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Guerrière et Amazone
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Guerrière et Amazone
  • Vous trouverez ici des Fans Fictions francophones et des traductions tournant autour de la série Xena la Guerrière. Consultez la rubrique "Marche à suivre" sur la gauche pour mieux utiliser le site :O) Bonne lecture !!
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Guerrière et Amazone
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10 août 2013

Le Caillou, de Gaxé

Pour Marc

 

Xéna, Gabrielle et Argo appartiennent à MCA et Renaissance picture

 

 

                                                    

                                                       LE CAILLOU

 

 

La végétation était si dense que les deux femmes n’avançaient qu’avec beaucoup de difficultés, tant et si bien que, de temps en temps et de plus en plus souvent, la guerrière était obligée d’utiliser son épée comme une machette afin de dégager un espace suffisamment important pour qu’Argo puisse s’y glisser. En sueur, fatiguée par la marche pénible que la nature leur imposait, la barde arborait une mine boudeuse qui s’accentua encore après qu’elles eurent découvert, derrière un véritable rideau de branches basses et de lianes entrelacées entre elles, un regroupement de buissons épais et épineux qui promettait d’être encore plus difficile à franchir. Soupirant bruyamment, la reine amazone s’appuya contre son bâton avant de lâcher, d’un ton un peu plus mordant qu’elle ne l’aurait souhaité.

-« Tu avais raison, Xéna, c’est vraiment un chouette raccourci ! »

La guerrière tira sur la longe de sa jument dans le but de l’amener là où elle aurait un peu plus de place pour son grand corps, puis jeta un regard furibond à sa compagne avant de se détourner en marmonnant tout bas, son ton particulièrement rogue.

-« Ca fait très longtemps que je n’étais pas venue ici, je n’avais pas prévu que la nature aurait repris ses droits à ce point. »

Sans plus se préoccuper de son amie, la grande femme brune observa les alentours avec beaucoup d’attention, cherchant le petit sentier et les quelques fermes éparses qui se trouvaient là autrefois et dont elle se souvenait fort bien. Mais il n’y avait plus trace ni du petit chemin, ni des fermes, et alors qu’elle laissait encore traîner son regard en essayant d’ignorer le « C’est sûr, on aura gagné beaucoup de temps en passant par là » sardonique de la barde, son attention fut attirée par un rocher, posé au sol entre deux arbres aux énormes troncs noueux. Un rocher si petit qu’il méritait presque de porter le nom de caillou.

Toutefois, ce n’était pas sa taille, ni sa forme d’un ovale parfait, qui avait accroché le regard de la guerrière, mais plutôt son aspect, plus lisse et poli que s’il avait passé des siècles à être charrié dans le lit d’une rivière, et surtout sa couleur. Il aurait d’ailleurs été plus juste de dire ses couleurs, puisque le petit rocher présentait sur sa surface diverses teintes de bleu, de vert, de jaune et d’une étrange nuance de violet, comme s’il avait été peint par une main humaine. Mais le plus bizarre était le petit cercle rouge, juste sur la pointe dressée vers le ciel du gros caillou. Un cercle rouge qui donnait l’impression de tourner sur lui-même en une spirale surprenante qui retenait le regard d’une manière quasi hypnotique.

Très intriguée, Xéna approcha lentement de la pierre, frottant légèrement ses doigts sur ses paupières pour en chasser l’image que la spirale imprimait sur ses yeux, si concentrée sur son objectif qu’elle n’en entendit pas le nouveau commentaire sarcastique de sa compagne. De la pointe de son épée, elle toucha la roche, doucement d’abord, puis de plus en plus fort, mais rien ne se produisit. Plus que perplexe, la guerrière s’apprêtait à plier les genoux pour s’accroupir afin de regarder le gros caillou de plus près, mais une main posée sur son avant-bras stoppa son mouvement. Agacée par cette interruption elle se dégagea d’un mouvement brusque, refusant de se tourner vers son amie, mais celle-ci ne se laissa pas démonter par ce geste de mauvaise humeur et insista, parlant d’une voix plus douce qu’elle ne l’avait fait depuis un long moment.

-« Tu sais, Xéna, tu peux me dire si tu t’es égarée, je ne t’en voudrais pas pour cela. »

Cette fois, les yeux bleus se posèrent sur la jeune femme blonde, exprimant non pas la colère, mais plutôt une certaine déception.

-« Je ne me suis pas égarée, Gabrielle. Je suis passée par ici il y a presque quinze ans, avec une armée de plus de cent hommes, et nous n’avons connu aucun problème pour chevaucher sur un sentier qui passait exactement là. »

Du bout de son index tendu, la guerrière indiquait un point, sur leur droite, puis pivota légèrement, toujours sur sa droite.

-« C’est assez difficile de se repérer, parce que la végétation n’avait pas cette densité. A l’époque, la forêt que nous traversons se composait principalement de chênes, et ceux-ci étaient suffisamment espacés les uns des autres pour qu’une petite armée puisse circuler sans problème particulier. »

Elle baissa le bras qu’elle avait tendu, et ajouta en secouant la tête dans un geste de dénégation autant que d’incompréhension.

-« J’ai du mal à croire que la végétation ait pu croître à ce point en une quinzaine d’années seulement. »

Enfin, elle posa les yeux sur sa compagne, prête à entendre encore une réflexion ironique, mais la barde semblait ne pas avoir entendu la dernière phrase de son amie tant elle paraissait fascinée par le gros caillou. Doucement, lentement, elle plia les genoux, s’agenouillant en posant ses fesses sur ses talons, le regard ne quittant pas l’étrange petit rocher, puis tendit une mais hésitante juste au-dessus du cercle rouge et tourbillonnant. Un peu amusée par l’expression sérieuse de son amie, mais tout aussi intriguée et intéressée qu’elle, la grande femme brune se baissa à son tour pour s’accroupir à ses côtés. Elles restèrent ainsi sans bouger pendant un temps assez long, puis Xéna s’enhardit et tendit une main de la même manière que son amie l’avait fait quelques instants auparavant. Doucement, elle effleura le gros caillou coloré du bout des doigts, avant de les retirer rapidement, dans un geste réflexe du même genre que celui que provoquerait une brûlure. Un peu inquiète, Gabrielle attrapa immédiatement la main de la guerrière dans la sienne, cherchant la moindre rougeur, la moindre marque qui indiquerait une blessure, mais n’en trouvant pas, releva des yeux curieux vers le visage de son amie.

