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25 novembre 2009

Merci Aphrodite, chapitres 1 à 3

 

Merci Aphrodite.

 

 

 

Chapitre 1 :

 

 

 

- Hey ! fit la voix familière de sa cousine.

 

Tia sourit sans se retourner, sachant qu’elle allait la rejoindre. Après quelques minutes, elle vit le visage de lutin de Lizzie apparaître à ses côtés.

 

- Ca va ? lui demanda-elle.

 

- Ca va.

 

- T’es sûr ? T’as l’air inquiète.

 

Tia ne répondit pas. Elle était effectivement soucieuse. Cela faisait trois ans depuis que Sassem n’était plus. Trois ans qu’elle vivait avec sa compagne et ses enfants au ranch de Frédéric. Trois ans qu’elle tentait de faire accepter à Lex de se faire tester pour Huntington. Et en début de semaine, elle avait enfin accepté.

 

Aujourd’hui, elle devait récupérer les résultats, c’était d’ailleurs la raison de son absence et Tia avait peur. Son amie avait refusé qu’elle l’accompagne, aussi bien pour faire les tests que pour aller chercher les résultats. Elle ne comprenait vraiment pas pourquoi elle se sentait obligé de faire tout ça sans elle.

 

C’était une épreuve difficile pour elle, elle avait besoin de sa présence, pourtant elle la refusait. C’était incompréhensible. Elle secoua la tête et répondit enfin :

 

- Ca va. Mais c’est sûr que ça ira mieux quand Lex sera là.

 

- Ou est-elle ?

 

- En ville.

 

- Et tu ne l’as pas accompagnée ?

 

- Non, répondit Tia en contrôlant son agacement. Sinon, je ne serais pas là.

 

- Euh… oui, fit sa cousine avec circonspection.

 

- Désolée, soupira la mercenaire toujours énervée. Ce n’est pas contre toi.

 

- T’inquiète, je l’avais bien comprit.

 

Lizzie observa sa cousine un moment. Ca faisait trois ans que Sassem était mort et si personne ne lui avait expliqué comment, elle avait rapidement saisie qui s’en était chargé. Depuis… Tia était différente. Plus sombre, s’agaçant plus vite. On aurait dit parfois, « comme maintenant d’ailleurs », se dit-elle en fronçant les sourcils, qu’elle entendait quelque chose d’inaudible pour eux.

 

Comme un appel ou quelque chose comme ça. Elle fixait l’horizon et son regard se brouillait. Elle se tendait soudainement et attendait. Quelque chose lui manquait et Lizzie aurait donné cher pour savoir ce que c’était.

 

Elle détailla son visage et n’y vit, comme toujours, qu’une incroyable beauté. Ses traits étaient d’une finesse et d’une noblesse qui la troublait comme au premier jour. A ce moment là, la grande femme tourna la tête vers elle et leurs regards se croisèrent.

 

Tia écarquilla un peu les yeux et se laissa envahir par ce qu’elle y voyait. Lizzie la regardait avec une dévotion si tranquille… la mercenaire devait s’avouer qu’elle adorait ça. Ce sentiment d’être important pour quelqu’un était grisant. Et depuis quelques années, elle se rendait compte qu’elle était importante pour pas mal de gens.

 

Ca lui avait tellement manqué, qu’elle ne s’en lassait pas. C’était d’ailleurs une des choses qui lui permettait de ne pas repondre à cet appel qu’elle entendait parfois. Elle devait vraiment prendre sur elle pour ne pas se mettre à courir dans sa direction.

 

L’autre chose, la plus importante, c’était Alexia. Elle aimait leur vie et elle l’aimait tout court. Excepté leurs voyages pour leur travail, elles restaient toujours au Ranch. Elles menaient ainsi une vie paisible et formait une famille presque normal, avec les jumeaux. Pour les vacances, ils partaient tous en voyage.

 

Souvent, avec son oncle et ses cousines et bien sûr, Frédéric. Depuis quelques temps, on le voyait moins. Il sortait tard le soir, ne revenait qu’au petit matin. Tia se doutait de ce qui le retenait, mais elle n’en avait rien dit à ses enfants. Si à 17 ans ils ne devinaient pas ce genre de chose eux-mêmes, alors elle n’allait pas le leur expliquer.

 

L’année qui avait suivit leur installation au Ranch, Alexia avait voulu adopter ses enfants et les jumeaux avaient accepté avec enthousiasme. Enfin, surtout Len. Lara n’était pas contre, mais elle avait du mal à se faire à l’idée. Elle aimait bien Alexia mais expliquer à ses amies que sa mère, qu’elle n’avait jamais connu, était de retour avec une autre femme. Qu’elle se retrouvait maintenant avec deux mères. Ca avait été dur.

 

Enfin, l’ambiance était décontractée maintenant et Lara avait finalement été rassurée par cette décision. Ils savaient ainsi qu’ils auraient toujours une mère. Ca avait eu le même effet sur Tia. Ainsi attaché à ses enfants, elles formaient une vraie famille et Alexia ne la lâcherait pas de si tôt. Les doutes que Tia avait étaient énervants, d’autant plus qu’elle savait que la jeune blonde l’aimait follement, mais elle craignait parfois que le traditionnel de sa vie d’avant lui manque.

Elle avait abandonné une vie calme et un avenir plus conventionnel, en plus de sa famille et de son héritage, juste pour être avec elle. Lui donner une famille à elle et un pied à terre était sa façon d’essayer de lui offrir ce à quoi elle rêvait avant de la rencontrer. Elle ne pouvait pas se transformer en homme, mais elle pouvait lui donner un semblant de vie normal.

 

Pas trop non plus cela dit. Alexia avait été clair, elle aimait l’excitation que lui procurait leur travail et elle-même n’ayant jamais rien connu d’autre, elle ne se voyait pas faire autre chose, alors cette vie mi-conventionnel mi-aventureuse, leurs convenaient parfaitement.

 

Elle brisa le contact visuel et retourna à sa contemplation tranquille. Son fils tentait de monter un nouvel Alezan, acheté par Frédéric la semaine passé et encore sauvage. Il écoutait attentivement les indications de Jason, l’entraîneur personnel de leurs chevaux de courses.

 

Il y avait deux ans maintenant qu’Alexia les avaient convaincus d’investir là-dedans et que Jason avait été engagé et entraînait les différents chevaux acquis. Cette année allait être celle de leur première course. Jason pensait que Derby et Junny, respectivement cheval et jument, avait de bonnes chances de se faire une place aux prochaines courses prévu ce printemps. 

 

Curieusement, Lara avait développé l’envie dévorante d’être jockey et elle suivait Andrea, engagé par le ranch, absolument partout. Elle avait même couru deux ou trois fois sous la surveillance de Jason et celui-ci avait déclaré à sa mère qu’avec l’entraînement adéquat, elle deviendrait une très bonne jockey, non professionnelle, avait-il néanmoins précisé. A la question du pourquoi, il lui avait expliqué que la taille était très importante dans ce milieu et que Lara était trop grande. Elle ne l’avait pas encore annoncé à sa fille et ne voyait aps trop comment s’y prendre. Len avait aussi souhaité s’y mettre, mais il était plus doué pour le dressage que pour la course.

 

Il aidait donc Jason quand il le pouvait et sinon, il continuait à apprendre à faire tourner un ranch sous la houlette de Frédéric. Il hésitait entre ses deux métiers à la plus grande joie de sa mère. Entre ces hésitations et l’envie de Lara d’être jockey professionnelle ou actrice, sa dernière lubie, elle avait pût, avec soulagement, écarter de son esprit sa crainte d’être un exemple à suivre pour eux.

 

La violence, si elle faisait partie de leurs gênes, n’était une chose pour eux et si Len était très doué pour le combat à main nu et la stratégie, comme ses farces hautement élaborés l’avaient démontré, il n’était pas attiré par les métiers de la guerre. Il aurait bien aimé. Etre comme sa mère l’aurait empli de fierté, mais s’il aimait les duels et les compétitions, il avait bien dû s’avouer que la crudité de la guerre et du métier maternelle n’était pas pour lui.

 

Lara, quant à elle, n’avait jamais manifesté le plus petit intérêt pour le combat. Elle avait apprit quelques mouvements d’autodéfense, sous l’insistance d’Alexia qui voulait à toute force qu’elle sache se défendre, mais sans plus.

 

A ces occasions, Tia avait pût constater qu’elle avait hérité de l’instinct de guerrier de sa mère… ou de son père, peu importe. Cela contrastait étrangement avec son peu d’intérêt. C’était quand même étrange… être aussi doué pour une chose qu’on n’aimait absolument pas.

 

Tia secoua la tête à cette pensée. Le contact d’une main sur son avant-bras nu attira son attention.

 

- Humm ? fit-elle interrogative.

 

- J’ai une question, commença doucement sa cousine. Imagine juste, ok ? Et répond. Pas comme la dernière fois. Je veux une vraie réponse.

 

Tia fronça les sourcils, sachant à eu près à quoi s’attendre et réprima un soupir. Dire qu’elle avait cru que ça passerait avec le temps…

 

- Je t’écoute.

 

- Si elle n’était pas là. Si tu ne l’avais jamais rencontrée, par exemple. Est-ce que…, elle s’interrompit puis prit une grande inspiration pour se donner du courage, est-ce que tu m’aurais laissé une chance ?

 

Après cela, Lizzie la fixa droit dans les yeux.

 

- On est semblable. Je sais que tu pensais que cette vie dorée et sans soucis m’aurait peut-être changé, mais ça n’est pas le cas. Et je sais que tu m’as toujours vu comme une autre fille à cause de mon âge, mais j’ai 19 ans maintenant. Je suis une femme, en tout cas j’espère que tu me vois ainsi et je… je t’aime toujours. Alors… est-ce qu’au moins tu m’aurais regardé ?

 

Tia dû se faire violence pour ne pas détourner le regard et répondre avec honnêteté à sa question. Après trois ans... elle avait bien droit à une vraie réponse. Elle espérait juste que ça ne gâcherait pas quelque chose.

 

Elle la détailla, passant en revue son corps mince et souple, merveilleusement mit en valeur par un top rouge qui la moulait en laissant ses épaules et ses bras, nus et bronzés, briller doucement sous les rayons du soleil. Elle descendit nonchalamment sur ses jambes, pour l’heure caché par un pantalon cargo bleu clair, mais qui recelait, elle le savait pour les avoir déjà vu, de magnifiques et longues jambes lisses et bien galbés.

 

Elle remonta et s’arrêta un instant sur la poitrine parfaitement proportionné, avant de poursuivre son chemin et de passer en revue le visage fin de sa cousine adoptive. Ses yeux d’un marron chaud et apaisant, scintillait doucement. Elle pouvait y lire le désir, le trouble et une grande maturité. Une maturité qui n’avait pas sa place dans les yeux d’une personne aussi jeune.

 

Ses cheveux châtains étaient délicieusement bouclées et tombait sur ses épaules. Lizzie avait bien grandi. Tant physiquement que mentalement. Elle ne pouvait faire comme si elle ne le voyait pas, ce n’était pas très juste pour elle.

 

- Je sais que tu as 19 ans, fit-elle d’une voix rauque. Je te vois bien comme une femme, rassure-toi. Mais il n’y aura jamais rien entre nous.

