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Guerrière et Amazone
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  • Vous trouverez ici des Fans Fictions francophones et des traductions tournant autour de la série Xena la Guerrière. Consultez la rubrique "Marche à suivre" sur la gauche pour mieux utiliser le site :O) Bonne lecture !!
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19 novembre 2023

La noirceur du matin chapitre 20

La noirceur du matin – Tome 14  – Melissa Good

 

Xena et Gabrielle se sont installées à Amphipolis et profitent de leur nouvelle fille, Doriana.

Mais est-ce bien le cas ? La vie est, comme Gabrielle le sait bien, une série de compromis. Pour obtenir une chose, il faut souvent renoncer à une autre.

 

Chapitre 20

La sieste avait un peu aidé. Lorsque Xena se réveilla, en raison des bruits forts qui commençaient à lui parvenir, elle se sentit déjà beaucoup moins confuse et eut le temps de se préparer lorsque des mains l'attrapèrent brusquement pour la redresser. Sa jambe lui faisait très mal et elle pouvait sentir un élancement lancinant à l'endroit où le couteau l’avait blessée, ce qui lui faisait craindre que la blessure ne se porte pas très bien.

Elle retrouva son équilibre en pliant un peu les genoux et en essayant de s'orienter maintenant qu’elle était redressée. Puis la voix de Nellis se rapprocha.

"Très bien." Le ton de la femme sonnait maintenant comme celui d'une femme d'affaires. "Voilà comment cela va fonctionner. Nous voyagerons à cheval à partir de maintenant. Alors tu peux soit être traînée à pied, soit être attachée sur le dos d'un cheval. Qu'est-ce que tu préfères ?"

Xena garda le silence, se tenant complètement immobile.

"Ah oui j’oubliais, si tu marches et que tu trébuches, ceci t'arrachera la tête." Nellis donna un coup sec sur la boucle en métal qui lui enserrait le cou et elle sentit des dents métalliques acérées se refermer autour de sa gorge. Elle remarqua cependant que la femme se tenait bien hors de portée, ce qui la fit sourire intérieurement. "Bon allez, mettez-la sur ce canasson et attachez-la bien. Je ne vais pas perdre du temps à cause d’elle."

Il y eut un silence très gênant après cela, jusqu'à ce que finalement des pas se rapprochent et qu'elle puisse sentir la sueur et la peur près d'elle. D'un léger mouvement, elle tourna la tête pour suivre le plus proche des deux hommes et elle entendit sa respiration saccadée. Ses narines s'agitèrent, captant l'odeur du cuir et du métal usés alors qu'il s'approchait, puis, avec hésitation, elle tendit la main et le métal toucha son bras.

Se battre, à ce stade, serait probablement inutile. Xena le laissa la conduire vers la chaleur d'un grand animal, et attendit pendant qu'il attachait la corde autour de l’encolure du cheval. Puis il s'arrêta, ne sachant visiblement pas quoi faire ensuite. Xena leva lentement ses mains liées et les accrocha autour du pommeau de la selle. Elle prit de l’élan, s’accroupit un peu puis elle se hissa sur le cheval, réussissant tant bien que mal à faire passer sa jambe blessée par-dessus le haut dossier de la selle, avant de se mettre à l’aise.

Le cheval se déplaça légèrement lorsqu'elle pressa ses genoux, alors qu’elle trouvait sa place à l’aveugle avec une facilité née d'années d'expérience et du talent d'un cavalier naturel. Elle pouvait sentir les bras armés autour d'elle, entendre le grincement des arbalètes, et elle resta immobile, combattant son instinct qui lui hurlait de lancer le cheval au galop.

Ils lièrent ses mains au pommeau de la selle, puis ils attachèrent brutalement ses jambes sous le ventre du cheval, ce qui tira sur sa blessure, et lui envoya des décharges de douleur dans tout le corps. La tension de la corde attachée autour de sa gorge se détendit un peu et elle resta assise sans bouger sur le cheval, laissant les rayons du soleil frapper son corps jusqu’à lui en donner mal à la tête et lui rappeler à quel point elle avait soif.

"Bougez-vous." lança Nellis et le groupe commença à bouger. Quelqu'un tenait les rênes de son cheval et maintenait une pression constante sur son collier, et Xena soupçonnait que c'était sa petite amie blonde. Tous les quelques pas, elle lui donnait une secousse, faisant mordre les dents de métal dans la peau du cou de la guerrière. "Hé, attendez une minute."

Ils s’arrêtèrent et Xena écouta le bruit des sabots du cheval de Nellis qui se rapprochait. Elle pouvait sentir l'odeur de la femme et pencha la tête quand un faible gargouillis retentit. Elle retint ses instincts quand une main saisit sa mâchoire et la força à ouvrir la bouche.

Le goût du liquide était piquant et elle fut forcée d'avaler par pur réflexe, alors que l'odeur lui donnait envie de vomir.

Nellis rit. "Voilà... ça devrait te rendre calme." Elle lui fit avaler une autre bouchée. "Et peut-être que tu finiras même par aimer ça."

Xena sentit sa prise se relâcher et elle agrippa brusquement le pommeau de la selle alors qu'un malaise désagréable se répandait dans son corps. Elle frissonna, et son corps réagit instinctivement. Ses entrailles se convulsèrent et elle tourna la tête et se pencha, ignorant la morsure du collier alors qu'elle vomissait violemment les herbes. Les spasmes étant si violents qu'ils faillirent la déséquilibrer et l'envoyer sur le flanc du cheval.

"Hé !" Nellis tira rageusement sur la laisse pour la redresser. "Petite salope... pour ça, tu vas avoir le double." Elle tira la tête de Xena plus près, attrapa le collier, puis essaya de forcer la bouche de la guerrière à s'ouvrir à nouveau.

Xena esquiva la tête sur le côté et attrapa la main de la femme entre ses dents, fermant ses puissantes mâchoires avant de se tordre en arrière, secouant la tête comme un chien avec un os.

Nellis hurla et laissa tomber l'outre à vin, puis elle dégaina son épée et visa la tête de la guerrière attachée avec une pure fureur, la frappant encore et encore alors que Xena se penchait sur l’encolure du cheval, décalant les coups principalement sur ses épaules. "Salope !"

Elle s'arrêta finalement en respirant difficilement.

Xena se redressa, puis tourna la tête vers sa tourmenteuse et cracha soigneusement une bouchée de sang et de peau sur le sol.

Puis elle sourit, sentant une chaude éclaboussure de sang maculer son menton. Elle sentit le coup venir, et baissa la tête, laissant le poing frôler son oreille et déséquilibrer Nellis. Xena frappa sa tête contre celle de la femme blonde qui tentait de se maintenir en selle, et entendit un craquement satisfaisant, puis un bruissement et un bruit sourd alors que son assaillante tombait de son cheval.

Nellis se releva rapidement, arracha son arbalète de sa selle, l'arma d'un mouvement efficace et la pointa sur la guerrière aveuglée qui se tenait immobile sur le cheval au-dessus d'elle. La tête sombre s'inclina légèrement et elle put voir les muscles des épaules nues se tendre, faisant craquer les cordes qui liaient ses poignets.

Cette femme était folle. Elle avait pris une raclée qui aurait tué n'importe qui d'autre, et cela n'avait pas atténué le feu de sa personnalité sauvage, même un peu. Andreas devait être fou pour vouloir qu'elle se joigne à eux.

Peut-être qu'elle devrait juste la tuer. Elle leva son arbalète et visa la courbe du cou de la guerrière. Ce serait mieux, à long terme, pour tout le monde.

Surtout pour elle, puisqu'il s'agissait d'une rivale puissante avec laquelle elle ne pouvait se permettre de rivaliser.

Elle tira.

D'un mouvement vif, Xena esquiva la flèche, qui passa à côté d'elle et s'écrasa sur un arbre voisin, avant de lui renvoyer un autre de ses sourires narquois.

Nellis baissa son arme, consciente du regard de ses hommes autour d'elle.

Peut-être s'y prenait-elle de la mauvaise façon.

Elle se retourna et monta sur son cheval, passant la laisse du collier sur son épaule et le fit avancer sans un mot de plus. Lorsque la laisse se tendit, elle continua d'avancer, consciente du long moment qui passa avant que la force qui luttait de l’autre côté de la corde ne suive.

"On passe cette crête, puis on va sur les rochers là-bas. Après on traverse le ruisseau et on perdra tous ceux qui tenteront de nous suivre."

Xena s'appuya avec lassitude sur ses mains, respirant difficilement contre l'étroitesse du collier. Elle commençait à avoir des vertiges, et avec les frissons, sa blessure à la jambe ne lui rendait pas service. Ses yeux la piquaient aussi, de petits éclairs de douleur qui la traversaient au rythme du cheval. Elle mit cela de côté, refusant de penser à ce qui pouvait se trouver sous ces bandages.

Ça ne servait à rien.

L'obscurité commençait à la déranger. Elle pouvait sentir le soleil chauffer sa peau, et bien que ses autres sens lui fournissaient une énorme quantité d'informations, elle trouvait que la vue lui manquait et cela lui pesait de plus en plus.

Un vent doux soufflait contre son visage, lui apportant une odeur de végétation gorgée d'eau, ainsi que l'odeur musquée de la mousse des arbres dans la forêt autour d'eux, et un soupçon lointain d'eau venant des plaines ouvertes.

Et...

Xena leva la tête et ses narines se dilatèrent. Ses oreilles se tendirent, elle se concentra pour capter le moindre son qui passait par-dessus le râle et le cliquetis des soldats en mouvement.

La corde se tendit et elle sentit les dents de fer s'enfoncer dans sa peau, une humidité chaude coula le long de son cou et elle savait que c’était son propre sang.

Et au fond d'elle, elle ressentit une secousse sauvage et furieuse qui fit naître un sourire sinistre sur ses lèvres.

********************************

"C'est ici que nous les avons perdus." Ephiny repoussa sa capuche et scruta la prairie vide. "Tu vois, les traces s'arrêtent ici, et puis ils ont dû monter sur cet escarpement rocheux et il n'y a tout simplement aucun signe qui indique quelle direction ils ont prise."

Gabrielle glissa du dos de Iolaus et contourna les signes d'une bagarre, avant de s'agenouiller et de toucher délicatement le sol. Elle ramassa une tige d'herbe et l'examina, observant la tache rouillée distinctive.

Puis elle se redressa et ferma les yeux, expirant doucement en se concentrant sur elle-même. C'était... ce n'était pas vraiment un sentiment, et ce n'était pas vraiment une sensation, non plus. Juste un léger tiraillement, qui la tirait plus dans une direction que dans une autre. "Par là." murmura-t-elle, en ouvrant les yeux et en faisant un geste de la main.

Il y eu un silence respectueux. "Tu sais, Gabrielle - c'est vraiment fascinant à regarder." murmura Ephiny finalement.

La barde se leva et hocha la tête, puis elle monta sur Iolaus et le dirigea dans la bonne direction, laissant son cœur les guider à travers les flots rocheux vers un amas de forêt dense au-delà d'un petit ruisseau.

Ils arrivèrent à l'eau et regardèrent de l'autre côté. Au-delà se trouvait une zone plate, très exposée. Ephiny descendit de sa monture et jeta un regard suspicieux. "Je n'aime pas trop être autant visible."

Gabrielle la dépassa. "Nous n'avons pas le choix." Elle poussa Iolaus dans l'eau, qui arrivait presque jusqu'à ses bottes. Elle ondulait fortement, portant le poids de la pluie qu'ils avaient eue, et elle sentit le cheval lutter pour avancer contre le courant. Elle entendit le plouf lorsque le reste du groupe la rejoint et Cait la rattrapa lorsqu'elle atteignit l'autre côté. "Attention." la prévint-elle en indiquant un endroit plus profond près de quelques rochers.

"Bien vu." acquiesça Cait, en déplaçant agilement sa pouliche à l’écart du danger avant de l'encourager à grimper sur la rive opposée. "C'est encore loin ?"

Gabrielle soupira. "Je ne sais pas." admit-elle. " Ce n'est pas - ce n'est pas comme lire un parchemin, ou quelque chose comme ça, Cait. Je sais juste que quelque chose ne va pas, c'est tout. Et j'ai une idée de la direction à prendre."

"Oh."

"Très bien. Deux personnes, dispersez-vous." ordonna Ephiny calmement alors qu'ils arrivaient tous dans la clairière exposée. "Je ne veux pas de surprises."

"J'y vais." Cait n'attendit pas de réponse, alors qu'elle glissait déjà de son cheval avant de trottiner vers l'avant, plongeant dans les hautes herbes et disparaissant, en ne laissant derrière elle qu'un léger frémissement de touffes d'herbe montrant où elle était passée.

Eponine descendit également de cheval et se dirigea de l'autre côté de la clairière.

Ils avancèrent lentement, puis s’arrêtèrent lorsqu’ils entendirent un chant d'oiseau clair.

"Une sentinelle". Chuchota Gabrielle. "Continuez à avancer." Elle fit avancer Iolaus en direction de l'épais morceau de forêt qui leur faisait face. Trois Amazones se placèrent à ses côtés, comme un bouclier vivant, et Bennu prit la tête du cortège.

Un mouvement à la lisière de la forêt attira leurs regards. Cait bondit hors de l'herbe et attaqua, enroulant son bras autour du cou d'un homme en armure. Elle lui trancha la gorge avec son couteau si rapidement qu'il eut à peine le temps de saigner avant de mourir sur le sol. La jeune Amazone essuya soigneusement sa lame et la rengaina, puis elle jeta un coup d'œil dans les arbres et leur fit signe de continuer.

"Nous avons cherché ici." murmura Ephiny. "Deux fois."

Gabrielle secoua la tête et se baissa en entrant dans les arbres, alors que les feuilles de fougères frôlaient le sommet de sa tête. Après quelques pas, elle fit arrêter Iolaus, puis descendit et décida de le guider à la main.

C'était très calme dans le vallon, quelques oiseaux gazouillaient, et le vent faisait bruisser les branches au-dessus de leur tête, mais à part cela, il n'y avait rien pour indiquer la présence d'autres humains. Ils continuèrent à marcher, les brindilles sous leurs pieds craquant doucement, jusqu'à ce qu'ils se retrouvent dans une minuscule clairière qui leur permit de s'arrêter et de regarder autour d'eux.

"Gabrielle... tu es sûre ?"

Elle ferma les yeux et sentit l'attraction qui la tirait, plus forte maintenant. "Oui." Mais alors qu'elle regardait autour d’elle pour déceler un chemin, elle ne trouva rien. "Par ici."

Ils avancèrent difficilement à travers une section d'arbres beaucoup plus épaisse, essayant de trouver un chemin autour d'eux. Les branches étaient entrelacées si profondément qu'il était difficile d’imaginer qu’un groupe ait pris cette direction.

Gabrielle s'arrêta et posa sa main sur un épais enchevêtrement.

"On ne peut pas passer par là. On a essayé. " murmura Eponine. "C'est comme ça tout le long, crois-moi, j'ai regardé." Elle désigna quelque chose du doigt. "Et c’est adossé à des terres rocheuses - il faudrait être à pied ou à dos de chèvre pour monter là-haut."

La barde tendit ses rênes à Cait, puis elle recula de quelques pas, en regardant les arbres et en réfléchissant. Elle bascula la tête en arrière et leva les yeux, observant les énormes troncs s'étendre un peu plus loin au-dessus de sa tête.

