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10 octobre 2021

Cible mouvante, chapitre 24-B

Cible Mouvante (Moving Target)

Chapitre 24 - B

Ecrit par : Missy Good (2013)

Traduction : Fryda (2021)

************************

« D’accord, et maintenant on fait quoi ? » Kerry s’assit sur un bureau, remuant un peu les pieds. On était en fin d’après-midi et le chaos s’était finalement calmé. Cruikshank était partie, l’autre journaliste aussi et Dar et elle étaient seules dans le petit bureau.

Dar était allongée sur le dos sur le bureau supplémentaire contre le mur. « On emmène tout le monde déjeuner », répondit-elle, les yeux fermés. « On fait du management d’équipe pour préparer l’enfer que ça va être demain. »

Kerry étudia le jean à ses genoux. « D’accord », dit-elle. « Tu connais un endroit par ici ? Le Hard Rock Café, peut-être ? Ou bien le Resto des Gambas ? »

« Le Hooters. » (NdlT : chaine de restaurant et bar sportif)

« Dar. »

Celle-ci ouvrit un œil. « Trop politiquement incorrect, hein ? »

« C’est une chose qu’on aille y manger nous », dit Kerry. « Mais emmener l’équipe ? Chérie, il y a deux ou trois femmes dans l’équipe. Est-ce que tu crois que ça va être confortable pour elles ? »

« Mmpf », grogna Dar. « Oui, j’ai compris. Appelle le Hard Rock Café. Vois si la salle à part est libre. Combien on est, trente ? » Intérieurement, elle doutait que quiconque dans leur équipe serait vraiment ennuyé ou ferait des histoires, mais on ne savait jamais avec les gens.

Ça ne mangeait pas de pain de tenter la chance et elle était un peu étonnée que Kerry ait trouvé nécessaire de le lui rappeler. « Désolée… j’étais juste d’humeur pour des chicken wings », ajouta-t-elle d’un air penaud.

« Et une bonne bière fraîche, oui. Mais je suis sûre qu’on peut avoir ça ailleurs. » Kerry se leva et vint s’asseoir dans le fauteuil de bureau, appelant un moteur de recherche. Elle tapa le nom du restaurant et eut une liste d’adresses en retour, et elle sélectionna celle de Bayside. Elle sortit son mobile et pianota le numéro. « Tu as dit trente ? » Elle fit une pause et mit la main sur le micro. « Avec nous ? »

« Oui ». Dar hocha la tête. « Vingt-neuf, quelque chose comme ça. Dis juste trente. »

« Compris. » Kerry s’éclaircit doucement la voix. « Allô, j’aimerais parler à quelqu’un qui peut m’aider pour une réservation de groupe. » Elle écouta. « Pour trente personnes. » Elle écouta à nouveau. « C’est ce que je pensais. J’attends. Merci. »

Dehors, leur équipe préparait encore l’équipement pour l’installation ; on entendait des cliquetis et des claquements ainsi qu’un bourdonnement de conversations. Malgré le problème avec le navire, l’atmosphère était efficiente et en marchant parmi eux, Dar n’avait pas entendu de ronchonnements du tout.

Cool. Dar attendit que Kerry prononce les mots... « Ah oui ? D’accord, j’aimerais la réserver » … Elle se leva du bureau et alla lentement vers la porte. Elle passa la tête dehors et observa l’activité, puis elle alla au centre de la grande pièce et se tint là, les mains sur les hanches.

Elle n’eut pas besoin de parler. Un par un, les techniciens arrêtèrent ce qu’ils faisaient et se concentrèrent sur elle ; les discussions dans la pièce finirent par s’interrompre en une trentaine de secondes. Dar attendit quelques secondes de plus puis elle s’éclaircit la voix. « Très bien, les gars. Vous connaissez l’histoire. On est paralysés jusqu’à demain et on est bien loin de la huitième boule. » (NdlT : référence au billard américain où il faut mettre huit boules dans des poches)

Trente paires d’yeux étaient clouées sur elle. « Il vaut mieux qu’on se remue les fesses demain que de devoir traîner par ici aujourd’hui », commenta Mark. « Bon sang, que ça pue. »

Les deux techniciens qui avaient été avec Kerry hochèrent vigoureusement la tête. « Oui, et travailler dans le noir, ça craint aussi ! »

Dar attendit que le silence retombe puis elle reprit la parole. « Les deux jours qui viennent vont être rudes. Il y aura du soutien par la compagnie pendant qu’on travaillera, mais avant de démarrer, j’aimerais vous inviter tous au Hard Rock Café ce soir pour dîner. »

Elle put ressentir le choc dans la pièce tandis qu’elle passait le regard sur les visages et saisissait les réactions. De la surprise, sûrement, et puis du ravissement silencieux. Dar leur sourit. « Alors verrouillez-moi tout ça et on part, d’accord ? »

« Oui madame », répondit rapidement Mark. « Pas la peine de nous le demander deux fois, pas vrai tout le monde ? »

« Ouais. » « Sûr que oui. » « C’est sûr ! »

Satisfaite, Dar leva la main pour approbation et puis elle repartit vers le bureau. Elle y découvrit Kerry qui finissait avec son appel, affalée dans le fauteuil de bureau et qui le faisait tourner. « Tout est prêt ? »

« Oui oui », acquiesça Kerry. « On a la salle du fond et ils nous offrent le dessert si tout le monde prend une entrée. »

« Pas de problème. » Dar attrapa le dossier du fauteuil et stoppa les virevoltes de sa compagne. « Pas avec ceux-là. Ils ne sont pas du genre apéritif au thé glacé et aux carottes. »

Kerry la regarda avec une expression ironique. « Dar, je faisais partie du genre apéritif au thé glacé et aux carottes. »

« Nan. » Dar la regarda affectueusement. « Tu étais une frimeuse. »

« Une frimeuse ??? »

« Une frimeuse. » Dar s’appuya sur le dossier du fauteuil. « Je l’ai su la première fois qu’on a dîné ensemble. »

Le visage de Kerry se plissa dans un sourire. « Zut. Démasquée par un coup de cheesecake et d’aile de poulet. »

Dar gratta doucement le dessus de la tête de Kerry du bout de ses doigts. « Tu as vérifié avec le bureau ? Tout est calme là-bas ? »

Kerry fit rouler le trackball sur le bureau, exposant sa boite mail quand l’écran de veille s’effaça. « Quelques trucs. Trois de ces pistes qu’on a eues grâce à ton challenge de hacker sont devenues des requêtes de devis. » Elle montra du doigt. « Pas vraiment des clients énormes mais regarde… celui-ci est dans une zone où on n’a pas encore mis les pieds. »

« Hm. » Dar étudia l’écran.

