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Guerrière et Amazone
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  • Vous trouverez ici des Fans Fictions francophones et des traductions tournant autour de la série Xena la Guerrière. Consultez la rubrique "Marche à suivre" sur la gauche pour mieux utiliser le site :O) Bonne lecture !!
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Guerrière et Amazone
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19 mars 2024

La noirceur du matin chapitre 23

La noirceur du matin – Tome 14  – Melissa Good

 

Xena et Gabrielle se sont installées à Amphipolis et profitent de leur nouvelle fille, Doriana.

Mais est-ce bien le cas ? La vie est, comme Gabrielle le sait bien, une série de compromis. Pour obtenir une chose, il faut souvent renoncer à une autre.

 

Chapitre 23

Ils se rassemblèrent près des arbres, penchés discrètement sur leurs selles. Devant eux, un groupe des troupes d'Andreas avançait, des guerriers à cheval au nombre de deux cents environ.

"Les éclaireurs." murmura Xena en caressant doucement l’encolure d'Argo. Ses yeux se posèrent sur eux, et au-delà, sur une deuxième unité de sa cavalerie qui attendait son signal.

"Ils doivent savoir que s'exposer ainsi, c'est demander à être attaqué." Gillen se redressa légèrement sur ses propres étriers. "A quoi ils jouent ?"

"A me chasser." La guerrière rit doucement. "Assurons-nous que leur chasse soit fructueuse." Elle tourna la tête. "Tout le monde est prêt ?" Sa voix était basse, mais tout le monde l’entendait. "Attention aux flèches. On ne sait pas s'ils mettent quelque chose sur les pointes. Couvrez-vous si vous le pouvez."

Les têtes acquiescèrent, tandis que les armures étaient ajustées et les casques étaient mis en place.

"Les archers sont prêts ?"

Les Amazones à pied se déplacèrent, levant les pointes de leurs arcs en une ligne ondulante le long de l'herbe.

Xena se mit debout sur ses étriers et leva son chakram, envoyant un signal à ses troupes, en faisant refléter les rayons du soleil dans un éclair brillant. Dans l'espace qui les séparait et qui se remplissait lentement de soldats ennemis, un éclair de réponse se fit voir de l’autre côté.

"Armez" déclara Xena calmement, en se rasseyant sur sa selle. "Maintenant."

Une pluie de flèches explosa des deux côtés des arbres, puis une deuxième et une troisième, les arbalétriers visant les têtes et les flancs non protégés des chevaux. Les colonnes ordonnées se désorganisèrent et des cris retentirent. Des carreaux d'arbalète répondirent à leurs flèches, sifflant légèrement contre l'herbe, sans toucher leur but.

"Feu". Xena se pencha en avant et récupéra son épée. Elle sentait ses troupes s’agiter autour d'elle. Les forces d'Andreas se rassemblaient, levant leurs boucliers pour se protéger des flèches tout en se déplaçant pour attaquer. "Doucement.... Doucement..." Argo hennit bruyamment.

Les capitaines d'Andreas organisèrent leurs troupes et commencèrent une charge vers la forêt pour attaquer les tireurs d'élite qui les bombardaient de flèches. Ils couchèrent leurs boucliers devant eux pour se protéger et lancèrent leurs chevaux au galop. Le grondement des sabots sur la pelouse se fit de plus en plus fort à mesure qu’ils avançaient.

"Archers, rechargez." Xena resserra ses doigts autour de son épée. "A mon signal.... Prêt…" Un grognement sourd s'éleva dans sa gorge et se transforma rapidement en un cri de guerre qui fit trembler les feuilles autour d'eux. "Yeahhh !!!!"

Les archères Amazones s'écartèrent de leur chemin tandis que la cavalerie chargeait, sortant des arbres en une vague inattendue pour attaquer les soldats qui arrivaient.

Gabrielle resta résolument aux côtés de sa compagne, poussant Iolaus à avancer pour suivre sa mère alors qu'ils traversaient les broussailles et rencontraient les soldats d'Andreas. Elle laissa son monde se réduire à un cercle contenant uniquement Iolaus, Xena et Argo, et où elle s'efforçait d'exclure tout ce qui tentait d’y pénétrer.

C'était plus facile ainsi. Son bâton lui donnait une portée supérieure à celle de la plupart des autres soldats à cheval, et Iolaus était bien entraîné et fougueux, mordant et donnant des coups de sabots à tous ceux qui essayaient de s'approcher d'elle.

Elle avait aussi une nouvelle astuce. Elle laissait son bâton reposer au niveau de ses hanches, en travers de son corps, et traversait simplement les soldats serrés les uns contre les autres, poussant vers l'avant avec ses bras lorsque les extrémités du bâton les frappaient. Les guerriers étaient surpris, car personne ne leur avait jamais vraiment appris à se défendre contre une petite Amazone à moitié folle, sans épée ni couteau... armée juste d’un grand bâton et d’un cheval puissant.

Elle sentit une douleur aiguë contre son épaule et elle se coucha sur la selle alors qu’une masse glissait pour venir frapper la croupe d’Iolaus. L'étalon, furieux, donna un violent coup de sabots avec ses deux postérieurs, fracassant la trachée du cheval de son agresseur. La jument s'effondra avec un gargouillis, tandis que son cavalier sautait de la selle et tentait de s'agripper à l'étrier de Gabrielle dans sa chute.

Sa main fut coupée par un coup d'épée presque désinvolte de Xena, qui décrivit un cercle autour d’elles avant de dévier une flèche dont les plumes frôlèrent légèrement le nez de la barde.

Un moment de calme hors du temps la saisit, éloignant l’odeur du sang qui se mêlait au bruit des sabots et des cris des femmes et des hommes qui les entouraient. Elle leva les yeux et regarda Xena, sa Xena, qui la regardait en retour, sous une frange indisciplinée et éclaboussée de sang, sa tête fièrement découverte rendant son identité à tous.

La guerrière cligna des yeux.

Et la marée de la bataille les envahit toutes les deux à nouveau. Elle lutta pour garder son bâton hors des mains d'un homme à pied déterminé, qui essayait de la tirer vers le bas.

"Arrête ça !" Elle le frappa violemment à la poitrine, l'extrémité cuivrée de son bâton s'entrechoquant contre l'armure de son torse. L'homme tressaillit et il la fixa étonné, observant son visage déterminé et ses yeux verts étincelants.

C'était un jeune garçon, réalisa-t-elle, plus jeune qu'elle, et ses grands yeux gris s'écarquillèrent lorsqu'elle leva son bâton pour le faire tomber. Il se baissa et s'enfuit, la laissant surprise et un peu déconcertée.

Les cavaliers d'Andreas, pris entre les deux lignes de cavalerie de Xena et les forces à pied des Amazones, commencèrent lentement à battre en retraite. Leur nombre avait été réduit de moitié, bien qu'ils aient prélevé leur propre tribut dans les forces de Xena et ils commençaient à se regrouper pour fuir et s'échapper vers l'armée principale.

"Laissez-les partir." Xena se redressa sur ses étriers, attirant les carreaux d'arbalète ennemis qui passaient à côté d'elle, avant de les dévier sans difficulté. "Il y en a d'autres là d'où ils viennent."

Un hurlement s'éleva de ses troupes, qui brandirent leurs armes sur les hommes qui battaient en retraite.

Gillen arriva à cheval, essuyant le sang d'une vilaine entaille sur son bras. "Et les blessés, Xena ?"

"Mets-les sur des chevaux avec un cavalier valide et ramène-les au camp." répondit Xena en brossant ses cheveux sur son front maculé de terre et de sang.

"Je veux dire les leurs." L'Amazone souleva son casque et souffla sur ses propres mèches humides de sueur. "Il y en a au moins une vingtaine."

 

Xena pencha la tête et réfléchit, tout en utilisant un peu de linge pour nettoyer la lame de son épée. "Nous avons des combattants formés au soin ? Alors qu'ils examinent les blessés. S'ils sont sauvables, nous les prenons. S'ils sont mourants, remettons-les entre les mains d’Hades. "

Gabrielle sentit une protestation monter du fond de sa gorge et elle s'efforça de la faire taire. Son instinct lui dictait de les ramener tous, quoi qu'il en coûte. Mais... "Je vais aller voir si je peux aider, Xena." proposa-t-elle doucement, recevant en retour un rapide regard compréhensif mais rempli d’ironie.

"Bien." La guerrière lui tapota le genou. "Je veux que cette zone soit nettoyée... nous garderons une avant force ici. C'est étroit et ça donne une chance de ralentir leur progression." Elle se retourna. "Ephiny, envoie un coureur chercher des renforts et des provisions pour consolider les avant-postes."

"D'accord." La Régente acquiesça et se dirigea vers un groupe d'Amazones.

Gabrielle détacha ses liens et attacha son bâton à son support, puis elle descendit du dos d'Iolaus et s'appuya contre son flanc chaud pendant un long moment. Puis elle prit une grande inspiration, se redressa et rassembla deux des hommes de Bennu et une de ses Amazones, avant de commencer à trier les blessés.

Xena s'étira, puis elle éloigna un peu Argo de la scène de combat, scrutant l'horizon lointain à la recherche d'une contre-attaque. Une main se posa sur sa botte et elle jeta un coup d'œil vers le bas pour voir Cait, couverte de sang des combats, qui affichait un air plutôt joyeux. "Hé, Cait."

"C'était absolument splendide." Cait sourit. "Tu as besoin de quelqu'un pour aller voir ce qui se passe là-haut ? J'en serais ravie." Elle jeta un coup d'œil derrière elle. "Pally ne veut pas, mais je crois que je pourrais la convaincre."

Xena regarda par-dessus son épaule, vers l'endroit où Paladia avait commencé à aider Gillen à déplacer les blessés. "C'est peut-être une bonne idée." Acquiesça-t-elle pensivement. "Je vais te dire, attendons que les premiers remplaçants arrivent ici, et tu pourras partir... voir ce qu'ils font."

Le visage de Cait s'illumina. "Avec plaisir !" souffla-t-elle, se délectant de la confiance de son idole. "Je le ferai dès qu’ils arriveront."

Gabrielle s'agenouilla et passa en revue une autre forme gémissante. Elle tira doucement sur l'épaule du soldat, le fit rouler sur le dos et souffla en reconnaissant son jeune agresseur. Le sang coulait d'un coup de lance juste sous sa cage thoracique, le liquide rouge recouvrant ses mains qu'il avait serrées contre son corps pour tenter d'arrêter l'écoulement. Avec un soupir, la barde sortit un morceau de lin plié de sa poche et le pressa contre la blessure.

"Ne...me...fais...pas de mal." Chuchota le garçon. "Je n'ai plus de couteau."

"Je ne te ferai rien." le rassura Gabrielle, en retirant son casque de protection et en le posant sur le sol. "Reste tranquille... Qu'est-ce qu'un gamin comme toi fait à se battre dans une armée, hein ?"

"N... pas un gamin." protesta le garçon. "Je voulais juste voir A...Athènes."

"Tu ne manques pas grand-chose." Gabrielle écarta délicatement son armure et étudia la blessure. Le sang perlait déjà à travers son bandage de fortune, et elle pouvait voir à quel point sa respiration était irrégulière. "C'est sale et ça sent mauvais... Mais ils ont de bonnes pommes farcies là-bas. Avec du miel."

Distrait, il la regarda. "Vraiment ?"

Elle sourit. "Oui."

"Jeune fille..." L'un des soldats guérisseurs de Bennu posa une main sur son épaule. "Il n'y a pas beaucoup de chances."

Non. Gabrielle souffla. Pas beaucoup de chance pour lui, ou pour eux de le sauver... mais...

Peut-être...

Gabrielle releva la tête et regarda autour d’elle, scrutant la foule. Elle aperçut, non loin de là, la grande silhouette autoritaire assise sur Argo, à moitié redressée sur sa selle alors qu'elle hurlait des instructions et dirigeait l'armée. La barde rassembla ses forces et aspira l'air dans ses poumons, puis elle projeta son cri vers sa compagne. "Xena !"

Instantanément, la tête sombre se tourna, concentrant sur elle des yeux clairs d'une intensité effrayante.

"Peux-tu venir s’il te plaît ?"

Gabrielle était consciente que les soldats regardaient et écoutaient, avec quelque chose de proche de l'émerveillement, tandis que leur Cheffe descendait du grand dos d'Argo et se dirigeait vers la barde agenouillée à grandes enjambées rythmées. Gabrielle pencha la tête en arrière lorsque la guerrière la surplomba, les bottes couvertes de boue et de pire encore. "Peux-tu l'aider ?"

Xena s'agenouilla et examina le garçon, la tête inclinée d'une manière féroce, presque comme un faucon. Le soldat ennemi était manifestement terrifié, mais incapable de s'éloigner de la silhouette menaçante de la guerrière. "Il mourra le temps qu'on le ramène à l'hospice." prononça-t-elle d'un ton tranchant.

Gabrielle regarda la boue entre ses bottes, reconnaissant la logique de la déclaration de sa compagne. "D'accord." murmura-t-elle. "Merci." Elle leva les yeux vers ceux du garçon, avec une douce compassion. "Je suis désolée."

Sa peur était si évidente qu'elle lui faisait mal. Xena jura doucement dans une langue que Gabrielle reconnaissait mais ne comprenait pas, et se déplaça à côté d'elle.

"Gillen, demande à tes hommes de faire un feu près des arbres pour que nous puissions soigner nos blessés. Cait, amène Argo ici, j'ai besoin de mes sacoches." La guerrière retira ses gantelets, dévoilant de longues mains puissantes et s'avança, écartant l'armure du garçon pour exposer la plaie béante. "Nous n'utilisons pas de lances barbelées." Elle reporta son attention sur le soldat. "C'est l'un des tiens qui a fait ça ?"

Ses dents claquaient de peur, mais il acquiesça.

Xena se pencha sur lui, ses yeux se plantant dans les siens, l’empêchant de détourner le regard. "Y avait-il quelque chose sur leurs lames ?"

Le garçon se contenta de la regarder fixement. "Réponds-moi." S'impatienta Xena. "Ou bien il est inutile que j'essaie de te sauver la vie."

La tête du garçon bougea enfin d'un côté à l'autre. "N...non... pas... les nôtres."

L'un des autres combattants grogna. "C'est bon à entendre."

Xena écarta le bandage que Gabrielle avait appliqué sur la blessure et prit une décision rapide, alors que Cait s’agenouillait près d’elle avec ses sacoches. Elle fouilla dans l'une d'elles sans regarder et en sortit sa trousse de guérisseur, que Gabrielle récupéra rapidement avant de l’ouvrir. "Boyau, aiguille à os, vite".

Gabrielle était consciente des regards autour d'elles, de leurs hommes et des blessés d’Andreas capturés, qui la regardaient enfiler le boyau dans l’aiguille avant de la tendre à sa compagne. Elle prit sa gourde et l’ouvrit, puis elle pressa le sac pour faire gicler de l'eau sur la blessure et retirer autant de saleté qu'elle le pouvait.

Xena travaillait rapidement, recousant l'entaille de l'intérieur vers l'extérieur avec des mains habiles, refermant la plaie et coupant ainsi l'horrible flux de sang. Elle ignora les gémissements du garçon qui était maintenu au sol et immobile par deux soldats. Elle finit d'attacher le boyau et fit un signe de tête à Gabrielle pour que la barde lave à nouveau la blessure. "De toute façon, il y aura probablement une infection à l'intérieur". grommela-t-elle. "Très bien. Ajoutez-le avec le groupe qui repart." Elle posa un nouveau morceau de linge sur la poitrine du garçon, puis elle replia sa trousse.

Gabrielle tendit la main et saisit celle de sa compagne, sentant la chaleur lorsqu'elle la souleva et l’effleura de ses lèvres. "Merci. "

La main se dégagea doucement et lui caressa la joue avant d’ébouriffer ses cheveux moites, mais Xena resta silencieuse. Puis la guerrière se leva et remit son armure en place, avant de s'éloigner et de recommencer à donner des ordres aux troupes.

Gabrielle laissa deux des soldats soulever le garçon évanoui et l'emmener vers les arbres, puis elle se leva et sentit un regain de force l'envahir. Elle redressa les épaules. "Au suivant."

En regardant autour d'elle, en voyant les morts s'amonceler, elle se rendit compte à quel point une seule vie pouvait avoir de l'importance. Elle pouvait le voir dans les yeux des soldats capturés et dans les regards de leurs propres combattants qui la regardaient avec admiration. Elle prit sa sacoche et suivit les guérisseurs jusqu'au prochain rassemblement pathétique d'armures et de cuir.

******************

Ils installèrent leur campement pour la nuit, tout en restant en alerte au moindre mouvement suspicieux. Les blessés avaient été renvoyés à la rivière et deux cents soldats de Xena étaient venus renforcer leur troupe. Des sentinelles avaient été positionnées un peu plus loin, au cas où Andreas déciderait d'essayer de les surprendre pendant la nuit, et le reste des combattants s'était recroquevillé près des petits feux tout juste allumés, pour se reposer et manger les rations de voyage qu'ils avaient emportées.

Les histoires se répandaient, réalisa Gabrielle en marchant dans le camp, alors que les nouveaux arrivants se faisaient raconter par les combattants venus avec Xena, les batailles qu'ils avaient livrées. Jusqu'à présent, le bilan n'était pas très lourd, ils avaient perdu vingt hommes et femmes en tout et pour tout, sur la centaine de cavaliers que Xena avait amenés avec elle, et des Amazones des avant-postes, dont deux de sa propre Nation.

Des pas s'approchèrent et elle tourna la tête pour voir Ephiny qui trottait pour la rattraper. "Hé…"

"Salut." La Régente soupira tandis qu'elle se mettait au pas à côté d'elle. "Tu as dîné ?"

"J'y vais maintenant." Répondit la barde. "Ensuite, il faut que j'aille trouver Xena... Je ne l'ai pas vue depuis une ou deux bougies au moins."

"Je pense qu'elle a réquisitionné une petite clairière après ces deux affleurements pour elle-même." Ephiny pointa l’endroit du doigt. "J'ai cru voir Argo là-bas avant."

Gabrielle acquiesça. "Merci... bon sang, la journée a été longue. Tu penses qu'on aura des problèmes cette nuit ?"

"Ça ne m'étonnerait pas." répondit Ephiny d'un air sombre. "Nous l'avons piqué trois fois maintenant, il va vouloir répliquer tôt ou tard." Elle fit un signe vers l'obscurité. "J'ai placé un garde dans les environs de cette clairière." Dit-elle en pointant l’endroit que Xena avait réquisitionné. "S'il te plaît, ne le dis pas à qui tu sais, d'accord ?"

