Le poids du futur et du passé, P1, chapitres 5-6-7
Chapitre 5 :
- Chouette soirée, hein ? fit une voix de
basse derrière elle.
Tia sourit à l’ironie perceptible, puis se
recomposa un visage neutre avant de lui faire face. Elle leva les yeux sur la
montagne qu’était son tuteur et le toisa aussi dédaigneusement que possible.
- C’était ton idée, alors pas de plainte.
Il sourit et fit un geste vague qui aurait put
passer pour bien des choses. Puis paume tournée vers le ciel, il présenta de la
main la femme qui l’accompagnait. Tia la détailla. C’était une femme d’une
cinquantaine d’années, à la peau fine et ridée. Sa chevelure argentée lui
arrivait aux épaules et allait merveilleusement avec ses traits fins et ses
yeux, d’un brun velouté, respiraient la chaleur.
Elle était beaucoup plus petite que Frédéric,
plus petite qu’elle-même. Une telle différence de taille… elle se demandait…
soudain une image saugrenue et très crue traversa son esprit la faisant rougir.
Elle baissa les yeux le temps de reprendre contenance puis les releva et hocha
la tête.
- Voici Anne Dérestin. Une de nos voisines.
- Et ta charmante amie, poursuivit Tia avec un
sourire en coin.
Ce fut au tour de Frédéric de détourner le
regard, gêné. Un petit rire amusé ramena vite leur attention.
- Nous avons été démasqués chéri, fit Anne en
lui touchant le bras.
Il acquiesça et se tourna vers sa première
enfant.
- Promis-juré, fit celle-ci en levant la main
droite, je dirais rien ! Même sous la plus extrême des tortures !
Il rit.
- Depuis combien de temps ?
- A toi de le dire, miss je sais tout, répondit
doucement son tuteur.
- Mmmm, fit Tia pensive, je dirais deux mois et
demi environ.
Il écarquilla de grands yeux et elle se moqua.
- Tu croyais que je m’étais rouillée à ce
point ? Tu croirais pas aussi au Père Noël ? Au lapin de
Pâques ? Je suis au regret de te dire que Nemo n’existe pas. Pas plus que
Shreck. Je sais, c’est dur, dit-elle faussement compatissante, mais il va
falloir te faire une raison.
Elle releva la tête et croisa son regard amusé.
Puis elle se tourna vers sa compagne.
- Enchantée Madame Dérestin. Je m’appelle Tia,
se présenta-elle en lui tendant la main.
- Je sais. Frédéric parle de vous sans arrêt.
- Attendez, répliqua la mercenaire vivement avec
une expression incrédule, vous êtes en train de me dire que Frédéric…
parle ?!
Frédéric secoua la tête alors qu’Anne se mettait
à rire.
- Et bien je te trouve de très bonne humeur pour
une personne que la perspective de cette réunion enervait.
- Je me suis fait une raison, rétorqua-t-elle
sans perdre son sourire en coin.
- Tu as présenté ton amie aux jumeaux ?
- Oh non ! répondit l’armoire à glace avec
un air très proche de la panique. Pas aujourd’hui ! Tu ne vas rien leur
dire n’est ce pas ? s’enquit-il soudain inquiet.
Tia le laissa mariner un petit moment puis
secoua la tête.
- Pas de souci, Fred. Je serais une tombe.
- Fred ? Un peu de respect jeune fille,
fit-il en retrouvant son aplomb.
- Dixit l’homme qui tremblait comme un lapin,
y’a à peine deux secondes.
- Je ne tremblais pas comme un lapin, grommela
le grand homme dans sa barbe.
Il la fusilla du regard puis se tourna vers sa
compagne.
- Chérie, ça t’ennuierait de nous laisser seuls
quelques minutes ?
- Pas du tout, répondit la petite femme avec une
petite tape sur son torse. Je vais aller me chercher un rafraîchissement.
Veux-tu que je te rapporte une entrecôte ?
- Oh que oui.
- Très bien.
Elle lui fit une petite bise sur la joue et Tia
se retint de rire en le voyant vérifier les environs. Puis elle s’éclipsa et la
mercenaire se mit un doigt dans la bouche en mimant une envie de vomir
puissante.
- Vous êtes si guimauves que ça me donne des
nausées.
- Tu t’es déjà regardée avec Lex avant de
critiquer ? rétorqua-t-il sans se vexer.
- Non et heureusement, je suis sûre que je me
dégoûterais, répondit-elle avec aplomb.
Il secoua à nouveau la tête. Décidément, elle
était de bonne humeur.
- Alors ? le relança-t-elle. De quoi
voulais-tu m’entretenir ?
- Je voulais savoir si tu avais appris quelque
chose sur notre mystérieux traqueur.
- Pas encore non. Il cache bien ses traces. Et
toi ?
- Rien non plus. Comme tu dis il cache bien ses
traces, ce qui est plutôt étonnant. Tout ce qu’on sait de lui, c’est qu’il pose
des questions sur moi. Ca m’intrigue. Comment s’y prend-t-il pour ne rien
dévoiler de lui-même ?
- On s’y prend peut-être mal ? suggéra la
grande femme. Je vais m’adresser à d’autres personnes, plus… directes.
- Je vois ce que tu veux dire, ok, je vais faire
pareil.
Tia hocha la tête et tout deux regardèrent Anne
revenir. En chemin, elle se fit alpaguer par Len à qui le manège de son tuteur
n’avait pas échappé. Frédéric fila comme une flèche, porter secours à sa
dulcinée en espérant pouvoir limiter les dégâts dans les questions et les
réponses de part et d’autre.
Tia secoua la tête en riant et croisa le regard
de Rhapsody puis celui de Lex, qui étaient en grande discussion. Elle ressentit
un mélange parfait de bien-être puissant et de malaise intense. « Allons
bon, qu’est-ce que ça signifie encore ? » songea la grande femme en
les rejoignant.
********************************
Le lendemain matin, comme à son habitude, Tia se
réveilla la première et, comme d’habitude, Lex était à l’autre bout du lit et
lui tournait le dos. Mais cette fois, elle ne s’attarda pas à la regarder en se
demandant quoi faire. Cela ne changerait rien, alors elle préféra se lever et
tenter de faire comme si cela ne l’affectait pas.
Elle se doucha rapidement et s’habilla, puis
attrapa son ordinateur portable et passant dans la cuisine, elle s’attabla
devant une fournée de pancakes, reste du quatre heures de la veille, qu’elle
arrosa copieusement de nutella.
Tout en dégustant son met, elle alluma son
ordinateur et consulta ses mails professionnels. Elle avait bien envie de
bouger un peu. Sa bizarre rencontre avec la voisine et ses relations étranges
avec Lex, lui donnaient fortement envie de faire quelque chose de routinier, de
rassurant.
Elle en dédaigna plusieurs et en lut quelque
autres prometteurs. Puis flasha sur l’un deux. Littéralement. Il s’agissait
d’une mission en Australie, la terre des kangourous et des koalas. Elle sourit
à l’idée de revoir la petite bouille toute mimi des koalas et étudia
attentivement les détails de la mission.
C’était un truc tout simple qui lui permettrait
de profiter du voyage pour visiter un peu. Elle devait récupérer un dossier
chez un particulier, le garder quelques jours puis le convoyer jusqu’au
tribunal fédéral de la magistrature de Sydney.
Très simple. Elle se doutait bien qu’il devait
s’agir d’un dossier avec des infos brûlantes, mais elle savait aussi que si le
gouvernement Australien faisait appel à elle s’était pour décourager les
personnes qui voulaient prendre ces infos. Elle devrait donc être peu
importunée.
Rien d’excitant donc, mais c’était exactement ce
dont elle avait besoin. Elle pourrait se changer les idées et se détendre un
peu. Elle envoya un mail de confirmation à son nouveau client et lui demanda
des renseignements complémentaires. Elle passa ensuite sur son mail personnel
et découvrit des alertes sur ses sites de téléchargement préférés. Apparemment,
de nouveaux épisodes de L Word et de Grey’s Anatomy étaient sortis.
Elle s’empressa de cliquer dessus et de chercher
le nom des épisodes. Elle lança ensuite une recherche avec sur son propre
programme de téléchargement. Il était inrepérable, on ne pourrait donc pas la
taxer de téléchargement illégal.
Elle finit ses pancakes et se rendit dans le
salon où elle s’installa confortablement sur le canapé. Elle posa son ordi sur
ses genoux et laissant le programme tourner, lança des recherches sur les
personnes qui l’avaient contacté.
Elle passa l’heure suivante à étudier
attentivement le profil des personnes impliquées et du terrain à occuper. Elle
avait une planque toute prête pour mettre en sécurité les infos dès qu’elle les
aurait.
Maintenant tout ce qu’il lui fallait c’était des
infos sur ceux intéressés par ces infos. Elle envoya un nouveau mail à ses
clients en précisant la nature des renseignements dont elle avait besoin. Puis
vérifia l'avancement de ses téléchargements et décida d’aller chercher ses DVD
Walt Disney. Elle avait besoin de sa dose de magie et de happy end.
Elle se rendit sur la pointe des pieds dans la
bibliothèque devenue, grâce à elle, vidéothèque. Elle se situait entres les
chambres des ses enfants qui, fatigués par la fête de la veille, dormaient
encore. Elle farfouilla quelques minutes et se décida pour Mulan, Lilo et Stich
et Shreck.
Elle retourna dans le salon et mit le premier
DVD. Elle attrapa un coussin qu’elle posa sur son estomac et entoura de ses
bras. Elle remonta ses genoux et fixa l’écran comme si c’était la première fois
qu’elle voyait le film.
C’est dans cette position qu’Alexia la trouva
lorsqu’elle se réveilla aux environ de midi. Elle s’appuya au chambranle de la
porte et observa celle qui malgré les années passées, faisait toujours battre
son cœur.
Elle était concentrée sur l’action qui se
déroulait sur l’écran. Alexia pencha la tête pour voir ce qu’elle visionnait et
vit que c’était Lilo et Stich. Elle revint à sa compagne et la vit poser une
main sur sa bouche en réprimant un gloussement. Lex ne put s’empêcher de
sourire devant les grimaces de sa compagne.
Tia était si mignonne quand elle regardait la
télé. Que se soit un film pour enfant ou non, elle s’émerveillait toujours
comme si elle en était une. Elle lui avait avoué au début de leur relation,
qu’elle était devenue accro à la télévision pendant sa grossesse. Frédéric lui
avait fait découvrir les Walt Disney et les séries Tv parce qu’elle était
apathique et qu’il ne savait pas quoi faire pour la sortir de son état
dépressif.
