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28 avril 2024

Cible mouvante, chapitre 32

Cible Mouvante

(Moving Target)

Missy Good (Traduction Fryda – 2023)

Chapitre 32

***********************************************

« D’accord, d’accord, d’accord. » Elena les poursuivit sur la passerelle. « Que je mette ça au clair. »

« C’est votre première erreur », marmonna Kerry. « Rien de tout ça n’est clair. »

« Surtout pas nous », fit remarquer Dar en réfrénant un sourire.

« Dar. »

« Vous êtes en train de me dire que tout ce truc, tous ces bateaux et vous, ce truc entier, tout ça… c’est de l’énorme caméra cachée ? » La journaliste du Herald semblait profondément incrédule. « Vous êtes dingues. »

« On s’est posées la même question ces dernières semaines », admit Kerry. « Mais non, on ne blague pas. C’est vraiment fait pour un chaudron à fondue mongolienne de télévision. »

Elena attrapa le bras de Kerry et la fit s’arrêter. Kerry se retourna et Dar, sentant qu’il n’y avait plus de mouvement derrière elle, s’arrêta aussi et se retourna.

Voyant sa compagne retenue, elle revint à grands pas dans l’autre direction.

« Tout doux, la cogneuse. » Elena tint Dar à distance de sa main libre. « Maintenant vous m’écoutez toutes les deux », ajouta-t-elle. « Vous vous rendez compte du scoop que vous venez de balancer ? Quelle histoire stupéfiante c’est ? Alors je dois être sûre que c’est vrai, parce que quand j’appellerai pour le divulguer, les sous-vêtements de mon éditeur vont faire la roue trois fois et finir en chaussettes. »

Kerry fut impressionnée par le discours fleuri. « Bien sûr, nous le savons », répondit-elle. « Après tout vous vous êtes intéressée à nous, les locales, ça donne une bonne raison pour que nous vous rendions la faveur, pas vrai ? »

La journaliste regarda Dar puis Kerry. « C’est vraiment vrai ? »

Dar hocha la tête.

« Bon… c’est quoi votre plan alors… qu’est-ce que vous allez faire ? » Demanda Elena. « Vous venez de réparer quelque chose sur leur navire, n’est-ce pas ? »

« C’est exact. Je… »

« Dar. » Kerry dépassa la journaliste et attrapa le bras de sa compagne. « Regarde. »

Elles regardèrent par-dessus le bastingage vers le quai. Shari emmenait l’équipe de tournage en direction du navire, avec une expression déterminée. Quest apparut à gauche et se dépêcha de la rattraper, les croisant au bout de la passerelle de montée. « Qu’est-ce qui se passe ici ? »

« Qu’est-ce qui se passe ici ? » Shari se tourna vers Quest. « Vous nous avez posé un défi et nous l’avons dépassé. Il est temps de vous l’exhiber maintenant et de montrer au monde ce que nous savons vraiment faire. »

« Dar ! » La mâchoire de Kerry s’affaissa. « Tu viens juste de réparer pour elles et maintenant… »

La journaliste posa ses mains sur le bastingage. « Bon, je devine qu’elle n’est pas au courant du plan tv ? »

« Si. » Dar ressentit un goût acre à l’arrière de sa langue. « Mais je présume qu’elle a décidé de prendre le chemin de la mesquinerie.  Bon sang. »

« Arrête-la », la pressa Kerry. « Allons, Dar… tu ne peux pas la laisser retirer les honneurs pour ce que tu as fait ! »

« Ouaouh. » Elena était derrière elle et prenait des photos.

« Dar ! »

Est-ce qu’elle devait simplement les laisser faire ce qu’ils voulaient ? Non, supposa Dar. Avec un soupir dégoûté, elle passa près de Kerry et de la journaliste et descendit la passerelle vers le navire. « Je vais sûrement devoir sauter à bas de ce truc aussi. Ça devrait faire une bonne vidéo. »

En bas, Shari montait la passerelle, l’équipe de tournage sur ses talons. Quest attendait au bout, les regardant avec une expression intriguée sur le visage. « Je présume que c’est la fin que vous recherchiez », fit-il remarquer à Cruickshank qui passait près de lui.

« Et bien… je vais prendre ça », dit la journaliste. « Nous devrons aller voir les autres après ça et avoir quelques vidéos de réactions… ne dites rien à personne avant que nous le fassions. Je veux voir leurs visages. »

Dar grogna doucement. « Regarde ça, espèce de petite… » Elle choisit un endroit près de la passerelle et mit les mains sur la rambarde.

Kerry mesura la distance du deuxième étage jusqu’au sol et accéléra, ses mains tendues pour attraper Dar et prévenir un saut éventuel par-dessus la rambarde vers le sol. « Oh, maimaimai….qu… »

Dar s’arrêta inopinément. Kerry s’écrasa contre elle. « Hé ! »

« Chut. » Dar montra un point. Là, près du navire, elles virent Michelle à l’entrée de la passerelle, qui se tenait les mains sur les hanches, bloquant le passage.

« Je peux demander ce qui se passe ici ? » Cria Michelle.

Shari s’arrêta et la regarda avec méfiance. « Nous allons montrer nos résultats à M. Quest. »

Kerry se posta derrière Dar, qui avait les coudes posés sur la rambarde. Elle posa le menton sur l’épaule de sa compagne et regarda attentivement. « C’est là que tu montres si tu es loyale, Michelle », murmura-t-elle.

« Mm. »

« Quels résultats ? » Demanda Michelle.

« Le système. » Shari la regardait comme si elle était folle. « Je sais que c’est terminé. Rafael est venu me le dire. Alors allons-y et faisons le show. » Elle sourit, s’attendant clairement à ce que Michelle la rejoigne. « Faisons monter M. Quest, montrons-lui ce pour quoi il paye et ensuite… je paierai ma tournée. »

Les cameramen l’acclamèrent. « C’est parti », acquiesça Cruickshank avec un sourire.

« Allez. » Shari avança et mit la main sur le bras de Michelle. « On a travaillé comme des idiots pendant des semaines pour ça… savourons-le. »

Michelle écarta son bras. « Désolée. » Elle s’adressa aux autres. « Rafael avait tort. Nous ne sommes pas prêts. » Elle regarda Quest. « Alors je présume que vous pouvez revenir plus tard. Ou bien on vous appellera. »

« Ah. » Kerry souffla dans l’oreille de Dar. « Une loyauté inattendue. »

« Mm. »

« Quoi ? » Aboya Shari. « Tu es sérieuse ? »

Michelle garda une expression neutre. « Bien sûr. » Elle posa une main de chaque côté de la passerelle, produisant un blocage minime mais efficace. « Après tout ce dur labeur, je détesterais nous voir nous aplatir au sol en essayant de l’exhiber, hm ? Donnons-nous un peu plus de temps », leur dit-elle. « Ensuite nous serons prêts. »

Cruikshank sembla un peu soupçonneuse. « Vous êtes sûre de ne pas cacher quelque chose ? J’ai entendu des gars de chez vous dire que vous aviez terminé. »

« Ouais », dit Shari. « Ecoute, ça n’a pas besoin d’être parfait… on est presque au crépuscule. Finissons-en, Michelle. » Elle baissa la voix et lança un regard significatif à Michelle. « Nous le voulons toutes les deux.’

La rouquine se contenta de rester où elle était. « Nan, désolée », dit-elle. « J’ai conçu cela et je dirai quand c’est prêt. Ni Rafael, ni Julio et pas plus Georges ‘le vomisseur’ Washington. Moi. Je dis que ce n’est pas prêt. Tout le monde a compris ? »

« Ooh. » Kerry s’appuya sur l’épaule de Dar. « Il était temps que cette facette surgisse. »

« Je ne savais pas qu’elle avait une telle facette », songea Dar.

Quest finit par hausser les épaules. « A votre guise. » Il se retourna et commença à s’éloigner. « Mais gardez à l’esprit que j’ai une patience limitée et que nous avons un accord à conclure. »

« Ouais. » Cruickshank décrivit la situation. « Parlons de cet accord, oui ? » Elle fit signe à la caméra d’avancer. Les spots furent allumés, baignant le flanc du navire d’argenté neutre, affadissant le soleil doré. « Vous avez payé M. Quest pour vous aider à gagner l’appel d’offres. C’est ça ? »

« Yohoho », gloussa doucement de joie Elena. « Arr. Il y a des pirates dans les environs, les copains. »

Shari se retourna. « C’est exact », répondit-elle avec assurance. « Le but du jeu c’est de gagner, Ms Cruickshank. C’est ce que nous faisons. Nous gagnons », ajouta-t-elle. « Maintenant, si vous voulez bien nous excuser. Je dois parler à ma… partenaire. » Elle monta plus haut sur la passerelle, forçant Michelle à reculer.

« Mais, attendez », dit la journaliste. « Je n’en ai pas fini avec vous deux. »

« Vous avez fini », dit Shari. Elle entra dans le navire, prenant Michelle par le bras avant de la guider à l’intérieur sans protestation visible de la femme rousse. Elles disparurent dans l’intérieur sombre laissant les journalistes dehors.

Cruickshank baissa le micro et les lampes s’éteignirent. Elle se tourna et regarda le cameraman principal. « Qu’est-ce que tu en penses ? »

« Je pense qu’elle ment », dit l’homme rapidement. « Je pense qu’elle est de mèche avec les autres. »

« Qui, Graver ? »

L’homme hocha la tête. « Ouais. Il y a quelque chose de louche. Tu as dit que tu as vu cette autre femme apporter une partie de leur équipement ? Et nous avons vu cet autre matériel emporté dans cette camionnette. »

« Hm. Et nous qui pensions être subtiles », se lamenta doucement Kerry.

« Bon, je pense que tu as raison », dit Cruickshank. « Quelque chose ne colle pas ici. Nous avons tout le film dont nous avons besoin pour faire ce sujet et maintenant que nous en sommes au point critique, elles reculent. »

« Vrai. » Le cameraman hocha la tête. « Hé, tu penses que peut-être ces autres-là les ont payées ? Elles ont le pognon. »

Cruickshank tapota le micro contre sa cuisse. « Peut-être », dit-elle. « Allons parler au chef. On a mis trop de fric dans tout ça nous-mêmes pour perdre à cause de magouilles. »

« Ook. Ook », hulula Dar doucement.

Elles regardèrent l’équipe partir, traverser le quai et passer juste dessous la passerelle où elles se tenaient. Après leur disparition, Dar et Kerry se redressèrent et se regardèrent.

Puis elles regardèrent la journaliste.

« D’accord », dit Elena. « Alors, c’est quoi la fin du jeu, les filles ? Qu’est-ce que vous allez tirer de tout ce bazar ? C’est ce que je veux savoir. Quel est le but de tout ça ? »

C’était une très bonne question. « Rentrer à la maison », répondit Kerry. « On a perdu notre temps ici pendant des semaines, à dépenser Dieu sait combien d’argent sur ce projet, à y mettre de la sueur et des larmes, et pour quoi ? »

« Hm », dit la journaliste. « Vous ne pouvez pas aller chercher Quest et l’emmener sur votre navire pour lui montrer que c’est vous qui avez tout fini ? Est-ce que ça ne vous apporterait pas quelque chose ? De la bonne presse dans les médias ? Oui ? »

« On pourrait », approuva Dar, en se retournant pour les emmener vers un escalier dans le coin entre leur navire et celui-ci. » Ouais, on pourrait. »

« Alors… pourquoi vous ne le faites pas ? »

Dar garda le silence pendant quelques enjambées, tournant la tête pour regarder l’expression de Kerry du coin de l’œil. La jeune femme blonde regardait devant elles avec une douce patience, attendant qu’elle réponde pour elles deux. « Qu’est-ce que tu en penses, Ker ? On pourrait juste le faire ? »

Kerry se tourna et le regarda, penchant un peu la tête. « Non », dit-elle. « Je ne veux pas donner à ces gens de la télévision ce qu’ils veulent. Tu l’as dit la dernière fois, Dar. Le seul moyen de gagner dans ce truc, c’est de leur enlever leur but, pas d’atteindre le nôtre. »

« Bon, que je comprenne », dit Elena. « Vous perdez toute cette notoriété télévisuelle délibérément et vous gâchez tous ces dollars, juste pour faire enrager la société de télévision parce qu’elle a arrangé tout ça ? »

Dar réfléchit. « Quelque chose comme ça », acquiesça-t-elle. « Le point c’est que je n’aime pas qu’on se moque de moi. Kerry non plus. »

« Personne », interjeta Kerry. « Ni Michelle. Shari est… »

« Juste une conne. » Dar finit la phrase. « Alors nous avons dit aux autres équipes ce qui se passait et nous leur avons promis de les aider tous à finir à temps. Ce qui fait que Quest doit payer leurs projets. »

« Et si tout le monde finit au même moment, coopérant comme des gamins dans la cour d’école, il n’y aura pas de drame », dit Elena.

