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  • Vous trouverez ici des Fans Fictions francophones et des traductions tournant autour de la série Xena la Guerrière. Consultez la rubrique "Marche à suivre" sur la gauche pour mieux utiliser le site :O) Bonne lecture !!
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1 avril 2022

La noirceur du matin chapitre 2

La noirceur du matin – Tome 14 – Melissa Good

 

Xena et Gabrielle se sont installées à Amphipolis et profitent de leur nouvelle fille, Doriana.

Mais est-ce bien le cas ? La vie est, comme Gabrielle le sait bien, une série de compromis. Pour obtenir une chose, il faut souvent renoncer à une autre.

 

Chapitre 2

Le chariot qui les précédait souleva un petit nuage de poussière et Gabrielle ralentit volontiers Hercule alors qu'elles laissaient la caravane les devancer. Le déjeuner était déjà bien avancé et ses jambes commençaient à se faire sentir, mais elle se taisait, déterminée à ne pas laisser un mot de plainte passer ses lèvres.

Toutes les douleurs en valaient la peine, décida-t-elle en sortant une autre pomme de son sac et en la donnant à la femme silencieuse à côté d'elle. Xena profitait apparemment du trajet, une légère rougeur sur sa peau due au soleil faisait ressortir les reflets sombres de son bronzage et la brise rejetait ses cheveux noirs en arrière, exposant son profil acéré aux yeux appréciateurs de Gabrielle.

"Merci." Xena tourna la tête à moitié et fit un sourire à la barde. "Ooh... tu vas avoir besoin de l'aloès ce soir, ma barde." Elle jeta un coup d'œil à la chemise bleu pâle et légère de son âme sœur et aux leggings d'équitation souples qu'elle portait. "Heureusement que tu as décidé de ne pas porter ton autre tenue."

Gabrielle grimaça, sentant la peau se tendre douloureusement autour de ses yeux. "Ouais... on dirait bien... est-ce que j'ai l'air d'un homard ?"

Xena posa sa pomme entre ses cuisses et passa la main derrière elle, pour récupérer son kit de guérison. Elle fouilla à l'intérieur, puis sortit un paquet de quelque chose, qu'elle ouvrit et s'enduisit les doigts avec. "Viens ici."

La barde poussa son étalon plus près, sentant la chaleur entre les deux chevaux alors qu'elle se rapprochait, et se pencha pour laisser sa compagne étaler la lotion au parfum vif sur son visage. "Mm... J'aime cette odeur."

Xena traça doucement ses pommettes, du bout du doigt. "Je sais... et tu es juste un peu rose, c'est tout." l'informa-t-elle. "Mais il fait chaud ici, à l'air libre... Je suis contente qu'on ait laissé Ares à la maison."

"Mm.. Je parie qu'il ne l'est pas... Dori lui a probablement mâché la moitié de la queue maintenant." Gabrielle se redressa et éloigna un peu son cheval, en tapotant son cou humide. "Ils sont vraiment bien dressés... je suis surprise."

Un sourcil sombre se leva. "Tu es surprise ? Même en sachant que je les ai entraînés ? Gabrielle, je suis blessée." Elle récupéra sa pomme et la croqua, laissant un jet de jus voler dans l'air, puis se redressa, laissant le tissu serré de sa chemise beige se tendre sur ses épaules avant de redescendre détendue et de remettre ses bottes dans les étriers de Iolaus. Les leggings confortables qu'elle avait choisi de porter empêchaient la nouvelle bride de l'étalon de frotter sur ses jambes et elle ressentit une poussée de bien-être animal, alors qu'elle regardait la campagne vallonnée. "Nous avons bien avancé."

"Mm." Gabrielle était d'accord. Elles avaient traversé six villes jusqu'à présent, sur la route qui allait vers le nord-ouest, toutes semblant paisibles et tranquilles. Elles avaient entendu des rumeurs de problèmes loin au nord, mais la plupart des gens se concentraient sur le présent et laissaient le futur s'inquiéter de lui-même. Ce qui était stupide, pensait-elle. Aucun problème ne s'est jamais guéri tout seul si on le laisse couver.

"Tu veux faire un détour par Potadeia ?" demanda tranquillement Xena.

Gabrielle considéra la question sobrement. Bien que sa mère et sa sœur lui aient rendu visite il y a quelques mois, les choses étaient toujours un peu tendues entre elles depuis qu'elles avaient eu un aperçu des complications de sa vie. Les gens et les animaux autour de sa ville natale avaient souffert, et il n'y avait aucun moyen pour elle de ne pas en prendre la responsabilité. "Sur le chemin du retour". Décida-t-elle finalement, en jetant un coup d'œil à son âme sœur. "J'ai reçu une lettre de Lila à la dernière lune... tout va bien."

