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Guerrière et Amazone
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  • Vous trouverez ici des Fans Fictions francophones et des traductions tournant autour de la série Xena la Guerrière. Consultez la rubrique "Marche à suivre" sur la gauche pour mieux utiliser le site :O) Bonne lecture !!
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Guerrière et Amazone
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15 mai 2016

Le Saut de la Foi, partie et FIN

Avertissements de l’auteure (et de la traductrice) : voir 1ère partie


Le Saut de la Foi

(Leap of Faith)

Partie 9

Par Mélissa Good (1998)

Traduction Fryda (2015)

C’est une chenille qui finit par réveiller Xena qui cligna des yeux, très étonnée de voir la lueur argentée de la lune la recouvrir comme une couverture soyeuse. L’insecte rampant avait fini par lui chatouiller les phalanges et elle le regarda avec une confusion brumeuse avant de cogner légèrement sa main sur l’écorce de l’arbre et d’envoyer voler l’insecte dans un tas de feuilles.

Oh… Xena émit plusieurs jurons perses tandis que son regard cherchait la lune dans le ciel. Je ne peux pas croire que j’ai fait ça. Je ne peux pas croire QUE J’AI FAIT ÇA ! ! ! ! ! Elle attrapa une branche au-dessus de sa tête et se redressa, passant la main dans ses cheveux pour les écarter de ses yeux, et prenant un moment pour se recomposer. Elle se mit en équilibre sur une branche épaisse, laissant le sommeil la quitter et s’assurant que son sens de l’équilibre était bien présent et intact.

Ensuite, ce fut simple de se laisser tomber de branche en branche, sautant de la plus basse avec un bruit étonnamment sourd sur le sol couvert de vigne. La nuit était très paisible, avec juste les légers bruits des petits animaux en train de chasser qui bruissaient tout autour, accompagnés par un groupe de criquets qui s’immobilisèrent quand elle passa, et reprirent leur cliquetis après que ses pas légers cessent de déranger les herbes à hauteur de genoux qu’elle traversait. Une fois qu’elle eut passé la crête, elle partit dans une course puissante, son corps glissant dans les sous-bois tandis que les bruyères chatouillaient ses bras nus et trempaient ses vêtements de rosée.

Une pensée fit écho au bruit de ses pas. Gabrielle… elle va me tuer. Xena se maudit elle-même encore et encore, totalement incrédule au fait qu’elle était allée là-haut et S’ETAIT ENDORMIE… Les jurons perses surprirent un cerf nocturne, en train de se nourrir, et qui sauta hors de son chemin et ils firent détaler une chouette, qui battit des ailes au-dessus de sa tête en lui remuant les cheveux au passage.

Il lui fallut quelques minutes de plus pour atteindre le ravin et elle ralentit le pas, cherchant un bon endroit pour le traverser. Elle était sur le point de se lancer vers une vigne quand la lune sortit de derrière les nuages et peignit le lit de la rivière d’argent et d’ombres noires.

Et qu’elle fit ressortir une petite silhouette blottie à côté du grand arbre qui surplombait l’ouverture, ce qui saisit le cœur de Xena et le tordit. Oh… qu’Hadès soit maudit… elle jura doucement puis ne perdit pas de temps pour trouver une vigne solide pour se balancer de l’autre côté. Elle atterrit à proximité du tronc de l’arbre et s’avança, surprenant un Arès endormi, qui releva sa tête noire et la fixa de ses yeux ronds et jaunes.

« Chhh… » Xena se mit à genoux et mit doucement et avec prudence la main sur l’épaule de son âme sœur. « Hé… » Elle résista au besoin presque insurmontable de prendre la barde dans ses bras et de la bercer. « Gabrielle ? »

« Mmmm… » La barde remua et leva la tête puis lutta pour ouvrir les yeux. « Oh… » Un sourire étira ses lèvres. « Te voilà. » Elle leva la main et se frotta les paupières puis elle se repoussa de l’arbre contre lequel elle s’était abritée et se rapprocha de sa compagne. « Contente que tu ailles bien. »

Xena se laissa tomber jambes croisées sur le sol feuillu et grogna. « Non… je ne vais pas bien… je suis une idiote… je ne peux pas croire que je… Gabrielle, je suis désolée. »

La barde s’assit près d’elle, imitant sa posture. « Hé… c’est bon… je sais que tu as besoin de temps pour toi… j’étais juste un peu… » Elle regarda autour d’elle. » Un peu inquiète, c’st tout. » Elle lança un regard d’excuse à son âme sœur. « Je ne savais pas où tu étais. »

La guerrière mit la tête dans ses mains et grogna à nouveau, alarmant Gabrielle qui se pencha en avant et lui redressa la tête, la regardant avec inquiétude. « Hé… ça va ? » Elle repoussa les cheveux noirs de Xena et mit la main sur son front, puis elle vérifia qu’il n’y avait pas de blessures évidentes. « Tu n’as pas l’air blessée… qu’est-ce qui ne va pas ? »

Un long soupir de dégoût. « Ce qui ne va pas c’est que… je… suis allée à un… vieux repaire à moi… et comme une fichue gamine irresponsable, je me suis fichument ENDORMIE », lâcha brusquement la guerrière en secouant violemment la tête et en la prenant dans ses mains. « Je ne peux pas croire que j’ai fait ça. »

Gabrielle gloussa doucement. « Hé… hé… détends-toi… » Elle captura les mains de sa compagne et les amena contre elle, les embrassant légèrement. « Calme-toi, d’accord ? Nous avons tous survécu… pas d’incendie, pas d’inondation, pas de renégats, pas de vache en détresse… tu as pris l’après-midi pour toi. Ce n’est pas grand-chose, Xena. »

« Et je t’ai laissée ici, seule au milieu d’une forêt », conclut amèrement la guerrière.

« Hé ! » Gabrielle prit un ton sérieux. « C’était mon choix, ok ? Je pourrais être confortablement au lit… mais j’ai… » Elle haussa les épaules. « Je… hum… » Elle scruta les alentours. « Ok, comme ça je suis un peu fêlée… » Elle tourna un regard plaintif vers le visage tempétueux de la guerrière. « Tu veux bien te détendre ? » Une tape sur la poitrine de la guerrière. « Je suis juste contente que tu aies été ici. »

Xena fronça les sourcils. Pas une expression du genre ‘je suis une guerrière et pas toi’, mais un visage plein et adolescent ; une expression qui disait ‘je veux des feuilles de vigne farcies, et je les veux tout de suite’ et que Gabrielle aimait beaucoup en fait. C’était si mignon qu’elle se pencha en avant et embrassa les lèvres qui faisaient la moue, enroulant une main autour de la nuque de Xena pour l’attirer plus près. « Viens par ici, toi. »

Xena voulait vraiment rester dégoûtée d’elle-même. Vraiment. Mais elle répondit au léger toucher avec un plaisir à contrecoeur, s’abandonnant finalement à son désir de mettre les bras autour de la barde et de sentir le corps chaud de Gabrielle contre le sien. C’était tellement… oh bon sang… bon… Les mains de la barde prirent immédiatement possession d’elle, bougeant sans arrêt contre sa peau tandis qu’elles finissaient emmêlées dans les bruyères.

« Je savais bien que j’attendais ici pour une bonne raison », la taquina Gabrielle en se reculant un peu en souriant. « Et ça valait très certainement l’attente. »

Elle reçut un demi-sourire grognon en réponse et se mit sur son côté, appuyée sur un coude. « Alors… tu as raté un dîner du style ‘sans rire, j’y étais, merde de centaure !’ dans les histoires de Potadeia », informa-t-elle son âme sœur, en passant le doigt dans les attaches du gambison de Xena avant de tirer dessus, regardant directement le visage ombrageux et un peu grincheux en face d’elle. « Allez, Xena… relâche-toi… le monde n’a pas fini parce que tu as fait une sieste. » Elle enroula ses doigts autour du poignet de la guerrière. « Tu as eu une matinée plutôt stressante… et toute cette fête hier soir, ça n’a pas aidé… je veux dire que… écoute, je me suis endormie ici au milieu de la forêt en t’attendant. »

Xena fit la lippe avec sa lèvre inférieure et fronça les sourcils, puis elle relâcha un lourd soupir et roula sur le dos pour regarder la canopée feuillue. Après un moment de contemplation, elle regarda sa compagne, résignée. « Tu veux voir où je suis allée ? »

Gabrielle se redressa, une expression intriguée sur le visage. « Bien sûr. » Elle regarda autour d’elle. « C’est une soirée géniale pour se balader. »

Tout d’abord, elles devaient passer par-dessus le ravin et Gabrielle décida de garder les yeux fermés et de se retenir tandis que Xena sautait, attrapant une vigne pour les soulever toutes les deux. Elle n’était consciente que de l’air qui l’effleurait et ensuite de l’impact quand ses pieds touchèrent l’autre bord. Elles marchèrent en silence parmi les arbres, main dans la main, jusqu’à ce qu’elles atteignent le plateau ouvert, où Gabrielle s’arrêta et prit une inspiration à la vue de la belle scène éclairée par la lune qui accueillait son regard. « Wow. » Elle inspira avec un sourire sur les lèvres. « Jolie vue. »

Le ciel étoilé s’étirait au-dessus de leur tête, croisant au loin la longue ligne sombre des arbres et la lune se reflétait dans la rivière qui coulait au point de jonction avec l’horizon. Tout le plateau était baigné de lumière argentée et la brise, qui montait de la vallée en bas, portait des nuances enivrantes des fleurs écloses pour la nuit.

Xena s’arrêta sous l’arbre et leva les yeux puis elle la regarda. « Mon refuge d’enfant. »

Gabrielle pencha la tête en arrière pour regarder vers le haut. Un léger rire se fraya un chemin jusqu’à sa gorge. « Tu parles », dit-elle en roulant les yeux avec ironie vers sa compagne. Puis une expression volontaire passa sur son visage tandis qu’elle faisait le tour de l’arbre. « Il y a un chemin pour monter ? »

Xena haussa les sourcils. « Tu n’as pas à… heu… monter là-haut, tu sais. » Elle regarda la silhouette fine de la barde manœuvrer autour du tronc, le bout de sa langue sorti tandis qu’elle étudiait le problème. « Mais je présume que tu veux, hein ? »

Et elles le firent… Xena sauta et attrapa une prise, puis étendit avec précaution le bras pour attraper son âme sœur et se frayer un chemin vers le haut de l’arbre, où elle souleva Gabrielle pour la déposer dans le creux en forme de coupe dans lequel elle s’était récemment reposée. « Et voilà. »

Gabrielle s’appuya contre l’écorce et croisa les bras, prenant une profonde inspiration de l’air doux tout en appréciant la vue. « C’est beau. » Elle baissa les yeux. « De grimper à cet arbre a été une expérience intéressante… ça a été effrayant et dur, mais on finit dans un endroit sympathique et en sécurité avec une vue géniale. » Elle s’interrompit et leva les yeux vers Xena. « C’est un peu comme ça que ça a été de te connaître mieux. »

Xena cligna des yeux, vaguement étonnée.