Elle avait fini par voir les images qui défilaient
sur l’écran en face d’elle et entendre les dialogues. Elle en avait été
instantanément fascinée. Ca n’avait jamais calmé sa rage mais ça lui avait
permis d’apprendre certaines choses et surtout ça lui donnait une bouffée
d’ailleurs, un moment où elle n’avait plus à penser, juste à vivre par
procuration. Et ça elle en avait parfois, cruellement besoin.
Même si Tia lui avait raconté les cauchemars de
son enfance, ils n’étaient pas partis pour autant. Ils revenaient parfois la
hanter et la laissaient dans un état de nerfs explosif. Au début, Alexia
croyait que ça passerait avec le temps, maintenant elle savait qu’il n’en
serait jamais rien. Ces cauchemars faisaient partis d’elle et de ce qu’elle
était. Tout ce qu’elle pouvait faire c’était d’être là lorsqu’ils revenaient la
hanter.
Cela lui fit penser que Tia ne lui avait encore
jamais raconté pourquoi elle était dépressive pendant sa grossesse. Elle avait
d’abord pensé que c’était la découverte de sa grossesse justement, mais en
lisant entre les lignes elle avait compris que ce n’était pas la raison
principale. Elle l’avait interrogée là-dessus une fois, mais Tia s’était
refermée comme une huître. Elle avait passé le reste de la journée dans un état mélancolique qui lui avait fait
craindre quelque chose de plus sérieux. Depuis elle avait soigneusement évité
le sujet.
Si savoir que Tia ne lui avait pas tout dit
était un peu douloureux, elle comprenait que sa compagne avait des blessures
profondes, qui ne guérissaient vraiment pas vite et qu’en rouvrir d’autres
avant que celles-ci n’aient commencé à cicatriser pouvait être dangereux pour
sa santé mentale, alors elle patientait.
Mais depuis la découverte de ses résultats elle
savait qu’elle n’avait pas toute la vie pour l’aider. Pourtant elle continuait
de patienter. Elle ne voyait pas quoi faire d’autre de toute façon. Cependant
elle avait dû redéfinir ce qu’elle accomplirait pendant son existence. Elle y
avait réfléchi un bon moment et en voyant sa compagne glousser comme une
enfant, elle sut que c’était la bonne décision.
Elle voulait la délivrer de ses démons. Cela
prendrait du temps, demanderait de la patience et beaucoup de tolérance, Tia
étant une personne qui n’aimait réellement pas se confier et qui réagissait mal
après l’avoir fait.
Elle avait 10 à 12 ans de bonne santé devant
elle, elle allait donc faire en sorte que cela suffise.
Elle resta à l’observer pendant presque tout le
film et pas une seule fois, elle ne sembla se rendre compte de sa présence.
C’était toujours comme ça quand elle regardait la télé. Elle était complètement
immergée dans la fiction, comme hypnotisée par l’écran.
Ca l’avait toujours fasciné et… amusé aussi.
C’était si… opposé à Tia. Elle signala sa présence pendant le générique par un
petit raclement de gorge et la mercenaire releva la tête surprise. Une petite
rougeur apparue comme à chaque fois qu’on la surprenait à regarder des dessins
animés puis elle la reconnut et elle sourit.
Tia aimait beaucoup voir Lex au réveil. Elle
était si échevelée qu’elle donnait l’impression d’avoir dormi au milieu d’un
typhon, mais c’était dû en fait, aux multiples passages de ses mains dans ses
cheveux pendant qu’elle réveillait son corps.
Souvent la mercenaire la réveillait, juste pour
la voir lever les mains et les passer dans ses cheveux. C’était marrant de la
voir se décoiffer, les yeux fermés sans avoir aucune conscience de ce qu’elle
faisait. Après elle attendait de la voir se rendre dans la salle de bains et
comptait les secondes jusqu’au cri qui retentissait immanquablement lorsque Lex
se rendait compte de ce qu’était devenue sa chevelure.
Elle fixait alors la porte de la salle de bains
et attendait de la voir sortir en courant et de se planter devant elle, les
mains sur les hanches, pour l’accuser de s’amuser à faire des nœuds dans ses
cheveux. Elle la traitait de gamine et lui disait qu’elle pourrait trouver un
jeu moins ennuyeux.
A ce moment de la diatribe, Tia éclatait de
rire. Elle n’avait pas encore trouvé l’occasion de lui dire qu’elle était la
seule coupable. Surtout parce qu’elle devinait que Lex ne voudrait pas la
croire. Et puis c’était si amusant de la voir aussi vexée et outragée.
Elle gloussa devant l’improbable coiffure de sa
compagne et dit en pointant un doigt vers le sommet de sa tête :
- Tu projettes de laisser une famille de rapace
s’installer ?
Lex fronça les sourcils et porta la main à ses
cheveux. Elle se pencha un peu et regarda son reflet dans la fenêtre. Poussa un
petit cri et se tourna vers elle avec un regard furieux.
- Ca t’amuse toujours autant à ce que je vois. Bon
sang Ti, tu peux pas te trouver un autre jeu ?! gronda-t-elle. Tu sais
combien de temps je mets chaque matin à défaire les nœuds ?
Pour toute réponse Tia gloussa à nouveau et ses
jumeaux se joignirent à elle en pénétrant dans le salon quelques secondes plus
tard et en la découvrant. Lex tourna les talons vexée et partit d’un pas
énergique tenter de retrouver forme humaine dans la salle de bains.
- Faudra que tu lui dises quand même que c’est
pas toi, déclara Lara entre deux hoquets.
- Tu rigoles ?! Si je le lui dis, elle va
faire gaffe en se levant et filer direct à la salle de bains avant de se
montrer. J’ai aucune envie de manquer un tel spectacle !
- C’est vrai ça serait dommage ! convint
son fils. J’aime bien ce genre de réveil, moi.
On entendit un cri de frustration en provenance
de la salle de bains puis :
- Tia !
Les rires repartirent de plus belle.
**********************************
Cela faisait deux jours qu’elles étaient en
Australie. Tia avait récupéré les documents avec Lex puis s’étaient séparées.
Elle était partie les mettre en sûreté, pendant que Lex leur préparait un petit
programme touristique. Elles avaient 7 jours à attendre avant de remettre les
docs au greffe du tribunal.
Apparemment, les infos concernaient une bande
mafieuse qui sévissait depuis une dizaine d’années et qui avait récemment
participé à des essais médicaux illégaux. Ils avaient fournis, sous couverture
d’enlèvements, divers échantillons représentatif de la population. Si
on lui avait confié les preuves, c’était parce que le chef de la police de
Sydney ne se faisait pas d’illusion. Il savait que sa police était gangrenée et
qu’il y avait des taupes dans son service.
Il avait donc fait appel, avec l’accord du
procureur et du maire, à divers mercenaires pour assurer la protection des
preuves. A elle on avait fournis les indices et preuves matériels. A d’autres
on avait demandé la protection de témoins.
Pour des raisons évidentes, on ne lui avait rien
dit d’autre. La présence de plusieurs mercenaires, surtout aussi réputés qu’elle, pour assurer la protection
des preuves, avait eu l’effet escompté. La mafia ne savait pas où donner de la
tête, ni même qui ou quoi chercher.
Si Tia et Lex jouaient donc tranquillement les
touristes sous leurs véritables identités, elles n’auraient aucun ennui et les
preuves seraient acheminées en temps, sans souci. Une mission très facile et
reposante en somme.
Lex leur avait dégoté un circuit safari, très en
vogue en ce moment. C’était une couverture idéale et cela convenait parfaitement
à la mercenaire qui voulait à toute force revoir kangourous, koalas et
compagnie. Ses réactions d’enfant étaient merveilleuses à voir, c’était
pourquoi elle avait choisi ce lieu.
Elles étaient dans un des 4x4 de la compagnie
qui gérait le parc et elles allaient entrer dans la zone réservée aux félins.
Une pause était prévue près du lac vers lequel tous s’abreuvaient. Elles
avancèrent en profitant du paysage et Tia marmonna à l’oreille de Lex que la
structure du domaine avait été bien pensée. L’espace était suffisamment grand
pour que plusieurs clans de félins différents puissent y vivre.
Le groupe dont elles faisaient parties sortit
des véhicules qui surplombaient le point d’eau avec joie. Ce surplomb était un
endroit inaccessible aux animaux et donnait un excellent point de vue sur le
point d’eau en dessous où tous les animaux venaient s’abreuver. Cela faisait
une heure qu’ils se promenaient et cette pause était la bienvenue. Tia sortit
en s’étirant comme un chat. Lex vit plusieurs hommes la regarder faire d’un air
intéressé.
« Pas de bol les gars, elle est déjà
prise. » Lorsqu’elles sortaient en société, Lex était toujours partagée
entre la fierté d’être d'être celle à qui appartenait le coeur de Tia et la
gêne d’être vue en compagnie d’une femme aussi fascinante soit-elle. C’était
difficile. Surtout parce que les réactions des personnes qui les entouraient
étaient toujours imprévisibles.
Lorsqu’elle n’y lisait pas du dégoût, elle y
voyait du choc. Au mieux, elle pouvait espérer de la curiosité. Il était très
rare d’y voir de l’indulgence ou de l’amusement comme c’aurait été le cas pour
un couple hétéro. La plupart du temps, les gens détournaient le regard et Lex
faisait comme si tout ceci ne la dérangeait pas.
Bien sûr, Tia n’était pas dupe et en public elles
faisaient comme si elles étaient de simples amies. Lex devait s’avouer que
c’était moins dur, mais elle n’aimait pas être obligée de se comporter
autrement que comme un couple. Elle aurait aimé pouvoir se blottir dans ses
bras et l’embrasser quand ça lui chantait.
Et marquer aussi sa propriété. Tia était avec
elle. A elle. Et elle voulait que tous les mecs qui la regardait comme en cet
instant le sachent et arrêtent leurs singeries ridicules, consistant à essayer
de l’impressionner et à tenter leur chance.
Elle savait que ça ennuyait Tia, mais Tia ne
savait pas à quel point ça l’ennuyait, elle. Elle avait fait de sérieux progrès
concernant ses réactions, mais la morsure provoquée par la jalousie était,
elle, toujours aussi présente et toujours aussi forte.
« Si seulement le monde pouvait évoluer un
peu plus vite »… songea-t-elle. C’était facile de dire de se ficher des
autres et de faire comme elle en avait envie, mais les regards, s’ils n’étaient
réellement pas importants, le malaise qu’ils généraient était bien réel lui.
« Le pouvoir d’un regard… »
songea-t-elle nostalgique. A ce moment là, Tia croisa son regard et ce qu’elle
y lut la fit frissonner des pieds à la tête. « Le pouvoir d’un
regard… » songea-t-elle à nouveau beaucoup plus guillerette.