« Même pas de drame lesbien. Oui », approuva Kerry.

« Est-ce que vous vous sentez idiotes qu’ils aient pu aller aussi loin avant que vous ne vous en rendiez compte ? »

Dar rit doucement. « Oui. »

Elles descendirent les marches et se dirigèrent vers le bâtiment terminal. « Alors, pourquoi pensez-vous que Michelle Graver a suivi le plan ? » Demanda Elena. « Ou bien elle dit la vérité et elles n’étaient pas prêtes ? »

« Elles sont prêtes », dit Dar.

« Et vous en êtes sûre ? »

« J’ai démarré leur système. » Dar tendit la main vers la poignée de porte et ouvrit, se tenant sur le côté pour les laisser entrer. « Alors si Michelle choisit de dire autrement, tout ce que je peux présumer c’est qu’elle a juste décidé de tenir sa parole. »

« Ah oui. » Elena entra, gribouillant des notes en marchant. « Et ça vous surprend ? »

« Oh oui. » Dar et Kerry répondirent en même temps.

Le terminal était quasiment vide, à part quelques techniciens assis, qui passaient le temps et attendaient que quelque chose se passe. « Hé, Ms Roberts… » L’un d’eux installé au comptoir avec un mobile dans la main les repéra. « On commande des pizzas… ça vous dit ? »

La nature ordinaire de la question charma Dar profondément. « Bien sûr », approuva-t-elle, se souvenant irrésistiblement de sa jeunesse quand elle aurait fait ce que les techniciens faisaient et aurait vécu de pizza et de nourriture chinoise à emporter. « De chez Domino ? »

L’homme hocha la tête. « Ouais. »

« Fine et croustillante, à demi végétarienne à demi amoureux de viande, fromage en plus », annonça Kerry succinctement. « Et des beignets. Deux cocas. »

« C’est fait. » L’home lui sourit.

Dar marcha vers lui, sortant son portefeuille de sa poche. Elle en retira une carte et la jeta sur le comptoir. « Mettez ça là-dessus », dit-elle. « Dites leur de se prendre un bonus de dix pour cent s’ils livrent ici et que je ne confonde pas le fromage avec une boite d’adhésif. »

Elena gloussa, posant son carnet à côté tandis qu’elle se tenait près de Kerry. « Vous êtes de sacrées personnalités vous deux, vous savez ça ? » Dit-elle. « Mon chef m’a dit ce matin après que je lui ai raconté un peu de ce qui se passait, qu’il voulait que je fasse de ça un titre en page une de la section d’affaires, en trois parties.

« Ah oui ? » Dit Kerry. « Et c’est bien ? »

La journaliste gloussa. « Il ne sait pas la moitié de tout ça. Attendez que je l’appelle », dit-elle. « Ça vous ennuie si j’utilise le bureau à l’arrière là-bas pour le faire ? »

Kerry jeta un coup d’œil à l’arrière de la pièce qui semblait vide. « Non, allez-y », approuva-t-elle, en regardant la journaliste s’éloigner d’elle. Elle attendit un moment puis elle traversa pour rejoindre Dar qui était assise sur le comptoir. « Eh bé. »

« La journée a été longue », acquiesça Dar avec un soupir. « Mais c’est presque fini, ma chérie. »

Kerry sourit à ce petit nom. « Tu sais quoi ? J’ai vraiment apprécié de travailler là-dessus avec toi. Malgré tout. »

Dar lui ébouriffa les cheveux. « Pareil. »

Elles levèrent les yeux quand la porte principale s’ouvrit et que Cruickshank entra avec un drôle de déhanché.

« Ah. » Kerry souffla. « J’ai un mauvais pressentiment. »

« Oh oui », marmonna Dar. « J’te suis. »

Les deux nouveaux entrants s’arrêtèrent devant elles. « Nous devons vous parler », dit Meyer avec une trace de son attitude de New York. « On peut avoir de l’intimité ? »

Dar arqua les sourcils. « Bien sûr. » Elle glissa du comptoir et montra le bureau. « Après vous. »

Cruickshank se redressa également. « Monsieur ? » Elle s’adressa à Meyer. « S’il vous plait. »

Monsieur. Kerry sentit que la situation changeait radicalement et elle se souvint soudain du test sur le navire. Etait-ce un autre test ?

Ou quoi ?

***********************************

« C’était quoi tout ça, bordel ? » Shari s’en prit avec colère à Michelle. « Tu sais foutrement bien que ce truc est prêt. »

« Il ne l’est pas. »

« Conneries ! » Dit Shari. « Tu joues à quel jeu là, Michelle ? »

« J’t’emmerde. » Michelle prononça les mots avec soin. « Comme je l’ai dit à madame Patate (NdlT : en anglais c’est Cookie Puss si vous voulez chercher J), c’est mon projet, et je dis quand c’est prêt. Pas les techniciens et encore moins toi. » Elle s’écarta et se dirigea vers l’ascenseur.

« Ah oui ? Et combien elle t’a payée pour ça ? » Hurla Shari. « Ou bien elle t’a promis un plan à trois ? »

Michelle se tourna à la porte et la regarda. « Tu sais quoi ? Si elle me le demandait, je le ferais. » Elle se retourna et disparut dans le couloir.

« Ferais quoi ? » Cria Shari.

Une porte qui se ferme brutalement, faisant écho.

« Ça n’a foutument aucun sens ! » Frustrée, Shari prit un tube en papier kraft et le lança contre la cloison, le faisant rebondir. La chaleur et la poussière lui tapaient sur les nerfs et elle alla au bord de la passerelle pour respirer un peu.

Elle détestait cet endroit. La puanteur et le bruit du port lui donnaient des nausées et tandis qu’elle regardait le sol craquelé, même la couleur passée du bâtiment la rendait malade.

Son attention se concentra sur le portail qui séparait la zone de quais de la rue. Une grande silhouette était apparue, déverrouilla et entra, et elle reconnut immédiatement Andrew Roberts. « Connard », marmonna-t-elle tandis que l’homme de haute taille traversait le sol cimenté.

Comment avait-elle pu rater ça, quand elle l’avait vu pour la première fois ? Sa bâtarde de fille lui ressemblait alors pourquoi ne s’en était-elle pas rendu compte ? Même carrure, mêmes yeux, même attitude ‘foutez-moi la paix’. Elle savait qu’Andrew avait été dans la Navy et de ce qu’elle avait pu déchiffrer de sa courte période avec Dar, elle s’était dit qu’il avait dû être dans des sortes de forces spéciales.

Et bien, on aurait pu le dire. Il portait un marcel et même s’il n’était plus tout jeune, il avait une musculature impressionnante qui faisait plus que lui rappeler sa fille. Tandis qu’elle regardait, une petite silhouette furtive émergea de l’ombre et l’intercepta, l’attitude de l’homme prit celle d’une supplication.

Andrew s’arrêta et le regarda, penchant la tête dans un mouvement d’écoute.

Shari plissa un peu les yeux en regardant aussi la petite canaille. Il lui semblait familier mais elle n’arrivait pas à le remettre. Elle monta sur la passerelle et se dirigea vers eux mais ils la virent approcher et tous les deux se retournèrent et s’éloignèrent.

Elle s’arrêta. « Hé, qu’est-ce que je fais là, bordel ? » Avec un soupir de dégoût, elle se tourna et se dirigea vers le bâtiment du terminal avec sa climatisation efficace.

A mi-chemin, elle s’arrêta et se retourna à nouveau. Andrew et l’autre homme avaient disparu sous les portiques près de l’autre navire, mais il n’y avait pas beaucoup d’endroits où ils pouvaient être allés. En plissant soudain les yeux, Shari les suivit.

*********************************

Mark essuya la sueur de ses yeux, surveillant la tâche qu’ils venaient juste de terminer. « Foutus racks », commenta-t-il.

« Ouais », répondit le technicien du troisième navire. « Bas de gamme. » Il mit la main sur un étançon et le secoua, montrant son manque de solidité. « Ça craint mais ils économisent le moindre centime. »

« Oui oui. » Mark poussa les interrupteurs sur l’équipement et regarda les diodes commencer à danser. Les ventilateurs étaient presque assourdissants dans le petit espace. « Et bruyants. »

« Content de pas avoir besoin de les écouter », acquiesça son compagnon. « D’où est-ce qu’ils viennent, bordel ? Johnny a dit qu’ils ont été arrêtés à la douane en venant ici. »

« On les a eus par Telegenics », dit Mark.

« SANS BLAGUE ? »

« Ouais. »

« Ben merde alors ? »

Mark haussa les épaules. « Ils les avaient en rab. Ma cheffe leur a botté les fesses et obligés à les lâcher. »

« Ouaouh ! »

L’équipement finit de flasher et se mit à clignoter de manière plus calme avec ses nombreuses diodes. Mark commença à connecter méthodiquement des câbles sur l’avant de la machine, suivant un format un peu obscur qu’il était probablement le seul à connaître.

Le technicien se joignit à lui et ils insérèrent des prises RJ45 sans parler pendant un moment. A mi-chemin, le technicien s’éclaircit la voix. « Alors, c’est comment de travailler pour elles ? »

« Ça déménage. »

« Ah oui ? »

« Ouais. »

« Tu y travailles depuis quand ? »

« Dix ans », répondit Mark. « On entend des conneries et des conneries et des conneries sur ILS, mais pour les jobs de technologie, ça baigne. On a le meilleur équipement, les meilleures nouveautés et des chefs cool. »

« Ah. »

« C’était quand la dernière fois que tu as rapporté un bug de firmware à ton VP informatique et qu’il le répare ? »

Le technicien cligna des yeux.

« Inputaindecroyable. » Mark retourna à ses connexions de câbles. Il leva les yeux quand la porte du petit cabinet de répartition s’ouvrit, révélant Carlos. « Oui ? Tu as fini ? »

« C’est le dernier. » Carlos pointa la machine sur laquelle travaillait Mark. « On a eu des mauvais patches de fibre là-haut mais Manny en est venu à bout avec le terminateur. »

« Cool. » Mark hocha la tête. « Tu as entendu comment ça s’est passé à côté ? »

« Manny a dit qu’il s’en est occupé. Qui que ce soit qui a mis cette dorsale craignait », rapporta Carlos. « Il a dû reterminer tous les fils. Ça lui a pris longtemps. »

« Mec, je suis content qu’on ne soit pas allés avec ces types », marmonna Mark. « Ils essayaient de convaincre Kerry en lui disant qu’ils pouvaient le faire pour la moitié du prix, mais c’était des conneries. »

« Mais c’est pas le marché de faire ça pour le moins cher possible ? » Demanda le technicien près de lui. « Je pensais que c’était le but, de récupérer tout le contrat. Sous la ceinture, pas vrai ? »

Mark soupira. « Oui », admit-il. « C’était le truc mais tu sais quoi, Kerry ne peut juste pas le faire. On a décidé autrement quand elle cherchait les offres des vendeurs… et ce n’était pas cool de faire des compromis sur ce truc. On perd des contrats tout le temps à cause de ça. »

Tout le monde garda le silence un instant. Carlos était adossé à la porte, se frottant les mains en œuvrant pour enlever une épine de sa paume, vu qu’il n’y avait pas assez de place pour plus de deux personnes devant le commutateur pour y faire des câblages.

« Alors c’est cool ? » Finit par demander le technicien. « Je veux dire que c’est pour ça que Telegenics est aussi important maintenant, pas vrai ? »

Mark garda le silence quelques instants, fixant le commutateur en réfléchissant. « Pour les affaires ? Je ne pense pas que ce soit si cool », finit-il par dire. « Mais pour moi oui, c’est cool parce que j’aime bien être cool avec les trucs sur lesquels je mets mon nom. Je ne mets pas mon nom sur des trucs nuls et elle non plus. »

« Beuh. » Le technicien reprit son câblage.