« Je vais assigner quelqu’un pour monter un projet », dit Kerry. « Et j’ai reçu une note de nos amis de New York… » Elle cliqua dessus. « Ils ouvrent un nouveau bureau à Hong-Kong… ils veulent un devis pour leur infrastructure. »

« Ah oui ? » Dar sembla plutôt surprise. « Tu as eu une note de Meyer ? »

Kerry pencha la tête. « Hum… non, en fait. Attends. » Elle revint sur une page précédente. « Tiens… un nouveau nom. Ellen Durst. Il a peut-être une assistante ? » Elle déroula le message jusqu’à atteindre la ligne de signature. « Oh non, je présume qu’elle est vice-présidente maintenant. »

« Heu. » Dar renifla. « J’espère que Stewart n’a pas été viré. On est mal sinon. »

« Est-ce qu’elle nous demanderait un devis si Meyer avait pris sa place ? »

Dar se posa sur le bureau pour soulager son pied blessé. « On est leur distributeur actuel », dit-elle d’un air songeur. « Alors c’est sensé… je ne sais pas, voyons ce qu’il en est. » Elle sortit son mobile et composa un numéro. « Bonjour. Stewart Godson, s’il vous plait. »

Kerry s’appuya sur un coude sur le bureau et regarda Dar qui patientait. Elle mit son autre main sur le genou de sa compagne, massant doucement en cercle avec son pouce. Ça allait être frisquet dans le restaurant, se rappela-t-elle soudainement. Elles devaient s’arrêter pour prendre quelque chose pour Dar avec plus de manches.

« Oui, merci. C’est Dar Roberts d’ILS », indiqua-t-elle à la secrétaire qui avait intercepté l’appel. Alors soit elle avait été renvoyée, soit…

« Un instant, madame, je vous transfère. » La secrétaire revint en ligne puis de la musique d’attente sans intérêt la remplaça un instant avant qu’un clic résonne et qu’une voix s’élève.

« Salut, Dar ! »

Dar soupira de soulagement. « Bon après-midi, Stewart. » Elle lança un regard à Kerry qui leva un pouce.

« A quoi je dois ce plaisir d’un appel ? » Demanda Godson. « J’étais sur le point de fermer boutique et de rentrer chez moi… ne me dites pas que nous avons des problèmes ! »

« Non… non, pas du tout », le rassura Dar. « C’est juste que… » Elle hésita. « Je me  demandais comment ça allait avec votre programme. Ça fait une semaine maintenant. »

« Oh ! » Godson s’éclaircit la voix et apparemment se carra dans son fauteuil au vu des couinements qui parvenaient par le téléphone. « Tout est génial ! Vous n’avez pas idée de combien tout le monde est heureux… ça a été merveilleux. C’est la première semaine en un mois que j’ai pu obtenir quelque chose sans avoir à passer des coups de fil toutes les dix minutes pour me plaindre », dit-il. « Alors soyez rassurée, tout est génial vu d’ici. Et pour vous ? »

Dar cligna des yeux. « Moi ? Ça a été une semaine typique ici vous savez, Stewart », répondit-elle. « Les problèmes habituels, le temps habituel… la même vieille pile de merde qui frappe le… euh… ventilateur. » Un sourire apparut alors qu’elle regardait Kerry qui d’abord se couvrit les yeux puis mit son bras dessus dans un geste théâtral. « Contente que tout aille bien… écoutez, Kerry me dit que vous installez un nouveau bureau en Asie ? »

« Ouaip. » Godson avait l’air très très suffisant. « Les affaires ont augmenté tellement, partiellement dû à mon nouveau système, pourrais-je ajouter, que nous nous étendons. Bon boulot, hein ? Oh ! » Il finit sa phrase par une exclamation. « Hé ! Vous vous souvenez de ce gars chez moi, Jason ? »

Ah. « Bien sûr », dit Dar en trainant la voix.

« Vous savez que ce type est parti vendredi ? Pas d’annonce, il a juste pris ses papiers et il est parti… il a dit qu’il avait une meilleure offre. Vous voyez ? Vous aviez raison ! J’aurais dû vous écouter à ce moment-là, Dar ! »

Kerry écarquilla les yeux et elle s’appuya un peu plus vers l’avant tandis qu’elle écoutait. « Crottes de bique ! » Enonça-t-elle.

« Ahhh… oui, c’était un salopard », dit Dar, ses sourcils rejoignant sa frange. « Vous avez une idée où il est parti ? Pas que ça m’intéresse. »

« Nan », dit Godson. « J’ai pas demandé, il n’a rien dit, bon débarras ! J’en ai tiré une leçon et j’ai décidé que peut-être, une fille travaillerait mieux pour moi ici, et vous savez quoi, ça fait une semaine mais Ellen a juste été excellente. Et à l’écoute. En fait, j’ai hâte qu’elle vous rencontre. On parlait de vous hier. »

Dar se détendit, un problème agaçant sorti de son esprit. « Et bien, c’est bon à entendre, Stewart. Contente que vous ayez trouvé quelqu’un avec qui nous pourrons travailler. Je n’avais pas hâte de renégocier notre contrat avec M. Meyer…  j’espère que quel que soit l’endroit où il est allé, on apprécie pleinement son… ah… style. »

Godson gloussa. « Ellen est affûtée et vous savez quoi ? Elle est fan de vous. Alors pas d’inquiétude à avoir, d’accord ? Et d’ailleurs il est temps que j’aille rejoindre la petite dame. Vous voulez parler d’autre chose, Dar ? »

« Non, je faisais juste le point. On va vous envoyer ces devis d’ici la fin de la semaine, Stewart. Bonne chance sur le nouvel espace et félicitations. »

« Merci ! »  Répondit Godson avec un sourire audible. « La vie est belle ! Prenez soin de vous Dar. Mes salutations à Ms Stuart également. Au revoir ! »

Dar replia le téléphone et le jeta, retournant sa main pour l’attraper en plein air alors qu’il retombait. « Bon, ce sont des bonnes nouvelles », dit-elle. « Je pensais qu’on allait un peu avoir des problèmes avec mon irritabilité cette fois. Je présume qu’on a eu de la chance. »

Kerry lui tapota la jambe. « On le mérite de temps en temps. » Elle se leva et se pencha pour se déconnecter. « Je me demande où leur petit idiot est allé ? J’espère que ce n’est pas chez un autre de nos clients. »

Dar haussa les épaules, se releva du bureau et attendit que Kerry éteigne le PC. « Je ferai une recherche plus tard, voir s’il a rejoint une autre compagnie publique. » Elle mit la main sur le dos de sa compagne tandis qu’elles sortaient du bureau, éteignit la lumière et referma la porte derrière elles.

*************************************

Kerry posa sa tasse et se pencha en arrière, riant un peu au bon mot de Mark assis en face d’elle. Elle en était à sa seconde bière et sur son assiette on voyait les restes d’un travers de porc décent. Dar était affalé dans le fauteuil près d’elle, ses longues jambes étendues sous la table tandis qu’elle hochait son assentiment à ce que disait le chef du CIS.