******************************
Les 4X4 s’étaient séparés une demi-heure
auparavant, pour suivre chacun un circuit différent. Alors excepté leur
chauffeur et guide, Tia et Lex étaient seules. En tête à tête. Lex observa une fois de plus sa compagne
s’émerveiller devant un troupeau de gazelles se faisant chasser par un groupe
de guépards.
Leur véhicule se trouvait à une bonne distance
et elles observaient l’attaque à travers les jumelles gracieusement fournies
par leur guide, lequel s’était absenté pour satisfaire à son besoin de
nicotine.
Tia descendit de la voiture sans lâcher les
jumelles et poussa un petit cri. Elle se retourna et lui sourit joyeusement.
Suivant son impulsion, Lex descendit et la rejoignit. Elle passa ses bras
autour de sa taille et s’appuya contre elle.
Un rugissement soudain associé au bruit du métal
rencontrant des griffes, les fit se retourner vivement. Elles dévisagèrent
bouche bée, une lionne qui faisait deux fois leur taille et qui se trouvait sur
le capot du véhicule. Elle les regardait et Tia y vit l’instinct de la chasse.
- Elle nous prend pour son dîner, murmura-t-elle
à sa compagne en la poussant doucement derrière elle.
- Ils sont pas sensés éviter les humains ?
- Si.
- Ok.
Lex prit une grande inspiration et tenta de
calmer les battements de son cœur. Elle avait fait face à pire. N’est-ce
pas ?
- Et on fait quoi maintenant ?
- Aucune idée.
- Que… quoi ?
- J’en sais rien.
- Comment ça tu sais pas ? Tia c’est… t’es
une spécialiste ! Une mercenaire !
- Au cas où ça t’aurait échappé, je ne m’occupe
que des humains.
- Mais… mais…
- Il nous faut notre guide. Et vite.
- Tia je crois pas qu’elle va attendre qu’on le
trouve, fit Lex en sentant la panique monter.
La lionne s’était ramassée sur lui-même et
semblait sur le point de leur sauter dessus.
- Je crois aussi, répondit calmement la
mercenaire. Ecoutes, à mon signal tu dégages en hurlant. Tu trouves le guide et
tu lui dis d’appeler les vétos en urgence.
- Attends, j’ai comme l’impression que ce plan
ne t’inclut pas là, et je….
- On n’a pas le temps de discuter mon amour,
alors soit sympa et fais ce que je te dis.
- Tia…, protesta la jeune femme avec
appréhension.
- Maintenant ! cria la grande femme en la
poussant de toutes ses forces d’un côté alors qu’elle-même se jetait de l’autre.
La lionne, qui avait bondi, atterrit entre elles
deux et pour qu’elle ne se trompe pas de cible, Tia se releva et la harangua
d’une voix dangereuse, basse, menaçante comme si elle ne la craignait pas.
Comme prévu, la lionne sentit en elle, la
présence d’un autre prédateur et suivant son instinct, elle voulut la
soumettre. Elle se tourna vers elle et découvrit ses crocs.
Alexia se releva et vit la lionne menacer sa
compagne avec horreur.
- Qu’est-ce que tu attends ? cria Tia.
Bouge de là, va chercher le guide !
Lex sursauta puis hésita. Elle ne voulait pas
laisser son amie ici, seule avec ce monstre. Elle risquait de se faire
déchiqueter. La même idée sembla la traverser parce qu’elle cria alors :
- Je ne vais tenir jusqu'à la saint glinglin
Lex, alors bouge tes fesses !
Enfin, avec réticence et une angoisse de plus en
plus palpable, Alexia se mit en marche. Elle suivit le même chemin que le guide
et se mit à courir en priant pour que Tia s’en sorte.
Tout le temps où Tia avait incité Lex à partir,
elle n’avait pas quitté la lionne des yeux. Tout deux prenaient la mesure l’un
de l’autre se tournant autour dans un lent mouvement parfaitement contrôlé.
Elle sentit, plus qu’elle ne vit, lorsque la
lionne décida qu’il était prêt à passer à l’attaque. Tia se ramassa sur
elle-même, prête à bondir hors de sa portée dès qu’elle le verrait dans les
airs. D’un mouvement si vif qu’elle le perçut à peine, la lionne bondit.
Tia se jeta sur le côté et roula hors de sa
portée. Elle se redressait lorsqu’elle comprit qu’elle n’avait pas été assez
rapide. La lionne avait atterri où elle se trouvait deux secondes auparavant et
sans perdre une seconde avait rebondi pour la suivre.
Elle tenta un écart de dernière minute en se
repoussant avec les pieds vers l’arrière mais ce ne fut pas suffisant. Une
douleur fulgurante, celle de griffes accrochant la chair et la déchirant,
traversa son abdomen. Elle tomba sur le dos alors que la lionne se tournait
vers elle et, avant qu’elle n’est pu faire un mouvement, bondit sur elle, la
clouant au sol de tout son poids.
Les pattes avant sur ses épaules et une des
pattes arrières sur sa jambe gauche, elle pouvait à peine bouger. Les griffes
s’enfonçaient dans sa chair alors même qu’elle sentait le sang couler de son
ventre pour se répandre sur le sol, attisant encore plus la soif de sang de son
adversaire.
Tia vit ses yeux se dilater encore plus et le
vit approcher sa gueule de son cou. Elle leva les bras dans une tentative
désespérée de l’empêcher d’avancer. Les griffes s’enfoncèrent un peu plus
profondément lui tirant un gémissement qu’elle réprima très vite.
Il ouvrit la gueule Tia vit sa mort, toute
proche. Elle empoigna son cou, bien décidée à ne pas abandonner aussi
facilement. Lex allait la tirer de là, il fallait juste lui en laisser le temps.
« Bon sang que les lions sont lourds ! » songea-t-elle la sueur
dégoulinant le long de son front.
Inexorablement, et alors qu’elle bandait tous
ses muscles pour le stopper, sa tête se rapprochait de son cou. Comme s’il
avait senti le danger, le cri sombre qui l’accompagnait depuis la mort de
Sassem, retentit soudain.
Il pénétra en Tia et pour une fois, elle ne le
repoussa pas, l’acceptant, l’appelant même de toute son âme. Il entra en elle,
se répandit dans tout son corps et la galvanisa. Une énergie sombre se répandit
en elle au rythme des pulsations de son cœur.
Un instinct plus vieux que le big bang lui même,
l’habitait. Création-destruction. C’était le chaos. Lorsque l’énergie en elle
menaça de la rendre folle, Tia la libéra. Dans un hurlement salvateur et plein
d’une force brute et farouche, Tia crispa ses mains sur le cou de l’animal et
d’une torsion violente, elle lui brisa la nuque.
L’animal s’affaissa contre elle et Tia le
repoussa. Elle se releva, le corps brûlant d’une envie profonde et violente de
se défouler. Mais elle vit Alexia revenir en courant, le guide derrière elle,
et demandant du secours par radio. C’était étrange, il était bien à 20 mètres
Elle revint à Alexia et vit qu’elle était devant
elle en train d’examiner son corps couvert de sang. Sa vision et son ouïe
redevinrent normales et elle l’entendit lui poser des questions, sans plus
entendre le guide. De même tout recommença à bouger normalement.
- Tu vas bien ? Tia, tu vas bien ?
demandait fébrilement Lex en vérifiant par elle-même sans attendre sa réponse.
Oh bon sang, il faut t’amener à l’hôpital.
- Je vais bien Lex, répondit enfin la grande
femme en posant une main sur son épaule pour l’obliger à se calmer. Lex,
répéta-t-elle quand elle ne la vit pas réagir, je vais bien. Ce ne sont que des
égratignures.
- Avec toi, c’est jamais rien d’autre,
grommela-t-elle en retrouvant son calme par à coup. Même avec un trou béant, tu
trouverais encore le moyen de dire qu’un pansement suffirait.
Lex était en colère, mais Tia savait que ce
n’était que l’expression de son inquiétude, alors elle ne formalisa pas. Au
lieu de ça elle répliqua :
- Ouais, mais comme j’ai une bonne fée, je suis
sûre que mon pansement sera magique et que la vilaine et dérangeante
égratignure disparaîtra en un claquement de doigts.
Lex ne répondit pas tout de suite.
- Ta bonne fée, elle n’est pas en forme en ce
moment, fit-elle un peu moins en colère, alors tu vas gentiment te laisser
conduire à l’hôpital.
- Si ça peut te faire plaisir, accepta la
mercenaire en effleurant sa joue de ses doigts.
Un des vétérinaires qui venait d’arriver vit le
lion mort et la fixa avec de grands yeux écarquillés, pendant qu’un autre
écartait les pans de sa chemise et plaquait plusieurs compresses stériles sur
ses plaies en grimaçant.
- Comment vous avez fait ça ? Demanda le
troisième homme. Il faisait au moins 200 kilos !
Chapitre 6 :
Elles apprirent plus tard que la lionne
n’appartenait pas à la réserve et que des marques de mauvais traitements
récents faisaient penser à un réseau que les autorités essayaient de coincer
depuis plusieurs mois. Des animaux sauvages étaient capturés dans leur milieu
naturel puis conditionner pour attaquer les humains. Ils servaient
littéralement d’armes.
On leur demanda donc si elles avaient une idée
de qui pouvait bien leur en vouloir et elles jouèrent les idiotes. Pas question
de griller leur couverture sans être certaines que c’étaient bien elles qui
étaient visées.
Néanmoins, Tia contacta son client et lui
demanda si il voyait qui aurait pu utiliser ce genre de moyen pour lui nuire.
- Ce n’est pas le genre du cartel du coin. Je
veux dire, bien sûr si vous les gênez et qu’ils veulent se débarrasser de vous
sans être inquiétés ils pourraient utiliser un moyen comme celui-ci, mais là,
ils ont besoin de ces documents. Si ils savaient qui vous étiez, ils
essaieraient de vous contacter pour trouver un arrangement, pas de vous tuer.
- C’est aussi ce que je pense. Pourriez-vous me
rendre un service ?
- Dites toujours.
- J’aimerais que vous enquêtiez sur la façon
dont cette lionne est arrivé dans la réserve sans que personne ne le remarque.
Il doit bien y avoir des traces et je ne peux malheureusement pas m’en occuper
moi-même, puisque j’ai votre mission sur les bras.
Le chef de la police garda un instant le
silence.
- Seriez-vous en train de me faire du
chantage ?