« Tout ce truc devient tellement dingue. » Carlos prit la balle au bond. « Je n’arrive pas du tout à comprendre ce qui se passe. »

Mark ricana. « Bienvenue au club. »

« Ouais. »

***********************************

La journaliste n’était nulle part. Kerry regarda dans le petit bureau puis elle haussa les épaules et referma la porte derrière elle tandis qu’elle suivait Dar et les deux nouveaux venus dans la pièce.

Peut-être qu’Elena était sortie au lieu de venir dans l’espace un peu déprimant et étroit et elle pouvait difficilement l’en blâmer.

Dar s’assit sur l’un des bureaux, échangeant le confort des fauteuils pour s’avantager sur la hauteur tandis qu’elle faisait face à Meyer et Cruickshank. Mais elle mit nonchalamment un pied sur le siège et posa son avant-bras sur son genou.

Quel rôle devrait-elle jouer ? Se demanda Kerry, sachant qu’elle n’avait que quelques secondes pour se décider. Parfois Dar et elle échangeaient leurs positions et elle prenait la tête, mais elle sentait que ce n’était pas le bon endroit pour le faire. Leurs deux visiteurs étaient certainement concentrés sur sa partenaire.

Hmm.

Kerry s’assit dans le fauteuil près de Dar et s’adossa, posant ses coudes sur les accoudoirs et croisant les jambes aux chevilles. « Bon. » Elle s’adressa aux deux. « De quoi s’agit-il ? »

Ils regardèrent Dar.

Celle-ci garda le silence, un sourcil légèrement levé.

« Nous n’avons pas vraiment le temps de jouer ici », continua Kerry. « Et je pense que vous avez assez gâché le temps de tout le monde, de l’effort et aussi de l’argent. Alors si vous avez quelque chose à dire, faites-le. » Elle lut la posture du corps de Dar du coin de l’œil et soupira, se disant qu’elle avait bien deviné.

Dar leva le bras et entoura le dossier du fauteuil où Kerry était assise, ses doigts effleurant nonchalamment les cheveux clairs de sa compagne.

« Bien. » Meyer prit la tête de son côté. « Tout d’abord, je présume que vous devinez que je ne suis pas celui qui s’est présenté à vous la dernière fois qu’on s’est rencontrés. » Il s’appuya contre l’un des bureaux, reposant son poids sur ses deux mains. Cruickshank resta silencieuse, ses mains croisées devant elle.

Dar réfléchit à ses paroles. « Est-ce que vous êtes plus ou moins le connard que vous prétendiez être ? » Demanda-t-elle d’un ton neutre.

Meyer rit. « Et bien, ça dépend d’à qui vous le demandez », concéda-t-il. « Laissez-moi vous expliquer. »

« Je devrais prendre des notes ? » Demanda Kerry. « Parce que ce tableau d’affichage commence à être assez grand pour être accroché dans le stade des Pro Player. »

Meyer la regarda mais ne répondit pas. Il se lécha les lèvres et fit une pause, puis il fixa son regard sur Dar. « Etonnamment, mon nom est Jason Meyer. Mais je ne suis pas un exécutif des TI, bien que pendant quelques mois j’en ai joué le rôle à la télévision. » Il sourit à Dar. « C’est confidentiel vu que le reste des gens à New York ne savaient pas qu’ils étaient filmés pour la caméra cachée. »

Dar se contenta de le regarder.

« C’est un concept de téléréalité appelé « J’t’ai eu ! » Indiqua Cruickshank tranquillement. « C’était notre programme pilote », ajouta-t-elle. « Et je ne suis pas journaliste non plus. 

« Vrai », acquiesça Meyer. Le marché c’était que j’étais embauché pour voir jusqu’où je pouvais aller. Des papiers falsifiés, une carrière faussée, des employeurs passés bidons… Jusqu’où je pouvais aller ? Et bien, je suis allé jusqu’à la limite et juste au moment où j’allais atteindre le sommet, vous êtes apparue. »

Kerry se pencha en avant. « Vous avez risqué l’existence d’une société majeure et les jobs de milliers de gens pour une émission ? »

Meyer haussa les épaules. « Ils m’ont embauché », dit-il. « Ils ont pris un risque et nous aussi, et grâce à votre interférence, mon risque n’a pas marché. »

« Mon interférence ? » Dar semblait incrédule. « Vous vous moquez de moi. »

Il haussa à nouveau les épaules. « Vous avez explosé mon final », dit-il. « Mais interagir avec vous m’a donné l’idée de ce projet, et j’ai pu la vendre aux financeurs. Mais  cette fois vous ne le ferez plus », déclara-t-il. « Alors commençons à parler d’argent et laissons tomber les autres conneries parce que, comme vous l’avez pointé, Ms Stuart, nous n’avons pas le temps de jouer. »

Il frappa le bureau de sa main. « Il est temps de mettre les cartes sur table, Roberts. Soit nous sortons ensemble en vainqueurs soit nous sortons en perdants et croyez-moi, bébé, vous allez perdre plus que moi. »

Dar croisa les bras. Elle les fixa tous les deux avec une expression sévère. « Très bien. C’est quoi le marché ? » Demanda-t-elle. « Qu’est-ce que vous voulez exactement ? »

Meyer sourit. « Voilà la réponse que j’attendais. Alors écoutez bien. »

************************************

Ok on a fini. » Mark se frotta les mains. « Allez Carlos. Allons-y. Je suis sûr qu’il leur reste de la pizza. »

« Je te suis. » Carlos se repoussa de la porte et se releva tandis que Mark quittait la pièce. « Alors, est-ce que ce navire est ok maintenant ? »

« Sais pas. » Mark se retourna. « Il l’est ? » Demanda-t-il au technicien.

Celui-ci était connecté au nouvel équipement via un ordinateur portable et il leva simplement le pouce vers Mark plutôt que d’être distrait de sa tâche.

« Bien joué. A plus tard. » Mark était satisfait. Il rejoignit Carlos et ils remontèrent le couloir, se tournant tandis que des membres d’équipage passaient dans l’autre direction. « T’sais, je me sens un peu mal pour ces gars. »

Carlos regarda derrière lui. « Ces gars ? » Il leva un pouce vers les membres d’équipage. « Ou les gars de la salle de répartition ? »

« Les gars du navire », dit Mark. « Parce que si la grande D a raison, et que tout ça c’est du flan, ça craint pour eux, tu sais ? »

Carlos garda le silence sur quelques pas. « Je suis désolé », dit-il. « Mais après ce qu’ils ont fait et ce qu’ils nous font avec le navire je ne me sens pas ennuyé pour eux. Ms Kerry aurait pu être vraiment blessée et l’un de nous l’a été. »

Mark fronça les sourcils. « Ouais, je sais », dit-il. « Ça craignait vraiment. Si Kerry avait été blessée, Grande D aurait pété les plombs. »

« Elle était furieuse », approuva Carlos. « Elle a même crié sur son papa. »

« Oui oui. » Mark réfléchit tandis qu’ils marchaient. « Son papa est cool. »

« Si. »

« Il est dingue des deux filles. Tu savais qu’il avait été Manquant en Opération pendant quoi, des années ? Ils pensaient qu’il était mort. »

Carlos cligna des yeux. « Vraiment ? Je savais pas ça… c’est triste. »

« Ouais. Grande D a traversé pas mal de choses pendant ces dernières années. » Mark les dirigea  en bas de la passerelle vers le ponton et alla vers le portail. « Mais c’est une brave fille. »

« Oh oui, je le pense aussi. » Carlos hocha la tête. Il regarda autour de lui. « Alors ça y est ? On a fini ? »

Mark l’espérait. Il se faisait tard, il était épuisé et on était vendredi. Il avait hâte de quitter le ponton, de prendre une douche et une bière fraîche et de passer à quoi que ce soit d’autre ensuite.

Heureusement, ça n’aurait foutrement rien à voir avec des bateaux. Peut-être que Dar voudrait avancer sur le développement du nouveau routeur qu’elle avait écrit. Il y aurait au moins deux  cycles de développement et travailler sur les trucs de Dar était toujours un plaisir.

Ça marchait même si ça n’était développé qu’à moitié et pas documenté. Il trouvait toujours des petits scripts et des programmes sur lesquels elle avait travaillé, chaque fois qu’il fouillait dans les systèmes, rien d’énorme, mais juste des petits morceaux de code qui faisaient tourner le truc en arrière-plan avec une petite fanfare.

Un peu comme Dar parfois. « Ouais, je pense qu’on a fini », dit Mark. « Allons trouver la cheffe et dérouler tout ce truc. »

« Tu sais à quoi je pense ? » Dit Carlos. « Je pense qu’on devrait se réunir et emmener nos cheffes quelque part parce qu’elles ont été tellement sympas avec nous. Tu penses qu’on pourrait ? »

Mark garda brièvement le silence tandis qu’ils traversaient la chaussée et entraient dans le parking énorme et maintenant vidé, qui séparait les deux côtés du port. Le soleil se couchait et la brise était plus fraîche maintenant, séchant la sueur sur sa nuque tandis qu’il marchait.

Faire sortir Dar était dur. Sa position c’était qu’elle était la cheffe et elle avait le fric. Alors elle payait la note du dîner. Mark le savait bien parce qu’il avait assez essayé même avec quelque chose d’aussi bon marché qu’une pizza.

Mais qui pouvait savoir ? Peut-être que ça marcherait cette fois. Peut-être qu’il pourrait arrêter le serveur avant qu’ils s’asseyent et lui donner une carte de crédit. « Bien sûr. On peut essayer », dit-il à Carlos tandis qu’ils montaient les marches du terminal derrière leur navire. « Zut… le pire qu’elle pourrait faire c’est me mettre une claque sur la nuque. »

Carlos ouvrit la porte et ils entrèrent, faisant quelques pas dans la pièce avant de s’arrêter et de fixer.

Une foule énorme était réunie, entourant un écran de télévision posé sur un chariot. Tandis qu’ils regardaient, plusieurs cameramen avancèrent d’avant en arrière et les filmèrent.

« C’est quoi ce truc ? » Bafouilla Mark. « Qu’est-ce qui se passe ? »

« Chh », lui intima quelqu’un dans la foule.

Mark avança de coin jusqu’à ce qu’il puisse voir la télévision, clignant des yeux quand il reconnut la silhouette remarquable de Dar.

Un autre moment et il reconnut la pièce dans laquelle elle se trouvait comme étant la salle arrière à quelque mètres de lui et tandis que l’image bougeait maladroitement, Kerry vint également en vue.

Mais qu’est-ce qui se passait bon sang ?

Plus important, Dar savait-elle ce qui se passait ? On aurait dit qu’elle était interviewée mais avec la porte fermée, avait-elle l’information que tout le monde écoutait ?

La foule énorme bloquait le chemin vers cette pièce, mais Mark savait que cette foule n’aurait pas bloqué Dar et n’allait foutrement pas le bloquer non plus. « Viens. » Il attrapa Carlos par le bras.

***********************************

« Qu’est-ce que vous voulez exactement ? » Demanda Kerry.

« Pas grand-chose », répliqua Meyer. « Juste une fin sympa, pleine de suspense et dramatique qui va déchaîner les audiences et me payer grandement. »

« Comme quoi ? » Persista Kerry. « M. Meyer, au cas où vous ne l’auriez pas remarqué, nous sommes dans l’informatique. La dernière fois que j’ai vérifié, les fondus d’informatique n’étaient pas les chouchous à la mode des médias. »

« Exactement. C’est pour ça que ce sujet est devenu intéressant. », dit l’homme. « Parce que franchement, si vous m’aviez dit, avant que je sois sur ce projet, qu’un paquet de geeks et des navires en déroute auraient été bons pour la télévision, je vous aurais botté les fesses jusqu’à la sortie de mon bureau. »

« Et ? » Demanda dar.

« Et j’ai découvert qu’il y a du suspense dans des endroits inattendus », dit Meyer. « Du grand suspense dans ces vieux navires et les gens dessus, du grand suspense dans l’idée de quatre compagnies qui luttent pied à pied pour gagner quelque chose, et du grand suspense dans tout ce monde qui se bat à grands coups de griffes, se poignardant dans le dos l’un de l’autre dès que possible. Madame, je n’aurais pas trouvé un scénariste de haut vol pour inventer quelque chose de plus déluré que ça. »

« Et qu’est-ce que vous attendez de nous ? » Demanda à nouveau Kerry. « Je veux dire si vous avez un si grand sujet. »

Meyer lui sourit. « Nous savons ce que vous faites », dit-il.

