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19 juillet 2019

Cible mouvante, chapitre 17

Cible Mouvante (Moving Target)

Chapitre 17

(Reprise de la) Traduction : Fryda (juillet 2019)

Avertissements : il a dû y en avoir avec la partie 1, je ne les renouvelle pas ici.

NdlT : à compter de ce chapitre, la traduction se fait sur la totalité des textes des parties, il n’y a plus de sous-parties comme précédemment. De fait le délai entre deux chapitres sera peut-être un peu long car je traduis sur mon temps libre (et en parallèle à une autre histoire de Missy, le Cercle de la Vie).

Merci à Gaby pour la somme de travail qu’elle a jusqu’ici mise au service de la traduction de cette histoire toujours aussi haletante chez Missy Good. Et merci à Kaktus pour sa fidélité d’éditrice. A mon tour de jouer J

*********************************

« D’accord. Alors j’ai quelques questions », dit Pat Cruickshank tandis que la serveuse posait deux minuscules tasses de thé. « Prête ? »

Dar était dans le siège du coin arrière, un bras posé sur le dossier du banc et ses jambes allongées presque jusque dans l’aile, mettant en danger la qualité du service. « Vous pouvez toujours demander », dit-elle. « Aucune garantie que je réponde. » Elle prit la petite tasse et la posa devant elle, versant un paquet de sucre avant d’oser prendre une gorgée.

« Première question », continua la journaliste. « Comment se fait-il que vous alliez dans un restaurant de sushis sans commander de sushis ? »

Dar haussa les sourcils. « Des sushis crus, vous voulez dire ? »

« Ouais. »

« J’ai nagé dans l’eau dont ils tirent ces poissons », répliqua Dar avec un rapide éclair de dents blanches. « Je prends les miens cuits, merci. »

La femme en face d’elle réfléchit à ces mots puis elle fit la grimace. « Vous avez idée de ce que vous venez de faire à mon amour du thon cru ? »

« Vous avez demandé », dit Dar « Alors laissez-moi vous poser une question. »

Cruickshank eut l’air légèrement circonspect. « D’accord. »

« C’est quoi votre angle là-dedans ? Juste un point de vue adverse ? » Dar observa le visage de la journaliste sans en avoir l’air, la tête levée sur une main. « Je suis gavée de ces jeux et ça inclut les petits journalistes négligés qu’ils envoient sans cesse pour embêter mon personnel. »

La femme noire se regarda puis retourna son regard vers Dar, un sourcil levé. « Vous parlez à moi ? » Elle montra sa poitrine de son pouce.

Dar recourba les lèvres « Vos prédécesseurs », expliqua-t-elle.

« Et bien. » La journaliste croisa les mains sur son bloc-notes. « Oui, c’est un point de vue adverse et c’est utile pour l’histoire. »

« Ah. » Dar se sentit un peu désappointée. Elle avait espéré que l’équipe de tournage avait commencé à voir à travers la façade d’opprimées de Michelle et Shari. « Oui, je présume que quelqu’un doit interviewer Goliath et avoir cette perspective. »

Cruickshank rit doucement. Elle regarda la serveuse qui revenait, apportant des plateaux de sushis variés. « Merci. » Elle regarda son thon et puis Dar.

Dar mit un morceau d’œuf bien cuit sur du riz dans sa bouche et fit un clin d’œil.

La journaliste abandonna son assiette un moment et se concentra sur sa compagne de table. « Mais vous savez, j’ai eu à faire toutes sortes de vidéos d’arrière-plan et tout ça sur vous pour cette histoire, depuis que vous avez été désignée pour être ce vilain méchant et tout ce que j’ai pu en tirer vous montrait comme cette dame chevalier en armure scintillante qui sauvait les fesses de tout le monde sur la télévision nationale. »

Dar mâcha son sushi et garda un visage figé. « Il y a des films de moi en train de manger des chatons, mais on ne va pas les lâcher à la presse. C’est trop dérangeant. »

Un autre rire. « Ben voyons, parce que si ça existait, croyez-moi, ces filles à Télégenics l’auraient déjà mis sur une affiche », la contredit Cruickshank. « Alors voilà, il fallait que je réconcilie ce que je voyais avec ce que j’entendais. J’ai décidé de venir voir par moi-même. »

« Oui oui. » Dar mâchait régulièrement son repas. « Il vaut mieux manger avant que ça ne reparte à la nage. »

La journaliste lui lança un faux regard mauvais, mais elle prit ses baguettes et arrosa bravement le poisson de sauce soja puis elle prit une bouchée.

Dar saisit l’occasion pour prendre son PDA et le regarda, puis elle l’ouvrit pour écrire une petite note, avant de l’envoyer. Elle posa l’objet sur la table et prit un autre sushi. « Ce n’est pas à moi que vous devriez parler. »

La journaliste cligna des yeux. « Pardon ? »

Dar avala. « Je ne suis pas en charge de ce projet. La seule raison pour laquelle Télégénics se focalise sur moi, ce sont des raisons personnelles. Ce n’est pas mon offre. »

Cruiskshank posa ses baguettes. « Ah bon ? » Demanda-t-elle. « Je ne comprends pas. Je pensais que… »

Dar réussit à avoir une expressionun un peu amusée. « Je suis la CIO de la compagnie. J’ai en fait des choses plus importantes à faire que du baby-sitting pour ce qui est, à notre niveau, un contrat moyen géré par notre VP des Opérations. Qui a, à propos, déjà réalisé plus d’une douzaine de contrats de ce genre cette année. »

« Et ce serait… Kerry Stuart ? » Dit la journaliste. « C’est elle votre vice-présidente des operations, pas vrai ? »

Dar hocha la tête.

« Et… »

« Et ma compagne. » Elle n’eut même pas un pincement en le disant, juste une douceur qu’elle pouvait goûter sur le bout de sa langue tandis que les mots en roulaient. « Alors, si vous voulez une vraie perspective sur l’offre, il faut l’interviewer elle. »

La journaliste gribouilla une note et puis elle renifla d’un air pensif. Elle se remit à son assiette et prit une autre bouchée de sushi avant de continuer à questionner. « Très bien, c’est ce que je vais faire », dit-elle. « Vous êtes très ouverte sur votre relation, pas vrai ? »

« Aucune raison de faire autrement », répondit Dar.

« Est-ce que ça ennuie vos collègues de travail ? » Demanda la journaliste en la regardant. « Ça doit être un peu embarrassant parfois. »

Ça l’était ? Dar coupa proprement un morceau de crevette avec les dents et le mâcha. « Plus maintenant. » Elle haussa les épaules. « Au début, il fallait un moment aux gens pour s’y faire, mais maintenant… eh. » Elle prit un grain de riz et le mangea. « Le plus gros problème qu’a Kerry maintenant, ce sont tous les gens qui gravitent autour pour essayer qu’elle me fasse faire des choses parce qu’ils sont trop poltrons pour me le demander à moi. »

Cruickshank éclata de rire. « Oh, ça déroule une perspective différente sur les choses… vous savez, mes collègues ont interrogé vos homologues à ce sujet, et elles ont dit qu’elles se traitaient l’une l’autre comme des associées en affaires. »

« Ça explique beaucoup de choses », dit Dar d’une voix trainante. « Je n’arrête pas d’aimer Kerry quand nous sommes au bureau, pourquoi je devrais agir comme si c’était le cas ? » Les mots sortirent presque rapidement et après qu’elle les eut dits, elle se trouva un peu choquée de l’avoir fait.

La journaliste était aussi un peu surprise mais elle le masqua en écrivant quelques notes. « Et bien, elles semblent penser que c’est plus professionnel », dit-elle. « Qu’en pensez-vous ? Vous pensez qu’elles ont raison ? Après tout, il y a beaucoup de gens qui doivent travailler avec vous deux tous les jours et peut-être qu’ils ne se sentent pas à l’aise connaissant votre relation. »

Ah. Bonne question, admit Dar pour elle-même. En fait, cette femme était pleine de bonnes questions surprenantes. « Je pense qu’au début, beaucoup de gens avaient un problème avec ça », répondit-elle honnêtement. « Mais aussi, quatre vingt dix pour cent de la compagnie avait un gros problème avec moi pour commencer. Je pense qu’avoir Kerry comme tampon à plutôt aidé que posé problème. Nous… » Elle fit une pause. « Nous avons essayé de garder les choses loin du bureau au début, mais vous savez comment fonctionnent les bureaux. A chaque fois que nous passions dans le hall, ça alimentait le journal hebdomadaire. »

« Oui oui. » La femme hocha la tête de compréhension. « Je travaille dans un bureau avec quarante autre trente et quarante quelque chose et croyez-moi, il y a toujours des drames partout. C’est pour ça que j’ai posé la question », dit-elle. « Parce que mon patron a été impliqué avec une de nos top journalistes et pendant un mois, c’était LES NOUVELLES. »

Dar rit entre ses dents.