Elle fit un pas en avant, puis bondit légèrement, attrapa les premières branches d’un arbre et se hissa dessus avant de trouver des prises pour ses mains et ses pieds au fur et à mesure qu'elle se frayait un chemin vers la cime de l’arbre. Enfin, elle atteignit un point où elle pouvait maintenir sa forme mince à travers les branches maintenant plus flexibles et regarder vers le bas.

Elle observa la vue pendant un long moment, puis elle se retourna et redescendit, relâchant sa prise juste au-dessus de la tête des chevaux, atterrissant sur le sol humide avec un petit bruit sourd. "Allons-y." Elle contourna les bords du roncier, descendit vers un creux naturel dans le sol de la forêt qui, en temps de crue, contenait visiblement un ruisseau. Elle descendit dans l'ornière et se dirigea vers le début de l'enchevêtrement, glissant et manquant de tomber car le sol était soudainement en pente.

Ephiny arriva derrière elle et posa une main sur son épaule, regardant derrière elle dans l'obscurité. "Qu’est ce que ..." Elle sentit une main couvrir sa bouche.

Gabrielle se faufila sous les dernières branches, se déplaçant dans un tunnel à l'odeur terreuse à travers des racines qui frôlaient tout juste le sommet de sa tête. Elle dégagea les dernières d'entre elles de son chemin et arriva dans un espace ouvert assez grand dont la lumière du soleil filtrait à l'intérieur, et découvrit les signes d'un camp assez grand récemment laissé derrière.

"Par les Dieux." Ephiny la dépassa et ils se dispersèrent tous, cherchant les signes du groupe qui s’étaient éparpillés un peu partout. "Ingénieux - je leur accorde ça."

Gabrielle hocha la tête et se déplaça sur le sol jonché de feuilles, notant le feu soigneusement tassé, et les pierres bien ordonnées qui indiquaient un camp bien tenu. Elle s'arrêta devant un épais tronc d'arbre tombé et s'agenouilla, effleurant du bout des doigts les feuilles, puis elle se figea brusquement. "Eph." Sa voix se brisa. Elle écarta les débris et referma sa main sur quelque chose.

"Oui ?" Ephiny se rapprocha et s'agenouilla près d’elle. "Qu'est-ce que c'est ? Tu sais, Gabrielle, on ne sait même pas si..." Elle s'arrêta quand son amie ouvrit ses doigts et lui montra ce qu'elle avait trouvé. "Oh. Par Artémis."

Le collier de cristal, taché de sang, était là, désespérément seul dans la paume de Gabrielle.

"Ok." La barde prit une profonde inspiration puis elle se releva et attacha le collier autour de son cou avant de le glisser sous son armure. "Je ne pense pas qu'ils soient allés loin."

"Le feu est encore chaud." confirma Bennu.

Ils menèrent les chevaux à travers le tunnel, suivant le chemin jusqu'à son point de sortie. Bennu sortit le premier et regarda dehors, puis il s'arrêta brusquement. "Ah."

Gabrielle fût à ses côtés immédiatement, posant une main sur son épaule pour garder l'équilibre tandis qu'elle se mettait sur la pointe des pieds pour regarder devant lui. Non loin de là, près d'une zone inondée et caillouteuse se trouvait un groupe de soldats.

Ses yeux trouvèrent immédiatement la silhouette échevelée et à cheval, et elle se figea. "Par les Dieux." Le murmure dur ressemblait à peine à sa voix. La tête de Xena était à moitié couverte d'un bandage grossier, et ce qui était visible était meurtri au point d'être méconnaissable. Elle pouvait voir des taches de sang sur le sac qui la recouvrait, et la posture même de son corps faisait souffrir la barde de compassion.

"Doucement." Ephiny lui frotta le dos. "Au moins, elle est vivante."

Gabrielle regarda une silhouette mince et blonde monter sur un cheval juste devant sa compagne et se mettre à avancer, traînant Xena derrière elle avec une corde attachée autour de son cou. Les mains de la barde tressaillirent et elle commença à avancer, avant qu’Ephiny ne l’attrape brusquement. "Lâche-moi."

"Gabrielle – Du calme. Souviens-toi du plan."

"Qu’Hadès s’occupe du plan lui-même." Gabrielle se hissa hors du fourré et tira Iolaus après elle. Il y avait encore une épaisse rangée d'arbres entre eux et le groupe de soldats, et elle se glissa derrière un des plus grands arbres en ne quittant pas sa compagne des yeux, alors que son cœur s'emballait et qu’une colère croissante montait en elle.

Le collier mordit le cou de Xena et elle vit du sang couler. Son cœur bondit, envoyant une bouffée d'énergie à travers elle, et elle se retourna et monta à cheval, attendant que le reste de son groupe la rejoigne. Le vent souffla dans son dos, faisant bruisser les feuilles, et alors qu'il se propageait vers l'avant, elle vit la tête sombre se lever et se tourner dans sa direction.

Les combattants se rassemblèrent autour d'elle. "Très bien." murmura Gabrielle. "Avançons le long de cette ligne d'arbres là, et voyons si nous pouvons les surprendre."

"Nous pourrions utiliser une distraction." grogna Eponine. "Peut-être que je pourrais..."

"Non, laisse-moi faire." l’interrompit Cait en se mettant devant Gabrielle.

"Non." La barde redressa sa cape. "Restez derrière moi, hors de vue." Elle fit avancer Iolaus. "Je vais les faire s'arrêter, puis à mon signal, vous attaquerez."

"Gabrielle !" siffla Ephiny.

La barde lui lança un regard féroce. "C'est un ordre." Elle poussa son cheval vers l'espace ouvert entre les arbres, et fut dehors avant que quiconque ne puisse protester.

Ephiny jura doucement, mais suivit la direction demandée par la barde, avec le reste des soldats qui l'entouraient. "Bennu, nous sommes à peu près à égalité avec eux, mais je pense que ce que Gabrielle cherche, c'est à s'approcher suffisamment de Xena pour éviter qu'elle ne soit décapitée lorsque les combats commenceront."

"Compris." Le grand combattant hocha la tête. "Moi et les gars, on va prendre le flanc, si vous voulez dégager ces salauds de leurs chevaux."

"Bien." Ephiny détacha son épée et vérifia son arbalète. "Allons-y."

**************************************************

Xenapouvait entendre les soldats bouger autour d'elle, pendant qu’elle luttait pour trouver son équilibre sur la selle tout en tirant impatiemment sur l'épaisse corde qui liait ses mains au pommeau de la selle.

"Arrête ça." Nellis secoua la corde qui la reliait à sa captive.

"Ou quoi ?" déclara Xena en prenant enfin la parole. Elle rejeta brusquement sa tête en arrière, arrachant presque la corde des mains de la femme. Elle avait mal à la gorge et sa voix était rauque, mais ce n'était pas entièrement une mauvaise chose.

"Oh. Donc tu peux parler." Nellis fit reculer sa monture pour se rapprocher de la guerrière. "Et moi qui pensais que tu étais une sorte de muette."

Xena entendait les corps se déplacer et savait qu'elle était le centre de l'attention. C'était exactement ce qu’elle voulait. "Et moi je pensais que tu n’étais qu’une petite idiote. Je le pense toujours, d’ailleurs."

"Ne me pousse pas à bout, Xena."

"Ou quoi ?" se moqua la guerrière. "Ça fait une journée que tu profères des menaces à l'encontre d'une femme aveugle et attachée - très impressionnant." Ses oreilles perçurent les sabots d'un cheval qui s'approchait et elle déplaça son poids, faisant faire un pas de côté à sa monture. "Tu penses que tes chances de m'emmener beaucoup plus loin sont bonnes ?"

"Comme tu l'as souligné." répliqua Nellis en tirant fort sur le collier, ce qui coupa momentanément la respiration de Xena et envoya les pointes dangereusement près de sa jugulaire. "Tu es attachée et aveugle. Je pense que mes chances sont plutôt bonnes."

"Eh bien moi, je pense qu'elles sont plutôt minces." l’interrompit une voix glaciale sur un ton autoritaire.

Nellis se retourna et découvrit un cheval, seul, qui s’était rapproché du groupe sans qu’elle ne s’en aperçoive, avec une cavalière sur son dos, qui portait un épais et lourd bâton dans une main. "Ah... c'est ta petite pute Amazone."

Xena enfonça ses genoux dans les flancs du cheval, qui recula alors violemment, en ignorant la douleur qui émanait de son cou.

"Hé !" Nellis se retourna vers la guerrière, et alors qu'elle le faisait, Gabrielle poussa un cri et la chargea. "Arrêtez-la !" cria-t-elle en luttant pour ramener sa captive qui se débattait. "Qu'Hadès t’emporte !" grogna-t-elle. "Je vais te tuer."

Les Amazones et les soldats sortirent des arbres, en galopant en formation ordonnée. Ils contournèrent le virage et foncèrent sur les cavaliers. Leurs adversaires, qui avaient gardé leur rang, pivotèrent pour venir à leur rencontre dans une discipline efficace, et deux d'entre eux se dirigèrent vers Gabrielle.

Le bâton, reconnut sinistrement la barde, avait un gros avantage sur l'épée dans un domaine très critique.

La portée.

Elle se mit en équilibre sur sa selle comme Xena le lui avait appris, et relâcha les rênes, se reposant sur ses puissantes jambes pour rester stable. Puis elle leva son bâton et s'attaqua aux cavaliers qui se précipitaient vers elle, en frappant l'un d'eux à la tête avec une extrémité de son arme, et l’autre à la poitrine, le faisant tomber de son cheval.

Elle continua sa route et se dirigea vers son objectif, qui se battait à l'aveugle, utilisant sa force pure et son obstination pour déséquilibrer une Nellis furieuse.

La guerrière blonde attacha la corde au pommeau de sa selle et dégaina son épée, puis elle rapprocha encore son cheval de sa captive et se redressa sur ses étriers. Elle dirigea son coup vers la guerrière attachée, qui l'esquiva d'une manière ou d'une autre, déviant sa puissance sur le côté avec un coup d'épaule.

Comment ! !! Elle se retourna et la frappa avec la poignée, déséquilibrant Xena, ce qui fit faire un  demi-tour à son cheval et exposa sa poitrine. Momentanément désorientée, la guerrière hésita et Nellis vit sa chance. Elle enroula ses deux mains autour de la poignée de son épée et frappa d’un grand coup, visant la peau bronzée et tachée de saleté qu'elle pouvait voir à travers les entailles dans le tissu. Le son de sabots qui s'approchaient l’alerta que quelqu’un arrivait jusqu’à elles, mais elle l'ignora, sachant qu'il n'arriverait pas à temps. "Meurs, espèce de…" Elle s'élança, ferma les yeux et goûta la douceur de l'instant.

Puis le monde s'écroula sur elle. Quelque chose de lourd et de rapide heurta son corps, la jetant à terre, sur le gravier, alors qu'une douleur chaude et choquante lui traversait le sternum jusqu'au cœur.

Elle n'eut même pas une seconde pour réaliser qu'elle était en train de mourir.

Gabrielle repoussa la femme et se mit à genoux, pour récupérer sa dague.

Pendant un très court moment, comme s’il n’y avait plus qu’elle, son monde s'arrêta.

Et devint silencieux, à tel point qu'elle pouvait clairement entendre les battements de son cœur, tandis que son esprit enregistrait le couteau taché de sang serré dans son poing et en absorbait les implications.

Puis elle prit une inspiration, l'essuya, le remit dans son fourreau, avant de se lever et de se diriger vers le cheval qui se trouvait à proximité. Sans réfléchir, elle attrapa le bras de Xena et se hissa derrière la guerrière, puis ses sens revinrent et elle sortit le couteau pour libérer son âme sœur.

Elle enroula un bras autour de la taille de Xena et trancha les cordes autour de ses mains avec l'autre, enlevant les liens, puis elle recommença sur celui qu'elle pouvait atteindre près du mollet droit de la guerrière.

Quand elle eut fini, elles se mirent en mouvement. Elle emmêla son autre main dans la crinière du cheval, en tenant Xena fermement devant elle tandis qu'elles s'éloignaient du convoi des pillards et des combats. "Allons-y !" cria Gabrielle. Elle sentit une main s'enrouler autour de la sienne et elle posa sa joue contre le dos de Xena pendant un bref instant, espérant qu'elle pourrait garder son calme assez longtemps pour qu'elles puissent s'échapper.

Elles galopèrent à travers les pillards vers le ruisseau et le reste du groupe forma une arrière-garde.

Maintenant, ils n'avaient plus qu'à rentrer chez eux le plus rapidement possible.

*******************************************************************
"Bennu, fais attention." Gabrielle le dépassa et tint la torche bien haut, avant de la placer dans son applique à l'arrière de la grande tente. "Pose-la ici."

Xena avait tenu une partie du chemin du retour, puis Gabrielle avait senti qu'elle faiblissait et s'était accrochée à elle anxieusement. Le temps qu'elles arrivent au camp, la guerrière était à moitié inconsciente, si bien qu'elle n'avait même pas protesté lorsque Bennu l'avait soulevée doucement du dos du cheval et l'avait portée à l'intérieur.

Le grand combattant s'agenouilla avec un soin presque exagéré et déposa son fardeau sur la palette recouverte de fourrure que Xena avait aménagée en guise de lit. "Et voilà, Princesse." chuchota-t-il. "Ils l'ont traitée comme de la merde."

Renas arriva en courant, suivi de Toris et de plusieurs autres, dont Ephiny. "Par les Dieux." Le guérisseur ferma les yeux un moment, puis posa sa trousse et retroussa ses manches. "Je vais avoir besoin d'eau."

Toris se rendit au chevet de sa sœur et se laissa tomber à genoux, avant de toucher délicatement une main tachée de boue dans un élan de sympathie.

"Bien." Ephiny fit un signe de tête à Paladia, qui se tenait muette près du rabat de la tente. "Des seaux." Pour une fois, trop secouée pour commenter, la grande ex-maraudeuse partit et le rabat se referma derrière elle.

"Hum...." Gabrielle avait replié ses mains sous ses bras. "Je peux vous demander de me laisser une minute avec elle avant qu'on commence, s’il vous plaît ?"

Tout le monde la regarda.

"Je suis sérieuse. Je sais que tu as des choses à faire, Renas, mais j'ai besoin d'un peu de temps seule avec elle." déclara la barde calmement. "S'il vous plaît."

Ils sortirent docilement, la laissant dans une paix tranquille dans laquelle elle voulait désespérément s'enfoncer. Au lieu de cela, elle se dirigea vers la couchette et s'agenouilla, avant de poser une main sur l'épaule meurtrie sous le sac grossier dont sa compagne était recouverte. "Xena ?"

"Toujours là." La voix était faible et rauque. "Toujours."

Gabrielle se pencha plus près et toucha sa tête, la rapprochant délicatement avant de l'embrasser doucement. "Par les Dieux, Xena."

Xena répondit à la caresse en se blottissant contre elle et en lâchant un faible soupir de soulagement. "Ungh."

La barde prit un moment juste pour laisser son corps se détendre. "Je sais - je dois laisser Renas te regarder, mais j'ai juste..."

"C’est bon." murmura Xena. "Andreas est à quatre jours d'ici."

