Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
Guerrière et Amazone
Publicité
Guerrière et Amazone
  • Vous trouverez ici des Fans Fictions francophones et des traductions tournant autour de la série Xena la Guerrière. Consultez la rubrique "Marche à suivre" sur la gauche pour mieux utiliser le site :O) Bonne lecture !!
  • Accueil du blog
  • Créer un blog avec CanalBlog
Guerrière et Amazone
Derniers commentaires
1 septembre 2019

A tire d'aile, de Gaxé

                  

 

                                                        A TIRE D’AILE

 

Le ciel est d’un bleu limpide et j’inspire profondément pour profiter pleinement de cet air qui me parait bien plus pur que de coutume. Sans doute n’est-ce qu’une idée que je me fais, à cause du retour du printemps et de la fin des frimas peut-être. Quoi qu’il en soit, l’impression que l’atmosphère est moins polluée aujourd’hui persiste et je veux y voir un bon présage. Je plane lentement au-dessus du quartier de la cité où je me suis installée depuis quelques temps.

Je suis née dans un parc forestier, bien loin d’ici et c’est parmi les arbres que j’ai battu des ailes pour la première fois, en compagnie de mes deux frères et sous l’œil avisé de ma mère. Mais mon tempérament aventureux a rapidement pris le dessus et à peine avais-je bien maitrisé mes capacités de vol que j’ai quitté le nid familial et que je suis partie découvrir le monde. J’ai vite rencontré quelques difficultés. Des oiseaux plus gros que moi parfois très belliqueux, quelques chiens et parfois des chats qui, lorsque j’étais à terre à la recherche de nourriture, me poursuivaient comme une proie, et puis bien sûr, les humains. Ceux qui se nomment eux-mêmes des chasseurs et qui utilisent leurs fusils contre tout ce qui bouge, même quand il est évident que ma petite taille et ma chair vraisemblablement peu goûteuse ne font pas de moi un gibier de choix. J’ai cependant vite appris à me débrouiller, à éviter les dangers et j’ai fait ce qui était mon objectif lorsque j’ai quitté ma famille. J’ai visité le monde. J’aime vivre dans la nature, en forêt de préférence, mais de temps à autre, notamment durant la saison froide, je passe du temps au-dessus de villes de plus ou moins grande importance, parce qu’il est plus facile de s’y nourrir en hiver, et parce qu’on y trouve parfois des endroits relativement chauds pour se protéger du vent et des températures les plus froides.

Maintenant que les beaux jours reviennent, je songe à repartir et c’est un regard dédaigneux que je jette aux quelques pigeons que je vois se précipiter en direction d’un banc sur lequel se trouvent deux vieilles dames qui papotent en leur jetant quelques miettes de pain. Voilà une chose que je ne fais pratiquement jamais. Je préfère dénicher ma nourriture moi-même, et s’il m’arrive tout de même de profiter des restes abandonnés que je peux trouver çà et là de temps en temps, j’ai l’habitude d’éviter d’’approcher de trop près les humains en qui je n’ai pas vraiment confiance tant ils sont imprévisibles, leurs comportements pouvant être complètement différents d’un individu à l’autre.

Quoi qu’il en soit, je n’ai pas vraiment faim pour l’instant et je vais m’installer tranquillement sur le toit d’un petit immeuble, observant tranquillement les alentours tout en lissant légèrement mes plumes noires de la pointe de mon bec. Je pense à m’en aller dès aujourd’hui, quitter cette ville et ses environs pour trouver un endroit plus sauvage, profiter de nouveau de la nature et des plaisirs de la vie dans les bois lorsque je l’entends.

Une mélodie, fort bien sifflée ma foi. Le timbre est très agréable, le son particulièrement harmonieux. Mais un air si plein de mélancolie que je sens aussitôt mon cœur se serrer. Ma curiosité m’amène immédiatement à chercher la provenance de ce si joli chant. J’étends mes ailes et je m’envole, regardant de droite et de gauche, mais je n’ai pas à chercher bien longtemps pour distinguer qui chante de si belle façon. Elle se trouve sur le balcon du deuxième étage de l’immeuble en face de celui où je me trouvais. Posée sur un petit perchoir, elle chante le regard levé vers le ciel alors qu’une femme d’une quarantaine d’années, assise sur une chaise de plastique, feuillette distraitement un magazine, semblant l’écouter d’une oreille distraite.