« Ah oui ? » Dar lui sourit en retour.

« Oh oui. Vos amies de Telegenics ont été très passionnées et détaillées pour nous raconter votre petit plan pour faire échouer mon final », dit Meyer. « Je sais que vous avez aidé les autres navires à finir et je sais que vous avez forcé Telegenics à céder une partie de leur équipement de secours pour ces autres gars. »

« Forcé ? » Kerry lui lança un regard perplexe. « Elles l’ont proposé. »

« Ms Stuart, s’il vous plait. » Meyer lui fit un sourire condescendant.

« Et ? » demanda Dar à nouveau. « Alors vous avez raison. Nous ne jouons pas vos jeux. Nous allons tous finir sur la ligne d’arrivée, présenter nos factures et rentrer à la maison. »

Cruickshank s’était positionnée avec soin, se tenant à côté de son chef apparent et à un angle, de façon à voir à la fois Dar et Kerry. Elle gardait les mains croisées devant elle, ses doigts bougeant sans arrêt comme si elle jouait avec des perles agitées.

Le mouvement saisit l’attention de Kerry et elle regarda la journaliste du coin de l’œil. Jusque là, la conversation lui avait semblé être plutôt du vent. C’était comme si Meyer se contentait de débiter sans but, comme si…

Kerry plissa les yeux.

« Non, vous ne le ferez pas », dit Meyer. « J’ai appris beaucoup de choses sur vous ces derniers mois, Roberts. Au début je pensais que vous n’étiez qu’une idiote très cher payée. »

« C’est à moitié vrai », dit Dar d’une voix traînante. « Et cette moitié dépend d’à qui vous le demandez. »

« Mais vous ne l’êtes pas. » Meyer s’avance vers elle. « Et c’est la seule raison pour laquelle je suis ici, Roberts. Parce que je sais que vous pouvez me livrer ce que je désire. »

Dar haussa les sourcils.

« Et je ne vais pas gâcher notre temps à nous deux pour jouer sur votre sens de la justice. »

« Mon sens de la justice ? » Dar ricana. « Ce n’est pas moi qui ait sué sang et eau pour essayer de truquer le défi, Jason. »

Kerry sentit un léger bourdonnement à sa ceinture. Distraite, elle jeta un coup d’œil à son téléphone mais la vibration cessa. Elle le leva et examina l’appareil, un chatouillis de familiarité titillant sa mémoire à ce sujet.

« La plupart des gens ici… Ils n’avaient pas ce que je recherchais », dit Meyer. « Ils ne ressentaient pas ce que je ressentais, combien ce sujet pouvait vraiment être sensationnel. »

« Je ne suis pas sûre de savoir pourquoi vous pensez que ça intéresse quiconque. » Dar se leva, fit le tour du fauteuil et se contorsionna pour relâcher une contraction dans son dos. « Moi c’est sûr. »

Meyer entoura son genou des deux mains. « Laissez-moi vous exposer tout ça. »

« Voilà une première sur ce projet », marmonna Kerry, laissant son téléphone pour le moment pour se concentrer sur la scène devant elle.

Meyer l’ignora. « C’est très simple. Il y a beaucoup d’argent investi dans ce marché, de l’argent que je ne suis pas près à risquer ou à perdre. » Il se rapprocha, faisant face à Dar. « Alors voilà le marché. Vous jouez dans mon camp et je vous donne un million de dollars US. Cash. »

Un petit silence suivit ses paroles. Puis Dar bougea un peu. « Je pense que vous savez que ce ne sont pas de gros chiffres pour ILS. » Elle haussa à demi les épaules. « C’est le budget du café pour une année. »

Il sourit. « Je pense que vous savez que je ne l’offre pas à votre compagnie », répliqua Meyer. « Et même quelqu’un qui gagne comme vous, a des désirs que ça pourrait satisfaire, pas vrai ? »

Le téléphone de Kerry bourdonna à nouveau mais elle l’ignora, son attention fixée sur le profil de sa compagne. Elle pouvait entendre son propre battement de cœur tambouriner dans ses oreilles tandis qu’elle attendait la réponse de Dar, consciente et mal à l’aise de constater que pour la première fois dans leur relation, elle ne savait pas vraiment quelle réponse elle allait donner.

Heureusement elle n’eut pas à attendre longtemps.

Les yeux de Dar brillèrent doucement. « Vous ne pouvez pas m’acheter », dit-elle avec un sourire tranquille. « Même si c’était ma dernière paye à la banque, je vous dirais toujours d’aller vous faire foutre. »

Meyer ne regarda même pas Kerry. C’était comme si elle n’était même pas là. Il hocha la tête plusieurs fois, lança un regard ironique à Dar. « Je pensais que vous diriez ça… alors voilà le vrai marché. » Il se pencha en avant. « Celui que vous ne pourrez pas refuser. »

**************************************

Shari passa les portes arrière du bâtiment naval, lançant aux gardes, le nez plaqué sur la vitre, un froncement intrigué en passant. Qu’est-ce qu’ils regardaient, bon sang ? Un spectacle de monstres gratuit peut-être. Elle lança un regard rapide à ceux qu’elle poursuivait, regarda ailleurs et se pressa pour ne pas les perdre. Ce n’était peut-être pas intéressant après tout… ils regardaient probablement juste les jambes de la Garce Psycho.

Et bien, qu’ils aillent au diable. Elle s’arrêta derrière une pile de palettes tandis qu’Andrew et le petit homme s’arrêtaient juste à la passerelle de montée. Il lui sembla qu’ils se disputaient, ou du moins, que le grand homme faisait la leçon, et c’était plutôt attendu, non ?

La seule chose qu’on obtenait d’un connard c’était un autre connard. L’attitude féroce d’Andrew envers elle lui avait laissé une mauvaise piqûre, et elle avait décidé que s’il faisait quelque chose de louche, et bien, elle trouverait un moyen de le baiser pour ça, comme elle l’avait fait pour sa progéniture nullissime.

« Jouons-la sympa, hein ? Finissons à égalité. J’t’emmerde », marmonna Shari tandis qu’elle contournait la pile de palettes et avançait masquée vers la suivante, essayant de rester hors de vue et assez près quand même pour écouter. Elle avait accepté d’écouter Dar juste pour voir ce que cette garce manigançait et elle s’était dit que Michelle voulait la même chose, mais après ce retournement merdique…

Foutue Michelle. Tout ce qu’elle voulait c’était faire partie de leur petite clique. Elle aurait dû s’en rendre compte dès Orlando, avec toutes ces conneries de petit déjeuner et de dîner. Elle en avait fini avec ça après qu’elles se furent trouvées dans ce puits merdeux.

Ça avait balayé tout le glamour, avait pensé Shari. Mais apparemment elle avait tort, vu qu’il était parfaitement clair que tout ce que Michelle voulait maintenant c’était de ravaler tout ça et probablement d’obtenir un boulot avec elles.

Connasse.

Elle regarda les deux hommes monter la passerelle et entrer dans le navire, et après un moment pour leur laisser le temps de passer l’acier rouillé, elle les suivit.

C’était calme maintenant, la plupart des dockers étaient partis et les navires bougeaient placidement à leurs quais avec juste un léger cliquetis.

Shari monta la passerelle et s’arrêta à l’entrée, regardant l’intérieur plutôt sombre. Elle ne vit personne alors elle continua et entra en douce dans le lieu. Il y avait quelques caisses empilées contre le mur du fond et elle les chercha derrière, mais c’était apparemment des serviettes ou quelque chose de tout aussi ennuyeux.

Il n’y avait aucun signe des deux hommes. Elle regarda plus loin, passant la tête avec précautions dans un petit cul de sac avant de se diriger vers l’escalier à contrecœur. Elle avait monté deux marches quand elle entendit des voix derrière elle et elle s’arrêta, écoutant attentivement.

« Monsieur, j’vous dis que vous ne pouvez plus vous cacher dans ce bateau. » La voix d’Andrew grondait à travers le silence, faisant presque dansoter les particules de poussière sur la rampe.

« Ecoutez VOUS. On part bientôt et plus de conneries », répondit une autre voix, également profonde mais avec un vieil accent. « Qu’est-ce que vous pensez avoir fait, amener quelqu’un pour toucher mon navire ? Je devrais vous tuer. »

Andrew se contenta de rire. C’était un son bizarre, hors du monde et en l’écoutant, Shari pouvait y entendre un clair écho de celui de Dar.

« P’tit gars, j’vais pas m’encombrer avec ce que vous v’nez de dire. Soit vous allez dire au mec là-haut que vous vous êtes mis dans les ennuis, soit je l’fais. »

« Je suis venu vous demander de l’aide parce que vous connaissez la mer et c’est comme ça que vous me traitez ? » Dit l’autre homme, indigné. « Vous n’êtes pas un marin. »

« Fonce. » La voix d’Andrew sembla plus sévère. « Ou bien j’attrape ton cul et j’l’emmène là-haut. »

Les voix diminuèrent au milieu de sons claquants et métalliques.

Shari sortit de la cage d’escalier et suivit le bruit baissant la tête pour passer une porte en métal et repérant les deux petits ascenseurs de service. L’un d’eux se refermait juste. « Bon sang. »

Est-ce que ça valait la peine de les suivre ? Bon Dieu, le petit mec faisait probablement quelque chose d’aussi stupide que de la contrebande de cigares cubains. Ça ne valait pas la peine de gâcher son temps.

Shari pianota sur le métal. Non, ça ne valait pas de perdre son temps mais peut-être qu’elle pourrait causer des dommages de son côté. Ce ne serait pas génial si les sœurs garces allaient démontrer leur merveilleuse merde et que ça se dégonflait ?

Avec un sourire, elle retourna à l’escalier et commença à monter.

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Le souvenir revint à Kerry avec une furie étourdissante. Elle tendit la main sans même y penser et attrapa le poignet de Dar, ses doigts se resserrant sur les os sous la peau.

Dar la regarda et haussa un sourcil.

Sur le point de parler, Meyer s’interrompit. « Quelque chose ne va pas ? »

Comment le dire à Dar ? Kerry souhaita vraiment qu’elles aient cette connexion psychique sur laquelle elle se posait parfois des questions. Elle ne pouvait rien dire pour mettre sa compagne au courant sans aussi le faire pour les deux autres.

Ou bien est-ce que c’était si mal ?

« Tu vas bien ? » Dar se tourna à demi, sa voix basse d’inquiétude.

Quoi quoi quoi quoi… oh. « Je viens juste de me rappeler quelque chose », dit Kerry. « Ce dont nous parlions quand tu étais suspendue tête en bas dans le placard. »

Dar cligna des yeux, prise entre l’étonnement et la notion évidente que Kerry avait perdu l’esprit. Puis son regard bougea légèrement, dépassant Kerry avant de revenir et de se concentrer à nouveau. « Et en quoi c’est différent de cette fois-là ? »

Je t’aime. « Oui. »

« Ah. »  Dar hocha la tête. Elle se tourna vers Meyer. « Vous disiez ? »

« Je disais ceci. » Meyer lui lança un regard bizarre mais continua. « Au final, je veux que ma compagnie passe devant. Vous voulez que votre compagnie passe devant. Nous savons tous que ce marché de navires est une fraude, pas vrai ? »

« Vrai », murmura Kerry, essayant de ne pas regarder Cruickshank.

« Mon frère est au conseil d’administration de l’une des compagnies de croisière les plus grandes sur Terre », dit Meyer. « Alors ce que je suis préparé à mettre sur la table, c’est l’assurance qu’ILS obtiendra ce joli et gros contrat lucratif et juteux que nous savons tous que vous convoitez, et que nous savons tous que c’est le seul gain possible. »

« Et ? » Dar croisa les bras sur sa poitrine.