Gabrielle se détendit et commença à examiner son âme sœur. "Bien."

"Il ne donne rien aux troupes, seulement aux généraux." Elle essaya de transmettre l'information la plus pertinente en premier. "Ce ne sont pas des marionnettes, Gabrielle."

"Shh." Hésitante, la barde toucha la tête meurtrie de sa compagne. "Chérie, que s'est-il passé là-bas ? Qu'est-ce qu'ils ont fait ?" Elle toucha le bandage, en se mordant la lèvre de peur.

"Je ne sais pas." répondit-elle d’une voix faible. "Tout me fait mal." La guerrière fit une pause avant de reprendre. "De l'eau ?"

Gabrielle attrapa la gourde au bout de la couchette et la déboucha, puis elle aida Xena à boire en soutenant sa tête d’une main tandis qu'elle amenait la gourde contre ses lèvres de l’autre. "Voilà... vas-y doucement." Elle regarda la bouche de la guerrière se refermer autour de l'extrémité et aspirer le liquide. "Pas trop d'un coup."

Le doux gargouillis dura un peu, puis Xena hocha la tête d'un air las. "C'était ton plan pour me récupérer ?"

"Oui." Gabrielle sentit sa gorge se refermer sur ces mots.

"Brave fille." Une tentative de sourire se dessina sur les lèvres de Xena. "Bon plan."

La barde afficha un petit sourire douloureux en retour. "Chérie, je vais les laisser rentrer maintenant." Elle commença à se lever, mais une poigne légère la retint. "Quoi ?" Elle se remit à genoux.

"Enlève le bandage."

"Xena, je ferais mieux de laisser Renas le faire... laisse-moi aller..."

"Non." La main la tenait fermement. "Je veux que tu le fasses." déclara Xena avant de faire une pause. "S'il te plaît ? Si c'est mauvais, je préfère l'entendre de ta bouche."

Parfois, le poids de l'amitié était plus lourd à porter que d'autres fois. "D’accord." Gabrielle s'endurcit intérieurement, puis elle commença à défaire très soigneusement le bandage sale, en tenant l'arrière de la tête de Xena d'une main. Elle sentait des bosses sous ses doigts et pouvait sentir le sang et pire sur le corps de la guerrière. "Juste encore un peu." Une vision du jeune garçon dans la caverne lui  traversa l'esprit et ses mains se mirent à trembler soudainement. Elle s'arrêta un moment et reprit ses esprits.

Le dernier pli du chiffon sale se détacha et elle le posa sur le sol, puis elle examina le tampon couvert de sang qui était plié sur le visage de sa compagne.

Il lui fallut beaucoup de force pour lever sa main et le retirer. "Il y a un... morceau de tissu ici. Il est plein de sang." Elle regarda Xena hocher un peu la tête, se préparant au pire, puis elle rassembla son courage et retira le tissu, se mordant l'intérieur de la lèvre presque jusqu'au sang alors qu'elle se penchait pour regarder en dessous.

Il y avait des taches de sang, mais... Elle plissa les yeux dans la faible lumière, puis elle retourna le tampon, pour voir de petites épines incrustés dedans. "Fils de Bacchae." L’insulte s'échappa de ses lèvres inconsciemment, alors qu'elle étudiait le visage de son âme sœur, puis un petit son la fit lever les yeux, et elle réalisa ce que cela avait dû signifier pour la guerrière. "Ça n’a pas l’air si mauvais que ça, chérie."

Elle prit un chiffon humide que Renas avait laissé à proximité et tamponna doucement les paupières de la guerrière, nettoyant le sang des piqûres d'épines. "Peux-tu ouvrir les yeux ?"

Les cils sombres se déplacèrent docilement et lorsque les paupières s'ouvrirent, la lumière de la torche accrocha des reflets sur deux yeux sains, très bleus, bien que douloureusement injectés de sang. Les pupilles se dilatèrent immédiatement tandis que Xena clignait des yeux, puis elle leva une main et protégea sa vision de la torche. "Ow."

Gabrielle caressa sa joue avec son pouce. "Tout va bien ?" Sa voix tremblait de soulagement, tout comme le reste de son corps.

Le regard à demi-fermé se concentra sur son visage. "Je crois que j'ai une vision." murmura Xena. "Mais c'est une belle vision."

La barde esquissa un sourire mélancolique en essuyant la saleté. "Bien - maintenant c'est au tour de Renas."

"Gabrielle ?" l’appela la guerrière en capturant sa main à nouveau. "Est-ce que Hercule est revenu ?"

Bien sûr. Xena, dresseuse de chevaux dans l’âme, y pensait toujours en premier. Combien de fois avait-elle regardé sa compagne s'occuper d'Argo, la brosser et la nourrir avant de laisser la barde s'occuper de ses propres blessures.... Gabrielle leva lentement son regard pour rencontrer celui de son âme sœur. "Non, mon cœur, il n’est pas revenu." Ses yeux piquèrent. "Il.... Um... il a dû essayer de t'aider, Xena... et ils..." Les mots restèrent coincés dans sa gorge et elle haussa les épaules, impuissante.

"Oh." Juste un petit son, mais rempli de tellement de chagrin et de douleur. "Bon sang." murmura Xena, en levant une main vers ses lèvres avant de se mordre la jointure alors que ses paupières se fermaient pendant un très long moment. Cela faisait plus mal que ce qu'ils lui avaient fait, et elle resta couchée là, endolorie, alors qu'un bras puissant glissait autour de ses épaules et la rapprochait, d’un corps chaud et réconfortant.

"Je suis désolée." Gabrielle soupira, souhaitant pouvoir apporter à sa compagne quelque chose de plus que du soutien. Elle frotta le dos de la guerrière très délicatement. "Laisse-moi aller chercher Renas pour qu’il s'occupe de toi, d'accord ?"

Elle sentit Xena inspirer et relâcher une respiration, puis hocher la tête, alors elle reposa la guerrière sur la couchette, avant de se lever et de marcher vers la sortie de la tente. "C’est bon." murmura-t-elle au guérisseur qui attendait dehors. "Je suis désolée, je..."

"Tout va bien, Gabrielle." Le guérisseur lui tapota le bras. "Je ne remets pas les choses en question quand il s'agit de vous deux. Vous savez mieux que moi." Il souleva le seau d'eau qu'ils avaient apporté et entra. "J'aurais besoin d'aide - les autres ont décidé d'attendre pour présenter leurs respects."

"Bien sûr." La barde le suivit à l'intérieur, mais pas avant d'avoir vu la forme patiente de Cait assise en garde à l'extérieur du bord de la tente. "Merci de m'avoir accompagnée aujourd'hui, Cait."

"Tu veux savoir quelque chose ?" répondit la jeune Amazone en regardant sa Reine droit dans les yeux. "J'avais décidé il y a longtemps qu'il n'y avait vraiment qu'une seule personne dont je serais satisfaite de recevoir des ordres sans discuter."

"Tu avais décidé ?" demanda Gabrielle, perplexe.

"Oui." répondit Cait promptement. "Maintenant il y en a deux." Elle reposa ses bras sur ses genoux et posa son menton dessus, avant de reprendre sa garde, comme si de rien n’était.

Oh. "Merci." répondit la barde, avant de rentrer dans la tente en réfléchissant à ce qu’elle venait d’entendre alors qu’elle se déplaçait vers la couchette où Renas était occupé à examiner sa compagne. Le guérisseur se retourna lorsqu’elle s'agenouilla à ses côtés et lui jeta un regard choqué. "Je sais." soupira Gabrielle avant de prendre un morceau de linge propre qu'il avait apporté et de le plonger dans l'eau chaude. "Je pense que la jambe est le plus gros problème."

Cela prit beaucoup de temps, juste pour nettoyer le pire de la saleté et du sang séché, exposant non seulement l'entaille de couteau dans sa cuisse, mais aussi une brûlure à côté, et plusieurs blessures dans sa peau à côté de bleus qui semblaient avoir été infligés avec une masse. Gabrielle dut finalement s'arrêter, avant de rapporter un seau d’eau jusqu'à l’avant de la couchette pour commencer à laver le visage et les cheveux de Xena, ce qui lui prit un certain temps, pendant que Renas recousait les endroits les plus graves.

Xena perdait peu à peu conscience alors que sa peau s’échauffait de fièvre. Elle s’agita un peu jusqu'à ce que Gabrielle lui offre à nouveau la gourde et la tienne pendant que la guerrière buvait, les yeux fermés.

"Très bien." dit Renas, au bout d’un moment. "As-tu quelque chose de propre dans lequel nous pouvons la mettre. C'est tout ce que je peux faire pour l'instant."

Gabrielle récupéra une tenue dans le sac de sa compagne et avec l’aide du guérisseur, ils retirèrent complètement le sac grossier dont elle avait été affublée avant de glisser le vêtement propre autour de la forme malmenée. Puis le guérisseur rassembla les piles de linge sale, se leva et commença à s’éloigner, en faisant signe à Gabrielle de le suivre.

"Je reviens tout de suite." chuchota la barde dans une oreille maintenant propre. Elle se leva et accompagna le guérisseur jusqu'à la sortie de la tente. "Wow."

"Gabrielle." Renas s'arrêta et posa une main sur son épaule. "Cette blessure à la jambe m'inquiète vraiment. Surveille-la et viens me chercher si elle se remplit à nouveau." Il avait ouvert la plaie et l'avait drainée. "Elle est dans un sale état."

"Je vais m'occuper d'elle."

Un sourire fatigué se dessina sur le visage du guérisseur. "Je n'ai aucun doute là-dessus." répondit-il en lui tapotant le bras. "Fais-lui boire beaucoup d'eau, ou un peu de soupe si tu peux. Elle est vraiment déshydratée."

La barde acquiesça. "Je le ferai. Dis à tout le monde..." Elle fit une pause.

"Ils savent." Renas lui serra l'épaule et se retourna, disparaissant dans le soleil de l'après-midi vers la zone principale du camp.

Gabrielle se retourna et rentra dans la tente, puis elle prit une grande respiration avant de faire quelques pas à l'intérieur et de réfléchir à ce qu’elle allait faire maintenant. Bien, se dit-elle intérieurement. Chaque chose en son temps. Maintenant, c’était à son tour. La barde déboucla son armure et la retira, puis elle la posa près de la porte pour la nettoyer plus tard. Elle se débarrassa ensuite de ses vêtements maculés de boue et de sang et se dirigea vers la bassine d'eau, utilisant l'un des derniers morceaux de linge propre sur son corps pour enlever le plus gros de la crasse.

Ses affaires, bien sûr, n'étaient pas là, mais un rapide coup d'œil dans le sac de Xena lui permit de trouver une vieille tunique bleue, chaude et usée qu'elle enfila et ceintura. Alors seulement, elle se dirigea vers la couchette et s'agenouilla à nouveau. Elle découvrit deux yeux bleus, encore injectés de sang, qui la regardaient. "Hé, chérie. Comment tu vas ?"

"Pas un de mes meilleurs jours." plaisanta Xena faiblement.

"Je sais." Gabrielle prit sa main et entrelaça leurs doigts. "J'ai quelque chose pour toi."

Les yeux bleus s'ouvrirent un peu plus, suivant la main libre de Gabrielle et découvrit les deux colliers de cristal, emboîtés l'un dans l'autre. Cela fit naître un véritable sourire sur le visage de Xena. "Où l'as-tu trouvé ?" chuchota-t-elle.

"Là où ils campaient." répondit la barde. "Je vais le garder jusqu'à ce que ton cou guérisse, d'accord ?" Il était difficile de regarder les blessures brutes et déchiquetées causées par le collier.

"Ok."

"Cait a tes armes et ton armure."

Un autre sourire lui fit face. "Tu as très bien géré la situation. Merci." vint une réponse douce. "Je pense que je peux prendre ma retraite maintenant."

Gabrielle leva leurs mains jointes et embrassa les doigts de Xena. "J'ai eu le meilleur professeur qui soit." Elle frotta sa joue contre les jointures de ses doigts. "Tu as besoin de te reposer."

Un très faible hochement de tête lui répondit. "On n'a pas beaucoup de temps."

"Chuut. Tu ne dois pas t'inquiéter de ça maintenant." Gabrielle se pencha vers elle et l'aida à se mettre dans une position plus confortable. "Ton travail, pour le moment, est de t'allonger là et de laisser faire ta magie, d’accord ?" Elle remonta les fourrures et les enroula autour des épaules de la guerrière. "Nous avons besoin de toi en un seul morceau."

"Comment te sens-tu ? Tu as l'air crevée, toi aussi." murmura Xena. "Viens ici."

Comme si ces mots étaient une sorte de déclencheur, Gabrielle sentit toute l'anxiété de la dernière journée et ses efforts retomber sur elle. "J'ai tellement de choses à faire, Xena." lui répondit-elle.

"Non non." La main de guerrière s'enroula autour d'elle et la tira vers elle. "Ton travail est de te placer ici et de m'aider à faire de la magie."

"Xena..." Gabrielle sentait son corps obéir à la demande, sans tenir compte de ses propres intentions. Elle soupira et se glissa sur le lit, puis elle posa sa tête sur l’épaule de Xena délicatement et enroula ses bras autour de la guerrière. Elle apaisa sa conscience en offrant à nouveau la gourde à sa compagne et fut heureuse de voir Xena boire sans discuter. De qui te moques-tu, Gabrielle - il n'y a pas d'autre endroit sur terre où tu voudrais être, et tu le sais. Mais il y avait tellement de choses à faire. Et tellement de choses qu'elle devait dire à Xena. Elle sentit le corps épuisé de la guerrière se détendre contre elle, et elle ferma les yeux, prête à mettre tout cela de côté pour plus tard.

Sauf ça. "Xena ?"

"Mm ?"

"Cette femme - celle qui t'a ligoté. Tu connais son nom ?"

"Nellis." répondit la guerrière avant de faire une pause. "Pourquoi ?"

"Je voulais juste savoir."

"Elle s'est enfuie ?"

"Non." murmura Gabrielle. "Elle ne s'est pas enfuie." Le silence s’installa dans la pièce alors que chacune d’elle réfléchissait aux évènements qu’elles avaient vécus ces dernières heures, puis la respiration de Xena se stabilisa et elles finirent par s’endormir toutes les deux.

******************************

Ephiny était assise sur une bûche, attendant patiemment qu’Eponine recouse une vilaine coupure sur son omoplate droite. "Nous avons eu beaucoup de chance."

"De les trouver ?"

"Ouais."

Eponine renifla. "Je ne pense pas que c'était de la chance. Gabrielle savait où elle allait." Elle posa soigneusement un autre petit point de suture. "Tu l’as vu foncer sur cette femme ?"

"Oui." Ephiny regarda ses mains d'un air grave. "Je ferais mieux d'aller lui parler de ça. Tu sais comment elle se sent à propos de ça - je pense qu'elle a juste suivi son instinct." Elle essaya de rejeter l'image dérangeante du visage de Gabrielle, crispé dans une colère sauvage alors qu'elle s'élançait sur le dos du cheval et se jetait sur cette femme. "Enfin - j'espère que c’est le cas."

Eponine réfléchit un moment avant de répondre. "Elle a beaucoup changé."

"Oh ouais." confirma son amante. "Elle a beaucoup appris. Je n’ai pas de mal à la considérer comme un formidable leader à elle toute seule maintenant." Elle grimaça. "Aïe."