- Pas du tout. Je vous informe juste que je dois
savoir qui sont ceux qui veulent ma peau et qu’il se pourrait que je sois
obligée d’abandonner ma couverture pour cela, auquel cas cela pourrait porter
préjudice à mon travail. Et pour que ça n’arrive pas, je vous donne l’occasion
de me donner un coup de main.
Un autre silence.
- Comme c’est aimable de votre part, ironisa
finalement le chef. Très bien, soupira-t-il, je vais voir ce que je peux faire.
- Bien. Tenez-moi au courant.
- Ouais, ouais.
Il soupira encore une fois puis raccrocha. Tia
sourit et se retourna vers sa compagne.
- Il avait l’air fatigué le pauvre homme,
fit-elle avec un grand sourire.
- Et ça à l’air de t’affliger.
- Je l’aime bien, rétorqua-t-elle.
- Ah bah, ouais, ta compassion saute aux yeux.
- C’est les médicaments, rigola doucement la
mercenaire.
Alexia l’observa et ne put retenir un sourire
devant son expression enfantine. Elle était allongée sur un lit d’hôpital à
roulette, la chemise ouverte et le ventre couvert de gaze ensanglantée. Son
jean était déchiré à l’endroit où la lionne avait enfoncé ses griffes. Cela
faisait 5 minutes qu’elles étaient arrivées et l’infirmière qui avait fait une
piqûre d’antalgique à Tia en apprenant ce qui lui était arrivé, venait de
partir chercher le médecin.
Avant de partir, elle avait prévenu sa patiente
qu’il faudrait sûrement découper son jean, ce qui avait fortement déplu à la
mercenaire. Alexia était parvenue à la convaincre de laisser faire le médecin
en arguant qu’il était déjà fichu à cause de la lionne. Mais elle avait eu du
mal. Surtout parce qu’elle ne voulait pas
se retrouver cul nu, dixit Tia, après avoir été soignée. Elle avait dû lui
promettre de demander à l’infirmière le droit d’emprunter un de leur pantalon
chirurgical, fusse-t-il le payer.
En cet instant, Tia était gentiment allongée sur
le dos et la regardait avec un air d’enfant trop mignon. Il y avait une
adoration si évidente dans ses yeux, que Lex sentit son cœur fondre. Elle se
pencha doucement sur sa compagne et l’embrassa, effleurant ses lèvres dans un
baiser léger comme l’air. Elle frotta ensuite son nez au sien et murmura :
- Je t’aime.
L’air de profonde joie que cela créa, fit monter
un sentiment intense de chaleur en elle. Elle rit un peu puis frotta de nouveau
son nez au sien avant de se redresser.
C’était fou, après 3 ans de vie commune, la première
année ne comptait pas elles n’étaient pas encore ensemble, enfin pas vraiment,
qu’un « je t’aime », entendu si souvent, puisse avoir encore autant
de force.
A chaque fois que Lex le disait à Tia, on aurait
dit que c’était la première fois. Et c’était pareil lorsque Tia le lui disait.
Oui, c’était véritablement fou et cela en disait long sur leur relation.
Le médecin entra enfin dans la pièce et s’assit
près de Tia. Il retira les pansements et examina attentivement les plaies. Puis
il releva la tête et déclara :
- Eh bien ma foi, vous avez eu de la chance.
Puis se tournant vers Lex.
- Il va falloir lui faire plusieurs points de
suture. Et lui donner une bonne dose d’antibiotique.
Alexia hocha la tête et s’assit près de la tête
de Tia qui fronçait les sourcils, pas du tout satisfaite du diagnostic. Tout au
long du processus de soin, Alexia lui parla doucement de ce qu’elles allaient
faire le reste de la semaine et qui incluait un repos forcé pour Tia et du
chouchoutage pour elle.
Si la première partie du programme ne plut pas à
la mercenaire, la seconde en revanche amena un sourire coquin sur ses lèvres.
- Promis ?
Alexia sourit en secouant la tête, pas du tout
gênée par la présence du médecin.
- Promis.
Lorsqu’il eut terminé le médecin lui donna ses dernières
instructions.
- Il faut lui passer cette pommade désinfectante
tous les jours, matin et soir, pendant une semaine. Revenez la semaine
prochaine pour lui retirez ses points et surtout faites la se reposer pendant
au moins 24h.
- Je le ferais. Par contre, la semaine prochaine
on sera rentrées en Amérique, donc les points on les fera retirer là-bas.
- Très bien. N’oubliez pas, fit-il en retirant
ses gants. Laissez-la se reposer. Et si elle a mal, ce qui ne m’étonnerait pas,
donnez-lui ceci, fit-il en lui tendant une ordonnance.
Elle la prit et le remercia. Il sortit au moment
où l’infirmière rentrait, le pyjama bleu des chirurgiens dans les mains. Elle
le posa à côté de Tia et entreprit de lui retirer ses vêtements. Alexia la
regarda faire, légèrement choquée. Pourtant elle n’aurait pas dû l’être,
c’était son métier après tout, mais elle ne pouvait s’en empêcher. Il n’y avait
qu’elle qui avait le droit de toucher Tia.
Elle s’approcha de l’infirmière alors que
celle-ci tirait sur les lambeaux de jean et que la mercenaire l’aidait de son
mieux en gloussant. Son rire, loin d’ennuyer la femme, la faisait sourire et
lorsqu’elle eut enfin retiré le vêtement, elle ne put s’empêcher de lâcher un
sifflement en voyant les jambes longues, musclées et bronzées.
Son air ouvertement admiratif n’échappa ni à la
brune qui gloussa à nouveau, ni à la blonde qui posa une main sur le bras de la
femme. Le regard noir qu’elle lui offrit, la fit reculer et elle comprit que sa
tâche était terminée. Elle lui fit un petit salut et un petit signe à sa
patiente en sortant. Tia le lui retourna en chantonnant :
- Au revoir, belle infirmière, mon infirmière…
Puis elle tourna son regard vers sa compagne qui
la dévisageait d’un air contrarié et elle gloussa de nouveau, une main devant
sa bouche.
- Si tu ne fais pas attention, tu vas te
transformer en dinde à ce rythme, lui lança-t-elle contrariée.
Elle la fit asseoir et lui enfila son haut, puis
les jambes du pyjama. Elle la fit se mettre debout et ajusta le pantalon sur
ses hanches qu’elle serra grâce au lacet. Puis stabilisa son amie qui tanguait
dangereusement.
- Bon sang, comment on va rentrer ?
grommela-t-elle.
Elle savait que Tia avait raison quand elle lui
avait dit que refuser l’antalgique serait pour le moins dangereux pour leur couverture,
mais elle n’avait jamais vu Tia aussi… ailleurs. Même bourrée, elle n’était pas
aussi… partie. C’était amusant et adorable, mais en la circonstance,
particulièrement dangereux et vraiment pas pratique.
Elle soupira et la fit asseoir. Elle appela un
taxi puis partit en quête d’une chaise roulante non sans s’être assurée
auparavant que Tia ne bougerait pas.
*****************************
Une semaine plus tard, elles se trouvaient
tranquillement installées sur des chaises longues en Ontario, en train de
siroter une citronnade. Tia avait l’air parfaitement remise. On lui avait
retiré ses points la veille et de fines cicatrices roses marquaient ses
épaules, son ventre et une de ses jambes.
Alexia l’observa. Elle avait les yeux fermés et
l’air parfaitement détendue. Elle se souvint de sa terreur lorsqu’elle était
revenue en courant vers elle avec leur guide pour la trouver allongée sous le
lion. Et son angoisse lorsque se relevant, elle l’avait vue couverte de sang et
une énergie sombre parcourir son corps et se refléter dans ses yeux aux iris
extrêmement dilatés.
Elle avait réussi à se calmer suffisamment pour
l’emmener aux urgences, mais même l’assurance du médecin et le calme de
l’infirmière n’étaient pas parvenus à la rassurer. Ce n’était pas temps dû à
ses blessures qu’à cette énergie vibrante qui transformait son aimée en une
boule de nerfs dangereuse.
Mais en la voyant, allongée, là, calme comme un
bébé venant de naître, elle était soulagée. Elles étaient à la maison, en
sécurité et Tia allait bien.
Peu avant de partir d’Australie, Tia avait reçu
un coup de fil du chef de la police. Il lui avait dit qu’un camion avait été
volé pour le transport la lionne et d’après les rumeurs qui circulaient,
l’animal lui-même avait été dérobé. Autrement dit, quelqu’un en voulait
personnellement à Tia, mais il n’avait aucune idée de comment cette personne
avait fait pour s’introduire subrepticement dans la réserve et se balader aussi
tranquillement.
Tia en avait parlé avec Frédéric à leur retour.
Ils avaient fait le rapprochement avec le mystérieux homme qui posait des
questions sur Frédéric et en avaient conclu que c’était bien Tia qui était
visée comme ils le soupçonnaient depuis le début.
Dès lors, elle avait fait une liste des divers
ennemis qu’elle avait et les avait classés selon les préjudices causés, les
moyens à disposition et la motivation ou la rancune, nécessaires pour imaginer
tout ceci.
Quelques noms étaient ressortit plus que
d’autres, dont celui du Dõn qu’elle avait empêché de tuer Lizzie, qui elle,
avait tué son fils. Il y avait Waco aussi, qui avait promis de se venger. Et
quelques autres personnes, comme ce magnat du pétrole en Islande, M. Gorsjv à
qui elle avait vendu ses services, puis à son concurrent pour réparer les tords
qu’elle lui avait causé. Ca l’avait rendu assez furax, ce qu’elle pouvait
comprendre. Elle l’avait un peu arnaqué.
Ils avaient convenu de se focaliser sur ces noms
dans leurs recherches et avaient lancé leurs noms et d’autres petites infos,
permettant de les identifier, sur leur réseau. Depuis ils attendaient les
retours.
Alexia avait été surprise que Tia ne lui en
parle pas avant et ça l’avait agacée mais elle n’en avait rien dit.
- Lex ?
- Oui ?
- Mmmm, ça va ?
- Euh… oui, bien sûr. Pourquoi ?
Alexia était un peu déconcertée. Le ton hésitant
de son amie et sa question étaient étranges.
- Tu es plutôt de bonne humeur, alors ?
- Ouiiiii, répondit-elle lentement, de plus en
plus perplexe.
- Ok, je sais que c’est bizarre comme question,
mais j’avais besoin de m’assurer de ton humeur.
- Pourquoi ?
- Hum, eh bien… euh…
Tia s’interrompit et se leva. Elle se mit à
faire les cent pas devant sa compagne en tentant de trouver le courage et les
mots qui pourraient la convaincre.