« Et c’était dur, vous savez ? » Continua la journaliste. « Tout le monde marchait sur des œufs autour du sujet et ça rendait la vie vraiment difficile pendant un moment. »

Dar attrapa le dernier morceau de sushi entre ses baguettes et le positionna avec soin avant d’en tremper un bout dans la sauce soja. « Vous avez rompu après ça ? » Demanda-t-elle nonchalamment, en regardant sa compagne de table qui prenait une bouchée.

L’expression de la femme lui confirma qu’elle avait bien deviné en une seconde.

« Alors oui, à la fin tout le monde est passé dessus », continua Dar, brisant le silence. « Maintenant on n’a plus que des remarques des quelques clients dans la ceinture de la Bible. » Elle finit son déjeuner et prit une gorgée du thé maintenant frais, attrapant son PDA quand il se mit à biper.

« Vous savez quoi, vous êtes juste trop bien affûtée, Ms Roberts. » La journaliste soupira après quelques moments de silence de plus. « Moi qui pensais être si astucieuse et voilà que vous me démasquez. »

Hé ma douce ! Est-ce que tu aspires à plus de gloire à nouveau ?

Dar sourit et tapa une réponse. C’est tout moi, Aspirateur-à-Gloire. Comment va ta tête ?

Il y eut une brève pause avant que la réponse ne vienne. Elle tourne aux jeux de mots de ta mère sur combien de chocolat j’ai mis dans tes cookies aux pépites de chocolat. Autrement, je vais bien.

Ah. Dar se réfréna de se lécher les lèvres. Et bien, je vais écourter cette conférence téléphonique de cet après-midi. Je ne pense pas que mon amie journaliste va traîner par ici plus longtemps. Mais elle pourrait vouloir te parler demain ou un autre jour.

Elle est sympa ?

Dar regarda sa compagne de déjeuner qui profitait qu’elle tape pour finir son propre déjeuner. Très agréable et plutôt affûtée. Pas comme la dernière.

Le mouvement des yeux au ciel de Kerry fut presque visible dans la réponse. Il est temps. Je me disais qu’elle devait être correcte si tu déjeunais avec elle.

Dar lut la réponse deux fois puis tapa la sienne. Eh. C’était limité vu que tu n’es pas là.

Non, je suis ici à cuisiner avec ta mère. Pourquoi tu ne passes pas prendre Papa pour l’amener à la maison avec toi ?

Papa, cookies, Kerry… peut-être qu’elle s’arrêterait pour acheter des fleurs. Dar mit sa pensée en pause et puis la rembobina. Peut-être qu’elle s’arrêterait pour une bouteille de vin. Ça marche. On se voit plus tard – ne te brûle pas.

Hé hé. Oui maman Dar. Prends une tasse de thé pour moi.

Dar ferma son PDA et le glissa dans sa poche, se radossant à nouveau tandis que sa compagne de table finissait son déjeuner et s’essuyait les lèvres. « Désolée si je vous ai un peu secouée. Si ça peut vous consoler, je suis passée par-là », lui dit Dar avec un léger sourire.

« Vous m’avez en effet pas mal secouée », acquiesça Cruickshank d’un ton ironique. « Ou bien est-ce que c’était une très maligne manœuvre pour que j’arrête mes questions ? »

Les yeux de Dar brillèrent. « Peut-être que c’était une manœuvre pour avoir assez de temps pour finir de manger. »

La femme leva une main. « D’accord, touché (Ndlt : en français dans le texte). » Elle leva les yeux lorsque la serveuse s’approcha et elle prit proprement la note des mains de Dar. « C’est pour moi, merci. »

Dar se versa une autre tasse de thé, le buvant lentement tandis que la journaliste réglait leur note. L’interview n’avait pas été mauvaise, songea-t-elle, mais elle n’avait pas donné grand-chose de concret à la femme non plus.

N’est-ce pas ?

Elle fronça les sourcils avec le sentiment distinct et soudain qu’elle avait été plus personnelle qu’elle ne le souhaitait. Et si la journaliste choisissait de tordre l’histoire de cette façon et que ça finisse comme une partie du spectacle.

Kerry n’aimerait pas ça, Dar en était plutôt sûre. Elle devrait faire face à la presse avec ça au premier-plan plus qu’elle ne l’avait jamais voulu et elle en détesterait chaque instant. Peut-être qu’elle aurait dû discuter de tout ce truc avec Kerry avant d’accepter l’interview.

Mais comment aurait-elle pu savoir que la journaliste aborderait ce sujet ?

« Et bien. » Cruickshank plia le reçu de carte de crédit et le mit avec soin dans son portefeuille. « Bon, alors il faut que je parle à Kerry Stuart pour les navires mais une des choses qui a particulièrement attiré mon regard dans l’information que j’ai collectée, c’est la façon dont votre compagnie répond à une crise. »

Eh ? Dar regarda le train sur lequel elle pensait qu’elles se trouvaient prendre une autre direction. Elle haussa un sourcil poli en questionnement, mais garda le silence.

« La chose la plus spectaculaire que j’ai vue, c’est la panne des distributeurs de billets sur la Côte Est », dit la journaliste. « C’est passé à la télévision nationale. J’aimerais vous parler de la façon dont c’est arrivé, si ça ne vous ennuie pas. »

Ça semblait plutôt sans danger. « Bien sûr. » Dar se leva. « J’ai encore une quarantaine de minutes. »

« Je vais essayer qu’elles en valent la peine », promis Cruickshank. « Y a-t-il un endroit où on peut prendre une tasse de café sur le chemin du retour ? Je suis toujours sur le fuseau de la Côte Ouest. »

« Nous en avons au bureau. » Dar prit la tête pour sortir du restaurant, faisant un geste nonchalant à deux des managers régionaux du marketing qui venaient juste de s’asseoir pour manger. « A moins que vous n’ayez envie de tester le café cubain. »

« Du café cubain ? D’accord, bien sûr. Ça ne peut pas être mauvais, non ? »

Dar sourit d’un air diabolique et poussa la porte pour sortir.

********************************

« Alors ? » Kerry déplaça le combiné sur son oreille tandis qu’elle mélangeait diverses choses dans un bol mixeur. « C’est quoi le scoop ? » Elle avait donné trois heures à Mark pour avoir des nouvelles de leur fournisseur et sa patience se raréfiait. « Ecoute, s’il ne veut pas te parler, Mark, je sais à qui il peut parler. »

« Détends-toi, Kerry, il vient juste d’appeler. » Mark semblait bien plus joyeux. « Il est en rogne. Très, très en rogne mais ils ont quand même passé la commande. Il a dit qu’il était dans une grande mare d’eau chaude. »

« Dis-lui qu’elle pourrait être bouillante. J’allais lui coller Dar aux basques », dit Kerry à son chef du SI. « Peux-tu imaginer ce qu’elle lui aurait dit ? »

« Heu… oui. » Mark rit faiblement. « En fait, oui je peux. Mais peu importe, il a plié. Alors on est cool. J’allais justement t’appeler. »

Kerry sentit ses épaules se détendre. Malgré ses mots passionnés, elle savait fichtrement bien qu’ils n’avaient pas le temps de rechercher un nouveau fournisseur et si leur partenaire actuel n’avait pas cédé, elle n’avait pas vraiment de plan de secours.

Dar, bien entendu, était en réserve, mais Kerry détestait vraiment avoir à l’activer à moins d’en avoir vraiment besoin. Ça lui donnait l’impression qu’elle n’était pas capable de faire son propre boulot, si elle devait appeler sa compagne à la rescousse tout le temps.

Elle se sentait bien d’avoir pu résoudre ce problème par elle-même. « D’accord, alors quand peut-on attendre la livraison ? »

« Lundi. » Mark était un peu narquois. « Je pense que tu leur as collé une frousse bleue. Peut-être qu’ils sont allés acheter ces unités chez leur distributeur et qu’ils nous les ont revendues à leur prix. »

Kerry se mit à rire. « L’essentiel est que ce soit fait », dit-elle. « Nous leur avons apporté tellement d’affaires ; ils n’ont pas vraiment de quoi râler. » Elle sortit un plateau de cuisson et posa les filets de poissons qu’elle venait juste de paner sur sa surface légèrement huilée. « D’accord, merci Mark. Je vais mettre en place une réunion demain après-midi pour faire le point avec toute l’équipe, comme ça nous pourrons voir où nous en sommes. »

« Compris. »

« A demain. »

Mark faillit raccrocher puis se ravisa. « Hé, Kerry ? »

« Mm ? »

« Tu te sens mieux ? »

Kerry cligna de son mauvais œil qui s’était plutôt bien ouvert au cours de la journée. Le gonflement était parti et c’était juste un peu sensible au toucher. « Je me sens bien mieux, merci », dit-elle à Mark. « Au moins je peux voir des deux yeux maintenant et je ne ressemble plus qu’à un demi-raton laveur. »

« Bon plan », répondit le chef du SI. « Je me posais la question parce je viens juste de voir big D et elle a l’air vraiment nerveuse alors j’espérais que ce n’était pas à cause de toi. »

« Ah. » Kerry réfléchit. « Et bien, nous avons une réunion de famille ce soir. »

« Oh. Hum… »

« Je fais la cuisine. »

« Oh ! » Le ton de Mark s’était altéré par compréhension. « Génial! Hé, amusez-vous bien, d’accord ? »

« Merci. » Kerry raccrocha et posa le téléphone. Elle parsema une poignée de pistaches moulues sur les filets puis les couvrit et les mit au réfrigérateur.