Je crois deviner la raison de l’espèce de spleen qui se dégage de la mélodie, car la belle oiselle qui siffle est enfermée dans une cage. Une cage d’assez belle taille pour ce que je peux en juger, je n’y connais pas grand-chose dans ce genre d’article, mais une cage tout de même. Je ralentis mon allure et viens doucement me poser sur la rambarde du balcon afin d’observer de plus près la si talentueuse chanteuse. Elle ne me remarque pas et la femme est trop absorbée par sa lecture pour faire attention à moi, ce qui me permet de la regarder avec attention, tout autant que de profiter de sa prestation

Son plumage est clair. Non pas jaune comme celui d’un canari, mais d’une blondeur pâle comme je n’en ai jamais vue chez aucun autre oiseau, ce qui me fait supposer qu’elle est d’une espèce exotique. Son bec, fin et relativement long, est brun, plutôt clair lui aussi. Je trouve son apparence physique aussi agréable, si ce n’est plus, que son chant, et si je pouvais sourire bêtement, je crois que je le ferais tant je suis charmée par ce que je vois et j’entends.

 Sans que rien ne le laisse présager, elle se tait soudain et pousse une espèce de petit soupir qui parait rempli d’autant de nostalgie que sa chanson. Et puis, elle quitte le petit perchoir pour se diriger vers le coin inférieur gauche de sa cage, là où se trouve un petit réservoir dans lequel elle s’abreuve lentement. Et ce n’est qu’après s’être désaltérée qu’elle relève la tête et m’aperçoit enfin. Je reste immobile sous ce regard, curieux mais plein d’une surprenante douceur. Elle incline la tête sur le côté gauche, puis le droit, et se décide enfin à remonter sur son perchoir avant de m’interroger d’une voix un peu incertaine, comme si elle craignait de m’inciter à partir en s’adressant à moi.

« Bonjour. Je ne t’ai jamais vue par ici. Qu’est ce qui t’amène ? »

Mon expression est amicale alors je lui sifflote doucement ma réponse.

« Ta voix, ta chanson, voilà ce qui m’a attirée jusqu’ici. »

Ça semble lui plaire, ses yeux s’illuminent un peu et elle jette un coup d’œil vers la femme qui a commencé à griffonner sur son magazine, sans doute pour résoudre un problème de mots croisés.

« Jusqu’à présent, j’ai toujours eu l’impression que Simone était la seule qui aimait m’entendre. Les quelques oiseaux qui viennent parfois par ici ne restent jamais. »

Elle bouge légèrement son aile gauche, comme si elle voulait hausser les épaules. Je l’observe une seconde puis reprend la conversation.

« Ce ne sont sans doute que de pauvres piafs sans cervelle. Pour ma part, j’ai été complètement charmée par ce que j’ai entendu. Toutefois, je dois reconnaitre que je m’interroge sur la mélancolie que j’ai ressentie en t’écoutant. C’était un air magnifique, mais vraiment triste. »

Elle incline de nouveau la tête, mais répond immédiatement.

« C’est ce que je ressens. La plupart du temps. Après tout, être constamment enfermée n’incite pas à la gaieté. »

Cette fois, je ne réponds pas immédiatement, cherchant à déchiffrer son expression.  Mais elle semble tout à fait sereine et ne paraît pas se préoccuper plus que ça de ma réaction. Elle lisse tranquillement ses plumes, sur ses ailes, comme si je n’étais plus là. Un instant, j’hésite, balançant entre m’en aller et la laisser tranquille, et poursuivre cette petite discussion. Et puis, je me décide, assez rapidement finalement. Après tout, parler encore un peu n’engage à rien. Je décide de m’approcher et volète pour m’installer tout près de sa cage, me juchant sur ce qui parait être un instrument destiné à mettre le linge à sécher. Prête à l’interroger de nouveau, je ne remarque pas immédiatement la dénommée Simone qui s’approche de moi, brandissant son magazine comme une arme pour l’agiter juste devant mon bec.

