’il te plait. » Elle attendit que Xena obéisse à contrecœur, puis elle passa ses mains savonneuses sur la peau bronzée. « Xena. » Elle prit une inspiration brusque en voyant les longues éraflures malsaines où coulait du sang et les horribles bleus sombres. « Par les dieux. » Elle vit Xena poser la tête sur le bord de la baignoire et elle mit une main de réconfort sur son épaule. « C’est à cause de la chute ? »

Elle reçut un hochement de tête en réponse. « Ça… hum… » Xena s’éclaircit un peu la gorge. « Ça fait mal », admit-elle tranquillement.

« Et tu ne voulais pas que les Amazones, ou ta mère voient ça, pas vrai ? » Gabrielle la réprimanda doucement. « Qu’est-ce que je vais faire de toi ? » Elle finit de nettoyer et Xena revint face à elle, baissant la tête dans l’eau et faisant surface avec une éclaboussure.

« J’ai déjà répondu à ça », insista la guerrière en prenant le savon des mains de Gabrielle. « C’est ton tour. » Elle fit un signe circulaire de la main. « Retourne-toi… ça fait mal mais je vais survivre… tu sais que j’ai connu pire. »

Gabrielle soupira mais se retourna, fermant les yeux lorsque le toucher familier glissa sur sa peau. « Je sais. » Elle sentit les mains expertes de Xena œuvrer sur les nœuds de ses épaules et elle s’abandonna au réconfort. « Mais je déteste te voir souffrir. »

« Pareil », ronronna la guerrière dans son oreille, en mordillant le bord. Elle glissa ses bras autour de Gabrielle et la tira en arrière, jusqu’à ce qu’elles soient posées l’une contre l’autre, puis elle continua à savonner, glissant sur le ventre de la barde et autour de ses seins.

Elle sentit la respiration de Gabrielle devenir plus profonde mais la barde se retourna à demi vers elle. « Tu n’as pas l’énergie pour ça. »

Xena sourit, d’un sourire profond et félin. « Gabrielle… c’est comme toi qui a toujours de la place pour le dessert. » Elle frotta l’abdomen de la barde dans un cercle puis le tapota. « J’ai toujours l’énergie pour ça. »

« Oh. » Gabrielle se retourna complètement et mit une main derrière la nuque de sa compagne, la goûtant de ses lèvres avec précautions. « Alors. » Elle souffla d’un ton satisfait, laissant les réactions de son corps faire à leur guise. « Je présume que le dîner va devoir attendre. »

« Nan », grogna Xena tout en se relevant, laissant couler l’eau avec abandon. Elle souleva la barde de la baignoire et les enveloppa de coton, savourant la sensation d’être enfin propre. Elle commença à faire son chemin sur la gorge de Gabrielle tout en la portant dans la pièce principale de leur cabane, inspirant l’odeur amicale des chandelles et du coton séché au soleil de leur lit, et la peau de son âme-sœur.

Puis l’odeur d’un ragoût riche à la viande attira aussi son attention et elle regarda par-dessus l’épaule de son âme-sœur, repérant un plateau avec une marmite couverte sur la petite table, ainsi qu’un pichet et une note. Arès était aussi blotti sur le tapis devant l’âtre, sa queue battant doucement sur la surface lorsqu’il les vit. « Nous avons eu un visiteur », marmonna-t-elle dans l’oreille de Gabrielle.

La barde regarda et se mit à rire. « C’est vrai. » Elle tendit la main par-dessus l’épaule de Xena et prit la note sur la table, l’ouvrant de ses doigts mouillés. « Maman. »

« Quelle surprise. » Xena soupira et les amena toutes deux sur le lit, savourant sa douceur propre. « Elle est teeeeeellement subtile. »

Elle reçut un léger ricanement en guise de réponse. Gabrielle mit doucement les jambes autour de celles de la guerrière tandis qu’elle s’éclaircissait la voix et lisait la note manuscrite. « Les enfants… » Elle sourit en sentant Xena soupirer. « Désolée pour la vache, j’espère que ceci me fera pardonner. Je vais garder tout le monde loin de vous jusqu’au matin. Ne pointez pas votre nez jusqu’au petit déjeuner au moins. » Elle s’interrompit. « Je vous aime, Maman. »

Xena rit. « Il faut vraiment l’aimer. » Elle prit la note des mains de sa compagne et la posa de côté, puis elle roula et souleva Gabrielle sans effort avant de l’installer dans un endroit confortable sur ses côtes. « Mmm… » Elle captura le lobe d’oreille de la barde et tira doucement dessus. « Goûteux. »

« Ah oui ? » Gabrielle sentit un rire monter et elle se mit en tête de nettoyer toutes les gouttes d’eau errantes sur la peau de Xena qui se trouvaient à sa portée. Puis elle s’attaqua à celles qui ne l’étaient pas, écartant le coton qui séchait et faisant de cette action une longue montée sensuelle d’excitation tandis qu’elle échangeait des coups de langue et des touchers avec son âme-sœur.

Il semblait que Xena avait bien plus qu’assez d’énergie, se dit Gabrielle dans un brouillard, tandis qu’elle perdait notion du temps et de l’endroit, sous les attentions sensuelles et constantes de sa compagne. Elle absorba complètement les sensations et laissa son corps apprécier la cascade de réactions sauvages et tremblantes.

Les chandelles avaient bien brûlé alors qu’elles se reposaient tranquillement. Gabrielle avait résolument refusé de gâcher le dîner que Cyrène avait laissé et elle avait quitté son havre chaud à contrecœur pour rapprocher le plateau et se mettre patiemment à l’œuvre, nourrissant sa compagne somnolente et agréable. « Ouvre », dit-elle d’un ton doucereux, regardant une fente de bleu apparaître tandis que Xena la regardait d’un œil quasiment fermé.