-« Que s’est-il passé ? Est-ce que tu es blessée ? »

Xéna fronça les sourcils et jeta un regard méfiant au caillou avant de répondre, laissant volontiers sa main entre les doigts de son amie.

-« Non, je n’ai rien et ce contact ne m’a procuré aucune douleur. C’était plutôt… »

Elle s’interrompit une seconde, comme si elle cherchait le mot qui convenait le mieux, puis reprit d’une voix tout à fait assurée.

-« Comme si de l’énergie jaillissait de la pierre. Je sais que ça paraît surprenant, mais je ne trouve pas d’autre manière de la dire. C’était un peu la même impression que tu ressens quand tu te lèves après une bonne nuit de sommeil alors que tu étais épuisée en te couchant. Sauf que c’était beaucoup plus fort, d’une force que je ne pourrais même pas te décrire, et surtout, la différence était immédiate, comme si le repos de la nuit avait été acquis en moins d’une seconde. »

Gabrielle eut une moue un peu dubitative, et si elle ne mettait bien évidemment pas la parole de sa compagne en doute, elle souhaitait mieux saisir ce que celle-ci voulait dire. Alors, à son tour, et alors que Xéna n’avait fait que l’effleurer, elle posa sa main sur la pointe du gros caillou, juste là où se trouvait le cercle rouge.

Elle ne laissa sa main que très peu de temps, la retirant aussi vivement que l’avait fait sa compagne, mais ce laps de temps fut suffisant pour laisser une petite marque sur le bout de son index. Une marque non pas rouge comme aurait laissée une brûlure ou une irritation, mais plutôt noire, un noir si intense qu’on avait l’impression que c’était la nuit elle-même qui avait laissé sa marque sur l’index droit de Gabrielle, laquelle resta une seconde à observer son doigt, son visage exprimant certes l’étonnement et la surprise, mais certainement pas la douleur. Ensuite, elle s’essuya, se frottant d’abord contre sa jupe, puis, voyant que la teinte noire ne disparaissait pas, elle l’humidifia légèrement avec sa salive, mais sans plus de résultat. Se tournant vers sa compagne pour lui demander son opinion, elle la trouva qui la regardait, une pointe d’amusement dans le regard, lui adressant son plus charmant sourire pour lui murmurer d’un ton taquin.

-« Tsss, tsss, la vilaine curieuse ! »

La barde ne put retenir un sourire, mais reporta rapidement les yeux sur son index, les sourcils froncés non pas par la contrariété, mais plutôt par l’incompréhension, recommençant à frotter énergiquement dans  l’espoir de voir enfin disparaître la petite marque noire. Près d’elle, et après l’avoir regardée faire un instant, plus amusée qu’autre chose par cet acharnement, Xéna finit toutefois par poser de nouveau le regard sur l’étrange petit rocher, puis se releva lentement, étirant avec plaisir ses jambes ankylosées par une position accroupie tenue trop longtemps.

-« Inutile d’insister comme ça, Gabrielle. Il y a de fortes chances que cette trace noire ne disparaisse qu’avec le temps. »

Elle fit un geste en direction du gros caillou et poursuivit

-« Il y a là quelque chose que je ne comprends pas, et dans la mesure où ça n’a pas l’air dangereux, je pense que je vais garder ce petit rocher avec moi, jusqu’à ce que je sache de quoi il s’agit en tous cas. »

Cette déclaration tira immédiatement la barde de la stupéfaction dans laquelle elle était plongée jusque là et elle se releva bien plus rapidement que sa compagne, posant une main sur son avant-bras en l’interrogeant doucement.

-« Tu es sûre que c’est une bonne idée d’emmener ce truc là ? Comment peux-tu savoir qu’il n’y a pas de danger ? » »

Xéna haussa les épaules.

-« Honnêtement, la seule chose qui me permet de l’affirmer, c’est mon instinct. Je suis persuadée que nous ne courrons aucun danger si j’emmène cette grosse pierre avec nous. »

Gabrielle ne parut pas vraiment convaincue, mais elle n’opposa cependant pas d’argument à cela, sachant d’expérience que son amie accordait beaucoup d’importance à ce que lui soufflait son instinct et que quoi qu’elle en pense, celui-ci l’avait rarement trompée. Alors, elle se contenta d’incliner légèrement la tête sur le côté, souriant à demi, et de regarder sa compagne se baisser pour ramasser le caillou.

Lourd. Il était bien plus lourd que ce à quoi la guerrière s’attendait. C’était comme si ce tout petit rocher ne voulait pas être déplacé et s’accrochait au sol d’une manière ou d’une autre. Il fallut à Xéna toute sa force physique pour le soulever de quelques centimètres seulement, mais ensuite, tout devint plus facile. Sitôt qu’il ne fut plus en contact avec la terre, le poids du caillou redevint conforme à son aspect et à sa taille, et la grande femme brune eut beaucoup moins de mal à le glisser dans une des sacoches accrochées au dos d’Argo.

Mais la guerrière n’était pas au bout de ses peines. Croyant avoir fait le plus difficile, elle essuya la sueur qui avait coulé sur son front d’un geste machinal tout en souriant à sa compagne, lorsque sa jument commença à s’agiter.