« Ah non alors ! Tu ne vas pas rester ici et déposer des fientes sur mon balcon ! »

Elle tente de me donner un coup de son journal, mais je l’évite, m’envolant vivement avant de faire du sur place au-dessus de la cage de la jolie oiselle dont je viens de faire la connaissance. Mais ça ne satisfait pas sa propriétaire qui insiste, secouant de nouveau les pages de papier et m’obligeant encore à bouger. Et c’est la belle chanteuse, qui n’a pas réagi jusque-là, qui m’incite à ne pas insister.

« Tu sais, elle ne te laissera pas tranquille tant que tu ne partiras pas. »

Bizarrement, qu’elle me pousse à m’en aller me déçoit. Et c’est d’ailleurs ce qui, finalement, me décide à me retirer. Peut-être qu’elle n’apprécie pas ma présence après tout. Je piaille, lançant un cri dans lequel je mets le plus d’agressivité possible, en direction de Simone, puis je prends mon envol et m’éloigne rapidement vers le cœur de la ville.

Je passe la journée du lendemain à voler de ci de là par-dessus la cité et sa banlieue. De nouveau, l’idée de m’en aller vers des contrées plus boisées m’effleure l’esprit, mais je ne parviens pas à me décider, l’idée que la jolie chanteuse ne souhaitait peut-être pas vraiment mon départ mais se contentait de me donner un conseil, s’impose petit à petit dans ma tête. De plus, je l’ai trouvée particulièrement agréable à regarder et plutôt intéressante, même si nous n’avons guère eu de temps pour converser. Je choisis donc de lui faire une deuxième visite, dès le lendemain matin avant de prendre une décision quelle qu’elle soit.  

La nuit est plutôt bonne. Je n’ai aucun mal à capturer quelques insectes qui me font un repas tout à fait acceptable, puis je m’installe sous un avant toit, non loin d’un nid d’hirondelles qui, heureusement, sont suffisamment discrètes pour que leur présence ne soit absolument pas une gêne pour moi. Je suis donc tout à fait en forme lorsque je retourne vers le balcon où je retrouve une jeune oiselle qui parait encore plus mélancolique que l’avant-veille.

Cette fois encore elle ne me voit pas venir et je me pose en douceur sur le sol même du balcon. Simone n’est pas là et je prends le temps d’avancer doucement vers la cage, mes pattes produisant un petit crissement qui suffit à attirer l’attention de la demoiselle enfermée là.  D’abord, sa posture exprime la surprise, mais rapidement, cette expression est remplacée par une mimique qui semble montrer un certain plaisir. Elle bondit, passant du sol de sa cage à son perchoir en un temps record, puis m’interpelle avec vivacité.

« Tu es revenue ! C’est bien, je m’étais déjà faite à l’idée de ne plus jamais te revoir. »

Je secoue la tête de droite à gauche, enchantée de l’entrain qu’elle montre.

«  Je ne pouvais pas partir ainsi, sans même connaitre ton nom. Du moins si tu en as un. »

Cette remarque la surprend visiblement.

« Bien sûr que j’ai un nom ! Je m’appelle Strielle. C’est Simone qui m’a appelée ainsi. Et toi, tu en as un, de nom ? »

Je hoche la tête.

« Ma mère m’appelait Xé »

« Ta mère ? Et personne d’autre ? Ça fait peu. »

Je pépie une seconde, histoire de montrer mon amusement, avant d’expliquer

« Mes frères le faisaient aussi. Ensuite, j’ai quitté le nid, et je n’ai jamais fondé de famille. En fait, je n’ai pas vraiment d’ami non plus, même si j’ai régulièrement rencontré des oiseaux de toutes sortes. »

Cela semble la peiner un peu et c’est d’une toute petite voix qu’elle questionne de nouveau.

« Tu n’as aucun ami ? Comme c’est triste ! Tu dois te sentir bien seule. »

C’est d’un air le plus dégagé possible que je réponds que pas du tout, je me sens très bien ainsi, à mener la vie que j’ai toujours voulue.  Mais ça ne parait pas la convaincre

« Moi, en tous cas, ça m’ennuie beaucoup d’être constamment seule, avec Simone pour unique compagnie »

Elle plante son beau regard clair dans le mien pour conclure

« J’aimerais beaucoup avoir au moins une amie »

La proposition, est claire, même si elle n’est pas énoncée de manière directe, et je n’ai aucun mal à y répondre, avec plus de vivacité que je m’y attendais, moi qui ne me lie pourtant pas si facilement

« Mais tu en as une. »

Elle saute d’un perchoir à un autre dans un mouvement de joie très spontané, puis me regarde par en dessous, paraissant gênée de s’être laissée aller à une telle démonstration.