Elle était seule maintenant, Céci ayant dû retourner à son bateau maison pour prendre quelques petites choses pour le dîner. Chino était enroulée sur le lit dans le coin de la cuisine et Kerry avait mis à jouer un léger CD New Age dans le séjour.

Tout était tranquille et paisible et ça sentait les cookies fraîchement cuits. Kerry s’appuya contre le comptoir et regarda le bel océan éclairé par le soleil et elle s’autorisa un bref instant d’observation.

Puis elle alla au réfrigérateur et en sortit une bouteille de thé glacé, alla à la baie coulissante et l’ouvrit avant de se glisser au-dehors dans l’air chaud. Ça sentait le sable chaud et le sel et elle s’assit dans leur balancelle avec un sentiment de satisfaction.

Chino s’était précipitée derrière elle et elle se tenait sur ses pattes arrière, les pattes avant posées sur la rambarde du porche, regardant la mer avec une expression intelligente.

« Tu aimes ça, Chi ? » Kerry sirota lentement son thé glacé, se balançant d’avant en arrière. « Tu veux qu’on aille faire une balade sur la plage ? » Demanda-t-elle. « Juste toi et moi ? On peut te trouver des bâtons à rapporter à maman Dar, qu’en dis-tu ? »

« Growf. » La chienne se laissa retomber et vint vers elle, lui léchant le genou affectueusement avant de s’asseoir près de la balancelle, sa queue battant le carrelage en rythme.

« Tu es tellement mignonne. » Kerry gratta les oreilles soyeuses de la chienne. « Tu sais quoi, Chi ? On va au chalet ce weekend. Tu aimerais ça ? »

La queue bougea plus vite tandis que le Labrador reconnaissait les mots.

« Tu aimes le chalet, pas vrai ? J’aime le chalet aussi. Je pense que je l’aime même plus que cet endroit », confia Kerry. « Et si je t’apprenais à faire de la moto à l’arrière, hm ? Tu aimerais ça ? Tes oreilles volant vers l’arrière ? » Elle tira sur une oreille.

« Growf ! » Chino remua tout son corps d’avant en arrière.

Kerry se mit à rire. Le soleil était déjà derrière la ligne du condo et le porche était à l’ombre. Une brise fraîche monta de l’eau et elle remua pour se mettre dans une position plus confortable avant de soupirer de contentement.

D’accord, j’en suis où alors ? Elle laissa son regard suivre un nuage blanc paresseux qui voyageait au-dessus d’elle. Mon projet avance, l’équipement commandé, mes gens en place, le câblage avance aussi. Tout va bien.

Elle hocha une fois ou deux la tête.

C’est un bon plan. Je sais que la technologie fonctionne. Alors la seule question pendante est… combien je facture pour que le prix soit inférieur à ce que cette garce de diminuée de Michelle fixe le sien ? « Je sais qu’elle va mentir, Chi. »

« Rowf ? »

« Elle va sous-estimer cette offre, aussi sûre que je suis assise ici tout comme elle fait tout le reste. Mais je ne veux pas tomber dans ce jeu. »

« Rr. » Chino posa le menton sur le genou de Kerry.

« Je ne sais pas ce que je vais faire de ça », dit Kerry à son animal de compagnie très sérieusement. « Je veux gagner cette fois, Chi. Je le veux vraiment. » Elle ébouriffa le pelage du chien puis elle posa sa tête contre le dossier du siège, savourant simplement le moment paresseux.

******************************************

Dar ouvrit la porte du condo et passa la tête à l’intérieur, surprise du manque de bruit. « Ker ? »

Elle ne reçut pas de réponse et entra, se mettant sur le côté pour laisser son père entrer derrière elle, puis elle referma la porte et jeta un regard alentours avec curiosité. « Peut-être qu’elle a sorti Chino pour une balade. »

« Boule de poils aime bien ça », dit Andrew.

Avec un léger mouvement de tête, Dar entra dans son bureau et posa son ordinateur, puis elle alla vers la cuisine. Elle s’arrêta en repérant une queue de Labrador sur le porche dehors et elle changea de direction. « Ah. Peut-être pas. »

Elle fit coulisser la porte et regarda dehors puis elle émergea sur le porche avec un sourire tandis que Chino se précipitait pour la saluer. Kerry était profondément endormie sur la balancelle et ne bougea que lentement en entendant le bruit que faisait leur chienne. « Hein ? »

« Salut. » Dar réussit à dépasser le barrage canin et s’assit sur le siège près de sa compagne.

« Oh… bwah. » Kerry cligna des yeux pour se réveiller, ses mains s’enroulant instinctivement autour de Dar. « Je me suis endormie. »

« Vraiment ? »

« Oui oui. » Kerry réfréna un bâillement et posa sa tête sur l’épaule de Dar. « Je n’en avais pas l’intention. Je voulais juste me détendre une minute puis emmener Chi pour une balade sur la plage. » Elle fit un petit câlin à sa compagne. « Mais je présume que me réveiller pour te trouver ici est un bon substitut. »

« Tu présumes ? » Dar pencha un peu la tête de Kerry pour étudier son œil blessé. La bosse était plutôt bien partie, revenant à une taille normale pour son visage et le bleu semblait moins évident. Deux yeux vert clair la regardèrent à leur tour, au lieu d’un au matin, et elle sourit en réaction. « Tu m’as manquée aujourd’hui. »

Kerry sourit, ses yeux éclairés de l’intérieur. « Comment se sont passées tes réunions ? »

« Plutôt bien. » Dar s’adossa et mit un pied contre la rambarde, les berçant doucement. « Le hacking s’est calmé aujourd’hui. Je n’ai vu que trois tentatives et elles étaient plutôt légères. »

« Tu penses que tu les as effrayés hier ? »

« Peut-être », dit Dar. « Papa est là. Mama est repartie au bateau ? »

Kerry hocha la tête. « Je présume qu’on devrait rentrer et être sociables, maintenant que tu m’as réveillée et tout ça. » Elle poussa Dar du coude affectueusement. « Il faut que je me passe le visage à l’eau… je risque de me rendormir aussi sec. »

« Viens. » Dar se leva, la soulevant ce faisant. « Il est joli ton tablier. J’aime bien la poche. »

Kerry se regarda. « Ah ». Elle étudia le positionnement de la poche unique et bien centrée, qui portait un hamster à l’air grivois. « Je me demande bien pourquoi, Hamster Dar ? »

Dar ouvrit la porte coulissante et entra dans la fraîcheur du condo, où son père s’était installé dans la causeuse avec une Chino dans une attention d’adoration. « Regarde ce que j’ai trouvé dehors. »

Andrew leva les yeux. « Salut, kumquat », salua-t-il Kerry. « T’as reçu une sacrée blessure de guerre, on dirait là. » Il se leva et vint à leur rencontre, scrutant le visage de Kerry avec curiosité. « Comment quelqu’un a pu t’coller un coup d’pied là avec tout’l’truc que tu t’mets sur la tête ? »

« Mauvais timing, c’est tout. » Kerry relâcha sa compagne. « Le bout de sa botte m’a tapé juste dans le trou ici. » Elle toucha l’avant de son visage. « C’est arrivé si vite que tout ce que je sais c’est qu’à un moment je tournoyais, la seconde suivante j’étais sur le tapis. Boum. »

« Ben. » Andy lui tourna un peu le visage vers la lumière. « Rien à voir avec ce que Dardar prenait à l’époque. Ça devrait passer vite. » Il lui tapota doucement la joue.

« C’est ce que j’ai entendu dire. » Kerry sourit, passa près de lui et se dirigea vers la chambre à coucher du bas. « Je reviens tout de suite. »

Andrew se réinstalla sur le canapé et Dar prit un siège en face de lui sur le plus grand. « Ça a été une sacrée semaine », dit Dar avec une grimace. « Comment ça s’est passé de ton côté ? »

« Ben. » Andrew écarta ses longs bras sur la surface en cuir et étendit les jambes, les croisant aux chevilles. « J’crois qu’jai été utile à vous deux cette s’maine. »

« Ah oui ? » Dar sourit à demi.