Gabrielle soupira et se rapprocha. « Je veux dire que le résultat vaut plus que la peine qu’on se donne. »

« Oh », marmonna Xena avec un air soulagé. « Oui, c’est plutôt pas mal ici. »

La barde s’appuya contre elle et sourit. « Ephiny est passée… je pense que je l’ai assez culpabilisée pour que ses plumes tombent. »

La guerrière haussa les épaules. « Tu n’avais pas à faire ça… ce n’était rien, Gabrielle. »

« Hé. » La barde la poussa. « Garde pour toi cette routine de ‘je me fiche de ce que les autres pensent’ pour quelqu’un qui ne te connaît pas comme je te connais, ok ? » Elle lança un regard sévère à sa compagne. « Bref… elle s’est excusée… et elle voulait que je te le dise au cas où tu ne serais pas rentrée avant qu’elle parte. »

Xena hocha la tête, mais eut l’air triste. « Oui. » Elle prit une inspiration. « Peut-être que je… vais m‘arranger pour ne pas être dans le coin demain matin. Ça pourrait rendre les choses plus faciles. »

Gabrielle lui lança un regard d’avertissement. « Xena, ça ne va pas se passer comme ça », dit-elle. « Elle a admis que tu avais raison… elle pensait juste qu’elle ne pouvait pas affronter Paladia en ce moment. »

La guerrière hocha un peu la tête puis elle s’allongea à nouveau sur les branches, regardant les progrès de la lune dans un silence morose.

La barde soupira intérieurement, s’assit près d’elle et passa le bras par-dessus les épaules larges. « Je suis leur Reine. » Une idée la titilla, issue de l’attitude d’Ephiny.

« Je sais », dit Xena. « Désolée… ce sont de braves personnes, Gabrielle… ça va juste prendre un peu de temps. » Sa posture s’affaissa un peu cependant, tandis qu’elle passait le doigt sur les feuilles qui les entouraient.

« Mm… » Gabrielle se blottit près d’elle et posa le menton sur son épaule, prenant une inspiration régulière tout en cherchant ses mots. « Je… hum… » Elle hésita. « Tu sais… je lisais ces trucs qu’elles m’ont laissés… sur les règles des Amazones et les lois… et tous ces machins. »

Xena tourna la tête en regardant le visage de sa compagne avec un intérêt paresseux. « Oui oui ? »

Gabrielle hocha la tête sentant son estomac se nouer nerveusement. « Elles ont des traditions intéressantes. » Elle temporisa, sentant les yeux bleus se durcir et l’étudier avec attention. « Il y en a… une ou deux que je… je pense que j’aimerais connaître sur un niveau… heu… personnel. »

Elle sentit la respiration de Xena changer et le saut dans son rythme cardiaque, perceptible sous les doigts de la barde posés sur le cou de la guerrière. Gabrielle leva les yeux avec incertitude et vit les boucliers inquiets qui s’élevaient rapidement dans les yeux de son âme sœur et elle se rendit compte de comment Xena pouvait avoir interprété ce qu’elle venait de dire.

Bon sang. Elle jura silencieusement. Est-ce qu’elle pense toujours qu’il y a une chance que je choisisse les Amazones ? Elle leva les yeux vers le visage tendu de Xena et reçut sa réponse, et ça l’attrista. Je présume que oui.

« Bien sûr… Gabrielle… c’est normal… je présume que c’est normal que tu veuilles mieux les connaître… je veux dire.. » La voix de Xena était régulière. « Je peux le comprendre. »

« Bien », répondit la barde. « Tu veux bien être ma Consort alors ? » Elle sentit le souffle sortir de sa compagne tandis que sa mâchoire tombait un peu et elle attendit, observant une douzaine d’émotions passer sur le visage de Xena. Surtout le choc, suivi par l’incrédulité.

« M… moi ? » Réussit à couiner Xena.

Oooh… elle est si mignonne quand elle est prise en défaut. Gabrielle se mordit la lèvre inférieure en réfrénant un sourire. « Et bien… tu es la seule âme sœur que j’ai, alors… oui, toi. »

« Mais… mais ça ferait de moi… »

« Une Amazone, oui », reconnut Gabrielle, se sentant très fière d’elle. « Plongée dans les… hum… plumes… pour ainsi dire. » Elle lut le doute dans les yeux de Xena avec une pointe douloureuse. « A moins que tu… ne veuilles pas… l’être… pour moi. »

Un silence tomba entre elles jusqu’à ce que Xena prenne une inspiration et lève la  main vers sa joue pour lui pencher la tête de sorte que leurs regards se croisent. « Je… je… Gabrielle, je ne mérite pas cet honneur. » Sa voix tremblait. « Les Amazones me voient comme… à moitié folle, assoiffée de sang… » Elle s’arrêta puis reprit. « Une tueuse. »

Gabrielle lui embrassa affectueusement la main puis la couvrit de la sienne. « Je sais », répondit-elle honnêtement. « Mais si tu dis oui… alors tu seras LEUR tueuse à moitié folle et assoiffée de sang… et ça fera une grande différence pour elles. »

La guerrière cligna des yeux, choquée de son analyse brutale et pratique. Elle prit une inspiration puis la relâcha lentement. « Tu as raison… je… je présume que c’est une bonne idée. »

La barde mit le nez dans son cou. « Merci… mais ce n’est pas pour ça que je te l’ai demandé. »

Xena était totalement déstabilisée et ça se voyait. « Je… c’est… ah non ? » Bafouilla-t-elle doucement.

« Non », répondit Gabrielle. « C’est une très belle cérémonie et c’est quelque chose que je veux vraiment partager avec toi. »

Un léger sourire tremblant tira sur les lèvres de Xena. « Très bien… je… j’aimerais beaucoup ça. »

La barde sourit. « Ouuuuuiiiii… » Elle rit doucement. « Ça va être génial. » Elle prit les lèvres de Xena pour un long moment délicieux puis mit sa joue contre celle de la guerrière. « Je t’aime. »

La guerrière semblait osciller entre un grand sourire et un froncement d’inquiétude, et elle se contenta de s’abandonner, laissant un large sourire passer sur son visage. « Je t’aime aussi. » Elle relâcha un long soupir de soulagement. « Ephiny va faire une crise. »

« Nan. » La barde secoua la tête. « Elle a fait tellement d’allusions qu’elle a failli avaler son collier en dents de sanglier. » Elle passa les bras autour de sa compagne et la serra aussi fort qu’elle pouvait. « Mmmmpfff… ça va être génial. » Elle soupira joyeusement en regardant les étoiles. « Hé… c’est quel genre d’arbre ? »

Xena leva des yeux un peu embués. « Hein ? ? Oh… euh… c’est un très vieux pommier… mais il ne porte presque plus de fruits… je pense me souvenir n’avoir mangé qu’une seule de ses pommes une fois… peut-être deux… elles étaient succulentes, mais… » Elle suivit le doigt pointé de Gabrielle qui avait identifié un fruit qui pendait avec une acuité sans faille. « Oh… oui, regarde-moi ça. » Elle lança un regard connaisseur à sa compagne puis pencha la tête. « Laisse-moi deviner… tu as raté le dîner ? »

Des yeux verts coupables sous des cils clairs se tournèrent vers elle. « J’étais trop inquiète pour manger », admit-elle d’un air penaud. « J’ai joué avec mon plat tellement longtemps que maman l’a pris et a dit qu’elle allait demander à Johan d’en faire une sculpture. »

Xena rit d’un air désabusé. « C’est de ma faute. » Elle se leva et sauta sur la branche suivante, qui balança dangereusement sous son poids, puis elle se pencha vers la branche qui pendait et attrapa le fruit, le faisant tourner brusquement avant de le sécuriser d’un geste preste. « Je l’ai… » Marmonna-t-elle tout en sautant de la branche sur laquelle elle était en équilibre, puis elle finit de nouveau à côté de la barde. « Et voilà. »

Gabrielle retira ses mains qui cachaient ses yeux et examina sa récompense, qui était d’une couleur dorée légère, striée de riches veines rouges et plus grande que son poing fermé. « Mmmm… » Elle la renifla d’un air appréciateur et prit une bouchée. « Wofffww… » Le jus explosa et coula le long de son menton tandis qu’elle mâchait et avalait. « C’est génial. » La pomme était sucrée et très croustillante et juste à la bonne température, rafraîchie par la brise nocturne.

Elle mordit un gros morceau et haussa les sourcils. « Ttffeux gter ? »

Xena rit et pencha la tête, refermant ses dents autour du fruit offert et elle le mordit volontiers. Le goût de celui-ci était étrangement familier et elle le savoura, mâchant lentement et s’arrêtant lorsque ses dents rencontrèrent la forme arrondie d’une graine. « Hmm… » Elle sépara le morceau et retira la chair, faisant rouler la graine dans sa bouche. « Un pépin. »

« Hé. » Gabrielle finit sa propre bouchée et avala rapidement. « Pas de lézard, tu te souviens ? Donne-moi cette graine. »

C’était un curieux sentiment, chatouillant, que Xena associa à la réaction normale de son corps à son âme sœur, tandis qu’elle prenait doucement le visage de Gabrielle et posait ses lèvres sur celles de la barde, goûtant la pomme et prenant son temps pour explorer la bouche de sa compagne, riant presque lorsque celle-ci retira talentueusement la graine de sa bouche avec sa langue.

Elle sentit la graine sortir de sa bouche et avec cela, une vague profonde et riche la submergea tandis que leur connexion prenait le contrôle et les rapprochait plus que la peau ne le permettrait, à un endroit où elle pouvait jurer qu’elle sentait le battement du cœur de Gabrielle dans ses oreilles et la respiration de la barde dans ses poumons, plus solides et plus réels que toute autre expérience qu’elle ait eue dans sa vie.

Ça dura presque une éternité et quand elles prirent finalement un instant pour respirer, ce fut pour se regarder dans les yeux avec émerveillement. « Wow. » C’était à peine un son, plus un souffle sorti de la gorge de Gabrielle. « C’était plutôt impressionnant. »

Xena la fixa et passa un doigt le long de sa mâchoire avec un plaisir absent. « Oui… ça c’est sûr », marmonna-t-elle tandis qu’elles se regardaient. « <Où est passé la graine ? » Demanda finalement la guerrière, avec une curiosité absente.

Gabrielle testa sa bouche puis haussa les épaules. « Je présume que je l’ai avalée… » Elle jeta un coup d’œil avec doute à son âme sœur. « Ça ne va pas me faire de mal, hein ? »

La guerrière regarda la lueur de la lune qui éclairait sa peau, reflétant la légère rougeur qui couvrait ses joues. « Non… n’en prends pas l’habitude… mais une seule, ça va. » Elle était à peine consciente de ce qu’elle disait, tandis qu’elle essayait de calmer un corps toujours exacerbé de la puissance de leur dernier baiser. Lentement, elle porta la main à son oreille et la toucha, puis elle regarda Gabrielle. « Est-ce que tu viens aussi d’entendre une cloche ? »

La barde se mit à rire. « Tu blagues ? Mon cœur bat encore si fort que je ne pourrais pas entendre notre coq s’il chantait tout près de moi. » Elle posa le trognon de la pomme et glissa ses mains sur le corps de son âme sœur, respirant son odeur avec un grognement léger et sensuel. « Ça devait être une chèvre perdue », ajouta-t-elle en levant le menton de Xena pour explorer la gorge de la guerrière de ses lèvres. « Mmm… tu sens vraiment bon », marmonna-t-elle en sentant les muscles bouger sous son contact.