« Je suis désolée de m’emballer ainsi. Il faut comprendre que si je ne suis pas vraiment malheureuse, ma vie est si monotone qu’avoir enfin une amie, quelqu’un à qui parler, qui me tienne compagnie de temps en temps, est un changement extraordinaire pour moi. »

Loin de me mettre mal à l’aise, cette réaction m’a amusée plutôt, mais touchée un peu aussi. Je ne dis bien sûr rien à ce sujet, préférant venir me percher directement sur sa cage pour parler avec elle, puisque c’est apparemment ce qu’elle souhaite.

« Tu devrais me raconter comment tu t’es retrouvée enfermée ainsi. De quel pays es-tu originaire ? Comment as-tu été capturée ? »

Elle me dévisage avec surprise.

« Je n’ai jamais été capturée. Je suis née dans une volière, bien plus grande que cette cage, et bien plus peuplée. C’est là que j’ai appris à voler. J’avais une sœur et un frère que je n’ai jamais revus, tout comme ma mère d’ailleurs. Nous avons tous les trois été vendus. Je ne sais pas ce qu’il est advenu d’eux, mais moi, je me suis retrouvée dans un magasin spécialisé dans les animaux exotiques, parce que je suis originaire d’Asie. Ce n’était pas un lieu agréable. Nous étions une dizaine, dans une cage plus petite que celle-ci. Et puis un jour, Simone est venue et m’a achetée. »

Elle reprend son souffle avant de reprendre tout bas.

« Depuis toujours, je rêve de liberté, de voler dans un ciel aussi bleu que celui d’aujourd’hui, d’aller où l’envie m’en prend sans voir des barreaux constamment devant moi… Certains jours, j’en viens à me demander si je saurais encore voler.»

Elle s’interrompt de nouveau, son expression de plus en plus triste.

« Sais-tu que je n’ai jamais rien mangé d’autre que des graines pour oiseaux ? Que je ne connais pas le goût des insectes, ni d’aucune graine trouvée dans la nature, ou de baies ? Et même que je ne connais pas la sensation de la pluie sur mes plumes ?  Tout ce que je connais, c’est la captivité, alors ne t’étonne pas que mes chansons soient pleines de mélancolie. Elles ne font que traduire mon regret d’une liberté que je n’ai jamais connue. »

Je hoche la tête. Même si je n’ai jamais vécu de cette manière, je n’ai pas un grand effort d’imagination à faire pour deviner à quel point ce doit être difficile, et je sais que pour ma part, j’aurais le plus grand mal à supporter ce genre d’existence. De son côté, après cette longue tirade, Strielle semble s’être repliée sur elle-même et plus un son ne sort de ce joli bec. Prostrée sur le sol de sa cage, son abattement visible, elle ne me jette pas un regard, donnant l’impression d’avoir honte de la vie qu’elle a toujours menée. Touchée, je viens me percher sur l’étendoir, tout près des barreaux qui la tiennent enfermée pour lui siffloter quelques paroles de consolation. Elle ne répond pas mais tend l’oreille, j’en suis certaine. D’ailleurs, au bout de moins d’une minute, elle s’approche lentement de moi, jusqu’à ce que nous soyons toutes deux si proches que, sans la cage, nous pourrions nous toucher. Alors, c’est ce que je fais. Doucement, je passe mon bec par l’espace entre les barreaux pour venir heurter le sien. Elle est visiblement surprise, à tel point qu’elle fait un petit bond en arrière.  Mais je n’ai pas le temps de m’en formaliser ni de me demander si mon initiative était bienvenue puisqu’elle se rapproche aussitôt et vient me rendre mon baiser. Cela ne dure que peu de temps, et elle recule de nouveau, ne paraissant toutefois pas si effarouchée que ça, plutôt curieuse et, je dois le dire, un peu méfiante.