« Je m’en souviens », dit Dar ; « Tout le bâtiment était infesté de fourmis rouges et tout le monde a fini assis sur les racks de réseau pour s’en éloigner. » Elle se souvint. « Fichtrement contente d’avoir échappé à ça. »

Tout le monde rit.

« Ouais, tu venais juste d’être envoyée en haut », dit Mark. « Tu nous a vraiment manqué. »

Kerry observa sa compagne du coin de l’œil et elle vit l’air de jubilation muette apparaître dans ses yeux, tandis que ses lèvres formaient un sourire. « Tu parles. » Elle s’appuya sur l’accoudoir de son fauteuil. « Il n’y a rien de plus réconfortant que d’avoir ça sur un projet difficile. » Elle montra Dar de son pouce. « Je peux en attester. »

« Ça ? » Dar s’appuya sur ses accoudoirs également et lança un regard surmonté d’un sourcil dressé.

« Ms Roberts ? » Dit un des techniciens timidement. « C’est vrai que le type en charge sur le bateau est votre père ? »

Dar écarta son regard de sa compagne et prit son verre pour boire une gorgée. « C’est vrai », dit-elle. « Certains d’entre vous l’ont déjà rencontré. »

« Absolument », approuva Mark. « C’est un type génial, il raconte des histoires vraiment marrantes… »

Dar le regarda.

« Des histoires sur les bateaux. » Mark redirigea ses mots. « Vraiment drôles. »

Des rires nerveux firent le tour. « Je pense que certains des contractants ont peur de lui », commenta le premier technicien. « Je les ai entendus parler de lui quand on était derrière les bâtiments pour les cabines téléphoniques. »

Dar se sentit un peu incertaine, peu habituée à parler de sa famille en face de ses équipes. « Eh bien, il n’aime pas trop qu’on se fiche de lui. »

« Eh bé. » Mark prit une gorgée de sa bière. « On se demande qui lui ressemble là-dessus. »

Tous les techniciens rirent à nouveau, cette fois un peu nerveusement quand Dar se joignit à eux, levant la main dans une auto-dérision silencieuse. « Ouais, je l’admets », déclara-t-elle. « Mais c’est aussi un retraité de la Navy… il était SEAL… ça met les choses à un niveau différent parfois. »

« Un SEAL ? » Un des techniciens sifflota. « Ouaouh. »

« C’est plutôt cool », dit un autre. « J’étais dans la Navy pendant six ans. Ces gars sont coriaces. »

« J’aidais à gérer ces commutateurs qu’on a reçus hier. » Une technicienne parla timidement. « J’étais un peu stressée avec ces gars là-bas. Ils faisaient plein de commentaires, mais il est arrivé dans la zone de chargement et les a fait taire tous. » Elle regarda Dar. « C’était vraiment cool. »

Dar sourit.

« Papa a beaucoup de chevalerie en lui », dit Kerry. « Un de ces gars qui ne sont pas totalement embarrassés d’ouvrir les portes pour les femmes ou de leur céder leur siège dans le bus, vous voyez ? »

Les hommes semblèrent embarrassés. « Je… euh… » Le technicien près de Mark s’éclaircit la voix. « Je ne pense pas que les filles apprécient ce genre de choses aujourd’hui. C’est comme, le chauvinisme, n’est-ce pas ? »

Tout le monde regarda Kerry pour voir ce qu’elle allait répondre. Elle prit une gorgée de sa bière, se donnant un moment pour réfléchir. « Hm. » Elle pondéra les idées complexes derrière la question. « Ouvrir une porte pour quelqu’un n’est que de la courtoisie. Je pense que… »

« J’ouvre les portes pour toi », dit Dar.

« Je pense que ça dépend de la façon dont on a été élevé », dit soudain la technicienne. « C’est comme si vos parents vous enseignaient les choses d’une façon ou d’une autre. Ma mère était une grande féministe radicale et elle disait toujours que c’était condescendant d’être traitée ainsi par les hommes. »

« Oui, ma mère disait pareil », approuva Mark. « Vous lui ouvriez une porte, elle vous la claquait au nez. »

Tout le monde rit. « Eh bien, je viens d’une famille très traditionnelle », dit Kerry. « Bien que je pense que mon père aurait payé quelqu’un pour être chevaleresque à sa place s’il avait pu s’en sortir comme ça. On était toujours traitées comme des dames et laissez-moi vous dire que… ça me titillait. »

Tout le monde regarda Dar à son tour. « Ma mère est païenne », dit-elle d’un ton agréable.

Un silence. Tout le monde la regardait avec surprise sauf Kerry. « Ben oui. » Dar haussa les épaules. « Elle est aussi non traditionnelle qu’on peut l’être… mais elle aime bien quand mon père fait ce genre de choses pour elle. »

« Vraiment ? » Demanda Mark.

« Oui. » Dar vida son verre de vin et le posa sur la table. « Mais aussi, mon père ne le fait pas pour la galerie. C’est juste sa façon d’être. »

« Et la tienne. » Kerry lança un regard affectueux à sa compagne. « Tel père, telle fille. »

Dar rougit légèrement, presqu’invisible dans la lumière rouge de la lampe. Elle fronça les sourcils et jeta un regard au reste de la tablée avent de retourner son regard vers Kerry.

« Ben, mon père ne m’a rien donné sauf un dos poilu. » Mark brisa le petit silence, attirant l’attention sur lui. « Et probablement un mauvais cœur », ajouta-t-il. « Alors c’est un peu la loterie… mais disons que vous ne pouvez pas vraiment gagner parce que si vous faites les choses joliment comme ça, vous avez cinquante pour cent de chance au mieux que la fille apprécie, vous voyez ? »

Deux des techniciens hochèrent la tête. « Oui », dit l’un. « Ma petite amie est comme cette nana indépendante, vous voyez ? Elle étudie le droit, travaille dans un bureau dirigé par une femme, elle est pour l’avortement, tout ce truc… et j’ai découvert la semaine dernière qu’elle veut vraiment se marier, arrêter de travailler et avoir des enfants. »

« Oh, Seigneur. » La grande technicienne blonde se couvrit les yeux. « Mon mari m’a fait comprendre hier soir qu’il aimerait avoir des enfants. »

« Laisse-le faire, Barb », dit Dar d’une voix traînante. « Il peut rester à la maison et s’en occuper. »

Tout le monde rit. Barb se pencha en avant, un coude posé sur la table. « C’est vraiment une chose que les femmes dans notre secteur industriel doivent gérer, que vous les gars n’avez pas », dit-elle. « On m’a refusée pour des emplois parce que je pourrais commencer à m’occuper d’un bébé. Vous savez quoi, ça craint. Si vous êtes un gars, ça n’arrive pas. »

« Hé, on le fait aussi », protesta Mark. « J’ai dû donner une pause à pleins de gars pour qu’ils aillent s’occuper de leurs enfants. »

« Trois mois ? » Lui demanda Barb.