"Désolée." Eponine tamponna le sang qui avait coulé. "Je t'avais dit d'esquiver quand ce crétin est venu vers toi." Elle termina. "Voilà - essaie de ne pas les arracher, hein ? C'est au mauvais endroit." La coupure courait sur la courbe de l'épaule d'Ephiny, là où la peau devait fléchir quand elle bougeait. "C'était un bon combat par contre, hein ?"

La Régente lui ébouriffa les cheveux. "Ils sont tous bons pour toi." Elle essuya un peu de suie sur la joue de la maîtresse d'armes. "Merci pour le rafistolage. Je vais aller voir notre patiente, et voir si elles ont besoin de quelque chose." Elle s'étira un peu. "Assure-toi que ces sentinelles surveillent les environs comme un faucon - je ne veux pas qu'une contre-attaque surprise nous frappe au mauvais moment."

Elle ramassa ses armes et se dirigea vers la tente de commandement. Au passage, elle adressa un demi-sourire à Cait avant de passer la tête à l'intérieur, laissant ses yeux s'adapter à la faible lumière. Xena était endormie sur sa couchette, sa tête sur les genoux de Gabrielle, alors que l'un des bras de la barde était soigneusement drapé sur elle. Les yeux de Gabrielle étaient également fermés, et la Régente resta debout un moment, absorbant cette scène étonnamment tendre.

Ils avaient fait des dégâts sur la grande guerrière, c'était certain. Ephiny secoua la tête avec consternation en comptant les bleus visibles et en imaginant les autres. Le bandage n'était plus sur ses yeux, en revanche, et elle ne voyait aucun dommage, alors au moins peut-être que... Doucement, elle avança dans la pièce et réveilla délicatement la barde lorsqu’elle atteignit la couchette. "Hé."

"Mm." Gabrielle leva sa main libre et se frotta les yeux. "Je ne voulais pas faire ça." Elle regarda sa compagne endormie avec anxiété et posa sa main sur le front de la guerrière avant de grogner doucement. "Elle a de la fièvre. Bon sang."

"Comment va-t-elle sinon ?" demanda doucement Ephiny. "On dirait qu'ils l'ont vraiment bien abîmée." Une épaule entière était assombrie de bleus et une longue coupure marquait la guerrière du coude au poignet. "Et pourtant elle les a combattus. Bon sang."

"Ouais, c'est ma Xena." Gabrielle esquissa un sourire. "Elle a découvert qu'Andreas est à quatre jours de marche." continua-t-elle avant de tourner brusquement la tête vers Ephiny. "Par les Dieux... J'aurais dû venir te le dire. Elle a aussi découvert que, quelle que soit la substance qu'ils donnent aux gens, ils ne la donnent pas aux soldats des premières lignes." Elle fit une pause. "Elle semblait penser que c'était important."

"Mm... ça pourrait l'être." déclara Ephiny en hochant la tête. "Cela signifie que la plus grande partie de son armée peut être influencée dans un sens ou dans l'autre." Elle secoua la tête. "Bonne information. Un bien mauvais prix à payer pour cela." ajouta la Régente avec regret. "Nous allons avoir besoin d'un conseil de guerre - j'en organiserai un pour toi après le dîner."

Pour moi ? Non. Gabrielle ouvrit la bouche pour répondre, avant de la refermer lentement. Oui, Gabrielle. Pour toi. Xena ne peut pas le faire, et tu es venue ici et tu as pris les choses en main, alors habitue-toi. "Très bien. Merci."

"Comment vas-tu ?" demanda Ephiny qui s’était agenouillée près de la barde. Elle posa une main sur le genou de cette dernière en poursuivant. "C'était un combat assez mouvementé là-bas."

Gabrielle ne répondit pas.

"Écoute - pour ce que ça vaut, n'importe lequel d'entre nous aurait fait exactement la même chose, Gabrielle. Ne te sens pas coupable pour ça." continua Ephiny.

La réponse la surprit. "Je ne me sens pas coupable."

Elle y avait pensé très longtemps, avant de s'endormir. Elle avait pris soin de se rappeler de tout ce qui s’était passé, de regarder ses différentes actions sous toutes ses coutures avec une sérénité qui l'avait surprise. Elle s'attendait à se sentir horrible.

Elle s'attendait à ressentir le dégoût écrasant et nauséabond qui l'aurait presque anéantie auparavant. Mais d'une certaine manière, cette fois... cette fois avait été différente.

Tellement différente. Elle ne se sentait pas bien à ce sujet bien sûr. Elle aurait aimé avoir trouvé un autre moyen, de ne pas avoir cédé à sa colère alors qu'elle avait chevauché vers elle. Mais c'était, elle l'avait finalement réalisé, le prix qui avait fait la différence.

Xena, avait fait la différence. Son âme n'avait pas pu trouver en elle la force d'éprouver du chagrin pour avoir perdu une partie d'elle-même afin de préserver Xena. C'était un sentiment très curieux et paisible, de savoir qu'elle avait fait ce sacrifice pour cette cause. "J'ai toujours pensé..." murmura-t-elle. "Depuis le début, j'ai toujours pensé que si je devais tuer quelqu'un, Eph, ce serait comme ça." Elle fit une pause. "Ce serait pour elle. Je ne le regrette pas. Je ne peux pas." Sa conscience était en paix avec ce qu'elle avait fait. "Ce n'est pas quelque chose que je veux faire, mais maintenant je sais que c'est quelque chose que je peux faire et que je ferai, si je le dois."

Étant donné les qualités de guerrière de Gabrielle, Ephiny se demandait si son amie réalisait à quel point ce savoir la rendait redoutable. Elle ne le pensait pas. "Je suis contente que tu le prennes comme ça. Cette salope était une pourriture de toute façon, pas seulement pour Xena, mais en général. Je pense que c'est elle qui s'est faufilée dans le village la nuit où vous êtes arrivées. Elle correspond à la description que Xena nous a donnée."

La barde plissa les yeux. "Je me demande si quelqu'un d'autre l'a reconnue ? Eph, demande autour de toi. Non mieux, demande à Paladia de faire un croquis rapide d'elle, et montre-le. Je me demande si elle n'a pas utilisé son apparence pour se fondre dans la masse et se mêler à nous sans qu'on le sache."

"Tu penses qu'il y a des espions dans le camp ?" Le visage d'Ephiny indiquait que ce n'était pas vraiment une question. "Il y a beaucoup de gens ici que nous ne connaissons pas très bien."

"Xena le pense, oui." confirma Gabrielle. "Elle dit que si tu ne peux pas l'empêcher, alors tu dois au moins l'utiliser à ton avantage."

"Mmm."

"Les jeunes d'Aslanta ont essayé de me capturer à Amphipolis, au fait." mentionna la barde. "Je les ai enfermés dans une hutte de stockage de céréales."

"Une conspiration ?"

"Des enfants stupides."

"Ces 'gamines' sont probablement plus vieilles que toi, tu sais." Lui rappela l'Amazone blonde, avec un sourire.

Gabrielle fit une grimace en retour. "Je n'en ai pas l'impression."

Ephiny se releva doucement. "Je vais faire apporter de la nourriture ici. Vous avez l'air d'en avoir besoin toutes les deux." Elle prit note de vérifier avec Renas l'état de santé réel de la grande guerrière. "Repose-toi, mon amie. Nous pouvons prendre soin des choses pendant un moment."

La barde passa légèrement ses doigts dans les cheveux noirs qui cascadaient sur ses jambes. "Merci, Eph."

L'Amazone partie, Gabrielle inclina la tête, et regarda la guerrière dont la tête reposait sur ses genoux. "Je vais te dire, partenaire. Et si je te racontais une histoire, hein ?" Elle vérifia la plus importante de ses blessures et soupira. "Tu veux entendre l'Histoire d'un Guerrier ? Je l'ai terminée."

Un petit éclat bleu et blanc apparut et Xena tira le bout de sa langue.

"Tiens." La barde lui offrit la gourde, l'inséra dans le coin de la bouche de sa compagne et la regarda la sucer. "Bonne fille." '

Plus de bleu apparut, et un sourcil se leva brusquement.

"Aww... tu es une petite curieuse. Mais tu trompes tout le monde sauf moi, Princesse Guerrière sentimentale."

Xena lui lança un regard complètement outré, mais l'effet fut gâché lorsque son âme sœur se mit à rire et se pencha pour l'embrasser. "Tu penses pouvoir avaler une soupe ?"

"Ouais." répondit la guerrière d’une voix rauque. "Je suis affamée." Un regard ironique traversa son visage. "Tu ne veux pas savoir ce que j'ai mangé en dernier."

Gabirelle fronça le nez. "Est-ce que ça bougeait ?"

"Uh huh."

"Beurk. Il fallait que tu me dises ça alors que je viens de t'embrasser, hein ?"

Xena produisit un rire léger, mais sincère. Le repos qu'elle avait eu depuis le départ de Renas lui avait redonné un peu d'énergie, et maintenant c'était surtout la douleur générale qui lui donnait le plus de mal. Le fait d'être ici avec Gabrielle l'avait aidée. Elle pouvait presque sentir la chaleur qui se répandait de son âme sœur, la baignant dans une douceur bien plus puissante que n'importe quelle herbe. Elle cligna des yeux et tressaillit. "Bon sang, ça pique."

"Ils avaient mis des épines à l'intérieur de ce bandage." Gabrielle s'approcha et prit un petit pot de pommade, avant d’en mettre sur le bout de son doigt et de l'étaler sur les paupières abîmées. "La cruauté de ces gens me fait peur, Xena." Elle s'approcha pour observer les coupures et les entailles sur le cou de Xena. "J'étais tellement en colère quand je l'ai vue te faire ça."

"Je sais." La guerrière la regarda sérieusement. "Je l'ai ressenti." Elle bougea sa main, touchant le genou de Gabrielle. "Après avoir senti que vous étiez là."

La barde resta silencieuse, le besoin de parler à sa meilleure amie de ce qu'elle avait fait se heurtait à la douleur qu'elle savait que cela lui causerait. Elle toucha la joue de Xena, observant la douleur gravée sur ses traits, et mit la question de côté pour le moment. "Et moi qui avais dit à tout le monde de prendre un bain avant de partir."

"Mmm...c'est toi que j'ai reconnue." Malgré ses blessures, il y avait une étincelle malicieuse dans les yeux de Xena.

"Moi ?" Gabrielle renifla son bras avec hésitation. "Est-ce que je sens ?"

"Oh... oui." La voix fatiguée se transforma en un grognement sexy. Xena dilata ses narines et prit une bouffée exagérée, caressant le ventre de la barde.

"Ew. Xena. Arrête ça." Gabrielle fronça le nez et fit la grimace. "Tu me donnes l'impression d'être un phacochère ou quelque chose comme ça."

"Non... c'est plutôt ça." Xena fit un grognement contre la chair molle sur laquelle elle était couchée, ce qui fit éclater de rire son amie. Elle renifla à nouveau et gloussa un peu elle-même.

Un raclement de gorge au niveau d’entrée de la tente leur fit jeter toutes les deux un regard coupable. Gillen se tenait là avec un plateau. Ayant attiré leur attention, elle se déplaça gracieusement sur le sol, sa silhouette compacte et musclée soulignée par des cuirs bruns et des bottes usées, mais méticuleusement entretenues, arriva jusqu’à elles.

"Ephiny a dit que vous aviez besoin de ça." déclara la Reine Amazone. "Xena, je suis heureuse qu'ils aient réussi à te libérer de ces bâtards. On dirait que tu te rétablis bien."

"Gabrielle est une très bonne... hum…" Xena était douloureusement consciente de l'image qu'elles devaient donner. "Guérisseuse." Pause. "Entre autres choses."

"C'est ce que j'ai entendu dire." Les lèvres de la vieille Amazone se transformèrent en un sourire crispé. "J'ai aussi entendu dire qu'il y avait eu un incident à Amphipolis hier ? Que tu as fait enfermer des filles d'Aslanta ?"

"C'est exact." répondit Gabrielle, consciente des yeux bleus qui l'observaient. "L'une d'entre elles a essayé de me tirer dessus." Elle sentit le corps de Xena se tendre sous ses mains et elle caressa le bras de la guerrière pour la calmer. "Il s'avère qu'elles ont été approchées par quelqu'un offrant cent mille dinars".

"Pour toi ?"

"Oui."

"Intéressant." Gillen posa le plateau "Ephiny m'a dit que tu as convoqué une réunion pour ce soir ?".

Gabrielle sentit l'ego blessé de l’Amazone à travers sa question. "Pour partager des informations, bien sûr. Xena a découvert des choses dans le camp des soldats - probablement beaucoup plus que ce qu'ils pensent." Elle fit un sourire à sa compagne. "Elle a probablement fait forte impression également sur ceux qui se sont enfuis. Ça va jouer en notre faveur."

Xena croisa ses mains sur son ventre et plissa les lèvres. "J'ai donné à Gabrielle toutes les observations que j'ai faites. Elle pourra y ajouter les siennes quand elle vous briefera." déclara-t-elle succinctement avant de refermer la bouche et d’écouter le silence très significatif, et glacial, venant de l'autre Amazone.

"Je vois." répondit Gillen brièvement. "Très bien. A plus tard alors." conclut-elle, avant de se retourner et de partir, laissant le bruit distinct de plumes ébouriffées derrière elle.

Deux soupirs. "Ces Amazones." dirent-elles en même temps. "Je ne pense pas qu'elle soit vraiment heureuse que je prenne le contrôle comme ça." continua Gabrielle. "Peut-être que nous devrions renoncer à ..."

"Non." répondit Xena fermement, en gardant les yeux fermés. "Gabrielle, les armées ne sont pas dirigées par un comité. Du moins, celles qui réussissent ne le sont pas." murmura-t-elle après coup. "Mais tout bon commandant a une personne en qui il peut avoir entièrement confiance, qui connaît le plan et qui peut prendre le relais en cas de problème."

Il y eu un petit silence. "Je suppose que c'est moi, hein ?"

Xena ouvrit les yeux. "C'est peut-être pour ça que je n'ai jamais réussi à déléguer avant. Je n'ai jamais eu une personne en qui je pouvais avoir confiance comme j'ai confiance en toi." admit l'ex-chef de guerre. "Personne avec qui partager les plans, ou dont le jugement était fiable et sur lequel je pouvais compter pour me dire quand je faisais fausse route."

La responsabilité était presque effrayante. "J'aimerais avoir autant confiance en mon jugement que toi." déclara Gabrielle.

"J'aimerais avoir autant confiance en moi que toi." répondit Xena honnêtement. "Mais entre nous deux, je pense que tout ira bien."

Gabrielle lui offrit une cuillère de soupe. "Très bien. Mais je n'ai pas envie de te remplacer très longtemps. Alors mange."

Xena gloussa, mais s'exécuta docilement.

******************************

Elle se réveilla quelques heures plus tard, seule dans la tente, bien qu'elle puisse entendre les faibles bruits des gardes à l'extérieur.

Pendant un moment, elle resta allongée tranquillement, étirant ses muscles malmenés et testant la myriade de douleurs et d'élancements qu'elle ressentait en bougeant ses membres. Puis elle se redressa lentement en position assise et fit passer ses jambes par-dessus le bord de la couchette, avant de poser ses coudes sur ses genoux et de regarder d'un air endormi la tente nue et spartiate.