« Nous ne nous connaissons que depuis quelques jours, j’avoue que ça m’amène à m’interroger sur les raisons qui te poussent à être si affectueuse avec moi. Est-ce que je te fais pitié ?»

Je secoue négativement la tête, avec beaucoup d’énergie.

« Bien sûr que non. Ton histoire m’a émue, mais ce n’est pas ce qui m’a poussée à revenir te voir, d’ailleurs, à ce moment-là, je ne la connaissais pas.

Mais j’aime ta manière de chanter, je te trouve très jolie et je te crois intéressante. Tout ça me donne envie de te connaitre mieux. »

Elle donne un petit coup de bec contre un barreau de sa cage, dans un geste plein de dépit.

« Et pendant combien de temps viendras tu me voir ? Combien de jours ou de mois, faudra-t-il avant que tu ne te lasses de ne pas pouvoir faire autre chose que parler avec moi. Combien de temps avant que tu répondes à l’appel de l’aventure, du voyage ou de je ne sais quoi d’autre ? Combien de temps avant que tu ne t’en ailles ? »

Je la fixe dans les yeux, mon regard aussi clair que mon ton.

« Jusqu’à ce que tu sortes de cette cage. »

Voilà une réponse qui la prend au dépourvu, ce n’est rien de le dire. Elle me lance un coup d’œil complètement éberlué, puis ses prunelles vertes s’assombrissent et sa voix se remplit d’amertume alors qu’elle réplique avec vivacité.

« Comment peux-tu prétendre vouloir être mon amie et te moquer de moi de cette manière ? Je n’ai aucun moyen de me libérer.  Ce que tu viens de dire n’est pas drôle, Xé. C’est tout simplement cruel. »

Elle me tourne le dos et termine tristement.

« Peut-être que tu devrais t’en aller et ne plus revenir, finalement. »

Mais je ne pars pas. Au contraire, je tente de lui expliquer ce que je voulais dire. 

« Je ne me moque pas de toi, Strielle ! Je veux juste trouver un moyen de te faire sortir de là. »

Toujours amère, elle interroge tout de même.

« Ah oui ? Et comment crois-tu que ce soit possible ? En demandant gentiment à Simone ? »

Je réfléchis aux infimes possibilités qui peuvent se présenter.

« Pour l’instant, je n’en sais rien. As-tu déjà essayé de t’échapper ? Simone ouvre-t-elle parfois ta cage ? »

Elle secoue négativement la tête.

« Je n’ai jamais rien tenté, non. Et Simone n’ouvre qu’environ une fois par semaine, pour nettoyer cette geôle . »

Je frotte la pointe de mes deux ailes l’une contre l’autre.

« Elle fait ça régulièrement ? »

Elle réfléchit quelques secondes avant de répondre doucement, semblant chercher pourquoi je pose cette question.

« Environ une fois par semaine. Le dimanche en principe, quand elle ne travaille pas.»

Après une seconde, elle rajoute, intriguée. 

« Encore que je ne sache pas vraiment ce qu’elle appelle le travail. Tout ce que je sais, c’est qu’elle s’absente du matin jusqu’au soir, et qu’elle se plaint d’être fatiguée quand elle rentre. »

J’ai déjà vu des humains travailler. Des ouvriers bâtir des immeubles, des serveurs à la terrasse des cafés, des conducteurs d’autobus ou de tramway, des paysans retourner la terre ou s’occuper d’animaux domestiques… Je lui raconte tout cela et je vois ses yeux s’allumer, de curiosité, mais aussi d’envie. L’envie de voir, d’apprendre elle aussi tout ce que le monde contient et qu’elle ne connait pas. Evidemment, ça renforce ma détermination à la sortir de sa situation, même si je ne lui dis rien de plus à ce sujet, préférant lui raconter ce que je sais du monde, ce dont j’ai entendu parler mais que je n’ai jamais vu, et ce que je projette de découvrir un jour. Elle s’enthousiasme, s’exclame à la description des montagnes que j’ai survolées, s’extasie devant ce que je lui raconte de la mer, rêve tout haut quand j’évoque les forêts touffues, les champs cultivés à perte de vue…

Lorsque je la quitte ce soir-là, après un nouvel échange de coup de becs au moment du retour de Simone, je sais que sa mélancolie va revenir en force, mais aussi que je lui ai donné matière à rêver.