« Ben… »

« C’est déjà assez dur de rester au niveau dans ce secteur quand on est une femme », dit Barb. « Personne ne pense que les femmes sont faites pour la technique, même aujourd’hui. » Son regard chercha brièvement Dar et Kerry. « Il faut que je vous dise que vous deux, êtes la raison pour laquelle j’ai candidaté ici. »

« On reçoit des critiques », répondit tranquillement Kerry. « Il y a beaucoup de gens qui pensent que Dar et moi ne devrions pas faire ce que nous faisons et il faut bien plus d’effort pour dépasser ça que vous ne le pensez. »

Mark les regarda tour à tour. « Vous me faites me sentir comme un abruti, juste parce que j’ai un chromosome Y dans le grand jeu du lancer de dés », protesta-t-il. « Hé ! Ce n’est pas notre faute ! C’est moi qui embauche le plus de femmes qui candidatent. Elles sont juste vraiment, vraiment rares ! »

Barb se radossa et hocha la tête. « Mark, je le sais bien. Vous devriez voir les regards que je reçois des autres femmes quand je leur dis ce que je fais. On dirait que je leur dis que je suis mécanicienne auto. »

Dar rit ironiquement. « Eh bien, étant donnés mes autres choix professionnels, ma famille a été très contente que je choisisse celui-là », dit-elle. « Mais j’aurais fait un piètre marin de toutes les façons. »

Mark se pencha en arrière. « Le prends pas mal, DR, mais ça aurait été une grande perte de neurones. »

« Oui », approuva Barb. « C’est sûr. »

Dar haussa modestement les épaules.

Quelqu’un s’approcha et s’éclaircit doucement la voix. Dar leva les yeux pour voir leur amie journaliste Elecia qui se tenait là, les mains derrière le dos et une expression hésitante sur le visage. « Ah. Bonsoir. »

« Salut », dit la femme. « Je sais que vous pensez probablement que je vous harcèle, mais il se trouve que je dîne ici. » Elle montra un coin du restaurant. « Ça vous ennuie si je pose quelques questions à votre groupe ? »

Dar l’étudia brièvement puis elle haussa les épaules et se retourna vers sa tablée. « Ça vous ennuie de parler à une journaliste ? »

Il y eut plusieurs réactions, allant de la méfiance à une attitude particulièrement alarmée.

« Hé, Relax », dit la journaliste en riant. « Je suis du Herald, pas d’un tabloïde », dit-elle. « Je couvre le travail que vous allez faire au quai et j’ai juste quelques questions sur des choses dont vous parliez. »

Kerry avait toujours ses doutes. Elle savait que Dar respectait cette femme mais après leurs expériences des quelques dernières semaines, aucun journaliste ne lui semblait digne de confiance, si même quelqu’un l’avait été. « Vous savez, Ms Rodriguez, ces gens ont vraiment travaillé dur ces derniers jours et ils vont le faire encore plus dans les prochains jours. Est-ce que c’est sympa de les déranger pendant un moment de paix, ici ? »

Rodriguez l’étudia. « Vous savez ce que c’est d’être journaliste, Ms Stuart ? » Répondit-elle sur le ton de la conversation. « C’est comme d’être accroc à tout. Vous n’en avez jamais assez. Vous en voulez encore, et encore et encore… chaque question en soulève une autre. »

Kerry attendit simplement, lançant son meilleur regard d’incompréhension.

La journaliste regarda Dar qui plia ses mains sur son estomac et se retint de répondre. Rodriguez haussa les épaules. « Non, ce n’est pas sympa et mon mari va me botter les fesses vu que c’est la première fois que je le vois de la semaine. » Elle se tourna vers la tablée. « A une autre fois, mesdames et messieurs. Bonne chance à propos. »

Sur ces mots, elle se retourna et partit, descendit les quelques marches et se glissa dans une banquette à demi cachée près de la fenêtre.

Tout le monde garda le silence un moment puis Carlos, qui avait été dans le local technique avec elle, s’éclaircit la voix. « Merci, Kerry », murmura-t-il. Tous ces trucs d’infos et de tournage commencent à être un peu usés. »

« Tu parles. » Kerry sympathisa. « On a ces gens dans nos pattes depuis des semaines. » Elle jeta un coup d’œil à la journaliste, puis regarda Dar. « Tu veux aller lui parler ? »

« Nan. » Dar semblait satisfaite de rester là où elle était. « J’ai entendu un sundae brownie chaud qui m’appelait. » elle tapota ses pouces et regarda la tablée. « Quelqu’un d’autre est intéressé ? »

L’atmosphère se détendit et tout le monde s’adossa, partageant les menus des desserts tandis que le serveur nettoyait la table de leurs assiettes du dîner. Kerry attendit que le bourdonnement de conversation monte et elle se rapprocha de Dar. « C’était une erreur ? »

Le regard bleu clair se tourna vers elle, réchauffé de l’intérieur tandis qu’il croisait le sien. « Pour eux ? Non, » répondit Dar.

« Pour nous ? » Persista Kerry.

Dar haussa les épaules. « Non. »

Kerry fronça les sourcils. Dar lissa le front de son pouce puis elle ébouriffa les cheveux de Kerry.

Oh bon. Kerry soupira intérieurement. Juste un autre jet de dés.

*************************

Dar entra dans le bureau de son secrétariat, vide à cette heure matinale et elle se glissa dans son propre espace refermant la porte derrière elle. Les fenêtres qui entouraient la pièce laissaient passer la lumière perlée de l’aube et elle posa un gobelet de café en polystyrène sur son bureau tandis qu’elle se laissait tomber dans son fauteuil et appuyait sur la touche de démarrage de son ordinateur.

Rien ne pouvait arriver à bord du navire jusqu’après le déjeuner. Aussi elle avait décidé de venir au bureau et de rattraper des trucs ici, avant qu’elle ne rejoigne Kerry sur le quai.

Tandis qu’elle attendait que son PC démarre, elle prit sa bannette de courrier arrivé et commença à passer son contenu en revue. Les rapports de sécurité étaient sur le dessus de la pile et elle les posa de côté pour les lire plus tard. Un rapport d’incident de deux pages à interligne simple suivit et celui-là elle l’étudia, la tête posée sur une main tandis qu’elle lisait.

Leur département de sécurité avait été minutieux. La nana de l’armée n’avait pas volé d’uniforme du tout et Dar souhaitait maintenant avoir montré la femme à leur manager de services. Elle avait travaillé pour lui après tout, candidatant pour un emploi le jour qui avait suivi le retour de Dar d’Orlando et avait passé les vérifications contraignantes.