 

Au ton autant qu’aux mots, les joues de la jeune fille rougirent et elle dû se racler la gorge avant de pouvoir reprendre la parole.

 

- Je… hum... je vois ça. Mais tu ne réponds pas à ma question.

 

Tia soupira.

 

- Est-ce que je t’aurais regardé ? Sans aucun doute. Aurais-je couché avec toi ? Aucune idée. Sincèrement Lizzie, ton âge est si proche de celui de mes enfants que je ne peux en faire abstraction. Aurait-on eu une relation plus poussé, si j’avais franchi le pas ? Sûrement pas.

 

Elle vit le regard blessée et tenta de s’expliquer.

 

- Liz, avant Alexia je passais d’une fille à une autre et cela me convenait parfaitement. J’aimais cette façon d’être et de vivre. Il n’y a qu’elle qui m’ait donné envie de me poser et d’arrêter tout ça. Elle est ce qu’on peut appeler, ma bonne personne.

 

Une pause.

 

- Je ne suis pas ta bonne personne, Liz. Pas plus que tu aurais pût être la mienne. Il n’y en a qu’une, enfin, c’est ce qu’on dit, sinon on ne dirait pas LA bonne personne. Il existe en ce monde, une personne qui changera ta vie du tout au tout et quand tu la rencontreras, tu le sauras presque tout de suite.

 

- Tu as changé ma vie, murmura-elle. Pourquoi refuses-tu de le comprendre ?

 

Tia posa une main sur son épaule.

 

- Je le comprends. Frédéric… il a fait pour moi, ce que j’ai fait pour toi. Mais comme tu peux le voir, s’il a changé ma vie, il n’était pas la personne avec qui je devais partager mon existence.

 

- Mais…

 

- Liz… tu penses que je suis cette personne, mais tu te trompes. Tu m’es reconnaissante et même si ça me gêne, je l’accepte, mais il n’y aura jamais rien entre nous.

 

- Mais, tenta encore la jeune fille contrarié et tendu, si elle n’était plus là, si…

 

- Je ne me consolerais pas avec toi Liz, l’interrompit-elle. Ou peut-être que si je n’en sais rien. Mais ce que j’aurais à te donner alors… ce ne sera pas le centième de ce que je lui donne à elle.

 

- Et si je m’en contentais ?

 

- Liz…

 

Tia laissa retomber sa main et se recula d’un pas.

 

- Je suis désolé de te faire du mal, ce n’était pas le but. Je… on est semblable oui, mais… ce n’est pas ce dont j’ai besoin et toi non plus.

 

- Qu’est-ce que t’en sais à la fin ?! jeta finalement Lizzie en colère. Alors avec qui tu te consolerais hein ?! Linya ?! Elle a beau bien aimer vos petits jeux, elle n’en reste pas moins hétéro ! Et je ne vois personne d’autre qui se dévouerait !

 

Lizzie savait que ce qu’elle était en train de dire était méchant et elle voyait le trouble et une pointe d’angoisse dans les yeux bleus de sa tante, mais elle ne pouvait s’arrêter. Elle avait tant espéré, tant rêver… qu’un jour, Tia la regardait comme elle l’avait fait quelques minutes plus tôt et ne s’arrêterait pas en si bon chemin.

 

Elle ne voulait pas que Tia et Alexia se séparent, elles formaient un si beau couple et leur joie d’être ensemble était si criante qu’elle en était touchée à chaque fois. Non, elle ne voulait pas les séparer, mais ce besoin de la grande femme était si fort et résonnait en elle depuis si longtemps maintenant qu’elle se livrait combat à chaque seconde. Elle voulait les laisser vivre leur vies ensemble mais elle voulait aussi avoir Tia pour elle seule. C’était si déchirant que parfois elle souhaitait être capable de s’arracher le cœur pour cesser d’aimer cette femme qui appartiendrait toujours à une autre.

 

Elle le comprenait maintenant. Même si Alexia disparaissait demain, Tia ne serait jamais à personne d’autre. Et la douleur de cette compréhension était si vive que seule des mots blessants pouvait la soulager un peu.

 

- Tu es canon, c’est un fait, mais tu fais peur aussi et ça, ça mettra toujours une barrière entre toi et les autres. Aucune femme ne t’aimera comme moi, gronda-elle comme une menace. Alexia… Alexia et moi. Personne d’autre. Souviens-t’en, si un jour, elle te laisse tomber. Mais ne croit pas que je vais attendre que tu ouvres les yeux. J’ai autre chose à foutre ! J’ai déjà perdu 3 ans, je ne vais pas m’amuser à en perdre plus !

 

Sur ce, elle tourna les talons et partit furieuse. La mercenaire sentait son cœur battre à tout rompre. De peur et… d’autre chose. Peur, parce que la simple évocation de la mort de sa compagne l’emplissait de terreur, surtout en ce jour où elles attendaient les résultats du test.

 

L’autre chose… c’était… le trouble. Oui, c’était ça. Elle était troublée. Au milieu de toute cette colère, Lizzie avait réaffirmé son amour pour elle. Elle semblait si sûre de l’aimer et du fait que cela ne changerait pas, quelque soit le temps ou les gens qu’elle verrait, que ça l’avait touché. Même si elle avait affirmé ne plus l’attendre à l’avenir, elle lui avait fait comprendre qu’il n’y aurait jamais qu’elle.

 

Inexplicablement, elle voulait la croire.

 

Regardant sa silhouette disparaître, elle entendit l’horloge de la cuisine, une acquisition de Len, couinée qu’il était quatre heures. Cela la fit revenir à sa préoccupation principale. Ca faisait maintenant deux heures que Lex était partie. Qu’est-ce qui pouvait bien la retenir ? Avait-elle ouvert la lettre sans elle ?

 

De plus en plus nerveuse, Tia se balança d’un pied sur l’autre puis se décollant de la rambarde, elle fit un signe à son fils et à Jason et s'éloigna. Une fois qu’elle eut fait le tour du ranch, elle se mit à courir à petites foulées en direction de la dénivellation qui menait au lac en contrebas.

 

Elle en fit le tour tranquillement, puis la nervosité se muant en angoisse, elle poussa plus fort et se mit à courir plus vite. Elle dépassa le lac, les petits chalets que Frédéric, sur une autre suggestion d’Alexia, avait fait construire un peu partout sur la propriété, permettant ainsi d’héberger bon nombre de touristes en été et quelques téméraires en hivers, et poursuivit plus loin.

 

Elle courut les yeux fixés sur l’horizon, avançant toujours plus vite, poussant son corps toujours plus fort, jusqu'à sentir chaque centimètre carré de muscle en elle, brûler sous l’effort. Et elle continua encore, diluant sa peur et sa tension grandissante dans cette course éperdue, à la recherche, de quelque chose peut-être...

 

Alors qu’elle se concentrait sur sa respiration et le battement de son sang pulsant dans ses veines, elle entendit un cri au loin, comme un écho de sa propre impuissance. Elle en sentit un monter du fond de son sternum et grimper le long de sa gorge. Sans chercher à l’étouffer, elle ouvrit la bouche et le lâcha dans la nature sans arrêter sa course et ses muscles douloureux cessèrent leurs protestations alors que le sang qui les parcourait accélérait son débit, comme répondant lui-même.

 

Elle referma la bouche mais le son de son propre hurlement résonna longtemps dans ses oreilles. Elle perdit la notion du temps, courant sans voir le paysage désertique autour d’elle. Après un moment qui lui parut infinie et en même temps très court, elle vit une ferme au loin et comprit qu’elle arrivait chez leurs voisins, à 11 km de son point de départ. Elle secoua la tête sans parvenir à y croire.

 

Cela faisait bien longtemps qu’elle n’avait plus couru autant. Sa respiration hachée et la brûlure qui courait le long de ses jambes mais aussi de ses poumons, lui fit bien comprendre qu’elle ne rêvait pas.

 

C’était fou la force que lui donnait ce cri. Lorsqu’elle l’entendait et qu’elle n’y cédait pas, elle avait du mal à se contrôler. Son humeur s’assombrissait et l’énergie violente qui parcourait son corps la mettait sur les nerfs.

 

Elle savait qu’y céder la faisait se sentir mieux, mais elle ne savait jamais à l’avance si elle allait parvenir à contrôler son envie d’essayer de le rattraper. Alors, dans le doute, elle restait sur place. Elle n’y cédait que lorsque ses émotions étaient insupportables. Comme maintenant.

L’appel, car s’en était un, et ce qu’il lui faisait ressentir prenait alors le dessus et la forçait à avancer sans plus se soucier de rien.

 

La seule chose qui l’empêchait d’y répondre complètement était la certitude qu’au bout du chemin, Lex ne serait pas là. Et si ne pas partir était une torture, vivre sans elle était impossible. Alors elle revenait et continuait sa vie normalement… jusqu’à l’appel suivant.

 

Sans ralentir, elle entama un demi-tour. Sa colère ainsi évacuée, elle pût se concentrer sur l’effort de la course elle-même et entendit clairement les protestations de ses jambes. Elle ne les écouta pas plus qu’à l’aller, mais sentit la sueur dégouliner le long de son dos et de ses tempes.

 

L’air sifflait à ses oreilles et les odeurs d’herbes sèches et de cheval lui parvinrent enfin. Pour la première fois depuis son départ, elle se sentit en paix avec elle-même. Elle profita du retour pour tester ses réflexes. Ces derniers temps elle avait pas mal négligé son entraînement et les contestations vigoureuses que lui envoyaient ses muscles, lui prouvait qu’il était temps pour elle de s’y remettre.

 

Elle repéra une petite procession de rochers non loin d’un cours d’eau peu vif et sauta de l’un à l’autre, sans ralentir. Elle glissa sur le dernier mais se rattrapa avant de se tordre inutilement une cheville. Malgré ce petit incident, elle était satisfaite. Elle n’était pas trop rouillée.

 

Elle poursuivit sa route et arrivant en vue du ranch, accéléra encore, repoussant les limites d’endurance de son corps et parvint en un temps record à la dénivellation qui montait jusqu’à la maison.

 

Bien sûr, elle aurait pût choisir la voix facile et faire le tour, mais elle n’aimait rien tant que la difficulté et se rendre compte qu’elle l’avait vaincu. Ses jambes épuisées lui envoyèrent de petits pics de douleur qui remontèrent jusqu’à son ventre, lui coupant plus d’une fois la respiration, mais elle s’acharna, refusant de céder ou même de ralentir.

 

Elle arriva enfin au sommet, fatiguée mais fière. Son cœur battait à tout rompre. Et comme elle venait de courir 22 km et de grimper une dénivellation vraiment abrupte, elle ne pouvait pas s’en vouloir.

 

Elle se mit au pas, les muscles de ses jambes tremblants, et tenta de reprendre son souffle. Elle étira ses muscles quelques minutes puis entreprit de caler sa respiration sur ses mouvements. Elle se mit en position et commença une série de gestes lents et posés qui suivait son inspiration puis son expiration.

 

Son cœur retrouva rapidement un rythme plus normal et son esprit, concentré sur l’exercice, Pût enfin repousser Alexia et l’inquiétude qui la tenaillait.