Roulant des yeux, tapant du sabot sur le sol, renâclant et remuant en tous sens malgré l’épaisse végétation qui l’entourait, Argo hennit fortement, si énervée que sa maîtresse, qui n’avait absolument pas l’habitude de la voir dans cet état, la regarda pendant une seconde avec une expression de surprise telle qu’elle provoqua un petit rire nerveux de la part de Gabrielle. Mais la guerrière brune se reprit rapidement et attrapa la longe de sa jument, lui parlant d’abord avec une certaine autorité avant de baisser la voix petit à petit pour finir par chuchoter dans le creux de l’oreille de l’animal. La barde n’entendit pas la majorité des mots que son amie adressa à sa jument, mais comme souvent, elle fut impressionnée et admirative devant le résultat. Argo se calma lentement, continuant de tourner la tête vers la sacoche, sur son dos, pour lui jeter quelques regards méfiants, mais cessa de s’agiter. Satisfaite, Xéna garda toutefois une main sur l’encolure de sa jument, tout en invitant sa compagne à reprendre la route. La barde acquiesça en soupirant, et reprit son bâton, recommençant à louvoyer entre les arbres aux branches basses, les lianes qui pendaient, et les buissons épineux tout en ronchonnant à voix haute.

-« Il serait temps que nous sortions de cette jungle ! »

Désignant Argo d’un geste de la main, elle ajouta, son ton de voix un peu incertain.

-« Croix-tu que ce soit le caillou qui a provoqué son comportement ? »

Xéna hocha la tête, caressant toujours l’encolure de sa jument d’une main distraite.

-« Certainement. Jamais elle ne se serait comportée de la sorte en temps normal. Mais ce n’est pas la seule chose que je ne comprends pas pour l’instant. »

Levant sa main gauche devant elle, elle commença à énumérer lentement.

-« D’abord cette forêt, tout à fait ordinaire et agréable il y a quelques années et devenue une véritable jungle, puis le poids du caillou quand je l’ai soulevé, un poids invraisemblable compte tenu de sa taille et qui s’est modifié dès que je l’ai décollé du sol, ensuite, les couleurs et le mouvement de spirale plus que bizarres, et enfin l’attitude plus qu’inhabituelle d’Argo. »

Elle jeta un regard vers sa compagne.

-« Ca fait beaucoup de choses très étranges, tu ne trouves pas ? »

Gabrielle acquiesça avant d’ajouter, un petit sourire un peu crispé sur les lèvres.

-« Tu oublies la tache sur mon index. »

Le visage de la guerrière exprima de nouveau une pointe d’amusement, mais elle acquiesça, hochant énergiquement la tête, tendant machinalement le bras pour flatter l’encolure de sa jument lorsqu’elle la sentit s’agacer encore une fois. Mais la caresse ne suffit pas et Xéna lâcha son amie du regard pour se tourner vers sa monture, réagissant très rapidement en comprenant ce qui, cette fois, la gênait.

Dégainant son épée, elle s’avança de manière à se placer devant Argo, et trancha toutes les lianes enchevêtrées qui gênaient le passage déjà étroit le long duquel elles progressaient, persuadée qu’il suffirait de quelques coups de lame bien placés pour régler le problème, mais les choses n’en restèrent pas là. La guerrière avait beau trancher et tailler, de nouvelles lianes surgissaient de partout, comme venant de nulle part. Très vite, Gabrielle vint prêter main forte à son amie, fouillant dans les sacoches pour s’emparer du plus long couteau de cuisine qu’elle y trouva, avant de couper, elle aussi, toutes les lianes qu’elle pouvait. Mais malgré leurs efforts, les végétaux semblaient être de plus en plus nombreux devant elles, et aussi surprenant que ça paraisse, de plus en plus agressifs.

Les lianes, comme animées d’une vie que leur aurait été propre,  se dressaient devant elles, se tordaient en tous sens, tentant de s’enrouler autour des deux femmes, s’agrippant à l’épée de l’une et au couteau de l’autre pour tirer dessus ensuite, essayant de leur arracher des mains. Bientôt, quelques buissons entrèrent dans la danse, tendant leurs épines pour griffer la peau, s’enroulant autour des chevilles pour déséquilibrer les deux amies, et s’attaquant même à la jument. C’était un véritable combat qui s’engageait, et si les femmes avaient l’avantage de l’énergie et du coup d’œil, les végétaux eux, bénéficiaient de l’avantage du nombre.

Essoufflées, en sueur, les deux femmes ne baissaient pas les bras et luttaient avec acharnement, parvenant au bout d’un certain temps à gagner quelques mètres. Et puis, brusquement, la colère de la nature cessa. Les buissons reprirent leur place, immobiles sur le sol, les lianes cessèrent de croître et de s’agiter, pendant de nouveau mollement le long des troncs d’arbres, et un calme presque surnaturel s’installa dans la forêt.

Les deux amies échangèrent un regard, soulagée de pouvoir relâcher la tension, puis, lentement, Xéna rengaina son arme, s’approchant ensuite de sa compagne pour s’enquérir de son état de forme. Sitôt rassurée et sans perdre de temps, elle reprit la longe de sa jument, se frayant de nouveau un chemin dans l’épaisse végétation tout en encourageant Gabrielle à se remettre en route elle aussi.

-« Autant profiter de ce répit pour avancer. Il doit bien y avoir un moyen de sortir de cette forêt, et j’aimerais autant le trouver rapidement ! »

La reine amazone acquiesça sans aucun enthousiasme, reprenant son bâton tout en marmonnant.

-« Un répit… J’ose espérer que c’est plus qu’un simple répit, je ne me sens pas vraiment l’âme d’une faucheuse… »

Peut-être que les Dieux entendirent son souhait, ou peut-être que ce fut simplement un hasard, mais au fur et à mesure que la journée avançait, et que les deux femmes progressaient péniblement dans la forêt, les lianes restèrent des lianes dont le seul mouvement était provoqué par la brise, tandis que les buissons restèrent à leur place, gardant leurs épines sur des branches qui ne bougeaient pas davantage.

Ce n’est que lorsque les rayons du soleil furent si obliques qu’ils ne parvinrent plus à franchir le sommet des arbres, plongeant les deux femmes dans une semi-obscurité qui donnait à la forêt alentour un aspect menaçant que la guerrière ne remarqua même pas, mais qui fit frissonner la barde à plusieurs reprises, qu’elles décidèrent de stopper leur pénible avancée et de choisir un emplacement où passer la nuit. Un emplacement qu’elles eurent bien du mal à trouver tant l’espace manquait.