Bien sûr. Elle s’était assignée elle-même à l’équipe de relève, commençant à midi et travaillant jusqu’à vingt heures. Qui aurait remarqué qu’elle restait un peu plus tard ? Combien de nuits avait-elle rôdé dans les couloirs, cherchant des petits bouts de preuves.

Et à ce sujet, se demanda Dar, pourquoi fouiller son bureau ? Elle regarda la grande pièce. Il n’y avait rien, absolument rien dans le bureau qui valait la peine d’être fouillé. Elle gardait les meubles verrouillés, mais seulement quand elle faisait de évaluations. Autrement l’objet le plus attirant dans son tiroir était la poignée de cœurs d’Hershey, déposés régulièrement par Kerry.

Dar détestait le papier. Elle n’imprimait rien si elle pouvait s’en passer et tout ce qu’elle faisait était stocké et verrouillé sur le serveur partagé sur le réseau. La morveuse de l’armée avait fouillé son bureau pendant des heures et n’avait rien trouvé de plus intéressant que le dessin à moitié terminé de Kerry dans son calepin, qui était posé ouvert dans le tiroir du centre de son bureau.

Alors, qu’est-ce qu’elle cherchait ?

Dar relut le rapport et elle ne put vraiment y trouver un défaut. A part d’exiger de la société de nettoyage qu’elle fasse le même niveau de sécurité gouvernementale qu’eux-mêmes faisaient sur leurs nouveaux arrivants…

Bon. Avec un léger mouvement de tête, Dar se tourna et ouvrit sa messagerie. Si c’est ce qu’ils devaient faire, alors il fallait le faire. Elle tapa une requête au service de sécurité et mit le président du sous-traitant de nettoyage en copie.

Puis elle retourna regarder les rapports. Eléanor avait produit une missive d’une seule page, admettant à contrecœur avoir identifié l’administrateur qui s’était connecté dans le PC en réserve. C’était une femme d’âge moyen, Mary Hingtanton, qui était chez ILS depuis quinze ans et près de la retraite.

Pourquoi s’était-elle connectée ? Si on en croyait Eléanor, ça avait été spectaculairement et stupidement simple. Elle avait commandé des déjeuners pour les membres de la direction et oublié la commande. Elle s’était connectée sur le réseau pour la récupérer de sa messagerie et puis elle avait oublié de se déconnecter.

Etait-ce vrai ?

 C’était très plausible. Dar connaissait Mary qui était une douce femme d’âge mûr avec un cœur d’or. Elle ne soupçonnait pas vraiment Mary d’être une complice de l’armée, mais tout semblait juste si… évident. Dar grogna les dents serrées et elle avala une gorgée de son café au lait.

Est-ce que ça avait été de l’opportunisme comme l’avait dit Mouser ? Dar ne voulait pas y croire. La coïncidence était juste trop forte pour qu’elle accepte la notion que la petite morveuse avait eu de la chance.

Avec un soupir, elle se remit à lire ses mails et composa une note pour Eléanor.

Eléanor -

Je suis sûre que Mary n’a rien fait volontairement. Essaye de voir si elle a vu quelqu’un d’autre dans la salle de pause pendant qu’elle était connectée. Je n’achète pas le fait que tout soit arrivé par un heureux accident.

Nous cherchons toujours quelqu’un qui s’est connecté dans ton secteur samedi. Est-ce que quelqu’un dans ton groupe serait susceptible de l’avoir fait ?

Dar

« Elle va adorer ça », murmura Dar. Puis elle retourna aux rapports et balaya le suivant qui venait de Duks. A nouveau, elle hocha la tête. Coïncidence, que quelqu’un ait approché un de ses collaborateurs avec une offre qu’ils ne pouvaient refuser, à ce moment précis ?

Tout ça semblait tellement improbable. Dar voulait connaître le dessein derrière tout ça, le fil qui les relierait tous et donnerait du sens, parce que là maintenant, il n’y en avait pas.

Les gens de l’armée, les auditeurs, la personne mystérieuse au marketing, les appareils cellulaires… les hackers… Dar se couvrit brièvement les yeux, le chaos lui faisant tourner la tête. Puis elle se frotta les yeux et s’installa pour répondre à ses mails, décidant de faire quelque chose qu’elle comprenait au moins.

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Ce n’était pas souvent que Kerry pouvait regarder le soleil se lever un jour de semaine à travers les portes coulissantes vitrées du complexe de maisons. Elle était étendue sur le canapé, le journal ouvert dans ses mains et une tasse de thé chaud et fumant tout près tandis que la lumière chaude et dorée s’étalait dans la pièce.

L’équipe ne serait pas au quai avant neuf heures, alors cela lui avait donné un peu de temps pour se détendre après que Dar fut partie et elle s’offrait une matinée de loisir au lieu de leur liste pleine de choses à faire. Elles avaient décidé de passer la gym vu que le pied de Dar la dérangeait vraiment et que Kerry ne s’était pas sentie d’humeur d’y aller seule, alors elle était là à passer la première page en revue avec plein de temps devant elle avant de partir.

C’était plutôt bon de ne pas être pressée. Leur agenda habituel ne la dérangeait pas mais après toutes les péripéties autour du quai et du bureau, c’était agréable de simplement se détendre une matinée. Elle lut les titres, prenant un moment pour lire un article sur un site préhistorique découvert pendant une excavation, puis elle passa à un sujet qui couvrait l’agrandissement de l’aéroport.

Elle s’était vraiment demandé si elle allait se retrouver dans la section business, mais rien ici de leur amie la journaliste, et en fait, aucune mention sur le quai du tout, ce qui la surprit beaucoup. Elle s’était attendue à le voir affiché partout, après tout on était en été et il n’y avait pas d’ouragan en préparation. Pourquoi le sujet n’était-il pas couvert ?

« Hm. » Kerry se fit une note d’appeler leur amie journaliste. Peut-être qu’elle pourrait arranger les choses de la veille au soir et obtenir des informations ce faisant. Dans l’intervalle, elle leva sa tasse et sirota le contenu, savourant le thé à la mûre et le goût riche du miel qu’elle y avait ajouté.

Chino était blottie au bout du canapé juste près de ses pieds, très heureuse du fait que Kerry lui tienne compagnie. Celle-ci lui tapota une patte de ses orteils dénudés tandis qu’elle passait à la partie importante du journal, les bd.

Comment ce serait, si elle pouvait faire ça tous les jours ? Pas lire le journal, mais se détendre à la maison et ne pas avoir à aller travailler ? Kerry mit de côté l’image de Dogbert tandis qu’elle réfléchissait à ça. « Hm. » Elle fit un peu la moue. « Ce serait sympa, pendant deux jours, Chi. »

« Growf. »

« Oui, deux jours, après je pèterais les plombs. » Kerry secoua la tête et retourna à ses dessins. Dar lui avait dit un jour que ça ne la dérangerait pas que Kerry reste à la maison et elle ferait quoi ? Vendre des coquillages ? Ou bien écrire de la poésie ou va savoir quoi.