 

 

Chapitre 2 :

 

 

 

Tia était allongée sur le sol parqueté de la maison de Linya en Grèce. Elle regardait le plafond d’un air absent, les bras et les jambes pliés, comme si elle était tombée en arrière comme une masse et n’avait plus bougé depuis. Elle n’était vêtue que d’un boxer noir et d’un marcel beige. Les cheveux étalés sur le sol, le regard perdu dans le vague, elle faisait tout ce qu’elle pouvait pour ne plus penser. Car penser faisait mal.

 

Linya entra dans la pièce et la trouva dans la même position que l’heure précédente. En fait, elle n’avait pas bougé du tout depuis la veille. Elle ne savait pas quoi faire pour l’obliger à bouger. L’heure tournait et le moment fatidique approchait. Tia ne pouvait pas rester comme ça.

 

Elle s’approcha d’elle et déposa les vêtements qu’elle lui avait choisi sur le dossier d’une chaise, puis s’accroupit sur le sol, près de sa tête. Linya se pencha vers le visage inexpressif de la mercenaire et tenta de trouver une étincelle de vie dans le regard vide de son amie.

 

Mais il n’y avait rien. Il n’y avait plus rien depuis… Linya ne pût poursuivre sa pensée, c’était trop dur. Les sanglots montèrent et se bloquèrent dans sa gorge. Elle repoussa la pensée douloureuse et souffla :

 

- C’est l’heure Ti. Il faut te préparer.

 

Elle attendit, mais ne distingua aucun signe qu’elle ai été entendue. Comment lui en vouloir ? Elle posa le bout de ses doigts sur la peau autrefois chaude la grande femme, mais qui était pour l’heure... glacé et, s’allongeant à ses côtés, posa un bras sur le ventre de la guerrière et l’autre sous sa nuque et l’approcha d’elle, tentant ainsi de lui prodiguer chaleur et réconfort, tout en sachant pertinemment qu’elle n’y parviendrait pas.

 

Contre toute attente, Tia roula sur le côté en présentant son dos à Linya et tira sur son bras, la rapprochant un peu plus. La jeune femme comprit le message et elle s’enroula contre le grand corps de son amie.

Après un moment, Linya ferma les yeux et inspira brièvement pour se donner le courage de parler.

 

- Il faut t’habiller, Tia. Je sais que c’est difficile. Dieu sait combien j’aimerais rester ici moi aussi et oublier que la vie continu, mais…

 

Linya s’interrompit et avala tant bien que mal, repoussant la boule soudaine qui obstruait son larynx, et poursuivit, sa voix se brisant sur les derniers mots :

 

- … elle nous attend.

 

Le tressaillement violent qui secoua le corps de Tia, prouva qu’elle était écoutée et elle s’efforça d’être convaincante.

 

- On doit… elle voudrait qu’on lui dise au revoir…

 

Le gémissement de douleur déchirant qui monta de la gorge de la mercenaire était si plein de souffrance que Linya la ressentit comme la sienne. Elle resserra son étreinte mais la douleur l'avait totalement envahie et Tia ne le sentit pas.

 

Tia s’était recroquevillée, entraînant son amie qui ne l’avait pas lâchée, et poussait de petits gémissements comme un animal blessé. Linya était perdue. Elle ne savait plus quoi faire pour l’aider et elle n’en avait même pas la force. Elle avait elle-même tellement mal…

 

Elle se laissa aller, relâchant un peu son étreinte et partagea pendant un moment sa douleur.

 

Les gémissements se muèrent en halètement puis finirent par s’éteindre. Tia ferma les yeux et laissa les ténèbres et l’oubli la reprendre.Elle oublia jusqu'à la présence de Linya. Elle ne sentait meme plus le soleil qui caressait son visage et perdit aussi la notion du lieu où elle était.

 

Son monde s’était réduit à un lieu de noirceur où rien n’existait plus. Même pas elle. C’était ce qu’elle voulait. Rien ne pouvait l’atteindre ici, alors elle décida d’y rester. Mais une personne têtue en décida autrement. Une secousse et d’autres mots douloureux retentir au creux de son oreille, l’incitant à sortir de son trou noir mais elle résista.

 

Une autre secousse, puis une pression plus douce et enfin une supplique.

 

- S’il te plaît… je n’y arriverais pas toute seule… j’ai besoin de toi…

 

Avec un gémissement, elle se retourna et prit Linya dans ses bras. Elle la serra contre elle de toutes ses forces, manquant lui fracturer les côtes, puis soupira et posa enfin, après une semaine d’enfer, son regard sur une personne. Les yeux dans les siens, elle laissa couler deux larmes sur ses joues, miroirs de celles de sa compagne et souffla :

 

- Ok.

 

Elle posa ensuite son front contre le sien, tentant de rassembler le peu de force qu’elle avait encore et elle entendit Linya lui demander :

 

- Tu veux manger quelque chose avant…, sa voix se cassa,… avant d’y aller ?

 

Tia secoua la tête et rouvrit les yeux.

 

- Ca fait une semaine que tu n’as rien mangé Ti ou presque, protesta-elle, tu ne tiendras pas longtemps. Aucun être humain ne le peut.

 

Linya plongea son regard dans les yeux si bleus de la mercenaire et y lu sa réponse. « Et si je ne voulais pas tenir ?» Linya se mordit la lèvre et posa ses doigts sur sa bouche dans un réflexe inconscient pour l’obliger à accepter de manger.

 

Linya suivit des yeux le mouvement de ses doigts qui appuyait sur les lèvres douces et affreusement abimée de son amie, révélant la torture qu’elle leur faisait subir. Sans réfléchir, elle se pencha et déposa un doux baiser sur les blessures encore à vif.

 

- Un baiser et c’est guérit, murmura-elle tout contre sa bouche, répétant les mots réconfortants de sa mère lorsqu’elle était enfant. 

 

C’est justement ce moment là que choisit Mme Obson pour entrer dans la pièce. En les voyant toutes les deux enlacées, bouche contre bouche, elle se figea avant de rebrousser chemin en bredouillant des excuses incohérentes.

 

Linya se redressa et voulu la rappeler, mais y renonça finalement et se laissa retomber sur le côté. Elle fixa sa compagne et un sourire doux-amer lui tordit la bouche.

 

- Elle a toujours douté qu’on ne soit pas un trio, elle dit qu’on avait l’air trop proche pour ne pas en être un, mais… et après ça… aucune chance que je puisse la convaincre qu’elle se trompe.

 

Tia laissa son regard errer sur le visage de son amie sans rien dire. Il fallait qu’elle trouve la force de se lever et elle ne pouvait le gaspiller en parole inutile. Linya essuya les larmes de ses joues et se releva maladroitement. Elle attrapa ensuite sa main et tira doucement dessus.

 

Lentement, avec difficulté et beaucoup de souffrance, Tia retrouva la station debout. Cela fit mal, car revenir à la verticale signifiait revenir à la vie. Etre debout l’obligeait à prendre conscience de ce qui l’entourait. A en prendre conscience et à le prendre en compte. Et prendre en compte les gens… ça demandait tellement d’effort…

 

Elle resta un moment ainsi, la main dans celle de Linya le regard perdu dans le vague. Une fois de plus, la détresse de son amie perça le rideau opaque de sa propre douleur et Linya l’attira à elle dans une étreinte réconfortante. Elle sentit la grande femme poser sa tête sur la sienne avec un soupir douloureux et elle dû prendre sur elle pour ne pas hurler. C’était si injuste…

 

Elle s’écarta un peu et la tint à bout de bras.

 

- Allez Ti, il faut t’habiller.

 

Elle ne vit pas de réaction, alors comme si elle était un bébé, et sans parvenir à retenir ses larmes, elle la fit assoir sur le lit et récupéra ses vêtements.

 

Elle lui enfila le pantalon de tailleur noir, le seul dans sa garde robe qui soit de circonstance. Pour le lui attacher, elle dû la relever. Puis elle la rassit à nouveau pour lui retirer son marcel et le remplacer par un t-shirt tout simple à manche courte blanc. Elle lui fit mettre ensuite une chemise noire en soie, qu’elle attacha avec difficulté tant les larmes brouillaient sa vision.

 

Enfin, elle attrapa ses pieds et après y avoir mit des chaussettes, essaya de lui faire mettre des bottes en cuir noire. Devant sa mollesse, Linya sent la colère gronder en elle mais elle se retient de lui hurler dessus. A la place, elle la força à se mettre debout et lui souffla doucement :

 

- J’ai besoin que tu m'aides, Ti.

 

Ne voyant aucune réaction, elle la secoua brutalement et enfin, les yeux bleus de son amie semblèrent faire une mise au point. Elle les tourna vers elle et Linya répéta sa demande. Elle n’attendit pas de savoir si Tia était d’accord et s’accroupit à ses pieds, elle souleva un pied et le força à entrer dans l’ouverture de la botte puis, la main sur la cheville, leva les yeux vers la grande femme qui avait suivit ses gestes.

 

Tia sembla comprendre ce qu’elle attendait d’elle et poussa sur son pied. En réprimant un soupir de soulagement, Linya passa au second pied avec le même succès. Elle se releva enfin et dût s’accrocher à sa compagne pour ne pas finir par terre lorsqu’une vague d’étourdissement la frappa.

 

- Me suis levé trop vite, marmonna-elle pour elle-même.

 

- Et peut-être aussi un manque de nourriture ? lança la voix de sa mère en entrant dans la pièce, une veste en cuir noir dans les bras.

 

Linya la salua d’un hochement de tête et lui prit la veste, qu’elle fit enfiler à Tia avec son aide. Elle se plaça ensuite en face d’elle et la regarda, les deux mains tirant un petit coup sec sur les pans pour l’ajuster sur ses épaules larges.

 

- Ca te va bien, fit-elle à son amie. Tu es très belle ainsi. Elle… elle sera fière, déclara-elle en s’étranglant sur les derniers mots.

 

Elle sentit le bras de sa mère entourer ses épaules, ce qui la réconforta. Elle prit la main de sa compagne et la tira derrière elle comme une enfant en suivant sa mère vers la porte. La mercenaire garda le regard fixé sur la nuque de son amie. Elle refusait de voir où elles allaient et de se souvenir pourquoi elles y allaient.

 

Une fois la porte d’entrée franchit et fermé par son père, Linya rejoignit ses frères dans la limousine et y poussa Tia. Elle s’assit à côté d’elle sans lâcher sa main et regarda sans le voir le paysage qui défilait, entendant en arrière fond le bruit sourd de conversations de sa famille. Elle sentit aussi leurs regards inquiets empreints de la même douleur que la sienne.

 

Enfin, après un trajet qui lui paru interminable, ils arrivèrent au cimetière et la limousine s’arrêta. Ses parents et ses frères descendirent en premier et elle se tourna vers Tia qui referma sa main avec une force inouïe sur la sienne. Elle avait mal mais ne dit rien. C’était si peu à côté de ce qu’elle ressentait en cet instant. La mercenaire avait fermé les yeux, niant avec la force du désespoir l’endroit où elles étaient.

 

Sans l’obliger à les ouvrir, Linya sortit, la tirant doucement en dehors de l’habitacle et le soleil les frappa avec la cruauté indifférente dont la nature était coutumière.

 

Elle inspira brièvement et rejoignit sa famille. Ensemble, ils avancèrent dans un silence de plomb, vers ce qui serait la dernière demeure d’Alexia. Arriver près du trou creusé la veille par le fossoyeur, Linya fit le tour des personnes présentes et découvrit un nombre impressionnant de Nazaréens.