Kerry passa la tête hors de la chambre. « Ah oui ? »

« Ouaip. » Andy avait l’air content de lui. « Dès qu’tu r’viens, Kumquat, je vous raconte tout. »

Hm. Kerry se tapota le visage pour le sécher. Peut-être que la journée avait été meilleure qu’elle ne le pensait.

*****************************************

Une demie-heure plus tard, les poissons étaient dans le four, Céci était revenue avec un seau de légumes et des sauces, et ils partageaient une bière tandis que les quelques lignes de soleil couchant passaient à travers les condos, peignant la plage d’un rose corallien.

Dar était allongée dans un coin du canapé, avec Kerry près d’elle. Une des jambes de Kerry était passée par-dessus les siennes et elle était heureuse d’être là à écouter la conversation tandis qu’elle sirotait lentement sa boisson.

Il y avait des moments comme ça quand elle comprenait la mesure du changement qu’elle avait connu ces dernières années. A part d’avoir une compagne, quelqu’un avec qui partager la vie quotidienne, elle avait aussi retrouvé une famille qu’elle avait perdue.

C’était presque comme si elle était une personne complètement différente parfois. Pas à l’intérieur, parce que Dar savait qu’elle-même n’avait pas changé, mais à l’extérieur, ce que les autres gens voyaient. Au lieu d’être solitaire, mystérieuse et menaçante, elle était devenue quelqu’un que même ses collègues traitaient comme un membre de la famille de la compagnie maintenant.

Comme si tomber amoureuse l’avait rendue bien plus compréhensible à leurs yeux.

C’était étrange, parce ça l’avait rendue bien moins compréhensible à elle-même, parfois. Dar fixa tranquillement la cuisse bronzée qui couvrait les siennes, et elle sourit à demi en glissant ses doigts sur la peau de Kerry, savourant sa chaleur.

Kerry plia la jambe en réponse, frottant l’intérieur de son talon sur le mollet de Dar, tandis qu’elle continuait à parler, expliquant ce qu’elle avait fait sur le navire.

« Alors, finalement tout le monde a accepté ce que nous voulions faire et on nous a donné de l’espace », dit Kerry. « Mais je peux vous dire que ça n’a pas été simple. »

« Nan. » Andrew secoua la tête. « Personne aime lâcher un dollar d’espace à bord de l’un de ces trucs, Kumquat. Chaque centimètre carré vaut la terre entière », dit-il. « Mais ces gens devraient s’estimer heureux… le pire qu’j’ai vu, c’est cinq corps qui partagent la même cabine avec leur salle de bains commune. »

« Ooh. » Céci mâchouilla un bâton de céleri. « Quel luxe. » Elle tapota Andrew dans les côtes. « Plus de six pouces d’espace de rangement et je parie qu’ils ne dorment plus dans une « bannette ». »

Kerry les regarda. Puis elle se tourna et regarda Dar d’un air interrogateur.

« Rappelle-moi de t’emmener visiter un porte-avions la prochaine fois qu’on s’en approche », lui dit Dar.

« D’ac… cord. » Kerry retourna aimablement son attention vers ses beaux-parents. « Alors vous dites qu’ils s’en tirent plutôt bien comparé à ce que des marins en service ont, c’est ça ? »

Andrew haussa une épaule. « On s’habitue à tout », dit-il.

« Oui », ajouta Céci. « La première fois qu’Andy m’a emmenée voir où il vivait sur un bateau, j’ai failli passer par-dessus bord. Douze étages. Horrible. »

« C’était pas si mal. »

« Oh si ça l’était. Personne n’a été plus soulagé que moi quand tu as eu ta promotion d’officier. »

« C’était vraiment si mal que ça ? » Murmura Kerry à sa compagne.

Dar réfléchit à la question tandis qu’elle regardait ses parents discuter joyeusement. « Pour être honnête », murmura-t-elle à son tour. « C’était la seule chose qui m’aurait empêchée de servir sur un navire. »

« Vraiment ? »

Dar hocha la tête. « Une couchette c’est un matelas de mousse de six pouces, avec un espace dessous pour ranger tes affaires. Il y a un rideau pour que tu puisses dormir la journée et elles sont superposées par trois. »

Kerry écarquilla les yeux.

« La banette c’est deux ou trois types qui partagent la même couchette à tour de rôle. »

Les yeux de Kerry faillirent lui sortir de la tête.

« Hé, c’est mieux qu’un terrier à renards. » Dar sourit légèrement. « Et la nourriture est bien meilleure. »

« Brr. » La jeune femme blonde frémit. « Et bien, à entendre ces types, on aurait dit que je voulais leur piquer leurs cadeaux de Noël. Mais on a réglé ça. »

« Ouaip. » Andrew hocha la tête. « J’les ai entendus râler pour la même chose sur le navire où j’étais. Mais j’pense pas qu’ils aient eu le même marché que vous… ils râlaient toujours ce matin. »

« Hé. » Kerry eut un petit sourire supérieur.

« Ces femmes qui gèrent tout ça là connaissent pas grand-chose sur la façon d’faire coopérer les gens », continua le grand ex-marine. « Elles font rien qu’à courir de gauche à droite en faisant beaucoup de bruit. » Il croisa les bras sur sa poitrine. « J’les aime pas. »

Dar soupira intérieurement. Elle ne s’était pas attendue à ce que son père les aime et ça la fit se demander si elle, une fois au moins, elle les avait aimés.

De la démence juvénile ?

« Elles ne nous portent pas non plus dans leur cœur », dit Kerry. « Je pensais que Michelle allait tousser un rein quand elle a dû m’appeler pour me demander ce circuit. » Elle s’appuya contre Dar. « Merci d’avoir envoyé cette liste de prix, à propos. »

Dar mit un bras autour de la taille de Kerry et posa son menton sur l’épaule de sa compagne. « Nous savons assurément qu’elles payent plus que nous, » acquiesça-t-elle.

Andrew remua et prit une gorgée de sa bière avant de répondre. « Ben, i’s’passe quelque chose de drôle là-bas », dit-il. « Soit ces femmes sont plus cinglées qu’un écureuil soit je ne sais pas ce qui s’passe. Elles ont passé six fois la commande et personne sait pourquoi. »

Dar pencha la tête de confusion. « Hein ? »

Kerry plissa les yeux. « Six fois ? »

« Ouaip. »

« Ça doit être une erreur », dit Dar. « Comment tu sais ça ? Tu as les six copies de la facture ? »

Son père hocha la tête. « On s’est d’abord dit que c’était un gros chargement des trucs que vous utilisez, vous autres, mais je regardais les pages et elles… » Il fit un geste de rotation d’une main. « Ça n’avait pas de sens. »

« Oh si », dit Kerry. « Ça a un sens parfait. »

Tout le monde la regarda. Dar souffla gentiment dans son oreille. « Ah oui ? »

Kerry tourna la tête et leurs regards se croisèrent presque. Elle cligna des yeux. « J’ai eu un appel aujourd’hui de notre fournisseur d’infrastructure. Il semble que tout ce dont on avait besoin était soudain en rupture de stock. »

Dar haussa brusquement les sourcils.

« Tu dis ? » Murmura Andy. « Alors ? »

« Hmpf. » Céci sentit qu’elle comprenait assez de la conversation pour contribuer au moins avec un bruit d’agrément dégoûté. Elle n’avait aucune idée de ce qui se discutait mais l’expression sur les visages de Kerry et Dar lui indiquait qu’aucune des deux n’était heureuse.

« Alors tu penses que… » Dar fit une pause.

« Tu penses sérieusement que c’était une coïncidence ? » Répondit Kerry.

« Non. » Dar secoua la tête. « Alors, quel est le plan ? »

Kerry sentit ce petit pincement qu’elle avait lorsqu’elle devait afficher ses talents professionnels pour l’attention de Dar. Elle était bonne et elle le savait mais elle savait aussi que Dar était bien plus que bonne et peu importe depuis quand elle travaillait avec elle, elle n’avait jamais réussi à dépasser ce gribouillis interne. « J’ai demandé à Mark de les appeler et de leur dire que, soit ils crachaient notre commande, soit nous passions à des fournisseurs internationaux. »

Dar écarquilla légèrement les yeux, plus de blanc apparaissant autour des centres bleu profond.

Andrew siffla.

« Eh ben », murmura Céci. « J’ai l’impression que cela a signifié plus pour eux que moi menaçant Publix de la même chose. »

Dar s’éclaircit la voix. « Et ? »

« Ils ont lâché. C’est en route », répondit Kerry calmement. Elle soupira de satisfaction. « Et maintenant que je sais qui a payé ces petits bougres… je souhaiterais presque qu’ils ne l’aient pas fait. »

Dar digéra brièvement l’information et sourit. « Joli. » Elle serra Kerry. « Mais qu’avais-tu en tête s’ils avaient dit non ? » A part les menaces, trouver les spécifications d’un matériel flambant neuf pour lequel ils n’avaient aucune expérience n’était pas réaliste et elle savait que Kerry le savait aussi.