« J’ai… j’ai couru partout… j’ai transpiré toute la journée… » Protesta faiblement la guerrière tandis qu’elle glissait dans une position plus confortable et attirait la barde contre elle. « Ce n’est pas très excitant. »

« Hé… » Gabrielle relâcha un rire de gorge bas. « Tu as teeeeellllement tort. » Elle se glissa vers le haut et captura à nouveau les lèvres de son âme sœur et elle retourna à la brume chaude qui s’insinuait dans chaque coin et recoin de sa conscience, se frayant un chemin en elle et en Xena. Elle le savait – elle pouvait sentir la guerrière s’ouvrir à elle d’une façon toujours très rare entre elles, et elle suivit obligeamment Xena partout où elle l’emmenait, oubliant où elle se trouvait, ignorant l’écorce rugueuse qui effleurait sa peau et vaguement consciente de l’air nocturne frais qui soulevait maintenant les poils fins sur son dos nu.

Xena sentit des vagues de frissons tandis qu’elle retirait la tunique de Gabrielle et elle était consciente des mains de la barde qui s’affairaient avec impatience sur les boucles de son gambison, le faisant glisser de côté tandis qu’elles bougeaient ensemble et qu’elle expérimentait le choc sensuel de leurs corps qui se touchaient sur toute leur longueur. C’était bien la chose la plus intense qu’elle ait jamais connue et elle sentit qu’elle perdait le contrôle, qui se dissolvait avec chaque pouce d’elle qui réclamait le toucher de son âme sœur et elle relâcha tous ses doutes et les contraintes qu’elle mettait habituellement sur sa passion et elle se contenta…

De se laisser aller.

Ce fut une explosion qui monta si vite que tout ce qu’elle put faire fut de s’agripper et de la laisser avaler ses sens, sentant Gabrielle bouger avec elle tandis que leurs âmes s’ajustaient et se rejoignaient et devenaient un simple point de lumière, les laissant toutes deux tremblantes et épuisées, reposant dans les bras l’une de l’autre dans un contentement brumeux.

L’amour les entourait. Gabrielle était consciente de respirer et de laisser l’air s’insinuer dans chaque fêlure, chaque endroit blessé encore présent dans son cœur. C’était un cadeau qu’elle n’avait jamais ressenti et cela la submergea et elle laissa faire. Chaque battement de son cœur envoyait cette merveilleuse chaleur à travers elle encore et encore et tandis qu’elle sentait les battements des cœurs jumeaux ralentir, la sensation de leur connexion grandit jusqu'à rivaliser avec ces quelques moments exaltants quand elle était spectatrice de son propre corps tandis que Xena en prenait possession pour combattre Velasca.

C’était si bon. C’était si juste que cela amena des larmes à ses yeux et elle les laissa tomber en silence contre la poitrine de Xena qui bougeait lentement, et elles coulèrent à travers le léger duvet qui couvrait la guerrière. De longs bras la tenaient en sécurité et elle se relâcha joyeusement dans le doux confort de savoir que son âme sœur était près d’elle, traçant lentement, paisiblement et régulièrement des dessins sur sa peau.

Elle leva les yeux et vit Xena qui scrutait le ciel nocturne, un demi-sourire sur les lèvres tandis que les petits muscles sous sa peau bougeaient, son regard se déplaçant légèrement d’un point à un autre au-dessus d’elles. « A quoi tu penses ? » Gabrielle brisa doucement le silence.

« Je me souviens… de cette nuit-là… » Répondit Xena, la voix une note plus haute que d’habitude. « J’avais eu… une très bonne journée… j’avais fini par chevaucher cet étalon alors que personne ne le pouvait… je l’avais travaillé encore et encore… et finalement il… il a fini par me faire confiance, il s’est approché et a pris une carotte dans ma main et m’a laissé le monter.

« Mmm… ça semble… spécial », acquiesça aimablement Gabrielle, qui ne partageait pas spécialement la passion de sa compagne pour les chevaux.

Xena sourit. « Je sais que tu penses que je suis cinglée… mais… quoi qu’il en soit, je me sentais plus que bien… et je suis venue ici, il n’y avait pas de lune cette nuit-là et j’ai réussi à trouver quatre dessins d’étoiles que je n’avais jamais vus avant. »

« Tu pourchassais les étoiles avant ? » Demanda la barde, légèrement ravie.

« Oui… » Sa compagne eut un sourire détendu. « J’ai réussi à l’oublier jusqu’à ce que je te rencontre. » Elle soupira. « Bref… je me souviens être restée assise ici, les mains derrière la tête, à regarder en haut… et à espérer le futur, me demandant de quoi il serait fait… pensant à toutes les grandes choses que j’allais faire. »

Gabrielle caressa la peau douce sous elle, essayant de penser à quelque chose à dire.

« Gabrielle ? » Xena prononça son nom comme s’il s’agissait d’une prière.

« Je suis là, mon amour », répondit la barde.

« Je ressens la même chose. » La voix de la guerrière était pleine d’émerveillement. « C’était la chose la plus stupéfiante que j’ai vécue. »

Gabrielle enveloppa ce moment dans la soie et le mit au plus profond d’elle-même, dans l’endroit spécial qu’elle réservait aux choses dont elle savait qu’elle les regarderait un jour comme des événements qui avaient changé sa vie.

Epouser Perdicas et le regarder mourir.

Avoir défendu Terreis.

La mort de Xena et sa résurrection.

Meridian et Krafstar.

Hope et Dahak.

Qu’on lui demande de gratter un nez dans un donjon crasseux en Chine.

Se tenir au-dessus du corps immobile de Xena dans une caverne humide et refuser de laisser la douleur et la colère la submerger.

Choisir l’amour et non la haine.

Choisir la vie et non la mort.

« C’est beau », fut tout ce qu’elle dit en souriant vers les yeux bleus qui brillaient d’argent dans la lumière de la lune, et elle y vit une expression étrange qu’elle reconnut à peine.

La paix.

Elle la ressentit aussi, un calme délicieux qui s’enroulait autour de son cœur, éjectant ses craintes et ses inquiétudes comme si elles n’avaient jamais été là. C’était merveilleux.

Gabrielle tourna le regard vers les étoiles et passa la main lentement le long de l’estomac de son âme sœur. « Tu penses que ça ressemble à un bateau ? » Elle pointa du doigt.

« Non non. » Xena secoua un peu la tête. « Un chat. »

« Tch. » La barde sourit largement. « Un chat ? » Elle pencha la tête. « Sûrement pas… et pourquoi pas une théière ? »

« Une théière ? ? »Xena se mit à rire. « Tu blagues… » Elle regarda à nouveau. « D’accord… un poisson. »

Gabrielle gloussa. « Seulement si tu te mets sur la tête… et bien… peut-être une pieuvre. »

Un haussement de sourcil. « Je pensais que tu étais partiale envers les calamars. » Xena chatouilla un peu la peau douce sous ses doigts et elle fut récompensée par un couinement ravi tandis qu’elles se cherchaient sans merci sous une canopée épaisse d’étoiles scintillantes.


Ephiny se tenait en silence dans la pièce, le bruit de pas de Gabrielle diminuant. Elle était seule et les craquements de l’auberge autour d’elle lui semblaient anormalement forts tandis qu’elle traversait la chambre et s’appuyait des deux mains sur le rebord de la fenêtre, pour regarder dehors.

La cour arrière de l’auberge était calme et l’odeur du jardin d’aromates de Cyrène flottait vers elle, avec un arôme à demi-épicé, à demi-âcre. Derrière elle, elle le savait, on emballait leurs affaires à l’exception du petit sac de choses qu’elles avaient utilisées pour la nuit, tandis qu’Eponine obéissait au doigt et à l’œil à sa demande de partir aux premières lueurs.

Bon sang. Ephiny se détourna de la fenêtre et se laissa tomber dans un fauteuil. Gabrielle avait une façon de faire tourner les mots dans votre tête, où ils s’installaient, vous tenaillant jusqu’à ce que vous y portiez votre attention ou que vous soyez assez soûle pour vous en débarrasser.

Avec une blessure à la tête, être soûle était hors de question. Alors elle en était là, à entendre ces doux sons précis et tenaillée par la connaissance que la barde disait probablement une vérité qu’elle ne voulait pas entendre.

Comme si Gabrielle n’en avait pas assez avec la sienne, pas vrai ? Elle n’avait trompé personne ce soir au dîner, tout le monde, y compris Arès, le loup, s’était rendu compte que la barde était à des centaines de kilomètres de là, si préoccupée qu’elle avait à peine fait attention quand on l’avait appelée.

Elle l’aimait tellement. Ephiny secoua la tête d’étonnement. Comment cela pouvait-il survivre à la mort de deux enfants ? Comment me serais-je sentie si ça avait été Xenan… est-ce que j’aurais été capable de pardonner ?

Elle y réfléchit. Bon sang. Un long souffle lent. Est-ce possible d’aimer quelqu’un autant qu’on puisse dépasser ça ? Je présume que oui, mais bon sang si je sais comment.

La porte s’ouvrit en craquant et Eponine passa la tête, repérant Ephiny, lui produisant un sourire tendu et vrai. « Tu es de retour. »

« Nan. » Ephiny reposa la tête sur le dossier du fauteuil. « Je suis toujours dans les bois là-bas. »

Cela lui valut un sourire plus détendu de sa compagne, qui entra dans la chambre et se mit dans l’autre fauteuil. « Tu as apaisé Gabrielle ? »

« Non », répondit honnêtement la régente. « Il n’y a qu’une seule chose qui peut le faire et ce n’est pas moi, c’est sûr. » Elle soupira. « D’un autre côté, elle a réussi me secouer plutôt bien. »

« Tu… heu… penses qu’on devrait essayer de la retrouver ? Je veux dire Xena ? » Eponine aborda le sujet avec une bonne dose d’appréhension. Elle n’avait aucun désir de retrouver la guerrière si celle-ci était déterminée à ne pas être trouvée. « Et si quelque chose lui était arrivé ? »

Une légère secousse des boucles d’or d’Ephiny. « Gabrielle le saurait… et elle dit qu’elle pense qu’elle va bien, elle est juste… je ne sais pas, inquiète, je présume. »

« Mm. » Eponine réfléchit à cette déclaration. « C’est quoi ce truc en fait ? »

« Quoi ? »

« Ce… ‘Gabrielle le saurait’ », testa doucement la maîtresse d’armes.