Elles s’installèrent tant bien que mal au milieu d’un groupe d’arbres aux troncs d’une épaisseur considérable, et surtout,-une condition importante aux yeux de Gabrielle- des arbres d’où aucune liane ne pendait. Leur repas, plutôt frugal, terminé, Xéna ressortit le caillou de la sacoche, prenant toutefois bien garde à ne pas le poser au sol, et l’installa sur ses genoux, le tournant en tous sens dans l’espoir d’y découvrir une explication quelle qu’elle soit aux questions qu’elle se posait à son sujet. Mais elle eut beau l’observer sous tous les angles, elle ne découvrit rien et ne récolta rien d’autre que quelques tâches noires sur les mains et les genoux.

Leur nuit fut courte mais leur sommeil profond et réparateur, et c’est le cœur rempli de l’espoir de sortir de cette jungle qu’elles repartirent le lendemain. Apparemment, les Dieux semblaient avoir entendus leur souhait puisque, au moment où le soleil approchait de son zénith et alors qu’elles atteignaient le sommet d’une petite butte, elles aperçurent une trouée dans la végétation, trouée au travers de laquelle elles distinguèrent ce qui, de loin, ressemblait à des champs, ou peut-être à une plaine, un espace dégagé d’arbres en tous cas. Cette vision rendit son enthousiasme à Gabrielle et c’est avec un entrain renouvelé qu’elle se remit en marche, sa compagne la suivant d’un pas égal, son regard vif guettant le moindre signe d’agitation de sa jument, mais surveillant aussi lianes et buissons. Tout était calme de ce côté là, et si elles avançaient toujours avec autant de difficultés, la guerrière ne pouvait s’empêcher de ressentir, elle aussi, un certain soulagement.

-« Si tout va bien, nous serons sorties de cette jungle avant la fin de la journée. »

La barde, jubilait et souriait bien plus largement qu’elle ne l’avait fait depuis deux jours, marchant d’un pas décidé en repoussant fourrés et buissons avec énergie. Derrière elle, son amie était un peu plus dubitative mais avançait néanmoins en arborant un air confiant. Pourtant, ce fut la guerrière qui, la première, s’étonna de ne pas voir arriver la lisière de cette forêt alors que la soirée approchait. Sans faire part de ce qu’elle soupçonnait à son amie, à savoir que la bordure de la forêt reculait au fur et à mesure de leur avancée, elle grimpa au sommet d’un grand pin pour en avoir le cœur net.

Ce qu’elle vit confirma ses soupçons. Les champs, ou la plaine, étaient toujours visibles, mais approximativement à la même distance que le matin. Contrariée, mais surtout intriguée, Xéna se laissa rapidement glisser au sol avant de s’approcher de Gabrielle qui, appuyée sur son bâton, n’eut qu’à jeter un regard sur le visage de sa compagne pour comprendre qu’elles ne quitteraient pas la forêt ce soir. Soupirant bruyamment, elle se laissa tomber à terre, gardant son bâton en main tout en appuyant son dos contre un large chêne.

-« Nous ne sommes pas près de sortir d’ici, c’est ça ? »

Xéna grimaça et vint s’asseoir aux côtés de son amie.

-« J’en ai bien peur. Il semblerait que la lisière de la forêt recule au fur et à mesure que nous avançons. »

La barde haussa les épaules en passant une main sur son front, l’expression de son visage exprimant un certain découragement.

-« C’est le caillou qui nous retient prisonnières, tu t’en rends compte n’est ce pas ? »

La guerrière ne répondit pas tout de suite, se levant d’abord pour aller chercher une gourde dans les sacoches portées par la jument. Elle prit une longue rasade d’eau avant de se rasseoir, puis tendit la gourde à la reine amazone qui l’accepta avec reconnaissance.

-« Je ne sais pas. C’est vrai que tout donne l’impression que le caillou ne veut pas sortir de cette forêt. S’il était possible qu’un caillou ait une volonté propre, bien entendu. Et ça expliquerait aussi, l’espèce de « volonté » qu’il a mis à résister  lorsque je l’ai soulevé de terre. »

Gabrielle, qui avait attentivement écouté sa compagne, cessa de résister à sa fatigue pendant quelques secondes, s’appuyant contre l’épaule recouverte de cuir, près d’elle, avant de reprendre à voix basse.

-« Un caillou qui aurait sa propre volonté… C’est tout à fait délirant, mais c’est exactement comme ça que je le ressens. Au point que je me demande s’il ne suffirait pas de le laisser là pour trouver rapidement une manière de sortir de cette jungle. »

Xéna eut un petit sourire et déposa un petit baiser sur le front de l’amazone, puis secoua la tête, ne paraissant pas franchement convaincue.

-« La forêt était là avant que nous ne trouvions le caillou. »

D’un doigt, elle se tapota le menton, l’air songeur.

-« En fait, la forêt l’entourait, comme si elle voulait éviter que qui que ce soit le découvre. »

Cette pensée, exprimée à voix haute par la guerrière, en amena une autre dans l’esprit de la barde.

-« Et lorsque nous l’avons pris, la forêt a essayé de nous arrêter, comme si elle voulait nous empêcher de l’emmener. »

Les deux femmes échangèrent un regard, fronçant toutes deux les sourcils comme si elles se rendaient simultanément compte de l’énormité de ce qui venait d’être dit.

-« Tout ça n’a aucun sens ! »

Gabrielle marmonna cela et referma les yeux, reposant de nouveau sa tête sur l’épaule de sa compagne avant de rajouter, comme pour elle-même mais suffisamment distinctement pour être sûre que Xéna l’entende.