Bon sang. Elle grimaça en clignant des yeux. Ses paupières la gênaient plus que la plupart de ses autres blessures. Avec une grimace irritée, elle se redressa et examina la blessure lourdement bandée sur sa jambe. Elle palpitait douloureusement, et d'après les légers frissons qu'elle ressentait, elle devina que le contact prolongé avec toute la saleté qu’il l’avait entourée, avait permis à la blessure de s'infecter.

Super. Avec un juron étouffé, elle se leva et boita jusqu'à son sac pour récupérer son kit de guérison avant de retourner sur sa couchette et de s’effondrer dans un grognement. Cait passa alors prudemment la tête en écartant le rabat de la tente. "Ce n'est que moi, Cait." marmonna Xena, alors qu'elle utilisait son plus petit couteau pour couper le bandage.

"Bonjour." La jeune fille se faufila à l'intérieur et vint jusqu’à elle. "Ça a l'air horrible."

"Merci." La guerrière regardait sa jambe de travers. La blessure était, comme elle le pensait, enflée et rouge, et suintant une substance jaune tachetée de rouge à l'endroit où elle avait été cousue. Elle soupira puis passa son couteau dans la flamme d'une bougie pendant un moment, avant de la retirer et de laisser refroidir. Après quelques instants, elle utilisa la lame pour couper les points de suture, qui s'ouvrirent avec un bruit sec et du pus et du sang commença à suinter de la plaie. Xena leva les yeux au ciel en entendant Cait déglutir, et lui lança un regard gentiment moqueur. "J'aurais bien besoin d’un peu d’eau."

"Bien sûr." Cait acquiesça instantanément, puis elle tourna les talons et s'enfuit de la tente.

La guerrière regarda la blessure d'un air pensif, puis elle se pencha pour ramasser la plume de Gabrielle, qu'elle avait laissée sur son journal, et mit l'extrémité entre ses dents avant de serrer les mâchoires. Elle retira alors d’autres points de suture, puis appuya avec le couteau pour ouvrir deux autres poches d'infection, leur permettant de libérer leur poison sur sa peau.

Elle dût alors s'arrêter, car ses mains tremblaient trop sous l'effet de la douleur. Elle attendit patiemment qu'elle s'apaise un peu puis elle reporta son attention sur la brûlure juste à côté. Son visage se crispa de colère en voyant la marque qui avait été apposée sur la chair rougie.

Cait se glissa à nouveau à l'intérieur, traversa rapidement la tente et lui apporta un seau d'eau fumante ainsi que quelques bandages en lin propres. "Tiens, j'ai pensé que tu pourrais en avoir besoin." Elle s'agenouilla délibérément près d'elle, apparemment honteuse de son malaise antérieur. "C'est affreux."

Xena fixa le petit lion, un regard sombre et féroce dans les yeux. "Détourne le regard, Cait. Tu ne veux pas me voir faire ça." grogna-t-elle doucement, la plume toujours entre ses dents.

"Je ne préfère pas, si c'est bon pour toi." répondit la jeune Amazone avec fermeté.

La guerrière prit une profonde inspiration, puis elle s'endurcit physiquement et intérieurement et commença à entailler soigneusement et délibérément sa peau autour de la marque. Quand ce fût fait, elle glissa sa lame sous celle-ci et enleva un carré entier de chair. L'espace se remplit rapidement de sang, qui jaillit et se répandit sur sa jambe, alors qu’une douleur intense, qui fut à deux doigts de lui faire perdre connaissance, l’envahit brusquement.

Elle ferma les yeux un moment et se concentra pour prendre de grandes respirations, forçant son corps à rester droit et à mettre la douleur de côté. Au bout d'une minute, la douleur se calma un peu et elle put à nouveau regarder sa jambe ensanglantée. Avec un soupir, elle posa le carré de peau plus loin et prit un linge propre qu’elle mouilla avant de commencer à nettoyer la blessure.

"Est-ce que je peux le faire ?" demanda Cait, d'une petite voix.

Xena tendit le linge sans un mot puis s'adossa aussi confortablement que possible contre les oreillers et enroula ses doigts dans les fourrures tandis que la jeune fille, avec une précaution minutieuse, rinçait les endroits à vif. La piqûre était presque insupportable, mais elle fixa ses yeux sur un point éloigné, et se concentra pour penser à autre chose jusqu'à ce que les mains de Cait se retirent. "Merci."

Cait s'assit sur ses talons et regroupa les bandages sanglants et striés de pus en un gros tas, le visage pensif. "Il est plus courageux de supporter la douleur que de la provoquer, je crois." Elle leva les yeux vers la guerrière. "N'est-ce pas ?"

Xena hocha la tête une fois. "On peut dire ça." répondit-elle. "Mais plus tu te bats, plus tu apprends à supporter la douleur, Cait. Ça fait partie du métier." Elle fouilla dans sa trousse de guérisseur et en sortit quelques herbes en poudre. "Après un certain temps, tu apprends à vivre avec."

Elle choisit une herbe et la saupoudra sur la blessure. Le sang coulait clair et rouge à présent et elle maintient un carré de lin au-dessus, se préparant à la prochaine étape.

"Tu n'avais pas besoin d'enlever cette partie brûlée, n'est-ce pas ?"

"Physiquement, non." répondit Xena calmement. "Mais je préfère souffrir de cette douleur que de supporter la marque de ce bâtard sur mon corps". Elle étala un peu de baume sur un bandage et le pressa en place sur l'endroit, puis elle attacha le linge autour de la plaie, avant de porter son attention sur son autre blessure.

Elles entendirent des voix s'approcher et toutes les deux levèrent les yeux lorsque le volet de la tente fût repoussé et que Gabrielle entra, son langage corporel criant d'irritation pour sa compagne très observatrice. "Hé..." Elle s'arrêta. "Qu'est-ce que tu fais ?" Ephiny et Gillen étaient entrées derrière elle, et s’étaient brusquement arrêtées elles-aussi, observant la guerrière avec une prudence respectueuse.

"J'ai dû relâcher la pression de cette blessure". Déclara Xena nonchalamment, tout en continuant à sortir un peu de boyau et une aiguille à os de sa trousse. "Comment s'est passée le Conseil ?" Elle leva les yeux vers ses visiteuses. "Entrez. Asseyez-vous."

Les deux Amazones plus âgées prirent place sur les tabourets en bois massif que Xena avait apportés dans sa tente de commandement et essayèrent de ne pas regarder l'entaille ouverte sur la jambe de la guerrière. "Xena, d'après ce que Gabrielle nous dit, nous n'avons que quatre jours... pas moins, pour nous préparer à un assaut majeur." expliqua Gillen.

"Oui." Xena enfila le boyau dans l'aiguille, puis regarda sa compagne la lui retirer des mains. Gabrielle s'assit sur la couchette et glissa sa propre jambe sous celle de la guerrière, avant de rapprocher la bougie pour qu'elle puisse voir ce qu'elle faisait. "Je peux le faire, tu sais."

"Je sais. Mais tu les fais toujours de travers." marmonna la barde, lissant la peau brute avec des doigts prudents. "Ça me rend dingue."

"C'est pourquoi je veux faire demain quelques exercices en ordre serré." Xena croisa les bras en s’adressant aux deux Amazones. "Une des choses que j'espérais découvrir quand je suis allée en éclaireur hier, c'était le temps dont nous disposions. Maintenant je le sais. Les remparts sont presque terminés, nous avons établi des avant-postes, et la seule chose qui m'inquiétait vraiment, c'est que leur troupe d’éclaireurs ne soit pas toute neutralisée."

Elles digérèrent l’information. "Xena... on dirait presque que tu as fait exprès de te faire capturer." dit Ephiny. "Tu l'as fait ?"

Xena sourit de façon sinistre. "C'était une façon d'obtenir les connaissances dont j'avais besoin, mais non." Son visage se figea pendant un moment. "Et j'ai perdu un bon ami là-bas." Elle regarda Bennu qui venait d’entrer. "Nous devons utiliser le temps qu'il nous reste pour constituer des stocks de flèches et de lances, et nettoyer les zones entre ici et les collines de tout ce qu'Andreas pourrait utiliser pour fabriquer des engins de siège."

"Cela signifie brûler la forêt." commenta Bennu.

"Oui."

"Faites creuser des pièges dans les zones molles." continua la guerrière. "Quand ils se rapprocheront, je veux qu'une équipe déverse tous les déchets que nous avons dans le ruisseau d'alimentation juste après cette bande d'arbres extérieure pour souiller l'approvisionnement en eau qu'ils devront utiliser."

"Ça fait beaucoup à faire en quatre jours."

"Je suppose qu'on ferait mieux de s'y mettre, alors." grogna Bennu. "Content de voir que tu te sens mieux, Générale."

"Est-ce que ça répond à tes questions ?" Gabrielle leva les yeux pour la première fois, pour regarder sévèrement Gillen.

L'Amazone plus âgée souffla et croisa les bras. "Nous ferons du mieux que nous pouvons." Elle fixa sérieusement Gabrielle à son tour. "Je dois m'assurer que mon peuple est en sécurité, Gabrielle. Si cela signifie que je pose beaucoup de questions difficiles, et que tu n'es pas à l'aise avec ça, c'est dommage." Elle se leva. "Et si tu as fait exprès de te faire capturer, Xena, c'est la chose la plus irresponsable que je puisse imaginer. Cette armée dépend de toi."

Gillen se tourna et partit, donnant l'impression de claquer le volet de la tente derrière elle.

Il y eu un bref silence. "Je pense que si elle tousse assez fort, elle pourrait faire sortir cette plume de son derrière." Déclara finalement Cait, en brisant le silence. "Elle est toujours si jalouse de toi."

"De qui ?" demandèrent Xena et Gabrielle en même temps.

Bennu s'éclaircit la gorge. "Générale - J'ai pensé qu’on pouvait donner un peu de vin aux hommes ce soir."

"Bien." approuva Xena en lui faisant un signe de tête. "Nous ferons des exercices sur le terrain demain matin." Elle fit une pause. "Mais pas à l'aube."

"On le fera." approuva Bennu avant de s'esquiver de la tente, rapidement suivi d’Ephiny.

"Ils viennent de finir un ragoût qui sent bon, tu en veux ?" demanda Cait. "Avec du pain et du fromage."

"Ce serait formidable." répondit Xena, avant de lui sourire. "Merci, Cait."

La jeune fille se leva d'un bond et partit, emportant avec elle son linge usagé, laissant ses deux héroïnes derrière elle.

Gabrielle coupa le dernier morceau de boyau et posa l'aiguille, puis elle leva les yeux lorsque Xena se pencha en avant et reposa sa tête contre le dos de la barde. "Tu vas bien ?"

"Non." gémit la guerrière.

"Doucement." Elle fit basculer les jambes de Xena sur la couchette et l’aida à se recoucher. "Toi et ton attitude de dure à cuire." Elle glissa ses bras autour de la grande femme qui s'était mise sur un côté avant d’enfouir sa tête contre la poitrine de Gabrielle, pour chercher du réconfort.

"Tu aurais pu appeler de l'aide, au lieu de faire ça toi-même. «continua-t-elle en grondant la guerrière, avant de caresser doucement sa nuque. "Qu'est-ce que je vais faire de toi ?"

"Il fallait que ce soit fait." murmura Xena contre le corps chaud qu'elle étreignait. "Cette satanée chose me tuait." Après une minute ou deux, l'agonie s'estompa et elle pût se retourner et reposer sa tête sur l'oreiller, avant de poser son avant-bras sur ses yeux. "Il devait y avoir quelque chose sur ce couteau - c'était méchant là-dedans."

"Hum." Gabrielle se pencha pour ramasser quelques lingettes oubliées, mais s'arrêta brusquement en découvrant le petit morceau de peau couvert de sang. Elle se redressa et jeta un coup d'œil à la jambe de sa compagne, puis elle se retourna et regarda son visage. "Ce n'était pas seulement le coup de couteau, n'est-ce pas ?" Elle éloigna le bras de Xena de ses yeux. "Xena." Les yeux de la guerrière étaient un peu vitreux, et Gabrielle posa une main sur son front. "Était-ce vraiment nécessaire ?"

"Probablement pas." Xena afficha une mine renfrognée. "D'un autre côté, ces gens sont assez fous pour brûler des herbes dans une telle blessure. Alors qui sait ?"

"Tu ne voulais tout simplement pas avoir cette marque sur toi." Gabrielle fixa un léger bandage sur la coupure, puis elle remonta les fourrures sur sa compagne et lui tendit la gourde. "Est-ce que ça valait toute cette douleur ?"

"Oui." répondit Xena brièvement. "Je ne porte la marque de personne."

Gabrielle pensa au faucon sur son épaule, mais garda le silence. Xena lui avait proposé de l'enlever, après tout, et elle avait choisi de refuser. "C'est étrange, la façon dont les gens utilisent les marques. Je me souviens qu'en Brittania, j'en ai vu tellement. Je ne comprenais pas ce que la plupart d'entre elles signifiaient."

"Des marques de clans, pour la plupart. Le statut, ce genre de choses." répondit la guerrière.

"Je me souviens d'un signe que j'ai beaucoup vu - un serpent avec sa queue dans sa bouche." continua la barde en remettant les herbes et les morceaux éparpillés dans la trousse. "Comme des brassards, parfois."

"C'est un symbole d'éternité." Xena gardait les yeux fermés. "Le cercle qui ne finit jamais."

"L'éternité... c'est comme pour toujours." Elle sourit. "Pas étonnant que j'aimais beaucoup celui-là." Bien qu'elle ait presque cessé de croire à l'éternité, elle envisagea brièvement de s'en faire mettre un sur le bras. Une tentation ? Peut-être. Elle secoua la tête, puis leva les yeux pour voir Xena qui l'observait, et à sa grande surprise, elle sentit les larmes monter.

Xena posa une main sur son bras, perplexe. "Gabrielle ?"

La barde secoua la tête, clignant des yeux et regarda les gouttes tomber sur sa jambe.

"Hé." Désormais alarmée, Xena lutta pour se redresser. "Qu'y a-t-il ?" Elle déplaça son emprise du bras de la barde à son visage, pour la forcer à la regarder. "C'est la marque ? Bon sang, Gabrielle, tu as raison. J'admets que c'était une chose stupide à faire, d’accord ?"

Elle couvrit ses yeux d'une main et laissa échapper un petit rire. "Non... Je suis désolée." Elle se frotta le visage. "Il s'est passé quelque chose dans ce camp et je crois que ça me fait penser à des choses."

"Que s'est-il passé ?" demanda Xena. "Quelqu'un t'a fait du mal ?"

"Non." Gabrielle prit les deux mains de Xena dans les siennes, appréciant la chaleur qu'elles dégageaient. "C'est quelque chose que j'ai fait." Elle prit une profonde inspiration, consciente de l'acuité du regard de Xena sur elle. "Cette femme, celle qui t'a attachée."

"Nellis."

La barde hocha la tête. "Tu t'es battue avec elle."

"J'essayais de faire diversion pour toi."

"J'avais compris." chuchota Gabrielle. "Mais tu...elle..." Elle dût s'arrêter une minute. "Je venais vers toi et je l'ai vue lever son épée et se diriger vers toi."