Mais elle savait, en plus de ce qu’elle ressentirait si Dar la soutenait, que vivre une vie d’isolement ici n’était pas dans ses perspectives. Elle était une créature sociale et elle aimait l’interaction avec les collègues et ses amis chaque jour.

En fait, elle se demanda si Dar choisirait un style de vie moins interactif, parce que sa compagne était bien plus solitaire qu’elle ne l’était elle-même. Elle soupçonnait Dar de s’être habituée à avoir des gens autour d’elle et que ça lui manquerait si elle changeait de vie.

C’est sûr ? Kerry laissa tomber le journal sur sa poitrine et regarda par-dessus, le soleil qui accrochait la poussière dans l’air. Ou est-ce que Dar avait sacrifié son confort naturel dans l’isolement comme une contrepartie de leur relation, en fonction des souhaits plus sociaux de Kerry ?

Hm. Kerry se demandait maintenant si elle devait s’inquiéter à ce sujet. Est-ce que ça ne serait pas trop dur pour Dar un de ces jours ? Ou bien sa compagne considérait-elle que ça en valait la peine ? « Eh bien, je pourrais le lui demander », murmura-t-elle. « Ou bien est-ce qu’elle prendrait peur si je lui demandais ? »

Non, décida-t-elle après un moment. Dar ne prendrait pas peur si je lui demandais et elle se résolut à le faire dans un futur très proche. Avec un léger hochement de tête, elle prit le journal et retourna à sa lecture.

Mais elle le reposa alors que son téléphone sonnait. Avec un regard tolérant, elle le prit et répondit, sans même regarder le nom de l’appelant. « Kerry Stuart. »

« Mm. Tu es formelle, gronda Dar doucement. « J’aime bien ça. »

Kerry remua les orteils. « Salut. » Elle se demanda, comme elle l’avait déjà fait, si Dar n’était pas un peu voyante parce qu’elle semblait toujours appeler quand Kerry pensait fortement à elle. « Qu’y a-t-il ? »

« Rien. »

« Rien ? » Répéta Kerry. « Alors… »

« Je voulais juste t’appeler » dit Dar. « Maria vient de me dire qu’elle est malade et c’est trop tranquille ici. »

Kerry regarda autour d’elle. « C’est plutôt tranquille par ici aussi », dit-elle. « Chi dort sur le canapé et je lis les bd. Tu as fini tes dossiers ? »

« Pratiquement. Je vais aller parler à Duks dans quelques minutes, trouver ce qui s’est passé avec son auditeur. Mark a rendez-vous aujourd’hui avec les types qui ont inventé ce truc cellulaire. »

« Ah oui ? » Kerry étendit ses jambes, arquant un peu son dos. « Tu veux rester là-bas et leur parler ? C’était un sacré bidule. »

Après un moment de silence, Dar grogna. « Non… Mark sait quoi demander », dit-elle. « Je souhaite juste qu’on puisse relier tout ça… je ne vois pas comment chaque truc est connecté. »

« Tu veux dire tout ce truc qui est arrivé ces deux dernières semaines ? »

« Oui. »

Kerry réfléchit. « Et si ça ne l’était pas ? » Suggéra-t-elle.

« Tu veux dire qu’on a eu douze problèmes juridiques différents en deux semaines et aucun d’entre eux n’a de lien avec les autres ? » Dar haussa la voix sur la fin de sa phrase avec un peu d’incrédulité.

« Et bien ? » Kerry sourit. « Chérie, si tu ne peux pas voir de connexion peut-être qu’il n’y en a pas. »

Dar soupira de manière audible.

« Est-ce que ce type de l’armée t’a contactée ? » Demanda Kerry.

« Il a laissé un message hier », dit Dar. « J’allais l’appeler juste avant de partir… ça me donne une raison de ne pas parler trop longtemps. »

« Bon plan », dit Kerry. « Hé, regarde les choses comme ça. Il est visiblement intéressé par le nouveau truc sur lequel tu travailles. Pourquoi ne pas le lui vendre ? »

Dar grogna. « Il n’est pas prêt. »

« Alors, dis-lui. »

« Je ne veux pas le lui vendre », répondit Dar. « Il est entré dans notre bureau par effraction. Pourquoi je lui donnerais ce qu’il veut ? » Demanda-t-elle d’un ton plaintif.

Kerry soupira. « Parce qu’il est prêt à payer pour ça, et si ce truc du navire est voué à l’échec, comme toi et moi nous y attendons, nous aurons besoin de quelque chose pour remplir le trou. »

« Hmmph. »

« Réfléchis-y. »

« Le truc du navire va marcher », répliqua Dar. « Ça va juste être pourri. »

Kerry fixa pensivement le plafond. « On va le faire marcher, Dar… mais j’ai regardé les chiffres hier et étant donné nos coûts, il y a peu de chance qu’on propose l’offre la moins chère. »

« On pourrait éviter ça. »

« Et faire comme Télégénics ? » Répliqua Kerry un peu brusquement. « Non merci, Dar. Si nous gagnons, je veux que ce soit légitime, pas en faisant du dumping. »

Dar garda le silence un bref moment puis elle rit. « D’accord, je vais parler à face de chien », dit-elle. « On va trouver quelque chose. Tu as besoin de quelque chose d’ici ? »

« Toi. »

« A part ça. »

Kerry réfléchit. « Mon portefeuille de projets, en fait. Il est dans le premier tiroir de mon bureau. »

« C’est comme si c’était fait. A tout de suite, Ker. »

« A tout à l’heure. » Kerry referma le téléphone et le posa sur son estomac. Elle laissa le journal tomber sur la table basse et ferma les yeux, laissant ses pensées voyager, se concentrant sur ce qu’avait dit Dar et ce qu’elle n’avait pas dit.

***********************************

Dar descendit en boitant le couloir qui connectait son bureau à celui de Kerry et ouvrit brusquement la porte du bureau de sa compagne. La pièce était tranquille comme elle s’y attendait, et elle alla directement s’asseoir derrière le bureau.

A l’inverse du sien, le bureau de Kerry était couvert d’un nombre important d’objets personnels. Alors qu’elle n’avait que ses poissons combattants et sa bannette de courrier arrivé, Kerry avait plusieurs petits animaux en céramique, quelques babioles qu’elle avait rapportées de leurs vacances et des photos.

La plus grande était une photo complètement peu professionnelle de Dar et elle lui lança un bref coup d’œil tandis qu’elle se reculait en roulant pour ouvrir le tiroir. Une autre était d’elles deux à l’arrière du Dixie et sur la troisième, elles étaient toutes les deux avec ses parents sur le quai.