Les jours suivants se déroulent de la même manière. Je viens la rejoindre dès les premières heures du matin, grignotant même quelques déchets humains en chemin pour ne pas perdre de temps à chercher de la nourriture. Nous parlons beaucoup, moi surtout. Je tente de lui raconter toutes mes expériences, de lui apprendre tout ce que je sais du monde pour qu’elle soit moins désorientée si elle parvient à sortir, et aussi de la rassurer sur ces capacités à voler. Car c’est là l’un des sujets qui l’inquiètent le plus depuis que j’ai évoqué l’idée d’une évasion pour elle.  Mais nous ne parlons plus de ça, préférant plutôt continuer à faire tranquillement connaissance.

Toutefois, je compte consciencieusement les jours, et j’observe l’activité humaine afin d’être sûre d’être prête au moment où Simone nettoiera la cage.

Quand le dimanche est enfin là, j’arrive sur le balcon plus tôt encore que d’habitude. Aussitôt, je viens parler à mon amie, pour lui expliquer mon plan succinctement. Ce n’est pas très compliqué, ni très élaboré, mais j’insiste néanmoins sur un point, la vitesse. La cage ne sera ouverte que durant très peu de temps, et il est impératif que Strielle réagisse le plus rapidement possible. Elle m’assure qu’elle est déterminée à ne pas laisser passer sa chance et je lis dans son regard qu’elle est on ne peut plus sérieuse. Confiante, je lui donne quelques coups de bec, puis je pars m’installer sur la rambarde.

Nous échangeons assez peu, alors que nous attendons. Nerveuse, mon amie saute d’une patte sur l’autre, alors que je jette constamment des coups d’œil à droite et à gauche en soupirant. La matinée n’en finit pas.

Enfin, j’entends la femme qui a acheté Strielle, venir sur le balcon. Sa voix est chantante et son ton agréable alors qu’elle s’adresse à celle dont le chant m’a si vite séduite.

« Tu ne chantes donc pas aujourd’hui ? Peut-être qu’avoir ta cage nettoyée te mettra de meilleure humeur. »

Elle dépose un flacon de produit nettoyant, une éponge et un chiffon sur une petite table, puis tend la main vers la cage. Je ne crois pas qu’elle m’ait vue, et je m’efforce de ne faire aucun bruit alors que je me ramasse sur moi-même, prête à partir vers ma cible dès que possible. Et puis, Simone tend la main vers la porte de la cage. Et l’ouvre.

Je bondis et me précipite sur la femme, plantant immédiatement mes griffes sur son visage. Elle crie d’une voix suraiguë et bat des mains, tentant de me repousser mais je tiens bon tout en jetant un rapide coup d’œil vers mon amie et sa cage.

La porte est restée ouverte et Strielle est sortie. Elle est debout sur la rambarde et regarde vers le sol, semblant avoir peur de s’envoler. Je voudrais l’encourager, mais alors que je décide de m’éloigner, l’une des mains de Simone vient me cogner sur le côté gauche, m’envoyant valdinguer contre la porte fenêtre. Le choc est violent et pendant une seconde je me demande si je ne vais pas m’effondrer tant mon aile est douloureuse. Mais je n’ai aucun mal à la remuer et je remonte aussitôt sur la tête de la femme, jetant dans le même temps un regard vers mon amie.

Elle est toujours perchée au même endroit et regarde mon « combat » avec sa maîtresse avec inquiétude. Je piaille, le plus fort possible pour l’inciter à prendre son envol, et me dépêche de la rejoindre sans lâcher la petite mèche de cheveux que je tiens dans mon bec, jusqu’à ce que, tirant le plus fort possible, je l’arrache. Simone crie et je l’entends distinctement prononcer quelques jurons, mais je ne m’en soucie pas, me précipitant plutôt auprès de Strielle afin de l’inciter à enfin s’envoler. Elle me jette un regard apeuré, mais ma présence semble la réconforter, bien qu’elle paraisse encore hésitante.