-« Peut-être qu’il suffirait de le laisser là pour que nous puissions quitter la forêt. »

La guerrière ne répondit pas. Bien sûr, cette éventualité lui avait traversé l’esprit sitôt qu’elle avait, plus ou moins, admis que la forêt « réagissait » d’une manière ou d’une autre, au caillou, ou à ce qui l’entourait. Mais elle n’était pas prête à laisser ledit caillou et à s’en aller sans éclaircir ce mystère, d’autant plus qu’elle n’arrivait pas à trouver une explication sensée et raisonnable à tout cela. Un moment, elle l’envisagea tout de même, jetant un regard à sa compagne qui s’était endormie appuyée contre elle, se demandant si ce serait si terrible d’abandonner le caillou là, mais elle ne put s’y résoudre tant cette énigme lui paraissait étrange. A son tour, elle ferma les yeux, réfléchissant à tout ce qui s’était passé depuis leur arrivée dans cette forêt, et se laissa glisser petit à petit dans le sommeil.

 

Ce n’était rien d’autre qu’un petit bruissement comme aurait pu en produire n’importe quel petit animal, lézard ou mulot, mais Xéna savait que ce n’était pas de cela qu’il s’agissait. Quelqu’un se déplaçait, lentement, furtivement, mais pas assez silencieusement pour l’oreille exercée de la guerrière. Sans bouger d’un pouce, elle entrouvrit les paupières et tenta de repérer l’intrus qui n’était pas directement face à elle, mais légèrement sur sa gauche. Il lui suffit donc d’ouvrir un tout petit plus les paupières et de tourner les yeux pour apercevoir la silhouette de celui qui approchait doucement.

Xéna était accoutumée à dissimuler certains de ses sentiments, comme la colère, la surprise, ou éventuellement la crainte, sous le masque de l’impassibilité. Et elle eut besoin de toute son habitude à se comporter ainsi pour ne pas réagir en distinguant la silhouette de l’inconnu.

Ce n’est pas sa taille, plutôt moyenne, qui l’étonna le plus, ni même l’étrange manière dont il était vêtu, une espèce de combinaison de cuir noir qui le couvrait du cou aux chevilles, ce qui la surprit vraiment était l’aspect physique de l’intrus. La longueur de ses bras, par exemple, qui pendaient le long de son corps pratiquement jusqu’à mi-mollet, ou ses jambes qui, au contraire étaient incroyablement courtes. Et surtout, son visage, particulièrement surprenant, plus fripé que celui d’un vieillard, mais visiblement pas en raison de son âge. Tout, dans l’attitude de l’inconnu montrait qu’il était encore plein de vigueur. Non, ce qui donnait cet aspect chiffonné à son visage, c’était sa peau dont il semblait qu’elle avait été déposée en plusieurs couches successives. Et cela ne se limitait d’ailleurs pas à son visage, ses mains étaient dans le même état, et rien ne permettait de penser que, sous la combinaison de cuir, le reste de son corps n’avait pas le même aspect squameux.

L’inconnu ne s’était apparemment pas rendu compte de l’éveil de la guerrière, et s’il avançait toujours avec précautions, il ne montrait ni crainte, ni appréhension visibles. Sa tête, baissée vers le sol, tournait de droite et de gauche comme s’il était à la recherche de quelque chose, et la guerrière avait une assez bonne idée de ce que c’était.

Patiemment, elle attendit le moment propice, celui où l’inconnu ne serait plus face à elle, mais plutôt de côté, et si absorbé par ses recherches qu’il ne prêterait plus aucune attention à son entourage.

Il ne fallut que peu de temps pour cela, l’intrus paraissant bientôt si absorbé qu’il en oubliait même d’être discret. Aussi, sa surprise fut-elle totale quand, brusquement, il se trouva nez à nez avec une guerrière plus grande que lui dont le visage n’exprimait ni la patience ni l’indulgence et qui pointait la lame de son épée juste sur sa poitrine. Son premier réflexe fut de reculer légèrement, mais la grande femme brune avança d’autant. Il n’insista pas et leva les deux mains à hauteur des épaules, paumes tournées vers sa vis à vis, dans un geste d’apaisement.

-« Qui es-tu ? Et que fais-tu là ? »

Le ton de la guerrière n’était pas plus aimable que son expression et l’inconnu battit de ses étranges paupières, tout aussi plissées que le reste de sa peau, paraissant un peu effrayé mais répondant toutefois rapidement et de manière très claire.

-« Je m’appelle Kongzi, et je suis venu chercher mon vaisseau. »

Xéna haussa un sourcil.

-« Ton vaisseau ? »

L’intrus hocha la tête, très lentement, sans quitter la guerrière du regard. Elle fronça les sourcils, puis l’interrogea de nouveau.

-« D’abord, explique-moi ce que tu entends par vaisseau, ensuite, tu me diras pourquoi tu penses pouvoir le trouver juste ici. »

Kongzi hésita un instant, réfléchissant comme s’il cherchait ses mots.

-« Un vaisseau… Eh bien, disons que c’est un moyen de transport, un peu comme un char mais sans chevaux pour le tirer, et pouvant parcourir des distances considérables. »

En face de lui, la guerrière ne dit pas un mot, attendant la suite alors qu’elle s’efforçait d’imaginer de quoi il voulait parler. Un peu déconcerté par son silence, l’intrus reprit, le ton incertain.

-« Je l’ai égaré, et je l’ai cherché pendant plusieurs jours. Mais j’ai compris que vous le déteniez quand j’ai vu que la forêt ne vous laissait pas sortir. »

Encore une fois, Xéna haussa un sourcil, continuant de se taire dans l’espoir de rendre l’inconnu nerveux, d’autant plus que sa lame était restée dirigée vers sa poitrine. Il lui jeta un regard hésitant et baissa lentement les mains, semblant apprécier de changer de position, puis reprit, toujours aussi fébrile.

-« Mon vaisseau ne vous est d’aucune utilité, alors que moi, j’en ai un grand besoin. »

Le sourcil de la guerrière monta encore plus haut, mais elle ne dit toujours rien, se contentant de fixer son vis à vis. Il soutint son regard un moment puis détourna les yeux en soupirant.