 

Au premier rang, en face d’elle, le père d’Alexia fixait le trou avec un air si hébété qu’elle sentit sa gorge se serrer douloureusement. La dernière fois, c’était sa femme. Maintenant sa fille. Il était seul au monde. Bien plus seul que ces trois dernières années ou lui et Alexia ne se parlait plus.

 

A ce moment là, il leva les yeux et la vit. Mais son regard glissa rapidement sur celle qui l’accompagnait et la colère flamba. Il s’avança à grands pas vers elle, faisant le tour de la tombe aussi vite qu’il le pouvait.

 

- Lance, Richard, appelle-elle en tendant sa main libre derrière elle.

 

Quelqu’un l’attrapa et sans la voir, elle sût que c’était sa mère. Ses frères se postèrent de part et d’autre d’elles et fixèrent l’homme en furie qui arrivait.

 

- Vous ! fait-il en pointant un doigt accusateur vers Tia.

 

Linya se retourna inquiète de sa réaction, mais la grande femme, les yeux toujours fermés, était repartit dans son monde intérieur où rien n’y personne ne pouvait l’atteindre.

 

- C’est de votre faute ! cria-il en parvenant enfin à leur hauteur, sans s’apercevoir de l’absence de Tia. Si vous ne l’aviez pas rencontrez et pervertie ! Si vous n’existiez pas ! Rien de tout ça ne serait arrivé ! C’est de votre faute ! hurla-il les yeux fous. Votre faute ! Vous êtes une erreur de la nature ! Un monstre ! Une aberration ! Vous…

 

- Monsieur Stefanos, l’interrompit Richard, alors que Linya regardait affolé son amie encaisser les insultes sans réagir. Je comprends votre douleur, mais c’était un accident. Un accident comme il en arrive des milliers. Une voiture, un chauffard. Rien de plus, rien de moins. Tia n’y ait pour rien, fit-il apaisant.

 

Alors qu’il allait repartir dans sa diatribe enflammé, Lance lança :

 

- Elle vous aimait. Malgré tous vos différents, elle vous aimait. Ne l’insultez pas aujourd’hui en reportant la faute sur une personne qui lui était si chère... S’il vous plaît.

 

Le père d’Alexia sembla se dégonfler soudainement et éclata en sanglot. La mère de Linya lâcha la main de sa fille et s’occupa de lui, l’éloignant de ses enfants, permettant du même coup au prêtre de commencer son office.

 

Linya la main serrée autour de celle de Tia, fixait son amie avec désespoir. Sa plus grande peur à l’heure actuelle était de la perdre. Et depuis qu’Alexia était partie, la semaine dernière, renversé par un chauffard alors qu’elle ressortait du laboratoire d’analyse où elle était allée prendre ses résultats, Tia était comme partie avec elle. Et si elle n’en était pas vraiment étonnée, elle avait cru que ça ne durerait que le temps du choc.

 

Mais cela faisait une semaine et le comportement de la grande femme était toujours le même. Rien que la faire venir en Grèce, parce que c’était là qu’Alexia voulait être enterrée, avait été une épreuve.

 

Linya ne voulait pas perdre ses deux meilleures amies en même temps. D’autant plus que Tia était tout ce qui lui restait d’Alex. Au même titre qu’Alexia, Tia était devenue une sorte d’âme-sœur pour elle et elle l’aimait infiniment.

 

- N’écoute pas ce qu’il dit, c’est le chagrin qui parle. Il ne le pense pas.

 

Tia rouvrit brusquement les yeux et darda un regard perçant sur elle. Linya réprima un sursaut et attendit pleine d’espoir. Son regard clair et intelligent lui avait manqué, mais la colère qu’elle décelait dessous la stressa. Cependant c’était de la vie et c’était tout ce qui importait.

 

- Bien sûr qu’il le pensait, contra-elle durement. Il le pensait déjà il y a trois ans. Il n’a pas de raison d’avoir changé d’avis. Par ma faute, elle s’est éloignée de lui et il ne l’a plus revue. Jusqu'à aujourd’hui.

 

- Arrête, fit son amie avec inquiétude. Ca n’était pas ta faute. C’est lui qui n’a pas voulu comprendre que sa fille avait changé et que c’était sa décision.

 

- Sans moi, elle n’aurait pas changé. Elle n’aurait pas eu cette vie. Elle ne serait pas allée en ville et n’aurait jamais croisé la route de ce chauffard.

 

Linya secoua la tête.

 

- Tia, Alexia voulait ce changement. Pire, elle en avait besoin. Ne remet pas en cause ce que tu lui as apporté, elle t’en voudrait et c’est insulter sa mémoire. Elle a aimé chaque minute passée près de toi. Et je ne l’ai jamais vu aussi heureuse.

 

- Moins heureuse et en vie… j’aurais préférée… fit-elle en regardant au loin.

 

- Moi, pas.

 

Tia tourna la tête vivement.

 

- Qu’est-ce que tu racontes ?!

 

- La vérité. Tia tu te sentais comment avant de la rencontrer ? Etais-tu heureuse ?

 

La mercenaire ouvrit la bouche mais la referma avant de dire quoi que se soit.

 

- Après ce que tu as connu avec Lex, penses-tu vraiment qu’une vie entière comme tu la vivais avant est préférable aux quelques années magnifiques que t’a fait vivre Alexia ?

 

Tia ouvrit et referma les lèvres plusieurs fois puis son regard se fit désespéré. A ce moment là, les chœurs engagés pour l’occasion entonnèrent un chant funèbre et le regard de Tia fut attirer par leur voix. Il glissa sur eux et alors qu’elle prenait enfin conscience de l’endroit où elle se trouvait, ses yeux se posèrent sur la tombe fraîchement creusé.

 

Son cœur s’arrêta brusquement et elle inspira violemment. Ses yeux s’écarquillèrent et s’embuèrent. Non, non, non, non, non…

 

Linya attrapa brutalement sa tête et la tourna vers elle.

 

- Regarde-moi ! intima-elle. Regarde-moi ! Tia ! Concentre-toi sur moi !

 

Cela prit quelques minutes mais les yeux bleus se détournèrent de la tombe et du cercueil à ses côtés et se fixèrent sur Linya, la détresse irradiant par tous les pores de sa peau, cherchant quelque chose, n’importe quoi auquel s’accrocher.

 

- Je sais que je ne suis pas Lex, mais je te jure Ti, je te jure sur ma vie que je ne te laisserais pas sombrer. J’ai besoin de toi.

 

Linya mit toute la conviction et l’amour qu’elle ressentait pour elle dans ses mots. La convaincre était tout ce qui importait.

 

- Je ne te laisserais pas. Jamais. Crois-moi.

 

Tia hocha la tête, deux larmes débordant de ses yeux et tombant lentement sur ses joues. Elle avait désespérément besoin de la croire, alors elle le fit. Si elle ne s’accrochait pas à elle maintenant, les ténèbres contre lesquelles Alexia avait tant lutter, la prendrait.

 

- Je vais t’aider.

 

Tia hocha de nouveau la tête.

 

- Très bien, alors respire. C’est ça. Calme-toi. C’est un mauvais moment à passer, mais… c’est important.

 

- Oui. Pour elle.

 

- Oui.

 

- D’accord. Alors… comment je fais ?

 

Tia se mordait la lèvre en la suppliant des yeux.

 

- Je vais pas y arriver Lin, s’il te plaît ne m’oblige pas…

 

Sa voix se brisa et Linya pressa ses mains contre ses joues.

 

- Pas de souci. Tu… heu…

 

Elle réfléchit un instant.

 

- Ferme les yeux. Je serais ton guide. Ne me quitte pas d’une semelle et tout ira bien.

 

La grande femme acquiesça.

 

- Je peux me boucher les oreilles aussi ?

 

- D’accord mais… dis-lui au revoir.

 

La mercenaire s’humecta les lèvres et inspira.

 

- Tout à l’heure. Quand… quand on sera seule.

 

- Ok.

 

Linya se retourna en prenant la main de son amie et se plaça à ses côtés. Elle la vit fermer les yeux, mais comprit aux larmes qui coulaient sur ses joues, qu’elle ne manquait rien de ce qui se disait.

 

Elle se retourna vers le prêtre et se laissa enfin aller à son chagrin. Versant les larmes tant redouté et dont elle avait tant besoin. Elle repensa à la petite fille qu’elle avait rencontré, à celle qui avait grandi à ses côtés, à ses caprices et ses lubies, qui à défaut d’avoir toujours été de bons goûts, l’avait à chaque fois impressionné. La passion d’Alexia et ses talents d’oratrices lui avait permis d’obtenir tout ce qu’elle voulait. Elle se souvint aussi de son implication dans Lyoko, de sa détermination et de sa générosité. De ses brouilles avec Lance et de son béguin pour Richard. De sa joie pétillante et de sa transformation lorsqu’elle avait rencontré Tia.

 

Elle se souvint de tout cela et de bien plus encore et les larmes ne se tarirent plus. Elle se mit à sangloter sans plus se retenir et son père l’étreignit et voulu l’attirer à elle, mais elle ne pouvait pas lâcher la mercenaire, alors elle refusa. Elle redressa ensuite la tête et attendit la fin de cette mascarade comme, elle le savait, Tia faisait elle-même. Elle se replongea dans ses souvenirs, sans essayer cette fois, de les contrôler, et si la douleur qui la submergea menaça même sa respiration, elle n’en tint pas compte, préférant continuer son tour des souvenirs.

 

Elle n’arrivait pas à croire à une telle chose. Nom de dieu, pourquoi elle ?!

 

Elle leva les yeux au ciel et regarda le bleu clair, libre de tout nuage et se dit qu’Alexia apprécierait, même si ce n’était pas son cas à elle. La vie continuait et elle ne l’acceptait pas. La terre aurait au moins dû s’arrêter un instant, histoire de marquer le coup. Alexia n’était plus. Ca aurait dû changer quelque chose.

 

Elle tourna la tête vers Tia. Ca changeait quelque chose. Mais ce n’était pas ce qu’elle voulait. Elle ne savait sincèrement pas si elle parviendrait à retenir la grande femme dans leur monde, mais elle ferait tout pour y parvenir. Au nom de leur amitié. Au nom d’Alexia pour qui la vie n’était pas qu’un mot. Et pour elle-même.

 

Elle ne pensait pas pouvoir faire voyager Tia. Pas maintenant qu’Alexia était ici. Alors elle ferait venir ses enfants. Mais pas tout de suite. Elle n’était certainement pas en état de les voir et eux… pourrait être choqué de la voir ainsi.

 

D’après ce qu’elle en savait, ils avaient très mal prit le fait de ne pas pouvoir assister à l’enterrement. Et elle les comprenait. Alexia les avaient adoptés. Elle était leur seconde mère. Elle… elle devrait peut-être leur téléphoner tout à l’heure ? Pour leur dire comment ça c’était passée. Et aussi leur expliquer pourquoi il ne valait mieux pas qu’ils viennent pour l’instant.

 

Enfin, la cérémonie prit fin. Sa mère lui tapa sur l’épaule mais elle secoua la tête sans détacher son regard des cieux. Elle sentit les personnes autour d’elle bouger et s’éloigner.