Les photos étaient positionnées de telle façon que Kerry pouvait lever les yeux de son écran pour les regarder et Dar l’avait souvent vue faire ça, comme si elle reposait un peu son esprit pour se concentrer sur les choses qui, pour elle, étaient les plus importantes dans sa vie.

Dar le faisait aussi mais elle gardait les photos sur l’écran de son pc et de son portable, plutôt que sur son bureau.

Pourquoi ? Dar prit le dossier fin en cuir dans le tiroir et s’interrompit, ses avant-bras sur le buvard du bureau tandis qu’elle observait les photos.  Est-ce que Kerry pensait qu’elle était embarrassée et ne voulait pas que leur relation soit autant publique ?

Avec un léger froncement de sourcils, Dar commença à se relever, s’arrêtant quand la première porte s’ouvrit et que Mayté entra. « Ah. » Elle regarda la jeune femme sursauter de surprise. « Désolée. Bonjour. »

« Oh ! Ms. Dar ! » Bafouilla Mayté. « Je ne m’attendais pas à vous ici ! »

Dar leva le dossier. « Je venais juste chercher quelque chose pour Kerry. Comment va ta maman ? »

Mayté s’approcha, regardant Dar avec un peu de trépidation. « C’est la grippe, je pense », dit-elle tristement. « Ce qui signifie que mon papa et moi allons probablement l’attraper. Pauvre Mama ! »

La grippe. Beuh. « Elle a besoin de quelque chose ? » Demanda Dar. « Si c’est le cas ou bien si tu as besoin d’aller chercher des trucs pour elle, prends ta journée. C’est un ordre. »

Mayté sourit timidement. « Je pense que ça va pour le moment, merci », répondit-elle. « Mais je vais lui dire que vous avez dit ça, ça va lui faire plaisir de l’entendre. Elle se sent mal à l’aise de rester à la maison aujourd’hui. »

« Pourquoi ? » Dar contourna le bureau en boitant. « C’est pour ça qu’on a des jours de maladie. Dis-lui de prendre tout le temps qu’il faudra… personne n’a besoin de venir quand il se sent miteux. »

Mayté regarda son pied blessé, puis elle regarda Dar, clignant innocemment des yeux. « Si, je vais lui dire ça. »

« Je ne compte pas », marmonna Dar en se dirigeant vers la porte.

« Ms Dar, vous avez vraiment sauvé Kerry d’un requin ? »

Dar s’arrêta au milieu d’un mouvement, se retournant avec la main sur la poignée de porte. « Hein ? »

« Ils en parlaient dans la salle de pause à l’instant. » Mayté rougit légèrement. « Que vous aviez sauvé Kerry d’un requin et que c’est comme ça que vous avez blessé votre pied. »

Un requin? Dar regarda son pied par réflexe. « Heu… »

« C’est très courageux de votre part », dit Mayté. « Il était très gros ? »

Et bien. Dar regarda l’expression respectueuse, presque d’adoration sur le visage de Mayté. Théoriquement, ça aurait pu être un requin, pensa-t-elle. « C’est arrivé trop vite », temporisa-t-elle. « Je n’ai pas vraiment pu voir s’il était gros. »

« Ouaouh. »  Mayté sourit.

Dar ouvrit la porte. « Si tu as besoin de nous, nous serons au quai. » Elle décida de changer de sujet. « D’accord ? »

« D’accord. » Mayté hocha la tête. « J’espère que vous aurez de la chance aujourd’hui. »

« Moi aussi. » Dar passa la porte et remua le dossier pour la saluer puis elle referma derrière elle.

Un requin. Elle secoua la tête en se redirigeant vers son bureau. Eh bien, au moins c’était positif pour une fois, mais elle ne put s’empêcher de se demander comment les choses avaient pu déraper autant.

Peut-être que Kerry saurait.

*********************************

Kerry réalisa que son téléphone sonnait à nouveau et elle ouvrit les yeux, son esprit bataillant pour se réconcilier avec le changement de lumière dehors tandis qu’elle ouvrait son mobile. « Allo ? » Elle s’éclaircit la voix, un sentiment de désorientation la recouvrant.

« Hé. Où es-tu ?” Demanda Dar. « Ici quelque part ? »

Kerry roula à demi et chercha l’horloge. « Oh merde. » Il était neuf heures trente.

« Je vais prendre ça pour un non. » Sa compagne se mit à rire. « Je me disais bien que je ne voyais pas ta voiture sur le parking. »

« Seigneur. Je me suis rendormie sur le canapé. » Kerry se leva en balançant ses jambes pour se relever. « Donne-moi dix minutes et je serai en route. » Elle se frotta le visage, essayant de retrouver un peu de vivacité. « Je ne peux pas croire que j’ai fait ça, Bon Dieu. »

« Ker, détends-toi. »

« Ça t’apprendra à me laisser toute seule ici. » Kerry se leva et se dirige avers la salle de bains. « Il faut que je me passe de l’eau froide sur le visage. Reste en ligne. »

“KERRISON!”

Kerry s’interrompit. « Oui ? »

« Tu veux bien te calmer ? Prends ton temps. Il n’y a pas foule ici pour le moment. » Dar rit. « Si tu t’es rendormie, c’est probablement parce que tu en avais besoin. Arrête de flipper. »

« Je ne flippe pas. » Kerry alla péniblement dans la salle de bains et jeta un regard noir à son reflet fripé. « Je déteste juste être une idiote ! »

« Tu n’es pas une idiote. »

Kerry soupira. « D’accord. Laisse-moi retrouver mes esprits et sortir d’ici. On se voit très vite. » Elle raccrocha et se retourna, jetant son mobile sur le lit à vagues avant de remplir le lavabo et d’y mettre ses mains en coupe, s’envoyant une grande quantité d’eau sur le visage. « Seigneur. » Elle prit une serviette bleue légère et cotonneuse de la barre et s’essuya.

Elle se sentait un peu vertigineuse et elle se rendit compte qu’elle avait été profondément endormie depuis l’appel de Dar. Au bord de sa mémoire, elle pensa détecter des bouts d’un rêve bizarre mais rien de concret ne lui vint à l’esprit et elle ne ressentait pas d’inconfort résiduel, comme ça aurait été avec un cauchemar.

D’accord. Elle se passa les doigts dans les cheveux, légèrement humides. Dar avait dit qu’il ne se passait rien alors elle avait le temps de boire une tasse de café et de ne pas se sentir aussi décalée. Comme dit, elle se dirigea vers la cuisine, s’arrêtant pour laisser sortir Chino tandis qu’elle allait vers la cafetière.

Tandis qu’elle attendait que l’eau coule, elle descendit l’écran plat et appela sa messagerie, passant en silence les nouveaux messages tandis que la cuisine s’emplissait de l’odeur du café frais. Dar aimait écouter ses mails lus par l’objet mais Kerry préférait le visuel, même si le petit clavier était difficile d’usage.

Elle n’aimait juste pas donner des ordres à une machine. Ça lui semblait étrange.