Gabrielle grimaça. "Comme si elle ne le savait pas ! Sérieusement..." Elle changea de direction et se dirigea vers la zone mentionnée par Ephiny. "Je vais voir si elle est là-bas. Peut-être qu'on s'arrêtera au feu principal pour dîner." Elle fit un signe de la main à Ephiny et se dirigea vers les affleurements. Bien sûr, Argo était là, broutant patiemment l'herbe à côté d'Iolaus, dont le pelage avait été brossé avec soin. Près de l'endroit où se trouvaient les chevaux, Xena avait installé une toile de tente qui recouvrait un rocher lisse sur lequel elle avait étalé ses cartes et les examinait.

Son armure était rangée près d'elle, nettoyée et prête, et elle portait son deuxième ensemble de cuirs avec ses protections lourdes sur les cuisses et le dos. La protection brillait un peu aux reflets du feu à cause de l’eau qui gouttait encore de ses cheveux noirs.

Elle leva les yeux lorsque Gabrielle entra dans la clairière, la lumière du feu révélant le sourire qui apparaissait, franc et sans ambiguïté, lorsqu'elle aperçut son âme sœur. Gabrielle se surprit à sourire à son tour, réagissant à l'énergie sauvage et féroce qui se dégageait de Xena. "Salut".

Xena se leva et tendit la main vers elle. "Viens ici." Elle saisit les doigts de la barde et l'entraîna vers un siège sur le rocher, avant de poser un bras sur ses épaules. "Est-ce que Gillen t'a parlé ?"

"Non." répondit Gabrielle en lui jetant un regard curieux. "Pourquoi ?"

"Cinquante des hommes d'Andreas sont arrivés il y a à peu près un quart de bougies. Ils venaient se rendre." Répondit La guerrière avec un sourire. "Bien sûr, c'est une goutte d'eau dans l'océan, mais…".

"Est-ce que tu vas les intégrer dans notre armée ?" demanda le barde. "Ce serait un peu bizarre."

"Mm... J'adorerais l’agrandir, mais non." répondit Xena, trouvant une oreille de barde savoureuse à mordiller. "Nous les avons désarmés et nous leur avons enlevé leur armure avant de les envoyer sur leur chemin au-delà de la rivière."

"Oh. Ça chatouille." Gabrielle étouffa un rire. "Ils étaient d'accord avec ça ?"

"Oui. L'un d'eux a dit à Gillen qu'il était content d'être sorti de là. Apparemment, nous avons mis des abeilles dans les culottes d'Andreas depuis une quinzaine de jours." Xena mordit un peu plus loin, atteignant la pente où le cou de Gabrielle rejoignait ses épaules.

"Est-ce que tu as faim, par hasard ?"

"Qu'est-ce qui te fait penser à ça ?" gronda la guerrière à son oreille. "Peut-être que je veux juste te dévorer."

"Hmm." Gabrielle pencha la tête en arrière et se laissa volontiers aller au baiser qui s'emparait de ses lèvres. Ses douleurs et son épuisement s'estompèrent soudainement et elle relâcha lentement son souffle lorsqu'elles se séparèrent. "J'ai de la chance alors...".

Xena gloussa, puis elle étala un peu ses cartes et étouffa un bâillement. "Tu as fait un sacré boulot aujourd'hui, ma barde. Chaque fois que je me retournais, tu étais là."

"Ugh... oui, je sais. Je le sens. Ces sangles sont géniales, Xena... mais je crois que même mes bleus ont des bleus." admit Gabrielle. "Et nous venons juste de commencer."

"Hum ?" Xena roula les parchemins et les rangea dans leur étui, puis elle tira Gabrielle vers elle et lui massa les épaules. "Laisse-moi voir." Elle détacha la tunique de la barde et exposa sa cage thoracique. "Mm... oui." Elle traça les marques sombres du bout du doigt. "Il faut que je te fasse une ceinture rembourrée... Je crois que j'ai quelque chose qui pourrait marcher." Elle tapota le ventre de Gabrielle et renoua sa chemise. "Ton armure a besoin d'être entretenue ?"

"Je l'ai nettoyée en grande partie... Je voulais te demander si tu pouvais ajuster quelques détails." Gabrielle était très contente d'être dans les bras de Xena et ne voulait pas bouger. " Ephiny pense qu'il va y avoir des problèmes ce soir. Qu'en penses-tu ? "

La lumière de la torche jouait sur ces traits bien dessinés. "Je partage son avis." répondit Xena calmement. "Les hommes que nous avons battus aujourd'hui ont eu le temps de rejoindre le gros des troupes et de faire leur rapport... Je dirais que nous pouvons nous attendre à des représailles, oui."

Gabrielle prit une inspiration, puis la relâcha. "Je ne suis pas sûre d'aimer être de ce côté de la surprise." Elle se mordilla un ongle. "Qu'est-ce qu'on va faire ?"

"Nous reposer autant que possible." Xena l'embrassa légèrement sur les lèvres. "Et dîner un peu. Allez, viens." Elle passa un bras sur les épaules de Gabrielle et elles marchèrent dans l'obscurité, passant devant des groupes de combattants et d'équipements faiblement éclairés par les petits feux de camp, en direction de l'endroit où les quartiers-maîtres distribuaient des rations rudimentaires aux troupes.

Un faible murmure s'éleva autour d'elles, contenant principalement le nom de Xena, et la guerrière leva sa main libre pour retourner des salutations. "Deux portions, Hereicus." demanda Xena à l'intendant qui travaillait dur.

"Oui Genr'l... pas de problème..." L'homme jeta un coup d'œil autour de lui.

"N'essaye même pas." lui dit Gabrielle en le pointant du doigt. "Crois-moi, nous avons toutes les deux connu pire. Donne-moi ça." Elle rejeta sa cape sur une épaule et tendit la main pour recevoir les rations, les reflets du feu illuminant son tatouage découvert.

"Tu as raison, petit faucon." gloussa l'homme avant de baisser la tête en lui remettant les rations.

Gabrielle les glissa sous son bras tandis qu'elles se dirigeaient vers le grand feu où Bennu était assis, avec Gillen et Ephiny. Une outre de vin circulait entre eux et la conversation semblait animée, mais elle s'interrompit lorsque la grande silhouette de Xena entra dans le cercle de lumière. "Ah, voilà quelqu'un qui peut régler ce problème."

"Qui, moi ?" Xena s'assit sur l’un des rondins. "Quel est le problème ?"


"Toi ?" déclara Ephiny avant de rire. "Par les Dieux, non, Xena... je parlais de Gabrielle. Quand as-tu déjà réglé une dispute ?"

Les rires prirent une teinte nerveuse, jusqu'à ce que Xena elle-même se joigne à eux. "Pas faux."  Confirma la guerrière d'un air ironique, tout en étirant ses longues jambes vers le feu.

"Non, ce n'est pas vrai." Gabrielle s'assit à côté d'elle, les jambes croisées, et déballa leur repas. "Tu as réglé une dispute entre ces deux types avec cette vache, juste au nord d'Athènes. Tu te souviens ?" Elle tendit à Xena un pain de viande et une pomme un peu flétrie. "Quand ils n'arrivaient pas à décider à qui appartenait la vache ?"

"Hm." Xena prit une bouchée de la pomme. "Je crois me souvenir que j'ai poussé la vache au-delà de la rivière et que j'ai dit que celui qui pourrait la ramener à la maison pourrait l'avoir."

"C'est vrai que ça a réglé la dispute." Gabrielle sourit en sentant l'atmosphère se détendre. "Et nous en avons tiré un peu de ce bon fromage que tu aimes." Elle coupa une tranche du bloc de fromage dans son paquet et l'offrit à sa compagne, qui l'accepta en souriant. "Mais je crois que la vache t’en a voulu".

Gillen s'esclaffa. "Combien de temps avez-vous erré toutes les deux dans la campagne ?"

"Plus de trois ans." répondit Xena en grignotant son pain de viande. "Ça m'a semblé plus long à l'époque."

Gabrielle lui donna un coup de coude dans les côtes. "Un reproche sur ma manie de trop parler ?"

"Non." La guerrière lui donna un coup de coude dans le dos. "Je pensais plutôt à ton talent pour t’attirer des ennuis."

"Tu dis toujours ça." Gabrielle accepta l'outre qu'on lui tendait et en prit une timide gorgée. "Yow." Elle la rendit rapidement à sa compagne. "Et ce n'est pas vrai." poursuivit-elle, en agitant son pain de viande en direction du groupe qui grossissait lentement autour du feu.

"Tu dis que tu n'aurais jamais eu le moindre problème si tu n'avais pas rencontré Xena ?" s'esclaffa Ephiny. "Franchement Gabrielle..."

"En fait." Gabrielle leva un genou et l'entoura d'un bras. " J'aurais été capturée par des esclavagistes, et probablement vendue une demi-douzaine de fois, ou je serais déjà morte si je n'avais pas rencontré Xena. "

Les yeux se tournèrent vers elle avec curiosité. "Je ne crois pas avoir jamais entendu parler de ça". murmura Ephiny. "Je savais juste que vous vous étiez rencontrées à l'extérieur de Potadeia."

Xena resta silencieuse, consommant ses rations tout en observant le profil de son âme sœur. Gabrielle n'avait pas l'habitude de parler d'elle dans ses histoires, préférant raconter les choses d'un point de vue extérieur. Elle se demandait si la barde allait faire une exception ce soir.

"Eh bien... c'était un jour d'été à Potadeia." commença la barde. "Une journée plutôt ordinaire, en fait. Je m'étais levée, j'avais fait mes corvées et j’étais allée à la rivière avec ma sœur Lila et dix ou douze autres enfants."

"Des enfants ?" demanda Gillen. "C'était il y a combien de temps ?"

"Cinq ans." Répondit Xena succinctement.

"Oh par la Grande Artémis... tu es si jeune que ça ?" gémit l'Amazone.

Gabrielle rit. "Ce n'est pas ma faute." Elle secoua la tête. "Bref... nous étions sur le chemin de la rivière, quand nous avons été encerclés par des esclavagistes. Ils nous ont capturés rapidement sans que nous n’ayons rien pu faire. On était à leur merci." Gabrielle prit une bouchée et avala. "Puis, quand ils étaient sur le point de nous emmener..."

"Ah ah ah !" Xena lui tapota l'épaule.

"Quoi ?"

"On n'oublie pas quelque chose ?" La guerrière releva un sourcil. "Quelques petits détails ?"

"C'est mon histoire ou la tienne ?" répliqua Gabrielle.

"Gabrielle oublie de mentionner qu'elle s'est très vite offerte aux esclavagistes s'ils laissaient partir le reste du groupe." poursuivit Xena d'un air suffisant.

La barde soupira et la guerrière lui sourit en retour. "C'est vrai. " admit Gabrielle devant le groupe souriant. "Je n’avais pas une vie familiale vraiment géniale... et je n'étais pas sûre de l'avenir que je voulais avoir."

Tout le monde se taisait.

"J'ai donc pensé que je pouvais au moins essayer de tirer les autres d'affaire. Mais ça n'a pas marché. Nous étions donc là, sur le point d'être amenés et vendus quelque part, quand cette femme sauvage à l'allure folle est apparue et les a tous battus à plates coutures."

Xena rit. "Je suis surprise que tu n'aies pas pris tes jambes à ton cou après ça." admit-elle. "Je devais avoir l’air plutôt effrayante."

Gabrielle réfléchit un instant. "Non" Elle secoua la tête et émit un petit rire triste. "Je t'ai regardée dans les yeux et je me suis sentie tellement perdue que je n'aurais pas bougé si la Gorgone elle-même était arrivée devant moi."

"Aww." Ephiny s'approcha d'elle et lui donna une tape sur la jambe.

"Ouais...." La barde sourit, se sentant un peu ridicule d'avoir dit cela devant tous les guerriers aguerris autour du feu. "Idiot, je sais."

"Ne dis pas ça." Xena s'approcha d'elle et lui tira une mèche de cheveux. "Je t'ai regardée et je me suis sentie tellement perdue que j'ai reçu un coup sur la tête et que je ne l’ai même pas remarqué."

Elle croisa ses bottes au niveau des chevilles.

Personne ne savait vraiment quoi dire face à cette histoire, se rendit compte Xena, alors qu'ils essayaient de concilier ce qu'ils savaient d'elle en tant que guerrière avec ce que Gabrielle essayait de leur dire à propos d'elle en tant que personne. Elle ne savait pas si c'était une bonne ou une mauvaise chose, ni même si cela valait la peine de faire cet effort.

"C'est vrai. Je l'avais oublié." Gabrielle se recula et s'appuya sur le bras de Xena. "Mais tu t'es relevée et tu leur as botté les fesses. Et nous n'avons pas fini en esclavage." Elle finit sa pomme. "Et après nous avons voyagé ensemble."

"Tu oublies avant ça que tu m'as suivie jusqu’à Amphipolis et que tu m'as sauvé la vie." corrigea Xena rapidement, notant le regard émerveillé et respectueux que la barde recevait de la part des combattants autour d’elle. "Tu oublies toujours cette partie."

Gabrielle soupira. "Oui d’accord et ensuite, nous avons voyagé ensemble."

"Ensuite je t'ai laissé me convaincre de venir avec moi." La guerrière prit une gorgée du vin fort contenu dans la gourde, puis elle pencha la tête sur le côté, en réfléchissant. "Il y a cinq ans aujourd'hui, en fait."

La barde leva les yeux vers elle, surprise. "Vraiment ?"

"Mmhmm."

Gabrielle poussa un grognement de surprise et étouffa un bâillement. "Comment fais-tu pour compter les jours comme ça ? Je sais que c'était la même saison que maintenant, mais au jour près ?"

"J’ai..." Xena remua sa botte. "… de nombreux talents."

Un petit rire s'éleva dans le groupe. "N'est-ce pas la vérité ?" gloussa Bennu. "Vous avez vu ces deux cavaliers que la Générale a éliminés juste au moment où nous chargions ?"

Gabrielle laissa les mots s’écouler autour d’elle. Les récits de bataille étaient, elle le savait, un moyen pour les combattants de se rassurer et de partager leurs compétences et leur expérience. Mais elle n'avait aucune envie de les écouter, car les prouesses dont ils parlaient n'étaient pas celles qu'elle partageait. Il était bien plus satisfaisant de se blottir contre le corps chaud de Xena et de poser sa tête contre une épaule recouverte de cuir afin d'entendre les puissants battements de cœur de sa compagne en symbiose parfaite avec les siens.

En cet instant, elle se sentait extrêmement chanceuse. Le reste du camp serait sur le qui-vive toute la nuit, à l'affût des premiers signes d'attaque. Le repos ne leur viendrait pas facilement, tandis qu'elle... Gabrielle ferma les yeux. Elle était au chaud, au sec, relativement à l'aise, malgré la dureté du sol, et elle était blottie dans l'étreinte protectrice de la personne qui saurait bien avant tout le monde si quelque chose n'allait pas. Gabrielle étouffa un autre bâillement alors qu'elle commençait à s'assoupir. Elle sentit Xena enrouler la cape qu'elle portait autour de son corps et elle se détendit, accueillant le sommeil nécessaire.

Le feu continua à brûler faiblement après que les conversations eurent cessé et que les guerriers se furent transformés en masses recouvertes de tissu, qui observaient et attendaient silencieusement.

******************************

"Pourquoi dois-tu toujours te porter volontaire pour ces conneries ?" grommela Paladia tout en se glissant derrière la forme mince de Cait. "Ça ne te suffit pas de taper sur les gens toute la journée ?"

"Chut". Cait la fusilla du regard par-dessus son épaule. "Ne sois pas stupide, Pally... on se faufile à travers une armée, d'accord ?"

"Ouais, ouais." La grande Amazone leva les yeux au ciel. " J’serai contente quand ce stupide truc sera fini... trop de travail."

Cait s'arrêta et attendit qu'elle arrive à son niveau. "Paladia... ce n'est pas du travail." Son visage était inhabituellement sérieux. "C'est la guerre."

Son amie s'assit rapidement sur un rocher à proximité. "Le travail, la guerre, c’est pareil. Il faut quand même déplacer des choses, les porter, se salir les mains et dormir sur le sol." Rétorqua-t-elle. "La seule différence, c'est que maintenant tu peux te faire tuer plus facilement, sachant que traîner avec toi dans tous les cas n’est pas vraiment sûr, même quand il n'y a pas de guerre."

Cait soupira et posa une main décontractée sur l'une des épaules de Paladia. "Tu es juste grincheuse parce que tu n'as pas pu dessiner la dernière fois."

"Non." Paladia sourit. "J’ai pu faire un dessin plutôt sympa quand on a attendu ce matin… le soleil traversait les feuilles et faisait des trucs bizarres sur le visage de Machin, tu sais le gros bonhomme qui bave sur Xena et sur toi."

"Bennu". répondit Cait. "Il est plutôt sympa."

"Ouais... peu importe." Paladia jeta un coup d'œil dans l'obscurité. "Il écoutait Xena parler encore et encore, et ça donnait une image assez cool." Elle fit une pause. "On va juste s'asseoir ici ?"

Cait se pencha impulsivement vers elle et l'embrassa, puis elle la poussa vers l'avant. "Non on avance encore... Je veux voir ce qu'il se passe là-bas." Elle ouvrit la voie dans l'herbe et elles continuèrent à avancer en silence pendant plus d'une bougie.

Finalement, même Paladia put sentir un soupçon de fumée dans l'air, et elle grogna. "Toujours en train de brûler."

"Mm." Cait ralentit ses pas et se dirigea vers un affleurement rocheux qui descendait et suivait le profil ondulé de la terre. "Voyons si nous pouvons voir quelque chose de là-haut." Elles se rapprochèrent à travers les hautes herbes séchées par l'hiver, heureuses que le vent vienne vers elles et emporte avec lui les bruits dans leur dos.

Alors qu'elle arrivait à portée de saut des rochers, Cait s'arrêta et pencha la tête, se touchant l'oreille tout en jetant un coup d'œil à sa compagne en signe d’interrogation. Paladia écouta également, puis elle fronça les sourcils et fit un mouvement avec ses doigts et son pouce, les rapprochant pour signifier qu’elle entendait des voix.

Cait acquiesça et toucha ses lèvres d'un doigt. Puis elle se mit à plat ventre et commença à avancer en rampant, imaginant silencieusement l'expression de dégoût sur le visage de Paladia lorsque l’Amazone ferait de même. Pally détestait ramper, vraiment, et Cait supposait que si elle était aussi grande, elle détesterait probablement cela aussi, bien que Xena semblait tolérer ça très bien.

Xena avait d'ailleurs confié à Cait qu'elle avait l'habitude de jouer avec Gabrielle de cette façon, en se cachant dans les herbes hautes et en rampant vers elle, pour en sortir au tout dernier moment et faire couiner la barde. Cait avait eu du mal à s'arrêter de rire rien qu'en l'imaginant, mais elle avait décidé que personne ne la croirait si elle le leur disait.

Mais c'était une excellente image et elle aimait y penser parfois.