« Et, ce que vous devez me livrer, c’est que vous attraperez ce drapeau d’arrivée. Est-ce que c’est si difficile ? »

« Alors, laissez-moi vous dire ça directement », dit Kerry. « Vous voulez nous filmer en train de montrer notre système à Quest et de ‘gagner’ le marché. »

« Exactement. »

« Et pour ça, vous garantissez ce gros contrat à ILS ? »

« Exactement. »

« M. Meyer, si nous ‘gagnons’ cet ‘appel d’offres’, nous obtiendrons le contrat de toutes les façons », fit simplement remarquer Kerry. « En fait, même si nous ne faisons rien, nous allons probablement avoir ce contrat parce que le fait est que nous sommes les meilleurs dans ce que nous faisons et tout le monde le sait. »

Meyer la fixa. Dar la poussa doucement du coude, un sourire au coin des lèvres. « Autre chose ? Parce que franchement, c’est le moment de boire une bière », ajouta Kerry. « Et nous en avons fini ici. »

Cruickshank se rapprocha un peu, puis elle s’immobilisa à nouveau.

« Tout le monde ne partage pas votre confiance dans votre compagnie, j’en ai bien peur », dit Meyer. « Comme votre conseil d’administration. Un tien vaut mieux que deux tu l’auras et ils vous abandonneront dans la brousse. Vous voulez voir ? »

« Bien sûr. » Dar sentit une poussée de malaise.

« Pas de problème. » Meyer mit son téléphone sur le bureau et composa un numéro, le son des bips faisant écho doucement dans la pièce. »

***************************************

« Bon Dieu. » Mark s’était arrêté à mi-chemin dans la foule. Il était assez près de l’écran pour entendre les derniers mots prononcés et tout le monde garda le silence, pour entendre ce qui allait arriver.

Il ne traverserait jamais à temps. Il le savait. Bon sang, il ne voulait pas rester là et regarder Dar se faire avoir. Il connaissait assez le conseil pour savoir que si on leur faisait la proposition d’une telle somme, ils jetteraient Dar aux loups.

Il pensait que Dar le savait aussi, bien qu’on ne pouvait pas le deviner à voir son visage.

Merde. Ça craignait un max.

« Qu’est-ce qui se passe ? » Murmura Carlos.

« Du pigeonnage sérieux », lança Mark en retour. « Où est leur cordon de secteur bon sang… j’aimerais les éjecter de… Seigneur, c’est un système UPS protégé ? »

« Ouais. »

« Je présume qu’ils sont plus malins qu’ils en ont l’air », réalisa Mark d’un air maussade. Il pourrait se mettre à crier et déclencher une scène mais il était coincé à ce moment-là, pas sûr de savoir quoi faire. Il ne voulait pas que sa cheffe et amie soit embarrassée sur l’enregistrement mais d’un autre côté, foncer dans la foule ne serait pas non plus génial.

« On peut faire quelque chose ? » Demanda Carlos. « Je sais où sont le courant et les lumières. Ils utilisent l’UPS pour leurs caméras mais cette télévision vient du mur par-là. »

Une étincelle dans les yeux de Mark. « Génial. Viens. »

« La porte du courant, elle est sûrement verrouillée. »

Mark sourit. « Mon pote, c’est la dernière chose dont tu dois t’inquiéter avec moi dans le coin. Vas-y. Fonce. Bouge. » Il poussa Carlos qui se mit à se frayer un chemin en se tortillant à travers l’arrière de la foule.

« Allô ? »

Mark s’arrêta et attrapa Carlos. « Trop tard. »

« Quoi ? »

Lentement, Mark se tourna vers l’écran, reconnaissant la voix qui venait de résonner légèrement dans la pièce.

**********************************

Kerry avait l’impression que tout son estomac était horriblement noué. Elle avait un mauvais sentiment que Meyer les avait trompées et que ça allait maintenant lui donner, à ce salopard, exactement le final qu’il cherchait.

Elles s’étaient laissé piéger. On les avait bernées.

Quels rats ! Quels stupides vauriens de rats castrés !

« Allô ? » Une voix résonna dans le téléphone. « Allô ? »

« Ah, M. McLean », dit Meyer. « Ici Jason Meyer. Vous vous souvenez de moi ? »

« Absolument ! Bien sûr », répondit Alastair. « Je discutais justement de ce que vous m’avez dit avec quelques collègues. En fait. Ils sont plutôt fichument excités. »

Kerry regarda Dar, se demandant comment elle pouvait garder cette expression aussi stoïque alors qu’elle, plus que quiconque, savait ce qui se jouait. Le demi-sourire de sa compagne et l’expression d’impassibilité légère n’avait pas bougé d’un pouce. Dar n’était pas une actrice, pouvait-elle vraiment penser que le conseil la soutiendrait ?

Kerry connaissait le conseil. Certains d’entre eux étaient ok. Elle en aimait même bien certains et Alastair avait une place spéciale dans son cœur parce qu’elle sentait en lui un véritable intérêt pour Dar qui dépassait leur relation d’affaires. Elle soupçonnait que le PDG était sorti de son rôle pour guider Dar quand elle développait ses talents et lui apportait un soutien bienvenu quand les choses allaient mal.

Mais l’argent c’est de l’argent et les affaires sont les affaires. Kerry se rapprocha tellement que leurs épaules firent contact et elle espéra que tout se passe vite.

« C’est bon à entendre. Ecoutez… Je suis vraiment tout proche de conclure ce marché ici mais je suis devant un barrage, peut-être que vous pouvez m’aider là-dessus », dit Meyer. « En fait, je suis sûr que vous le pouvez. »

« Bien sûr », acquiesça Alastair joyeusement. « De quoi avez-vous besoin ? »

Meyer regarda son adversaire et sourit. « Et bien, voici le problème. Nous en avons presque fini ici. Votre équipe a fait un boulot génial et ils ont fini les premiers. Génial ! »

Alastair rit.

« J’ai dit à vos gens ici que tout ce dont j’ai besoin c’est qu’ils me laissent enregistrer ça et le contrat est à vous », continua Meyer. « Et ils m’ont rembarré. »

« Hein ? »

« On dirait bien qu’ils ont fait un marché avec les autres équipes pour ne pas gagner », continua Jason. « Alors ils refusent mon offre. Bon… vous pouvez arranger ça, pas vrai ? »

« Et bien, je suis sûr que je peux, mais… »

« Bon, je n’ai pas de temps à perdre au téléphone ou en réunion. C’est le coucher du soleil. Le marché est fini. Pouvez-vous arranger ça, M. McLean ? Je suis sûr que oui. Donnez-moi votre parole maintenant et je considèrerai ça comme conclu. »

Dar sentit sa gorge s’assécher et elle était contente de ne pas être en train de parler. Alastair penserait qu’elle avait perdu l’esprit, en même temps que son meilleur sens des affaires.

On y était. Elle avait passé la ligne rouge. Dar inspira et souhaita seulement tristement que Kerry ne soit pas là pour en être témoin.

« M. McLean ? Je peux avoir votre promesse ? » Il regarda Dar avec un air de triomphe paisible.

Kerry mit un bras autour de la taille de Dar. Au diable les caméras.

Il y eut un long moment de silence puis la voix d’Alastair s’éleva depuis la connexion crachotante avec une clarté inhabituelle. « Et bien, M. Meyer, non vous ne le pouvez pas. »

Inspirant pour parler, Meyer haleta. « Quoi ? »

Dar pinça les lèvres, juste légèrement.

« J’ai bien peur que je ne puisse pas vous faire cette promesse. » Alastair semblait plein de regret.

« Et pourquoi non bon sang ? »

« Les gens au pouvoir ici ont pris une décision », déclara le PDG d’ILS. « Je la respecte. »

Meyer fixa le téléphone avec une forte incrédulité. « Attendez, vous êtes en train de me dire que je vous offre un marché en or et que vous n’allez pas le saisir parce qu’une idiote ici, qui travaille pour vous, et qui n’a visiblement pas les meilleurs intérêts de votre compagnie en tête, dit autrement ? »

La voix d’Alastair prit une tonalité d’une netteté froide et stupéfiante en un battement de cœur. « Vous savez quoi, monsieur ? Cette idiote est avec moi depuis longtemps. Je ne pourrais jamais lui faire faire quelque chose qu’elle ne veut pas faire, mais vous savez quoi ? C’est toujours pour une fichue bonne raison. »

« Bon, et votre conseil d’administration ? Je suis sûr qu’ils ne pensent pas comme vous », railla Meyer avec désespoir, ses yeux pointés sur Cruickshank.

« Je vous souhaite une très bonne journée, Jason. Désolée que les choses ne se soient pas bien passées », dit Alastair juste avant de raccrocher, envoyant un fort clic sur la ligne.

Un silence précaire s’intalla. Meyer leva les yeux finalement et croisa le regard de Dar.

Celle-ci trouva un sourire qu’elle ne ressentait pas vraiment. Elle le produisit quand même, juste pour voir Meyer grincer des dents en réaction, tandis qu’elle sentait Kerry se détendre contre elle de soulagement.

Le silence dura vu que personne ne semblait sûr de savoir quoi faire ensuite. Puis Dar saisit une faible lueur de lumière qui se réfléchissait de quelque chose qui bougeait dans les énormes lunettes de soleil de Cruickshank et avec un air déterminé, elle se dirigea vers elle.

*************************************

Mark se tenait au milieu de la foule, un sourire sur le visage. Les gens autour de lui bougeaient et les conversations bourdonnaient haut et fort tandis que les cameramen restaient silencieux, maintenant peu sûrs de la marche à suivre.

« C’était… » Carlos hésita. « C’était qui, le grand chef, non ? »

« Ouais. » Mark vit une brèche dans la foule et saisit l’opportunité de commencer à avancer vers la porte du bureau. « Viens. »

« Il a fait quelque chose de bien. » Carlos le suivit.

« Mon pote, tu sais pas à quel point. » Mark passa près de deux hommes grands qui tordaient le cou pour regarder la télévision. Brusquement, l’image s’éteignit, devenant un noir morne et le bavardage monta en réaction. Ils étaient à mi-chemin de la porte du bureau quand elle s’ouvrit brusquement.

« Envoyez-moi une facture pour la foutue caméra ! » Une voix basse s’engouffra dans le hall. « Je paierai les frais postaux jusqu’en enfer, c’est là qu’est votre place ! »

« Roberts ! «  Une voix masculine outrée répondit. « Revenez ! »

« Je vous emmerde ! » Dar sortit, son pas vif s’arrêtant lentement tandis qu’elle repérait la foule qui se retournait pour la fixer. Elle haussa les deux sourcils de surprise. « C’est quoi ça, bon sang ? »

Un des cameramen passa près d’elle et se dirigea vers le bureau. Une autre femme le rejoignit tandis que le groupe près de la télévision commençait à se tourner et à graviter autour de Dar.

Quest apparut de nulle part et fonça dans la foule, se dirigeant également vers Dar et Kerry qui venait d’arriver.

Mark battit tout le monde. Il se fraya un chemin à travers la confusion et vint près de ses cheffes, se plantant entre elles et la multitude bourdonnante. « Salut. » Il hésita, pas vraiment sûr de quoi dire ensuite. « Hum… »

« Salut. » Dar regarda derrière lui. « On était le JT du soir ? »

« Ouais », admit Mark. « J’ai essayé de venir là-dedans vous avertir, mais c’était le zoo ici. »

Dar regarda la foule. « Je vois ça », murmura-t-elle. « On savait que c’était filmé mais… »

« Ouais. »

« Fils de… » Soupira Kerry. « Tu as entendu Alastair ? Je vole vers le Texas pour l’embrasser aussitôt qu’on part d’ici. » Elle écarta une mèche de cheveux blonds de ses yeux. « Je n’ai aucun juron à l’esprit à appliquer à tout ce truc. Seigneur ! »

Quest se fraya un chemin à coups d’épaules vers eux. « Très bien Roberts. »

« Dar ! » Michelle apparut d’on ne sait où. Assez plaisamment, il n’y avait aucun signe de Shari, ce dont Dar était reconnaissante. La dernière chose qu’elle voulait là maintenant, c’était de gérer son ex-amante.

Kerry sembla le ressentir parce qu’elle se rapprocha, entourant le bras de Dar du sien dans un geste inconscient. « C’est surréaliste ! » Elle secoua la tête. « Quels abrutis ! »

Bien sûr, la première chose qu’elle voulait gérer c’était l’actuelle. Dar s’appuya contre Kerry avec reconnaissance, souhaitant avoir un flacon d’aspirine et un litre de lait chocolaté pour l’avaler.