« Oh, j’allais te jeter dans l’arène », l’assura Kerry. « Je voyais juste de quoi ils étaient faits et ça finit par être du fromage suisse. » Elle tapota la jambe musclée de sa compagne. « Alors tout s’est arrangé, mais maintenant – maintenant ça a du sens, Dar. Tu ne le penses pas ? C’est pour ça qu’ils l’ont fait. »

« Sauf si c’est une erreur », commenta Céci légèrement. « Quelqu’un a envoyé le fax trop de fois. »

Il y eut un bref moment de silence relatif. « C’est possible », dit Dar lentement. « Mais, étant donné ce que Kerry a dit sur la réaction du fournisseur, je dirais que ce n’est pas une erreur. Si ça l’était, ils auraient juste appelé pour la corriger. Je suis sûre que quand ils auraient reçu la commande six fois, quelqu’un aurait réagi. »

« Et bien… » Kerry roula les yeux.

« C’est assez vrai, Dardar », dit Andy. « Quelqu’un aurait sûrement dit quelque chose, mais ce quelqu’un s’est entendu dire de se mêler de ses affaires. »

Bon. Dar était en colère, mais plus confortable avec ce genre de business de couteaux dans le dos. Le transmetteur cellulaire était loin des connaissances de Shari, mais ce genre de conneries ne l’était certainement pas. « On ferait mieux de garder un œil sur cette livraison », avertit-elle Kerry.

« J’vais l’faire, sûr », répondit Andy avec un demi sourire. « Vu que ces gens m’ont choisi pour être en charge de cette partie. »

« Hé. » Kerry prit la main de Dar et embrassa ses phalanges, puis elle se leva et se dirigea vers la cuisine. « Un sou, de la monnaie, deux garces dans un panier… » Gazouilla-t-elle en disparaissant. (NdlT : original pour les curieux : « A tisket a tasket two bitches in a basket”)

Dar rit et secoua la tête. « Bon sang, ça devient de plus en plus tordu. » Elle soupira. « Tu t’amuses là-bas papa ? »

Sa mère rit.

Andrew eut un reniflement digne. « J’aime penser qu’j’rends bien service », dit-il. « Et c’est sûrement une bonne chose de savoir que ces civiles générales sont bien plus bornées que la plupart des gens avec qui j’ai travaillé en costume bleu et blanc. »

Ils rirent ensemble et Dar se détendit à nouveau dans le canapé, laissant les tensions de la journée couler hors d’elle. Les choses s’amélioraient, décida-t-elle. Elle avait eu un bon entretien. Kerry avait géré un problème ennuyeux avec panache, et son père passait du bon temps à semer les embûches pour ses adversaires.

La vie était belle.

« Hé, Dar ? » Cria Kerry depuis la cuisine. « Tu peux m’aider avec tout ça ? »

La vie était très belle. Dar se sortit d’un bond du canapé et se dirigea vers la bonne odeur de cuisson du poisson et des cookies. Les choses allaient tout à fait bien.

Elle espérait juste que ça dure.

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« Bonjour Mayte ! » Kerry sentit qu’elle était d’une humeur plus joyeuse que d’habitude et ça se voyait tandis qu’elle traversait le secrétariat. « Est-ce que j’ai raté des désastres hier ? »

Mayté leva les yeux, surprise. « Non, pas qu’on m’en ait rapporté », répondit-elle. « Vous vous sentez mieux aujourd’hui ? »

Kerry s’arrêta devant la porte de son bureau et regarda son assistante. « Autrement que me sentir comme un boxeur déclassé, je me sens super bien. » Elle montra son œil qui portait toujours un bleu visible. « Mais Dar a dit que je devais porter un casque à l’entrainement à partir de maintenant. »

Mayté rit. « Comme au football américain ? »

« Exactement », aquiesça Kerry. « La maman et le papa de Dar étaient chez nous hier soir et ils se moquaient de moi, essayant d’en faire un avec lequel je ne m’évanouirais pas. » Elle rit. « Ils sont trop drôles. Maman a essayé de me convaincre de changer pour le Tai Chi. »

« Ce sont des gens très agréables. »

« Très », dit Kerry. « Et c’est tellement drôle parce que ce sont des gens géniaux à fréquenter. Je n’aurais jamais imaginé me sentir aussi bien avec quelqu’un de ma famille. Boire des bières avec mon père ? Seigneur. » Elle secoua un peu la tête. « Bref, alors ça a été calme ici ? »

« Si », répondit Mayté en hochant la tête.

« Je me disais la même chose, si Dar est allée déjeuner dehors. » Kerry se retourna pour entrer dans son bureau. « Tu peux me programmer une réunion projet pour dix heures ? Je veux m’assurer que tout se passe bien.”

« Bien sûr. »

Kerry se retourna. « Et si quelqu’un veut me voir demain, ça devra être tôt. Je vais partir plus tôt demain pour aller vers le sud. »

Mayté pencha la tête légèrement d’un air interrogateur.

« J’ai besoin de passer du temps au chalet. » Kerry sourit. « Alors rien après quinze heures, d’accord ? »

« Je vais m’en assurer. » Mayté gribouilla une note sur son bloc-notes et se remit à son e-mail tandis que Kerry disparaissait dans son bureau. Après un moment, elle leva les yeux avec une expression ironique et espiègle quand elle entendit un rire de délice venir de derrière la porte.

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« Annulez mes rendez-vous. » Dar s’arrêta pile devant le bureau de Maria. « Je vais être confinée au placard toute la journée. »

Maria s’arrêta de taper et leva les yeux vers sa cheffe. « Como ? » Elle regarda Dar avec intérêt. « Je ne pensais pas que vous étiez du genre à rester au placard, Dar. »

Pendant un moment, Dar se contenta de la fixer et ensuite elle eut un sourire franc, laissant passer un rire. « Oh, bon sang, vous avez raison, Maria. » Elle rit. « Je n’ai jamais su ce que le terme voulait dire jusqu’à ce que je quitte le lycée et que j’attrape un magazine gay dans un aéroport quelque part. »

Maria rit aussi. « Vous avez toujours été franche sur ce que vous êtes. C’est pas mal. Je n’aime pas les gens qui se rendent différents de la réalité. »

Dar réfléchit à ça un instant et puis elle hocha la tête. « Je n’aime pas non plus ce genre de personne. Je pense que c’est une des choses que j’ai toujours le plus apprécié chez vous. »

Les yeux de la femme scintillèrent.

Dar sourit et se tourna pour se diriger vers son bureau, ouvrir la porte et entrer avant que Maria puisse vraiment préparer une réponse. Elle alla à son bureau et posa la mallette de l’ordinateur, puis elle s’assit dans son fauteuil et posa les mains sur ses cuisses.

Elle était de très bonne humeur pour une fois. Ils avaient passé des moments merveilleux la soirée précédente et ce matin elle s’était réveillée tôt ; elle était restée allongée tranquillement avant l’aube en pensant à son projet de sécurisation tandis qu’elle tenait Kerry entre ses bras. Soit à cause de la paix soit du simple plaisir qu’elle avait soudainement eu à la percée dans son projet.

Une pièce qui lui avait manquée s’était mise en place et elle avait maintenant une nouvelle direction à suivre dans la dentelle intriquée de la programmation qu’elle arrangeait minutieusement.

Avec un rire de plaisir, elle prit l’ordinateur et l’ouvrit, tournant le bureau dessus puisqu’elle savait qu’elle devait emmener le programme dans le placard de stockage pour le tester. Elle se frotta les mains et attendit que la machine démarre puis elle se remit dans son fauteuil et posa l’ordi portable sur son homonyme.

Après un autre moment, elle posa son pied botté sur son bureau et se détendit, plus que contente d’avoir trouvé une autre excuse pour porter un jean au bureau. Elle plia ses doigts et commença à taper, chantonnant légèrement entre ses dents tandis que les lignes de code semblaient couler sans effort.

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« Je l’adore. » Kerry fit le tour de la nouveauté dans son bureau, un mannequin de boxe dans le coin devant ce qui avait été entièrement vide auparavant. Originellement, un bureau de travail en groupe s’y était trouvé mais Kerry l’avait fait retirer quand elle avait décidé que les réunions se tiendraient dans les salles de réunion et elle n’avait pas vraiment trouvé quelque chose pour le remplacer.