Elle travailla sur sa meilleure imitation de Xena et se glissa dans l'herbe, se prenant pour un grand chat sauvage chassant sa proie. Les tiges d'herbe rudes la piquaient, mais elle les ignora, les aplatissant doucement tout en avançant jusqu'à ce qu'elle atteigne le premier rocher et qu'elle réfléchisse. Par-dessus ? Autour ? De quel côté ? Elle écouta le murmure encore audible des mots et décida qu'ils étaient sur sa gauche. Elle se glissa donc de ce côté, en s'agrippant au rocher.

Un ver se tortilla contre sa main et elle se força à ne pas sursauter. Xena lui avait dit, une fois, que les vers pouvaient être très savoureux s'ils étaient bien cuits, et qu'elle en avait même mangé crus, mais c'était un domaine dans lequel Cait ne pouvait pas se résoudre à imiter son héroïne.

 

Elle retira le ver avec précaution et le mit de côté, puis elle continua à avancer en se tortillant. Elle passa sa tête d’un côté de la forme rocheuse, remerciant ses cheveux blonds et sa peau pâle qui lui permettaient de passer inaperçue dans l'herbe, et elle cligna des yeux en apercevant de grandes formes qui ne s’intégraient pas dans le paysage, juste devant elle.

Un cheval. Deux, en fait, et des cavaliers qui se tenaient à côté d'eux, la tête penchée. L'un d'eux était un soldat ennemi, pensa-t-elle, l'autre était masqué et plus difficile à identifier. Elle calma sa respiration et tendit l'oreille.

"...à environ deux bougies au nord, nous pensons." marmonna le soldat. "Nous ne connaissons pas leur taille."

"Deux cents." vint la réponse, faisant dresser les poils sur la nuque de Cait. "Xena est là, et Gabrielle aussi... Si vous attaquez, visez la blonde, parce que si vous l'éliminez, vous serez à mi-chemin de la victoire."

"Trop dur." Le soldat secoua la tête. "Elle reste trop près de Xena... on a essayé. Tu ne peux pas t'occuper de ça ?"

Fils de Bacchantes. Cait écarquilla les yeux alors que tout son corps se crispait.

C'était la voix de Gillen. Instinctivement, sa main se porta à son fourreau et elle en sortit sa dague, ses doigts déplaçant automatiquement la garde contre sa peau.

"Je pourrais essayer." répondit Gillen. "Mais crois-moi, ce serait plus facile dans le feu de l'action, parce qu'autrement, elles restent ensemble comme deux sangsues collées l’une à l’autre."

"Qu'est-ce que tu fais ?" Le murmure de Paladia lui parvint, alors que la grande femme rampait pratiquement sur Cait. "Qu...hé... ce n’est pas..."

"Si." Les dents de Cait grincèrent sur le mot. "Et si tu me lâches, je vais la tuer."

"Merde." Paladia se plaqua au sol. "Quelle ordure... Xena lui a aussi sauvé la mise ce matin."

"Excuse-moi une minute." Cait commença à ramper, serrant sa dague entre ses dents blanches. "Je reviens tout suite."

"Attends." Paladia posa une main sur son dos.

Des yeux gris meurtriers la fixèrent en retour.

"Écoute... Je ne suis pas du genre stratège, mais si tu la tues, comment sauras-tu qui est avec elle derrière tout ça ?"

Cait tambourina ses doigts contre le sol, puis elle retira son couteau de sa bouche. "C'est très brillant, Pally. Bon travail."

Un cri les fit sursauter et s'aplatir sur le sol, et elles virent deux autres cavaliers rejoindre les deux qu'elles observaient. Il s'agissait sans aucun doute d'hommes d'Andreas, bien armés, sur des chevaux portant manifestement eux-mêmes des armures de combat.

"L'avancée commence." déclara le premier d'entre eux. "Nous avons deux divisions prêtes à passer la crête et à attaquer leur premier camp."

"Ça va marcher." acquiesça Gillen. "J'ai drogué les avant-postes de ce côté."

Les doigts de Cait se crispèrent sur son couteau et Paladia et elle échangèrent un regard. Paladia fit une grimace et se mordit la lèvre. "Ooh... J'ai vraiment envie de la tuer." grogna la jeune Amazone. "J'ai vraiment envie de..."

"Nous ferions mieux de prévenir les autres." répondit Paladia. "Après je t'aiderai à l'écraser... c'est un ver."

Cait soupira d'exaspération. "D'accord." Elles regardèrent Gillen monter à cheval et partir avec le soldat avec qui elle discutait en premier lieu. Les deux autres cavaliers s'attardèrent, sirotant de l'eau dans des gourdes de cuir sombre. "Nous irions beaucoup plus vite avec des chevaux."

"Je savais que tu allais dire ça." soupira Paladia.

Cait sourit, puis elle prépara sa dague, s'arrêta une fraction de seconde puis elle lança sa lame vers l'avant, frappant le premier homme directement dans le cou. Il sursauta et s'affaissa sur sa selle, obligeant son compagnon à cracher sa gorgée d'eau sur le garrot de son cheval alors qu'il s'apprêtait à l'attraper.

"Hé... qu'est-ce qui t'arrive ? Hé ???"

Cait sauta sur le rocher derrière lequel elle s’était accroupie, puis elle s'élança dans les airs et percuta le deuxième soldat, enfonçant sa seconde dague dans son flanc, juste à l'endroit où son armure se rejoignait. Il hurla, un son qui passa d'un cri rauque à un gargouillis tandis qu'elle enfonçait la lame dans ses poumons, avant de l’enlever pour le poignarder à nouveau sans pitié.

Elle fit descendre le corps du cheval et dégagea son couteau, essuyant proprement sa lame sur l'herbe avant de se lever, pour voir Paladia s'emparer des rênes du cheval effrayé. La grande femme enleva avec précaution le premier cavalier déjà mort de sa selle d'une poussée et contourna son corps qui s'affaissait sur le sol. "Ugh." Elle regarda le sang qui avait coulé généreusement sur la selle.

"C'est un peu sale, désolée." Cait lui prit les rênes et se hissa sur la selle. "Allez... il faut qu'on se dépêche." Elle poussa son cheval vers le chemin qu'ils avaient emprunté.

Paladia monta à son tour à cheval et la suivit, jetant un coup d'œil derrière elle dans l'obscurité, avant de sursauter lorsqu'elle vit des yeux rouges de prédateurs tourner autour des corps. Des loups ? Elle cligna des yeux et vit des crocs blancs claquer. Oui, c'était des loups.

La lune glissa alors derrière les nuages, laissant les loups et les corps se fondre dans l’obscurité.

********************************

Gabrielle se tenait debout dans l'obscurité, souhaitant que la lune réapparaisse. Elle avait dormi pendant plusieurs bougies, puis elle s'était réveillée au contact léger de Xena et était allée chercher son armure pour le début d'une autre longue journée. C'était encore très calme et les avant-postes n'avaient pas signalé de problèmes, mais Xena avait senti qu'il y avait des problèmes et elles avaient toutes les deux appris au fil des ans à suivre son instinct.

Elle se pencha vers la citerne et se passa de l'eau sur le visage, grognant, lorsque ses muscles endoloris par les combats de la veille se rappelèrent à elle. Elle désirait plus que tout un bain chaud.

Non, elle voulait plus que tout que cette foutue guerre soit finie. Gabrielle souffla et frotta sa peau. "Je veux retrouver ma vie." Elle s'adressa au grossier support de bois qui tenait la bassine. "Je veux retrouver ma fille, ma maison et mes petits pains au miel le matin." Elle se retourna lorsqu’elle entendit des pas dans son dos, puis elle sourit en reconnaissant la personne qui approchait. "Bonjour."

Ephiny entra en baillant. "Si tu deviens toi aussi une personne joyeuse avant l'aube, je vais m'écrouler ici même."

Gabrielle ricana un peu. "Non... il n'y a pas beaucoup de chances que cela arrive. Crois-moi, il y a plusieurs endroits où je préférerais être qu'ici en ce moment." Elle soupira. "La vérité, c’est que j'ai bien peur que cela ne fasse jamais de moi une bonne Amazone, Eph."

La Régente plongea un seau d'eau dans le bassin et se le passa sur la tête, plaquant ses boucles blondes foncées sur son crâne. "J'ai une nouvelle pour toi, oh ma Reine... toutes ces histoires sur les Amazones qui aiment la vie rude dans les bois et qui passent des années dans la nature ?"

"Hmm ?"

"Des mensonges. De sacrés mensonges." L’assura Ephiny. "Alors si tu souhaites être de retour à Amphipolis en ce moment, ou mieux encore, blottie contre la grande ténébreuse dans un lit douillet, tu as tout à fait ta place parmi les autres membres de ta Nation, crois-moi."

Gabrielle éclata soudainement de rire en retour puis elle se rendit compte que c'était probablement un son très étrange dans un camp militaire, alors elle le refoula, mais elle se sentit mieux de l'avoir fait. Elle retira sa tunique et se lava, frottant les marques de boue sur ses bras et le haut de ses cuisses. "Ugh."

"Wow." Ephiny s'approcha. "Qu'est-ce que tu as fait ?"

"Mon propre bâton." Gabrielle baissa les bras, comme pour saisir son arme. "Je le garde ici... et bam." Elle fit un mouvement brusque. "Mais au rebond, il me frappe juste là." Elle passa une main sur l'hématome situé juste au niveau de sa ligne de dos. "Xena a dit qu'elle me ferait une ceinture rembourrée ou quelque chose comme ça."

"Ce que j'ai fait." répondit Xena d’une voix grave dans l'embrasure de la porte. La guerrière, déjà en armure, entra, portant un morceau de cuir dans une main. "Bonjour Ephiny. J'aimerais envoyer un groupe vers les avant-postes quand vous serez prêtes. Les messagères ne sont pas encore arrivées."

"Bien sûr." acquiesça la Régente. "Je vais voir si le groupe de Gillen a fini de s'armer... à ce propos, je me demande où elle a fini la nuit dernière ?" gloussa Ephiny. "Je ne l'ai pas vue autour de notre feu." Elle s'essuya la tête avant de secouer ses cheveux.

Xena haussa les épaules en s'approchant de sa compagne et puis elle posa le morceau de cuir sur son épaule et récupéra le morceau de lin que Gabrielle avait utilisé pour s’essuyer. "Tiens... ne bouge pas."

Gabrielle resta immobile pendant que Xena installait le cuir souple autour de sa taille et l'ajustait. La pièce d'armure comportait deux sections épaisses et rembourrées qui s'étendaient au-dessus et au-dessous de sa taille, protégeant même le haut de ses cuisses, ainsi qu’une large section à l'arrière qui couvrait le bas de sa colonne vertébrale. Elle était chaude, avec son rembourrage en laine d'agneau, et elle sentait le cuir bien traité et l'odeur légèrement terreuse du boyau que Xena avait utilisé pour la coudre. "Mmm." Elle hocha la tête en signe d'approbation, tandis que Xena l'aidait à enfiler sa chemise rembourrée, puis elle passa son armure par-dessus sa tête et la laissa retomber sur ses épaules. "Oui... ça fait du bien."

Xena s'occupa d’ajuster son armure, puis elle sortit son épée et frappa la barde sur les hanches avec le plat de la lame. Gabrielle recula d'un bond et poussa un glapissement, mais plus de surprise que de douleur. "Comment c'est ?"

"Plutôt bien, merci." La barde ramena ses cheveux humides en arrière et les essora. "Je vais aller préparer Iolaus."

Elle se dirigea vers la zone où les chevaux avaient été attachés, déplaçant légèrement les épaules pour mettre l'armure en place. Elle s'était réchauffée grâce à la chaleur de son corps et elle devenait de plus en plus confortable. Elle tapota la nouvelle pièce et poussa un grognement d'approbation, tout en s’approchant d’Iolaus et Argo.

"Prêts pour un autre combat, les gars ?"

Argo hennit et releva la tête, jetant à Gabrielle un regard ironique clairement emprunté à sa cavalière. "Oh oui, bien sûr, Argo... vas-y, moque-toi de moi." Elle donna un léger coup de poing dans le derrière de la jument et reçut un coup de queue sur le bras en retour. "Oh... je parie que ça fait mal, hein ?" Gabrielle traça une fine entaille le long du flanc de la jument, qui avait été soigneusement recousue la veille. Xena avait même coupé très court les poils près de la blessure, toujours aussi méticuleuse dans les soins qu'elle prodiguait à son cheval favori. Argo était déjà sellée, seule sa bride n'était pas attachée, le mors se balançant librement pour que la jument puisse continuer à brouter tranquillement.

"Prends bien soin de Xena, d'accord ?" Gabrielle caressa l'épaule douce et dorée. "Je sais que j'essaie de garder un œil sur elle aussi, mais elle dépend vraiment de toi."

Iolaus se mit à grignoter ses jambières en cuir pour recevoir aussi des caresses et Gabrielle lui frotta les oreilles en retour. "Oh... désolée, Iolaus. Est-ce que tu penses que je t'ignore ?" Ses mains tripotèrent sa crinière, la déplaçant du bon côté. "Tu sais, je crois que je commence vraiment à aimer les chevaux... qui l'aurait cru ?".

Elle entoura l’encolure de l'étalon avant de se serrer contre lui, appréciant le parfum riche et terreux de sa peau et le doux picotement de sa crinière contre son visage. Il hennit doucement, avant de relever la tête et de dresser ses oreilles, avertissant Gabrielle d'une autre présence. Elle se retourna pour voir qui approchait. "Salut. Ephiny te cherchait."

Gillen s'avança, resserrant sa cape autour d'elle contre la brise froide. "Ah bon ? Je ne l'ai pas vue." L'Amazone plus âgée s'arrêta près de l'épaule d'Argo et donna une tape à la jument. Argo se déplaça et la regarda, plantant un sabot dans la terre humide. "Où est Xena ?"

"En train de rôder autour du camp." Gabrielle resserra la sangle de la selle d'Iolaus, puis elle attacha sa sacoche. "Je pense qu'elle voulait que tu envoies une messagère vers les avant-postes... nous n'avons pas eu de nouvelles d'elles depuis un moment."

Gillen fit le tour d'Argo et glissa une main le long de l’antérieur d’Iolaus. "C'est un bel animal." Commenta-t-elle. "Je vais envoyer quelqu'un voir ce qu'il en est de ces avant-postes... probablement rien."

"C'est un bon garçon." Gabrielle lui sourit, puis elle se tourna pour ranger la sangle de sa sacoche.

Le coup la projeta contre Iolaus et une explosion de douleur lui traversa le dos, alors qu'elle laissait échapper un souffle par réflexe. Gillen plaqua une main sur sa bouche, l’empêchant de crier et Gabrielle sentit ses genoux se dérober tandis qu'elle s'accrochait au cheval dans une tentative désespérée de rester debout. Elle pencha la tête sur le côté, libérant une partie de sa bouche. "Pourquoi ?"

Gillen était derrière elle et répondit doucement à son oreille. "Ce n'est pas une affaire personnelle, Gabrielle. Je t'aime bien, tu sais ? Mais tu es la clé pour vaincre Xena, et sans toi, Andreas pourra la prendre." Elle jeta un coup d'œil derrière elle alors qu'un cri retentissait et que le bruit de sabots approchant agitait la nuit. "Voilà l'armée... juste à temps."

Gabrielle inspira. "Qu'est-ce que tu as à y gagner ? Il te tuera aussi, Gillen... ne sois pas stupide." Ses genoux cédèrent et elle glissa sur le sol.

Gillen dégagea sa lame et la rangea dans le fourreau de sa botte avant de s’accroupir près de sa victime. "Il m'a promis bien plus que tu ne pourras jamais me donner, Gabrielle... J'emmènerai les Amazones avec moi et nous ne finirons pas en chair à canon."

La barde s'accrocha faiblement à l'un des antérieurs de Iolaus. "Il te détruira... tu ne le vois pas ? Il ne tolérera aucune concurrence, Gillen... regarde ce qu'il veut faire de Xena... pas la battre... il veut la posséder."

Gillen saisit l'armure de la barde et la rapprocha. "C'est tellement ironique... qu'elle ait laissé quelqu'un d'aussi naïf être la seule faiblesse qu'elle ne pourra pas protéger."

Gabrielle la regarda avec un petit sourire. "Tu sais... Gillen... beaucoup de gens ont pensé cela." chuchota-t-elle. "Ils oublient juste deux choses à mon sujet."

L'Amazone plus âgée se pencha plus près. "Et qu'est-ce que c'est ?"

"Je suis une barde." répondit-elle avant de se tendre et de planter ses pieds fermement dans le sol, dégageant Gillen pour l’éloigner d’elle. Gabrielle se releva rapidement, esquivant la prise sauvage de la femme plus âgée. "Le jeu d’acteur vient avec le titre."

"Espèce de salope." Gillen sortit à nouveau sa lame et bondit. "Peu importe."

Gabrielle plongea pour s'écarter et roula sur la terre humide, arrivant juste à côté d'Iolaus, avant de tirer sa propre dague de son fourreau. "Eh bien, la deuxième chose qu'ils oublient..." Elle s'arrêta en plein mouvement, surprenant Gillen qui s'élançait vers elle. Elle se redressa dans un mouvement rapide, puis elle fit pivoter son torse et envoya son poing en plein dans le nez de Gillen. "C’est que je suis aussi une Amazone." Elle jeta un coup d'œil à sa droite et vit des flammes s'élever, puis elle sentit une poussée sauvage dans ses tripes qui confirma ses soupçons. Xena était très, très occupée, et c'était à elle de se sortir de là. Les Dieux seuls savaient combien de leurs propres troupes étaient aussi en train de se battre pour leurs vies.

Alors qu'elle tournait autour de Gillen, surveillant la main armée de l'Amazone, elle fit appel à tout ce dont elle se souvenait de ce que Xena lui avait appris, tout en cherchant à faire disparaître sa panique. Elle esquiva un premier coup, puis elle se déplaça légèrement sur sa gauche et évita un autre coup de poing, avant de retourner le coup à son tour, frôlant la mâchoire de Gillen. Les deux femmes sursautèrent lorsqu’Argo hennit, avant de s’élancer, zigzaguant entre les arbres en réponse à un signal inaudible. "Ta surprise est terminée, Gillen." l’avertit Gabrielle, esquivant sur un côté avant de grimacer lorsqu'un coup de pied l'atteignit à la cuisse.

"Elle ne fait que commencer." L'Amazone reprit son sérieux et s'élança vers elle, abattant sa lame sur l'armure de Gabrielle alors que la barde faisait un bond en arrière. "Vous vous croyiez si intelligentes... si douées pour repousser ces forces... c'était un piège, Gabrielle... il sait tout. Votre nombre, vos réserves…".

"Il pense qu'il sait." répliqua Gabrielle en restant concentrée. Puis elle s'élança vers l'avant, saisit le bras de Gillen et le tordit, projetant l'Amazone au sol d'un coup de tête inattendu. Elle se retourna rapidement et se jeta sur son adversaire, la clouant au sol avant d’appuyer son genou sur le bras armé de Gillen. "Il sait ce que tu sais, n'est-ce pas ?"