 

Et lorsqu’elle fut certaine d’être seule avec Tia, elle baissa la tête vers la tombe où se trouvait maintenant le cercueil. Un hoquet lui échappa comme si Linya prenait seulement conscience de ce qui se passait, et son Tia lui serra la main.

 

Elle se tourna vers Tia et saisit sa deuxième main, se plaça tout près d’elle et souffla :

 

- C’est bon.

 

Elle vit Tia se mordre très fort la lèvre et serrer encore plus les paupières, puis comme à contrecœur, elle les ouvrit et les fixa d’abord sur elle. D’un même mouvement, elles se retournèrent vers la tombe et sans plus y penser avancèrent.

 

Parvenue au bord, Tia baissa les yeux et le vit nettement. Le cercueil. La dernière demeure de son amour. Non, non, non… elle recommença à paniquer, et tirant frénétiquement sur la main de Linya, recula. Mais celle-ci tint bon et l’obligea à rester.

 

Un gémissement horrible s’échappa alors de ses lèvres et Linya faillit la lâcher. Elle serra les dents retint les larmes qui menaçait encore et la tira brusquement vers le trou sombre.

 

- C’est dur pour moi aussi, fit-elle d’une voix coléreuse, alors fait un effort.

 

Elle ne le vit pas mais sût à la soudaine raideur qui la figea, que Tia était choquée. Elle ne voulu pas voir son expression et maintint sa pression. Après quelques minutes interminables, elle l’entendit prendre une inspiration tremblante et bouger légèrement.

 

Un nouveau gémissement retentit et elle tressaillie. La douleur de son amie était palpable et si profonde, si totale, qu’elle lui faisait physiquement mal.

 

Tia bloqua tout les souvenirs qu’elle avait d’Alexia et nia l’existence de la tombe en fermant les yeux encore une fois. Elle ne pouvait pas… c’était trop dur… elle ne pouvait pas… Mais il y avait une chose qu’elle pouvait faire pour elle, pour que où qu’elle soit, elle puisse être fière d’elle. Elle inspira et expira profondément, inspira à nouveau et se lança.

 

Une voix cristalline et d’une profondeur comme on en avait rarement entendu s’éleva bientôt dans les airs. Linya tourna le visage vers sa grande amie. Elle chantait. Et pas n’importe quelle chanson. Alléluia. C’était en temps normal une chanson douce et mélancolique, mais là… là, c’était douloureux et sublime.

 

Elle se laissa porter par les mots et la mélodie, oublieuse du lieu, du temps et de tout ce qui n’était pas cet instant.

 

Tia chanta ensuite en utilisant sa seule voix. Pas de mot. Rien que sa voix et Linya reconnu le concerto à deux voix. Pour l’heure il n’y en avait qu’une qui s’élevait, mais c’était suffisant. La voix de Tia était splendide. Et l’émotion très bien retranscrite. Si seulement ça n’avait pas été pour quelqu’un qu’elle connaissait…

 

Enfin, le silence reprit ses droits et elles restèrent debout, le nez au vent, la tête pleine d’Alexia et avec la volonté farouche d’arrêter le temps.

 

Linya reprit conscience la première et entraîna sans mal son amie loin de la tombe où gisait son amour.

 

- Elle n’aimerait pas être enfermée, fit la voix rauque de Tia. Elle préfèrerait être incinérée.

 

Elle s’arrêta soudain et fit demi-tour. Linya surprise de cette soudaine mobilité la laissa partir puis la rejoignit en courant alors qu’elle se dirigeait vers le fossoyeur avec lequel elle parlementa quelques minutes. Il fit ressortir le cercueil et appela des gars pour l’emmener au crématorium.

 

- Tu ne peux pas faire ça, Tia ! s’écria-elle choquée. Son père….

 

- N’es pas là.

 

- Tia, tu…

 

- C’était ma femme.

 

- Vous n’étiez pas mariez, objecta-elle.

 

- Elle a adopté mes enfants, dit-elle avec colère en se tournant vers elle.

 

Un silence.

 

- Tu ne peux pas… tenta encore Linya en secouant la tête.

 

- Qui va m’en empêcher ? répliqua-elle d’une voix blanche.

 

 

****************************************

 

Lorsqu’elles revinrent à la maison, trois heures plus tard, le corps d’Alexia n’était plus. Une partie de ses cendres reposait dans la tombe choisit par son père, avec la promesse solennel du fossoyeur, qu’il ne dirait rien à personne. Le reste… le reste, Tia l’avait gardé avec elle, conservée dans un pendentif en métal jaune entourée de petite pierres vertes, qu’elle avait mit autour de son cou. C’était plus une fiole qu’une urne d’ailleurs. Et en la voyant faire, même si la morale le réprouvait, Linya avait voulu faire pareil. Elle ne l’avait pas fait bien sûr. Ces cendres ne lui appartenaient pas. Tia avait raison, Alexia était sa femme, c’était à elle qu’elles revenaient.

 

Tia monta dans sa chambre directement. Maintenant qu’elle avait accomplis ce qu’elle pensait être la volonté d’Alexia, elle se sentait à nouveau vide de toute énergie. L’enterrement était passée, elle n’avait plus besoin de se forcer.

 

L’enterrement… elle avait tant voulu, tant essayé de nier sa réalité… mais les cendres, ça… c’était impossible, c’était Lex. Et alors elle avait comprit. Elle était partie. Définitivement. Aucune chance de la revoir un jour.

 

Elle s’effondra sur son lit, la fiole blanche serrer contre elle et se recroquevillant, elle laissa les sanglots la prendre tout entière.

 

Lex était partie.

 

Chapitre 3 :

 

 

Linya vint dans sa chambre tard dans la soirée et la trouva endormie, roulée en boule sur ses couvertures. Elle s’approcha doucement et lui retira bottes et chaussettes, puis lentement car elle ne voulait pas la réveiller, elle fit glisser son pantalon, ce qui s’avéra difficile. Elle dû la faire rouler sur le dos, heureusement elle ne se réveilla pas, à peine eut elle un soupir.

 

Elle s’assit ensuite sur le bord du lit et commença à déboutonner sa chemise. Se faisant, elle posa les yeux sur le visage contracté de son amie et avisa ses joues mouillées de larmes et son front trempée de sueur. Elle s’interrompit un instant pour passer une main fraîche sur celui-ci, repoussant les mèches noir qui couvraient son visage.

 

Elle finit sa tâche et lui retira son chemisier. Après cela, elle prit note de sa position et renonça à l’idée de la mettre sous ses couvertures. Elle se leva et partit en chercher une autre. Elle revint avec un édredon ivoire, dont elle la recouvrit. Puis elle approcha un fauteuil du lit et s’y installa.

 

- Chérie ? fit la voix de sa mère à la porte.

 

Linya tourna la tête dans sa direction et la regarda avec un air interrogateur.

 

- Tout va bien ?

 

Elle fit non de la tête.

 

- Mais y’a rien à faire alors…

 

Elle retourna à sa surveillance de Tia et sa mère suivit son regard.

 

- Si tu as besoin de t’épancher, nous sommes là, tu sais.

 

- Je sais.

 

- Ecoute, commença-elle avec hésitation, je sais que tu aimes Tia, mais… je ne crois pas qu’elle puisse t’aider dans ton deuil.

 

- Non. Elle ne le peut pas. Elle ne peut même pas s’aider elle-même. Lex était son âme.

 

- Je suis désolée, vraiment. Mais… tu ne dois pas la laisser t’entraîner dans… dans sa dépression. Nous l’aiderons, bien sûr, dit-elle précipitamment en la voyant sur le point de s’emporter, mais elle ne peut pas t’aider pour gérer ton chagrin, tu en convins toi-même. Je dis ça pour toi, mon ange. Laisse-nous t’aider.

 

Linya la considéra un moment, puis revint à la grande femme, si forte et si perdue à la fois.

 

- Elle ne peut pas m’aider, mais… mais je pense que moi je peux l’aider. Quand elle ira mieux elle m’aidera.

 

- Linya…

 

- Maman, l’interrompit-elle fermement, j’ai besoin d’elle. Comprend-le. Je ne peux pas la perdre elle aussi. Ca ferait trop en même temps. Alex… Alex, était ma meilleure amie et oh dieu elle me manque tant ! Mais Tia… Tia, ces dernières années, est devenu aussi importante pour moi qu’Alex. Je. Ne. Peux pas. La perdre aussi.

 

Le regard qu’elle lança à sa mère chavira celle-ci.

 

- Oh, mon cœur ! fit-elle en avançant vers elle.

 

Elle posa une main sur sa joue et l’étudia objectivement.

 

- Je comprends, dit-elle finalement. Alors rejoins-la.

 

- Pardon ? répondit-elle interloquée.

 

- Rejoins-la, répéta sa mère en montrant le lit de sa main libre. Elle est ta compagne et elle a besoin de toi. Ne reste pas là.

 

Linya ouvrit la bouche pour protester une fois de plus, mais y renonça. Elle n’avait pas la force d’essayer encore une fois de convaincre sa mère que Tia et elle n’était qu’amies. Au lieu de cela, elle se leva, retira son pull et se glissa au côté de son amie endormie sans faire de bruit.

 

Elle vit sa mère lui faire un petit signe et refermer la porte sans bruit. Elle observa la silhouette étendue à ses côté d’elle, et soupirant, s’en rapprocha. Elle glissa une main timide vers le t-shirt blanc qu’elle lui avait laissé et enroula sa main dedans, tout en collant son corps au sien, sa tête contre son épaule, sans pourtant être dessus. Ca, c’était la place d’Alexia.

 

Elle ferma les yeux et comme la mercenaire un peu plus tôt, laissa l’oublie apporter par Morphée l’emmener loin de sa douleur.

 

**********************************

 

Tia émergea du sommeil avec de la brume plein la tête. Elle sentit un corps chaud contre le sien, et l’espace d’une seconde merveilleuse crut que tout cela n’était qu’un cauchemar. Mais elle tourna la tête vit que ce n’était que Linya. Lex était bien morte.

Elle fixa le plafond, laissant les larmes couler à nouveau. Elle avait l’impression d’être une vraie fontaine depuis…

 

Elle n’en pouvait plus de pleurer tout le temps, et pourtant elle ne pouvait s’arrêter.

 

La main sur son estomac se crispa un peu, tirant sur son t-shirt, avant de se relâcher. Le sommeil de Linya n’était pas très paisible apparemment. Elle posa sa main sur la sienne lorsqu’un gémissement sourd franchit les lèvres de son amie, tentant ainsi de l’apaiser.

 

Linya s’agita un peu, et Tia accentua sa pression avant de caresser du bout des doigts la main tendu. Un autre gémissement et la mercenaire ne pût plus faire semblant de croire que le pauvre contact de sa main allait suffire.

 

Elle se retourna et l’attira dans ses bras. Le poids du corps de son amie lui en rappela un autre. Elle dû s’efforcer de bannir l’image d’Alexia de son esprit pour se concentrer sur Linya. La différence de poids et de taille l’y aida. Elle la fit rouler sur son ventre et la maintint en place en lui caressant doucement le dos en cercle lent.