Autour de son cou se trouvaient une paire de gants de boxe, qu’elle prit et glissa sur ses mains. La silhouette avait des yeux blancs vides et un corps avec un costume de travail, et elle le frappa joyeusement, le cognant dans le nez ce qui le fit aller d’avant en arrière. « Seigneur, je l’adore vraiment. »

La porte s’ouvrit et Mayté passa la tête. « Vous avez dit quelque chose ? »

Kerry se retourna et leva ses points gantés. « C’est spectaculaire », dit-elle. « Qui l’a fait ? Je sais que ce n’est pas Dar… elle ne peut pas garder un secret avec moi. »

Son assitante rougit. « C’est moi », confessa Mayté. « Mama a dit de vous donner des chocolats mais je pense que ceci sera plus utile, non ? »

Kerry fit mine de la boxer des deux mains, bougeant légèrement son corps en même temps. « Mayté, vous êtes géniale », dit-elle. « Je l’adore absolument. » Elle montra la jeune femme de son poing. « Mais je suis absolument décidée à ne pas vous laisser le payer. Je sais ce que ça coûte. »

« Ah oui ? » Mayté fit une grimace ironique.

« J’en ai presque acheté un pour Dar. » Kerry fit un clin d’œil. « Alors soit vous crachez le reçu, soit je commence à bourrer votre sac de factures jusqu’à ce que vous demandiez grâce. »

Mayté sembla heureuse mais elle secoua tout de même la tête d’un air penaud. « S’il vous plait Kerry, vous avez tellement fait pour moi. C’est un cadeau pour moi de vous rendre la pareille. »

Kerry mit ses poings sur ses hanches ou du moins aussi près qu’elle pouvait en portant des gants de boxe. « Mayté… »

« S’il vous plait ? » Pria Mayté. « Ce n’est pas grand-chose. Mon oncle est entraineur de boxe de notre YMCA. Il m’a aidée pour l’avoir. »

« Hm… » Kerry fronça les sourcils pour de faux puis elle se laissa faire et un rire lui échappa. « Oh, très bien. » Elle s’avança. « Viens par ici. »

Mayté entra dans le bureau et ferma la porte, s’avançant vers Kerry en souriant lorsqu’elle fut enveloppée dans un calin. « C’est meilleur que le chocolat, pas vrai ? »

« Et bien, le chocolat c’est plutôt bon. » Kerry l’étreignit une dernière fois et recula. « Mais ça, ça dure plus longtemps et c’est tellement amusant. » Elle tapa ses gants l’un contre l’autre. « Tu veux essayer ? »

Mayté montra sa poitrine de son pouce. « Moi ? »

Kerry retira les gants et lui tendit. « Bien sûr. »

« Oh, non non. » Mayté fit la grimace en tendant les mains devant elle dans un geste de défense. « S’il vous plait, Kerry, si ma mère savait que j’ai mis ces trucs, elle deviendrait folle ! »

Kerry regarda les gants puis elle baissa les yeux sur elle avant de retourner son regard vers Mayté. « Et elle pense que boxer ça vous rend comment ? » Demanda-t-elle. « Je ne suis pas candidate pour un spectacle de monstres… ou du moins je ne l’étais pas la dernière fois que j’ai vérifié. »

Son assistante vira au rouge corail. « Non… non… ce n’est pas ça », dit-elle. « Ce n’est juste pas considéré comme bien dans ma culture. »

Kerry ne put s’empêcher de rire. « Mayté, ce n’est pas considéré comme bien d’où je viens non plus. Je dois l’admettre, si ma mère me voyait mettre ces choses-là, elle s’évanouirait et on devrait appeler les secours. » Elle fit un clin d’œil à Mayté. « Mais tu sais quoi ? »

« Vous le faites quand même. »

« Oui oui. » Kerry attacha les gants ensemble et les remit sur le cou du mannequin. « Alors si jamais ça te tentait…. Vas-y. » Elle retourna à son bureau. « Je ne le dirai à personne. »

Mayté fixa le mannequin et puis elle sourit. « D’accord. » Elle repartit vers l’autre porte. « Je suis contente que vous l’aimiez. » Elle disparut en refermant la porte, laissant Kerry dans un silence apaisant.

« Oh oui que j’aime ça. » Kerry attrapa son mug. « Vraiment, vraiment. » Elle alla vers la porte, donnant des coups dans l’air dans la direction du mannequin tout le long.

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Dar leva la tête en entendant qu’on frappait à la porte, un peu surprise vu qu’elle avait donné des instructions pour ne pas être dérangée. « Oui ? »

Mark entra et vint s’asseoir en face d’elle. « Salut, DR. »

« Salut. » Dar fit craquer ses phalanges. « Je suis en train de générer des applis. C’est si important ? »

Mark cligna des yeux de surprise. « Oh Désolé. » Il commença à se lever. « Non, c’est juste ce truc au centre de conférences… je ne me suis pas rendu compte que tu codais. » Il fit une pause. « Mec, ça fait un bail que je n’ai pas dit ça, hein ? »

Dar pinça les lèvres et les ourla dans un sourire. « Oui. » Elle lui fit signe de se rasseoir. « Mais je peux faire une pause. »

Mark se rassit. « Une bonne et une mauvaise nouvelle. » Il fit une pause. « La mauvaise d’abord ? »

« Toujours. »

« Une commande de plateforme beta à Taiwan. »

Dar fronça les sourcils. « On ne peut pas tracer l’acheteur, c’est ça que tu dis ? »

« Ouais. » Mark hocha la tête. « J’ai contacté l’endroit où ça a généré… ils étaient fous parce que ça manquait, et mec, ils me passaient dessus tout du long pour savoir comment je l’avais eu », dit-il. « S’ils étaient des fans de Star Trek, je les aurais vus se téléporter direct sur mon bureau pour m’attraper, c’est sûr. »

« Ah. »

« Ils veulent qu’on renvoie. »

« Ah oui ? » Dar fit une pointe avec ses doigts. « C’est assez mauvais pour nous donner une licence exclusive ? »

Mark sourit comme le pirate qu’il était. « Mec, une vraie voyante. » Il soupira d’admiration. « Voilà la bonne nouvelle. Ils veulent passer un marché avec nous. Un de leurs gars arrive ici. »

Dar soupira. « Ça ne nous aide pas à savoir qui c’était. » Elle se mordilla l’intérieur de la lèvre. « Et si ce n’était pas ceux à qui tout le monde pense, ça pourrait être quelqu’un de l’intérieur ici. »

Mark fronça les sourcils. « Un employé ? »

Dar hocha la tête. « Oui. »

« Ce serait chiant. »

Dar pianota sur son clavier. « Oui. »

**********************************

Kerry mit son bloc-notes sous son bras et se prépara à quitter la salle de réunion. Son équipe trainait toujours, discutant certains des sujets pendants, mais ça avait été une bonne réunion et elle était contente de leurs progrès.

Mark s’avança et se mit sur le bord de la table de réunion. « Tu as entendu parler du mec du câblage ? »

« Ce matin. » Kerry hocha la tête. « Il a commencé mais il dit que c’est comme d’essayer de câbler dans le système de métro newyorkais. Dur dur. »

« Je parie. » Le chef du SI hocha la tête. « Hé, ton bleu ne parait pas si mauvais. Vu la façon dont DR en parlait hier, je pensais que ton œil pendait sur ton visage. »

Kerry tressaillit à cette image. « De la façon dont elle me traitait, j’ai pensé la même chose », admit-elle. « Elle peut être une vraie nounou des fois… on ne s’attend pas à ça de sa part. » Elle montra la porte. « Allez. J’ai un déjeuner à venir et c’est l’heure. »

Ils sortirent de la salle de réunion et descendirent le hall vers les ascenseurs. Le dixième étage était un peu plus peuplé que le treizième et ils durent éviter un flot de personnes dont certaines s’arrêtèrent pour les saluer rapidement.

« Salut, Kerry. » Une des assistantes d’Eleanor lui fit signe. « Comment va la tête ? »

Kerry s’arrêta et se retourna, sortant du chemin du trafic un moment. « Ah, ce n’est pas si mal. » Elle montra son œil. « Juste embarrassant, vraiment. »

« Oui. » La femme la regarda avec sympathie. « Hé, Joyce et moi nous allons déjeuner… ça te dit de te joindre à nous ? »

Kerry sourit et commença à s’éloigner. « Merci, mais j’ai un rendez-vous… une prochaine fois. » Elle continua vers les ascenseurs puis elle s’arrêta en voyant la foule qui attendait pour descendre.

« Oh oui, tu réclames ton territoire », cria la femme derrière elle. « Compris. Pas de problème, Kerry. »

Quoi ? « Au diable. » Kerry se tourna et ouvrit la porte des escaliers, commençant à monter les marches d’un pas vaillant. Arrivée au douzième étage, elle entendit des pas qui arrivaient de l’autre côté et elle leva les yeux pour voir Mariana qui se dirigeait vers elle. « Salut toi. »

« Bonjour, Kerry ! » La vice-présidente du personnel la salua chaleureusement. « Comment va ton œil ? »

Kerry s’arrêta et lui lança un regard. « Il n’y avait pas assez de nouvelles hier pour que mon œil soit le centre de toutes les conversations ? »

Mark avait ralenti derrière elle et se tenait maintenant avec un air de martyr sur le visage. « Je t’avais dit qu’envoyer cet e-mail était une mauvaise idée », dit-il à Mariana.