Alexia était extrêmement surprise, mais pas
assez pour ne pas lorgner les magnifiques jambes qui faisaient des allées et
venues sous son nez. Le désir familier mais jamais rassasié s’alluma dans le
creux de son estomac. Tia était pieds nus et ses cheveux noirs étaient attachés
en queue de cheval. Elle était vêtue d’un t-shirt large et multicolore que ses
enfants avaient confectionné pour la dernière fête des mères et qui, excepté le
choix des couleurs, était assez horrible. Avec ceci, elle portait un bermuda
kaki, qui n’allait absolument pas avec son haut. Pourtant, pour Alexia elle
était absolument magnifique.
Mais bon, Tia pouvait porter à peu près tout ce
qu’elle souhaitait et restait à tomber. Même un sac poubelle. La couleur
mettrait sûrement son teint en valeur.
Lex sourit à cette image au moment où Tia
arrêtait de s’agiter. Elle se campa fermement en face d’elle et chercha son
regard. Prit une profonde inspiration et se lança.
- Je… j’aimerais que l’on parle du mariage.
Comme un mauvais réflexe son cœur fit un bond et
elle-même fit la grimace. Elle vit la réaction que cela provoqua dans les yeux
de Tia et se sentit coupable mais ne s’excusa pas.
- Je préfèrerais que l’on n’en parle pas.
- Je sais que tu n’en as pas envie, mais je ne
comprends pas pourquoi. Bon sang, Lex si tu ne veux pas mettre de date parce
que tu penses que ça va trop vite, je peux le comprendre, mais ne pas me
laisser l’annoncer aux enfants, ça je ne comprends pas. Expliques-moi au moins,
s’écria-t-elle frustrée, en passant une main dans ses cheveux, défaisant
quelque peu sa queue.
« Et toi tu peux m’expliquer pourquoi après
trois ans à en parler, tu te décides à me le demander le jour où on apprend que
je suis condamnée ?! pensa-t-elle avec colère. C’est quoi : de la
pitié ?! Tu te sens obligée ?! Je dois me sentir flattée
peut-être ?! » Elle se retint de justesse de lui hurler ses questions
à la figure et se demanda agacée d’où pouvait bien sortir cette soudaine
insécurité. Décidément sa maladie la chamboulait complètement !
- Je n’ai pas à te l’expliquer, rétorqua-t-elle
en sachant parfaitement qu’elle était de mauvaise foi.
- Tu n’as pas à me l’expliquer ?! Putain,
Lex ! Bien sûr, que tu me dois une explication ! Merde, je suis quoi,
moi ?! Un putain de pantin ?!
- Je n’ai jamais dit ça, mais…
- Mais quoi ?! La coupa brutalement Tia en
s’approchant d’elle.
Ainsi dominée par Tia, Lex se sentait
vulnérable, elle se leva donc, l’obligeant à reculer.
- Ca ne te regarde pas, fit-elle sèchement.
Ce n’était pas du tout ce qu’elle avait prévu de
dire. A chaque fois, elle voulait apaiser les choses mais c’était une autre
phrase qui sortait de sa bouche, une phrase qui mettait sa compagne en boule,
et comment le lui reprocher ?
- Ca ne me regarde pas ? Souffla-t-elle
incrédule. Ca ne me regarde pas ?! Répéta-t-elle plus fort, la colère
embrasant ses prunelles azur. TU TE FOUS DE MOI ?!!!! hurla-t-elle à deux
centimètres de son visage, la faisant sursauter.
Tia s’approcha encore un peu plus d’elle, son
nez se collant au sien. Une lueur dangereuse dans les yeux, elle siffla :
- Si tu ne veux plus de moi, cesses de jouer,
parce que c’est le genre de chose qui me fait péter les plombs. Si tu regrettes
nos fiançailles, dis-le. Si tu veux me quitter, fais-le, mais ne me dit pas,
dit-elle en détachant bien chaque mot, que ce qui concerne notre relation ou ta
petite personne ne me regarde pas.
Alexia était médusée. Autant par sa propre
incompétence à rassurer Tia que par l’explosion auquelle elle venait
d’assister. De toute évidence son rejet travaillait Tia bien plus que ce
qu’elle s’était imaginée. Elle avait sous-estimé la blessure qu’elle lui avait
infligée.
Elle leva une main vers elle, mais Tia
l’intercepta. La clouant de son regard glacial, celui qu’elle réservait
habituellement à leur ennemi sur le terrain, elle lui dit :
- Réfléchis bien, Lex. Parce que j’en ai marre
de ne pas savoir où on en est. Je vais prendre quelques jours. Les bédouins du
village de Sael-Man, m’ont appelé. Ils veulent que je vienne. Je pars demain,
je ne sais pas quand je reviens, je vous téléphonerais quand j’en saurais plus.
Profites de ce temps là pour réfléchir sérieusement à ce que tu attends de moi.
Tia lâcha sa main et lui tourna le dos. Lex la
regarda entrer dans le ranch, sûrement pour préparer ses bagages, sans parvenir
à comprendre comment la discussion avait pu lui échapper à ce point.
Le départ de Tia, la soulageait et l’effrayait.
Elle craignait une rupture entre elles, pas de leur relation, non, mais… plutôt
comme un fossé, qu’elle risquait de ne plus pouvoir combler. En même temps,
elle ne savait pas quoi lui dire qui justifie son refus, alors la solitude
était la bienvenue, elle avait besoin de réfléchir à ce qu’elle devait lui
dire.
« Bon sang, pourquoi ça ne pouvait pas être
simple ?! »
******************************
Tia faisait les cent pas. Ses bagages étaient
prêts. Elle avait réservé son billet d’avion et une voiture de location pour
son arrivée. Elle avait prévenu Frédéric et les jumeaux et ne savait pas quoi
faire pour évacuer la tension rageuse qui l’habitait.
Soudain, elle leva la tête et regarda au dehors.
Elle pouvait courir. Sans se soucier ni de son apparence, ni de ses pieds nus,
elle partit en grandes enjambées vers la dénivellation qui menait au lac.
Elle la descendit et se dirigea vers le lac,
qu’elle longea un long moment avant de bifurquer vers le Sud et de suivre son
parcours habituel. Elle courut longtemps sans se soucier du temps qui passait
ou du paysage qui changeait, elle était concentrée sur sa course et les efforts
que cela demandait à son corps.
Elle voulait évacuer son énervement autant
qu’oublier la stupide décision qu’elle avait prise de s’éloigner de Lex. Elle
ne le voulait pas du tout et d’ailleurs si Lex ne voulait pas se marier ce
n’était pas grave. Du moment qu’elle ne la quittait pas. Elle secoua la tête.
Lex avait besoin de cette distance, mais bon dieu que c’était difficile.
Et bordel, pourquoi Lex ne lui expliquait-elle
pas ?! Soit elle voulait, soit elle ne voulait pas, ça n’avait rien de
sorcier ! Frustrée par ses pensées, elle les chassa de son esprit et força
son corps à accélérer dans l’espoir que ses muscles douloureux chasseraient
l’image de Lex de son esprit.
Elle poussa encore. L’air commença à brûler ses
poumons, ses muscles à protester mais elle accélérait encore. Elle avisa la
rivière et sauta sur les rochers qui la bordaient et la traversaient comme un
slalom mit là exprès pour elle. Elle passa de l’un à l’autre avec une agilité
due à la pratique et accéléra encore.
« Mauvaise idée » songea-t-elle
lorsque son pied nu glissa sur un des rochers couverts de mousse humide. Elle
tenta de se rétablir en se jetant sur le rocher suivant, mais lui aussi était
glissant et elle atterrit, tête la première, dans l’eau gelée de la rivière.
Elle s’affala de tout son long, son ventre
heurtant un des rochers son genou en cognant un autre et elle réprima un cri de
douleur. Un arc électrique remonta le long de sa cuisse et elle gronda,
furieuse contre elle-même de sa maladresse. Elle ne s’attarda pas dans l’eau,
pas plus qu’elle ne vérifia son ventre. Elle se releva et poursuivit sa course,
déterminée à dissoudre son énervement dans l’effort physique.
Elle éclaboussa les berges et continua son
chemin, s’élançant aussi vite et aussi fort que son corps le pouvait. L’air
sifflait dans ses oreilles et brûlait si fort ses poumons qu’elle n’était pas
sûre de ne pas avoir de séquelles, elle repoussa la douleur et la sensation
glaçante de la nuit tombante sur son corps trempé.
Elle filait comme le vent et dans ce lieu
désertique et ce silence si complet, elle avait l’impression galvanisante
d’être le dernier être humain sur terre. En cet instant, elle aurait voulu que
se soit vrai.
Finalement, la vie reprit ses droits et une
habitation se profila au loin. Tia hésita mais ne ralentit pas sa course et en
reconnaissant la vieille ferme des Olsen, elle se rappela que c’était là que
vivait Rhapsody. La perspective de la revoir, calma étrangement la colère qui
la secouait encore.
Elle commença à ralentir en la voyant sur son
cheval, en train de faire rentrer ses chevaux dans leur pâturage. Arrivée près
de la barrière qui délimitait son terrain, Tia se mit au trot puis au pas. Elle
s’accouda ensuite à la clôture et observa sa voisine en reprenant sa
respiration.
Rhapsody ferma la barrière du corral et la vit.
Elle la reconnut immédiatement malgré son accoutrement hétéroclite et
s’approcha. Elle se laissa glisser du dos de son cheval et lui sourit. Elle
nota sa tenue négligée et trempée, ses pieds nus et son air un peu perdu.
- Intéressant comme choix vestimentaire,
fit-elle en souriant d’un air moqueur.
Tia baissa les yeux sur son t-shirt et rit.
- Un cadeau de fête des mères.
- Et les pieds nus ? C’est la nouvelle
tendance ou tu as perdu tes chaussures dans la rivière ?
Tia rougit et détourna les yeux une seconde
avant de décider de prendre cela à la rigolade.
- Je n’ai pas fait attention, fit-elle en
désignant ses pieds, quant à la rivière… j’ai glissé, dit-elle haussant les
épaules d’un air nonchalant.
- Tu n’as pas fait attention ? s’exclama
Rhapsody incrédule. Comment fait-on pour ne pas s’apercevoir que l’on ne porte
pas de chaussure ?
- Quand on a passé la moitié de sa vie à ne pas
en porter, j’imagine.
- Oh. Tu as été si pauvre que ça ?
« Aucun tact, songea la mercenaire avec un
sourire. » C’était rafraîchissant.
- Pas vraiment non. C’est juste… un droit que je
n’aie pas gagné facilement.