"Très bien." Répondit Xena avec douceur. "J'ai pensé que tu voudrais juste dire bonjour... leur donner une chance de te souhaiter un bon anniversaire". Elle se racla la gorge doucement. "Puisque c'est aujourd'hui."

La barde laissa échapper une courte inspiration surprise. "Comment fais-tu pour t'en souvenir avec autant de précision ? Je dois y réfléchir, compter les jours six fois et lire les étoiles." se plaignit-elle, plus pour lui donner un moment de réflexion qu'autre chose. "Mais merci de me le rappeler".

Xena haussa les épaules. "Quand tu veux." Elle laissa le silence reposer entre elles pendant un moment. "Alors... tu veux quelque chose de spécial pour ton anniversaire, puisque tu n'as pas voulu de fête cette année ?"

"Oh.... " souffla Gabrielle. "Voyons voir... du saumon, ce serait bien." Elle leva un sourcil vers son âme sœur qui souriait maintenant. " Et si tu trouves des baies fraîches, j'en farcirai le saumon... et si tu es vraiment, vraiment bonne... je sortirai les pâtisseries aux framboises que maman m'a données avant notre départ. "

"C'est un cadeau pour toi ou pour moi ?" rigola Xena.

Un cri devant eux attira leur attention et elles jetèrent un coup d'œil sur la route, repérant la caravane qu'elles suivaient, maintenant à l'arrêt. "Uh oh." murmura Gabrielle. "On dirait qu'ils ne peuvent plus avancer... Allons voir si nous pouvons les aider."

Xena guida son cheval près celui de son âme sœur. "Tu sais, la plupart des gens les contourneraient, Gabrielle... des chariots se cassent tous les jours."

Des yeux verts se tournèrent vers elle. " Oui, mais nous ne sommes pas la plupart des gens, Xena... en fait, je pense qu’on pourrait se considérer comme... um....... "

"Des corps entrainés pour aider les autres... ?" La guerrière termina sa phrase d'un air ironique. "Allons-y." Elle donna un coup de genou à Iolaus pour qu'il se mette à trotter et elles s'approchèrent de la caravane arrêtée, repérant un groupe d'hommes debout en demi-cercle qui se criaient dessus avec colère.

"Ecoute-moi bien, espèce d'idiot... Je t’avais dit que ce wagon était trop lourd... maintenant regarde le résultat ! Tu as cassé l'essieu... Qu'est-ce qu'on va faire ?"

"Tais-toi, crétin... ce n'est pas ma faute... c'est à cause de toute ta merde dans ce chariot, et tu peux commencer à la sortir, et la porter toi-même !"

"Excusez-moi." Xena se détendit sur sa selle.     

Les deux hommes la regardèrent. "Occupez-vous de vos affaires, madame." Dit l’un des hommes avant de se retourner vers son partenaire. "Tu peux embrasser mon cul poilu, Ellis... Je ne bougerai rien de ce chariot... C'est ta faute pour l'avoir acheté à ton « super ami » de Potadeia."

"Excusez-moi." Xena essaya à nouveau.

Le deuxième homme, qui était plus près d'elle, se retourna. "Ecoutez, madame... il vous l’a dit... occupez-vous de vos affaires et partez d'ici !"

Xena lui donna un coup de pied violent dans l'épaule et l'envoya voler contre le chariot. Elle attendit que les oiseaux cessent de voler au-dessus de sa tête, puis se racla la gorge. "Premièrement, l'essieu n'est pas cassé, tu as juste perdu la roue d'un côté. Et deuxièmement..." Elle se pencha vers eux et leur lança un regard froid. "Je ne suis pas une dame."

Gabrielle en avait profité pour descendre, se tenant à la selle d'Hercule tandis qu'elle redressait lentement son dos et ses jambes. "Oof." Marmonna-t-elle, en grimaçant. "Comment as-tu pu la laisser te convaincre de faire ça, Gabrielle ? Tu es censée être celle qui parle, tu te souviens ?" Elle boitilla sur le côté du cheval, s'accrochant à sa bride, pour voir son âme sœur donner des coups de pied à l'un des commerçants. "Eh bien... certaines choses ne changent jamais, n'est-ce pas ?"

Elle s'avança rapidement et tendit à Xena les rênes de son cheval. "Bonjour." Elle se plaça entre sa compagne renfrognée et ces hommes. "Je m'appelle Gabrielle... Y a-t-il quelque chose que nous puissions faire pour aider ?" demanda-t-elle, calmement. "Je vous ai entendu mentionner Potadeia... Je suis de là-bas."

L'homme qui avait reçu un coup de pied se leva et brossa ses vêtements, jetant un regard sombre à Xena. "Seulement si tu peux nous indiquer une direction à prendre qui ne mène pas vers ces voleurs à cheval". lui dit-il, bourru avant de lever les yeux vers Xena. "A moins que tu ne sois l'une d'entre eux, bien sûr."