« Oh. » Ephiny se gratta le nez. « Par Hadès si je le sais… elle le sait juste… elles ont une sorte de consciencel’une de l’autre ou un truc comme ça. » Elle haussa les épaules. « Un peu comme… tu te souviens de Iatha et Genis ? »

« Les jumelles ? » Eponine se redressa. « Bien sûr… c’était deux Amazones vraiment sympas… j’étais désolée de les voir partir pour Thèbes. »

« Oui… et bien, elles étaient un peu comme ça… l’une finissait toujours les phrases de l’autre, elles étaient malades en même temps, elles savaient toujours quand l’autre avait des ennuis… ce genre de choses. » Ephiny avait été plutôt fière d’elle-même pour avoir deviné tout ce truc, le seul ennui c’était que… »

« Mais Xena et Gabrielle ne sont pas jumelles », objecta Eponine. « Pas vrai ? »

« Pas que j’ai remarqué », répliqua sèchement Ephiny. « Mais je pense que ça fonctionne de la même façon. »

« Oh. » L’Amazone aux cheveux noirs digéra les faits. « C’est plutôt fichument vrai. »

« Mm », acquiesça Ephiny d’un air absent. « Oui, c’est sûr. »

Elles se regardèrent un long moment puis Ephiny leva les mains et les laissa retomber sur les accoudoirs. « Je ne le supporte pas. »

« Hein ? » Pony cligna des yeux.

« Cette fichue Reine a mis une idée pleine de caca de Centaure dans ma tête et maintenant ça n’arrête pas. » Ephiny fit grincer ses dents. « Par Hadès. » Elle se leva et alla à leurs bagages, farfouilla puis en sortit un petit sac. « Je ne vais pas être tranquille un instant jusqu’à ce que je fasse ceci. »

« Faire quoi ? » Demanda Pony, nerveusement, en regardant Ephiny attraper une tasse et commencer à marcher dans la chambre. « Ouah… Eph ! » Elle bondit et attrapa le bras de la régente. « Où tu vas ? »

« Avoir une discussion avec Paladia. » Ephiny carra les épaules. « Je suis une Amazone, bon sang, et je ne recule devant rien ni personne… encore moins une gardienne de cochons à peine grandie avec un sale caractère. » Elle sortit, laissant là Eponine avec la mâchoire pendante.

« Wow. » La maîtresse d’armes se passa la main dans ses cheveux noirs. « Il faut que je demande à la Reine de m’apprendre ce tour. » Ceci fut dit à une pièce vide et l’écho lui revint, et elle secoua la tête en suivant du regard la bravade hâtivement rassemblée par Ephiny.


Paladia avait la tête posée sur le mur sale ; elle était à demi éveillée et sombrait à demi dans un sommeil agité. La journée avait été très longue et très ennuyeuse, principalement passée en la présence agaçante de Cait, une fois que Gabrielle l’avait fait ramener à sa cellule.

Elle avait réfléchi à ce que la barde aux cheveux clairs lui avait dit et elle avait décidé qu’elle ne la haïssait plus vraiment. En fait, elle lui faisait plus pitié qu’autre chose… elle avait les idées les plus stupides qu’elle n’ait jamais entendues sur ce que les gens étaient.

Bon, au moins si elle avait quelqu’un qui devait décider de comment la punir, c’était mieux pour elle que ce soit la douce Gabrielle au bon cœur. Paladia eut un petit sourire supérieur. J’ai eu de la chance… elle aurait pu laisser la décision à cette garce aux cheveux frisés que je…

La porte s’ouvrit brusquement et se referma à nouveau, laissant entrer une lueur de torche pendant une brève seconde, puis la plongeant à nouveau dans l’obscurité. Elle sentit son cœur battre plus fort lorsqu’elle se rendit compte qu’il y avait quelqu’un avec elle dans le cellier.

Quelqu’un qui respirait fortement l’hostilité.

Une chandelle s’alluma et un regard noisette croisa le sien, aussi glacial qu’une journée d’hiver.

Oh… merde. Paladia déglutit. On était au milieu de la nuit, personne dans les environs et cette Amazone à l’air vraiment folle était visiblement armée. Une longue dague à l’air mauvais pendait à sa taille et elle portait deux clubs courts à la ceinture.

Très lentement, elle se mit en arrière, soulevant son bras blessé dans un faible espoir de protection, tandis qu’elle endurait l’évaluation silencieuse et effrayante dans le regard sans expression d’Ephiny. « Je présume que les rôles sont inversés, pas vrai ? » Hasarda-t-elle faiblement.

Ephiny sourit. Ce n’était pas une expression rassurante. Elle fit couler de la cire sur une étagère et posa la chandelle dessus, la maintenant jusqu’à ce qu’elle soit sûre qu’elle tienne puis la relâchant pour avancer d’un pas et surplomber Paladia.

La lumière vacillante de la chandelle envoyait des ombres sur le visage de l’Amazone. « Je présume qu’il est temps de savoir qui est la plus grande garce, toi ou moi. » La voix d’Ephiny était basse et contrôlée. Elle retira un chobo de sa ceinture et le lança en l’air, rattrapant la poignée en bois avec un geste léger et rythmé. « Qu’est-ce que tu veux parier ? »

Paladia ne bougea pas, essayant de contrôler sa respiration qui semblait soudainement vouloir s’enfuir avec elle. Ephiny irradiait la menace et brusquement toutes les histoires qu’elle avait entendues sur les Amazones assoiffées de sang se bousculèrent dans son crâne, criant pour avoir son attention. « C… c’est pas un grand défi. » Elle leva son bras. « Xena s’en est occupée. »

Ephiny sourit à nouveau. « Pas assez. » Elle remit le chobo à sa place et s’agenouilla à l’endroit où elle avait lâché un petit sac. Elle retira plusieurs types d’herbe et les saupoudra dans la tasse qu’elle portait avant de verser de l’eau de l’outre posée près de la porte. Puis elle se releva et avança à grands pas vers la renégate blessée, mélangeant la substance d’un doigt paresseux. « Tu sais ce que c’est de se sentir sans forces ? »

Paladia déglutit, les yeux fixés sur la tasse.

« Hmm ? Ce que c’est que d’avoir quelqu’un qui vous contrôle… qui fait des choses que vous n’avez aucun moyen de faire ? » La voix d’Ephiny devenait coléreuse. « Non ? » Elle s’agenouilla et attrapa la mâchoire de la renégate de ses doigts puissants, pour la forcer à s’ouvrir. « Tu vas l’apprendre. »

Paladia tenta de lutter, mais son bras l’en empêchait et Ephiny, même encore blessée, était forte et savait comment soumettre quelqu’un. Elle repoussa la tête de la renégate, la tenant en place avec le poids de son corps et elle versa le mélange dans sa bouche, lui pinçant la gorge jusqu’à ce qu’elle avale convulsivement.

C’était amer et ça piquait en descendant et Paladia sentit son cœur hoqueter au moins deux fois, tandis que la panique provoquait un gémissement. Une autre dose et elle vomit presque à cause du goût, mais Ephiny ne cédait pas. Elle lui maintint la bouche fermée. « Oh non… ça descend et ça reste en bas ou tu vas te noyer dedans », dit l’Amazone d’une voix rauque en grinçant des dents.

Elle n’avait pas le choix. Plusieurs minutes passèrent tendues tandis qu’Ephiny attendait et elle fixa l’Amazone, ses yeux trouvant les bleus en diminution et coupures qui couvraient pleinement son visage. Je vais avoir l’air encore pire, se rendit-elle compte tandis qu’un bourdonnement étrange démarrait juste sous sa conscience. Elle cligna des yeux et regarda Ephiny qui lui attrapait la mâchoire et la tournait pour que leurs regards se croisent.

Elle ne pouvait pas l’arrêter.

« Ce n’est pas un sentiment agréable, pas vrai ? » Demanda l’Amazone.

Paladia baissa le regard, incapable de croiser celui d’Ephiny. Sa panique montait à nouveau tandis que les sons de la pièce commençaient à résonner bizarrement.

« Je pourrais te faire faire n’importe quoi », dit l’Amazone en grondant. « Je pourrais te faire te couper toi-même… je pourrais te donner assez de ça pour faire de toi un bébé sans forces pour le reste de ta vie. »

Les lumières commencèrent à s’allumer et s’éteindre dans sa vision et elle se rendit compte combien ce sentiment était vraiment dégoûtant. Elle détestait ça. Ça lui brûlait les entrailles et lui arrachait toute l’assurance qu’elle avait réussi à amasser après qu’elle eut perdu le reste de sa famille. Quelque chose céda.

« Ne me fais pas de mal. » Ce n’était pas sa voix. Non ?

« Quoi ? » Reçut-elle en réponse acérée et résonnante. « Je ne le pense pas… je vais te faire te sentir tout comme moi, espèce de pauvre merde de cheval. »

« S’il te plaît. »

Un rugissement lui remplit les oreilles, et elle pensa qu’elle avait crié, et le bruit des flammes, et une peur si submergeante qu’elle prit simplement le contrôle, et la fit se mettre en une petite boule, espérant malgré tout qu’elle allait survivre.

Le bruit diminua et elle devint consciente des sons doux et subtils de sa prison. Le craquement du bois et l’odeur de la terre. Lentement, elle ouvrit les yeux pour voir Ephiny assise sur le petit tabouret, la regardant calmement.

« Qu… qu… » Paladia regarda autour d’elle abasourdie. La confusion était partie en même temps qu’une grande partie de la douleur dans son bras. « Qu… que… »

« Un calmant. » Ephiny avait les bras posés sur ses genoux et étudiait paresseusement un chobo. « Avec un petit extra. Ça ne va pas te tuer. »

La renégate la fixa avec incrédulité. « Tu m’as dupée. » Les mots coulèrent. « Tu voulais que je voie ce que ça faisait. »

Ephiny haussa un sourcil clair. « Tu n’es pas aussi stupide que je le pensais », répliqua Ephiny d’un ton brusque. « Tu as aimé ça ? »

« Ça craint », répondit Paladia d’un ton apathique.

« Oui, c’est sûr » approuva l’Amazone tranquillement. « Je me sentais comme une pauvre merde », lui dit-elle. « Et encore maintenant… je ne peux même pas regarder mes amies en face parce que je me sens minable. »

La renégate cligna des yeux d’un air las vers le sol et céda. Rester fière ne méritait pas l’énergie à développer. « Suis désolée », marmonna-t-elle comme elle avait l’habitude de faire quand Ma la coinçait au sujet des cochons. « Je ne connaissais pas d’autre moyen d’avoir quelqu’un avec moi. »

Elle rata l’écarquillement soudain des yeux d’Ephiny et l’expression de surprise sur son visage. C’était parti quand elle leva le regard et croisa les yeux noisette qui l’étudiaient en silence. Même avec les bleus, pensa-t-elle d’un air maussade, l’Amazone était jolie. Un doigt commença à tracer un dessin dans la terre d’un air absent. « Ma… m’a dit que ça ne me ferait rien de bon dans ce domaine… elle m’a dit que je ferais mieux de me trouver un bon gars costaud qui aurait besoin d’un bras fort et pas grand-chose d’autre. »

« Paladia… » Ephiny s’éclaircit un peu la voix. « On dit que l’amour est aveugle… il faut juste aller au bon endroit pour le trouver. »

« C’est facile pour toi de dire ça, pas vrai ? » Répliqua la renégate. « Pour vous tous. »

L’Amazone pinça les lèvres. « Je ne sais pas… je présume que du point de vue de Phantès, j’étais plutôt fichument moche », répondit-elle tranquillement. « Il s’en fichait. »

Paladia cligna des yeux. « J’avais oublié ça », marmonna-t-elle.

Ephiny l’étudia et sentit sa colère s’en aller lentement, remplacée par une vague de pitié et de dégoût. Ce n’était pas un monstre… c’était une adolescente pathétique et troublée. Elle soupira. Je ne veux plus la tuer. Elle fit tourner la pensée. Je veux juste lui mettre une claque sur le haut du crâne pour être aussi paumée.