Xena plissa les yeux alors qu’elle essayait manifestement de rassembler ses ressentis de ce moment avec les images que Gabrielle faisait naître. "Je l'ai évitée plusieurs fois. A un moment, elle m'a déséquilibrée. Je pensais..."

"Oui." acquiesça Gabrielle. "Tu étais tournée vers elle, et elle... son épée venait droit sur toi. J’ai..." Sa propre mémoire la surprit. "J'ai sauté par-dessus la tête de ton cheval et je..." L'image viscérale du couteau lui fit trembler les mains. "Je l'ai arrêtée."

"Mm." Xena ne semblait pas perturbée. "J'ai senti quelque chose me frôler, et tout à coup, tu m'as attrapé le bras." Elle sourit. "Merci." Elle hésita. "Elle ne t'a pas fait de mal, n'est-ce pas ?"

Gabrielle cligna des yeux, regardant dans le vide pendant un moment. "Xena, je l'ai tuée." Elle leva les yeux pour voir le visage choqué en face d'elle. C'était manifestement la dernière chose au monde que son âme sœur s'attendait à entendre.

Une douzaine d'émotions traversèrent le visage de la guerrière avant de laisser place à un chagrin brutal qui laissa Xena muette.

"C'est bon." Gabrielle relâcha sa main et toucha la peau désormais froide de sa joue. "Et avant que tu ne demandes, non, ce n'était pas un accident."

"Gabrielle." répondit Xena dans un souffle. Elle se reprit et attrapa la main qui lui caressait le visage. "Tu vas bien ?" Elle avait l'impression que son monde venait de basculer.

La barde hocha la tête en retour. "J'ai eu l'occasion d'y réfléchir pendant que tu dormais tout à l'heure."

"Bon sang."

"Tu es en colère contre moi ?" Le besoin d'approbation de Xena ne s'était jamais vraiment estompé, comme elle l'avait constaté il y a bien longtemps.

"Je suis en colère contre moi." admit Xena doucement. "Pour t'avoir mise dans une position où tu devais faire ce choix." Un millier de kilos de culpabilité s'abattit sur elle alors qu'elle se laissait retomber sur l'oreiller.

"Et bien..." Gabrielle s'allongea à côté d'elle. "Je ne sais pas - peut-être que le fait d'avoir Dori a changé quelque chose en moi, Xena."

La guerrière la regarda attentivement.

"Je suis devenue plus... J'ai envie de dire égoïste, mais ce n'est pas ça. Plus protectrice de ce qui m'appartient, je suppose." réfléchit Gabrielle. "Plus consciente de ce que je suis prête à faire pour me défendre, moi et ma famille." Elle fit une pause. "Ne dit-on pas qu'il n'y a rien de plus féroce dans la nature qu'une mère avec ses petits ?"

Xena y réfléchit. C'était vrai, réalisa-t-elle. Gabrielle avait changé depuis qu'elle avait eu Dori, sauf qu'elles avaient passé tellement de temps à la maison qu'elle n'avait pas eu l'occasion de vraiment l'apprécier jusqu'à maintenant. Elle était, indéniablement, beaucoup plus féroce, et plus confiante, à la fois dans son propre jugement et dans celui de Xena. J'aurais aimé que ça ait cet effet sur moi à l’époque, soupira la guerrière intérieurement. Différente période, différentes personnes, différentes circonstances, je suppose. "C'est ce qu'ils disent, oui."

"Je n'abandonne pas mon bâton, Xena." Gabrielle se blottit contre elle, enroulant un bras autour de son ventre avant de poser sa tête sur l'épaule de la guerrière. "Je ne choisirai jamais la violence en premier."

"Mm." Xena n'était pas d'accord. L'idée que sa douce âme sœur ait à faire ce choix la rendait malade d'une manière qu'il lui était impossible d'exprimer. Mais Gabrielle avait besoin de son soutien, peu importe ce qu'elle ressentait personnellement. Qu'est-ce qu'être négatif pourrait apporter à l'une ou l'autre, à part de la tension et du malaise, dans une situation où elles ne pouvaient se le permettre ?

D'un autre côté se dit-elle alors qu’une pensée s'imposait soudainement. Combien de personnes as-tu connues dans ta vie qui étaient prêtes à risquer leur vie et leur âme pour te défendre ?

Xena soupira. Puis elle s'approcha de la tête blonde de Gabrielle et l'embrassa doucement. Elle sentit la barde laisser échapper un souffle de soulagement et se détendre, et elle lui ébouriffa les cheveux en signe de profonde affection. "Je vais essayer de rester en dehors des problèmes, dans ce cas." Un autre soupir de soulagement se fit entendre. "Je suis contente que tu m'en aies parlé."

"Moi aussi." Gabrielle se sentait presque étourdie. Elle avait été plus inquiète de la réaction de son âme sœur qu'elle ne l'avait réalisé, et maintenant que c'était terminé, elle n'avait pas envie de bouger d'un pouce.

Xena inclina la tête et regarda la barde à moitié endormie avec un sourire amusé. Puis elle haussa les épaules et remonta les couvertures, avant de fixer un point pensivement dans la pénombre.

********************************

Gabrielle se réveilla lorsque les premières lueurs de l'aube firent passer le ciel extérieur de l'ombre à la lumière. Elle se retourna et regarda comment allait sa compagne, qui dormait toujours, les bras légèrement serrés autour d'elle. La peau de Xena était chaude et elle pouvait voir les sillons sur son front, signe d’une douleur qu’elle ne pouvait pas cacher dans son sommeil. Elle soupira doucement et regarda la guerrière avec inquiétude. "Hé." Elle caressa doucement la joue de Xena.

Lentement, la guerrière battit des cils et des yeux bleus fatigués apparurent. "Salut."

"Tu ressembles à Hadès, ma chérie." Gabrielle caressa doucement ces cheveux. "Tu n'as pas bien dormi, hein ?"

Xena secoua la tête et se déplaça, se mordant visiblement l'intérieur de la lèvre alors qu'elle roulait sur le dos et attrapait sa jambe.

"Attends. Laisse-moi faire." La barde se redressa, alluma la bougie à côté du lit et l'approcha en retirant soigneusement le bandage sur la blessure de la jambe de Xena. Elle retint son souffle brusquement. "Oh. Xena." La coupure était gonflée et tendue, d'un rouge furieux qui était douloureux même à regarder. "Très bien – ne bouge pas." Elle se leva et rassembla les affaires dont elle aurait besoin, avant de s'agenouiller au-dessus du petit brasero de la tente et de remuer les charbons presque morts pour chauffer de l'eau.

Xena l'observa, laissant son poids retomber sur les oreillers avant de remonter les couvertures autour de ses épaules. Elle se sentait, franchement, comme un tas de crottins de centaure. Entre les frissons et la douleur de ses blessures, la nuit avait été pour le moins inconfortable, et la seule chose qui l'avait rendue supportable était la présence de Gabrielle, qui lui avait apporté de la chaleur et avait apaisé un peu son agitation. Elle essaya de se détendre, se préparant à l'épreuve qu'elle savait à venir, la réouverture de sa blessure à la jambe, encore, qui l'élançait si fort qu'elle avait du mal à respirer.

Une légère pression sur la couchette lui fit ouvrir les yeux, pour voir l'expression préoccupée de Gabrielle qui lui faisait face. "Il va falloir l'ouvrir à nouveau."

"Je sais."

La barde lui tendit une tasse. "Tiens, bois ça."

La guerrière la prit et renifla avec méfiance. "Je croyais que c'était moi la guérisseuse."

"Xena, tais-toi et bois." répliqua sa compagne sévèrement. "Ne me complique pas la tâche, d'accord ?"

Elle but le mélange, reconnaissant les herbes pour la fièvre et celles pour le sommeil, sans pouvoir trouver quelque chose à redire. Se forcer à sortir du lit dans l'état où elle se trouvait n'était pas seulement une idée stupide, c'était aussi une idée qui lui vaudrait la colère justifiée de sa compagne.

"Je suis prête." Gabrielle posa une main sur son épaule et la caressa doucement, puis elle posa un morceau de linge frais et propre sur la jambe blessée et se mit au travail, tournant délibérément le dos à Xena pour ne pas avoir à voir la douleur traverser le visage de son âme sœur. Elle ouvrit à nouveau la plaie, la laissa s'écouler, puis la nettoya très soigneusement, rinçant la chair rouge et irritée à plusieurs reprises avec de l'eau propre.

Xena n'avait émis aucun bruit, et la jambe était restée immobile pendant toute la durée du traitement. Gabrielle pansa la blessure avec des herbes calmantes et l'enveloppa fermement, au lieu de remettre des points de suture. Puis elle reposa sa main sur le genou de Xena pendant un moment, avant de se tourner et de rencontrer le regard calme de sa compagne. "C’est fait."

"Merci." murmura Xena avant de regarder sa jambe. "Bon travail."

Gabrielle posa le linge usagé et se retourna pour récupérer une gourde avant de s'assurer que la guerrière en boive une bonne partie. "Je vais aller vérifier les choses pour toi dehors." La barde posa un doigt sur le nez de sa compagne. "Je vais voir ce qu'il y a faire, mettre les gens au travail, m'assurer que tout le monde soit occupé, puis je reviendrai te tenir au courant de ce qui se passe, d'accord ?".

Xena croisa les mains sur son ventre et la regarda d'un air perplexe. "Ok." acquiesça-t-elle "Si tu veux bien me passer un peu de parchemins et quelques plumes. J'ai besoin d'écrire les plans de bataille."

Gabrielle tambourina ses doigts sur le lit. "Tu vas rester ici, n'est-ce pas ? Blottie dans ce lit, bien au chaud et à l'aise ?"

"Oui, je resterai." lui promit Xena gravement. "Si je pouvais avoir une pomme ou quelque chose à mâcher."

"Oh, je pense que nous pouvons faire un peu mieux que ça." Gabrielle attrapa sa main et la ramena à ses lèvres, avant de l’embrasser. "Comment te sens-tu sinon ?"

Totalement, complètement, absolument dégoûtante. "Bien." Xena esquissa un sourire. "Allez, file."

"Très bien. Je reviens dans un petit moment avec le petit déjeuner. Quant à toi, repose-toi un moment, s’il te plaît Xena."

Obéissante, elle ferma les yeux et laissa l'obscurité revenir pour un moment, laissant la douleur s’atténuer doucement derrière elle.

Gabrielle regarda le visage de la guerrière se détendre, et elle passa un moment à rester assise là, à tenir cette main forte serrée dans la sienne. Puis elle resserra un peu plus les couvertures autour de Xena et se leva, avant de se diriger vers la bassine d'eau pour se frotter le visage, se secouant pour se réveiller afin d'affronter la journée.

Elle enfila une tunique rembourrée et des jambières lourdes, puis elle fit glisser l'armure par-dessus sa tête et la laissa reposer sur ses épaules, bouclant la ceinture et arrangeant la dague pour qu'elle repose contre sa jambe. Elle commençait à s'habituer à l'armure, se surprit-elle à réaliser, après s'être demandée longtemps comment Xena avait pu supporter de porter la sienne pendant toutes ces années.

"Je suppose qu'on peut s'habituer à tout, après un certain temps." murmura-t-elle, en passant sa cape sur ses épaules et en attachant la fermeture au niveau de sa gorge. Lorsqu’elle arriva devant l’entrée de la tente, elle se retourna un instant et regarda la guerrière endormie s'agiter. "Je reviens tout de suite, Xena." Elle se retourna et sortit, avant de sursauter brusquement lorsqu'une forme élancée sortit de la brume matinale pour l'accueillir. "Par Zeus... tu m'as fait une peur bleue, Cait."

"Désolé pour ça." s'excusa Cait. "Comment va Xena ?"

"Pas très bien, mais on y travaille." répondit Gabrielle. "Je vais aller voir ce qui se passe, puis je ramènerai le petit-déjeuner ici. Elle dort en ce moment."

"Bien." acquiesça Cait. "J'ai échangé avec Pally pour monter la garde - elle préfère le jour, pour pouvoir dessiner et tout ça, alors j'ai pris les parties de nuit."

"Merci, Cait. Si je sais que tu es là, je me sens beaucoup mieux." Gabrielle sourit à la jeune Amazone. "Il y a toujours des niveaux de confiance, mais il y a seulement une poignée de personnes que je me sens à l'aise de laisser autour de Xena quand elle n'est pas au mieux de sa forme."

"Par les Dieux. Ça c’est un compliment ! Merci." s’exclama Cait, agréablement surprise.

Gabrielle jeta un dernier regard sur l’entrée de la tente, puis elle se mit en route vers la zone centrale d'approvisionnement. Sa tête était encore un peu embrumée, mais sinon elle se sentait plutôt bien, et la brise froide qui se déplaçait dans le campement était agréable.

"Bonjour, Gabrielle." l’aborda Gillen alors qu'elle passait devant l'armurerie de fortune. "Je viens d'avoir des nouvelles des quatre avant-postes - tout est calme pour l'instant."

"C'est bien." répondit la barde avant de soupirer. "Écoute, je pense que je te dois des excuses pour la nuit dernière. La journée avait été longue et j’étais un peu à cran."

La Reine Amazone plus âgée resta silencieuse un moment avant de lui répondre. "Gabrielle, ce n'est pas que je ne te respecte pas." expliqua-t-elle lentement. "Mais je suis la cheffe de mon peuple depuis longtemps, et j'ai vu et fait beaucoup de choses durant cette période."

"Je comprends cela, Gillen. Ton expérience est inestimable pour ce que nous faisons ici."

Gillen soupira. "Gabrielle, puis-je parler franchement ?"

"Bien sûr."

"Je suis assez vieille pour être ta mère."

Gabrielle se mordilla l'intérieur de la lèvre. "Et devoir m'écouter te rend complètement folle, n'est-ce pas ?"

"Quelque chose comme ça." répondit la Reine Amazone en inclinant sa tête. "Je sais que tu as de l'expérience, Gabrielle. Dans certains domaines, plus que moi. Je sais que tu as voyagé, et que tu as vécu plusieurs années avec une stratège très avisée, mais bon sang, tu n'es encore qu'une enfant !".

"Mm." Gabrielle ouvrit le rabat de la tente sommaire qu'ils avaient montée pour que les commandants de bataille s'y retrouvent. Elle pouvait déjà entendre des voix de l’autre côté et elle soupira. "J'aimerais me sentir comme une enfant parfois." admit-elle doucement. "Gillen, tu vas devoir me faire confiance. J'ai vraiment une idée de ce qui se passe, et en toute honnêteté, il y a des choses que Xena sait, et pour lesquelles elle a des projets, et qu'elle ne veut dire qu'à moi."

"Elle ne nous fait pas confiance ?"

"Vu ce qui s'est passé à Amphipolis, tu aurais confiance toi ?"

Gillen fit un bruit de succion avant de s’engouffrer dans la tente, suivit de Gabrielle. "On en reparlera."

Gabrielle hocha la tête, puis se dirigea vers la table de la tente, qui était couverte de cartes et entourée de silhouettes à moitié éclairées. "Bonjour."

Les têtes se tournèrent vers elle. "Bonjour, Gabrielle." répondit Ephiny en lui faisant un geste de la main. "Comment va Xena ?"

"Elle va bien." Les rassura la barde. "L'entaille à la jambe est le pire. Mais les bleus ont déjà commencé à s'estomper. Tu connais Xena."