Une des premières choses que firent ses geôliers
dans son premier camp pour la casser avait été de lui prendre ses chaussures et
tout ce qui faisait d’elle un être humain. Elle ne portait qu’un t-shirt les
premiers temps. Comme elle leur avait été utile, elle avait fini par gagner le
droit de mettre un short, mais elle était si têtue qu’elle n’avait pas réussi à
gagner ses chaussures avant sa « presque » sortie du camp
d’entraînement de Sassem.
Lorsque Sassem l’avait si bien brisée qu’elle
était devenue un gentil et obéissant petit soldat. Elle n’avait pas considéré
cette récupération de son ancien elle, comme une victoire, non. Les chaussures
étaient devenues pour elle, le symbole de ce qu’elle avait perdu ce jour là.
Aujourd’hui encore, si elle pouvait éviter d’en
mettre, elle le faisait.
- Un droit que… ? Laisse tomber, fit-elle
en levant la main. Là, je deviens vraiment indiscrète.
- Ca va, répondit la mercenaire avec un sourire.
- Si... si tu souhaite un jour en parler…
fit-elle en lui jetant un regard hésitant.
Surprise, Tia hocha la tête, étrangement
touchée. Rhapsody hocha aussi la tête et cela sembla lui rendre son aplomb.
Elle lui fit signe de la suivre et l’entraîna chez elle. Une fois entrée dans le couloir, elle se
retourna brusquement et se rapprocha de Tia. Elle l’évalua calmement et hocha
de nouveau la tête.
- Attend-moi là, fit-elle en lui désignant une
porte.
Tia acquiesça, amusée par ses manières
autoritaires. Elle entra dans la pièce et découvrit qu’il s’agissait du salon.
Il était moins spacieux que le ranch, mais était loin d’être petit. Une
cheminée dans le fond, prenait presque tout le mur. Le manteau de la cheminée
était couvert de photos de Rhapsody, de ses enfants et de leur père avec eux.
Tia tourna sur elle-même et découvrit de
superbes tableaux accrochés à chacun des murs. Les couleurs en étaient criardes
mais harmonieuse. Leur flashy était renforcé par la blancheur immaculée des
murs.
Tia posa les yeux sur le canapé qui faisait face
à la cheminée, il était en cuir noir et elle sourit. Elle adorait le cuir. Elle
s’y rendait lorsque Rhapsody entra dans la pièce, une pile de vêtements dans
les bras.
- Suis-moi, fit-elle.
Elle l’entraîna à travers un dédale de couloirs
qui lui fit se demander si elle était bien dans une ferme ou dans un labyrinthe
conçu pour perdre les visiteurs. Elle s’arrêta devant une porte couleur rouille
et se tourna vers elle.
- C’est la salle de bains. Prend une douche et
met ça. Je suis un peu plus petite que toi, mais j’ai pris ceux qui étaient
trop grands pour moi. Quand tu auras fini je t’attends à la cuisine avec un
café chaud.
- Un chocolat.
- Un chocolat chaud, accepta la jeune femme en
souriant. La cuisine se trouve juste après ce couloir là, fit-elle en montrant
sa droite. Ca ira ?
- Oui. Merci.
- De rien. Allez, va vite te réchauffer tu dois
être transie.
Tia se doucha avec délice, l’eau chaude chassant
le froid et le raidissement de ses muscles qu’elle n’avait ni pris le temps
d’échauffer, ni d’étirer. Puis elle s’habilla et sourit devant son reflet. Elle
portait un pantalon cargo ocre et un t-shirt extra large qui lui arrivait à
mi-cuisse. Une paire de tongs noires complétait l’ensemble.
Elle rejoignit Rhapsody à la cuisine et la
trouva en train de surveiller les travaux de ses enfants à travers la fenêtre.
- Merci pour la douche.
- C’est rien, fit-elle en lui tendant sa tasse
brûlante.
Toute deux s’assirent et le silence s’installa.
Ce n’était pas un silence désagréable mais la curiosité prit le dessus et
Rhapsody l’interrogea.
- Alors qu’est-ce qui s’est passé ?
Tia envisagea un instant de nier, mais y renonça
très vite.
- Je me suis disputée avec Lex.
- Ca devait être une sacrée dispute pour te
mettre dans un état pareil.
Tia hocha la tête.
- Quel en était le sujet ?
La bouche de Tia prit un pli amer.
- Ca fait parti de la dispute.
- Tu ne peux pas en parler ? comprit la
jeune femme.
- Non, elle ne veut pas en parler. Et je lui ai
promis de ne pas le faire.
- Pourtant ça à l’air de te miner. Si je te
promets de n’en parler à personne, tu crois que tu peux m’en toucher un mot
quand même ?
Tia sourit franchement mais secoua la tête.
- Non, j’ai promis.
- Et une promesse et une promesse, poursuivit
Rhapsody en comprenant.
- Et les poules auront des dents le jour ou je
trahirais Lex. Mais merci, ajouta-t-elle. C’était gentil.
- Oui. Je m’étonne moi-même d’ailleurs, répondit
la femme avec un sourire sarcastique. Tu fais ressortir ce côté-là de moi.
C’est bizarre.
- Je vois ce que tu veux dire.
- Vraiment ?
Tia hocha
la tête et elles restèrent les yeux dans les yeux quelques minutes. Puis aussi
naturellement que si elles se connaissaient depuis toujours, Rhapsody
l’interrogea sur sa vie, ses passions et Tia fit de même. Elles discutèrent un
bon moment et Tia ne prit conscience du temps qui s’était écoulé que lorsque
les enfants débarquèrent dans la cuisine pour réclamer leur dîner.
- Mince, je n’avais pas vu l’heure. Il faut que
je rentre, déclara-t-elle en sautant sur ses pieds.
- Je vais te raccompagner, proposa Rhapsody.
- Pas la peine, je te remercie.
- Fais ta dure à cuire Tia. Il est 9h du soir,
il fait nuit et tu es à 11
kilomètres
Tia ouvrit la bouche pour refuser, mais le bon
sens lui fit accepter. Elle grimpa dans son pick-up et elles firent le trajet
dans un silence complice. Tia,
perdue dans ses pensées, se demandait si Lex avait fini de réfléchir ou si elle
devait maintenir son départ. Elle soupira, elle connaissait déjà la réponse.
Chapitre 7 :
Comme elle s’en souvenait, le paysage était incroyable. Ce
qu’elle préférait dans ce lieu, c’était l’incroyable palette de couleurs. Cela
allait de l’or à l’orangé, de l’ocre au rouge brûlé. C’était si beau, que
chaque fois était comme une première. Elle ferait un détour par le désert blanc
au retour. Là, elle n’avait pas vraiment le temps.
Le chef du village ne lui avait pas dit en quoi ils avaient
besoin d’elle et elle ne les avait pas rappelés. Elle devait s’éloigner de
toute façon.
Elle observa encore le paysage, qui contrairement à ce que
la majorité des gens pensait du désert, était incopiable. C’était si grandiose,
si changeant qu’on ne pouvait s’en lasser. L’absence de végétation conférait
une impression de liberté comme nulle part a ailleurs car elle était tempérée
par la beauté de l’environnement et sa majesté.
Tout cela donnait l’impression d’évoluer au milieu d’un
endroit sacré. Terre des pharaons où leurs esprits vivaient encore et vous
autorisaient, si vous étiez respectueux, à fouler leur sol. Mais aussi d’un
lieu irréel, comme peint par un artiste à l’âme chaleureuse.
On ne se sentait jamais seul dans le désert, non.
Bien trop de gens y avaient vécu. Bien trop de choses y
vivaient encore. Et tellement de sentiments naissaient en vous lorsque vous
vous y trouviez.
De la sérénité, dut à des siècles d’une histoire difficile
mais au combien exotique. Un esprit d’aventure, comme seul les endroits
désertiques mais encore plein de vie vous en donnaient. Un sentiment de liberté
comme seul, l’esprit des anciens pouvait vous le faire ressentir. Et les
couleurs… elles ne pouvaient que vous stupéfier, vous bouleverser et vous faire
comprendre que même dans un lieu de mort comme le désert pouvait l’être, pour
les imprudents ou les idiots, ce qui faisait la beauté de la vie était
présente.
Comme quoi vie et mort sont toujours invariablement liés.
Tia vit le village au loin et constata que les années
passant, et comme partout ailleurs, il s’était agrandi. Après la mort de Sassem
et le démantèlement de son organisation, le chef du village l’avait appelé pour
la remercier.
Depuis ils avaient gardé le contact et il lui donnait
régulièrement des nouvelles. Ainsi, elle avait appris que sur les 6 jeunes
qu’elle avait sauvés de l’armée de Sassem, deux étaient partis après un an à
vivre ainsi. Cette vie de fermier n’était pas pour eux avaient-ils dit. Le chef
avait accepté leur départ.
Il n’y avait pas d’hostilité, les jeunes avaient fait leur
part du marché, ils leurs avaient appris tout ce qu’ils savaient sur les armes
et le combat. Un autre était mort des suites d’une fièvre fulgurante. Les trois
derniers étaient restés. L’un s’était marié avec une des filles du village. Un
autre s’était fait adopter par une famille qui avait perdu leur fils peu de
temps auparavant et le troisième était devenu l’apprenti du médecin du village.
Tia avait envoyé l’argent nécessaire, deux ans auparavant
pour que le guérisseur aille à la grande ville et suive une formation auprès
d’un vrai médecin. Finalement, le guérisseur avait demandé à suivre les études
de vétérinaire, ce qu’elle avait accepté à condition qu’il trouve quelqu’un
pour le remplacer.
C’était donc un étranger au village qui s’occupait de soigner
les corps et les âmes. Cela aurait pu mal se passer, mais il venait à la
demande de Tia et tous respectaient Tia. De plus, il était arrivé avec sa femme
et ses deux filles, facilitant son intégration. Sa femme était une paire de
mains supplémentaire bienvenue. Ses filles, l’une d’elle du moins pouvait
s’occuper des petits la journée, lorsque tout le monde était soit en train de
s’occuper de la culture près de l’oasis, soit en train de s’occuper de leur
élevage, à la place de la vieille Jmabo qui se faisait trop âgée pour cela.
Tia déboula au milieu du village et vit que la plupart des
cabanes avait acquis des toits plus solides que le torchis qu’ils utilisaient
auparavant. De même, les murs semblaient renforcés. Elle évita habilement les
poules et les chèvres qui couraient en toute liberté et parvint sans dommage
jusqu’au centre du village.
Elle gara son 4x4 devant la maison du chef et descendit.
Elle observa un peu
les alentours et à mesure que les habitants la reconnaissaient, ils envahirent
la place et l’entourèrent en criant, manifestant ainsi leur enthousiasme.
Plusieurs vinrent taper sur son épaule avec de grands sourires.