Avec un soupir, elle se leva et se brossa. « Bonne nuit. »

Paladia leva les yeux, surprise. « Tu ne vas pas me battre ? »

Ephiny lui lança un regard de pitié. « Non. Je n’ai jamais été vraiment du genre garce. » Elle s’arrêta, une main sur la porte, puis elle secoua la tête et partit, laissant la chandelle vaciller dans son passage.


« Le soleil se lève », dit Gabrielle, nichée avec aise contre l’épaule de Xena.

« Mmhmm », acquiesça la guerrière avec un petit bâillement. « Je pense qu’on devrait rentrer… dire au revoir aux Amazones… tout ça. » Les yeux bleus de la guerrière étaient gris dans la lumière de l’avant-aube alors qu’elle regardait avec intérêt les nuages fins naviguer sur le ciel assombri. La lune s’était couchée il y avait quelque temps et elles étaient blotties sous la cape de Gabrielle pour se protéger du froid humide.

« T’sais… si quelqu’un m’avait dit hier que j’allais passer la nuit avec toi dans un arbre… ça m’aurait fait bien rire », lui dit la barde. « Mais, dieux… je suis contente que ce soit l’endroit exact où je suis arrivée… Xena, c’était… incroyable. »

La guerrière haussa un sourcil d’un air narquois. « Et bien… je vise à faire plaisir. »

Gabrielle ricana doucement et la tapa. « Pas ça… » Elle s’interrompit. « Et bien… oui, en fait, ça a été incroyable aussi… mais je veux dire tout ce truc… venir ici… la lune… la vue… la pomme. » Une autre pause. « Ça me rappelle que j’ai faim. »

Xena éclata de rire. « Comment je savais que ça allait venir ? » Dit-elle à l’arbre puis elle regarda son âme sœur. « Et bien… tu as utilisé pas mal d’énergie hier soir. » Elle mordilla l’oreille de la barde et sourit quand elle eut un rire en réponse. « Allons, partenaire… sortons de cet endroit et rentrons à la maison. »

La barde relâcha un long souffle tremblant. « Xena… nous sommes à la maison. »

Cela vint du fond de son âme et alla droit vers celle de sa compagne tandis qu’elle entendait l’arrêt dans la respiration de Xena et que les bras qui la tenaient se resserrèrent à un point presque insupportable.

Elle se sentait… entière. Pour la première dans ce qui semblait être une éternité. Et alors elle sourit contre la peau chaude sur laquelle elle était allongée et elle absorba la chaleur et l’émotion qu’elle pouvait sentir venir chez son âme sœur. « C’était si merveilleux. » Elle sourit d’un air joyeux.

« Oh oui », approuva Xena. « Puis-je ne faire que ça du reste de la journée ? »

Gabrielle chantonna de délice. « Et pourquoi pas le reste de nos vies ? »

« Ça me va », répondit aimablement la guerrière. Elle maintint son étreinte quelques minutes puis relâcha la barde à contrecoeur. « Mais… je présume qu’on ferait mieux d’aller les saluer. » Elle arrangea les mèches de la barde de ses doigts nonchalants. « Elles vont s’inquiéter. »

Gabrielle posa le menton sur la clavicule de sa compagne et réfléchit au problème. « Oh… très bien. » Elle fit semblant de soupirer. « On pourrait revenir ici de temps en temps ? »

Xena lui sourit. « Bien sûr. » Elle s’interrompit et caressa doucement les cheveux de la barde. « Tu es la première personne que j’amène ici. » Un hochement tranquille de la tête. « Je suis contente de l’avoir fait. »

Elles flottèrent les yeux dans les yeux pendant quelques inspirations, puis se relevèrent à contrecoeur, riant tandis qu’elles arrangeaient les vêtements bizarrement fermés et elles plièrent la cape de Gabrielle.

« Ouille. » Gabrielle regarda en bas. « Oh ! » Elle mit la main sur sa bouche. « Pauvre Arès. »

Xena se pencha et repéra le loup roulé en boule au pied de l’arbre. « Oh… par Hadès… il va être contrarié. » Elle tressaillit. « Je pensais qu’il rentrerait à la maison… il a dû trouver un chemin pour contourner le ravin.

« Yick », couina la barde. « Et bien…descendons… » Elle regarda la branche avec un manque distinct d’enthousiasme. « Comment se fait-il que c’est plus haut qu’hier ? »

La guerrière rit doucement et mit le bras autour des épaules de la barde, puis lui prit les genoux de l’autre bras et la tint contre elle. « Pas de problème. »

« Oh… Xena… non… » Protesta Gabrielle. « Je peux descendre… allons… tu vas te blesser. »

La guerrière prit une expression profondément meurtrie.

« Xena ! » Grogna son âme sœur. « Ne fais pas cette grimace… allez maintenant. »

Des yeux bleus de chiot la regardaient tristement. Avec une moue de la lèvre inférieure.

Gabrielle soupira et glissa les bras autour du cou de son âme sœur, la tenant fort. « J’abandonne. »

Xena sourit et s’avança sur le bord de son petit nid de corbeau, puis elle se lança dans les airs pour atterrir sur la branche basse suivant avec un talent décontracté. « Ok ? » Elle regarda le visage de Gabrielle et vit les yeux de la barde bien fermés. « Brave fille. » Elle avança de quelques pas sur la branche puis se laissa tomber sur la suivante, la sentant se courber dangereusement sous leurs poids combinés. Oh oh… attention Xena… tu n’es plus une adolescente malingre, tu te souviens ? Les deux branches suivantesfurent abordées sans problème et elle rebondit sur une branche finale avant le sol, les faisant bondir toutes les deux dans un saut paresseux avant d’atterrir dans l’herbe où Arès se précipita vers elles et les accueillit avec une haute indignation.

« Tu peux lâcher maintenant et ouvrir les yeux », dit Xena à sa compagne, qui ouvrit un œil vert et la regarda solennellement.

« Et… pourquoi… je voudrais faire ça ? » Demanda la barde en mettant le nez dans son épaule. « Je suis… parfaitement, parfaitement à l’aise. »

« Parce qu’Arès va te mordre les fesses », l’informa Xena tandis que le loup sautait et les faisait presque tomber toutes les deux. « Arès ! »

Gabrielle rit, mais relâcha sa prise, se mettant debout sur le sol avant de tapoter vigoureusement le loup. « Tu nous as suivies, hein ? » Elle embrassa le museau noir d’Arès. « Brave loup. »

« Roooo ! ! ! ! ! » Il dansa d’une patte sur l’autre en secouant la tête. « Grrrrrrrrrrrrr. »

Elles rentrèrent bras dessus bras dessous avec Arès qui gambadait devant elle.


Cyrène s’arrêta alors qu’elle était sur le point d’entrer dans la cuisine, regardant la salle principale de l’auberge d’un air perplexe. Elle changea de direction pour aller vers la table du fond, où une silhouette élancée et solitaire était tranquillement assise et regardait la lumière gris argenté de l’aube passer au rose. « Ephiny ? »

La silhouette se retourna et leva la main. « Bonjour. »

L’aubergiste se rapprocha en regardant l’expression tranquille et épuisée autour des yeux de la régente, et elle s’installa sur le banc près d’elle. « Tu es levée tôt. »

Ephiny haussa les épaules, les mains entourant une chope en bois. « Je ne pouvais pas dormir », admit-elle. « Je… » Son regard alla vers la fenêtre et s’alluma soudain. « Par Artémis… que les dieux soient remerciés. »

Cyrène se leva à demi et regarda dehors, à travers le brouillard matinal qui s’enroulait sur le sol mouillé, enrobant la cour de l’auberge de vrilles blanches. Le brouillard s’écarta en tourbillonnant alors que deux silhouettes familières le traversaient, bras dessus bras dessous, dans un rythme parfait. Elle rit. « Et bien, je crois que les choses se sont bien passées hier soir. »

Ephiny relâcha un long soupir qui atténua la tension dans son corps. « Je pense aussi », murmura-t-elle, sachant que ni la barde ni sa compagne n’avaient été à la maison du tout. Elle y était allée après sa petite rencontre pour trouver une cabane vide, avec les traces de Gabrielle qui menaient vers la forêt.

Le porche résonna avec écho tandis que deux paires de bottes le touchaient, puis la porte s’ouvrit  et Gabrielle entra, suivie par sa grande compagne. « Hé ! » Leurs regards vinrent sur elles. « On dirait bien que nous ne sommes pas les seules à être matinales. » Sa bonne humeur fut immédiatement évidente et son sourire contagieux lui valut un sourire en retour des deux femmes.

« Et bien, bonjour à toi, ma jolie. » Cyrène se mit à rire puis se leva. « Je vais démarrer… » Elle tourna un œil vers sa fille. « Viens par ici et rapporte une théière pour vous… épargne-moi de le faire, hmm ? »

Xena acquiesça d’un air aimable. « Bien sûr. » Elle suivit sa mère dans la cuisine, laissant Gabrielle et Ephiny se regarder par-dessus la surface boisée de la table.

« Alors. » Ephiny joua avec sa tasse. « Tout va bien ? »

Gabrielle lui fit un sourire éclatant. « Plus que bien. » Elle soupira joyeusement. « J’ai passé la nuit la plus incroyable. »

« Oui oui. » L’Amazone mit le menton sur sa main et regarda son amie. « Tu ne livres pas de commentaires sur ce sujet d’habitude, Gabrielle. »

« Hein ? » La barde la fixa, intriguée. « Oh… tch… » Elle leva les yeux au ciel. « Ce n’est PAS ce dont je parlais… » Elle réfléchit. « Principalement. » Un sourire dévoyé s’installa sur ses lèvres une brève seconde. « Non… on est allées à cet endroit où Xena avait l’habitude de traîner quand elle était enfant. »

Ephiny cligna des yeux. « Vraiment ? » Demanda-t-elle d’un air curieux. « Quoi… vous avez passé la nuit dans une grotte ou un truc comme ça ? Vous n’étiez pas à la maison… j’ai vérifié. »

Gabrielle pinça les lèvres. « On a passé la nuit là-bas, oui… » Elle mit le menton sur ses deux mains. « Ce n’était pas une grotte… plus comme… heu… et bien, un arbre. »

L’Amazone posa la tasse avec précautions et la regarda. « Un arbre ? Vous avez passé la nuit sous un arbre ? »

« Non. » Gabrielle secoua la tête.

« C’est bon… j’étais un peu inquiète pendant une minute. » Ephiny se mit à rire.

« Dans un arbre », dit la barde. « Dans ce truc en forme de nid tout en haut. »

Ephiny se contenta de la fixer et se massa les tempes. « Gabrielle, je ne viens pas de t’entendre dire ça. »

« C’était génial. » Son amie rit. « Nous avons regardé les étoiles… et c’est une vue géniale… il y avait cette pomme unique sur l’arbre alors on l’a mangée… et… » Là elle rougit, un flux de couleur saisissante sur son cou et son visage. « Hum… bref, c’est le vieux repaire de Xena… il y a des petits jouets et des peluches… c’est vraiment bien. »

« Gabrielle ? » Ephiny la fixait.