"Elle est coriace." répliqua Tyldus en hochant la tête gravement. "Mes guerriers ont mis en place une routine pour échanger des informations avec les avant-postes - nous ne voulions pas nous fier qu’aux feux pour donner l’alerte."

"Bien." Gabrielle fit le tour de la table et étudia la carte. La rivière occupait une place importante et leurs positions sur la rivière étaient soigneusement marquées et déployées dans un arc défensif qui couvrait l'étendue du pont, jusqu'à la forêt. Les avant-postes étaient indiqués, le plus éloigné se trouvant juste au point où les collines descendaient vers la vallée de la rivière. La route qu'il surveillait était la seule route terrestre qui approchait d'Amphipolis, et qu'Andreas devrait utiliser pour ses chariots d'approvisionnement. Il pouvait les faire sortir de la route, mais les zones marécageuses et les saillies de granit rendaient le passage en chariot très difficile, et ils comptaient sur le fait qu'Andreas n'ait pas eu le temps de trouver de nouveaux chevaux pour utiliser un convoi de marchandises à la place.

Le plan était donc de le laisser venir en tête, le long de la route jusqu'à ce qu'ils passent les contreforts. Alors les Amazones commenceraient à les attaquer via de petites frappes rapides, en utilisant la forêt qui encerclait la vallée de la rivière pour se couvrir, et leurs chevaux pour s'échapper rapidement.

Non pas que cela arrêterait Andreas, bien sûr, mais cela pourrait démoraliser certaines de ses troupes, et comme l'avait dit Xena, chaque soldat qu'elles mettraient hors d'état de nuire était un de moins à affronter au combat. "Comment se portent les fosses et les pièges ?"

"Pas mal." grogna Bennu. "J'ai besoin de plus de piques, par contre."

"Nous en avons ici." répliqua Gillen en hochant la tête. "Je t'en enverrai un paquet à cheval après la réunion."

"Xena voulait envoyer les troupes qui ne sont pas à cheval dans la plaine aujourd'hui, pour s'entraîner au combat rapproché." leur rappela Gabrielle. "C'est notre point faible."

"Exact." confirma Paliemon. "Nous sommes des individualistes passionnés." gloussa-t-il en se frottant la main dans ses cheveux blonds coupés court. "D’après Xena, on a environ quatre jours, c'est ça ?"

"On dirait bien, oui. Peut-être un peu moins - ça dépend si Andreas les pousse ou pas. " répondit Gabrielle, en penchant la tête alors qu'elle entendait un faible grondement de tonnerre. " Et je pense que la météo joue en notre faveur. Discipline ou pas, marcher dans la boue ne fait que ralentir les choses."

"Gabrielle, quel est le plan si nous ne pouvons pas les retenir ?" demanda soudainement Gillen.

La barde pointa du doigt un emplacement sur la carte. "On se replie derrière la rivière." répondit-elle. "On détruit le pont et on monte le gué. Xena a fait entourer les troncs de chaînes et a laissé les extrémités sur le côté opposé."

"Mais combien de temps ça va les retenir ?" insista Gillen.

"Ça dépend." Gabrielle s’appuya sur la table. "L’avantage avec la rivière, c'est qu'on peut les retenir là avec une force réduite et commencer à déplacer les troupes et les villageois qui restent vers la vallée." Elle déplaça un pion sur la carte. "Tant qu'ils ne traversent pas et ne nous bloquent pas à partir de là, tout ira bien. Mais Xena espère les retenir ici assez longtemps pour que le mauvais temps s'installe et alors cela deviendra vraiment très dur pour eux. La rivière ne gèle pas ici, mais les sources extérieures vers les collines oui."

"Donc, s'ils percent, on doit les empêcher de se mettre entre nous et le chemin qui traverse le col vers la vallée ?"

"Exact." confirma Gabrielle. " Xena pense que si nous pouvons les garder de ce côté de la rivière suffisamment longtemps, quand le temps commencera à s'éclaircir, nous pourrons commencer à les repousser." Le tonnerre gronda encore. "Je ne... ". Le bruit de sabots s'approchant stoppa ses explications. Tyldus trotta jusqu'au rabat de la tente et regarda dehors, reconnaissant le son comme celui d'un centaure et non d'un équidé. Il pencha sa tête à l'extérieur un long moment, puis la ramena à l'intérieur. "Gabrielle, l'avant-poste le plus éloigné envoie un message disant qu'ils ont laissé passer des réfugiés." Le visage du Centaure était grave. "Ils fuient devant l'armée d'Andreas, et ils ont des histoires horribles à raconter."

Gabrielle hocha la tête. "Ephiny, prends deux guerrières, et quelques chevaux supplémentaires - et vois si tu peux les faire venir ici plus rapidement. Nous avons besoin de ces informations." Elle se redressa. "Je vais expliquer la situation à Xena. Je pense qu'elle voudra leur parler dès qu'ils seront là."

Il y eut un moment de flottement dans la pièce mais Gabrielle l'ignora et sortit de la tente pour se diriger vers la zone de préparation des repas. Elle récupéra un panier de petit-déjeuner puis retourna  vers la tente où son âme sœur se reposait.

Cait et Paladia étaient assises côte à côte près du rabat de la tente, partageant du pain et du fromage. Gabrielle leur fit un petit signe de la main, avant de se glisser à l'intérieur de la tente et de diriger automatiquement ses yeux vers la couchette. Xena était toujours recroquevillée et endormie, son corps enfin détendu à l'exception de la faible crispation de ses doigts contre les couvertures.

La barde posa son panier et s'agenouilla aux côtés de Xena, souhaitant ne pas avoir à la réveiller. Finalement, elle tendit la main, testant la température de la peau bronzée, et ne fût pas surprise lorsque la guerrière commença à battre des cils. "Désolée."

Xena bâilla et cligna des yeux, se concentrant sur le visage de Gabrielle à contrecœur. "C'est ta faute." gronda-t-elle. "Tu as mis assez de ces foutues herbes dans cette tasse pour assommer Argo."

"Je te trouve un peu mieux." remarqua Gabrielle.

"Ungh." Xena roula sur le dos et s'étira prudemment. "Cette jambe me tue, mais tout le reste semble aller bien." Elle sonda la zone bandée. "Mais ça ne semble pas aussi serré qu'avant."

"Bien." Gabrielle rapprocha son panier et s'assit en croisant les jambes pour en fouiller le contenu. "Il y a quelques réfugiés qui arrivent. Ils ont croisé l’armée d'Andreas. J'ai pensé que tu voudrais leur parler." Elle remua un épais ragoût de chevreuil et en offrit une cuillerée à sa compagne blessée. "Ouvre grand."

"Gabrielle." Xena se redressa légèrement. "Je ne suis pas Dori."

"Je sais. Elle aurait juste ouvert la bouche et ne m'aurait pas embêtée." répondit la barde en la regardant sérieusement. "Ouvre." Elle récompensa la guerrière d'un sourire lorsqu’elle s'exécuta et commença à grignoter. "J'ai envoyé Ephiny chercher nos invités, et il semble que Bennu et Paliemon aient les pièges et les fosses sous contrôle."

Le tonnerre couvrit les mots suivants et elle fit une pause, pour attendre qu'il finisse. "Et, il va pleuvoir."

"Apparemment." Xena tendit la main et la posa sur le coude de Gabrielle. "Ils ont fini les fosses ?"

"Presque." Gabrielle lui offrit une autre cuillerée. "Ils ont commencé à demander d'autres piques." Une image vive lui vint à l'esprit de l'utilisation de ces bâtons et elle grimaça. "Je sais que c'est stupide, mais j'aimerais qu'il y ait un moyen pour nous de faire ça sans se battre."

"Tu aimerais ?"

Un soupir. "Ouais." Gabrielle secoua la tête en regardant le ragoût. "Je sais que c'est une personne maléfique, et je sais que quelqu'un doit l'arrêter, mais bon sang, Xena - il devrait y avoir un meilleur moyen."

"Tu le penses vraiment ?"

"Oui." Gabrielle leva les yeux au ciel. ""A ce stade, c'est un peu stupide, non ?"

Xena lui sourit. "Non." Elle frotta le bras de son âme sœur. "Je suis heureuse que tu ressentes cela. C'est la bonne façon de penser, Gabrielle - parce que tu as tout à fait raison. Il devrait y avoir un meilleur moyen. La guerre est stupide." Elle souffla. "Crois-moi, j'ai eu le temps d’y réfléchir. Si j'avais pu trouver un moyen de l'arrêter sans passer par là, je l'aurais fait sans hésiter." Elle secoua la tête. "Mais il n'y en avait pas. Pour négocier, comme tu le sais, tu dois avoir quelque chose que l'autre personne veut. Soit des terres, soit de l'argent, soit quelque chose d’autre d’important pour lui - la seule chose que je pouvais négocier était que nous arrêtions de lui résister, mais il sait qu'il a une force assez grande pour nous écraser de toute façon."

"Il le sait ?" répéta la barde en croisant le regard de son âme sœur.

"Oui, il le sait, ou du moins, il le croit." rectifia Xena. "Tout ce que nous pouvions vraiment faire, c'est fuir, ou nous séparer en petits groupes et le harceler".

"Ça aurait marché ?"

"Peut-être. Après un long moment, et après qu'il se soit déchaîné sur tous les autres." Xena soupira. "Ça aurait été très difficile à coordonner."

Gabrielle lui donna une autre cuillère de ragoût. "Tu veux prendre ça ? Je vais encore changer ton bandage. Je pense que l'emballer avec ce mélange d'herbes a aidé." Elle lui tendit le bol. "Mais Xena, ça ne va pas guérir en trois jours."

Il y eu un moment de silence, puis un léger frottement de la cuillère contre le bois se fit entendre. "Je sais." répondit Xena d'une voix égale. "Ce ne sera pas la première fois que je me bats avec une blessure."

"Xena..."

"N'oublie pas, Gabrielle, c'est comme ça que j'ai appris à être aussi bonne à cheval que je le suis - je n'avais pas le choix." La guerrière la regarda sérieusement. "Tant que je peux rester sur le dos d'Argo, tout ira bien."

Gabrielle se leva et se mit à faire les cent pas, visiblement agitée. "Xena, ce n'est pas la même chose. Ils vont venir droit sur toi, nous le savons toutes les deux."

"Ce n'est pas négociable." déclara la guerrière sans ambages. "Je dois être là-bas, Gabrielle." Xena s'assit, puis elle balança avec précaution ses jambes sur le bord du lit. "J'ai combattu avec pire que ça."

Gabrielle la regarda un moment sans rien dire, puis soupira. "Pas ce genre de combat." Elle ramassa ses affaires et s'assit sur le sol dans un bruit sourd, se défoulant sur les bandes de lin qu'elle retirait du sac. "Têtue" murmura-t-elle dans son souffle, alors qu'elle préparait un autre pansement.

Des doigts lui griffèrent légèrement la nuque et elle tourna la tête, de mauvaise humeur, pour découvrir deux yeux bleus pétillants qui la regardaient. La guerrière lui fit un clin d'œil et elle répondit en lui tirant légèrement la langue.

Xena prit cela comme une invitation et inclina la tête pour capturer la petite tranche rose, puis elle prolongea le contact lorsque Gabrielle renversa la tête en arrière, les muscles de son cou se relâchant alors que l'exploration taquine faisait naître une douleur familière dans son ventre.

Elles s’arrêtèrent pour respirer et la barde frotta sa joue contre la jambe chaude à côté d'elle, en regardant sa compagne, les yeux à demi-fermés. "Je pense..." Elle prit une inspiration et commença à défaire le bandage. "Je ferais mieux de m'occuper de ça." Un souffle doux déplaça ses cheveux et elle sentit un petit grignotement contre son cuir chevelu. "Tant que je le peux encore."

Xena gloussa, un son riche et profond qui fit vibrer ses sens. Elle travailla alors encore plus rapidement, retirant le vieux linge avant de soigner et de refaire le bandage, distraite par des caresses subtiles qui couraient le long de ses bras, puis faisaient le tour de son ventre, la chatouillant à des endroits inattendus. "Xena." Gloussa-t-elle doucement, en essayant d'enrouler le bandage autour de la cuisse musclée. "Oh... hum, ne bouge pas... euh, non, à la réflexion..." Ses mains glissèrent du lin à la peau, retournant les touches légères avec précaution, mais maintenant que sa tâche était terminée, les doigts explorateurs devenaient plus insistants. "'Tu sais...il fait jour dehors."

Xena grignota le cou de sa compagne jusqu'à son oreille. "Et où veux-tu en venir ?" grogna-t-elle.

"Ce que je veux dire..." Les mains de Xena touchèrent un point très sensible et elle oublia de respirer un instant. "Hum... ce que je veux dire c'est..."

"Mmm ?" Xena mordit la peau de son cou, enroulant le petit pli entre ses dents avant de le lécher.

"Um."

"Oh... J'ai trouvé ce que tu veux dire...." Xena avait décroché son armure et glissé une main sous celle-ci.

Gabrielle sentit sa bouche s'assécher et elle se retourna, se glissant sur le lit et tendit prudemment la main vers le corps meurtri de sa compagne. C'était...

Un peu effrayant, car elle savait que quelqu'un pouvait entrer à tout moment.

Xena la tira vers le bas en s'étendant à côté d'elle, et elle cessa alors de se soucier du fait que quelqu'un puisse entrer ou non.

"Plus d’arguments ?"gronda doucement la voix basse.

Gabrielle inclina la tête et embrassa les lèvres en attente. "Non." chuchota-t-elle.

"Bien." Et Xena sourit.

***************************************

La tente était très silencieuse. Le brasero sur le côté émettait de temps en temps des crépitements  et le vent ébouriffait la toile de tente, faisant vaciller la bougie sur le bureau rudimentaire. Mais le doux bruit de la pluie était tout ce que Xena pouvait entendre de l'extérieur alors qu'elle était assise, les doigts enroulés autour d'une plume d'oie, et qu’elle écrivait d'un trait ferme et régulier.

Les troupes, elle le savait, étaient devant le camp en train de faire des exercices, malgré le temps, et les réfugiés étaient presque arrivés jusqu'à la rivière. Xena s'arrêta et posa sa plume, puis elle prit une tasse chaude et but une gorgée de l'infusion, la faisant tourner dans sa bouche avant de l'avaler. Elle se déplaça un peu et grimaça, puis elle remit lentement sa jambe dans une position plus confortable. La douleur s'était étendue jusqu'à son genou et s'asseoir n'arrangeait rien.

Tout le reste de son corps lui faisait mal aussi, et le froid et l'humidité faisaient des ravages dans son corps malmené. Xena s'autorisa un moment d'apitoiement, puis elle secoua la tête et se remit à écrire, prenant une autre gorgée de thé tandis qu'elle recopiait soigneusement la liste des troupes sous son commandement.

Elle rapprocha une carte et l'étudia, puis elle hocha la tête et griffonna quelque chose d'autre, avant de lever la main et de resserrer un peu plus sa cape autour de son cou. Un léger bruit de pas lui fit dresser les oreilles et elle s'arrêta et regarda le volet de la tente lorsqu'il fut poussé sur le côté et qu'Arès entra, la langue pendante et l'eau scintillant sur sa fourrure sombre. "Salut, bonhomme". Xena se surprit à sourire, heureuse de voir son ami à fourrure. "Viens ici."