Gillen respirait difficilement et se tordait contre la force étonnamment plus puissante de Gabrielle. "Qu’Hadès t'emporte."

"Tu sais ce que nous voulions que tu saches." Gabrielle arracha le couteau de l'emprise de Gillen et le jeta loin d'elle, puis elle grogna lorsque Gillen réussit à la faire tomber et à inverser leurs positions. Elle se retrouva sur le dos, les mains de la femme plus âgée se resserrant autour de son cou, et elle prit une profonde inspiration lorsque les doigts puissants se refermèrent sur sa trachée. "Je m'en fiche. Je m'en fiche, et tu sais pourquoi ?" grogna Gillen furieusement. "Parce qu'au moins je vais pouvoir te tuer, Gabrielle. Je te déteste... je déteste tout de toi." Elle frappa la tête de la barde contre le sol. "Je déteste ta gentillesse, je déteste ta faiblesse... Je déteste la façon dont tu contrôles Xena... Je te déteste."

Gabrielle lutta contre la prise, son instinct animal reprenant le dessus alors que son cerveau commençait à réclamer de l'oxygène. Elle s'agita sous Gillen, son corps se tordant dans tous les sens, puis une de ses bottes s'accrocha à un rocher, ce qui lui permit d'utiliser ses cuisses puissantes pour les soulever toutes les deux du sol pendant qu'elle se débattait.

Elle ne pouvait pas parler. Elle ne pouvait pas respirer. Elle pouvait entendre le tonnerre des battements de son propre cœur dans ses oreilles, par-dessus les cris et le fracas de la bataille qui se rapprochait de plus en plus. Elle ferma les yeux et puisa au plus profond d'elle-même, rassemblant toute la force qu'elle pouvait pour tenter un dernier mouvement. Elle balança son corps vers le haut et sur le côté, et elle réussit à surprendre Gillen juste assez pour que son emprise se relâche un instant.

Une demi-respiration. C'était tout ce dont elle avait besoin. Gabrielle poussa un faible sifflement et se baissa, pressant sa tête contre le sol tandis qu'Iolaus réagissait à son signal en donnant un grand coup de sabot en arrière avec ses deux postérieurs.

Ils percutèrent le crâne de Gillen, l'envoyant s’affaler sur la barde, ce qui libéra la gorge de Gabrielle qui aspira une bouffée d'air dont elle avait terriblement besoin. Comme dans un rêve, elle ramena ses bras devant elle, soutenant la dague qui avait autrefois appartenu à Xena, marquée de son sceau, et enfonça la lame dans la chair de la femme plus âgée.

La chaleur se répandit sur ses mains.

Et la poigne de Gillen se relâcha.

Gabrielle repoussa lentement, faiblement, le corps affaissé et resta un long moment assise, couverte de sang. Iolaus poussa un hennissement et s'approcha d'elle, avant de lui donner un petit coup de tête. La barde tendit la main et s'agrippa au dessus de son antérieur, avant de se relever difficilement et se tenir debout, les jambes encore tremblantes.

Ses mains laissèrent des taches rouges sur la robe dorée de l’étalon.

Elle appuya sa tête contre l’encolure du cheval, puis elle se retourna lorsque le choc des armes se rapprocha. Elle leva les yeux vers le rocher de granit situé juste à côté et inspira lorsque les étoiles furent soudain effacées par une énorme forme en armure qui se détacha du rocher et fonça sur elle à une vitesse effrayante.

Elle ne bougea même pas lorsque la silhouette atterrit et bondit vers elle avant de l'engloutir dans une étreinte de laiton, de cuir et de sang, alors que la chaleur immatérielle et profonde du lien qu'elle sentait battre entre elles se répandait dans son corps.

Elle n’avait pas besoin de dire quelque chose. Xena savait. Et les longs bras l'enveloppèrent doucement alors qu'elle sentait le froid de la lame de la guerrière reposer sur l'arrière de ses jambes. "Tu es blessée ?"

"Un peu." Gabrielle respirait difficilement. "Je crois que je viens d'être poignardée dans l'âme, Xena." Elle sentit la pression attendue sur sa tête et enfouit son visage contre la peau chaude au-dessus de l'armure de Xena.

"Cait et Paladia nous ont prévenu à temps... nous avons repoussé la première vague." chuchota la guerrière. "Nous devons partir... ils seront sur nous d'une minute à l'autre." Elle souffla. "Gillen a dû se faufiler... Je la cherchais, mais…"

"Elle n'est pas seule."

"Je sais." La guerrière souffla à nouveau. "Viens, monte avec moi."

Gabrielle se redressa enfin et regarda le profil inquiet au-dessus d'elle. "C'était une Amazone, Xena. Comment a-t-elle pu faire ça ?" demanda-t-elle aux yeux bleus graves qui l'observaient. "Je ne comprends pas."

"Je sais." Xena l'embrassa doucement sur le front, puis elle siffla Argo. D'autres bruits de sabots répondirent et Ephiny arriva en trombe. "Ils reviennent ?"

"On dirait bien... on ferait mieux de... Gabrielle... ça va ? Qu’est-ce..." Les yeux d'Ephiny se posèrent sur la silhouette affaissée dans l'ombre.

"Gillen." déclara Xena de façon succincte. "Je considérerais toutes ses Amazones comme suspectes jusqu'à ce qu’on me prouve le contraire."

"D'accord." Ephiny repoussa ses cheveux en arrière. "Gabrielle ?"

"Je vais bien." La barde se redressa, puis elle leva la tête vers la Régente. "Tu pourras dire à la tribu de Gillen qu'elle a décidé de me défier et qu'elle a perdu."

Ephiny regarda Gabrielle, ses yeux glissant vers le bas, notant les taches de sang sur les bras de la barde, puis elle jeta un coup d'œil à Xena. "Je le ferai."

 

************************

"Bon sang." Xena jeta un coup d'œil à travers les broussailles. Ils avaient dû tourner en rond dans les bois pour échapper aux patrouilles d'Andreas et maintenant ils étaient confrontés à un dilemme.

Son armée les avait devancés et ils étaient maintenant regroupés dans le passage étroit qui séparait les hautes terres de la basse vallée qui menait à la rivière. Xena souffla et joua avec la crinière d'Argo, examinant les options qui s'offraient à elle. Ils pouvaient grimper sur l'escarpement et faire le tour par là, mais cela signifiait qu'ils devaient laisser les chevaux et elle n'était pas très enthousiaste à cette idée.

Ils pouvaient aussi essayer de se frayer un chemin à travers toute la partie ouest de l'armée d'Andreas et croiser les doigts. Cela ne l'enchantait pas non plus.

Ils pourraient revenir sur leurs pas et trouver un autre chemin à travers les collines, mais cela prendrait beaucoup de temps et ils n'en avaient pas beaucoup. Elle étudia les troupes. Le fait d’avoir été trahie lui piquait les nerfs. "J'aurais dû m'en douter." grommela-t-elle, pas pour la première fois, sentant la pression désagréable se nouer dans son ventre. Voir le visage de Cait lorsqu'elle était rentrée en trombe avait déclenché tant de sonnettes d'alarme... Ils avaient eu de la chance. Ils s'étaient trouvés un peu plus au Nord de l'endroit où Andreas s'attendait à les voir et ils avaient eu juste le temps de prendre les armes avant que l'avant-garde ne leur tombe dessus.

Ils avaient perdu trente guerriers. Sept d'entre eux appartenaient à Gillen, et Xena se demandait si elles avaient été tuées par l'ennemi ou par leur propre peuple, ou....

La guerrière grinça des dents. Cette trahison l'avait ébranlée, même si elle savait, à un certain niveau, qu'ils devaient avoir au moins quelques ennemis dans leur camp. Mais qu'il s'agisse d'une Reine Amazone... elle se demandait si ce petit bout de son passé ne la rattrapait pas enfin. Les Amazones avaient la mémoire longue, après tout. Les Amazones de Gabrielle n'avaient commencé à l'accepter qu'à contrecœur, et en raison de la familiarité et de l'affection sincère qu'elles portaient à la barde.

De toute façon, les autres n'avaient aucune raison de lui faire confiance. Elle jeta un coup d'œil latéral quand Ephiny s'approcha d'elle, la Régente avait une grave coupure à l'avant-bras qui avait été rapidement soignée. "Des ennuis." La guerrière fit un signe de tête vers l'armée.

"Je vois." Ephiny dévia son regard sur l'autre passagère d'Argo. "Comment vas-tu ?"

Gabrielle avait la joue appuyée contre le dos de sa compagne. "Bien". Répondit-elle, sans plus de détails. Elle avait mal au dos, une sensation de brûlure qui remontait de plus en plus le long de sa colonne vertébrale et qui descendait aussi dans ses cuisses. Elle avait envie de vomir, mais elle savait que ce n'était pas le moment, et certainement pas l'endroit. Une main se posa inopinément sur sa cuisse et la réchauffa, et elle serra à nouveau le torse contre lequel elle était blottie.

"Très bien."

Elle pouvait entendre la voix de Xena gronder à travers ses cuirs, son armure et le tissu de sa cape.

"Nous allons devoir attendre qu'ils franchissent ce col, puis nous nous faufilerons derrière eux et contournerons par l'ouest."

Ephiny acquiesça. "C'est ce que je me disais." Elle repoussa ses boucles en arrière. "Ça va être très serré."

"C'est vrai." confirma Xena. "Mais je me dis qu'une fois qu'il aura franchi le col, il se déploiera dans la vallée et nous pourrons nous glisser dans ses rangs." Elle se déplaça et se retourna pour faire face à la troupe. "Descendez de cheval. Reposez-vous et faites vous soigner. Nous allons rester ici jusqu'à ce qu'ils aient franchi le col."

Des formes solides et armées descendirent docilement et Xena attendit quelques instants avant de passer sa jambe par-dessus l’encolure d'Argo et de se laisser glisser, avant de se tourner pour tendre sa main à Gabrielle par habitude. La barde hésita, puis elle saisit la main tendue pour l’aider à descendre avant de s'agripper à la selle d'Argo lorsque ses pieds touchèrent le sol et qu'un éclair de douleur manqua de la faire tomber.

"Hé." Xena la rattrapa. "Gabrielle ? Tu vas bien ?"

Devait-elle lui dire la vérité ? Lui mentir ? Non. "Non" dit Gabrielle d'une petite voix. "Je pense... ow... que c'est mon dos... je..." Elle tenta de se redresser, puis elle sursauta. "Oh."

"Bon sang." Xena lui saisit les épaules et la fit tourner avec précaution. "Mets tes bras autour de mon cou." ordonna-t-elle, tout en tâtant prudemment le dos de sa compagne sous sa cape. Un souffle s'éleva contre sa poitrine lorsqu'elle toucha la zone située juste au-dessus du coccyx de la barde. "D'accord... doucement." Xena leva les yeux vers Ephiny. "J'ai besoin d'un abri."

"D'accord." Ephiny disparut dans le sous-bois épais.

"Je dois t'enlever cette armure, Gabrielle." Xena détacha la cape de la barde d'une main, tout en la maintenant toujours contre elle de l'autre. "Pourquoi ne m'as-tu pas dit que tu avais mal ?"

"Mmph... "Gabrielle se mordit la lèvre presque jusqu'au sang. "Xena, s'il te plaît, ne me crie pas dessus maintenant." Sa voix était à peine un murmure.

"D'accord." La guerrière détacha l'armure et commença à la soulever, sentant le corps de la barde se tendre et trembler sous son contact. "Doucement... doucement..." Elle réussit à enlever le cuir et le posa sur le dos d'Argo, puis elle détacha la ceinture rembourrée et l'enleva. Le cuir était taché de sang et l'odeur cuivrée monta rapidement au nez sensible de Xena. "On t'a poignardée ?" demanda-t-elle.

"Oui." Gabrielle s'accrocha à la selle d'Argo tandis que Xena se déplaçait derrière elle et s'agenouillait pour l’ausculter avec précaution. Elle tressaillit et sut que sa compagne le sentit grâce à la pression réconfortante qu'elle reçut sur sa jambe. "Ça... fait vraiment mal."

"C'est passé très près de ta colonne vertébrale." expliqua Xena d’une voix basse. "C'est une mauvaise coupure." Elle toucha un point. "Est-ce que ça fait mal ici ?"

"Oui."

"Ici ?"

"Oui."

"Et là ?"

"Ow."

La guerrière poussa un long soupir. "Très bien."

Ephiny apparut soudainement. "Il y a un affleurement juste là, Xena. C'est assez grand pour passer en dessous... nous avons attaché les chevaux à côté."

"Bien." Xena se leva, libéra sa sacoche, puis elle la mit en bandoulière. "Prends Argo." Elle tendit les rênes à Ephiny, puis elle passa délicatement ses bras autour de Gabrielle. "Mets tes bras autour de mon cou."

"Je peux marcher."

"Gabrielle, ne discute pas avec moi. Fais ce que je te dis, bon sang !" s’énerva Xena. "Maintenant."

Les bras se glissèrent autour de son cou et elle souleva Gabrielle, la tenant avec précaution tandis qu'elle se dirigeait vers le rocher à travers les broussailles. Cait la rattrapa avec anxiété. "Cait... va chercher la couverture qui se trouve sur la selle d'Argo et étale-la ici."

Xena attendit que la jeune fille s'exécute, puis elle allongea soigneusement Gabrielle sur le côté. "Roule par ici." La barde s'exécuta en silence, s'appuyant sur son ventre, puis elle remonta un genou pour soulager un peu la douleur. Xena fit une pause et prit plusieurs inspirations avant de s'agenouiller derrière sa compagne. "Gabrielle... Je vais devoir nettoyer ça, puis recoudre la plaie. Ça va faire mal." Un hochement de tête lui répondit. "Beaucoup".

Gabrielle la regarda par-dessus son épaule. "D'accord."

Son âme sœur lui tendit un morceau de cuir de son kit d'armure. "Tu ne peux pas crier ici." Elle regarda la barde prendre le morceau et le mordre lentement, puis elle posa sa tête sur un bras et attendit. Xena saisit le bras de Gabrielle pendant un long moment avant de se mettre au travail. Malgré la tension douloureuse et les tressaillements atroces que Xena pouvait clairement sentir pendant qu'elle travaillait, aucun son ne sortit de sa compagne pendant tout le temps que cela dura. Elle nettoya la plaie très soigneusement, la rinçant à plusieurs reprises pour s'assurer qu'il n'y avait plus rien dedans, lavant les caillots de sang et les minuscules fragments d'os de la colonne vertébrale de la barde que la lame avait fracturés. Puis elle épousseta la profonde entaille triangulaire avec des herbes et la recousit. "J'ai presque fini." Xena plaça un tampon de lin contre l'entaille fermée, puis le fixa avec une bande autour de la taille fine de la barde. "C’est bon." Elle posa une main sur l'épaule de Gabrielle et la tira un peu en arrière, s'arrêtant lorsqu'elle découvrit le visage strié de larmes.

Faire face à sa propre douleur était une chose. Elle l'avait fait presque toute sa vie. Mais voir Gabrielle agoniser de la sorte la touchait bien plus profondément. Elle était consciente des soldats regroupés autour d'elle, et de la situation dangereuse dans laquelle ils se trouvaient, mais elle ne put s’empêcher de mettre de côté cette situation quelques instants. Elle retira son armure d'une seule main, la posant à côté d'elle, avant de prendre doucement le corps de la barde dans ses bras, lui caressant les cheveux dans un réconfort impuissant alors que des sanglots la déchiraient.

Les mains de Gabrielle s'agrippèrent à son cuir tandis que la barde se rapprochait d'elle, laissant échapper un soupir tremblant tandis qu'elle recrachait le morceau de cuir, les marques de ses dents clairement identifiables. "Il n'y a pas de point de pression à cet endroit." murmura Xena. "Je suis désolée, ma chérie."

Un souffle.

"Je n'avais même pas réalisé..." murmura Gabrielle. "J'ai dû être tellement dans les vapes après... "

"Chut." Xena appuya son dos contre le rocher et souffla. "Repose-toi. "Cela compliquait encore davantage une situation déjà désastreuse. Elle se reprochait aussi de ne pas s'être assurée que Gabrielle n'avait pas été blessée lors de l'attaque et de ne pas avoir remarqué qu’elle avait sûrement souffert pendant leur trajet.

Oui, elle était responsable des troupes. Oui, elle devait s'assurer qu'ils s'en sortent tous vivants. Mais bon sang !

Quelque chose lui donna un coup dans le ventre et elle baissa les yeux, les sourcils férocement froncés. Des yeux gonflés et rougis par les larmes la regardèrent.

"J'essayais juste d'être un bon soldat." expliqua Gabrielle.

Xena essuya une larme sur sa joue. "Je ne veux pas que tu sois un bon soldat." dit-elle à la barde. "Je veux juste que tu sois toi-même."

"D'accord." Quelque part, Gabrielle retrouva le sourire. "Arrête de t'en vouloir, alors." Xena crispa légèrement les lèvres en réponse mais elle accepta à contrecœur sa requête, et la barde, satisfaite, laissa sa tête reposer contre l'estomac de la guerrière avant de sentir un bras s’enrouler autour d'elle doucement. La douleur incroyablement vicieuse qui l'avait saisie s'était calmée en une agonie sourde, et elle était très reconnaissante de pouvoir simplement rester allongée et d'être avec Xena. "Wow... ça fait vraiment mal."

Xena ordonna paresseusement ses cheveux moites. "C'est très proche de ta colonne vertébrale... c'est très sensible. Tu avais des éclats d'os... cela a peut-être touché des nerfs."

"Oh." réalisa Gabrielle. "C'est une bonne chose que tu aies fabriqué cette ceinture, hein ?"

"Mmhmm." Xena acquiesça, puis elle leva les yeux. "Comment ça se passe ?"

Bennu secoua la tête. "Quelque chose les ralentit." Il souleva son grand corps au-dessus du rocher derrière lequel ils étaient accroupis et se frotta les yeux. "Je ne sais pas ce que c'est." Les troupes meurtries autour de lui, regroupées en petits groupes autour du rocher, semblèrent pousser des soupirs de soulagement. Plusieurs soignaient leurs blessures, la plupart avait récupéré des tranches de bœuf séché ou des barres de céréales et les grignotaient tranquillement.

Xena fouilla dans sa sacoche et en sortit une de leurs barres, avant de la casser en deux et d’offrir un morceau à Gabrielle.

Cait se mit à ramper vers elles, en s'appuyant sur ses coudes. "Je peux atteindre le sommet de cet arbre... Tu veux que j'y aille pour voir ce qui se passe ?"

"Vas-y." murmura Xena. "Sois prudente."

"D'accord." rayonna Cait avant de s'éloigner en rampant. Elle contourna le rocher et se dirigea vers son point d'observation.

"Ta confiance signifie beaucoup pour elle." commenta Gabrielle. "Elle en est très fière."