 

Linya finit par se calmer et Tia comprit enfin qu’elle n’était pas la seule à souffrir de la perte d’Alexia. Elle en prit conscience et une bouffée de culpabilité lui noua l’estomac un instant, avant que sa propre douleur ne submerge tout.

 

Cependant, elle la maintint à distance. Alexia avait sincèrement tenu à Linya et le moins qu’elle pouvait faire était d’essayer de la réconforter. « Pour Lex » songea-elle avec une pointe de souffrance.

 

Elle continua ses cercles et en se réveillant, la main de Linya se crispa sur son t-shirt. Elle gémit un peu puis battit des cils. Son regard marron se posa sur le tissu qu’elle tenait et elle fronça les sourcils. Elle commença à paniquer. Elle ne s’était plus réveiller aux côtés de qui que se soit depuis longtemps et elle ne parvenait pas à se souvenir de l’endroit où elle était, ni sur qui elle était.

 

Elle entendit le battement de cœur sous son oreille et le rythme régulier la calma. Elle respira profondément l’odeur familière acheva de la tranquilliser. Elle n’identifiait toujours pas la personne, mais elle se sentait en sécurité. Les mouvements circulaires dans son dos envoyaient de petits frissons de bien-être dans tout son être. Elle soupira et se détendit.

 

Elle raffermit sa prise en laissant sa main glisser du t-shirt à la taille de la personne qui la maintenait contre elle. Et referma les yeux, sans chercher à savoir si c’était réel ou une manifestation de son esprit.

 

La sensation du bras sur son estomac était si familière et la chaleur qu’il dégageait était si réconfortante que Tia cru un instant qu’Alexia était de retour. Mais l’odeur était différente. Cette fois elle ne pût pas réfréner les larmes qui affluèrent, mais elle pût retenir les sanglots. Elle ne voulait pas secouer son amie.

 

Elle fixa le plafond sans cesser son massage et les images de la seconde journée la plus terrifiante de son existence défilèrent dans son esprit. Le cimetière, le cercueil et le visage figé de sa compagne… elle aurait préférée ne pas le voir. Elle avait l’impression que cette image remplaçait toutes celles qu’elles avaient vécues ensemble.

 

Elle s’efforça de les faire revenir. Alexia souriant. Alexia se moquant. Lex sérieuse et contrariée. Son amante au plus fort de la passion. Sa compagne la regardant. Son regard vert si aimant et innocent. Sa main sur son bras. Son souffle sur sa joue. Son pas si assurée. Ses cheveux flottants au vent. Ses lèvres se tordant en un sourire amer. Ses doigts si fins et pourtant si solide. Ses jambes satinées. Sa chaleur. Son amour. Son désir.

 

Tout avait toujours été si palpable avec elle…

 

Et elle l’avait perdue. La plainte qui monta de sa gorge ne fût retenu. Elle ne la remarqua même pas. Linya par contre, se réveilla. La vibration sous sa joue la perturba son demi-sommeil et le son reconnaissable de la douleur qui voyageait dans l’air, lui firent comprendre où elle se trouvait et sur elle dormait.

 

Elle se redressa un peu et dévisagea la grande femme qui pleurait. Elle ne la voyait pas. Ses yeux étaient tournés vers l’intérieur. Elle porta une main à ses joues et attrapa une larme. Elle aurait tant aimé être capable d’effacer leur souffrance à toute les deux.

 

A ce moment là, Tia revint à la réalité. Elle plongea ses yeux dans les siens et dans un mouvement irréfléchi, sa main remonta de son dos à sa nuque et elle appuya sur celle-ci, forçant son amie à descendre son visage vers elle.

 

Linya vit la bouche de la mercenaire se rapprocher et écarquilla les yeux. Elle avait déjà embrassé Tia, mais ça faisait un moment que leur petit jeu avait cessé, notamment à cause de ses parents qui refusait de croire qu’elles n’étaient pas un trio, mais ça n’avait jamais eu cette connotation là. Même lors de leur rendez-vous la première année de leur amitié, il n’y avait jamais eu cette ambiance bizarre.

 

Peut-être parce qu’elle avait l’impression vivace que Tia ne la voyait pas.

 

Ses lèvres touchèrent les siennes, mais il n’y eut aucune douceur, aucune tendresse. Tia l’embrassa avec force, violence et sauvagerie. La passion qu’elle y mit lui fit peur. Elle sentait ses mains voyager sur son corps et sa langue s’insinuer dans sa bouche. Elle tenta de calmer le jeu en répondant aussi lentement que possible à son baiser. Mais loin de la décourager, cela sembla la pousser encore plus.

 

Elle quitta ses lèvres pour son cou et Linya protesta.

 

- Tia, non, s’il te plaît…

 

Mais la jeune femme ne l’écoutait pas. Il y avait en elle une douleur puissante qu’elle voulait faire disparaître dans le plaisir de la chair. Elle renversa son amie sur le dos et descendit le long de sa gorge déposant de multiples petits baisers et trouva le creux sensible chez tout le monde, juste au dessus de la clavicule. Elle l’embrassa et le lécha. Puis glissa ses mains sous la chemise de Linya.

 

Elle trouva ses seins et les massa à travers le tissu du soutien-gorge. Linya se crispa et posa ses mains sur les épaules de la grande femme.

 

- Tia, s’il te plaît… commença-elle.

 

Mais la grande femme l’interrompit en écrasant sa bouche avec brutalité sur la sienne. Elle arracha sa chemise en tirant un coup sec sur les pans et les boutons sautèrent, faisant tressaillir son amie. Sans cesser son baiser sauvage, Tia repoussa le soutien-gorge et fit rouler les pointes de seins entre ses doigts, tout en insinuant sa cuisse entre les jambes de Linya.

 

Celle-ci sursauta lorsque le genou dur entra en contact avec son sexe et pressa rudement. Elle sentit une soudaine moiteur sourdre entre ses cuisses et se figea, complètement stupéfiée. La brutalité de son amie l’excitait ?!

 

Et depuis quand, nom de dieu ?!

 

Sans se préoccuper des pensées qui tournoyaient dans son esprit, Tia poursuivait son exploration. Elle tira sur les boutons du pantalon en léchant l’abdomen qui se contracta sous la langue chaude et agile.

 

Linya gémit et se figea de nouveau. Bon sang, mais qu’est-ce qui lui arrivait ?!

Elle ne l’avait jamais désirée et pourtant elle réagissait à son contact. Se pouvait-il que cela ait un rapport avec ce qui leur manquait à toute deux ?

 

Quoi qu’il en soit, elle ne voulait pas aller aussi loin. Elle ne voulait pas coucher avec elle. Elle tenta encore une fois de la repousser, mais la mercenaire était trop forte, alors elle fit la seule chose qu’elle pouvait pour l’empêcher d’aller trop loin. Elle la frappa.

 

De toute ses forces et sans aucune retenu. Elle se pencha vers elle comme pour l’embrasser et lui envoya son poing dans la figure. La douleur qui traversa sa main lui fit instantanément regretter son geste.

 

- Bordel, fit-elle en la secouant avec une grimace.

 

Mais le geste avait eut l’effet escompté. Tia avait encaissé le coup, sa tête partant sur le côté. Son premier mouvement fut de clouer son agresseur sous elle, ce qu’elle fit, coupant la respiration de son amie, puis elle se recula en la reconnaissant et secouant la tête, tenta de comprendre ce qu’il venait de se passer.

 

Elle porta une main à sa joue, en s’asseyant, libérant enfin sa compagne, qui s’empressa de se redresser et de s’appuyer contre la tête du lit en ramenant les pans déchiré de son vêtement contre sa poitrine nue.

 

Tia vit les dégâts, le regard effrayé de son amie et comprit.

 

Linya l’avait frappé pour se défendre. Se défendre de ses assauts. Son estomac eut un soubresaut et le goût de la bile envahît sa gorge. Elle fixa un regard horrifiée sur Linya et alors que la nausée la submergeait, elle se leva d’un bond et se rua dans la salle de bain.

 

Linya l’entendit vomir et hésita un peu avant de se décider à toquer à la porte.

 

- Tia ? Est-ce… est-ce que tout va bien ? Tu… tu as besoin d’aide ?

- Va t’en, répondit-elle la voix rauque.

 

Linya hésita. Elle ne voulait pas vraiment rester. Pas après ce qui avait failli arriver. Mais partir et laisser Tia dans cet état… sans compter qu’elle l’avait frappé, comme la douleur dans sa main le lui rappelait, et elle s’en voulait.

 

Elle espérait ne pas lui avoir trop fait mal. Elle en tout cas aurait des séquelles. Ses phalanges gonflaient et bleuissait à vu d’œil.

 

- Va-en ! cria la mercenaire avec colère.

 

Sous le coup, Linya recula d’un pas. Elle ne pouvait pas nier avoir peur de Tia. Et la colère manifeste de son amie, ne l’incitait pas à rester. Elle lui en voulait finalement. Alexia lui avait dit combien se faire frapper la vexait. Parce que cela voulait dire qu’elle avait baissé sa garde, qu’elle s’était affaiblie et elle ne supporter pas cet état de fait.

 

Les seuls moments où ça ne l’a vexait pas trop, c’était lors des entraînements avec Alexia. Parce que c’était-elle.

 

Elle n’aurait pas dû la frapper. Puis elle s’examina et sa chemise en lambeau la poussa à obéir. Tia n’était pas en état de discuter. Avec un dernier regard à la porte close, elle recula et sortit enfin de la chambre.

 

***************************

 

Tia fixa la cuvette blanche des toilettes avec douleur. Elle ne parvenait pas à croire à ce qu’elle avait fait. Ou voulu faire. Elle était donc comme lui, en définitive.

 

Elle s’affala contre le mur carreler en gémissant. Elle ne voulait pas, ne pouvait pas supporter cette perspective… Mais qu’est-ce qui c’était passé bordel ?! Comment avait-elle pût ?!

 

Alexia n’était plus depuis seulement une semaine et elle retombait dans ses ténèbres si vite et si fortement qu’elle ne le sentait même pas arriver. Elle avait honte. Comment se faire pardonner ? Le pourrait-elle seulement ?

 

Le regard emplis de peur de Linya lui disait que non. Et comment pourrait-elle le lui reprocher ?

 

Elle se souvint de ce qu’elle avait ressentit quand elle avait laissé ses mains courir sur sa peau et ses lèvres sur les siennes. Elle avait tout oublié. Et elle s’était sentit tellement vivante ! Elle avait, pendant ce bref moment, été capable de tout repousser. Mais ça avait été factice… ses pulsions l’avait poussé à repousser les protestations de son amie. C’était… c’était… répugnant.

 

Il n’y avait pas d’autre mot pour le comportement abject qu’elle avait eu.

 

- Oh, Lex, gémit-elle en se roulant en boule. Ne me laisse pas…

 

« Je suis si perdue sans toi… »

 

*************************

 

Le lendemain, Linya ne voyant toujours pas Tia sortir de sa chambre se décida à y aller. Surtout que ses parents et ses frères commençaient à se demander pourquoi elle ne passait pas plus de temps avec sa compagne. Et après ce qu’elle avait déclaré à sa mère et les conclusions, certes erronés mais indéniable de sa mère, elle ne pouvait pas vraiment l’ignorer.