Ares trotta obligeamment vers elle et colla sa grosse tête sur ses genoux, la mouillant et percutant douloureusement sa blessure. Elle ignora la douleur et frotta ses oreilles. "Comment vas-tu, hum ?" Elle toucha son cou et déclipsa le support osseux rond, faisant glisser la bande de boyau avant d’ouvrir la petite capsule. A l'intérieur se trouvait un morceau de parchemin étroitement enroulé, qu'elle défit et étala sur la table, avant de le lire tout en continuant de caresser Ares. Le mot de sa mère était bref, comme d'habitude, et précis. Xena secoua la tête et le retourna, puis elle récupéra sa plume, la plongea dans l'encre et écrivit une courte réponse. "Je vais bien, juste quelques égratignures - ne t'inquiète pas. Gabrielle va bien. Dis à Dori que nous l'aimons. X.

Elle l'enroula de nouveau et l'inséra. "Ça te dirait un peu de ragoût avant de repartir, hein, Ares ?"

"Arogr." Le loup lécha son genou.

"Hé, Paladia !" Xena éleva la voix, réussissant à faire un demi-sourire lorsque la grande Amazone austère passa la tête dans la tente.

"Ouais ?"

"Demande à l'un des gars dehors d'apporter une marmite de ragoût la prochaine fois qu'ils passeront, d'accord ?"

L’Amazone la regarda.

"Assez pour nous toutes ?" suggéra Xena.

"D'accord." accepta Paladia. "C'est le seul moyen de me nourrir de toute façon. Ils ne l'auraient pas apporté juste pour moi."

Xena décida de ne pas lui dire que le ragoût était pour le loup. "Bien."

Paladia disparut et Xena releva la tête pour revoir son travail. Quelques instants plus tard, un léger coup sur la surface de la tente lui fit lever les yeux, et elle vit Gillen se tenir dans l'embrasure de la porte. "Entre."

L'Amazone plus âgée entra. "Heureuse de te voir debout et dans le coin." commenta-t-elle en s'asseyant sur l'un des tabourets bas près du bureau.

"Ce n'est pas la première fois que je prends quelques coups." déclara Xena en balayant ses blessures d'un geste de la main. "Que puis-je faire pour toi ?"

"Pourtant, ça ne devient pas plus facile, n'est-ce pas ?" Gillen sourit. "Je sais que mes os détestent ce temps et ça fait des années que je n'en ai pas cassé un seul."

"Mmm." Xena approuva de la main. "Comme tout le reste, tu fais avec." Elle griffonna un numéro sur sa liste. "Ce temps est notre ami."

"Vrai." approuva la Reine Amazone. "Mais la maladie ne nous aidera pas du tout."

"Le temps qu'une vraie maladie apparaisse et se propage par ici, la bataille sera terminée." répondit Xena platement. "L’entraînement pourrait sauver des vies."


Gillen réfléchit à cela, en faisant un léger bruit de succion avec sa lèvre inférieure. "Une vision intéressante des choses." admit-elle. "Bon, je vais aller aux avant-postes. Voir s’il se passe quelque chose."

Xena hocha la tête. "Bonne idée. Je pense prendre un groupe à cheval dans un jour, quand Andreas sera un peu plus près."

Gillen regarda la silhouette robuste derrière le bureau, son profil puissant se dessinant à la lumière des bougies. A la lueur de l’éclairage, on pouvait manquer les nombreux bleus, mais elle savait qu'ils étaient là, et la ligne d’abrasion douloureuse à travers ses yeux, ainsi que la coupure saillante à sa gorge étaient en revanche bien visible. "Tu es sûre d'être prête pour ça?"

Un regard bleu, très froid, rencontra le sien. "Tu en doutes ?"

La Reine Amazone leva une main. "Je demande juste." Gillen se leva. "Tu es une dure à cuire, Xena, et on le sait tous. Ne te sens pas obligée d'insister sur ce point." déclara-t-elle avant de sortir, laissant la guerrière réfléchir à ses paroles.

Xena regarda la tente maintenant vide et prit une gorgée de thé. Elle s’apprêta à retourner à son écriture quand elle entendit des pas très doux et familier s'approcher. Elle appuya son menton sur son poing et sourit lorsque le rabat fut écarté et que Gabrielle entra, une casserole en fonte suspendue dans une main. La barde était trempée, ses cheveux clairs collaient à sa tête, et l'humidité de la pluie scintillait sur son visage. "Gabrielle." soupira Xena. "Tu n'avais pas besoin d'apporter ça ici. Quelqu'un d'autre dans ce camp de plus de mille personnes aurait pu le faire."

Un sourire humide lui répondit. "Hé, Ares ! Comment ça va ici ? Il fallait que je vienne ici de toute façon. Je suis gelée et j'avais besoin de me changer." Elle posa le pot sur la table et se dépouilla de sa cape. "Est-ce que je viens de voir Gillen sortir d'ici ?" Elle fit une pause pour ébouriffer la fourrure du loup, qui s’était levé et se frottait contre ses jambes.

"Oui oui." Xena se releva péniblement et boita jusqu'à ses sacs pour sortir une de ses propres tuniques chaudes et un morceau de lin. "Tiens." dit-elle en lui tendant le bras. "C'est la plus lourde que nous ayons."

"Brr. Merci." Gabrielle retira son armure et la chemise rembourrée qui se trouvait dessous, puis elle se glissa rapidement dans le tissu merveilleusement chaud. "Mmm." Elle serra ses bras autour d’elle. "Alors. Qu'est-ce qu'elle voulait ?"

"Me donner du fil à retordre." grommela la guerrière. "Je ne sais pas où tout le monde va chercher l'idée que j'ai cette attitude qui consiste à rester stoïque et à prouver que ça ne fait pas mal."

Gabrielle s'arrêta en plein mouvement alors qu'elle attachait sa ceinture, et ses sourcils se soulevèrent presque jusqu'à la racine de ses cheveux alors qu'elle jetait un coup d'œil à son âme sœur, qui boitait dans la pièce d'un air déterminé. Elle renifla doucement, puis retourna à sa tâche. "Je ne peux pas imaginer."

Xena s'arrêta. "Quoi ?"

"Rien." La barde sourit. "Tu penses faire une sorte d’échauffement là ou tu préfères t'asseoir et me laisser changer tes bandages ?".

La guerrière mit ses mains sur ses hanches et la fusilla du regard. "Tu te moques de moi, n'est-ce pas ?"

"Non." répondit Gabrielle en secouant la tête. "Je ne ferais jamais ça." Elle s'approcha et tendit les mains. "Viens ici."

Xena plissa les yeux, mais s'exécuta en se rasseyant difficilement sur sa chaise avant de souffler. "Ça ne s'arrange pas."

"Eh bien, tu sais, chérie - comme tu me le dis toujours, il faut du temps à ton corps pour réparer les choses." répondit Gabrielle légèrement, en s'agenouillant pour dénouer le laçage qui maintenait les jambières avant de retirer le bandage. "Ça a l'air mieux." Elle leva les yeux à temps pour voir l'expression légèrement découragée sur le visage de Xena. "Ça ne fait qu'un jour, Xena."

La guerrière releva la tête. "Je sais." admit Xena. "Mais il y a tellement de choses à faire, et si peu de temps pour le faire, Gabrielle. Je n'ai pas le temps d'être blessée."

"Peut-être que si tu te reposais un peu..." suggéra Gabrielle gentiment. "Les réfugiés ne seront pas là avant une autre bougie au moins - pourquoi ne pas t'allonger en attendant ?"

"Ça n'aidera pas."

"Ça ne fera pas de mal." Gabrielle ajouta des herbes sur la blessure et refixa le bandage, consciente des muscles qui bougeaient avec agitation sous ses doigts. "Ares est juste en visite ?"

"Non." Xena poussa un soupir de mécontentement. "Il a apporté un mot de ma mère, qui s'inquiète pour rien, comme d'habitude."

"Tu veux dire qui s'inquiète pour toi, comme d'habitude." Gabrielle renoua les lacets de cuir souple, et donna une petite tape à la jambe blessée. "Tout va bien là-bas ?"

"Dori va bien – ma mère a parlé de plumes et d'un seau, mais n'a pas donné de détails." Xena se redressa et tira un ensemble de bols en bois, les sépara, puis les remplit du ragoût fumant et richement parfumé.

"C'est pour Paladia ?" Gabrielle en prit un en regardant Xena hocher la tête. "Je vais lui passer." Elle se leva et se dirigea vers le rabat de la tente, passa la tête à l'extérieur et aperçut la forme austère et humide juste à l'extérieur. "Hé... tu as faim ?"

Paladia leva les yeux, ses cheveux blonds lisses dégoulinant dans ses yeux clairs. "Ouais." Elle prit le bol et remonta ses genoux. "Merci." Un rabat de la toile de tente avait été consolidé pour abriter l'avant de la pluie battante, mais il était difficile de rester au sec à cause du vent.

Gabrielle s'esquiva à l'intérieur et ramassa sa cape plus épaisse, qui avait une couverture imperméable, puis elle retourna dehors et l'offrit à Paladia. " Tiens... Je pense que c'est un peu mieux que la tienne."

Paladia arrêta de manger et posa son bol, puis elle prit la cape et l'examina. Elle releva alors la tête et croisa le regard de Gabrielle, alors que les souvenirs de leur première rencontre remontaient à la surface. "Merci, Gabrielle."

Légèrement choquée, la barde réalisa que c'était la première fois que Paladia utilisait son nom depuis leur rencontre dans la caverne. "De rien, Paladia." répondit-elle calmement.

Les yeux gris l'examinèrent un moment de plus, puis Paladia retourna à son ragoût, après avoir replié la cape autour de son corps pour se protéger de la pluie. Gabrielle rentra dans la tente et trouva sa compagne courbée sur le bureau, mâchant à moitié son ragoût.

La pauvre. La barde pouvait voir à la raideur de ses mouvements à quel point sa meilleure amie était mal. Elle s'approcha, lui prit la cuillère et la replaça dans le bol, puis elle attrapa sa main et croisa leurs doigts. "Viens." dit-elle avant de la tirer.

Xena envisagea d'argumenter, mais renonça finalement et se laissa conduire jusqu'à la couchette, où elle se laissa tomber avant de s’allonger. Elle s'attendait à ce que Gabrielle la borde, mais elle ne s'attendait pas à la chaleur supplémentaire du corps de la barde se repliant autour du sien, alors que celle-ci la rejoignait dans le lit, tirant les couvertures sur elles deux.

Bon sang, ça fait du bien. Xena souffla de soulagement. D’accord, peut-être qu'une sieste n'était pas une si mauvaise idée après tout.

Elle était peut-être un peu grincheuse.

La voix de Gabrielle flottait paresseusement au-dessus d'elle, tandis que les mains de la barde frottaient ses épaules, soulageant la raideur de celles-ci. Même la fièvre qu'elle avait sentie s'installer dans ses os semblait s'estomper. Elle ferma alors les yeux, abandonnant le combat pour le moment.

"Et puis, la barde arriva dans un petit village haut dans les collines, et elle trouva les gens du village en train de se battre furieusement." Gabrielle sentit Xena se détendre contre elle et sourit. "Ils expliquèrent à la barde que le village était divisé en deux parties et que tous les gens aux cheveux noirs restaient d'un côté, et que tous les gens aux cheveux clairs restaient de l'autre côté. "

"Mmm." Le coin de la bouche de la guerrière se contracta.

" Et la barde dit : "Mais vous êtes tous issus des mêmes familles, comment pouvez-vous vous diviser ainsi ?". Le peuple lui répondit. "Nous le devons, parce que nous sommes différents. Tu vois comme nous sommes différents ? Les gens aux cheveux noirs n'aiment pas les gens aux cheveux clairs, car ils sont fourbes."

"Sournois." murmura Xena.

Gabrielle gloussa doucement. "Parfois, oui." ajouta-t-elle en aparté. "Et les gens aux cheveux clairs s'en offusquèrent, alors ils se mirent en colère et jetèrent des pierres sur les gens aux cheveux noirs, jusqu'à ce qu'ils s'enfuient tous, et se réfugient derrière leurs murs, jurant de sortir le lendemain et de se battre à nouveau." Elle se tut en voyant le regard paisible de sa compagne.

"Et ?" La voix de la guerrière était basse, mais intelligible.

"Je croyais que tu t’endormais."

"Je repose mes paupières."

"Mm. Je vois. D’accord, et bien..." Gabrielle remua ses orteils et se mit plus à l'aise. "La Conteuse était très triste, alors elle alla avec les gens aux cheveux clairs, car elle leur ressemblait et elle les écouta planifier leur guerre. Elle essaya de leur dire à quel point ils avaient tort, mais les gens ne l'écoutaient pas, et lui dirent simplement qu'elle ne comprenait pas."

"Tous les gens aux cheveux noirs sont mauvais, et violents, et nous ne pouvons pas leur faire confiance. " lui expliquèrent-ils. "Vous avez vu vous-même les mots horribles qu’ils disent sur nous. Nous devons les combattre et débarrasser notre village de leur horrible espèce." Ses doigts défaisaient lentement les nœuds des mèches sombres qui débordaient sur sa poitrine.

"Et la barde pleura." chuchota Gabrielle. "Vous avez tort," dit-elle. "Ma meilleure amie a les cheveux noirs, et il n'y a pas de meilleure personne dans le monde entier." Elle traça une pommette avec un doigt. "Mais alors qu'elle essayait de les convaincre, un grand cri s'éleva, et tous les gens aux cheveux clairs se précipitèrent pour voir ce qui se passait. La barde les suivit, et ils se rassemblèrent tous autour du puits situé au centre des petites maisons qu'ils habitaient."

"Mmm."

"Or, ce puits était très profond, et très glissant, et un homme cria en arrivant qu'un enfant, le plus jeune du village, avait glissé en allant chercher une louche d'eau et était tombé dans le puits." La barde sentit la légère expiration de la guerrière. "Et les gens aux cheveux clairs appelèrent la barde et dirent : "Toi qui es sage, tu dois nous aider. Comment pouvons-nous sauver cet enfant ? Nous n'avons pas de corde, car c’est le peuple aux cheveux noirs qui les a toutes, et nous ne pouvons pas atteindre l'enfant, qui sanglote et nous brise le cœur."

"Et ainsi." murmura Gabrielle. "La barde réfléchit, et réfléchit, puis elle leur dit. "Je peux faire venir quelqu'un pour vous aider, mais vous ne l'aimerez pas." Les gens crièrent que ça n'avait pas d'importance et dirent à la barde de le faire. "J'ai des pouvoirs." expliqua alors la barde. "Ma magie me permet de fermer les yeux, et de souhaiter de tout mon cœur ce dont j’ai le plus besoin, et quand je fais ça, une amie très spéciale vient à moi."

La guerrière était endormie maintenant, respirant lentement et régulièrement.

"Alors je l'ai fait." Gabrielle baissa la voix. "Et tu es venue." Elle pressa ses lèvres contre la tête de Xena et soupira, gardant le reste de l'histoire pour plus tard.

En espérant qu'il y ait du temps plus tard, parce qu'elle savait qu'après ce bref moment de paix, le temps allait se raccourcir impitoyablement, les amenant vers un conflit dont les contours se dessinaient déjà là-bas, pas très loin d’elles.

Et Xena n'était pas prête pour ça.

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A suivre au chapitre 21




 

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