Kerry se retourna. « Un e-mail ? »

Mariana se mordilla un ongle. « Et bien, ça semblait être une bonne idée à ce moment-là », dit-elle d’un air songeur. « Maria le pensait aussi. »

« Maria ? » Kerry répéta le nom et ensuite elle leva les deux mains. « Excusez-moi. Quelqu’un pourrait me rencarder, là ? »

« Oups… je suis en retard à ma réunion. » Mariana passa près de Kerry et fila dans l’escalier. « On se voit plus tard, Kerry… d’accord ? » Elle remua les doigts et sortit par la porte de l’étage suivant, laissant Kerry se retourner lentement pour regarder Mark.

Celui-ci hésita et réussit à produire un faible sourire. « Je t’enverrai une copie. Ce n’était pas grand-chose, Kerry. C’était juste que les gens se demandaient ce qui t’était arrivé et elle… hum… »

« Se demandaient ? »

Mark ne répondit pas par prudence, voyant un sourcil blond se hausser brusquement, bizarrement comme Dar quand elle n’était pas contente.

« Colleen l’a mentionné aussi. Est-ce que tout le monde nous utilise pour remplir les discussions maintenant ? » La voix de Kerry baissa un peu de colère. « Elle m’a dit que des gens pensaient que c’était Dar qui m’avait fait ça. » Elle montra son visage. « Ce n’est pas vrai ? »

Mark eut soudain l’air loin de sa cour.

« Je vous emmerde tous. » Kerry se retourna et le laissa brusquement seul, montant le reste des marches deux par deux jusqu’à ce qu’elle atteigne le quatorzième et elle passa la porte, la refermant brutalement derrière elle.

Mark relâcha un souffle après quelques instants. « Merde. » Il grimpa lentement derrière sa cheffe.

********************************

Dar se détendait dans le lobby, suçotant la paille de son smoothie tandis qu’elle attendait que Kerry la rejoigne pour le déjeuner. Le lobby était un peu chargé, certains visiteurs venus pour acheter traversant depuis l’entrée et facilement repérables par l’air de touristes ébahis qu’ils avaient quand ils voyaient l’atrium qui les surplombait.

Elle s’appuya contre le mur, les chevilles croisées et elle laissa ses pensées se promener brièvement, passant au projet quelle avait laissé sur son ordinateur portable dans son bureau. La plus grande partie d’un module était terminée et presque prête pour des tests, et Dar s’aperçut qu’elle avait hâte de s’en occuper avec un sentiment vertigineux d’anticipation.

Si ça marchait…

Et bien, ça ne marcherait pas du premier coup. Aucun programme ne le faisait, Dar le reconnut, se préparant mentalement pour ça. Mais si elle le tordait et qu’elle avait raison sur la logique et que ça marche…

Ce serait une percée stupéfiante, ironiquement aiguillonnée par son propre manque de jugement.

La vie était tellement drôle de cette façon parfois. Dar laissa paresseusement son regard passer sur le lobby et ensuite elle se redressa un peu en voyant Kerry arriver des ascenseurs.

Oh oh. Kerry ne lui sautait jamais au cou ni ne projetait sa colère, mais dans la posture de son corps, Dar pouvait toujours dire quand elle était furieuse. Ses poings se serraient et sa tête penchait un peu en avant, tout comme la pointe de sa mâchoire.

Elle était furieuse à cet instant. Passant en revue les événements de la matinée, Dar décida que ce n’était rien qu’elle ait fait qui causait cela, alors elle se repoussa du mur pour aller à la rencontre de sa compagne contrariée et voir ce qu’elle pourrait faire pour arranger quoi que ce soit qui la rendait si furieuse.

Kerry l’aperçut et le langage de son corps changea, une partie de la tension agacée se dissipant tandis qu’elle changeait de direction pour aller vers Dar, un sourire à contrecoeur commençant à se former sur ses lèvres tandis qu’elles se retrouvaient au centre du grand espace. « Salut. » Elle accueillit sa compagne. « Désolée d’être en retard. »

« Salut. » Dar la contourna avec grâce et lui fit signe vers les portes extérieures. « Pas de souci. Je viens juste de descendre moi aussi. Viens. » Elle mit nonchalamment un bras autour des épaules de Kerry tandis qu’elles avançaient et elle sentit immédiatement la tension les quitter. D’accord. Elle était maintenant sûre que ce n’était pas contre elle que Kerry était agacée.

Direct ou non direct ? « Comment s’est passé ta réunion ? » Elle se décida pour une approche non directe pour l’instant.

Kerry soupira. « Bien. Le projet est sur les rails mais John a des problèmes avec le câblage. Il se pourrait que je doive y aller demain pur voir si je peux lui arranger les choses. »

« Super », répondit Dar. « Mon programme est proche des phases de test. »

Kerry se redressa un peu. « Ah oui ? Ça a été rapide… tu as dit l’autre jour que tu étais un peu coincée. » Elle entoura la taille de Dar de son bras droit et lui cogna légèrement la hanche. « Qu’est-ce qui a changé ? »

« Tu m’as inspirée ce matin », lui dit Dar tandis qu’elle passait la porte principale pour entrer dans la chaleur de la journée.

« Moi ? »

« Ouaip. » Dar déverrouilla les portières de sa voiture et emmena Kerry vers elle.

« Je pensais qu’on allait marcher ? »

Dar ouvrit la portière côté passager et lui montra le siège en cuir accueillant. « J’ai envie d’avoir des ailes. »

« Des ailes ? » Mais Kerry grimpa à l’intérieur et s’allongea pour ouvrir la portière de Dar. « On va à Bayside ? »

« En effet. » Dar monta et démarra la Lexus, ajustant les conduits de climatisation pour envoyer plus d’air froid sur ses cuisses. « Je n’ai pas très envie de cubain et j’ai eu mon comptant de sushis hier. »

« Mmpf. » Kerry s’installa dans son siège et regarda la chaleur qui montait du bitume tandis que Dar sortait du parking. « Et bien, si on mange chez Hooters, je parie qu’ils n’auront pas de petits bons à riens inutiles et méchants de notre bureau assis à la table à côté au moins. »

Hm. Dar prit le virage sur Biscayne Boulevard et regarda sa compagne du coin de l’œil. « T’sais, Ker… tu ne devrais pas laisser toutes ces conneries t’inquiéter autant. »

« Je sais. » Kerry le reconnut volontiers. « Mais ça le fait. Je ne peux pas m’en empêcher. »

Le trafic était léger et Dar se débarrassa rapidement du trajet du bureau jusqu’au centre commercial branché, passant sous le parking pour trouver un endroit protégé du soleil près de l’entrée. Elles sortirent et elle verrouilla les portières, rejoignant Kerry pour le court trajet à pied dans les confins du centre. « Alors, c’était quoi cette fois-ci ? » Finit-elle par demander. « Je n’ai entendu aucun bavardage aujourd’hui et en général je les entends par Maria. »

Tu parles. Kerry s’arrêta pour regarder une vitrine, repérant une jolie robe. « Oh tout le monde fait du buzz sur ma blessure de guerre », marmonna-t-elle. « Mariana a ressenti le besoin d’envoyer un fichu e-mail là-dessus. »

Dar regarda la robe. « Elle t’irait bien. » Elle la montra du doigt.

« Mm. Je l’aime bien », dit Kerry avant de se tourner pour continuer à marcher. « Pourquoi tout le monde s’inquiète de ce que je fais pendant mon temps libre, Dar ? »

Dar haussa les épaules. « C’est la nature humaine », dit-elle. « Qu’est-ce qu’ils ont tous pensé, que je t’ai battue ? » Elle regarda la réaction de Kerry, le soudain mouvement de ses traits et sa tête qui se tournait lui donnant une réponse avant même que sa compagne ne parle. « Tu parles. » Elle rit ironiquement. « Si j’avais tenté ce mouvement, il serait passé droit au-dessus de ta tête et tu m’aurais frappé les fesses en passant. »

Tout le visage de Kerry se pinça. « Tu sais quoi ? » Elle s’arrêta et fit face à Dar. « Tu sais pourquoi j’étais si furieuse au sujet de tout ça ? »

« Parce que ce sont des idiots ? » Proposa Dar.