« Oui ? » La barde sourit en tournant le visage pour capturer la première chaleur riche du soleil qui passait par la fenêtre, éclairant son visage d’une lueur dorée.

« Tu babilles », dit l’Amazone, mais très doucement, tandis qu’elle regardait la barde fermer les yeux et s’imprégner de la lumière. Pour une raison quelconque, cette vue amena des larmes piquantes à ses yeux. « Tu vas bien ? »

Un hochement de tête. « Dieux… comme jamais. » Gabrielle tourna à nouveau son sourire radieux vers elle, incapable de le contenir. « Je suis désolée… je présume que je n’ai pas l’air très sensée. »

« Non. » Ephiny rit un peu. « Ce n’est pas le cas… qu’est-ce qui t’est arrivé cette nuit ? Tu as l’air… » Elle hésita, essayant de trouver le mot. « Toute pétillante. »

La barde soupira d’aise, savourant la lumière du soleil. « Je sais… c’est juste que… je ne peux pas l’expliquer. On a juste eu une vraie bonne nuit… c’est tout. Pour commencer… » Elle sourit d’un air espiègle. « Ton souhait va être réalisé… si les Amazones supportent que leur Reine prenne une consort. »

L’Amazone cligna des yeux. « Sans blaguer, c’est vrai ? »

Un autre grand sourire. « Ouais. »

« Très bien ! En avant, Gabrielle ! » Ephiny rit, pour la première fois depuis ce qui semblait être des semaines. « C’est génial… et, oh… quelle fête ça va être. » Elle attrapa la main de la barde. « C’est une bonne décision… ça va rendre des choses plus faciles. »

Un regard direct. « Je compte bien là-dessus », répondit-elle. Leurs regards se croisèrent puis Ephiny baissa le sien.

« Je… » La régente leva les yeux pour voir des yeux verts brume qui semblaient, aujourd’hui, briller d’un feu intérieur qu’elle n’y avait pas vu depuis bien longtemps. « J’ai parlé à… Paladia… hier soir. »

Les doigts mêlés aux siens se resserrèrent. « Je savais que tu pouvais le faire », dit Gabrielle doucement.

Ephiny prit une inspiration profonde. « Oui, et bien… » Elle réfléchit sobrement en regardant le bois de la table. « C’est une gamine stupide et effrayée, Gabrielle. »

« Je sais », répondit la barde d’une voix tranquille. « Je ne pense pas que… je pense que c’était… je ne pense pas qu’elle ait eu beaucoup d’amis… avant… et… elle est vraiment gâchée. »

Un silence long et contemplatif tomba entre elles.

« Je vais la ramener chez les Amazones avec moi », finit par dire Ephiny en carrant les épaules et en levant le menton. « Je ne vais pas laisser ce gâchis devant ta porte. »

La barde plissa le front. « Tu… n’as pas à faire ça, Eph… nous pouvons nous en occuper ici. » Intérieurement, cependant, elle se réjouissait, voyant une solution à deux côtés à ce problème, avec les Amazones qui pouvaient recueillir une guerrière potentielle bien qu’à contrecoeur, et pour Paladia une chance d’avoir des amies parmi ses égales. « Bien que… elle pourrait bien être assez grincheuse pour être une Amazone. »

Ephiny lui lança un regard ironique. « Oh… merci, Gabrielle », commenta-t-elle avec sarcasme, mais elle sourit quand même. « Je présume que tu en fais bien partie aussi, hein ? »

Gabrielle sourit. « Parfois », acquiesça-t-elle. « Que pense Pony de la ramener là-bas ? »

Ephiny se frotta le bord du nez. « Eeeet bien… je pensais qu’elle allait semer toutes ses plumes, mais après y avoir réfléchi un moment, elle a, en quelque sorte, sorti l’un de ses grognements ‘Hé ce ne serait pas si mal’. Ça m’a un peu surprise… » Elle pinça les lèvres. « Ensuite, elle demande si ça signifie que Paladia devra s’entrainer avec des armes et je me rends compte qu’elle a ces joyeux petits rêves tout éveillée d’utiliser cette fille comme mannequin pendant les heures de bâton. »

La barde s’esclaffa puis mit la main sur sa bouche. « Ce n’est pas drôle. »

Les boucles blondes d’Ephiny volèrent quand elle secoua la tête. « Non, pas du tout. »

Elles se regardèrent et ricanèrent. « Les Amazones », soupira Gabrielle. « Il faut qu’on les aime. »

La régente rit doucement. « Oh oui. »

Gabrielle leva les yeux puis se mit debout. « Je ferais mieux d’aller secourir ma meilleure amie des mains de sa mère. » Elle renifla pensivement. « Elle se fait sûrement houspiller pour s’être échappée et avoir boudé comme une gamine. »

Ephiny prit une inspiration. « Oui… envoie-la moi. Il faut que je lui parle un moment. »

La barde lui tapota la main. « Ne t’inquiète pas… elle est de très bonne humeur. » Elle se dirigea vers la cuisine d’un pas décontracté.

La régente la regarda avec affection. « C’est sûr… elle a passé toute la nuit dans un arbre avec toi… comment elle pourrait ne pas être de bonne humeur ? » Dit-elle à l’air vide.


Xena suivit Cyrène dans la cuisine en chantonnant.

Sa mère se retourna aussitôt la porte fermée et la regarda pensivement. « Tu es de bonne humeur. »

Les yeux bleus clignèrent puis Xena sourit. « Je crois que oui. » Elle se percha sur le bord de la table de travail. « Désolée pour hier soir. »

L’aubergiste mit une marmite d’eau à chauffer et se retourna pour lui faire face, les bras croisés sur sa poitrine. « Tu peux t’excuser… Mettre Gabrielle dans tous ces états toute la nuit comme ça… Quelle honte, Xena. »

De manière inattendue, un sourire détendu apparut sur les lèvres de la guerrière. « J’ai fait le nécessaire avec elle », assura-t-elle sa mère. « Mais… oui… je ne voulais pas faire ça… je suis allée à cette ancienne place… et je heu… » Un haussement d’épaules. « J’ai fait la sieste. »

Cyrène la fixa puis éclata de rire. « Tu te moques de moi. »

« Non… » Admit sa fille penaude. « Et quand je me suis réveillée… je voulais repartir… mais Gabrielle m’attendait sur le chemin, alors je l’ai remmenée là-bas pour qu’elle voie l’endroit. » Elle soupira paisiblement. « On a fini par s’y installer. »

« Attends. » Cyrène tendit la main. « Ce n’est pas… cette histoire de… d’arbre, si ? »

Un hochement de tête.

« Xena ! Tu n’es pas en train de me dire que tu as gardé cette pauvre fille dans un arbre toute la nuit ! » Accusa Cyrène. « Elle avait mal à la gorge… tu voulais qu’elle tombe malade… comment… je ne peux pas… dieux, Xena, comment tu peux être aussi irresponsable ! »

La réponse de Xena fut inattendue. Elle sourit doucement à sa mère. « Oui… c’était vraiment irresponsable », admit-elle facilement. « Mais elle va bien… elle avait une cape et je me suis assurée qu’elle était bien au chaud. »

La mâchoire de Cyrène s’affaissa et elle s’avança pour s’asseoir près de sa grande fille. « Tu vas bien ? » Elle tâta le front bronzé. « Tu te comportes étrangement. »

« Oh oui », l’assura la guerrière. « Je me sens en pleine forme. » Elle ferma les yeux et laissa le souvenir de ce qu’elle et Gabrielle avaient partagé la traverser. « Très grande forme », marmonna-t-elle doucement, en ouvrant les yeux à contrecoeur pour voir l’expression perplexe de sa mère. « Heu… désolée. » Elle s’éclaircit la voix. « Tu me demandais quelque chose ? »

Cyrène se contenta de hocher la tête. « Je te jure, toutes les deux on dirait des adolescentes lunatiques parfois. »

Xena sentit une rougeur monter et elle se leva, bougeant les cheveux pour la masquer. « Oui… et bien… Gabrielle n’a pas eu une enfance géniale et la mienne a été un peu courte… alors… » Elle haussa les épaules. « Parfois… si on en a l’occasion… on joue simplement un peu toutes les deux. » Elle s’interrompit et fixa pensivement dehors. « On n’en a pas eu l’occasion souvent ces derniers temps. »

Sa mère tourna un regard  contrit et compatissant vers elle. « Ma chérie, je suis désolée… je te taquinais. » Elle mit la main sur le dos de sa fille et massa doucement. « Je pense que c’est merveilleux que Gabrielle fasse ressortir l’enfant en toi. »

La porte craqua et des yeux verts brillants apparurent. « Quelqu’un parle de moi ? » La barde se glissa à l’intérieur et laissa la porte se refermer derrière elle.

« C’est bon », dit Xena d’une voix traînante. « Elle a fini de crier. » Elle lança un regard vers sa mère. « Et tu ne m’as pas dit que tu ne te sentais pas bien hier soir. »

Gabrielle s’approcha et s’appuya contre sa compagne. « Je n’ai dit à personne que je ne me sentais pas bien hier soir… tout ce que j’ai dit c’est que ma gorge était douloureuse parce que je ne me sentais pas l’envie de raconter des histoires », corrigea-t-elle avec un sourire. « Tout le monde a interprété ensuite. »

« Petit diable. » Cyrène leva les yeux au ciel et alla préparer le thé.

« Elle pense que nous agissons comme des gamines », l’informa Xena sobrement. » Irresponsables. »

«  Nan… ce n’est pas irresponsable », objecta la barde puis elle se lança soudain en l’air comptant sur les réflexes de Xena pour la rattraper.

Ce que fit la guerrière, les yeux écarquillés, tandis que Gabrielle entourait son cou de ses bras et souriait. « Là… ÇA c’était irresponsable. » Elle attira la tête de la guerrière et l’embrassa, ignorant le reniflement de surprise de Cyrène. « Et ça aussi », murmura-t-elle tandis qu’elles se séparaient et se regardaient dans les yeux.

« Tu sais… je me souviens d’une époque où tu était mortellement embarrassée de simplement penser à ma mère nous voyant dormir ensemble dans le même lit », commenta Xena, amusée, en entendant le rire ironique de Cyrène derrière elle. »

Gabrielle ricana doucement. « Je pense que j’ai passé ce stade. » Elle détourna son regard de celui de Xena et regarda par-dessus l’épaule de la guerrière. « Salut maman. »

Cyrène s’avança en faisant tourner une jarre de thé en terre cuite épaisse qui fumait avec une bonne odeur, et elle étudia la barde nichée en sécurité dans les bras puissants de Xena. Le soleil passait par la fenêtre et les baignait toutes les deux de lumière et elle hocha la tête. « Mignonne, tu es vraiment quelqu’un. » Elle sourit à la barde qui était inhabituellement radieuse dans la lumière. « Descends de là et viens prendre ton petit déjeuner. »

« Ooh. » Gabrielle étreignit sa compagne qui la libérait. « C’est génial… hé… » Elle se tourna vers Xena. « Va saluer Eph. »

Xena soupira. « Ah. Ok. »

La barde leva les yeux au ciel. « Laisse-la en finir avec ça, tu veux bien ? Elle emmène Paladia avec elle… elles ont parlé hier soir. » Elle s’interrompit. « Oups… je présume que j’aurais dû te dire ça d’abord, hein ? »

La guerrière ferma les yeux et se détendit. « Oui. » Elle se redressa puis tapota la joue de son âme sœur. « Je reviens. » Elle sortit, tirant d’un coup sec sur la porte avant de la laisser se refermer derrière elle.