-« Si vous pouviez baisser votre épée, elle me rend nerveux. »

Cette fois, la femme brune sortit de son mutisme

-« Commence donc par te débarrasser des armes que tu as sans doute sur toi. »

L’inconnu eu un petit sursaut, comme s’il s’indignait qu’elle pût penser une telle chose.

-« Je ne suis pas armé. Je suis venu ici en paix et je fais partie d’un peuple tout à fait pacifique. »

Un moment, Xéna l’observa attentivement, scrutant le fond de ses yeux à la recherche de la moindre trace de duplicité. Il soutint son regard sans ciller et la guerrière finit par baisser lentement sa lame vers le sol, reprenant la parole.

-« Ton peuple, parlons-en justement. De quelle région du monde viens-tu exactement ? »

Un peu plus détendu, Kongzi répondit avec un sourire un peu condescendant.

-« Je viens de loin, de très loin. D’un monde que tu ne connais pas et que tu n’as sans doute jamais imaginé. »

D’un geste du bras, il désigna le ciel que l’arrivée prochaine de l’aube éclaircissait légèrement.

-« Je ne suis pas né sur Terre, mais sur une autre planète, un autre monde si tu préfères. »

La guerrière ne cacha pas son scepticisme et ricana.

-« Penses-tu que je vais croire que tu es né sur une étoile ? »

Kongzi haussa les épaules, mais c’est une autre voix qui répondit, une voix qui venait de là où la guerrière dormait peu de temps auparavant.

-« Moi, je le crois. »

Xéna ne quitta pas l’intrus du regard mais inclina la tête en direction de sa compagne.

-« Depuis combien de temps es-tu éveillée, Gabrielle ? As-tu entendu tout l’histoire ou seulement une partie ? »

La barde s’approcha, cachant sa bouche de sa main alors qu’elle bâillait à s’en décrocher la mâchoire, et vint se planter près de son amie, s’appuyant légèrement contre elle tout en dévisageant l’inconnu avec une curiosité non dissimulée.

-« Je crois avoir entendu l’essentiel. A savoir qu’il vient d’ailleurs, une planète loin d’ici dans le ciel, et qu’il est à la recherche de son vaisseau. Un vaisseau étant une espèce de char, si j’ai bien compris. »

En face des deux femmes, Kongzi souriait, apparemment content de l’arrivée de la jeune blonde, et pas du tout dérangé par son regard inquisiteur.

-« Tu as raison de me croire, puisque je dis la vérité. »

La bouche de la guerrière se tordit en une petite moue sceptique, mais la barde acquiesça avec un sourire avant de désigner l’endroit où elles avaient dormi d’un geste.

-« Nous serions mieux pour parler si nous étions assis. Je vais faire du feu, Xéna va préparer une des infusions dont elle a le secret, et tu nous expliqueras d’où tu viens, pourquoi tu es venu ici, et surtout comment tu as fait pour ensorceler la forêt de cette manière. »

Kongzi acquiesça, l’air plutôt satisfait de l’intervention de la reine amazone et de la tournure que prenait les évènements, mais la guerrière, elle, fronça les sourcils et lança un regard irrité à sa compagne, pas certaine de pouvoir faire confiance à quelqu’un capable d’ensorceler une forêt. Gabrielle sentit cette réticence et passa une main sur l’épaule de son amie, essayant de la rassurer là-dessus avec ce simple geste, lui signifiant ainsi qu’elle pouvait se fier à son jugement. Xéna n’insista pas, se contentant de jeter un coup d’œil méfiant en direction de l’intrus, brandissant ensuite un index  dans sa direction. Il saisit parfaitement l’avertissement et hocha la tête, puis se rendit auprès de la barde, observant avec attention sa manière de réunir des brindilles et des feuilles séchées à l’intérieur d’un cercle formé de cailloux, de frotter les deux pierres l’une sur l’autre pour obtenir une étincelle, et enfin la façon dont elle déposait de bien plus grosses branches dans les flammes naissantes du feu qu’elle venait d’allumer. Une fois cela fait, la guerrière mit de l’eau à chauffer, fouilla dans l’une des sacoches pour en extraire quelques herbes qu’elle jeta dans le liquide bouillant, puis chacun s’installa. Les deux femmes s’assirent sur une de leur couverture de peau, le dos ce la guerrière reposant contre la selle qui se trouvait habituellement sur le dos d’Argo, tandis que sa compagne s’appuyait contre elle, tandis qu’en face d’elles, Kongzi, assis en tailleur à même le sol, entamait son récit.

-« Comme je vous l’ai dit, je viens de très loin. »

Il sourit à Gabrielle et tendit la main qui tenait sa tasse d’infusion dans la direction de la guerrière.

-« Tu as bien deviné, je suis né sur une étoile. Je pourrais vous donner son nom, mais il ne vous dirait rien. Par contre, je peux affirmer qu’elle se trouve à une telle distance de la Terre, qu’il m’a fallu plusieurs années humaines pour parvenir jusqu’ici, et ce malgré que mon vaisseau soit d’un modèle très perfectionné. »

-« Pourquoi es-tu venu de si loin ? »

La curiosité, mais aussi l’intérêt de la barde était manifeste, et le sourire de Kongzi s’élargit.

-« Je suis venu ici en mission d’observation. C’est à dire que le gouvernement de ma planète, de mon étoile si vous préférez, m’a envoyé sur Terre pour me renseigner sur les humains, connaître leurs qualités et leurs défauts, comprendre ce qui les intéresse, ce qu’ils aiment, ce qui les dégoûte, ce qu’il est prudent de ne pas faire, ou de ne pas dire, en leur présence, et bien sûr, me renseigner sur leur manière de vivre en règle générale. »

Après cette longue tirade, l’extra-terrestre s’interrompit le temps de boire une gorgée de son infusion, un silence dont la guerrière profita pour interroger, le ton très sérieux.

-« Pourquoi ton gouvernement veux-t-il ces renseignements ? Quel intérêt a-t-il à connaître tout cela ? »

Kongzi reposa sa tasse au sol.