"Elle l'a méritée." répondit simplement la guerrière et cela souleva un sentiment doux-amer au fond du cœur de la barde, alors que l'écho d'un souvenir dans un pays lointain refaisait surface.

Je me demande. Elle cligna des yeux, ses cils effleurant la surface de cuir sur laquelle elle reposait. Je me demande si j'entendrai un jour ces mots sans penser à ce que j'ai fait en Chine. Elle ferma les yeux pour que Xena ne voie pas ses larmes.

"Tu as encore mal ?" La voix de la guerrière gronda doucement.

Gabrielle acquiesça, soupirant et laissa un peu de sa ration tomber mollement contre l'armure de Xena. Une lourdeur s'installa dans sa poitrine et elle resta allongée, avachie.

Xena jeta un coup d'œil à Cait qui grimpait lentement mais sûrement le long du tronc, puis elle reporta son attention sur son âme sœur. La guerrière plissa les sourcils et se mordit la lèvre, inquiète du sentiment de malaise qui émanait de la barde. "Hé !" Du bout des doigts, elle chatouilla le bord de l'oreille de Gabrielle.

Un œil injecté de sang s'ouvrit, luisant d'humidité.

Xena sourit. "Je me souviens de la dernière fois où tu as dû dormir comme ça... toi aussi ?"

La barde lui répondit dans un souffle. "Non."

La guerrière releva un sourcil. "Tu ne t'en souviens pas ? Tch... allez, Gabrielle... il m'a fallu au moins trois marques de bougie pour te débarrasser de ces piquants."

La barde éclata de rire, de façon complètement inattendue. "Oh par les Dieux." répondit Gabrielle d'une voix rauque. "Je crois que j'ai délibérément occulté ce souvenir."

"Si j'étais tombée sur un porc-épic en essayant d'échapper à une mère chèvre en colère qui me poursuivait parce qu'elle pensait que j'avais volé son chevreau... je l'aurais probablement oublié aussi." admit Xena.

Gabrielle mit de côté ses idées noires. "Je n'essayais pas de le voler... je voulais juste l'éloigner du lait de sa mère pour pouvoir...".

"Me faire du fromage" termina Xena avec un sourire attendri. "Je sais... Je me sentais si mal à l'aise de te voir subir tout ça juste..." Elle hésita. "Juste pour moi."

"Mm... Je me souviens... tu m'as apporté tellement de pâtisseries au miel et aux noix que j'ai failli être malade." Le nez de la barde tressaillit, tandis qu'elle esquissait un sourire. Elle bougea un peu la tête et leva les yeux. "Est-ce qu'on va rentrer sans problème ?"

Xena lui donna une petite pichenette sur le menton. "On va y arriver."

Gabrielle acquiesça et se détendit, déplaçant sa main vers le bas pour trouver celle de sa compagne dont les doigts s'emmêlèrent autour des siens, apaisant les zones d'ombre qui s'accrochaient encore à ses pensées. "A quel point cette coupure est-elle grave ?"

La guerrière lissa les cheveux de la barde en arrière. "Assez grave pour que tu ne puisses pas te battre pendant un certain temps." l'avertit-elle.

"Xena..." protesta Gabrielle. "Allez... J'ai passé la moitié de la matinée avec."

"Et maintenant, tu es allongée ici à cause de ça." s’emporta sa compagne. "Qu'est-ce qui t'arrive, Gabrielle ? Tu t'entêtes avec l'âge ?".

La barde la regarda fixement. "Si tu penses que je commence juste à devenir têtue, tu devrais te regarder avant de parler."

Xena ricana. "Arrête de me ressembler."

"Agaçant, n'est-ce pas ?" Gabrielle prit une grande inspiration contre son oreiller de cuir. "Tu ne me renverras pas dans la vallée." Elle leva les yeux lorsque sa compagne ne répondit pas et découvrit des yeux calmes et sérieux qui la regardaient. "Tu ne le feras pas."

"Gabrielle."

"Xena, je te le dis..." Des doigts couvrirent ses lèvres et elle se calma, mais son expression s'assombrit.

"Ecoute-moi." insista la guerrière. "Il n'y a personne, personne au monde que je préférerais voir garder mes arrières plutôt que toi."

"Mais..."

"Mais." Ses doigts caressèrent le visage de la barde. "Si tu te bats blessée, c'est beaucoup plus dangereux pour nous deux, Gabrielle... pour toi, parce que tu ne pourras pas réagir comme tu le fais d'habitude, et pour moi, parce que je serai tellement inquiète pour toi que je vais probablement me faire couper la tête."

Bon sang ! Gabrielle soupira, se retrouvant prise entre deux émotions très fortes.

"Nous en parlerons plus tard." continua Xena. "Attendons d'être de retour à la rivière et nous verrons comment tu te sens à ce moment-là, d'accord ?"

"D'accord." approuva Gabrielle.

Pour l'instant.

********************************

Xena dirigeait silencieusement Argo, contournant un grand chêne pour regarder prudemment le détroit devant elle. C'était calme, mais les broussailles, le sol et les arbres montraient de nombreuses traces de l'immense armée qui venait de passer. "D'accord" dit-elle. "Voyons jusqu'où nous pouvons aller." Elle se retourna et se hissa sur Argo derrière Gabrielle, qui était déjà à cheval, avant d’enrouler un bras protecteur autour d'elle, puis elle dirigea la jument au-delà des arbres et descendit vers le col.

Être assise à cheval, serrée contre Xena, n'était pas confortable, mais Gabrielle serra les dents et supporta la situation, sachant que si Xena devait sortir son épée et se battre, elle serait plus en sécurité là où elle se trouvait que derrière son âme sœur.

Les troupes se répartirent derrière elles, Ephiny et Eponine chevauchant d'un côté et Bennu et quelques-uns de ses soldats de l'autre.

C'était très calme et Xena gardait tous ses sens en éveil, espérant que l'absence d'oiseaux et d'animaux reflétait la peur de l'armée qui venait de passer. Ils chevauchaient dans le vent, mais celui-ci ne lui apportait que ce qu'elle savait, à savoir qu'une grande force armée était venue par là et qu'elle n'était pas très loin devant eux.

Xena fit une pause, alors qu'ils franchissaient l'affleurement rocheux qui formait le col et ralentit l'allure d'Argo, ses sens en alerte s'éveillant brusquement. Elle s'arrêta juste avant l'ouverture et descendit. "Restez ici." Dit-elle en levant une main et en s'avançant doucement, touchant la roche chauffée par le soleil tout en penchant la tête sur un côté pour écouter attentivement.

Le bruissement des feuilles.

De minuscules rochers, délogés par le vent et les vibrations, qui s'ébranlaient.

La puanteur des chevaux et des hommes qui lui parvenait, ainsi que l'odeur du feuillage meurtri et, bien plus loin de là, celle de l’eau.

Les poils de sa nuque se hérissèrent.

Lentement, paresseusement, elle passa la main par-dessus son épaule et fit glisser son épée hors de son fourreau de cuir, en faisant le moins de bruit possible, tout en faisant un signe derrière elle. Elle fit un pas en avant, et soudain, sans crier gare, frappa la poignée de son épée contre le rocher, produisant un bruit sourd.

Elle entendit un mouvement.

Puis un grognement résonna de derrière le rocher.

Xena poussa son cri de guerre et elle entendit une vague de mouvement en réponse. "C’est un piège !" Beugla-t-elle. "Bougez !"

Ses troupes se précipitèrent et soudain, un mur d'hommes et d'animaux arriva au bord du col, armes dehors et presque au-dessus d'eux.

Xena bondit à mi-chemin du rocher et s'accrocha à un petit rebord, avant d’abattre la lame de son épée et de trancher la tête du premier soldat qui franchit le passage. Elle poussa à nouveau son cri de guerre tout en frappant encore et encore les hommes armés devant elle, jusqu'à ce que ses troupes la rattrapent et plongent dans la mêlée. Elle jeta un coup d'œil vers le bas pour voir la forme dorée familière d'Argo et se laissa tomber du rocher sur le dos de la jument, derrière sa compagne qui était en train d'esquiver les différents assauts. "Accroche-toi."

"Comme si je pouvais faire autrement ?" répondit Gabrielle d'un air sombre.

Les chevaux les entouraient, le choc des épées et les cris des combattants emplissaient l'air. "Nous devons sortir d'ici." Ephiny abattit la poignée de son épée sur une tête casquée. "Nous allons avoir toute cette foutue armée sur nous, Xena !"

Gabrielle sentit l'hésitation derrière elle. "Là-bas !" Elle pointa soudain du doigt une ouverture entre les arbres. "Si on arrive à passer par là... je pense qu'on pourra franchir le ruisseau !"

Bennu fit tourner son gros étalon, ouvrant un espace autour de lui. "Genr’le, Genr'le ! On s’occupe de les retenir !"

Cela allait à l'encontre de tout ce qu'elle était. Xena vit le bouclier se former devant elle et elle lutta contre son instinct qui la poussait à retourner se battre.

"Allez !" Eponine donna une tape sur la croupe d'Argo. "Pour l'amour d'Artémis, Xena... sans toi, nous n'avons aucune chance !"

D'autres soldats ennemis s’avancèrent et les flèches volèrent, aggravant la situation alors que Xena dirigeait Argo vers les arbres à contrecœur. "Vous tous à l'arrière... suivez-moi !" finit-elle par crier, visant la percée dans les arbres en poussant la jument à avancer plus vite.

Gabrielle se contenta de s’accrocher, particulièrement sensible à l'agonie qu’elle avait entendu transparaître dans la voix de sa compagne. Elle essaya de ne pas penser aux amis qu'elle laissait derrière elle, alors qu'elles s'élançaient vers les bois, avant de voir une ligne de cavaliers se séparer de la force d'attaque et se diriger vers elles.

Xena les vit aussi et fit passer son épée de sa main gauche à sa main droite, faisant dévier Argo vers la droite par pur instinct, pour protéger le reste des combattants des chevaux qui arrivaient. Elle emmêla ses doigts dans la crinière d'Argo et plaça autant de son corps que possible autour de celui de Gabrielle, alors que le premier des soldats les atteignait.

"Yeah !!!!" Xena rencontra le premier coup d'épée et le dévia, puis elle frappa en retour le cavalier juste sous le menton, lui ouvrant le cou et envoyant un torrent de sang sur la tête de son cheval. L'animal hennit, les yeux révulsés, et se cabra, permettant à Xena de passer en trombe et d'attaquer le second cavalier, qui lançait une lance au-delà de ses défenses. Elle lâcha la crinière d'Argo et attrapa l’autre extrémité de la lance, luttant pour garder son équilibre alors qu'elle et son adversaire chevauchaient côte à côte pour obtenir le contrôle de l'arme.

Xena se souleva légèrement de sa selle et fit passer son épée de l'autre côté, perforant l’armure juste sous le bras du soldat avant de la retirer lorsqu'il bascula sur un côté, la laissant avec la lance.

Elle la jeta au sol et poussa Argo à aller plus vite, observant la première ligne de leurs troupes atteindre la brèche. "Allez! Allez!!!!" Elles passèrent en trombe, et elle se retourna à moitié, avec l'intention de faire revenir Argo pour surveiller leur retraite. Mais quatre des siens la devancèrent, formant un bloc dans la brèche pour repousser les cavaliers. Tout ce qu'elle pouvait faire, c'était de continuer à avancer, se faufilant entre les chevaux au galop jusqu'à ce qu'elle soit à l'avant.

Derrière elles, elles pouvaient entendre le fracas de la bataille et le son des cors, alors que les troupes d'Andreas appelaient des renforts. Les cris et les bruits de métal s'estompèrent peu à peu pour laisser place au grondement des sabots sur le sol recouvert de mousse et au fouettement des feuilles qui s'entrechoquaient, laissant derrière elles une traînée de senteurs végétales.

Ils ralentirent le galop après avoir mis suffisamment de distance. La tension était presque palpable dans le groupe, dans la faible lumière du jour masquée par les arbres.

Xena jeta un coup d'œil autour d'elle, espérant que le chemin resterait dégagé jusqu'à l'endroit où ils devraient sortir et traverser la grande zone ouverte menant à la rivière. Ils seraient alors à découvert, mais elle estimait qu'ils auraient alors une bonne longueur d'avance sur les troupes d'Andreas, et qu'ils auraient normalement le temps de s'abriter derrière les remparts.

Elle essaya de ne pas penser aux gens qu'elle avait laissés derrière elle.

"Tu vas bien ?" demanda-t-elle à la forme immobile et silencieuse qui se trouvait devant elle. Gabrielle acquiesça, mais ne répondit pas, gardant la tête baissée pour ne pas être gênée par les branches qui les fouettaient autour d'elles.

Ils chevauchèrent encore un moment, les chevaux transpirants et respirant fort, jusqu'à ce qu'ils approchent de la lisière clairsemée de la forêt et que Xena ralentisse son allure pour soulager un peu Argo. "Une fois que nous serons dans la plaine, faites profil bas et restez à l'orée des bois." dit-elle derrière elle, recevant des hochements de tête fatigués en retour. "Toi aussi, reste baissée." Elle posa une main sur l'épaule du barde. "Comment va ton dos ?"

"J'ai mal." murmura Gabrielle. "Mais je survivrai."

Xena inspira, puis elle pressa doucement ses jambes pour diriger Argo vers les grands espaces.

Et puis, d'un seul coup, la lumière fût bloquée par des corps armés à cheval.

Ils les attendaient.

Xena cligna des yeux, puis elle dégaina son épée et fonça vers eux, en poussant un cri sauvage et féroce.

Un cri de faucon retentit et les cavaliers qui se trouvaient dans la brèche s'éparpillèrent, s'élançant hors du chemin comme si Hadès lui-même sortait des arbres pour leur foncer dessus.

Les troupes s'élancèrent vers le soleil, à travers une foule aux couleurs familières. Xena les regarda plus attentivement, puis elle souffla en reconnaissant les visages qui l'entouraient. "Toris ! Qu'est-ce que tu fais ici ? Retournez au camp !"

"Je viens t'aider !" lui répondit son frère en criant. "Nous avons deux groupes de cavaliers qui harcèlent leur force principale... Allons-y ! Ils ont brûlé les plaines."

Toris fit passer son grand hongre à côté de sa sœur, tandis que Xena s'arrêtait, tout en faisant signe aux cavaliers de ralentir. "Qu'est-ce qui s'est passé ?"

Xena tapota l'épaule en sueur d'Argo. "Qu'est-ce qui ne s'est pas passé, tu veux dire ?"

"Tu vas bien ?" demanda Toris à Gabrielle, qui s'accrochait péniblement à Xena.

"Bien pour l'instant."Répondit la barde. "Comment vont les choses ?"

Toris jeta un coup d'œil derrière eux. "Pas terrible... nous avons reçu un grand nombre de réfugiés hier, Xena... tu ne croirais pas ce que ces bâtards leur ont fait."

"Bien sûr que si." La réponse de Xena lui fit froid dans le dos. "Plus tu terrorises les gens, moins ils te combattent."

"Marquer les gens au fer rouge ? Leur arracher les yeux ? Les écorcher vifs et les laisser mourir ?" répliqua Toris. "Tu ferais ça ?"

Xena resta assise tranquillement sur le dos d'Argo pendant un long moment, réfléchissant à la question. Ses troupes se déplaçaient avec inquiétude, attendant la réponse. Même Gabrielle était silencieuse.

"Non." vint la réponse après un moment de réflexion. "Je les aurais simplement tués." Elle leva la tête et balaya la zone autour d’elle. "Allons-y… Je veux avoir le temps de cartographier son ordre de bataille avant qu'ils n'atteignent la zone basse." Elle dirigea Argo dans la plaine et se fraya un chemin parmi les combattants. "Ça va devenir de plus en plus difficile à partir de maintenant."

Gabrielle attendit qu'elles soient à une distance suffisante des autres avant de tourner la tête vers Xena. "Et les gens que nous avons laissés derrière nous ?"

"Soit ils nous rattraperont, soit ils ne nous rattraperont pas."

Les lèvres de la barde se serrèrent en une fine ligne.

Les yeux de Xena restèrent froids pendant un moment, puis son expression s'adoucit légèrement. "Je pense qu'ils nous rattraperont, Gabrielle... il y avait de sacrés bons guerriers là-bas."

"Certains d'entre eux étaient de sacrés bons amis à nous aussi." déclara Gabrielle, très doucement.

 

La guerrière soupira. "Je sais... c'est pour ça qu'ils sont restés." Xena lui donna une tape sur la jambe. "Ne commence pas encore leurs bûchers, Gabrielle. Tout peut arriver en guerre. "

La barde se retourna et regarda devant elle, entre les oreilles dorées d'Argo.

**************************************

L'ambiance était sinistre. Xena traversait le camp, alors que les soldats se précipitaient pour apporter des fournitures de dernière minute sur les murs tandis que d’autres s'efforçaient de déplacer de lourdes caisses sur le sol boueux. Le retour avait été heureusement calme et maintenant elle se déplaçait anxieusement d'un point à l'autre, préparant les choses au mieux, étant donné que, d'après elle, l'armée d'Andreas était trois fois plus nombreuse que la sienne.

"Genr'le !

Xena leva les yeux vers la vigie.

"Un autre groupe arrive."

Xena jeta un coup d'œil vers les portes. "Laisse-les entrer et envoie-les de l’autre côté de la rivière."

La vigie lui fit un signe de la tête puis fit demi-tour et cria ses ordres aux gardiens des portes.

Bennu la rattrapa alors qu'elle continuait à avancer et il fit quelques pas à ses côtés avant de parler. "Ça va être une mauvaise journée, Générale."

"En effet, Bennu."

Ils marchèrent un peu. "Il faut bien que les guerriers meurent un jour." finit par dire le grand soldat. "Bonne cause, bonne cheffe... on ne peut pas vraiment demander plus que ça."

Xena s'arrêta et mit les mains sur ses hanches. "Je n'ai pas rassemblé une armée dans le but de la laisser se faire massacrer, Bennu."

"Non." répondit le soldat. "Mais nous savions tous que nous allions au-devant d'ennuis, Xena." Son visage maculé de saleté se plissa en un sourire. "Quoi qu'il arrive, c'était pour une bonne chose de toute façon."

La guerrière souffla, puis elle tapota le bras de Bennu et s'éloigna.

*********

La tente des guérisseurs était animée et l’ambiance était morose. Les guerriers qui étaient arrivés avec Xena se faisaient rafistoler, et ceux qui avaient participé aux premières escarmouches étaient recroquevillés sur des couchages d’appoint, les visages tirés par la douleur. Plusieurs guérisseurs circulaient parmi eux, mais Xena se concentra jusqu’à trouver la forme caractéristique d'Elaini, agenouillée près d'un couchage à l'arrière de la tente, une torche éclairant son travail.