Cyrène posa le pichet puis alla vers la réserve et en sortit une miche de pain épicé aux fruits ainsi que du fromage de chèvre. « Un problème ? » Demanda-t-elle tranquillement, en posant le tout avant de presser l’épaule de la barde.

Gabrielle coupa proprement quelques tranches du pain et en tendit une à Cyrène, étalant le fromage à la saveur douce sur la sienne avant d’en prendre une grosse bouchée. « Mmmm… » Elle mâcha un instant avant de répondre à la question de l’aubergiste. « En quelque sorte », lâcha-t-elle. « Plutôt une incompréhension… je pense… » Elle accepta la tasse de thé que Cyrène lui tendait. « Merci… mais c’est réglé maintenant… les choses se passent plutôt bien. »

« Mm. » Cyrène brisa lentement un morceau de son pain et le mordilla. « Ta mère… est très… anxieuse… à ton sujet, ma chérie. »

La barde prit une gorgée du thé. « Je sais », répondit-elle calmement. « Je vais passer quelques jours avec elle quand nous prendrons la route pour aller voir les nouveaux enfants de Jessan. » Elle mâchouilla son pain. « Je pense qu’elle ne s’est jamais attendue à ce que je grandisse. »

L’aubergiste eut un sourire ironique. « Non… je ne m’y suis jamais attendue pour Xena, moi non plus », confessa-t-elle, puis elle rit. « Parfois je la regarde et mes yeux voient une petite fille, habituellement couverte de boue, qui me regarde, les sourcils froncés. »

« C’était une terreur, pas vrai ? » Gabrielle gloussa. « Je peux le voir maintenant. »

« Oh… ma chérie, tu n’en connais pas la moitié. » Cyrène soupira puis s’interrompit et remua une écharde du bois sous ses mains. « Ecoute… Gabrielle… tu veux bien me rendre un service ? »

« Bien sûr », répondit la barde. « Tout ce que tu veux. »

« Très bien. » Cyrène se pencha en avant. « Je veux que tu écrives cette histoire… »


Ephiny entendit la porte s’ouvrir et elle tourna la tête pour voir Xena qui avançait dans la chambre. Elle avait répété plusieurs fois son petit speech dans les minutes qui précédaient, mais les mots lui manquèrent tandis qu’elle regardait la grande guerrière marcher vers elle d’un pas puissant et fluide. Xena traversa des barres de la lumière matinale qui la peignaient en rose et gris perle. Avant qu’elle ne le réalise, les yeux bleu clair étaient à une faible distance et elle se trouva incapable d’énoncer même un salut sous ce regard ferme.

Xena se rendit compte de l’inconfort d’Ephiny et elle jeta un coup d’œil alentour avant de se laisser tomber dans le fauteuil près d’elle, une jambe passée par-dessus l’accoudoir, essayant d’installer une nonchalance ordinaire. « Comment tu te sens ? » Voilà… c’était une ouverture plutôt raisonnable… pas vrai ?

L’Amazone la regarda. « Comme une crotte de Centaure séchée », répondit-elle tranquillement. « Pour avoir été une harpie vindicative à l’égard de quelqu’un qui ne le méritait vraiment, vraiment pas. » Elle baissa le regard vers la table. « Tu essayais de m’aider et tu avais raison, et moi j’étais une abrutie. »

Et bien, songea Xena. « J’étais connue pour être moi-même une abrutie plus d’une fois », répondit-elle. « Tu n’as rien dit qui ne soit vrai, Eph. »

« Ouais… » Ephiny posa son menton sur un poing. « Mais ce n’était pas toute la vérité… je ne regardais qu’une seule face de la pièce… j’ai oublié qu’il y en avait deux. »

Xena hocha un peu la tête, acceptant ce fait. « L’eau est passée sous le pont. » Elle leva la main et la laissa retomber contre la table. « Pas de rancune… tu subissais beaucoup de stress. »

L’Amazone soupira. « On va dire ça alors… peut-être que quand vous viendrez nous rendre visite, on se prendra une cuite ensemble, hein ? »

La guerrière sourit tranquillement. « Volontiers. »

Un silence embarrassé s’installa sur elles. Ephiny déglutit plusieurs fois puis leva les yeux, étudiant le visage ombrageux de Xena et l’expression de prudence dans ses yeux et elle se rendit compte que ce n’était pas quelque chose qu’elle pourrait réparer en quelques minutes.

Si elle le pouvait jamais.

Bon sang, pourquoi les choses devaient-elles toujours être si compliquées ? « Je présume que tu as appris que nous allions emmener… Paladia avec nous », commenta-t-elle doucement.

« Gabrielle me l’a dit, oui », répondit Xena. « Ça te va ? »

Ephiny se frotta les tempes. « C’était mon idée alors il vaut mieux, hein ? » Elle leva les yeux en soupirant. « Oui… je pense que je peux dépasser ça… je heu… » Elle se mâchouilla la lèvre. « Pony m’a dit qu’elle était venue te voir pour avoir de l’aide… je présume que je ne me rendais pas compte de comment elle allait… j’ai dû être… très mauvaise. »

« Ouuui… » Un léger rire. « Toutes les deux on a eu une discussion sensible, tu aurais dû voir ça. » Les yeux de Xena prenaient maintenant une touche d’amusement. « C’est une bonne personne, Ephiny… et elle tient rudement à toi. »

La régente finit par sourire. « Je sais fichtrement pas comment c’est arrivé. »

Xena eut un sourire à contrecoeur. « Elle t’a surprise, hein ? »

Elles se regardèrent et rirent un peu. « Il est temps de partir », finit par dire Ephiny, après un second silence embarrassant alors qu’elle entendait la porte derrière elles s’ouvrir et qu’elle vit la silhouette familière d’Eponine qui portait leurs affaires. « Je vais chercher Cait… elle était plutôt contrariée que j’emmène Paladia avec nous… je pense qu’elle veut l’utiliser comme mannequin d’entraînement ou un truc comme ça. »

Xena se leva et tendit la main pour l’aider à se lever. « Je vais la chercher. » Elle échangea un signe de la tête avec Gabrielle qui était sortie de la cuisine en portant une assiette et un pichet. « Il vous faut quelque chose de chaud à boire. » Et sur ces mots, elle fut partie, glissant dehors avec une économie fluide de mouvements que tous regardèrent avec une franche envie.

Gabrielle posa son fardeau et regarda Ephiny pensivement. « Xena et toi ça va maintenant ? »

La régente étudia la tasse que la barde lui tendait et soupira. « Non… mais peut-être qu’un jour ce sera le cas. » Elle lança un regard ironique à Gabrielle. « Tu lui glisses un mot gentil pour moi, d’accord ? »

Le reste des Amazones arrivait maintenant, avec une Granella ensommeillée qui avait mis un châle tissé sur ses épaules et mit les mains sur celles d’Ephiny, massant doucement la tension visible par toutes. « Eph… la prochaine fois, tu te contentes de nous rendre visite, d’accord ? Pas de catastrophes. »

La régente lui lança un regard. « La prochaine fois, je prends une escorte d’une douzaine d’emplumées et elles me portent jusqu’ici emballée dans de la laine d’agneau. »

Elles finirent le thé et le pain et se rassemblèrent dehors où un jeune garçon attendait avec incertitude, les rênes d’un hongre gris serrées dans ses mains. « Mesdames ? » Bredouilla-t-il avec hésitation.

Sept paires de sourcils sceptiques se haussèrent tandis qu’elles le regardaient et il rougit. « Ce n’est pas pour vous toutes. » Il poussa les rênes vers Ephiny. « Xena a dit. »

Ephiny ouvrit la bouche pour protester, mais Eponine s’avança devant elle et captura avec soin les bandes de cuir. « Merci. » La maîtresse d’armes lui fit un sourire cavalier. « Juste ce dont nous avions besoin. »

« Si tu penses une seule fichue minute… que je vais monter sur cette chose, tu es cinglée. » Ephiny se pencha et lui murmura dans l’oreille.

« Oh… allez, Eph… » Marmonna Pony en retour. « Tu m’as dit toi-même combien tu avais mal à la tête ce matin… et que tu étais encore un peu embrumée au niveau des yeux… mets la en veilleuse et monte. »

« Pas de toute ta vie », répliqua la régente ensuite elle partit, mais sentit une main chaude s’enrouler autour de son avant-bras. « Oh… salut Gabrielle. »

« Salut. » La barde mit le bras autour de ses épaules et l’entraîna un peu loin du groupe. « Je… et bien, tu le sais, je n’aime pas trop les chevaux non plus. »

« C’est fichument vrai. » Ephiny hocha la tête. « Je marche sur mes deux pieds quand tu veux. »

« Mm… » Gabrielle acquiesça. « Mais… j’ai appris au fil des ans… que quand Xena me dit de faire quelque chose… c’est habituellement pour une bonne raison. » Elle s’interrompit. « Pas toujours, mais souvent. » Son regard croisa celui d’Ephiny. « Je me sentirais bien mieux si je savais que tu ne te fatiguais pas trop sur le chemin du retour. » Une pause. « S’il te plaît ? »

Ephiny la regarda les sourcils froncés. « C’est ça que tu fais à Xena, pas vrai ? Tu la charmes pour qu’elle soit totalement soumise. »

La barde sourit d’un air charmeur.

« Ça ne va pas marcher sur moi, Gabrielle », l’assura Ephiny.

Une étincelle apparut dans les yeux vert clair tandis que la barde la fixait.

« Oh… par les sabots fendus du Centaure », jura la régente. « Bien… bien… je vais le faire. » Elle secoua la tête. « Tu es trop. »

Gabrielle rit doucement. « Merci. » Elle étreignit Ephiny. « Ne t’inquiète pas pour Xena, d’accord ? » Murmura-t-elle dans l’oreille de la régente. « Je pense qu’elle aime vraiment bien les Amazones… c’est juste qu’elle doit jouer un rôle, tu sais ? »

Ephiny lui rendit son étreinte avec force, étonnée, comme à chaque fois, de la force dans le corps de la barde. « Je sais », répondit-elle. « Tu prends soin de toi, d’accord ? »

« Je le ferai », répondit Gabrielle d’une voix sûre et solide. « Tu laisses Pony prendre soin de toi, d’accord ? »

La régente la relâcha et prit une expression coriace. « Je suis une guerrière amazone, Gabrielle… je peux prendre soin de moi toute seule », annonça-t-elle en mettant les mains sur ses hanches. Puis elle laissa un sourire effacer son expression. « Mais je suppose que je peux faire une petite exception pour une requête de ma Reine. » Elle pencha la tête et regarda le soleil qui émergeait et peignait la cour d’une lumière couleur vermeille. « J’ai hâte d’être au Festival, Votre Majesté. »

La barde se mit à rire. « Oh… bien… moi aussi… et… » Elle baissa la voix avec un clin d’œil cavalier. « Je vais revoir ces vêtements en cuir d’Amazone sur Xena. »

La régente remua les sourcils. « Mmmm… bien vu. »

Elles revinrent près du hongre brun grisâtre qui se tenait patiemment là où elles l’avaient laissé, tournant sa tête occasionnellement pour regarder Eponine qui chargeait leurs affaires sur son dos large. Solari et Teena s’avancèrent avec une Paladia hagarde et échevelée entre elles, les fers fermement attachés sur ses poignets malgré son bras blessé.