« Difficile dans ses conditions de rester
maussade », songea la jeune femme en leur rendant leur sourire.
Soudain trois jeunes hommes, typés latin, émergèrent de la
foule. Ils avancèrent vers elle et l’observèrent, un peu hésitants. Elle les
examina à son tour et reconnut 3 des 6 jeunes qui bossaient pour Sassem et
qu’elle avait épargné. Elle leur fit un signe de tête et comme si c’était un
signal, ils se détendirent complètement et s’approchèrent d’elle en souriant.
Chacun à leur tour, ils lui tendirent la main en
s’inclinant. Le plus âgé des trois prit ensuite la parole, dans un anglais
hésitant mais respectueux.
- Bonjour. Vous… vous souvenez de nous ? demanda-t-il
avec une grimace d’excuse pour son accent déplorable.
Elle lui sourit et répondit en espagnol, ce qui le détendit
sensiblement et lui fit plaisir. Sa langue natale lui manquait apparemment.
- Je me souviens. Comment allez-vous ? La vie vous
plaît ici ?
- Oh oui, s’empressa-t-il de répondre avec un sourire
heureux. La vie est paisible ici, c’est… ça a été un peu dur au début, on… on
avait plus l’habitude, mais les villageois ont été très patients et… On est
très heureux, conclut-il en renonçant aux explications difficiles.
Un des deux autres jeunes en retrait, s’avança à son tour.
- Nous voulions vous remercier, fit-il avec un sourire
communicatif. Grâce à vous on a pu retrouver une vie normale. Avoir le choix.
Ne plus tuer.
A ces mots, son regard franc s’assombrit un peu, mais il
redevint vite aussi lumineux que le soleil lui même.
- Nous vous devons tout et nous le savons.
- Nous tenions à vous remercier, fit le dernier des trois
garçons en s’inclinant devant elle.
Aussitôt les deux autres l’imitèrent.
- Si vous tenez vraiment à remercier quelqu’un, alors
remerciez Alexia. Sans elle et son obstination coutumière je ne serais pas
restée ici. Et je n’aurais aidé personne.
Les garçons se redressèrent et la dévisagèrent avant
d’acquiescer mais elle vit à leur regard que rien n’avait changé. Ils avaient
juste une seconde personne à adorer.
- Nous la remercierons, fit le premier garçon.
Puis la foule s’écarta à nouveau et le chef du village fit
son apparition. Tia lui sourit. Il n’avait pas changé. Quelques années de plus,
mais les mêmes rides, la même force tranquille se dégageait de lui, la même
détermination. La même bonté aussi qui lui avait fait plaider la cause de
ceux-là même qui étaient venus les tuer.
Il lui serra la main et lui dit sa joie de la revoir.
Elle lui rendit son salut et le suivit à l’intérieur de sa
maison lorsqu’il l’invita à le suivre. Il lui proposa un thé qu’elle accepta.
Elle le regarda préparer l’infusion avec des gestes précis mais précautionneux.
Dans le désert le thé n’était pas seulement la boisson traditionnelle, c’était
aussi une boisson sacrée, préparée selon un rituel bien précis.
« Un peu comme au Japon » songea la mercenaire.
Bien sûr, là-bas c’était un peu différent. Il fallait prendre des cours pour
devenir un maître de cérémonie, car le thé, le vrai se prépare en suivant une
cérémonie particulière.
Il déposa une tasse brûlante devant elle et s’installa en
face d’elle. Elle prit sa tasse et souffla dessus pour la refroidir.
- Je suis heureux de voir que vous êtes en pleine forme,
dit-il en lui souriant.
- Je le suis. Vous me semblez aller bien vous aussi et le
village se portebien à ce que j’ai pu constater.
- Grâce à vous.
Tia fit un geste vague.
- Alors, pourquoi m’avez-vous demandé de venir ?
- Nous avons un problème avec un village voisin qui commerce
avec une caravane de bédouins. Ils sont plutôt hostiles et ne veulent pas
négocier un accord. Ils nous demandent de nous retirer du commerce ou de leur
donner 60% de nos bénéfices. Nous ne le pouvons pas. Nous avons besoin de ce
que nous apporte ce commerce.
- Je sais. Que voulez-vous que je fasse ?
- Nous aimerions que vous leur parliez ? Et… que vous
fassiez ce qu’il faut pour les convaincre. Bien sûr nous connaissons vos tarifs
et vous paierons comme il se doit.
Elle leva la main.
- Inutile. J’aime venir ici, alors disons... que vous
m’accueillerez ainsi que mon amie Alexia et mes enfants, à chacune de nos
visite et vous nous apporterez votre aide si nous vous la demandons.
- Mais… fit le chef stupéfait, ce n’est pas assez. Nous vous
accueillerions de toute façon, il n’y a pas besoin…
Tia le coupa doucement.
- Chef, comme je vous l’ai dit j’aime venir ici, et rendre
service à des amis, à mon sens, ne devrait pas être payant. Alors… qu’est-ce
que vous en dites ?
- J’en dis, que je suis très fier de pouvoir vous compter
parmi mes amis.
Il tendit la main respectueusement et elle la serra.
*************************************
Tia rentra deux semaines plus tard. C’était la fin du mois de
Mars. Aujourd’hui il faisait beau et chaud et le ciel était dégagé. Si le temps
se maintenait, les touristes n’allaient pas tarder à rappliquer.
A l’aéroport, contre toute attente, elle avait décidé de
louer une moto. Elle avait acheté une veste en cuir et avait enfourché la moto.
Sur le chemin du retour, elle avait décidé de faire un détour. Elle voulait
pousser sa machine au maximum et éprouver la liberté et la puissance folle que
procurait la vitesse.
Après des jours et des jours à vivre au ralenti, elle
trouvait un peu décadent de se laisser aller ainsi. Mais cela rendait la chose
encore plus jouissive. Elle accéléra et la machine fit un bond en avant. Elle
prit les petites routes et sentit le vent fouetter son visage, elle poussa
encore plus la machine et se mit à rire. C’était si bon d’être libre…
Elle roula plusieurs heures durant, partagée entre son envie
de rentrer et sa peur de ce qui l’attendait. Elle voulait désespérément revoir
Lex, elle lui avait tant manqué. Mais elle avait si peur de ce qu’elle allait
lui dire. Lorsque le soleil commença à disparaître, elle dut se faire violence
pour faire demi-tour. Elle avait prévenu de son retour et ils risquaient de
s’inquiéter si elle tardait encore.
Elle rentra donc et l’angoisse augmenta à mesure qu’elle se
rapprochait. Enfin, elle vit le ranch apparaître au loin et elle ralentit.
Alors qu’elle était encore trop loin pour qu’on la remarque, elle s’arrêta
et mis un pied à terre. Elle observa le ranch, et les silhouettes qui y
vivaient, un long moment.
Puis elle soupira et prit son courage à deux mains. Elle
relança la machine et parvint bientôt devant ce bâtiment qui était devenu sa
maison. Elle gara sa moto près de la grange et s’étira. Elle regarda autour
d’elle et ne voyant rien venir, supposa qu’ils étaient encore tous en train de
terminer leur tâche avant le dîner.
Elle marcha en direction du ranch d’un pas plus léger,
soulagée de repousser la confrontation. Alors qu’elle posait un pied sur le
porche, Alexia apparut. Et elle se figea.
Comme dans ses rêves, Lex était belle. Ses cheveux
blonds lâchés sur ses épaules. Elle était vêtue d’un pantalon à multiples
poches kaki et d’un t-shirt à manches courtes en coton blanc, qui moulait son
corps à la perfection et laissait entrevoir un morceau de peau de son
ventre lorsqu’elle bougeait. Ses yeux verts reflétaient toute la tension
intérieure qui l’habitait. Surement le reflet de celle qui agitait Tia
depuis des heures.
- Tu t’habilles à la garçonne maintenant ? lança-t-elle
d’une voix mal assurée.
Alexia ne répondit pas et la fixa un long moment. Tia était
de plus en plus mal à l’aise. Elle avait si peur de ce que Lex allait dire.
- Et toi, dit-elle finalement, tu as adopté le look
motard ?
Tia s’examina et hocha la tête avec un petit sourire
contraint.
- Temporairement.
Puis le silence se réinstalla. Tia déglutit et soudain tout
changea. Un appel, un cri, un son qu’elle seule pouvait entendre, retentit.
Alexia regarda avec fascination le changement qui s’opérait
en elle. En voyant ses yeux s’assombrir, le bleu électrique devenant deux lacs
d’eau en furie, Lex comprit qu’elle l’entendait encore. Tia sembla se
redresser, devenir plus grande, l’énergie que lui procurait cet appel
parcourant son corps comme une vague sur la plage. Et comme à chaque fois que
cela arrivait, Lex eut peur.
Peur de ne pas pouvoir la retenir. Et aujourd’hui plus que
jamais, Tia pourrait vouloir partir. Elle n’avait jamais vraiment su si cet
appel comme le nommait Tia en était réellement un ou si c’était un symptôme de
sa dépression, mais ça importait peu. Il pouvait l’emmener, c’était tout ce qui
comptait. Et elle ne le voulait pas. Elle devait parler. Maintenant.
Elle ouvrit la bouche mais n’eut pas le temps de dire quoi
que se soit. Un claquement sec retentit dans toute la vallée. Un cri s’éleva
sur sa droite et elle se tourna en même temps que Tia. Ce qu’elle vit la laissa
interdite. Jason gisait couché sur le flan, une flaque de sang rouge sombre
grandissant sous son corps. Elle le vit s’agiter en soubresauts alors que Len
arrivait en galopant. Il sauta à bas de son cheval et se jeta sur Jason. Il le
retourna et ouvrit la bouche complètement désemparé.
Il releva la tête et croisa le regard de sa mère.
- Maman, gémit-il, je… il est…
Après un instant de flottement, Tia reconnut le bruit qui
venait de claquer et elle hurla en courant vers son fils :
- A terre ! Tout le monde à terre !
Dans un réflexe inconscient, Alexia se jeta sur le sol mais
Len abasourdi, perdu, ne réagit pas. En deux enjambées, Tia se retrouva à côté
de son fils, se jetant sur lui, le repoussant sur le sol brut lorsque le
deuxième coup de feu claqua.
Une douleur brûlante transperça son épaule gauche alors
qu’elle protégeait son fils de son corps. Elle roula, l’entraînant sans
difficulté puis se redressa derrière un des poteaux du corral qui les
protégeraient partiellement. Elle tenta de distinguer d’où provenait les tirs
mais ne vit rien. Elle regard en direction du porche et vit qu’Alexia était à
terre. Elle croisa son regard.