La guerrière pouvait sentir l'attention portée sur elle tandis qu'elle se déplaçait dans la zone bondée, et elle prit le temps d'établir un contact visuel, offrant aux hommes et aux femmes blessés un sourire discret, avant de poser une main sur une épaule ou sur la tête. Une vague d'excitation nerveuse se répandit autour d'elle en réaction, et même les guérisseurs levèrent la tête pour voir ce qui se passait.

Elaini tourna la tête et montra brièvement ses longs crocs. "J'aurais du savoir que c'était toi." Grogna l'Etre de la Forêt. "Est-ce que tu veux venir ici Xena. Cette tente entière remplie de combattants ne me donne pas autant de fil à retordre que cette petite humaine."

Xena s'approcha et jeta un coup d'œil par-dessus l'épaule d'Elaini, pour découvrir des yeux verts grincheux qui la fixaient. "C'est drôle... ma mère dit toujours ça à propos de Dori... tu penses qu'elles ont un lien de parenté ?"

"Hmm." grogna Elaini, pour s’abstenir de dire ce qu’elle pensait vraiment. "En tout cas, je suis sûre que je n'échangerais pas mes trois terreurs pour l'une ou l'autre." Elle changea soigneusement le bandage sur le dos du barde. "C'est une très mauvaise coupure, Xena."

"Je sais."

"Ça ne fait pas si mal que ça." Gabrielle posa son menton sur son bras.

"Tu as dit que ça te faisait mal de marcher." rétorqua Xena. "Et que tu te sentais engourdie jusqu'aux genoux."

Elaini fronça les sourcils. "Tu ne m'as pas dit ça." Elle regarda la barde d'un air renfrogné. "Gabrielle, s'il te plaît... n'agis pas comme une de ces têtes dures, tu veux bien ? Tu as bien plus de bon sens que ça, je le sais."

Gabrielle la regarda avec mécontentement, tout en tendant une main pour s’accrocher à l'armure du genou de Xena. "Le bon sens n'a rien à voir avec ça". Sa voix était légèrement rauque. La vérité, c'était que chaque mouvement lui causait une décharge de douleur dans les jambes et dans le dos, et elle savait que son âme sœur le savait.

Elle savait aussi ce que pensait Xena, et même si son esprit lui disait que la guerrière avait raison, son cœur s'opposait à l'idée de quitter sa compagne à la veille même de la bataille. Elle leva les yeux vers le visage de la guerrière et y vit la confirmation de ses pensées dans les sourcils froncés et le sourire crispé de sa compagne. "Crottins de Centaures."

Elaini la regarda sans comprendre, puis elle jeta un coup d'œil à Xena. "Comment faites-vous ça?"

"L’Expérience." répondit la guerrière sans ambages. "Très bien...Elaini... Je vais prendre le relais ici."

L'Etre de la forêt se leva et pressa l'épaule de Xena, puis elle se dirigea vers son prochain patient, avant de s'agenouiller à côté d'un jeune homme de la cavalerie dont la moitié de la jambe avait été coupée.

"Maman a accepté d'emmener Dori et un groupe de blessés graves de l'autre côté de la rivière, dans la vallée." déclara Xena. "Tu iras avec eux."

La protestation mourut sur ses lèvres, car un mouvement involontaire lui fit serrer la mâchoire et se mordre le côté de la langue. Xena lui tapota très doucement la tête et elle souffla de frustration. "Je ne veux pas te quitter."

"Et je ne veux pas que tu t'en ailles." répondit la guerrière honnêtement. "Mais te savoir en sécurité là-bas... me soulagera d'un grand poids."

"Combien de temps ?"

Xena jeta un coup d'œil à l'extérieur. "Une bougie... peut-être deux." Répondit-elle. "Ils sont en train de préparer le chariot."

Gabrielle se redressa sur un coude. "Peux-tu m'accorder quelques minutes d'ici là ?"

La guerrière hocha la tête. "Pour toi ? Toujours."

*******************

Cyrène se retourna au bruit de pas et vit une silhouette familière s'introduire dans la tente. "Ah." Elle repoussa ses cheveux en arrière. "Nous sommes presque prêts."

"Boo !" s’exclama Dori énergiquement dès qu’elle réalisa qui venait de les rejoindre. Ses bras se tendirent dans un mouvement impatient et saisissant. "Booo !!! Booo !!!" Elle se tortilla sur la caisse sur laquelle Cyrène l'avait assise et faillit tomber.

"Doucement, petite." Xena la rattrapa et glissa son petit corps dans le creux de son bras. "Alors quelle catastrophe as-tu inventé ces derniers temps, hum ?"

Dori passa ses bras autour du cou de Xena et la serra en poussant de petits grognements d'approbation et de bonheur. "Bobobobobobobobobooo...." Elle hoqueta, puis cligna des yeux. "Maman ?"

"Oui... nous allons voir maman." promit Xena, en jetant un coup d'œil à sa mère. "Nous voulions passer un peu de temps ensemble avant que vous ne partiez."

Cyrène frotta le bras de sa fille, mais ne dit rien.

"Allez, Dori... on va voir maman ?" dit-elle tout en sortant de la tente presque vide. Elle s’était vêtue de son gambeson, après s’être lavée rapidement de la saleté de la journée, et ses cheveux étaient encore humides de son bain. "Par les Dieux, tu as encore grandi."

Dori attrapa le devant du tissu rembourré et le tira d'un coup sec. "Go go go go !!!" Elle adressa à Xena une petite grimace. "Go maintna !"

Xena la regarda sérieusement. "Je te l'ai promis, n'est-ce pas petite ?" murmura-t-elle, tandis que Dori la regardait avec confiance et impatience. "D'accord... d’accord." Cela ne prendrait pas longtemps, et les quelques minutes de jeu lui enlèveraient un poids des épaules. Elle regarda autour d'elle, fronçant les sourcils en constatant que le campement grossier et terne s'étendait de part et d'autre d'elle, le long des berges de la rivière. "Il n'y a pas de place ici…" souffla-t-elle. "Je suppose que nous allons devoir passer de l'autre côté, Dori. Accroche-toi."

C'était une sensation surréaliste qu’elle vivait. Marcher dans un camp de guerre, à la veille de ce qu'elle savait être un horrible carnage, tout en berçant Dori dans ses bras alors qu'elle slalomait entre les tentes et les caisses. Elle laissa les cris et les sons tomber derrière elles et traversa le pont rapidement.

Ses bottes faisaient trembler les planches de la passerelle. L'odeur de la rivière lui parvenait et la frôlait presque, tandis que le vent tournait autour d’elles. Les bruits du camp s'estompèrent doucement, remplacés par les grillons et le bruit de l'eau.

C'était comme retourner dans un autre monde. Ici, il n'y avait pas de boue, pas d'odeur d'hommes et de chevaux, pas de sang. Pas de cris de blessés, ni d'odeur de mort. Au loin sur le chemin, elle pouvait voir les portes de la ville, et pendant qu'elle regardait, un poulet solitaire traversa la route en sautillant, à la recherche d'insectes. Xena respira profondément l'air pur et froid en marchant tranquillement. Ses bottes soulevèrent un peu de poussière et, pendant un bref instant, elle souhaita que ce ne soit qu'un matin comme les autres. Un matin qui se terminerait par un retour à la cabane avec Dori, pour réveiller Gabrielle et déguster des biscuits et des fruits ensemble.

"Tu sais quoi, Dori ?"

"Booga ?"

Xena prit une grande inspiration. "J'ai grandi et je n'aime plus la guerre." avoua-t-elle à l'enfant, avec un sentiment de légère surprise. "C’est quelque chose, n’est ce pas ?"

Dori ne semblait pas perturbée. Elle mâchouillait une boucle avec application et explorait le cristal accroché au cou de sa compagne de jeu préféré.

Xena décida de profiter de l'instant présent. Elle prit le chemin de droite, qui contournait Amphipolis, et se mit à trottiner. Dori poussa un cri, se tortillant de plaisir en reconnaissant le mouvement.

"Plus vite ?"

"Go, go, go !"

Xena accéléra le pas, ajustant son équilibre avec le bébé dans ses bras, puisqu'elle avait laissé tous les sacs de Dori au camp. "Comme ça, hein ?"

Dori rit de plaisir, semblant visiblement apprécier la vue de face. "Go !"

Elles remontèrent la pente, complètement seules dans la forêt qui entourait la ville abandonnée. Les petits animaux s'écartèrent rapidement sur leur passage, surprit de les trouver là après avoir été au calme pendant plusieurs jours. Xena zigzaguait entre les arbres, sautant par-dessus les rochers et les souches, et riait en écho avec les gloussements ravis de Dori. "Prête ?"

"Boo !"

Elle fit un pas, puis elle se lança dans un saut périlleux, ce qui lui amena un cri presque dans l'oreille. Après avoir atterri, elle se redressa rapidement avant de sauter à nouveau, en tournant deux fois dans les airs, puis elle s'élança vers une légère montée, avant de sauter du sommet sans la moindre hésitation.

"Booo !!!!" Dori criait d’excitation alors qu'elles volaient dans les airs, le vent frappant leurs visages. La pente leur permit de rester en l'air plus longtemps, puis Xena arqua le dos et se tourna sur le côté, avant de basculer en avant et de se remettre sur ses pieds, juste à temps pour atterrir. "Whoo... c'était un bon coup, hein, Dori ?"

"Bon !" approuva la petite fille. "Encore !"

"D'accord." Xena repéra un rocher à proximité, qui faisait à peu près la moitié de sa taille. Elle s'élança vers lui et sauta dessus. Elle atteignit facilement le sommet du rocher et resta un moment immobile, observant le paysage autour d’elle alors que le vent soufflait en rafales. D'ici, elle pouvait à peine apercevoir le toit de l'auberge de sa mère à travers les arbres. Dori tendit les mains et les agita, alors que ses pieds battaient la mesure avec application. "D'accord, accroche-toi."

La guerrière s'accroupit, puis elle bondit vers le soleil, rentrant ses genoux et tournoyant rapidement dans les airs tandis que Dori gloussait de plaisir. Xena riait avec elle, se retournant dans tous les sens, alors que la brève lumière du soleil, qui avait percé le couvert des arbres, se déversait sur elles. Elle atterrit, puis elle sauta à nouveau, se délectant de sa propre force alors qu’elle enchaînait les sauts périlleux, rebondissant sur le sol avec aisance. Puis elle se laissa finalement retomber dans l'herbe épaisse et s’allongea dessus, alors qu'un nuage de pollen poussiéreux explosait autour d'elles.

Dori éternua et agita ses petites mains, tout en s’asseyant sur la poitrine de Xena. "Bien !" Elle se rapprocha du visage de la guerrière et lui fit un bisou. "Aime Boo."

Xena la serra dans ses bras, chérissant ce moment sans réserve. Elles profitèrent de cet instant calme dans l'herbe quelques minutes, puis la guerrière leva les yeux, soupira et se leva d'un bond. "Il faut qu'on aille retrouver maman maintenant... d'accord ?"

"Maman" acquiesça Dori. "Maman, aime."

Elles atteignirent rapidement le pont et se remirent en route. "Sois sage, Dori." murmura Xena. "Tiens compagnie à ta maman pour moi, d'accord ?"

"Maman" répéta Dori docilement.

La guerrière ralentit en entrant dans le camp et s'arrêta dans un coin éclairé par le soleil, avant de regarder sérieusement sa fille. "Dori ?"

Le bébé leva les yeux vers elle avec curiosité. "Boo ?"

"Je t'aime." Xena toucha son visage du bout des doigts. "Je veux que tu me promettes quelque chose." Dori s'agrippa à son doigt et en suça l'extrémité. "Ecoute... si quelque chose m'arrive, Dori... je veux que tu me promettes de prendre soin de ta maman, d'accord ?"

"Bck."

"Ça va être tellement dur pour elle..." Xena s'arrêta pour déglutir. "Mais je sais qu'elle restera avec toi, parce que tu es notre fille et que tu as besoin d'elle." Elle embrassa la tête du bébé. " Et parce qu’elle t'aime beaucoup. "

Dori tira la langue et se mit à gigoter.

Xena soupira. "Qu'est-ce que je suis en train de faire ? Tu ne comprends pas un mot de tout ça, n'est-ce pas ?" Elle secoua la tête et se dirigea vers la tente de commandement, où Gabrielle se reposait avant d'entamer le voyage en chariot vers la vallée.

Il leur restait encore un peu de temps.

*************

Xena se glissa dans la tente et sourit lorsque Dori se mit à se tortiller à la vue de sa mère, essayant de se libérer pour la rejoindre. "Doucement, doucement. Souviens-toi de ce que je t'ai dit."

Gabrielle était recroquevillée dans un fauteuil et s'appuyait sur un bras pour maintenir la pression sur son dos. "Hé, ma chérie !" Elle esquissa un vrai sourire lorsque Dori, qui avait été posée au sol, trottina vers elle avant de s'écraser contre la chaise et de lui attraper la jambe. "Ooh... attention". Elle aida avec précaution le bébé à se hisser, puis elle grimaça lorsque Dori passa ses bras autour de son cou en poussant un cri. "Doucement... oui, moi aussi je suis contente de te voir ... Qu'est-ce qui vous a pris autant de temps ?"

"J'avais une promesse à tenir."

Gabrielle leva les yeux vers elle, surprise, puis elle regarda Dori. "Une promesse ?"

"Go !" Dori agita les bras.

La barde regarda sa fille. "Tu l'as emmenée courir ?" murmura-t-elle, étonnée.

"Mm." La guerrière ne la regardait pas. "Juste quelques minutes... après le pont et on est revenues... Je..." Elle haussa les épaules. "J'avais promis."

Gabrielle toucha du bout des doigts le nez en bouton de Dori, ce qui fit loucher la petite qui essayait de suivre le mouvement. "Oui, tu avais promis." reconnut-elle. "Et Boo tient toujours ses promesses, Dori... ne l'oublie pas, d'accord ?"

"Bck." Une petite main s'approcha de la sienne et la serra.

Xena ramassa les sacoches de la barde déjà emballées, les mit de côté et s'assit sur le sol en croisant les jambes. "Ils sont presque prêts."

Gabrielle acquiesça, tout en lissant les cheveux indisciplinés de Dori. "Je m'en doutais." Elle posa une main sur le bras de Xena, qui s’était assise à proximité. "Sois prudente, s'il te plaît."

Xena leva les yeux vers elle. "Toi aussi." Elle laissa Dori jouer avec son pouce. "Je pense qu’ils commenceront à attaquer dès ce soir."

La barde hocha la tête. "Des signes de..."

"Rien pour l'instant."

Elles regardèrent toutes les deux Dori jouer, alors que la petite explorait les limites de la chaise et essayait de grimper sur l’un des accoudoirs. Xena se décala légèrement pour se mettre devant elle, et la repoussa, la faisant se rasseoir brusquement.

"Bck !" objecta-t-elle en pointant Xena du doigt. "Gaboo !"

Dehors, elles entendirent le grincement de la charrette et les hennissements des chevaux qui y étaient attelés. Xena se leva doucement et souleva Dori dans ses bras, puis elle tendit la main à Gabrielle. La barde l'accepta et se mit debout avec précaution, prenant une inspiration en attendant manifestement que la douleur s'estompe. "Prends appui sur moi si tu en as besoin."

Gabrielle s'exécuta, enroulant un bras autour d'elle. Elles sortirent ensemble de la tente et se dirigèrent jusqu'à l'endroit où les derniers non-combattants montaient dans la charrette. Xena embrassa Dori sur la tête, puis la confia à Cyrène, très réticente de partir, avant de se tourner pour aider Gabrielle à monter dans le chariot.

La barde posa ses mains sur la paroi en bois, résistant à l'envie de se retourner et de repartir vers la tente de commandement. Elle voyait les soldats l'observer et elle se sentait tellement lâche de partir maintenant, alors que les ténèbres se rapprochaient si clairement d'eux.

Pour une raison tellement stupide, en plus. La barde maudissait intérieurement l'attaque avortée de Gillen qui avait causé une si petite coupure qui l'avait pourtant handicapée aussi sûrement que si cette maudite Amazone lui avait coupé les ischio-jambiers.

Mais...

Avec un soupir, elle laissa Xena la soulever dans le chariot puis elle s'installa avec précaution sur les fourrures, reposant en partie sur un côté pour se mettre le plus à l'aise possible. La paroi du wagon était dans son dos et elle sentit les doigts de Xena lui ébouriffer les cheveux alors qu'elle y appuyait ses épaules. Par réflexe, elle tendit la main et l'attrapa, enroulant leurs doigts l'un contre l'autre pendant que le reste des passagers montait à bord.

Elle leva les yeux et vit Xena qui la regardait. "Tu veux bien me promettre quelque chose ?"

La guerrière cligna des yeux, surprise. "Bien sûr... si je peux."

Gabrielle tendit la main et posa sa paume sur la joue de la guerrière. "Reste sur le droit chemin." demanda-t-elle, simplement.

Leurs regards se croisèrent, et tout ce qu’elles avaient vécu ensembles sembla défiler devant leurs yeux, comme si tous ces évènements prenaient tout leur sens dans cette seule et unique demande.

"Je le ferai." finit par répondre Xena. "Je te le promets." Elle se pencha vers elle et elles s'embrassèrent, ne se préoccupant pas de la foule qui les observait avec inquiétude. Nez contre nez, elles se regardèrent une dernière fois, se respirant une dernière fois l'une l'autre. "Reste à l'écart des ennuis". dit Xena.

L'ombre d'un sourire lui répondit. "Je le ferai... je le promets."

Xena recula et reprit son rôle de chef, tandis que le conducteur s'installait sur son siège avant de rassembler ses rênes. Il se retourna et jeta un coup d'œil à Xena, qui lui adressa un bref signe de tête en guise de reconnaissance, avant de fouetter l’air et de faire avancer les deux gros animaux qui tiraient le chariot.

Ils avancèrent d'un bond et les roues grincèrent en avançant péniblement dans la boue à mesure qu'ils s'éloignaient vers le pont, laissant derrière eux quelques observateurs qui restèrent silencieux jusqu'à ce qu'ils dépassent les arbres et soient hors de vue.

Xena regarda encore un moment, puis elle se retourna lorsque des pas s'approchèrent. "Oui ?"

Toris passa une main dans ses cheveux épais. "Les guetteurs disent qu'ils sentent une odeur de poix dans le vent, Xena... nous pensons qu'ils vont nous bombarder."

La guerrière balaya du regard le camp autour d’elle. "Que tout le monde prenne les seaux et arrose tout avec de l'eau. " décida-t-elle. " Maintenant !"

*************************************

Le chariot avançait lentement et les pas rythmés des chevaux berçaient la charrette de bois,  endormant presque ses occupants.

Du moins, c'était la théorie. Gabrielle soupira et essaya de s'installer plus confortablement. Il y avait du foin au fond du chariot, heureusement, et elle s'était appuyée contre deux sacs de grain rembourrés, sa cape serrée autour d'elle. Cyrène était assise à côté d'elle, Dori ronflant béatement dans ses bras. L'aubergiste leva les yeux en sentant le regard de Gabrielle sur elle.