« Ah, Dar… » Graham apparut et le quatrième responsable de l’appel d’offres était juste derrière lui. « C’était plutôt spectaculaire. »

Dar tremblait toujours à l’intérieur. La victoire soudaine l’avait honnêtement surprise et elle se sentait un peu à la dérive à ce moment, ayant besoin de s’ancrer dans un monde qui s’était à moitié tourné vers elle. « Merci », marmonna-t-elle. « « Un tas de conneries qui finit une connerie de projet. »

« Je ne vous le fais pas dire », acquiesça Graham avec ferveur.

« Roberts. » Quest s’avança. « Qu’est-ce qui se passe ici ? » Il regarda autour de lui. « Qu’est-ce que vous foutez tous là ? Vous avez abandonné ? »

Dar reprit ses esprits. Elle fit signe à Michelle, Graham et Mike de la rejoindre et elle fit face à Quest. « Nous avons fini », annonça-t-elle tranquillement. « Nous avons tous répondu à vos conditions. »

« Non. » Il secoua la tête. « Pas possible. Vous ne pouvez pas. »

« Si », répondit Dar.

« Non », insista l’homme. « Je ne le crois pas. »

« Vous avez raison », dit Graham. « Abandonnés à notre propre équipement, étant donné votre interférence, nous n’aurions pas dû. » Il balança sur ses talons, les mains serrées dans le dos.

« Mon interférence ? » Quest lui lança un regard faussement surpris. « Qu’est-ce que j’ai à voir avec ça ? Je veux juste que mon projet soit fini. »

« Mais heureusement pour nous, nous avions Dar. » Michelle continua la pensée avec désinvolture. « Et entre nous tous, nous avons réussi. Nous avons fini. »

« Vous en êtes sûrs ? » Demanda Quest d’un ton de doute. « Vraiment fini ? Vraiment ? »

« Nous en sommes sûrs », lui dit Michelle avec confiance. « Nous avons tous travaillé ensemble. »

Quest regarda Michelle. « Vous m’avez doublé », accusa-t-il. « Vous avez conclu un marché avec elle ! »

Michelle sourit. « Et bien, oui je l’ai fait », acquiesça-t-elle. « Et vous savez quoi, ça m’a remplie de joie. »

« Vous nous avez doublés ! » Mike montra Quest. « Vous nous avez amenés ici pour finir votre faux contrat et la seule chose que vous vouliez vraiment, c’était une émission merdeuse de télévision ! » Sa voix monta. « Alors croyez-moi bien, monsieur, vous n’aurez pas seulement ma facture pour le projet, vous aurez aussi une facture pour mon temps, celui de mes équipes, mon agacement, les charges de téléphone de ma compagnie et le foutu ticket de parking que les salopards m’ont donné hors de ce foutu bâtiment ! »

Même Dar était impressionnée par le déchaînement. « Hmpf », dit-elle. « Je n’aurais pas dit mieux. »

« Ouais. » Michelle hocha la tête.

« Presque pareil », dit Graham. » Sauf que je n’ai pas eu de ticket de parking. »

« Vous êtes un escroc, monsieur. » Kerry le pointa.

Un léger hululement parvint de l’extérieur. Quest bougea la tête et un sourire pas très sympathique vint sur ses lèvres. « Et bien, on dirait que la vérité… je ne suis pas l’escroc ici », dit-il. » Et vous venez tous de faire une plutôt belle erreur. »

« Je ne vous le fais pas dire », commenta Michelle. « Beaucoup en fait. Vous rencontrer a été la première. »

Etonnamment, Quest rit. Il commença lentement à retourner vers l’entrée arrière du terminal. « Vous vous croyez tous si intelligents. Vous ne savez rien de rien. » Il montra Michelle. « Et vous êtes la plus grande abrutie… mais vous êtes tous des idiots. »

« Nous ne sommes pas des idiots, mon pote ! » Accusa Mike.

« Elle ! » Quest montra Kerry. « Elle l’a dit juste devant vous ! Aucun de vous ne l’a compris ! »

« Hein ? » Kerry regarda Dar. « Qu’est-ce que j’ai dit ? »

Dar était aussi perplexe que tout le monde. « Aucune idée », murmura-t-elle. « Dit quand ? » Demanda-t-elle à voix haute.

« A la réunion ! » Croassa Quest. « Je pensais qu’on était coulé à ce moment-là mais aucun de vous n’a saisi. Pas même vous. » Il regarda Kerry. « Vous aviez foutument raison. Je voulais que ces navires soient préparés et je le voulais gratuitement. Et vous l’avez tous fait ! »

« La réunion ? » Dit Kerry. « Au bureau ? »

« Qu’est-ce que vous voulez dire par nous… de quoi parlez-vous, Quest ? Vous étiez dedans avec les gens de la télévision ! Il n’a jamais été question des navires ! » Cria Michelle de frustration. « Vous me l’avez dit ! »

Il atteignit la porte arrière juste au moment où une corne de bateau résonnait dehors à nouveau. « j’ai menti ! » Il se mit à rire. « Et tous vous avez perdu beaucoup de temps. » Il les montra du doigt. « Idiots ! »

« Absolument pas », dit Dar. « Vous allez recevoir une facture, mon pote. Croyez-moi. » Elle prit le chemin de la porte arrière, Kerry sur ses talons.

« Quatre factures », confirma Michelle. « Et peut-être une poursuite en justice pour votre petite fraude. »

Quest sourit à nouveau. « Ce n’était pas une fraude », leur dit-il. « Le contrat était réel. » Il jeta un coup d’œil derrière lui puis se retourna, savourant visiblement l’instant. « J’ai eu exactement ce que je voulais. »

« Ces navires ne prendront plus jamais de passagers », dit Dar. « Ne me dites pas le contraire. J’ai vu ces moteurs. »

« Pas en tant que navires non », acquiesça Quest. « Mais ils ne seront pas des bateaux de croisière. Ils vont être des hôtels. » Il ouvrit la porte. « En Europe. Hasta la vista, mes petits amis. Ma prochaine étape c’est Barcelone et vous pouvez me coller aux fesses autant de paperasse que vous voulez. »

Il sortit et ferma la porte brusquement puis il se rua vers le navire.

« Qu’est-ce que… hé ! » Dar traversa rapidement  le sol moquetté, suivie par les autres. « Quest ! ! ! »

Ils atteignirent la porte arrière juste à temps pour voir Quest sauter à bord, en utilisant une planche étroite qui avait pris la place de la passerelle de montée. Les cordages qui reliaient le navire au dock étaient déjà retirés et ils pouvaient entendre les moteurs gémir tandis qu’ils accéléraient.

« Vous pensiez me baiser ! » Cria l’homme. « Vous m’avez donné exactement ce que je voulais ! Merci ! Merci ! Connards ! » Il leur lança l’insulte et puis s’évanouit dans l’obscurité de l’endroit.

« Quest ! » Michelle cria à pleins poumons. « Revenez ici ! »

Un membre d’équipage retira la planche et s’écarta de l’espace d’entrée tandis que le navire reculait, se repoussant du ponton avec un crissement grondant de ses vieux os. L’homme leva la main et lui fit un signe paresseux, puis il disparut tandis que la porte se fermait à grand bruit, se scellant avec un claquement métallique audible depuis l’endroit où ils se trouvaient.

Choqués, ils regardèrent le navire s’éloigner, incapables de faire autre chose que de le fixer.

D’un air coquin, le navire lâcha un son de corne à nouveau, dans un genre ‘réponds à ça’, tandis qu’il s’éloignait lentement du Cut vers la pleine mer. L’eau faisait de doux clapotis contre la coque et une brise s’était élevée, remuant un drapeau américain usé qui avait été monté sur le mât du navire sur lequel Dar et Kerry avaient travaillé.

« Fils. De. Pute. » Michelle épela les mots avec soin.

Dar mit les mains sur ses hanches, vraiment perdue. Elle tourna la tête et regarda Kerry qui la regardait à son tour avec une expression complètement ébahie. « Il nous a eus », dit-elle, simplement.

« Il nous a eus » répéta Kerry. « Bon sang de Dieu. »

« Ça aussi. » Dar se couvrit les yeux, secouant la tête d’incrédulité.

« Des hôtels flottants ? » Dit Kerry. « C’est pour ça que les espaces publics ont été réparés… »

« Et pas les moteurs. » Dar regarda quand l’autre porte s’ouvrit bruyamment et que Meyer apparut avec Cruickshank sur ses talons. Ils lui lancèrent un regard noir mais le chaos les distrait et ils se concentrèrent sur le reste de la foule plutôt.

« Qu’est-ce qui s’est passé ? » Demanda Meyer brusquement. « Qu’est-ce qui se passe ? »

« Qu’est-ce qu’on a raté ? » Ajouta Cruickshank. « Où vont-ils ? C’est  une nouvelle blague ? C’est quoi le marché ? »

Ils se regardèrent tous. Kerry s’éclaircit la voix. « Vous avez raté votre final parfait », leur dit-elle.

« Quoi ? » Cria Meyer. « Quel final ? Quoi ? Où ? Il virevolta et regarda autour de lui. « Qu’est-ce qui se passe bon sang ? ? Vous voulez dire qu’il nous a trompés ? Quel salopard ! »

« Ironiquement, votre nom c’est la Chaîne du Voyage », marmonna Kerry entre ses dents, trouvant quelque part l’humour dans la situation. Un mouvement attira son attention et elle repéra Andrew qui venait vers eux depuis le ponton, ses mains dans ses poches de jean et une expression perplexe sur son visage cicatrisé.

Savait-il ? Se demanda Kerry. Elle espéra que non. La misère aimait la compagnie après tout, pas vrai ? 

Michelle soupira fortement. « Que je sois damnée si je l’ai vu venir », dit-elle finalement. « Je n’ai jamais pensé que je me trouverais dans une situation qui colle à ce vieil adage, mais ça, ça ne colle pas, bon sang. »

Dar regarda les navires qui s’éloignaient, encore choquée. « Oooh ook », acquiesça-t-elle désabusée. « Ook, ook, ook. »

**************************************

Kerry sortit du terminal et attendit au bord des marches que Dar la rejoigne. Elles étaient baignées du crépuscule et la lumière crue de la journée avait laissé la place à un pourpre placide et à une température presque confortable.

Presque.

Les autres concurrents étaient sortis avant elle et avaient rejoint leurs voitures. Ils se dirigeaient vers Snappers, dans Bayside pour s’asseoir et parler de tout ça, mais elle était contente d’avoir quelques minutes ici pour essayer d’éclaircir son esprit et réfléchir à ce qu’elles avaient déjà traversé aujourd’hui.

Une folie risible, voilà ce que c’était. Kerry se massa la nuque qui battait d’une douleur agaçante et elle souhaita s’être souvenue de mettre de l’aspirine dans la boite à gants. Peut-être que Dar en avait… « Oh. Te voilà. »

« Me voilà », acquiesça Dar en mettant une main sur le dos de Kerry. « Viens. Allons-y. J’ai besoin d’une boisson forte. »

« Je pense qu’on en a tous besoin. » Kerry commença à descendre les marches avec elle. « Tu n’aurais pas de l’aspirine, si ? »

« Dans la voiture, oui », dit Dar. « Papa va nous rejoindre devant et se joindre à nous », ajouta-t-elle. « Je pense que je lui dois une bière, parmi d’autres choses. » Elle se mordilla l’intérieur de la lèvre, tombant dans un silence pensif tandis qu’elles traversaient le tarmac vers leur voiture.

Kerry fut contente de se glisser dans le siège en cuir de la Lexus et elle s’adossa, la chaleur résiduelle du soleil lui chauffant les omoplates et lui offrant une sorte de soulagement. « Ouille. »

« Tu vas bien ? » Demanda Dar tandis qu’elle tournait la clé et démarrait le moteur.

« Fatiguée », admit Kerry. « Lessivée. »

« Moi aussi », dit Dar. « J’aimerais juste rentrer à la maison. »

Kerry posa la main sur la cuisse de Dar, massant légèrement de son pouce la surface rugueuse. « Moi aussi », dit-elle en écho. » Dieu merci c’est vendredi. »

« Après tout ce qu’on a traversé, ça aurait été vendredi peu importe le jour. » Dar quitta la place de parking et se dirigea vers le bâtiment du quai, où Andrew se tenait à les attendre. « J’ai tellement envie de quelques jours de congés. » Elle jeta un coup d’œil à Kerry. « Tu as quelque chose en tête pour demain ? »

« Toi et moi dans le lit à vagues toute la journée, nues », dit Kerry tandis qu’elles se garaient et qu’Andrew ouvrait la portière arrière. « Ça te va ? »

Dar réussit à produire un sourire désinvolte. « Je te mets au défi de le redire », dit-elle d’une voix trainante tandis qu’Andy refermait la portière et s’installait dans le siège arrière.