Je regarde derrière, sur le balcon. Simone a repris ses esprits et s’avance vers nous, l’expression à la fois furieuse et menaçante. Alors, je ne tergiverse plus et donne un léger coup de mon aile dans celle de mon amie.

« Allons-y, sans quoi elle t’enfermera de nouveau ! »

Heureusement, ça suffit pour la décider et sa détermination est évidente alors qu’elle étend ses ailes et saute dans le vide. Je me précipite à sa suite, sentant les doigts de la femme furieuse, derrière moi, qui effleurent les plumes de ma queue.

L’inquiétude de Strielle n’était pas justifiée. Elle trouve aussitôt rythme et équilibre et ne tarde pas à s’enhardir, volant parfois au-dessus de moi, puis dessous, avant de venir cogner légèrement son bec sur le mien. Elle tourbillonne, plane, monte et redescend, chante à tue-tête et montre une joie et une allégresse indescriptibles.

Nous volons ainsi pendant un long moment, mon amie semblant incapable de se calmer, mais je finis tout de même par attirer suffisamment son attention pour l’inciter à me suivre au lieu de virevolter comme elle le fait depuis que nous avons quitté le balcon. Je l’entraine donc vers un petit parc, en périphérie de la ville. Un parc au sein duquel se trouve un étang, pas bien grand, mais survolé régulièrement par une multitude d’insectes attirés par l’humidité du lieu.

Elle est ravie lorsqu’elle découvre enfin ce qui, pour elle, ressemble à la nature, et même si, pour ma part, je sais qu’il ne s’agit là que d’un espace aménagé, cela sera suffisant pour ce que je veux lui montrer. Elle est toujours un peu surexcitée et rayonne de joie, mais me regarde avec intérêt alors que je pars en chasse, poussant une exclamation de plaisir quand je capture un moucheron. Elle refuse que je le lui donne cependant, et s’en va aussitôt tenter de faire la même chose. Il ne lui faut guère de temps pour y arriver et c’est avec une expression de ravissement comme je n’en avais jamais vue qu’elle avale le produit de sa première chasse, semblant particulièrement apprécier le goût de cet aliment nouveau et si différent de ce qu’elle a toujours mangé jusqu’à présent. Après cela, l’après-midi entière est consacrée à ces activités, somme toute banales et routinières pour un oiseau ordinaire mais qui sont toutes nouvelles pour mon amie.

A la fin de la journée Strielle est plus que fatiguée. Mais sa joie et son enthousiasme n’ont pas disparus, loin de là. Posées sur une branche, aile contre aile, nous devisons doucement, et je l’entends évoquer tous les projets qu’elle voudrait nous voir réaliser. Voyager, voir la mer, les montagnes, aller visiter les forêts les plus profondes, construire un nid pour passer la mauvaise saison… Et surtout voler, profiter de l’espace infini que nous offre le ciel.

Nous ne nous quitterons plus, c’est évident pour l’une comme pour l’autre. Ce soir-là, tournées vers la soleil couchant qui colore l’horizon d’un rouge flamboyant, blotties l’une contre l’autre, son bec vient se glisser sous les plumes de mon cou et pincer légèrement ma peau, provoquant de multiples frissons en moi. Je passe mon aile sur son dos et c’est ainsi que nous nous endormons, rêvant toutes les deux de la vie radieuse qui nous attend.

 

Publicité
Publicité
Commentaires
S
Et hop, Gaxé a encore frappé avec son imagination qui s'envole à tire d'ailes, d'un regard vers le ciel, admirant des duos improbables se révéler et s'accomplir en toute liberté ;)<br /> <br /> Merci ^^
Répondre
A
Hello :) Tout comme Fryda :)<br /> <br /> L'imagination de notre barde Gaxé est sans limites :) :)<br /> <br /> C'est un réel plaisir de lire ses histoires : celle-ci ne déroge pas à la quasi règle :)<br /> <br /> Un univers un peut particulier, en tous cas clairment hors du commun :)<br /> <br /> Merci de pour cette uberFF, Gaxé :)<br /> <br /> Pourvu que ça continu :) :)
Répondre
F
Encore une fiction bien écrite avec un sujet original. Une Uber comme on les aime :-)
Répondre
Publicité