Ephiny carra les épaules et leva la tête tandis qu’elle regardait leur prisonnière. « Si tu te tiens bien, je pourrais décider de détacher un bras », avertit-elle la renégate, ensuite elle alla jusqu’au côté du hongre et leva les mains pour attraper sa crinière et la selle, et elle se projeta sur son dos dans un mouvement fluide et puissant. Elle installa ses genoux et prit les rênes d’une main, puis elle pencha la tête vers Gabrielle. « Ne me dis pas que Cait a réussi à échapper à la plus grande pisteuse du monde habité. »

Gabrielle plissa le visage dans un doux sourire. « Elles devraient être là bientôt. »


Elle était facile à trouver, songea Xena, en suivant les traces légères et presque invisibles du passage de Cait, vers une petite clairière à demi cachée qui surplombait les abords du petit moulin d’Amphipolis. Là, au milieu des rochers couverts de mousse, et du vieux bois couvert d’algues vertes musquées, elle trouva la jeune fille élancée blottie et qui envoyait des cailloux dans le flot bouillonnant.

« Salut. » La guerrière se laissa tomber sur le rocher tout près et prit une pierre plate, l’examina, puis la lança d’un coup rapide de côté du poignet. Elle glissa sur l’eau et rebondit, finissant de l’autre côté, en équilibre précaire.

« Salut », répondit Cait, en ramenant ses genoux sous son menton, un bras enroulé autour. « Je suis vénère. »

« C’est ce que j’ai compris », répondit Xena en ramenant sa jambe pour y poser son avant-bras. « Pourquoi ? »

La jeune fille lui lança un regard qui aurait pu rivaliser avec l’un des siens. « Cette truie va s’en sortir… ce n’est pas juste, Xena… ce n’est pas juste et ce n’est pas correct. »

La guerrière réfléchit. « Le fait qu’elle va au village… ne veut pas dire qu’elle s’en sort, Cait… je pense qu’Ephiny a quelque chose en tête. »

« Mais ce n’est pas juste ! » Insista Cait. « Elle a fait des choses horribles… elle devrait payer pour ça ! » Elle se tortilla et fit face à Xena, son expression très sérieuse. « Où est la justice ? Après ce qu’elle a fait à Ephiny, elle devrait être battue jusqu’à ce qu’elle saigne à fond, Xena. »

Xena prit une profonde inspiration. « Cait… elle a été blessée… ce bras va lui causer des problèmes pendant longtemps… peut-être qu’elle apprendra quelque chose de tout ce bazar. »

Un ricanement. « J’en doute. » Cait plissa le front. « Cette engeance ne change jamais… on va juste se retrouver avec quelque chose à faire d’elle plus tard. »

La guerrière regarda ses mains. « Tu ne penses pas qu’elle a une occasion de se racheter ? »

« Non », répondit Cait d’un ton fort. « Elle est pourrie, Xena… je pense qu’on devrait la lapider et la laisser en pâture aux vautours. »

Xena hocha lentement la tête puis la leva pour capturer le regard de Cait, utilisant son pouvoir perçant pour maintenir l’attention de la jeune fille. « Si Gabrielle pensait comme toi… je serais au Tartare à cette heure-ci. »

C’était la dernière chose à laquelle Cait s’attendait et elle hoqueta, clignant des yeux de confusion. « Mais tu n’es pas… »

La guerrière s’avança, pressant les épaules de Cait contre le rocher avec des mains douces, mais inflexibles. « Oh… si je le suis, Cait… je suis bien pire que cette pauvre et stupide Paladia ne sera jamais », murmura-t-elle. « J’ai tué des milliers de gens et blessé encore plus… et là maintenant, en cet instant, je serais sur une croix, tourmentée au Tartare à l’exception d’une seule… petite… et insignifiante chose. »

Cait prit des inspirations profondes et rapides, essayant de ne pas trembler. « C… c’était quoi ? »

« Quelqu’un croyait en moi. Et dans ma capacité à changer ce que j’étais, et à expier pour ce que j’avais fait », répondit Xena, très doucement. « Alors ne baisse jamais les bras devant les gens, Cait… oui, Paladia a fait des mauvaises choses, mais elle mérite une seconde chance.

« Une… seconde chance ? » Demanda Cait doucement.

« Oui… » Xena la relâcha et lui tapota doucement l’épaule. « Parfois, tout ce qu’il faut c’est une amie. »

Les yeux gris clair la fixaient. « Tu ne parles pas de moi. »

Un léger sourire étira les lèvres de la guerrière. « C’est à toi de voir. »

Cait machouilla sa lèvre. « Dieux, Xena… je pense que je peux juste promettre de ne pas la tuer. » Elle s’interrompit, pensivement. « Pas maintenant, en tous cas… mais… » Elle leva les yeux vers le regard bleu triste. « Mais… mais… » Un soupir orageux explosa de sa bouche. « Oh, bon… laisse tomber. » Elle fronça les sourcils. « Pas de promesses sauf de ne pas la tuer. »

Xena sourit. « Merci. »

Un froncement plus grand. « Nous n’allons PAS être amies. »

Les yeux de la guerrière brillèrent un peu. « Très bien… fais de ton mieux. » Elle se leva et tendit la main à Cait, que la jeune fille prit avec une grâce surprenante, riant un peu quand Xena la souleva avec facilité. « Allez… on ne peut pas dépendre de ces Amazones pour qu’Ephiny soit en sécurité, pas vrai ? »

« Elles ne font pas du bon boulot, non », répondit Cait d’un point de vue pratique. « Mais elle n’y met pas du sien… tu sais ? »

Xena mit la main sur son dos et la guida vers l’auberge. « Et bien… garde un œil sur elle pour moi, ok ? »

Cela lui valut un grand sourire. « D’accord. »

Xena lui sourit à son tour et passa un bras autour de ses épaules, la rapprochant tandis qu’elles marchaient. « Je vais te dire une chose… nous venons pour le Festival des Moissons. Si tu penses qu’elle mérite plus de punitions à ce moment-là, tu me le dis quand je viens et je m’en occuperai pour toi, Ok ? »

Cait était bien trop occupée à se rassasier de la chaleur inattendue de l’étreinte de Xena pour même entendre ce qu’elle disait. « Ok », répondit-elle d’un air rêveur, pensant pour la centième fois à combien la Reine Gabrielle était vraiment chanceuse. Elle entoura la guerrière de ses bras et l’étreignit à son tour tandis qu’elles marchaient en silence, sortant de l’épaisse forêt pour entrer dans la zone ouverte à l’arrière de l’auberge et contournant le coin pour trouver le groupe d’Amazones qui les attendaient.

Xena la serra une dernière fois et effleura le haut de ses cheveux clairs de ses lèvres. « Allez… » Elle tapota la jeune fille sur le dos et relâcha sa prise et Cait s’éloigna, mais pas sans un regard timidement dévoué dans la direction de Xena.

Gabrielle la rejoignit, passant un bras autour de sa taille et faisant signe de l’autre main. « Bon voyage. »

Cait prit place près de leur prisonnière, mais pas sans un regard de martyre dans la direction de Xena et elle prit l’une des lanières auxquelles Paladia était attachée. « Un méchant commentaire et je… » Cait s’interrompit et soupira. « Laisse tomber… tiens-toi bien, c’est tout, compris ? »

Paladia fronça les sourcils puis elle regarda vers Xena et Gabrielle. « C’est votre vengeance, hein ? » Demanda-t-elle d’un air morose. « Je vais devoir écouter ça pour l’éternité ? »

Cait secoua le lien. « Tu t’adresses à elle, tu dis… Votre Majesté. »

Solari se mordit très visiblement la lèvre pour s’empêcher de rire.

« Et ben… quelqu’un doit bien t’apprendre à être une bonne Amazone », dit la jeune fille d’un ton raisonnable. « On a beaucoup de temps pour ça. » Elle tira sur le lien lorsqu’elles démarrèrent. « Et d’abord, tiens-toi droite. »

Paladia  grogna et trébucha en essayant d’avoir du mou avec le lien.

« Deuxio, regarde où tu mets les pieds… tu ne vas pas glisser sans arrêt », l’instruisit Cait, sa voix diminuant alors que les Amazones avançaient. « Dieux… traîne pas des pieds si tu peux. »

Gabrielle rit doucement tout en s’appuyant contre sa compagne et elle gratta les oreilles d’Arès qui venait juste de les rejoindre en trottinant. « Ça va être une vraie torture. » Elle regarda Xena. « Tu penses que c’était sympa de notre part ? »

Xena sourit. « Je pense que tout va bien se passer. » Elle se retourna et regarda sa compagne. « On va prendre le petit déjeuner ? »

« Oh oui… » Acquiesça Gabrielle d’un ton enthousiaste. « Ma famille est là-bas… allons jouer avec notre nouveau neveu. » Elle tira son âme sœur vers la porte. « Ma mère pense que mes vêtements manquent tristement de… elle appelle ma tenue habituelle ‘des vêtements de prostituée’ et elle était scandalisé par le fait que j’aime porter tes chemises. »

« Vêtements de prostituée ? » Xena éclata de rire. « Oh… bon sang… »

« Oui… » La barde soupira alors qu’elles montaient les marches suivies par Arès. « Elle s’affaire à me faire une jupe. »

« Une de ces longues-là, hein ? » Dit Xena en attrapant la poignée pour la tirer vers elle.

« Oui… avec des chatons. » Gabrielle leva les yeux au ciel. « Je pense que je vais l’utiliser comme  un accessoire pour une histoire. »

« Comme quoi ? » Demanda Xena en souriant à l’odeur de pain épicé chaud.

« Une tente. » Répondit la barde avec un sourire. « J’ai cette super histoire… et je pense que tu vas adorer. »

« Ah oui ? »

« Oui… c’est au sujet de cette petite fille courageuse… et il y a des chevaux et une inondation… et un caillou… et un frère… et ça commence comme ça… »


Fin

 

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Commentaires
T
J'adore la perspective de Xena en Reine consort, sans oublier Cait et Paladia ça promet. Belle fin sur l'histoire de Xena sauvant la vie de son petit frère. Encore MERCI pour le boulot énorme de traduction Fryda.
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F
De l assiduité disais je :-) de nombreuses années en effet. Merci encore pour les retours. F.
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E
Merci beaucoup Fryda ! C'est une copine qui m'a fait découvrir les histoires de Missy, qui ont déjà un certain nombre d'années et grâce à vous et vos traductions je me régale, c'est un vrai bonheur ! J'espère que nous aurons la suite ☺
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T
Super traduction comme toujours, merci de nous avoir fait partager cette fic Fryda :)
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F
Merci a vous pour votre assiduité et vos commentaires qui m incitent toujours a continuer. Et merci pour Missy :-)
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