Kerry papillonna de ses cils clairs d’un air fatigué. « Moi ? »

Dar s’éclaircit la voix. « Salut, Papa. »

« S’lut Dar », répondit Andy d’un ton aimable. « Foutue fin à tout ce bazar. »

Dar ricana. « Tu savais qu’ils allaient faire ça ? Se barrer ? »

« Ben. » Andy remua, s’étirant de tout son long sur le siège arrière et s’appuyant contre la portière. « Je savais qu’ils réparaient pour partir, on peut pas rater des diesels qui démarrent. Mais tu as dit qu’ils partaient autour du coucher du soleil de toutes les façons, alors je me suis dis que c’était ça. »

« « Ils nous ont joué un tour de salauds. » Kerry se tourna à demi et le regarda par-dessus le repose-tête.

« Ouais. » L’ex-marine lui lança un regard désabusé. « J’ai pas vu celui-là arriver », admit-il. « J’me suis dit que c’était comme vous avez dit, avec les gens de la télévision. Je dois leur donner un crédit de marin, ils ont bien gardé leurs écoutilles fermées. »

« Peut-être qu’ils ne savaient pas », suggéra Kerry. « Pas les gradés, je veux dire, mais les petites abeilles. Ceux à qui j’ai parlé semblaient être plutôt perplexes quant à ce qui se passait. »

« Ouais, c’est possible », acquiesça Andy. « La Marine était comme ça. Tu sais pas, tu demandes pas, tu dis rien, tu mets pas ton cul dans le chemin. »

Dar rit. « Tu as toujours su ce qui se passait », désapprouva-t-elle.

« Ben, j’avais un singe avec les yeux dans leurs machines, pas vrai ? » Andy tendit la main et ébouriffa les cheveux de Dar. « Mais c’est sûr que je sais quelque chose dans cette situation que vous savez pas. »

« C’est quoi, Papa ? » Kerry le regarda avec curiosité. « Au sujet du navire, tu veux dire ? »

Dar se concentra en arrivant sur le pont qui les emmènerait à Bayside. Elle était fatiguée et elle savait que ses réflexes souffraient à cause de ça, mais heureusement le trafic était léger et elle passa sur la voie de gauche facilement.

« Au sujet de ce navire » Andrew semblait étonnamment narquois. « Ils sont partis avec le nombre de gens qu’ils attendaient, mais il y a quelqu’un qui va leur manquer et quelqu’un qui leur manquera sûrement pas. »

« Hein ? »

Dar regarda dans le rétro. « De quoi tu parles, Papa ? »

« J’ai livré ce petit gars des moteurs à la police », dit Andy. « Il m’a raconté ce qu’il a fait à une dame qu’il a rencontrée. Tu avais raison, kumquat. »

Les yeux de Kerry s’éclairèrent. « Ah oui ? » Elle soupira. « Ouaouh… bon sang, je me sens bien mieux maintenant. Je pensais qu’il s’était échappé… pourquoi il est revenu ? »

« Un mec du navire. » Andy haussa les épaules. « Bref, ils vont pas apprécier d’embarquer cette vieille outre pleine de vent dont vous vous fichez à sa place, je vous le dis. »

Dar faillit freiner au milieu de la voie. « QUOI ? »

Kerry se mit sur les genoux et attrapa le siège, les yeux écarquillés vers son beau-père. « Shari est montée sur ce navire ? ? ? » Couina-t-elle. « Tu te moques de moi ? »

Andy sourit, ses yeux bleus brillant vers elle. « J’pense pas qu’elle avait prévu ça, exactement », lâcha-t-il. « Elle se préparait à vous faire encore plus d’ennuis à tous, et je voyais pas l’intérêt de l’ennuyer en lui disant que le navire partait. »

Dar se claqua la tête d’une main. « Oh mon Dieu. » Elle rit, impuissante, passant dans la bretelle de Bayside presqu’à la dernière minute. « Papa, ils vont traverser l’océan. »

« Je m’en rends compte, Dardar », acquiesça son père. « Cette femme avait toujours l’air d’avoir besoin de repos. Tous ces beuglements et agitation. »

« Hé. » Kerry se retourna et s’assit, un grand sourire sur le visage. « Au diable avec Quest ! Ça, ça illumine ma journée. Elle gloussa. « J’espère qu’elle finira avec des biscuits et de l’eau à balayer les ponts pour payer son ticket. » Elle remua dans son siège, faisant une petite danse sur une musique silencieuse.

Dar se contenta de rire, secouant la tête tandis qu’elle se garait près des escaliers. « Tu sais ce que je veux savoir ? » Demanda-t-elle en sortant de la voiture. « Laquelle de nous deux va le dire à Michelle. »

Kerry ricana d’une manière désinhibée. Elle alla à l’arrière de la Lexus et fit un geste du bras, hochant la tête quand Dar ouvrit le coffre pour elle. Elle se pencha et prit la mallette de Dar, ouvrit le dessus et fouilla dedans pour attraper le flacon d’aspirine que Dar gardait là habituellement.

Son esprit voguait sur les nouvelles d’Andrew cependant. Elle imagina Shari se découvrant coincée à bord et jurant abondamment. Elle imagina le capitaine qui l’ignorait… non, pire. Elle imagina le capitaine l’enfermant hors de la salle de contrôle et laissant le reste de l’équipage se moquer d’elle.

C’était une image très satisfaisante. Elle se demanda si Shari allait geindre tout le long jusqu’à Barcelone. « Hé, Dar ? »

« Hm ? » Dar s’appuya contre le coffre près d’elle. « Tu ne trouves pas ? »

« Si, je l’ai. » Kerry sortit le flacon et l’ouvrit, secouant pour faire tomber quelques cachets et les mit dans sa poche avant de remettre le flacon en place. Elle referma le coffre et ils se mirent en marche vers le centre commercial.

« Maintenant on dîne », répondit Dar promptement. « Du poisson ça te va, Papa ? »

« Tant qu’il est cuisiné, Dardar. »

« Ce n’est pas exactement ce que je voulais », objecta Kerry. « Mais je présume que ça ira pour le moment. »

Dar monta vite les quelques marches et ils entrèrent dans le centre, se frayant un chemin parmi les vendeurs de presse du vendredi soir. Elle savait qu’elle n’avait pas répondu à la question de Kerry, mais elle savait aussi qu’elle n’avait pas de réponse intelligente, alors elle fut contente que sa compagne accepte qu’elle reporte sa réponse.

Et maintenant ? Qui savait ? Ce n’est pas comme s’il y avait une section dans les business plans qu’elle avait conçus qui recouvrait la situation qu’ils venaient de traverser. Elles trouveraient quelque chose, supposa-t-elle, tout comme elle supposait qu’elle passerait du temps la semaine suivante, à expliquer à Alastair exactement ce qui s’était passé.

En même temps que tout le reste qu’elle devait expliquer. Dar mit la pensée sombre de côté et entoura l’épaule de Kerry de son bras tandis qu’ils entraient dans le magasin extérieur et repéraient les autres.

Le bord de l’eau, avec une légère brise, était raisonnablement supportable. Ils prirent un siège à la grande table avec les autres et pendant un long moment, tout le monde s’observa.

Un serveur apparut et fixa les nouveaux venus d’un air interrogateur. « Une bière à la pression, n’importe laquelle. » Kerry fit un geste circulaire de sa main pour montrer tout le monde. « Et j’aimerais un verre d’eau aussi, s’il vous plait. »

« Bien sûr. » L’homme disparut.

« Merci, Ker. » Dar étendit ses jambes sous la table et croisa les mains sur son estomac.

« Je me disais que tu garderais le lait pour le dessert », répondit Kerry et elle tourna son attention sur le reste de la tablée. « Bon. On y est. »

« On y est », acquiesça Graham et il jeta un coup d’œil autour de lui. « Enfin, la plupart d’entre nous », ajouta-t-il. « Où est votre partenaire grossière ? » Demanda-t-il à Michelle.

Celle-ci haussa les épaules. « Je n’en ai aucune idée », répondit-elle sèchement. « Je ne l’ai pas vue depuis que le cirque a démarré avec ces deux-là. » Elle fit un mouvement de la tête vers Dar et Kerry.

« Et ben, c’est pas une perte », dit Mike, d’un ton neutre.

Andrew s’éclaircit la voix.

« Désolé, mais c’est vrai. » Mike comprit mal le son. « Je sais que ce n’est pas très correct de dire ça mais si cette sorcière s’était noyée dans le canal, j’applaudirais. Quelle connasse. »

Michelle pinça les lèvres et ses ongles se cognèrent quand elle mit ses mains en prière contre son menton. « Et bien nous sommes tous des connards à un moment ou un autre », dit-elle, diplomatiquement. « Et nous faisons les choses différemment. »

Curieusement, Kerry sentit qu’elle souriait quand elle entendit Michelle le dire et elle fut plaisamment surprise quand la femme rousse refusa de céder à la majorité et se joignit à la volée de coups. Cela demandait du caractère que franchement, elle ne pensait pas que Michelle avait.

Et c’était vrai en fait. Ils pouvaient tous être des connards quand ils le voulaient, inclus elle-même. Elle débattit sur le fait de dire à Michelle où était Shari, puis se dit que ça pouvait attendre. Michelle ne semblait pas très inquiète non plus.

Très différente de comment elle-même aurait agi dans les mêmes circonstances, c’est sûr. « Et bien, on se dit qu’ils doivent aborder quelque part. » Kerry mena la conversation vers quelque chose de plus productif. « Peut-être que notre bureau international peut les tracer. »

« Est-ce que ça en vaut la peine ? » Demanda Graham. « Je sais qu’il y a beaucoup d’argent en jeu mais pour être honnête, Kerry, je ne sais pas si ça vaut la peine de récupérer les frais. Je pourrais inscrire ce marché comme une affaire qui a mal tourné. Ça ne va pas réjouir mes chefs mais… que faire ? »

« Vous voulez dire, juste les laisser s’en tirer ? » Demanda Kerry, un air un peu étonné sur le visage.

Graham haussa les épaules.

« Tout le monde ne peut pas se le permettre », dit Michelle.

« Est-ce qu’aucun de nous peut se le permettre ? » Ajouta Mike soudain. » Je ne veux pas dire financièrement, non plus. »

Tout le monde réfléchit et puis, comme d’un commun accord, ils se tournèrent et regardèrent Dar, qui s’amusait en pliant sa serviette pour en faire un lapin.

Sentant l’arrêt de la conversation, Dar leva les yeux, ses mains s’arrêtant à mi-chemin. « Quoi ?» Demanda-t-elle en fronçant les sourcils.

« C’est quoi votre plan, la gagneuse ? » Demanda Mike. « Comment allez-vous sortir le lapin de votre chapeau cette fois-ci ? »

Dar regarda son lapin serviette puis elle se contenta de hausser les épaules. « Peut-être que je ne vais pas le faire. » Elle tira un coin du tissu et le lapin disparut, redevenant un simple objet plat. « Peut-être que cette fois on a perdu. » Elle leva les yeux quand le serveur approcha et elle accepta une chope de bière glacée.

Après une gorgée, elle eut un autre haussement d’épaules pour la tablée silencieuse et ne dit rien de plus.

***********************************

Ah. De l’air frais, pas de sueur, une douche récente, des vêtements propres.

Etre à la maison, c’était comme faire un petit voyage vers le Paradis. Dar étendit les bras sur la surface du lit à vagues et se contenta d’absorber le silence béni, brisé seulement par le reniflement d’un nez de Labrador et le chantonnement doux de Kerry depuis la cuisine.

« Hé, chou ? » Cria Kerry.

« Hung ? » Dar ne put produire qu’un grognement en retour.

« Du chocolat chaud ou une crème glacée ? » Répondit Kerry de bien plus près.

« Oui », répondit Dar, les yeux toujours fermés.