-« Les planètes habitées sont extrêmement rares. Hormis la votre, nous n’en connaissons que deux, avec lesquelles nous entretenons d’excellentes relations diplomatiques et commerciales, et je présume –après tout, on ne m’a pas donné de justifications, seulement des ordres- que notre gouvernement espérait pouvoir établir le même genre de relations avec les terriens. »

Cette fois, ce fut Gabrielle qui sourit largement, levant les yeux au ciel, le regard aussi rêveur que son ton de voix.

-« Ca veut dire que dans un avenir proche, nous pourrions rencontrer d’autres représentants de ton peuple ? »

Kongzi secoua négativement la tête.

-« Ce n’est pas moi qui prendrai la décision, mais au vu de ce que je vais dire dans mon rapport, je crois plutôt que notre gouvernement va abandonner l’idée de contacter les terriens, au moins pour un certain temps. »

Xéna se pencha en avant, posant ses coudes sur ses genoux, l’expression tendue

-« Et que vas-tu donc mettre de si terrible, dans ce rapport, qui ôte toute idée de relations avec les terriens à ton gouvernement ? »

L’extra-terrestre haussa les épaules.

-« Rien d’autre que la vérité, celle que j’ai observée durant les quelques journées que j’ai passé sur la Terre. Des guerres continuelles, parfois pour un territoire ridiculement petit, des meurtres, des complots, pour acquérir une parcelle infime de pouvoir, ou pour un peu d’argent. Des vainqueurs qui réduisent leurs vaincus en esclavage. Des riches qui oppriment des pauvres, des brutes qui s’en prennent systématiquement à tous ceux qui sont plus faibles qu’eux, les hommes en général qui maintiennent les femmes dans une position subalterne du simple fait de leur sexe….

J’ai vu quelques personnes remarquables, des héros prêts à risquer leur vie pour la justice, pour faire le bien. Des médecins dévoués au point de soigner leurs malades quels que soient les risques de contagion, mais ceux là sont bien rares. Pour ce que j’ai pu en observer, les humains, en règle générale, sont beaucoup trop belliqueux, agressifs et égoïstes pour que nous puissions nous accorder et nous entendre avec eux. »

La bouche de la guerrière se plissa dans une moue qui indiquait à quel point elle était vexée par ce jugement, mais sa compagne, elle, hocha la tête l’air un peu peiné, mais semblant comprendre ce qui venait d’être dit. Kongzi n’insista d’ailleurs pas sur le sujet, se levant immédiatement pour réclamer doucement.

-« Maintenant que vous savez ce qui m’a amené ici, je vous serais reconnaissant de me rendre mon vaisseau. »

Aussitôt, Gabrielle fit un geste, invitant l’extra-terrestre à se rasseoir.

-« Attends ! J’ai encore beaucoup de questions à te poser ! »

Il secoua négativement la tête.

-« Malheureusement, j’ai passé presque trois jours à rechercher mon vaisseau et je n’ai plus de temps à vous consacrer si je veux rentrer chez moi dans les délais. »

Xéna haussa les épaules, répliquant d’un ton sardonique qu’il n’avait surtout pas envie de rester plus longtemps que nécessaire en compagnie de deux représentantes d’un peuple  pour lequel il n’avait aucune estime, mais la barde insista de nouveau.

-« Dis-nous au moins comment tu as pu ensorceler la forêt ainsi. »

Kongzi ne se rassit pas, mais répondit tout de même avec patience.

-« Il ne s’agit absolument pas de sorcellerie, seulement de science. »

Glissant sa main droite dans la poche de sa combinaison, il en sortit une poignée de poudre, de couleur rougeâtre, , posée dans la paume de sa main, qu’il tendit vers la reine amazone pour qu’elle puisse la voir clairement.

-« Lorsque je me suis rendu compte que j’avais égaré mon vaisseau, j’ai jeté quelques poignées de cet engrais de croissance ultra rapide dans la région où je pensais l’avoir perdu. La végétation a aussitôt cru d’une manière qu’en tant que terrienne, tu as trouvé quasiment magique, cela pour que la forêt empêche quiconque d’approcher mon vaisseau de trop près, où qu’il se soit trouvé d’ailleurs. Là-dessus, j’ai ajouté quelques capteurs sur les buissons et les lianes, de manière à ce qu’elles grandissent et s’agitent, prenant pratiquement vie pendant quelques minutes, essayant de gêner le passage partout où se trouverait mon vaisseau. C’est d’ailleurs ce remue ménage et cette croissance anormalement rapide, et d’ailleurs tout à fait provisoire, qui m’a permis de vous repérer, car mon vaisseau, hélas, n’émet aucun signal. »

Un moment, les deux femmes restèrent sans voix, trop stupéfaites de l’évidence présente dans la voix de Kongzi qui leur expliquait cela avec le naturel de quelqu’un qui n’éprouve aucun étonnement devant ce qu’elles considéraient comme prodigieux. Et puis, Gabrielle reprit la parole.

-« Vraiment, tu ne peux pas rester un peu plus longtemps ? Il y a tant de choses que j’aimerais connaître ! Savoir comment vous vivez sur ton étoile, si la nature y est aussi belle qu’ici, comment vous pouvez n’avoir qu’un seul gouvernement pour toute la planète, si vous aussi, vous avez des chevaux, des fermes comme les nôtres, si vous aimez autant que nous la chaleur du soleil, si les mers sont aussi grandes et profondes qu’ici, si…. »

L’extra-terrestre leva une main, coupant ainsi le flot de paroles qui s’échappait de la bouche de la barde.

-« Non, je n’ai pas le temps de répondre à toutes ces questions. »

Il lui sourit gentiment avant d’ajouter.

-« Mais je suis heureux que tu t’intéresses ainsi à ce qui se passe chez moi. »

Son sourire s’effaça et il reprit une expression sérieuse pour s’adresser à la guerrière d’une manière bien plus formelle.