Elle ouvrit le premier mail, réfrénant un bâillement du dos de sa main, puis elle jura quand elle entendit son mobile sonner à nouveau. « Fils de biscuit. » Elle fonça vers la chambre, contournant le canapé à toute vitesse et plongeant sur le lit à vagues tout en rampant pour attraper le téléphone. « Allô ? »

« Salut sœurette, » répondit la voix de sa sœur Angie.

« Salut. » Kerry roula sur le côté. « Qu’est-ce qui se passe ? Tu vas bien ? »

« Pas vraiment. Andrew et moi on part d’ici », lui dit Angie. « Tu vois un endroit où on pourrait vite s’installer ? Je pensais à la Virginie, avec mes amies de lycée mais c’est juste trop bizarre. »

Kerry se gratta l’oreille et réfléchit profondément. « J’ai parlé aux gérants de la résidence de mon ancien appartement, ils ont un trois-pièces… est-ce que Brian vient aussi ? »

Un silence. « Je ne sais pas », répondit Angie d’un ton malheureux.

Seigneur. « D’accord, et bien c’est une résidence agréable et le gérant a dit qu’il avait deux appartements à louer très rapidement. Tu pourrais l’utiliser jusqu’à ce que vous… jusqu’à ce que vous décidiez ce vous voulez faire », dit Kerry. « Je peux m’en occuper pour toi si tu veux. »

« C’est un endroit sympa ? »

Kerry réfléchit. « J’ai vécu là-bas », dit-elle. « Oui, c’est haut de gamme, beaucoup de professionnels vivent là-bas. C’est entouré d’une clôture avec un portail et beaucoup d’endroit pour le développement des enfants. » Elle se demanda soudainement si Angie s’était attendue à ce qu’elle les invite à venir vivre avec Dar et elle.

Seigneur. Elle espérait que non, pour un grand nombre de raisons très égoïstes.

« Ça me parait bien », répondit Angie après un long soupir. « Je ne sais pas si je peux faire ça. »

« Je l’ai fait », lui rappela Kerry.

« Toi c’est toi », répliqua sa sœur. « Et tu n’as pas de bébé. »

Kerry saisit l’omission. « Est-ce qu’il garde… » Andrew avait une sœur aînée, une jolie petite fille dont elle avait de très vagues souvenirs.

« Oui », dit Angie. « Il… et bien, Andrew n’est pas son fils, tu le sais. »

« Salaud. »

« Eh bien, oui. » Une faible tentative pour faire de l’humour. « C’est ça le problème », dit-elle. « Et peut-être que je suis morose ou bien…  Brian pourrait me surprendre et venir aussi. Il n’a pas dit non, juste qu’il avait des trucs à régler. »

« Seigneur. »

« Oui », murmura Angie. « Désolée, je n’avais pas prévu de t’imposer ça, Ker. Je sais que tu dois être occupée. »

Kerry lissa le couvre-lit froissé. « En fait, je suis à la maison en ce moment. Je… bon, bref, dis-moi ce que je peux faire pour toi, Angie. Dis-le-moi et je m’en occuperai. Tu descends en voiture ? »

« Je ne sais pas encore », dit sa sœur. « Je détesterais devoir faire ce trajet avec un bébé. Je vais attendre un jour ou deux et voir ce qui se passe avec Brian. Peut-être qu’on prendra l’avion et qu’on louera une voiture en arrivant… tu es malade ? »

« Non… j’ai juste eu… heu… quelque chose à régler. Je pars dans un petit moment… mais écoute, garde-moi dans le circuit, d’accord ? »

« D’accord. » Angie semblait soulagée. « C’est agréable de savoir qu’on a un endroit où aller. Tu penses que Brian va avoir des difficultés à trouver du travail ? Il s’en sort vraiment bien avec le cabinet d’avocats », demanda-t-elle. « Je pense que je peux trouver un job à mi-temps. »

Brian était un partenaire junior et Kerry sentait que ça allait bien se passer pour lui. S’il décidait de rejoindre Angie, bien sûr. Elle trouvait difficile d’imaginer qu’il allait l’abandonner. Ce n’était pas le Brian dont elle se souvenait des jours passés à grandir avec lui. Il avait vécu dans l’ombre de son frère aîné mais il avait un bon fonds… elle ne pensait pas que… ou ne voulait pas penser que cela avait disparu. « Je pense que ça va aller », rassura—elle sa sœur. « Ne t’inquiète pas, sœurette. Tout va bien se passer. »

Angie soupira à nouveau. « Mon alternative, c’est de rentrer à la maison. »

C’était absolument le choix zéro, aucune chance avec cette option pour elle. « Hm », murmura Kerry. « Et bien, c’est une grande maison, Angie, et il n’y a plus que maman maintenant. »

« Je sais », dit Angie tranquillement. « Elle veut que je vienne vivre là-bas, mais Ker… je ne peux pas. Je ne pourrai pas supporter ce regard de pitié chrétienne sur moi en permanence. »

« Oui. » Kerry hocha la tête. « Je vois ce que tu veux dire. »

« Je savais que tu comprendrais. »

Kerry la comprenait avec une sympathie en elle qui la frappait dans les tripes. « Oui. Alors détends-toi, parle à Bri et prends la meilleure décision que tu peux, Ang. On règlera tout quand tu seras là. »

« Merci, Kerry », répondit Angie chaleureusement. « Je t’aime. »

« Moi aussi, soeurette. On se reparle plus tard. » Kerry raccrocha puis roula rapidement hors du lit juste au cas où son corps souhaiterait renouveler son tour de tout à l’heure. Elle jongla avec le téléphone dans sa main tandis qu’elle retournait dans la cuisine, enfouie dans ses pensées.

Parfois, songea-t-elle sobrement, il fallait l’infortune de quelqu’un d’autre pour vous ramener dans votre réalité qui n’en contenait pas.

Hm.

*************************************

A suivre Chapitre 25

 

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Commentaires
F
La fin la fin, oh patience. Encore une loooongue histoire de Missy et pas beaucoup de temps pour traduire mais je m'y attelle volontiers. Merci à vous
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H
Heureuse d'avoir pu lire cette suite, et hâte de connaître la fin de cette aventure.<br /> <br /> Merci Fryda pour cette traduction qui sans toi , on ne connaîtrait pas cette merveilleuse fiction.
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P
Coucou merci pour cette suite, hâte de lire la suite de leurs aventures et de savoir comment va se terminer ce contrat
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F
Grâce à la sncf, je lis ton commentaire, Isis. Merci
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I
Je suis de retour pour profiter de ce merveilleux blog(merci kaktus!) pour découvrir ses fanfics originales(Gaxé) ou traduites(merci fryda,je lis immédiatement ce nouveau chapitre :-).<br /> <br /> Merci à toutes!<br /> <br /> Isis.
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