Avec un léger rire, Kerry s’approcha et s’assit près d’elle, faisant remuer le lit. Elle passa les doigts dans les cheveux de Dar, ébouriffant les mèches noires et les lissant en arrière pour dégager le front de sa compagne. Il y avait une ride là et elle passa le pouce dessus, le mouvement faisant battre les longs cils noirs tandis que deux yeux bleu clair s’ouvraient et l’étudiaient. « Fatiguée ? »

« Très », admit Dar. « Et toi ? »

« Oooohhh. » Kerry réussit à produire un sourire. « Je suis juste contente d’être à la maison. »

La maison. Dar sourit en retour. « Je suis contente d’être seule avec toi. »

« Sentimentale. »

« Toi aussi, geek. » Kerry se mit à rire. « Ahghr. » Elle roula et mit la tête sur l’estomac de Dar, regardant le plafond à travers ses yeux à demi fermés. « J’ai mis du chocolat à chauffer et la glace est dans le frigo et attend sa cuillère. »

Dar renifla. « Je le sens. » Elle posa un bras sur l’estomac de Kerry. « Je pense que j’aurais préféré dîner avec l’équipe. »

Kerry couvrit la main de Dar de la sienne et entrelaça leurs doigts. « Je pense que j’aurais préféré dîner juste avec toi », dit-elle. « Je suis tellement lessivée, Dar… c’est comme si mon cerveau faisait des vrilles là-dedans. »

L’expression de Dar s’adoucit et elle tourna la tête pour étudier la jeune femme blonde près d’elle. « Comment va ton crâne ? »

« Toujours douloureux », admit Kerry. « Ou peut-être qu’il recommence à faire mal, je pense que ça a été pendant un petit moment. »

« Je pense que je devrais t’apporter le chocolat chaud plutôt que le contraire. » Dar était contente de trouver quelque chose pour distraire ses pensées de l’appel d’offres, même si ce quelque chose était l’inconfort de sa compagne bien-aimée. « Tu veux que je masse ta nuque ? »

Kerry ne chercha pas à le dissimuler. Elle roula et soupira béatement tandis que les mains puissantes de Dar commençaient à travailler les points de ses épaules et descendaient sur la nuque. Elle pouvait sentir la chaleur de la peau de Dar sous son tee-shirt fin et entendre le battement régulier de son cœur, et tout d’un coup elle eut envie de pleurer.

« Ker ? »

« Ungh ? »

« Ça va ? »

Kerry déglutit. « Je suis juste fatiguée », marmonna-t-elle. « Ces deux dernières semaines ont été frustrantes. »

Dar comprit exactement ce qu’elle voulait dire. Au lieu de continuer à masser sa nuque, elle souleva Kerry et l’enlaça. « Fichtrement frustrantes. Mais je suis égoïstement contente que tu y étais avec moi. »

Là, Kerry se mit à pleurer pour une toute autre raison. Ou peut-être que c’était la même raison, c’était difficile à dire. Ce fut un soulagement et allégea son esprit, tandis qu’elle rendait son étreinte à Dar et que toutes les deux se mirent à rire, là au milieu du lit.

Finalement Kerry renifla. « Je suis contente aussi », dit-elle.

Dar soupira, le bord externe de son pouce traçant paresseusement l’oreille de Kerry. « Je pense que je vais nous donner une semaine ou deux de congés. Qu’est-ce que tu en penses ? »

« On peut faire ça ? » Demanda Kerry après un moment.

« Je m’en fiche. Je vais le faire », répondit Dar. « J’ai besoin de temps pour moi. »

Kerry pencha un peu la tête de telle sorte qu’elle pouvait voir le profil de sa compagne. La faible lumière de la chambre à coucher ne montrait pas grand-chose, mais elle se rendit compte que Dar avait probablement l’air aussi fatiguée qu’elle-même le ressentait. Si cela avait été stressant pour elle, qu’est-ce que ça voulait dire pour Dar qui avait dû gérer tout le stress émotionnel en même temps que cette affaire ?

« Ça me parait bien. » Kerry lui fit une petite pression. « J’en suis… en fait, et si on allait au chalet ? »

« Mm. » Dar grogna son approbation.

Elles gardèrent le silence un petit moment, communiquant avec de doux touchers et des câlins. Parfois, Kerry avait remarqué, ça marchait mieux avec Dar et elle sentit la tension dans sa compagne diminuer tandis qu’elle tapait sa main et déposait quelques baisers sur le dos de celle-ci.

L’amour était utile pour beaucoup de choses qu’on ne pouvait traiter avec des médicaments ou autre assistance chimique, décida-t-elle. C’était gratuit et sain et on ne finissait pas à la une de l’Enquirer à cause de ça.

Kerry réfléchit brièvement puis elle sourit. Et bien, peut-être que si, mais seulement si on était célèbre.

« Je vais devoir appeler Alastair lundi », fit remarquer Dar.

« Je vais lui envoyer un panier garni lundi », dit Kerry. « C’est quoi déjà sa marque de whisky préférée ? » Demanda-t-elle. « Parce que tu sais quoi, ça aurait été facile pour lui de promettre le monde à Meyer. Il n’aurait même pas eu besoin de te mentionner pour ça… il aurait juste eu à dire qu’il s’en occupait. Mais il ne l’a pas fait. »

« Il ne l’a pas fait », approuva Dar. « Il m’a fait confiance. »

« Ouaip. »

Dar soupira. « Et je ne le méritais pas cette fois. »

Kerry leva les yeux au ciel. « Oh, arrête tes conneries, Dar. »

Un haussement d’épaules. « Chérie, je ne le méritais pas », dit Dar. « Il me fait confiance parce qu’il a eu de bonnes raisons auparavant. Cette fois-ci, il n’en avait pas et je le sais et tu le sais. J’ai explosé la compagnie, j’étais en train d’exploser mon job et la seule raison pour laquelle nous étions en avant à ce moment-là, c’était de la chance pure et stupide. »

Kerry se tortilla pour mettre sa tête au niveau de celle de Dar, mais elle garda son étreinte autour du corps de sa compagne. « Tu y crois vraiment ? »

« Humhum. » Dar hocha la tête. « Tu le devrais aussi parce que ça aurait pu tourner au bazar intégral que tu aurais dû nettoyer. »

« Tu penses que ça m’aurait gênée ? »

Dar tourna la tête et regarda Kerry. Un haussement de sourcil. « Tu devrais fichement l’être. »

« Et bien non. »

Le comportement joyeux de Kerry surprit beaucoup Dar, surtout si elle se souvenait de leur conversation dans le bus Disney il n’y a pas si longtemps, quand Kerry s’était inquiétée d’abandonner ses responsabilités professionnelles pour un jour d’amusement.

Qu’est-ce qui avait changé ? « Il me semble à moi », commenta Dar, décidant de deviner pourquoi. « Je me souviens avoir été sermonnée pour avoir joué dans un parc d’attractions au lieu de travailler, il n’y a pas si longtemps. »

Le visage expressif de Kerry se plissa dans une expression ironique. « Tu m’as eue », admit-elle. « Mais c’était il y a bien longtemps. »

« Deux semaines ! »

« Ce projet a duré une semi éternité. Beaucoup de choses peuvent changer en une semi éternité », protesta Kerry. « J’ai une perspective totalement différente, Dar. Je suis passée par-dessus. Je suis passée par-dessus moi, peut-être », finit-elle d’un ton plus doux. « Tellement de gens m’ont demandé ce que je fichais à courir sur le quai en tirant un câble… peut-être que je me suis aussi posé la question. »

« Hm. » Dar fit un petit son pensif.

« Je pense que nous avons besoin de congés toutes les deux, pour pouvoir trouver à nouveau quels sont nos rôles », conclut Kerry tranquillement. « Peut-être les réécrire pour qu’ils aient plus de sens. »

« Hm. » Dar répéta son bruit pensif, finissant cette fois sur une note un peu plus aigue qui signifiait qu’elle approuvait.

« Ils n’avaient pas beaucoup de sens ces dernières semaines. »

« Heu heu », acquiesça Dar. « Tu as raison. » Elle tendit la main pour écarter doucement une mèche des cheveux clairs de Kerry qui lui couvrait un œil. La peau autour se plissa tandis que Kerry souriait et Dar continua en traçant ses lèvres du bout de son doigt. « Ils n’avaient pas beaucoup de sens. »

« Mais nous avons du sens », murmura Kerry, attrapant le doigt de Dar entre ses dents puis le relâchant. « Alors on va y travailler, pas vrai ? »

Dar se pencha et l’embrassa.

Kerry prit ceci pour un oui et rendit le geste, le faisant durer avec plaisir. Elle prit une inspiration et sentit son corps se presser contre celui de Dar tandis que sa compagne faisait de même. Son mal de crâne commença à diminuer tandis qu’elles étaient là, entrelacées dans les bras l’une de l’autre et elle nicha sa tête sur l’épaule de Dar et se contenta d’absorber le moment.

Dar lui caressa le visage et ce fut comme de boire quelque chose de chaud un jour froid, un sentiment de chaleur interne qui démarra et se propagea en elle, effaçant les lambeaux restants de la journée qui s’accrochaient toujours à elle. « Mm. »

« Mm. » Dar fit écho.

« Les journées peuvent être aussi pénibles qu‘elles le veulent tant qu’elles finissent comme ça. » Kerry se pencha et pressa ses lèvres contre la joue de Dar. « C’est la seule chose que nous avions et pas les autres, tu sais ? »

Dar sourit et hocha la tête. « Oui oui. »

« Ça et ta sublime façon de parler », la blagua Kerry. « Je ne sais pas ce que je ferais sans ça. »

Dar fit la moue, battit de ses cils noirs et eut une expression faussement blessée.

« Encore moins ce que je ferais sans toi. » Un regard vert tendre sur elle tandis qu’un sourire passait sur les lèvres de Kerry. Elle passa son pouce sur la moue qui se dissout en un doux sourire en retour. « Seigneur, ce que je t’aime. »

Dar laissa son front reposer sur sa compagne tandis qu’elle réfélchissait à l’ironie de sa vie. Puis elle pencha la tête légèrement et se permit un long baiser, roulant un peu sur le dos en entrainant Kerry avec elle jusqu’à ce qu’elles finissent nez à nez l’une sur l’autre.

L’avantage des lits à vagues sur les autres pour ce genre de chose. Kerry était étalée sur elle et c’était tout simplement confortable, au lieu d’être à moitié suffocant. « Je t’aime aussi », dit Dar, levant la tête pour attraper le nez de Kerry de ses lèvres.

« Mm. » Ce fut le tour de Kerry de sombrer dans la non verbalisation.

Dar s’éclaircit doucement la gorge. « Tu sais ce que je viens de réaliser ? »

« Quoi ? » Demanda Kerry.

« On a perdu la trace de la journaliste du Herald. »

Kerry se mordit la lèvre inférieure, son front se contractant légèrement. « Ah oui ? Oh… oui je sais. » Elle glissa une main sous le maillot de Dar. « Je l’ai cherchée quand on est allées au bureau, mais elle n’était nulle part. Tu penses qu’elle est partie ? Je ne l’ai pas vue après non plus. »

Dar mit le nez sur l’oreille proche de Kerry, mordillant le lobe avant de répondre. « Peut-être qu’on le découvrira en lisant la page Affaires lundi », murmura-t-elle dans l’oreille de Kerry.

« Si elle est partie avant les navires, on ferait mieux de l’appeler et de nous assurer qu’elle ne passe pas pour une idiote », murmura Kerry en retour.

« On finirait probablement par avoir le beau rôle si on ne le fait pas. »

« Jusqu’à ce qu’elle doive se rétracter sur l’histoire. » Kerry fit un petit baiser sonore sur la hanche de sa compagne. « Méchante Dar. »

Un rire bas de gorge fit vibrer son oreille.

« Allons. Allons chercher nos friandises », dit Kerry. « On ne peut pas s’inquiéter pour les journalistes du Herald maintenant. » Elle fit un rapide baiser à Dar et roula hors du lit, entrainant Dar avec elle. « Il y a de la glace qui attend et beaucoup de conneries à oublier. »

Dar la suivit obligeamment, plus que prête à balancer le passé récent par la baie vitrée et ne pas regarder en arrière.

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Conclusion partie 33.

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Commentaires
S
Merci ;)<br /> toujours du bon ! mais on va bientôt s'ennuyer de Dar et Kerry !
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F
Merci. Encore une partie sygui et qui dit que ce sera fini ? Pas de retraite pour les braves :-)
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