"Je suis surprise... Je pensais qu'elle serait en train d’explorer partout autour d’elle. "

La barde leva la main et toucha celle de Dori, examinant les petits doigts avec un demi-sourire. "Xena l'a emmenée jouer juste avant notre départ." répondit-elle, observant la poigne du bébé se refermer sur son pouce, même dans le sommeil. "Elle semble savoir comment la fatiguer."

"Elle sait de quoi elle parle..." fit remarquer Cyrène d'un air placide. "Tch... regarde ces manches... il est temps de changer de tenue, je pense."

"Mm." acquiesça Gabrielle en touchant le tissu qui remontait le long du bras de sa fille, jusqu'à la moitié de son coude. La combinaison verte était également bien ajustée sur son corps. "Oui... elle va devenir trop grande pour celle-ci, c'est sûr." soupira la barde. "Je crois que j'en ai une plus grande dans les grottes...la bleue d'Ephiny..." Sa voix se bloqua soudainement alors qu’elle sentit un nœud se former dans sa gorge et elle devint silencieuse.

Cyrène lui prit la main et la frotta, son visage se crispant de sympathie.

"Ça n’a tellement pas de sens." chuchota Gabrielle.

"La guerre n’en a jamais." Répondit sa belle-mère. "Peu importe comment ils la justifient... peu importe qui gagne ou qui perd... tout se résume à des gens qui s'entretuent sans raison." Elle croisa le regard de la barde. "Et parfois, Gabrielle... ça vient à toi et tu ne peux pas l'arrêter."

Dori se réveilla et étira ses bras et ses jambes avant de bailler. "Brwp." Elle jeta un coup d'œil à sa grand-mère, puis elle fronça les sourcils et tourna la tête à la recherche de Gabrielle. "Maman !" Ses yeux s'illuminèrent de joie, ce qui fit sourire la barde.

"Tiens... donne-la moi." Gabrielle se déplaça doucement avant de s'appuyer à nouveau contre les sacs. "Ça me changera les idées, de toute façon." Elle prit sa fille, qui se tortillait dans tous les sens, et l’installa dans le creux de son bras avant de chatouiller son ventre de son autre main. "Hé, ma belle".

Dori affichait un sourire lumineux. "Bck."

"Ooo... tu es tellement mignonne." Gabrielle jeta un coup d'œil dans le chariot, où les six autres combattants gravement blessés étaient allongés, certains la regardant avec des yeux fatigués et emplis de douleur.

 

Elaini était appuyée contre le mur du fond, observant le pire d'entre eux, une jeune Amazone qui avait eu la majeure partie d'un bras arraché et avait reçu une flèche dans la partie supérieure de la poitrine. L'Etre de la Forêt changeait le bandage imbibé d'herbes sur la blessure de la femme tout en gardant un œil sur ses autres patients, et elle sourit lorsqu’elle découvrit que Dori s’était réveillée. "Oh oh". Elle releva un sourcil. "Je savais que c'était trop paisible pour durer."

"Hé... elle est vraiment gentille." protesta Gabrielle. "Elle n'a pas causé le moindre problème depuis des semaines."

Dori grogna en se tortillant sur le ventre, puis elle se redressa. "Mm." Elle mit un doigt dans sa bouche et regarda sa mère en la questionnant. "Cookie ?"

Des rires fatigués s'élevèrent du wagon.

"C'est de ta faute." Gabrielle jeta un regard noir à Cyrène. "J'essaie de lui faire manger de bonnes choses comme des carottes, et qu'est-ce que tu fais ?

"Je connais mon public". Répondit Cyrène avec un sourire en coin, avant de sortir de sa poche une pâtisserie fourrée aux noix qu'elle tendit à sa petite-fille. "Voilà, mon petit pois."

"Maman" soupira la barde.

"Oh, d'accord. Tiens." Cyrène retira un autre biscuit et le tendit à Gabrielle. "Tu crois que je ne sais pas d'où elle tient ça ?"

"Hum." Gabrielle renifla la pâtisserie avec appréciation, puis elle en prit une bouchée. Le goût sucré déclencha une douleur nostalgique dans sa poitrine, et elle fut surprise de réaliser qu'elle avait finalement hâte d'atteindre la vallée, une partie d'elle-même étant très contente d'être éloignée de la bataille.

Pensivement, elle termina la pâtisserie. Était-ce de la lâcheté ? Elle y réfléchit un moment, tandis que Dori rampait sur elle, à la recherche d'autres friandises. Si elle n'avait pas été blessée, elle serait certainement restée aux côtés de Xena, cela ne faisait aucun doute dans son esprit. Mais le fait est qu'elle était blessée.

Elle pensait juste qu'elle devrait se sentir plus mal qu'elle ne l'était. "Qu'as-tu trouvé, Dori ?" Le bébé tirait sur l'une de ses poches avec une attention enfantine. "Hmm ?" Gabrielle décrocha le rabat et laissa Dori fouiller à l'intérieur, riant lorsqu'elle sortit un bonbon au miel un peu poussiéreux et un peu abîmé. "Comment savais-tu que c'était là ?"

"Mmm." Dori fourra la précieuse friandise dans sa bouche.

"Tu sais qui a mis ça là-dedans, n'est-ce pas ?" Gabrielle lui ébouriffa les cheveux. "Je te laisse deviner."

"Grpfh ?"

"C’est Xena qui l’a mis là."

"Boo !" Dori regarda autour d'elle avec impatience. "Va Boo !"

"Non, ma chérie." soupira Gabrielle. "Pas maintenant."

Le chariot ralentit et la barde leva les yeux, regardant le conducteur se raidir et se soulever légèrement de son siège. Il tourna la tête et la regarda directement. "Madame ?"

Ils n'avaient jamais vraiment su comment l'appeler, n'est-ce pas ? "Gabrielle, tout simplement". La barde se redressa légèrement. "Qu'est-ce qu'il y a ?"

L'homme baissa la voix. "On dirait qu'on va avoir de la compagnie." lui dit-il. "Il y a eu beaucoup de passage par ici."

 

"Quoi ?" Gabrielle fit doucement descendre Dori dans la paille, puis elle se hissa prudemment sur ses genoux pour pouvoir voir par-dessus le dos des chevaux. La route était vide, tout comme la rigole de chaque côté, mais même elle pouvait voir les tiges d'herbe aplaties, et les branches cassées menant au feuillage qui témoignaient du passage de nombreux corps. "Hm."

"Nous ne sommes pas assez nombreux pour faire ça."

"Non." Gabrielle appuya ses bras sur le banc de la charrette, soulageant un peu le poids douloureux de ses genoux. "Rapproche-toi un peu."

Les chevaux se dirigèrent vers la forêt, alors que le conducteur se rangeait sur le côté gauche de la route pour permettre à la barde de mieux voir. Elle se déplaça et s'appuya sur un des côtés de la charrette et observa les nombreuses traces au sol témoignant du passage de nombreux chevaux.

 

"Bo." Dori s'était hissée sur ses pieds et s'était mise à côté de sa mère, ses petits yeux verts lorgnant juste au-dessus de la planche de bois. Elle montra un oiseau du doigt. "Zom !" Elle sauta. "Go !"

"Chut." Gabrielle détacha une main du bord de la charrette et l'enroula autour de son enfant. "Pas de vol maintenant... reste tranquille, Dori."

Dori appuya son visage contre le bois, puis elle entreprit de mordre une solide cheville qui maintenait les planches.

Gabrielle se mordilla la lèvre. "Continue à avancer sur la route." décida-t-elle. "Voyons ce que nous allons trouver."

Le chauffeur lui jeta un coup d'œil. "Madame... nous avons des blessés ici et nous ne savons pas ce qu'il y a au bout de ce chemin... ça pourrait être des ennuis."

"Peut-être" acquiesça Gabrielle. "Mais on ne peut pas revenir en arrière, et s'il y a tant d'ennuis que ça, ils nous ont probablement déjà repérés." Elle tourna la tête. "Tout le monde se cache autant que possible... Elaini..."

"Fait comme un tapis, je sais." L’Être de la Forêt posa sa trousse et commença à aider les blessés à se cacher.

"Commence à avancer." ordonna Gabrielle. "Doucement, lentement et régulièrement." Le chariot fit un bond en avant et elle se rattrapa à une planche, fermant les yeux alors qu’une décharge de douleur la saisissait soudainement, arrêtant sa respiration pendant un long moment d'angoisse. "Whoa." Elle laissa ses muscles se relâcher lentement et reprit son souffle.

"Maman ?" Dori tira sur sa cape. "Voir Boo."

"Pas maintenant, chérie." Gabrielle la poussa doucement vers le bas. "Assieds-toi maintenant... pour ne pas te blesser."

Têtue, la petite résista au mouvement en s'agrippant au dossier du siège et se tortilla sous la main de sa mère pour rester debout, jetant des coups d'œil intéressés autour du chariot.

Gabrielle soupira et replia le bord de sa cape autour du corps de Dori, avant de reporter également son attention sur les environs.

C'était calme et sauvage ici, bien au-delà des champs les plus éloignés d'Amphipolis, où la forêt ancienne s'étendait jusqu'au bord de la route et où les branches clairsemées de l'hiver bruissaient et claquaient dans le vent. Une rafale de cette même brise agita les cheveux de Gabrielle, et elle tourna son visage vers elle, écoutant et reniflant l'air comme Xena lui avait appris à le faire.

Bien sûr, elle ne pouvait pas détecter un dixième de ce que sa compagne pouvait faire, mais au fil des ans, elle avait commencé à se faire une idée du monde qui l'entourait, de ce qui devait faire partie du paysage et de ce qui n’y appartenait pas. Bien que son récent séjour à Amphipolis ait un peu émoussé son sens de l'observation, le vent lui apporta une odeur qui n'avait pas sa place ici.

Des chevaux.

Beaucoup de chevaux.

"Bck". Dori fronça le nez. "Chevaux".

Gabrielle pencha la tête et cligna des yeux en regardant sa fille, puis elle leva les yeux vers le conducteur du chariot. "Elle a raison." marmonna la barde. "Il y a un grand troupeau dans le coin."

"Pourraient-ils être sauvages ? Avant il y avait beaucoup de ces bêtes au-delà de la vallée." expliqua Cyrène qui s'était rapprochée d'elles. "Xena en aurait bien besoin."

"Eh bien... ils sont assez proches de nous maintenant alors s’ils ont des cavaliers, ils savent que nous sommes là." déclara Gabrielle sérieusement. "Continuons à avancer et voyons ce qui se passe. S'ils sont sauvages, nous pourrons envoyer un message dès que nous aurons atteint la vallée."

Le chariot avança en grinçant et ils entrèrent dans une zone d'arbres plus profonde, qui bloqua le vent et amena une ambiance silencieuse et étrange autour d'eux. Le bruit des sabots de leurs chevaux et le tintement de leur harnachement semblèrent soudain s'amplifier. Ils continuèrent à avancer, surveillant les bords de la route d'un œil prudent, mais les roues tournèrent sans incident pendant de longues minutes, qui devinrent une demi-bougie, puis une bougie entière, et enfin ils commencèrent à se détendre. Gabrielle se laissa retomber dans la paille avec un soupir de soulagement, avant de se recroqueviller à moitié sur le côté alors que la douleur qu'elle avait tenue à distance pendant tout ce temps, se rappelait à elle.

"Gabrielle." Cyrène posa une main inquiète sur son épaule.

"Ça va aller." La barde leva une main légèrement tremblante. "Dori, assieds-toi, chérie." Elle sentit le grincement et le déplacement du chariot qui amorçait un virage sur la route qui les mènerait enfin entre des affleurements de granit, signe qu’ils se rapprocheraient de la vallée.

"Gabrielle" s’exclama soudain le conducteur, d'une voix pressante. "Nous avons de la visite."

Poussant un juron, Gabrielle se redressa et regarda par-dessus le bord du chariot. Son cœur tressaillit, puis il bondit fortement lorsqu'elle vit un groupe de cavaliers masqués devant eux, carrément sur leur chemin, s'étalant sur la route et la bloquant entièrement.

"Ah !" murmura Gabrielle.

"Qu'est-ce qu'on fait ?" siffla le chauffeur.

"Continue à avancer." répondit la barde. "Droit sur eux."

Tout le monde la regarda avec inquiétude. "Gabrielle..." objecta Cyrène.

"Fais-le, c'est tout." La barde fixa ses yeux sur le groupe devant elle, ignorant les battements frénétiques de son cœur.

*****************

Le chariot s'approchait et les silhouettes masquées les attendaient patiemment. Plusieurs cavaliers s'écartèrent pour les entourer lorsqu'ils franchissaient la petite montée de la route qu’ils avaient entamée. Le conducteur du chariot arrêta les chevaux avec incertitude et jeta un coup d'œil à Gabrielle.

La barde inspira. "Vous bloquez la route pour une raison ?" Elle croisa froidement le regard du cavalier le plus proche.

"Nous attendons Gabrielle la barde." répondit l'homme promptement. "Est-ce que c’est toi ?"

Un silence momentané s'installa sur la route.

"C'est moi." admit la barde. "Qu'est-ce que vous voulez ?" Elle était consciente que tout le monde la regardait, et inconsciemment, elle redressa ses épaules et laissa retomber une main autour de Dori.

"Viens avec nous." Le cavalier de tête fit avancer son cheval de quelques pas et rabattit son capuchon, révélant un beau profil ciselé, une barbe auburn taillée de près et des cheveux brun rouille.

"Allez voir Hadès." aboya Cyrène. "Prends tes amis avec toi et dégagez de la route."

Gabrielle se racla la gorge. "C'est bon, maman." Lentement, elle se leva et passa une jambe par-dessus le bord du chariot, se servant de ses bras pour soutenir son poids alors qu'elle glissait vers le sol.

"Gabrielle, non." L'aubergiste se précipita vers elle et lui saisit les mains. "Tu n'iras nulle part."

"Il le faut." répondit la barde.

"Ne fais pas ça... Gabrielle, si tu pars... tu ne comprends pas à quel point ta sécurité est importante ?" siffla l'aubergiste, furieuse.

"Prends soin de Dori, d'accord ?" La barde retira doucement ses doigts. "Ça va aller."

"Gabrielle !" Cyrène la fusilla du regard.

"Maman ?" Dori s'approcha anxieusement et l'attrapa. "Maman ?"

"Chut... ça va aller, chérie." Gabrielle se pencha en avant et l'embrassa sur la tête. "Reste ici avec grand-mère." Elle recula avec raideur et contourna les chevaux en boitant pour se diriger vers les cavaliers. "Laissez-les partir." ordonna-t-elle fermement, regardant le cavalier de tête faire un signe, pour dire à ses hommes de s'éloigner de la route, dégageant ainsi le passage. "Dirige-toi vers la vallée". dit-elle au conducteur. "Vas-y."

Visiblement contrarié, l'homme hésita, mais il finit finalement par faire avancer les chevaux, les yeux rivés sur Gabrielle tandis que le chariot passait en grinçant. Cyrène avait l'air à mi-chemin entre l'indignation et l'horreur, et la barde pouvait voir les protestations monter à ses lèvres.

Mais elles s'éteignirent lorsque la barde secoua la tête d'un petit coup sec.

Dori se précipita de l'autre côté du chariot, trébuchant dans le foin et se cogna contre le bois. Elle s'agrippa au bord du chariot et regarda par-dessus. "Maman !"

Gabrielle sentit son rythme cardiaque doubler et elle ferma les yeux un bref instant, avant de les rouvrir. "Sois une bonne fille, chérie."

Le petit front se plissa et Dori poussa un gémissement. "Mamamamammmmaaa !" Elle se mit à grimper sur les planches, en direction de sa mère, tombant lentement dans le vide.

"Dori !" Cyrène s'élança vers elle, mais elle ne fût pas assez rapide. Dori passa de l’autre côté et se serait écrasée au sol si Gabrielle n'avait pas sauté en avant et ne l'avait pas rattrapée de justesse, avant de s'agripper à un côté du chariot avec agonie tout en serrant la petite contre elle de son autre main. "Augh."

"Maman." Dori passa ses bras autour de son cou et s'accrocha désespérément à elle. "Pas partir. Pas partir."

"Chut." Gabrielle lâcha le chariot et lutta contre la douleur. Puis elle se redressa et berça doucement sa fille. "Chut... ça va aller, chérie. Ça va aller."

"Ungh." Dori resserra sa prise autour du cou de Gabrielle.

Oh bon sang. La barde souffla, puis elle leva les yeux pour rencontrer ceux, accusateurs, de Cyrène qui la regardaient. "Dori, tu ne peux pas rester avec moi." Elle décrocha les petits bras. "Reste ici avec grand-mère."

"Non."

"Dori..."

"Non."


Le cavalier de tête gloussa derrière elle, et elle s'arrêta, prit une profonde inspiration avant d'empoigner fermement sa fille. "Doriana, maintenant tu t'arrêtes."

Dori suça un de ses doigts et la regarda tristement avec une petite moue.

Gabrielle se mordit l'intérieur de la lèvre, reconnaissant ce visage, l'ayant vu dans le miroir plus d'une fois. "Chérie, tu ne peux pas venir avec moi, je suis désolée."

La petite moue s’accentua.

Résolument, Gabrielle ferma les yeux et souleva le corps de Dori par-dessus le bord du chariot avant de la déposer dans la paille près de Cyrène et de la relâcher. Puis elle se retourna et s'éloigna, leur tournant le dos alors que le conducteur faisait claquer les rênes et que les roues recommencèrent à grincer sur le sol rocailleux. Elle ne se retourna pas au cri de Dori.

Qu'est-ce qui faisait le plus mal ? se demanda-t-elle sourdement, alors que le son s'estompait derrière elle. Ce cri ou la douleur que lui causait sa blessure ? Finalement, le chariot disparut et elle leva les yeux vers le cavalier.

"C'est une belle enfant." Remarqua l'homme.

"Merci." répondit Gabrielle doucement. "Elle est un peu têtue."

Un sourire plissa le visage du barbu. "Comme ses deux mères, à ce qu'il paraît."

La barde l'étudia un moment, puis elle inclina brièvement la tête.

"Nous avons des choses à faire, barde Gabrielle. On y va ?" lui demanda l'homme calmement.

Gabrielle s'approcha de lui avec raideur, puis elle posa une main sur l'encolure lisse de son cheval. "Je suis prête." confirma-t-elle. "Allons-y."

********************

Xena se tenait sur les remparts, la surface boueuse étant douce sous ses bottes. De l'autre côté de la plaine, elle pouvait voir la ligne d'avancée des troupes et les traces noires qui marquait l'herbe brûlée devant eux. Le vent balaya les cheveux de ses yeux et elle l’huma, sentant l'odeur du feu, de la bataille et, par tous les Dieux, de l'absence de pluie.