-« Maintenant, j’aimerais beaucoup que tu me donnes mon vaisseau, s’il te plaît. »

Xéna croisa les bras sur sa poitrine, un sourcil haut sur son front.

-« Et qu’est ce qui te fait croire que nous l’avons ? »

Kongzi désigna la nature autour d’eux d’un geste du bras.

-« L’aspect de cette forêt, et le fait qu’elle vous ait suivies m’en donne la certitude, mais si ça ne suffisait pas, il me suffit de voir les taches noires qui ornent tes genoux et tes mains. »

La guerrière, qui avait oublié jusqu’à l’existence de ces taches, n’insista pas et se dirigea vers la sacoche, posée au sol et non plus sur le dos de sa jument, pour en sortir le caillou, le tendant ensuite à l’extra-terrestre en marmonnant.

-« Si c’est ça que tu appelles un vaisseau… Pour moi, c’est un simple caillou. »

Kongzi sourit, sans doute davantage par plaisir de retrouver son bien que pour la remarque de la femme brune, et le tint devant lui, gardant les bras tendus et les yeux fixés sur le cercle rouge qui tourbillonnait apparemment bien plus rapidement depuis qu’il était entre les mains de son propriétaire. Il adressa un signe de tête aux deux humaines, signe de remerciement et d’au revoir à la fois, puis s’éloigna de quelques pas, son attention entièrement concentrée sur le cercle rouge. Immobiles, les deux femmes l’observaient avec curiosité, écarquillant toutes deux les yeux lorsque le caillou commença à vibrer de façon visible, et si fort que les bras de Kongzi en tremblèrent. Une fumée bleuâtre, si légère qu’elle ressemblait à de la vapeur, s’éleva du caillou et l’extra-terrestre se tourna vers elles, s’adressant manifestement à Gabrielle.

-« Si tu le souhaites, je peux t’emmener avec moi. Je suis certain que mon peuple te fera bon accueil, et que tu donneras une excellente image des terriens. »

Un instant un peu ébahie par cette proposition inattendue, la barde n’eut toutefois pas besoin de beaucoup de temps pour refuser.

-« Je suis honorée, et flattée, mais je ne peux pas accepter. J’ai une vie suffisamment bien remplie ici. »

Il n’insista pas, semblant comprendre même les raisons qu’elle ne lui donnait pas et tourna de nouveau son attention vers le vaisseau. Les vibrations augmentaient à vue d’œil, mais la fumée, elle, restait toujours aussi discrète. Cela dura un certain temps, jusqu’à ce que, brusquement, Kongzi serre le caillou contre sa poitrine, si violemment qu’il semblait vouloir l’absorber. La fumée devint un peu plus dense, les vibrations augmentèrent encore, puis, sous le regard médusé des deux amies, le vaisseau pénétra lentement à l’intérieur du corps de l’extra-terrestre, son thorax enflant progressivement alors que, petit à petit, sa silhouette s’estompait jusqu’à n’être plus qu’une forme vague qui s’enroulait autour du caillou. Il y eut un sifflement suraigu, deux ou trois flammes flottèrent dans l’air pendant un très court moment, et puis, il n’y eut plus rien.

 

 

Le silence soudain qui suivit parut bien épais aux deux amies. Pas un frémissement n’agitait les feuilles des arbres, pas un oiseau ne gazouillait, pas un lézard ne se faufilait vivement dans les fourrés, pas même un insecte ne voletait dans l’air. Immobiles, encore stupéfaites de ce qu’elles venaient de voir autant que de tout ce que Kongzi leur avait raconté, les deux femmes échangèrent un bref coup d’œil, chacune cherchant dans le regard de l’autre, une assurance selon laquelle elles n’avaient pas rêvé. Mais le doute, qui n’était déjà guère permis, se dissipa totalement quand, petit à petit, la forêt autour d’elles commença à changer. La majorité des lianes disparurent, les buissons rapetissèrent, les arbres semblèrent perdre une partie de leur hauteur et s’espacèrent les uns des autres, les fougères et toutes les plantes au sol se firent plus petites et plus discrètes.

Un peu abasourdies, les deux femmes regardèrent ces transformations s’opérer en moins de temps qu’il n’en fallait pour le dire, remarquant dans le même temps qu’elles se trouvaient maintenant à la lisière de la forêt, l’endroit même qu’elles avaient cherché à rejoindre pendant plus d’une journée. La stupeur passée, l’une comme l’autre sourit, un peu soulagée sans raison particulière, puis Gabrielle retourna près du feu, jetant quelques branches pour le ranimer, tandis que sa compagne, elle, s’en allait voir sa jument, ravie de la trouver en bonne santé et tout à fait calme.

 

Le soir venu, allongées près d’un autre feu, observant les étoiles comme si elles les voyaient pour la première fois, la barde et la guerrière devisaient, s’interrogeant sur la planète qui abritait le peuple de Kongzi. La barde rêvassait et se tourna vers son amie, posant doucement sa tête sur son épaule.

-« Je me demande à quoi ressemble ce monde, là-haut. Quel effet cela doit faire de voyager dans le ciel. Vraiment, je regrette que Kongzi n’ait pas pris le temps de nous décrire son étoile. »

Xéna eut un demi-sourire et soupira.

-« Oui, on peut le regretter, mais… »

Elle tourna sur elle-même, s’allongeant sur le côté de manière à se trouver face à la barde.

-« Je ne peux pas te faire monter là-haut, Gabrielle. Mais je connais un autre moyen de t’emmener au ciel. »

Doucement, elle posa ses lèvres sur celle de sa compagne qui réagit promptement, passant ses bras autour du cou de la guerrière et murmura :

-« Emporte-moi. »

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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Commentaires
I
Merci Gaxé...Xéna et Gabrielle,mes héroïnes préférées sont de retour!...Beaucoup de choses sont dites dans cette histoire;son joli côté qui me laisse rêveuse...<br /> <br /> <br /> <br /> Isis.
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G
Nan... Juste un caillou. ;-)<br /> <br /> Merci
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S
comment dire ça... ce caillou, une perle ;-)
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