La guerrière obéit aimablement et mâcha la bouchée de ragoût que Gabrielle déposait et elle avala. « Toi aussi », marmonna-t-elle en clignant des yeux tout en serrant un peu plus la barde. « J’entends ton estomac qui gronde. »

Gabrielle rit tranquillement. « Sachant où est ta tête, je ne suis pas surprise. » Elle lissa les cheveux noirs qui tombaient en cascade sur sa poitrine, traçant légèrement l’oreille de Xena tandis que la guerrière posait confortablement la tête sur le ventre de la barde. Elle prit une cuillerée pour elle-même puis força Xena à en prendre une autre. « Allez… »

« Mmpf. » Xena mâcha et ferma les yeux d’aise.

« Xena ? » Gabrielle prit une gorgée de la bière qu’elle avait versée et reposa sa chope sur la table près du lit.

« Oui ? » L’œil bleu s’ouvrit à nouveau et la regarda.

« Que… je veux dire… qu’est-ce que tu penses que je devrais faire avec Paladia ? »  Ce n’est pas vraiment le bon moment pour demander ça… mais… il faut que j’y pense maintenant.

« Et bien… » Xena se lécha les lèvres pensivement. « L’écartèlement est toujours une bonne solution. »

Gabrielle soupira. « Xena. »

Celle-ci haussa un sourcil. « Pour une quelconque raison, Gabrielle, les gens qui essayent de t’étrangler bousculent mon mauvais côté. Je ne sais pas pourquoi », répliqua-t-elle, avec une note d’aspérité dans la voix. « Sans mentionner ce qu’elle a fait à Ephiny. »

« Je m’en rends compte. » La barde passa ses doigts dans les cheveux de sa compagne à nouveau. « Alors… tu penses que je devrais la condamner à mort ? »

Un long silence. Les yeux de Xena, maintenant bien ouverts, étudièrent la chandelle usée de l’autre côté de la pièce. « Non », finit-elle par répondre. « Je ne le pense pas. »

La barde eut un lent mouvement de la tête. « Alors… tu ne penses pas qu’elle mérite de mourir pour ce qu’elle a fait ? »

Un autre long silence. « Si je le pense », répondit finalement Xena honnêtement. « Mais je préfèrerais l’emmener dans les bois et la découper en une douzaine de morceaux et les laisser pour les vautours plutôt que de te forcer à vivre avec cette décision. »

Gabrielle réfléchit un long moment, alternant de manière absente entre nourrir sa compagne et elle-même. « Elle n’a tué personne, Xena », objecta-t-elle tranquillement.

Xena soupira. « Je le sais… mais elle aurait pu le faire et elle voulait te tuer. » Elle leva les yeux. « Avec une fléchette chanceuse, ses soldats auraient pu me tuer. »

« Mm. » La barde étudia son visage. « Mais ça ne s’est pas produit. »

« Non », admit Xena. « C’est vrai. »

« Et je ne peux pas vraiment condamner quelqu’un pour quelque chose qui aurait pu se produire, n’est-ce pas ? » Persista Gabrielle. « Parce que… tu as eu l’occasion de faire pire que ce que tu lui as fait et tu ne l’as pas fait. » Elle s’interrompit. « Pourquoi ? Elle m’étouffait… personne n’aurait rien dit. »

Xena se contempla, ce qui n’était pas sa tache favorite. « Je ne sais pas », finit-elle par confesser. « Peut-être parce que je savais que tu ne le voudrais pas. » Ses yeux bleus semblaient s’assombrir. « Peut-être que… je ne sais pas… après tout ce temps, je… j’ai juste commencé à penser autrement. »

Gabrielle sourit, satisfaite de la réponse. « Je pense qu’on peut la transformer, Xena. »

La guerrière la regarda d’un air neutre. « Parce que je l’ai été ? »

La barde remua la main. « Non… pas exactement… tu es intelligente… je veux dire vraiment intelligente… quand tu fais les choses, c’est parce que tu y as réfléchi et il y a beaucoup d’intelligence là-dedans. » Elle tapota le front de sa compagne. « Elle n’est pas vraiment futée… mais elle a connu des jours mauvais et je pense qu’un ami ou deux pourraient faire des merveilles pour elle. »

Xena haussa légèrement les épaules et resserra sa prise, mordillant le nombril de la barde. « Ça va être dur à trouver dans le coin. »

Gabrielle ferma les yeux laissant la sensation frissonnante aller de son aine à sa clavicule et retour. « Il faudra que je vois ce que je peux faire. » Elle inspira, posant le bol avant d’entrelacer ses doigts dans les cheveux noirs de Xena. « Demain. »

Ses mots furent accueillis par un rire profond.


A suivre partie 6

 

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Commentaires
T
L'humour de cette partie est rafraîchissant. La tornade, Wilbur le cochon et la vache sur le toit de l'auberge de Cyrène, que de délicieux moments à lire. Merci
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I
Bonne Année Fryda!<br /> <br /> Et qui commence vraiment très très bien avec un nouvel épisode mémorable de mes héroïnes préférées. Un régal,je n'ai pas pu m'endormir avant de l'avoir terminer à 1h40 du matin!! LOL LOL<br /> <br /> Merci.<br /> <br /> <br /> <br /> Isis.
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G
Wilbur ? Charmant...<br /> <br /> Merci Fryda pour nous permettre de suivre cette histoire.
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