- Rentre dans la maison, lui cria-t-elle. Et ramène les
armes.
« Bon sang, si on lui avait dit, qu’ici elle en aurait
besoin… » Elle s’était décidément relâchée. La mort de Sassem n’était pas
une raison suffisante pour perdre toute prudence. Surtout lorsque l’on sait que
quelqu’un vous cherche.
Et dire qu’elle n’avait toujours aucun renseignement sur
celui-ci.
Elle vit Alexia ramper vers la porte et jeta un regard vers
sa moto. Son sac avec ses armes était toujours accroché à l’arrière de la
selle. Sa moto n’était pas très loin, peut-être que si elle était rapide…
Un frisson violent la secoua et elle baissa les yeux sur son
fils qui tremblait comme une feuille entre ses bras.
- Ca va aller Len. Calme-toi. Len ? fit-elle en
l’obligeant à lever la tête, regarde-moi ! Ca va aller. On va régler ça.
Ce n’est pas une situation agréable, mais ça n’a rien de nouveau pour moi ou
pour Lex, alors calme-toi, ok ?
Son fils posa son regard bleu, si semblable au sien, sur
elle et chercha quelque chose. Il sembla le trouver puisqu’il se calma et hocha
la tête, beaucoup plus confiant soudain.
- Qu’est… coassa-t-il
Il se racla la gorge et reprit.
- Qu’est-ce que je peux faire pour t’aider ?
Tia réfléchit un moment puis fronça les sourcils.
- Où est ta sœur ?
- Aux dernières nouvelles, elle était avec une des femmes de
chambre. Une famille de touristes doit arriver dans une heure et elle l’a
emmené préparer leur chalet.
« Les touristes, merde ! »
- Lequel ?
- Le numéro 3.
- Y’a des touristes sur la propriété ?
Len hocha la tête.
- Deux familles.
« Merde ! »
- Tu sais où ils sont actuellement ?
- En excursion avec Andrea. Dans le Canyon de Bel Monté.
Le soulagement envahit la mercenaire mais ce fut de courte
durée.
- Et Frédéric ?
- Je sais pas.
- Ok.
Tia se mit à réfléchir. Le tireur avait cessé ses tirs. Soit
il était parti. Soit il attendait qu’elle sorte de sa cachette. Elle inspira
profondément et élabora son plan. Elle attendit qu’Alexia sorte puis expliqua à
son fils ce qu’il devait faire. Ensuite, elle se tourna vers sa compagne et à
l’aide des signes habituels, lui expliqua ce qu’elle devait faire.
Alexia hocha la tête et le cœur emplit d’appréhension face à
ce que Tia allait faire se prépara. Elle ferma les yeux et attendit.
Au signal convenu, Tia propulsa son fils vers Alexia et
celui-ci se mit à courir, courber comme le lui avait ordonné sa mère pendant
que Tia faisait de même mais en direction de la dénivellation qui menait aux
chalets. Lorsque le coup de feu claqua, Tia se jeta au sol, roula sur elle-même
et se releva, sans cesser de courir, slalomant de droite à gauche et de gauche
à droite, s’arrêtant parfois brusquement puis courant en ligne droite ou en
diagonale.
Lorsque le coup de feu avait retenti, Alexia, grâce à
l’entraînement deTia, avait repéré d’où provenait le coup de feu. Elle rouvrit
brusquement les yeux et se redressant, tourna son fusil à lunette dans sa
direction. Elle ne se préoccupa pas des tirs qui menaçaient sa compagne, se
concentrant, cherchant dans sa lunette le tireur. Il était seul, c’était une
certitude.
Après quelques minutes, elle le trouva et sourit.
- Je te tiens, fils de pute.
Elle ajusta son viseur. Un calme surnaturel s’empara d’elle.
Lorsque le silence fut complet en elle, elle choisit le point à viser. Et entre
deux respirations, deux battements de cœur, dans le prolongement de son
expiration, elle tira.
Et toucha. Elle vit l’homme, car s’en était un sursauter et
se tenir le bras. Cependant ça ne l’arrêta pas. Il ajusta son fusil dans sa
direction et elle se leva. Attrapa Len et le projeta à travers la porte
ouverte, où elle s’engouffra à son tour. Elle claqua la porte et se posta au
ras du sol, près de la fenêtre située près de la porte.
Elle prit le silencieux qu’elle n’avait pas eut le temps de
mettre et le posa sur le bout du fusil. Elle tira dans le mur à deux reprises.
Elle colla son œil aux trous et fut satisfaite de ce qu’elle voyait. Elle posa
le canon de son arme contre le premier trou et le second trou contre la lunette
de son viseur.
Elle le bougea un peu et chercha le tireur du regard. Mais
ne le trouva pas. Il avait bougé. Logique, sa position avait été repérée.
Cependant, même si elle l’avait touché, elle ne pensait pas qu’il s’arrêterait
en si bon chemin. Si c’était un bon, il avait sûrement prévu un second point de
tir et devait s’y rendre en ce moment même.
Un craquement dans son dos, la fit se retourner avec
brusquerie, l’arme pointée en avant. Elle reconnu Frédéric avant de tirer et
soupira bruyamment. Elle repositionna son fusil et lui fit un topo. Elle jeta
un regard en coin à Len et vit que bien qu’effrayé et pâle, il avait l’air
résolu.
- Len, appela sèchement Lex. Va dans ta chambre et celle de
ta sœur. Récupère des vêtements de rechange pour vous deux. Ensuite tu vas dans
la nôtre et tu prends le sac qui se trouve sur le lit. Tu amènes tout ça ici et
tu repars dans la cuisine. Tu prends un sac à dos de nourriture et d’eau et tu
reviens. Tu fais tout ça en restant toujours courbé et aussi près du sol que
possible. Tu ne prends que le strict minimum pour toi et ta sœur et tu ne
remplis pas vos sacs à ras bord, ok ?
Il hocha la tête.
- Alors vas-y.
Il hocha de nouveau la tête et disparut.
- Vous voyez Tia ? s’enquit-elle.
- Non. Mais elle a dû prendre un autre chemin. L’absence de
tirs a dû lui mettre la puce à l’oreille.
Elle acquiesça et continua de juguler peur et angoisse. En
mission, sur le terrain, garder son calme était une question de survie. Elle
attendit donc patiemment.
Un bruit léger, comme un grattement, se fit entendre à
l’arrière de la maison. Alexia tourna la tête vers Frédéric qui hocha la tête
et lentement, sans un bruit, se rendit près de la source. Il attendit que la
porte du patio glisse doucement avant de tendre la main en avant et d’agripper
la personne qui tentait d’entrer. Il la projeta brutalement au sol et lui colla
le canon de son arme sur la tête.
Deux yeux verts écarquillés le dévisagèrent en même temps
qu’une arme glacée touchait sa nuque. Puis le métal froid disparut et un
grognement sourd se fit entendre.
- Tu perds la main, Silent.
Frédéric soupira et retira son arme du visage de Lara.
- Désolé mon ange.
Elle hocha la tête et accepta sa main pour se lever. Tia
entra et referma la porte du patio avant de descendre les volets. Elle alluma
une torche et jeta son arme improvisé, un simple tuyau en métal. La vue de
l’objet tira un sourire à Frédéric. Il s’était fait avoir.
- Et maintenant, qu’est-ce qu’on fait ? demanda Alexia
que le soulagement avait envahie en voyant sa compagne et Lara saines et
sauves.
Tia regarda Frédéric qui hocha la tête.
- On passe par la trappe, fit-elle platement.
- La trappe ?
- C’est la raison pour laquelle j’ai acheté ce ranch,
expliqua Frédéric. Au XVIIIème, d’anciens esclaves en fuite, ayant fait
fortune, on fait construire un tunnel qui partait d’ici. Pour le cas où leur
ancien maître les retrouverait. Ils étaient un peu parano, mais moi aussi
alors.
- Et tu étais au courant ? s’écria Lex en fixant Tia
accusatrice.
La jeune femme haussa les épaules sans la regarder. Len
revint et déposa les sacs à dos sur le canapé. Il vit sa mère et sa sœur et se
jeta sur elles en riant. Tia grogna et se dégagea doucement. Len vit que le
bras qui entourait sa mère était tâché de sang. Il leva un regard consterné sur
elle et elle lui fit un petit signe de tête négatif.
Il comprit. Ce n’était pas le moment. Il hocha la tête et
elle se tourna vers son ancien tuteur.
- Il faut déplacer cette bibliothèque.
- Je vais le faire avec Frédéric, s’empressa de dire son
fils.
Tia le regarda surprise puis lui sourit.
Frédéric et lui durent d’abord enlever les livres des étagères.
Pendant qu’ils s’activaient, Tia récupéra les sacs à dos, il y en avait 4. Elle
en donna un à sa fille. Fit signe à son fils qu’elle posait le sien près du
canapé, en mit un sur son dos et donna l’autre à Lex.
Celle-ci semblait furieuse contre elle. Ca n’annonçait rien
de bon quand à leur relation. Elle ne savait toujours pas ce que Lex avait
décidé mais ce n’était pas le moment d’y penser, alors elle chassa ses
idées noires.
Bientôt, la
bibliothèque fut repoussée et la trappe émergea. Frédérique l’ouvrait lorsque
le monde explosa dans une myriade de bruits et de débris. Des éclats de bois,
de verres et de plâtre leurs tombèrent dessus. Frédérique attrapa Len et le
jeta dans la trappe nouvellement ouverte.
Lex sentit une brûlure sur sa joue et se jeta au sol en
entraînant Lara. Tia suivit le mouvement, après avoir reçu des bris de verre en
plein visage. Le sang qui coulait dans ses yeux la gênait mais ce n’était pas
le moment de s’en soucier. Elle s’essuya tant bien que mal et regarda
autour d’elle pour évaluer la situation.
- Qu’est-ce que c’est ? cria Lara.
- Une mitrailleuse lourde, répondit sa mère. Va vers la
trappe en rampant ! Allez, fit-elle en la poussant dans la bonne
direction.
Elle incita Lex à la suivre et fit signe à Frédéric de
rejoindre Len. Elle vit sa fille atteindre la trappe en grimaçant et vit
qu’elle avait dû ramper sur des débris. Lex la suivit bientôt et Tia ferma la
marche. Lorsqu’elle fut à l’intérieur du tunnel, elle lança sa torche à
Frédéric et Lex récupéra les leurs dans son sac. Elle en tendit une à Tia et
alluma la sienne.
Tia put alors fermer la trappe. La lumière du soleil
disparut et les bruits des tirs et d’objets explosant sous l’impact
s’effacèrent aussi.
Fin de la partie I