« Parce que je ne voulais pas que tu entendes tout ça et que je me sens mal que les gens pensent ça. » Kerry mit sa main sur le ventre de Dar et la gratta doucement. « Ça m’a vraiment ennuyée. »

Dar la poussa vers le trottoir à nouveau. Elles marchèrent le long des magasins, s’arrêtant pour regarder à l’intérieur de temps en temps. Kerry s’arrêta pour se coller contre l’une des vitrines, repérant un Ski-Doo. « Ooooh… tu sais quoi, Dar, c’est juste comme une… »

« Moto pour aller dans l’eau », acquiesça Dar avec un sourire. « Pour autant que je déteste avoir à les éviter sur l’eau, on s’amuse beaucoup avec. » Elle fit une pause et regarda le visage de Kerry avec attention. « Tu veux qu’on en achète deux pour le chalet ? »

« Mmm… » Extrêmement tentée, Kerry décolla son nez de la vitrine. « On va y réfléchir. » Elle prit le bras de Dar et elles repartirent, passant près d’une boutique Sharper Image et par consentement mutuel elles ne regardèrent pas à l’intérieur (Ndlt : boutique de drones). Elles devaient rentrer de déjeuner à une heure raisonnable et si elles entraient là, non seulement elles ne rentreraient pas mais elles finiraient par dépenser une fortune pour des objet qui paraissaient utiles mais pas aussi critiques.

Faire des courses ensemble était toujours dangereux mais amusant, avait remarqué Kerry. Elles avaient tendance à s’offrir des appareils coûteux l’une à l’autre et quand elles étaient ensemble, c’était tout bonnement ridicule parfois. Ce n’est pas comme si elles ne pouvaient pas se le permettre mais vraiment, est-ce qu’elles avaient besoin de plus de perroquets en bois colorés pour la maison ?

Ou des bols pour chiens peints à la main ?

« Hé regarde. » Dar montra. « Des Bernard-l’hermite. »

Kerry continua à marcher, s’assurant qu’elle avait une bonne prise sur le bras de Dar. « Non. »

« Mais ils sont mignons… regarde, ils ont peint leur coquille. » Dar marcha en arrière regardant la boutique. « Et ils ont des petites maisons en noix de coco… ce serait génial sur ton bureau. »

« Nonononononon… » Kerry tira plus fort. « Des ailes… des ailes, viens, oublie les crabes. »

Dar se mit à rire, fit le tour et emmena Kerry vers l’escalator. Elles évitèrent quelques touristes désorientés au sommet qui tentaient de prendre les marches montantes pour descendre et elles firent le tour de l’étage supérieur pour finir devant la porte de chez Hooters.

Kerry avait raison sur une chose, dut admettre Dar tandis qu’elle suivait la jeune femme blonde vers une table vide près de la fenêtre. Personne, absolument personne, ne s’attendrait soit à les voir là soit serait mortifié d’être vu en train de déjeuner eux-mêmes à cause de ce que les gens diraient.

« Bonjour ! » Une jolie fille aux cheveux rouges qui portait un short crininellement court et un tee-shirt coupé au niveau de l’estomac s’approcha. « Comment allez vous les filles ? »

« Bonjour Cheryl ! » Kerry la salua avec un sourire. « Comment vont les cours ? »

« Ils me rendent cinglée. » La jeune femme secoua la tête d’un air désabusé. « J’ai trois cours de labo de biochimie avancée ce semestre et chaque fois que je vois une assiette d’ailes de poulet, je m’attends à les voir bouger. Comme d’habitude ? »

« Bien sûr. » Dar se mit sur son tabouret et coinça ses pieds dans les anneaux. A part la vue, qu’elle n’était pas très fière d’avouer aimer, elle appréciait le restaurant parce qu’il manquait de la foule habituelle du déjeuner plus commune dans leur bâtiment.

« Alors. » Kerry joua avec la nappe. « Est-ce que j’ai surréagi à toutes ces conneries de discussion ? »

Dar posa son menton sur un poing. « Est-ce que Mari a vraiment envoyé un e-mail ? »

« Oui. Je veux dire qu’elle n’est pas entrée dans les détails, elle a juste dit que j’avais été frappée par le type avec qui je m’entraîne au karaté. »

« Ce n’est pas du karaté. » Dar fronça les sourcils.

« Non, mais ça a été inscrit avec du bon sens », admit Kerry. « Je ne sais pas, plus j’y pense, plus je pense que j’ai éclaté pour rien. » Elle soupira. « Sur Mark qui ne le méritait pas. »

« Dis-lui », suggéra Dar. « Il sait que tu l’as fait pour une bonne cause. »

Le regard vert clair se leva pour l’étudier, tandis qu’un doux sourire apparaissait sur les lèvres de Kerry. « Ce qui fait une différence pour moi c’est que tu sais que je l’ai fait pour une bonne cause. »

Cheryl choisit ce moment pour revenir, posant un pichet de thé glacé et deux verres, ainsi que des assiettes et un nouveau rouleau de serviette en papier. « Alors, comment ça va vous deux ? » Demanda-t-elle. « J’ai vu deux techniciens à vous hier… ils disaient qu’ils travaillaient au port ? »

« Ouaip », répondit Kerry, tandis que Dar s’affairait à leur verser du thé. « Nous travaillons sur ces navires là-bas. » Elle montra du doigt, même si on ne pouvait pas voir grand-chose du port à part les ponts supérieurs. « Nos gars ont fini ici ? Ooh… attendez que je les taquine. » Elle rit.

« Oui oui… et tu vas expliquer que tu l’as su… comment ? »Dar lui tendit un verre et fit un clin d’œil à Cheryl.

Cheryl lui rendit son clin d’œil et partit leur chercher leurs ailes.

« Toi et ta logique. » Kerry se sentait bien plus détendue maintenant. Le pire, réalisa-t-elle, ça avait été sa crainte de voir Dar découvrir les rumeurs. Maintenant il semblait que Dar pensait juste qu’ils étaient stupides, alors elle était libre de le penser aussi.

L’était-elle ?

Kerry soupira, souhaitant pouvoir le faire, et s’en débarrasser. Mais elle ne le pouvait pas et ça la tannait toujours, et maintenant elle devait penser à ce qu’elle allait en faire. Puis une pensée lui vint, un souvenir de plus tôt ce jour-là. « Réclamer mon territoire ? » Demanda-t-elle tout haut, lançant un regard perplexe à Dar.

« Quoi ? »

« Rien. Juste quelque chose que quelqu’un a… dit… » La voix de Kerry ralentit et traîna. Elle soupira à nouveau. « Encore des conneries. »

Dar lui ébouriffa les cheveux. « Merci d’avoir été outrée pour moi, Ker. Mais la seule opinion dans ce building qui compte pour moi, c’est la tienne. » Elle fit un sourire à Kerry et puis son regard dépassa sa compagne quand elle saisit un mouvement. « Fils de biscuit. »

« Quoi encore ? » Kerry tourna la tête, manquant régurgiter son thé quand elle vit ce que Dar regardait. Shari et Michelle assises avec un Peter Quest à l’air très supérieur, à une table à l’extérieur. « Oh, merde. »

« Je ne pense pas qu’ils puissent nous voir », observa Dar. « Voyons combien je peux offrir à Cheryl pour jouer les Maria. »

« Oh Seigneur. » Kerry se couvrit les yeux.

« Ou peut-être juste pour écouter », continua Dar d’une voix plus douce et plus calculatrice. « Après tout, le dernier endroit où elles s’attendent à voir de la concurrence, c’est ici, hein ? »

« Mm. » Kerry sentit un chatouillis d’appréhension dans ses tripes. Ou peut-être que c’était juste l’excitation de tout ça. « Le dernier endroit auquel elles penseraient. »

Mais à ce point, se demanda-t-elle, est-ce qu’elles venaient de devenir ce qu’étaient Shari et Michelle ? Y étaient-elles déjà ? Kerry prit son thé et sirota. « Je préfèrerais qu’on se contente de manger », finit-elle par dire en regardant Dar droit dans les yeux. « Et qu’on les ignore. »

Cheryl revint et posa deux assiettes d’ailes chaudes et croustillantes devant elles. « Et voilà les filles… autre chose ? »

Dar choisit une aile et salua Cheryl avec. « Nan… tout va bien. »

Kerry prit une aile à son tour et attendit que la serveuse parte avant de parler. « Merci. »

Dar fit un clin d’œil et mâcha son aile, apparemment peu concernée. « Tes désirs sont des ordres », dit-elle. « En plus, le mieux qu’on pourrait trouver c’est ce qu’on sait déjà. »

Kerry prit une bouchée satisfaite de la réponse. Du moins pour l’instant. 

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A suivre chapitre 18

 

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Commentaires
F
La canicule n arrête pas les braves :-)
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I
Merci Kaktus et Fryda !<br /> <br /> Une mise à jour très rafraichissante en cette vague de chaleur !<br /> <br /> <br /> <br /> isis
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