 

Donc après une matinée à se remémorer avec sa famille leurs souvenirs communs d’Alexia, elle se rendit à la fin du déjeuner, dans la chambre attribuée à son amie. La première chose qu’elle vit en y entrant, fut qu’elle était vide.

 

Les battements de son cœur accélérèrent, la panique l’envahissant. Elle se rua sur les fenêtres et constata avec un soulagement évident qu’elles étaient toujours verrouillées. Elle se retourna alors perplexe, puis avisa la porte de la salle de bain.

 

Elle s’en approcha avec inquiétude. Elle ouvrit la porte et la trouva. Elle était roulé en boule sur le carrelage, les yeux fermés et le visage blanc comme la mort. Elle se précipita à ses côtés et vérifia sa respiration.

 

- Dieu, merci…, soupira-elle en passant les doigts sous son nez. Elle ne fait que dormir.

 

« Et maintenant ?, se demanda-elle en regardant autour d’elle. Je fais quoi ? ». Elle se tourna vers la jeune femme endormie et touchant son bras, le trouva froid. « Merde ! Le carrelage est gelée et si elle est resté là toute la nuit… »

 

Elle la secoua, la gifla mais rien ne la réveilla. Le grognement qu’elle reçut en réponse la rassura néanmoins sur son état de santé. Elle courut chercher Richard et avec son aide, elle parvint à la mettre au lit.

 

- Depuis quand était-elle là-bas ?

 

- Je… je n’en suis pas sûr. Hier soir je crois.

 

Richard la fixa avec des yeux effarés. Et elle se sentit un peu honteuse. Elle ne pouvait pas lui expliquer pourquoi juste après l’enterrement, elle avait laissé sa « compagne » seule. Elle ne trouvait pas elle-même ses raisons valables. En la bordant, Richard fronça les sourcils.

 

- Elle a dû tomber, fit-il en désignant un bleu sur sa pommette. J’appelle le médecin tout de suite, toi réchauffe la et essaye de la réveiller, lui intima-il inquiet.

 

Elle le regarda sortir sans réussir à lui dire qu’il n’avait pas à s’en faire pour le bleu, que c’était son œuvre. Si elle le lui avait dit, elle aurait dû expliquer pourquoi elle avait été obligé de faire ça et au final, ça ne regardait qu'elles.

 

Elle posa son regard sur le visage majestueux, même dans l’inconscience, de son amie et se mordit la lèvre en avisant le bleu. Elle n’y était pas allée de main morte. Elle leva la main, ses phalanges gonflées et douloureuse lui confirmèrent ce qu’elle savait déjà.

 

Elle y avait posé de la glace et de la crème mais ça n’avait quasiment rien changé. Alexia ne lui avait jamais dit a quel point ça faisait mal de frapper quelqu’un. Ses entraînements avec la milice de l’île ne l’avaient pas préparé. Elles étaient toujours entourées de protections. Mais dans la réalité, il n’y avait pas de protection pour amortir les chocs.

Elle allait devoir faire attention si elle ne voulait pas que sa famille le remarque. Ils auraient vite fait de relier le bleu de Tia à sa main.

 

Elle soupira puis s’assit sur le lit en frictionnant la mercenaire à travers les couvertures, espérant que ça suffirait.

 

Lorsque le médecin arriva, elle laissa son frère s’en occuper en lui disant qu’elle devait téléphoner. Elle se rendit dans sa propre chambre et appela Frédéric. Il n’avait pût venir à la cérémonie sinon les jumeaux auraient insisté aussi et leur expliquer pourquoi ils ne le pouvaient pas avait été assez difficile comme ça.

 

Elle lui parla de son inquiétude pour Tia et lui demanda s’il y avait un moyen pour lui de venir. Sa présence lui permettrait peut-être de remonter un peu la pente. Il lui dit qu’il arriverait à la fin de la semaine, soit dans trois jours, le temps de préparer les jumeaux à la raison de leur départ et à leur expliquer dans quel état était leur mère.

 

Elle téléphona ensuite à Enyalios et lui expliqua que Tia avait besoin de lui. Comme il était à la cérémonie hier, il se trouvait encore en ville. Il lui dit qu’il passerait dans l’après-midi et elle le remercia avec gratitude.

 

Enfin, elle appela Gin. Il lui dit que de toute façon il devait passer la voir, alors venir un peu plus tôt ne le dérangeait pas. Il viendrait avec ses filles, cela pourrait peut-être la distraire un peu.

 

Linya acquiesça soulagée d’avoir du renfort et retourna dans la chambre. Le médecin avait terminé. Il était en train d’expliquer que Tia était en légère hypothermie et, associée à son état de choc, il vaudrait mieux l’hospitaliser. A ces mots Linya réagit.

 

- Non ! Désolé docteur, mais Tia à horreur des hôpitaux. Autant les lui éviter. Surtout en ce moment. Elle y a passé des heures difficiles quand elle attendait des nouvelles de l’état d’Alexia. Ca ne serait pas bénéfique.

 

Le médecin hocha la tête d’un air soucieux et réfléchit.

 

- Très bien, fit-il après quelques secondes, voilà ce que je vous propose. Je vais vous laissez une ordonnance pour des poches de physio, que vous réchaufferez avant de lui administrez. Ca devrait faire reculez l’hypothermie. Pour le reste il vous faudra surveiller ses constantes vitales régulièrement et m’appelez au moindre problème. Et ne la laissez jamais seule. Si elle se réveille parlez-lui et essayez de la faire parlez. Après le deuil qui la frappe, il est très facile de se laissez glisser dans un état dépressif dont on ne se sort qu’avec d’extrême difficulté.

 

Linya et Richard acquiescèrent puis Richard raccompagna le médecin pendant qu’elle-même s’installait sur le fauteuil à la tête du lit. Richard revint quelques minutes plus tard et lui dit qu’il partait chercher l’ordonnance du médecin. Elle hocha la tête sans le regarder et l’entendit partir.

 

Son père vint quelques minutes, ou une éternité, plus tard, elle n’aurait sût le dire, tout était floue maintenant. Elle était vraiment paumée. Alex n’était plus là et elle était incapable d’aider la personne qui avait le plus compté dans sa vie.

 

Une main sur son épaule lui fit lever les yeux. Son père était là. Il lui fit un sourire un peu triste, puis montra la femme allongée d’un signe de tête.

 

- Elle va aller mieux, lui dit-il. Tu dois t’en convaincre Linya. Sinon tu ne tiendras pas.

 

Elle le fixa égarée et les larmes affluèrent. Elle entoura sa taille de ses bras et se serra contre lui.

 

- J’ai si peur, avoua-elle d’une petite voix. Si peur de ne pas être à la hauteur, de ne pas pouvoir l’aider, de la voir souffrir sans rien pouvoir faire…. Et j’ai si peur de la perdre, souffla-elle comme si son attachement envers elle était un secret.

 

Son père referma ses bras sur elle et la berça comme lorsqu’elle était enfant. Et comme à l’époque, elle se sentit mieux. Elle releva la tête et lui sourit à travers ses larmes.

 

- Je sais que tu as peur. Et c’est normal. Ne la combat pas. Accepte-là puis repousse la dans un coin de ton esprit ou utilise la pour te donner la force et la motivation nécessaire. Transforme-la et fais-en ton alliée.

 

Il s’agenouilla devant elle et lui dit ;

 

- Tu ne dois jamais rien lâcher ma fille. Si tu tiens à elle, alors tu n’as pas le choix. Bat-toi. A sa place, s’il le faut.

 

Elle hocha la tête et tourna son attention vers la mercenaire. Elle vit qu’une perfusion était attachée à son bras et comprit qu’elle aussi était partie pendant quelques temps.

 

Son père se releva et après une dernière étreinte, était ressortie.

 

 

************************

 

Les jours passèrent et se ressemblèrent. Tia ne se réveillait que par a coup et replongeait très vite dans le sommeil, ne souhaitant visiblement pas écouter ce que ses amis et sa famille avait à lui dire. Cette attitude blessa profondément ses enfants, mais Len confia à Linya qu’il comprenait. Qu’Alexia lui manquait à lui aussi et que si sa mère l’aimait autant, alors la perdre devait vraiment être dur. 

 

Il déclara à sa mère, même si il doutait qu’elle l’entende, que lui et Lara serait patient, qu’elle pouvait prendre le temps qu’il lui fallait pour se remettre et qu’ils l’attendraient. Qu’ils espéraient seulement qu’elle irait bien à nouveau un jour.

 

Lara elle, se contenta de la regarder de ses grands yeux noyés de larmes. Elle était pétrifiée d’angoisse. Elle avait peur de dire ou de faire quelque chose qui aurait aggravé l’état de sa mère.

 

Après leur départ, Tia murmura comme en réponse, qu’elle n’irait plus jamais bien.

 

Personne n’avait pût la sortir de sa stupeur endormie. Elle ne le voulait pas et le médecin commençait à parler d’hospitalisation, d’internement et cela crispait Linya.

 

Aujourd’hui le médecin devait revenir et décider au vu de son état, ce qu’il convenait de faire. Linya refusait d’entendre parler d’hôpital mais on ne l’écoutait pas. Gin avait été désigné comme son tuteur, étant sa seule famille, et s’il avait tout d’abord refusé catégoriquement la proposition, sous l’influence combiné du médecin, de sa famille à elle et de sa fille aînée, il commençait à se dire que se serait peut-être bénéfique pour elle.

 

Lizzie n’avait étrangement rien dit, quand on en avait parlé. Elle était pourtant toujours la première à se lever pour la défendre. Mais depuis qu’elle l’avait vu, elle était comme abasourdit. Elle était inquiète et avait avoué à Linya se sentir coupable. Elle n’avait pas voulu dire pourquoi, mais Linya voyait bien que ce sentiment ne la quittait pas.

 

Le médecin devait venir après le déjeuner et Linya voulait tenter quelque chose avant son arriver. Elle se rendit donc dans la chambre de Tia ou sa mère la veillait. Elle lui dit qu’elle prenait son tour et sa mère ramassa son tricot. Elle sortit non sans lui prodiguer des paroles d’encouragement au passage.

 

Linya s’assura que sa mère était bien partie avant de se rapprocher du lit et de s’y installer doucement. Elle prit la main de son amie et la caressa de son pouce. Elle contempla le beau visage de la mercenaire, d’où le bleu avait quasiment disparu, puis se pencha et déposa un baiser léger comme l’air sur ses lèvres. Alexia n’avait cessé de lui répéter combien Tia était sensuelle et aimait le sexe.

 

Elle se redressa et ne voyant aucune réaction, réfléchit. La dernière fois qu’elles s’étaient embrassées, Tia avait semblé plus vivante que jamais. Mais le baiser et ce qui s’en était suivit avait été pour le moins… torride. Peut-être devrait-elle y aller plus franco ?

 

Elle hésitait. Etait-elle prête à ce qui pourrait s’ensuivre ? Qu’était-elle prête à donner pour ne pas la perdre ? Elle l’observa un moment tout en réfléchissant.

 

Serait-ce si terrible de coucher avec elle ? De vraiment devenir un couple ? Ou en tout cas d’avoir une vraie liaison avec elle ? Tout le monde dans sa famille était déjà persuadé que c’était le cas. Elle aimait vraiment sa compagnie. Et elle… elle avait encore du mal à le croire, mais elle avait aimé certaines choses que Tia lui avait faite la dernière fois. Même si la peur dominait à cet instant, elle n’avait pas oublier les réactions surprenantes de son corps.