Elle jeta un coup d'œil à sa droite, puis à sa gauche, vérifiant les remparts remplis de soldats occupés à décocher des flèches et à aiguiser des armes, et elle analysa leurs positions pour la centième fois. Elle avait revêtu son armure complète et sentait son poids solide autour d'elle tandis qu'elle inspirait profondément.

Le grand moment était presque arrivé.

Xena se retourna puis elle sauta du haut des murs, effectuant sans effort une pirouette dans les airs avant d'atterrir tranquillement sur ses pieds, les genoux à moitié pliés pour absorber son poids. Alors qu’elle traversait à grandes enjambées le sol parsemé de flaques d'eau, elle réfléchissait à ses différentes options, qui n'étaient pas nombreuses, et à ses ressources, qui n'étaient pas non plus infinies. Elle entra dans sa tente de commandement et s'approcha de la table de travail avant de passer en revue les listes de fournitures et les troupes qu'elle avait laissées.

On tapa doucement sur le montant de l’entrée de la porte. "Entrez".

Bennu entra, la saluant par réflexe avant de s'approcher. "Genr'le... ils ont déposé les balles que tu as demandées près de la tente... tu veux les voir ? "

"Oui." La guerrière se redressa. "Est-ce qu’ils ont bien répandu le mélange que je leur ai donné sur la pointe des clous ?"

"Oui... ils ont fait très attention à ne pas y toucher."

Xena acquiesça. "Bien." C’est une bonne chose que Gabrielle ne soit plus là. Elle ne voulait pas qu’elle voit ce qu’elle avait fait fabriquer. Des missiles enduits de poison, calculés pour exploser à l'impact et envoyer des éclats de métal dans tous les corps à proximité. "Les fosses sont couvertes ?"

"Oui."

"Bien." Xena parcourut des yeux ses plans. "Je pense qu'ils se tiendront hors de portée des arbalètes... puis qu’ils nous donneront un ultimatum." Elle croisa les bras. "Ensuite, ils nous bombarderont avec tout ce qu'ils ont... Je pense à des bombes incendiaires, mais cet endroit ne brûle pas, alors la prochaine chose qu'ils feront sera de lancer une force contre les murs... pour voir si nous sommes résistants."

Bennu acquiesça, avant de se gratter la mâchoire. "Et après ça, on polluera l'eau jusqu'à eux ?"

"Oui." Xena plia ses documents et les rangea dans une pochette qu'elle attacha autour de sa taille. "Viens, Arès." Elle lui tapota la jambe et le loup recroquevillé sur sa paillasse sauta volontiers pour la rejoindre. "Ils veulent la guerre." Elle fléchit les mains. "Ils l'auront."

Un autre coup léger frappa le rabat de la tente. "Oui ?"

A la vue de la visiteuse, Xena fronça légèrement les sourcils. "Hécuba." dit-elle pour saluer sa belle-mère. Elle se retourna vers son lieutenant. "Bennu, je te rejoindrai dans quelques minutes."

Le soldat partit en faisant un bref signe de tête à Hécuba, laissant les deux femmes seules. "Je peux faire quelque chose pour toi ?"

La mère de Gabrielle croisa les mains devant elle. Elle portait un tablier de lin grossier taché de sang et revenait visiblement de la zone où l’on s’occupait des blessés. Elle semblait plus âgée que dans ses souvenirs. "On m’a dit que tu avais envoyé Gabrielle en sécurité ?"

Xena réfléchit attentivement avant de répondre. "Je l'ai envoyée vers la vallée, oui". Dit-elle finalement. "Tu aurais pu aller avec eux, Hécuba... Personne ne s'attend à ce que tu restes ici."

"Je sais." répondit Hécuba. "Mais j'ai tellement de mal à comprendre ma fille, Xena... Faire ça, faire ce que je fais maintenant, me permet de comprendre un peu ce qu'elle a vécu." Elle marqua une pause. "Mais je suis heureuse qu'elle ne fasse pas partie de ce qui va se passer ici."

Xena n'avait aucune réponse à donner à ces paroles, alors elle n'en donna pas.

"Je suppose qu'elle n’était pas contente de partir, n’est ce pas ?"

La guerrière laissa passer un moment de silence avant de répondre. "Je ne pense pas qu'elle soit heureuse d'avoir quitté... cet endroit. Nous." Elle marqua une pause. "Moi." Xena réalisa enfin ce que cela avait dû signifier pour la barde et elle resta silencieuse quelques secondes, avant de reprendre le fil de ses pensées. "Mais je ne pense pas qu'elle regrette d'être en dehors des batailles... Elle se bat parce qu'elle le doit, pas parce qu'elle le veut."

Hécuba acquiesça. "Je n’ai jamais apprécié qu’elle soit devenue une guerrière. Mais j'ai fini par réaliser que dans le monde horrible où nous vivons, tu lui as au moins donné une chance de survivre." La femme plus âgée souffla. "C'est plus que ce que la plupart des gens obtiennent."

Xena contourna la table et s’approcha de l'endroit où se tenait Hécuba. Elle regarda la mère de son âme sœur d'un air sombre. "Peut-être que si nous avons de la chance, nos enfants n'auront pas à savoir se battre."

Après un moment de silence, Hécuba sourit, une expression ironique et narquoise qui, l'espace d'un instant, lui rappela sa fille. "Xena... d'une façon ou d'une autre, vos enfants seront toujours des guerriers."

Eh. Xena laissa un sourire revenir sur ses lèvres. "Il est temps pour toi de te mettre à l'abri. Ils ont tout ce qu'il faut dans la tente des guérisseurs ?"

"Je n'en ai aucune idée." répondit Hécuba honnêtement. "Mais nous ferons de notre mieux."

"J'en suis sûre." Xena passa devant elle pour sortir de la tente, mais elle s'arrêta lorsque la femme plus âgée lui attrapa le bras. Elle haussa un sourcil, perplexe.

Il y avait manifestement une lutte derrière les yeux noisette presque incolores qui se trouvaient en face d'elle. "Bonne chance, Xena."

"Merci." murmura la guerrière.

"Sois prudente, s'il te plaît. S'il t'arrivait quelque chose, je sais que Gabrielle serait dévastée." poursuivit Hécuba, très sérieusement. "Et je pense vraiment qu'elle aura besoin de ton aide avec la petite Doriana. C'est une enfant très active." Elle prit une inspiration puis continua. "Alors, s'il te plaît. Fais attention." Très raide, Hécuba s'avança, prit une nouvelle inspiration puis elle mit courageusement ses bras autour de son intimidante belle-fille et la serra dans ses bras.

Xena eut envie de rire devant l'absurdité de la situation, mais elle se retint de sourire et lui rendit son étreinte, prenant soin de ne pas presser trop fort la forme mince d'Hécuba contre son armure.

L'une des zones d’ombres qu'elles avaient laissées en suspens avaient maintenant disparu.

C'était agréable.

Sans parler, elles se séparèrent et sortirent côte à côte de la tente,  avant de prendre des directions différentes lorsqu'elles atteignirent l'arbre solitaire et noueux, enraciné dans la boue du campement.

*********************

"Je n'ai que des chevaux à ma disposition." Le soldat jeta un regard d'excuse à Gabrielle. "Je peux voir que tu as mal."

"Cela fait partie du travail." Gabrielle serra les dents et se hissa sur la selle. "C'est loin ? "Elle retint son souffle, attendant que les décharges de douleur et les points blancs de sa vision disparaissent alors qu'elle s'installait sur la selle. "Quel est ton nom, d'ailleurs ?"

Il se rapprocha. "Justin." Il inclina la tête. "Actuellement capitaine de la garde de Cirron... tu sais, j'ai tellement entendu parler de toi, Gabrielle... c'est incroyable."

"Mmm." La barde souffla et acquiesça. "Allons-y... vous savez que vous avez tout piétiné à l'ouest d'ici... Je pensais que nous devions garder ça secret."

"Tu crois que c'est facile de garder autant d'hommes... et de femmes... et... enfin, bref." Justin s'engagea dans un sentier taillé dans le sous-bois. "Et ces Amazones sont vraiment difficiles !"

Un regard vert se tourna vers lui. "Vraiment ?"

"Ouais !" Le jeune soldat se rapprocha. "Il faut que leurs tentes soient parfaites, que l'eau le soit aussi... si tu mets trop de sel dans le ragoût, on te le jette à la figure... Incroyable." Il secoua la tête. "Et ça n’a pas de sens que ces femmes veuillent se battre tout le temps... ce n'est pas naturel."

Gabrielle haussa ses sourcils si haut qu’ils touchèrent presque la racine des ses cheveux. "Comment expliques-tu Xena, alors ?"

"Oh." L'homme aux cheveux noirs sourit. "Ce n'est pas une femme, c'est une guerrière."

"Ah." Gabrielle s'appuya contre le pommeau de sa selle. "Est-ce que tu l’as déjà rencontrée ? Je ne me souviens pas de toi pendant cette bataille."

"Non... Je n'étais pas dans la garde à l'époque." répondit Justin. "Mon père tenait un magasin de laine à la périphérie de la ville... Je me suis engagé après la guerre... mais j'ai entendu toutes les histoires... Est-ce que c’est vrai que tu t’étais assise sur les remparts du château et que tu as écrit un poème pendant les pires moments de la bataille ?"

"Non." Gabrielle baissa la tête lorsque des branches séchées par l'hiver la frôlèrent. "J’étais assise sur les remparts et je me faisais un sang d'encre." Les chevaux s'engagèrent sur un étroit sentier, marchant avec précaution tandis que le feuillage devenait de plus en plus dense. "Par les Dieux."

"Chut... nous essayons de garder ça secret." répliqua Justin placidement, avant de dégainer son épée et de trancher les branches, la couvrant de brindilles et d'un nid d'oiseau desséché. "Oups... désolé."

"Uck... Je ne..." Gabrielle sentit le cheval se dérober sous elle et elle s'agrippa à son encolure alors que le chemin plongeait soudain dans une pente raide, passant près d'un épais mur de granit qui exsudait une humidité froide. " Je suppose que c'est.... Oh."

Elle se tenait sur un plateau de granit qui surplombait un gouffre profondément creusé par un lac naturel et qui était entouré de parois rocheuses recouvertes de mousse.

Des troupes campaient de part et d'autre de l'eau, s'étendant sur plusieurs centaines de mètres. La barde découvrit des groupes d'Amazones, des régiments d'hommes bien ordonnés, et de l'autre côté de l'eau, une mer de fourrure dans des tons allant du sable au noir.

"Combien sont-ils ?" demanda Gabrielle en se retournant, tandis que Justin guidait sa monture jusqu'aux troupes.

"Un peu plus de mille cinq cents, en tout" répondit l'homme en faisant un signe de la main alors qu'ils étaient repérés et que plusieurs personnes pointaient Gabrielle du doigt.

"Wahhooo !" Une silhouette rousse se détacha d'un petit groupe près de l'eau et bondit vers eux.

Gabrielle se mit à sourire par pure réaction et elle glissa prudemment du dos de son cheval, touchant le sol juste à temps pour accueillir la charge qui arrivait. Elle se retrouva enveloppée d'un mur de Jessan chaud, poilu et excité. "Attention..." l’avertit-elle doucement, tandis que l’Être de la Forêt la serrait dans ses bras. "J'ai reçu un mauvais coup."

"Par Ares, je suis tellement content de te voir." chantonna Jessan. "Tu n'as pas idée... hm ? Qu'est-ce qui s'est passé ?" L’Être de la Forêt recula et l'étudia avec anxiété.

"Qu'est-ce qui ne s'est pas passé, tu veux dire ?" La barde soupira, ayant l'impression que cela faisait des années qu'elle n'avait pas vu son ami, au lieu de quelques mois en réalité. "J’ai... hum... été touchée dans le dos... c'est plus douloureux qu'autre chose, mais..." Elle se força à sourire. "C'était une bonne excuse pour partir et venir jusqu’ici... Xena et moi commencions à penser que nous allions devoir simuler un combat l'une contre l'autre."

"Ugh."

"Oui." grimaça Gabrielle. "Je n'attendais pas ça avec impatience... mais je ne suis pas sûre d'aimer l'alternative non plus." admit-elle. "Maintenant, je dois réfléchir à comment me faire pardonner auprès de Dori et Cyrène pour être partie avec le premier beau soldat que j'ai trouvé en chemin."

"Aw." Jessan la serra à nouveau dans ses bras. "Allez... on a une belle tente, chaude, sécurisée, pour les gens importants, là-bas, avec du thé chaud et des humains particulièrement sarcastiques. Tu seras comme chez toi."

Gabrielle rit doucement dans sa fourrure. "C'est agréable de ne pas avoir à être l'une des deux seules personnes dans tout le camp à connaître la vérité." dit-elle. "Xena prend un tel risque."

"C'est un bon risque." Jessan entoura ses épaules d'un bras long et puissant et la conduisit prudemment sur le chemin. "Ils sont toujours deux fois plus nombreux, mais si ça marche…"

"Je sais." acquiesça la barde. "Je n'ai pas dit que je n'étais pas d'accord... mais je suis inquiète... J'ai l'impression qu'on mise tout sur un coup."

Ils passèrent entre des rangs de soldats installés devant leurs tentes, qui leur jetèrent un coup d'œil à leur passage, et certains levèrent la main en signe de reconnaissance évidente. Gabrielle leur sourit. "Cirron a envoyé beaucoup de troupes... Hectator est là ?"

"Comme s'il allait manquer ça." gloussa Jessan. "Et... ne pense pas que c'est que c’est un pari sur un coup, Gabrielle... l'une des grandes forces de Xena est sa compréhension de la nature humaine." Il se racla la gorge. "Quelque chose pour lequel mon peuple est en admiration, sans retenue d’ailleurs, à chaque fois qu’elle en joue, laisse-moi te le dire."

"Mm... c'est vrai." admit la barde. "Elle comprend tout le monde sauf elle-même, parfois."

Jessan se gratta la mâchoire. "C'est intéressant... Quoi qu'il en soit, cette histoire d'esprit est la partie importante de la guerre. Tout le monde pense que c'est une question de force ou de nombre de flèches... ce n'est pas vrai du tout. Pour battre quelqu'un, il faut faire capituler son esprit... une fois que c'est fait, rien d'autre n'a d'importance."

Gabrielle y réfléchit tout en baissant la tête pour entrer dans la tente de commandement, qui lui envoya une chaleur bienvenue. Il y avait un réchaud à l'intérieur de la grande structure et elle avait été adaptée pour accueillir la grande taille des Êtres de la Forêt ainsi que leurs alliés. Une table solide longeait un mur et était couverte de cartes et de parchemin, comme celles du camp de Xena. Le sol était recouvert de tapis tissés et des canapés bien construits étaient disposés le long des autres murs pour permettre aux gens de s'asseoir. L'endroit sentait la cannelle et le laiton des armures, et Gabrielle avait juste envie de se blottir dans un coin, de s'y enfoncer et de ne plus bouger pendant un long moment.

"Salutations, petite sœur". Lestan se retourna lorsqu'elle entra, ses yeux acajou scintillant à la lumière du feu. "Je suis heureux de te voir... cela signifie que nous aurons peut-être des choses à faire d'ici peu."

"Assied-toi." Jessan la guida vers un canapé. "Elle est blessée." Il jeta un coup d'œil à son père. "Où est...ah."

Le rabat de la tente s'ouvrit et Hectator entra, avant de s'écarter pour permettre à Aslanta d'entrer derrière lui. "Ah !" Le prince de Cirron sourit. "Nous avons une visiteuse bienvenue, je vois."

"Reine Gabrielle... c'est bon de te voir." Le visage d'Aslanta se plissa en un sourire ironique. "L'attente devenait un peu..."

"… longue." termina Hectator. "J'ai dû animer une compétition de boxe entre nous, les Amazones, et les Êtres de la Forêt."

"Aw." Jessan s'assit à côté de Gabrielle et étendit ses longues jambes le long du sol. Il était vêtu d'un manteau de combat, une armure superposée qui protégeait son corps, mais laissait ses bras et ses jambes nus. Il fléchit les orteils et regarda les morceaux de boue tomber de ses griffes.

"Dans un sens, je suis contente d'être ici aussi." répliqua Gabrielle avant de soupirer. "Parce que ça veut dire que toute cette histoire va commencer à se terminer." Elle reposa son poids sur ses mains et ignora les douleurs lancinantes qui lui parcouraient le dos. "L'armée d'Andreas est en vue du camp principal. Xena pense qu'il commencera à la tester avec des petites attaques dès ce soir, mais qu'il ne s'attaquera pas vraiment à nous avant l'aube de demain."

"Ça me semble bien." gronda Lestan de sa voix forte. "Nous pouvons commencer à avancer bientôt, alors, et dégager la gorge." Il leva les yeux vers Hectator et Aslanta. "Il était temps, hein ?"

Tous deux rirent ironiquement. "Ils vont bientôt servir le repas... nous commencerons à empaqueter tout ça après avoir mangé." Commenta Aslanta. "Reine Gabrielle, tu te joins à nous pour le déjeuner ?"

L'estomac de Gabrielle ne valida pas sa proposition. Elle prit une petite inspiration et déglutit difficilement. "Non... merci." réussit-elle à dire. "Je crois que je vais rester tranquillement ici... venez me chercher quand nous serons prêts à partir, d'accord ?" Elle sentit les mains de Jessan sur elle alors qu'elle commençait à tanguer, la douleur dépassant soudainement ses défenses.

"Gabrielle... doucement." L’Être de la Forêt mit un genou à terre et l'aida à s'allonger. "Wow... Je crois que tu devrais aller chercher un guérisseur, papa... J'aurais aimé qu'Elaini vienne avec elle." Il retira sa cape et l'installa sur le corps de la barde, tandis qu'Aslanta se précipitait vers elle et que Lestan se dirigeait vers l'ouverture de la tente et hurlait un ordre à l'extérieur. Les yeux de Gabrielle semblaient dans le vague et son visage était crispé par la douleur alors que ses doigts étaient serrés fortement sur le bord du canapé. "Gabrielle ? Tu es brulante. "

C'est drôle. Elle avait plutôt froid. Gabrielle frissonna un peu, sous la cape. "Fièvre". Réalisa-t-elle en murmurant. "Xena s'inquiétait de ça…" Ses yeux se fermèrent. "Je ferais mieux de me reposer un peu."

Jessan mordilla la fourrure de sa lèvre inférieure et jeta un regard inquiet à l'Amazone. " Bon sang... c'est une chose sur laquelle nous n'avions pas compté... " murmura-t-il. "Elle est la clé de toute cette histoire."

"A plus d'un titre." acquiesça Aslanta sérieusement.

***************************

La suite au chapitre 24

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Commentaires
S
Merci ! on a mal avec Gabrielle ... donc c'est assurément très bien traduit, et relu ! merci à l'équipe pour tout ce travail minutieux<br /> S'
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