 

Ca pourrait être bon. Elle l’étudia un peu, tentant de se jauger. Etait-elle attirée par Tia ? Elle se mordit la lèvre et convint que non. Mais peut-être que ça n’avait pas vraiment d’importance. Après tout, si Tia parvenait à éveiller son désir, elle n’avait pas véritablement besoin d’avoir envie d’elle. Et si elle n’y parvenait pas, eh bien… tant pis. Des tas de femmes vivaient en couple sans pour autant être satisfaite sexuellement. Elle le pouvait elle aussi. Surtout que c’était par amour.

 

Elle soupira à nouveau, regrettant pour la première fois de sa vie de ne pas être gay. Puis elle respira profondément, se préparant mentalement à ce qu’elle espérait provoquer, et se pencha sur sa compagne.

 

Elle l’embrassa tout d’abord timidement puis y mit plus de conviction, pensant à ce qui risquait de lui arriver si elle ne la faisait pas réagir.

 

Elle posa une main sur sa joue et força doucement le passage des lèvres de sa langue. Elle fit glisser sa main dans le cou de la jeune femme et descendit vers sa poitrine. Elle sentit un frisson parcourir le corps de son amie et retint un cri de joie.

 

La langue de Tia commença à bouger et à répondre à ses assauts et Linya fit glisser sa main sur son sein obtenant un petit soupir en retour. Les yeux de Tia papillotèrent et Linya se redressa, croisant le regard encore brumeux de son amie.

 

Elle sourit et déposa un autre petit baiser sur ses lèvres. Alors, qu’elle se redressait à nouveau, une main se plaqua contre sa nuque et l’attira. Tia l’embrassa avec fougue, son sang rugissant à nouveau dans ses veines et de sa main libre, elle attrapa la taille de son amie. Elle la retourna sur le dos rapidement, et quitta ses lèvres pour son cou, ses mains explorant avec passion ses seins.

 

« Ok, pensa Linya on y est. Soit je l’arrête maintenant et y’a de forte chance qu’elle retombe dans son abattement, soit je la laisse faire et je profite des endorphines que lui procurera son orgasme, en admettant que je parvienne à lui en donner un, et je lui parle à ce moment là. » (

 

Elle n’eut pas à beaucoup réfléchir. Une main dur s’aventura sous son pantalon et pressa fortement son clitoris, envoyant des décharges de plaisir dans son ventre. Un mordillement dans le creux de sa clavicule eut le même effet et elle gémit.

 

Elle écarta les jambes pour faciliter l’accès à la main de sa compagne et agrippa ses cheveux pour l’inciter à poursuivre dans cette voie.

 

Tia ne se fit pas prier. Elle souleva le t-shirt de sa partenaire et le fit passer par dessus sa tête. Elle caressa l’un de ses seins et lécha le suivant. Puis se laissant porter par ses envies, elle mordit le téton, ce qui fit gémir longuement Linya. Elle descendit et de sa langue, traça une ligne de brûlante sur la peau fraîche. 

 

Elle introduisit sa langue dans le nombril et un frisson se propagea jusqu’à son sexe qui s’humidifia abondamment. Les petits baisers que Tia déposait sur son abdomen en descendant avec langueur, ses mains enserrant sa taille, envoyèrent de délicieux frissons le long de son bas-ventre.

 

Elle sentit une main devenu impatiente déboutonner son pantalon et le lui retirer d’un coup sec. Elle ne prit pas le temps d’admirer la peau laiteuse ou la culotte fine qui cachait des boucles blondes soyeuses. Elle baissa rapidement la culotte et sans se soucier de sa compagne, elle lui écarta largement les cuisses, avant de plonger la tête entre ses jambes et de lécher le clitoris tendu.

 

Un cri rauque échappa à Linya et elle serra les draps sous elle en se cambrant. Tia ne s’attarda pas et enfouie sa langue dans les plis humide de son sexe. Linya eut un sursaut brusque et lâcha un autre cri. Impitoyable, la mercenaire poursuivit son exploration avant de brusquement se retirer et de se relever en retirant son t-shirt.

 

Linya à travers ses yeux-mi clôt dû convenir qu’Alexia avait raison, Tia avait un corps de déesse. Tia écrasa son corps sur le sien, lui coupant la respiration. Bizarrement, la brutalité de la grande femme l’excitait.

 

Tia prit ses lèvres sans douceur et imposa un rythme exigeant à leur baiser, ses mains pétrissant son corps sans aucune tendresse. Les ondes de chaleur qui la submergeait par vague, étourdissait Linya. Elle n’aurait jamais pensé aimer autant sa violence, elle qui était une pacifiste acharnée.

 

Tout en l’embrassant, sa compagne introduisit deux doigts dans son sexe et Linya sursauta avant de laisser les va et viens en elle, lui procurer du plaisir. Elle lâcha les draps et saisit la tête de Tia quand celle-ci voulu interrompre leur baiser. Elle enroula sa langue autour de la sienne et ses jambes autour de sa taille, avant de donner un coup de rein et e la retourner sur le dos.

 

Elle se redressa, empalé sur les doigts qui n’avaient pas arrêté leur mouvement et rejetant la tête en arrière elle, elle donna de vigoureux coup de hanche pour que les doigts s’enfonce plus profondément en elle.

 

Tia enfonça un troisième doigt tout en s’asseyant et léchant le ventre luisant de sueur de sa compagne. Celle-ci attira sa bouche à elle et l’embrassa avant de la repousser violemment contre le matelas. Elle se pencha et prit un des tétons dressés de Tia entre ses lèvres. Elle les lécha et les mordilla comme elle l’avait fait pour les siens, avant d’embrasser et de lécher toute la peau qui passait à sa portée.

 

La passion lui embrumait complètement l’esprit. Elle n’avait jamais rien ressentit de pareille. La fièvre qui enflammait son corps était intense, exigeante et elle était heureuse de la laisser la mener.

 

Alors que la jouissance montait en elle, elle reprit possession de la bouche de sa compagne et en mordit la lèvre inférieur jusqu’au sang au moment où l’orgasme explosait en elle.

 

Le goût du sang associé au cri de jouissance de sa compagne, apaisa le rugissement du sang et la brûlure du désir en Tia. Elle retomba sur terre en même temps que Linya. Celle-ci s’effondra entre ses bras et elle se laissa retomber sur le dos. Tia prit enfin conscience du fait que ce n’était pas un rêve.

 

Elle sortit ses doigts du sexe repu de son amie et après un regard sur ses doigts souillées, leva enfin les yeux sur son visage. Celle-ci arborait un sourire heureux.

 

- C’était incroyable, dit-elle. Je n’avais jamais rien ressentit de pareille.

 

Tia ne parvenait pas à y croire. Linya. Elle venait de faire l’amour à Linya.

 

- Désolée pour ta lèvre, fit-elle avec un air coupable, en posant ses doigts dessus.

 

Tia secoua la tête.

 

- Linya… je… je ne comprends pas… tu…

 

- Je… quoi ?

 

- J’ai… j’ai failli, enfin je t’ai brutalisé et…

 

Linya haussa les épaules.

 

- Ce n’était pas vraiment toi, fit-elle en reposant sa joue contre la poitrine de sa compagne. Je ne t’en veux pas. Par contre, fit-elle en relevant vivement la tête, je m’excuse pour le coup de poing. Je ne voulais pas te faire mal, ajouta-elle en passant les doigts sur le bleu presque disparu.

 

- Tu t’excuses ?! s’exclama-elle incrédule. TU t’excuses ?! Tu te fiche de moi ou quoi ?! C’est à moi de m’excusez !

 

- Alors fais-le et n’en parlons plus, répliqua son amie tranquillement.

 

Tia la fixa un moment bouche bée.

 

- C’est aussi simple que ça ?

 

- Oui.

 

- Mais… j’ai vu ta peur et…

 

- Tia, soupira son amie, oublie. Ce n’était pas toi et… c’est le passé. Je n’ai pas peur de toi. Sinon je ne serais pas là, tu ne crois pas ?

 

- Oui… sûrement, mais…

 

Linya posa brusquement ses lèvres sur les siennes, l’interrompant et enroula sa langue autour de la sienne, le goût du sang se mélangeant au goût de la bouche de Tia. Elle se recula ensuite et lécha d’un air provoquant le sang qui coulait de nouveau.

 

Elle plongea le regard dans le bleu profond de son amie et dit :

 

- Pour la suite, j’aurais besoin de tes indications.

 

- La… la suite ? balbutia la mercenaire un peu perdu.

 

- Mmm oui. Pour te rendre la pareille.

 

L’air stupéfait de son amie amena une rougeur sur le visage de Linya et elle se sentit soudain embarrassée.

 

- Enfin, si tu n’es pas intéressée, fit-elle en tentant de s’écarter.

 

Comprenant sa bévue, Tia l’empêcha de s’enfuir et la plaqua contre elle-même.

 

- Ce… n’es pas ça, répondit-elle hésitante. Tu es très séduisante et… enfin c’est bizarre. Tu n’as jamais été intéressée par moi ou même une femme et soudain tu es là, tu m’embrasses et tu me dis que tu veux me faire l’amour. En plus, je t’ai agressée il y a quelques jours et ça n’a pas l’air de te traumatiser. Je… je suis un peu perdu.

 

- Euh oui, c’est logique.

 

Elle resta un moment silencieuse.

 

- Ca te pose un problème ?

 

Tia y réfléchit un moment.

 

- J’en sais rien.

 

- Tu veux qu’on arrête là ?

 

Tia la regarda longuement.

 

- Et toi ?

 

- Je… j’en sais rien.

 

Un sourire amer tordit sa bouche.

 

- Tu n’es pas du tout intéressé par moi, hein ?

 

Linya ouvrit puis referma la bouche.

 

- Je… j’ai adoré ce que tu m’as fait.

 

- Mais tu n’es pas intéressée.

 

- Je… je ne sais pas. Mais j’aimerais savoir.

 

- Moi, je ne suis pas sûr de le vouloir.

 

Linya se redressa soudain.

 

- Pourquoi ?

 

- Tu es… étais, corrigea-elle avec un éclair de douleur visible dans les yeux, la meilleure amie de Lex et j’ai l’impression de la trahir.

 

- Je suis désolée… je n’y avais pas pensé

 

- C’est rien, répondit-elle, le visage neutre en fixant le plafond.

 

Linya se leva et ramassa ses affaires sous le regard de la mercenaire qui perçut son malaise soudain. Elle soupira et lui fit signe de revenir.

 

- Viens là, insista-elle quand elle la vit hésiter.

 

Linya s’approcha timidement et Tia l’obligea à revenir sous les draps. Elle se tourna sur le côté et la fixa.

 

- Tu peux quand même rester. Et… j’aime bien quand tu es là.

 

- Vraiment ?

 

- Oui. Tu… tu me rappelle Lex.

 

Les larmes surgirent, brutales et sans avertissement.

 

- Ca c’est le plus beau des compliments, dit-elle d’une voix étranglée.

 

Elles se serrèrent dans les bras l’une de l’autre, sans essayer de sécher les larmes qui coulaient encore, la tête pleine de la femme qui leur manquait à toutes les deux.

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