Un sourcil sombre se leva. "Non, je n’en suis pas une." répondit Xena sèchement. "Ils n'ont pas l'habitude de se déplacer en groupe d'un seul."

"Hey." La barde lui lança un regard.

"Un et demi." Répondit la guerrière, avec un léger sourire. "Désolée."

L'autre commerçant se détendit un peu. "D'où venez-vous... Potadeia, tu as dit ? Je ne me rappelle pas t'avoir vue au village." Il regarda le visage de Gabrielle avec méfiance.

"Non... enfin, je suis de là-bas à l'origine" expliqua Gabrielle. "Mais je vis à Amphipolis maintenant... Est-ce qu’il y a eu des problèmes sur les routes du village ? Cela expliquerait les problèmes dont parlaient certains marchands au festival, Xena... ". " Elle se tourna pour regarder son âme sœur et manqua les regards des deux hommes.

" Xena ? " répéta le deuxième homme, en reculant d'un pas. "Pas LA Xena ?"

Des yeux bleus et verts se rencontrèrent avec perplexité, puis la guerrière lui lança un regard. " Eh bien, je suis la seule que je connaisse. " répondit Xena, lentement. "Pourquoi ?"

"Grande Héra... nous pensions que tu n'étais qu'une légende... tu veux dire que tu es vraiment réelle ?" déclara le premier homme, incrédule.

 

Les sourcils sombres de Xena se froncèrent complètement. "Bien sûr que je le suis... Mais de quoi parlez-vous ? Quelle légende ?" Elle jeta un regard à Gabrielle, qui leva les deux mains en signe de perplexité.

"Ne me regarde pas... J'étais à la maison à Amphipolis l'année dernière... pas en train de répandre des histoires sur toi, partenaire." Protesta la barde. "J'admets avoir fait ma part avant ça, mais..."

Les deux hommes se rapprochèrent. "C'est exactement ce que nous avons entendu, dans les régions où ces satanés bâtards tuent tout... les gens là-bas disent qu'un jour, Xena viendra de l’est à cheval et les chassera tous de la terre et de la mer." Il se tourna vers son compagnon. "Pas vrai ?"

"Exact" confirma l'homme. "Et aujourd’hui... tu es là... dans cette direction !"

Xena les fixa, puis expira, se déplaçant sur sa selle en essayant de trouver un moyen de crier sans faire de bruit. "Fils de bacchantes". Murmura-t-elle finalement. "Ils m'ont transformée en une sorte de... de..."

"Héros." Répondit Gabrielle en retenant un sourire. "Imagine ça."

"Ne commence pas." Xena pointa un doigt sur elle. "Je ne suis pas une sorte de fichu héroïne sortie tout droit du folklore." Elle jeta un regard furieux aux deux hommes. "Où avez-vous entendu tout ça ?"

Les deux hommes se regardèrent. "C'est..." commença l'un d'eux.

"Partout... vraiment... dans tout le nord-ouest... on n'a pas arrêté de l'entendre jusqu'à ce qu'on arrive ici." Termina la second. "On pensait que c'était... Je veux dire... ça semblait si..."

"Oui." Expira Xena, visiblement troublée. "Bon, vous voulez de l'aide pour remettre la roue ou pas ?" demanda-t-elle, sans ménagement. "Et vous pouvez aller dans le sud-est... c'est plus calme là-bas."  Elle libéra ses pieds de ses étriers et passa une jambe par-dessus le cou de Iolaus, glissant sur son grand côté pour atterrir sur le sol avec un bruit sourd audible.

Elles aidèrent les deux marchands à réparer leur chariot, ou plus précisément, Xena plaça ses épaules sous l'essieu, et cala ses jambes, supportant le poids du chariot suffisamment longtemps pour que Gabrielle les aide à remettre la roue en place. "C’est bon." Leur dit la barde. "Xena a raison... si vous vous dirigez vers Amphipolis, je pense que vous éviterez les ennuis."

"Merci, jeune fille... "Le plus âgé des deux lui fit un signe de tête. "Et merci à vous, m'dame." Il fit un signe de tête respectueux à Xena. "Nous suivrons vos conseils... Viens, Adric."

Le chariot s'éloigna en grinçant, laissant les deux femmes debout sur la route. Xena posa ses deux poings sur ses hanches et laissa échapper un soupir de dépit. "M'dame ?" Elle lança un regard plaintif à Gabrielle. "Dis-moi que ce n'est pas en train d'arriver".

Gabrielle se frotta la mâchoire et s'appuya contre son âme sœur. "Chérie..." Elle tapota doucement le ventre de la guerrière. "Ecoute... les gens inventent des histoires quand ils ont les pires problèmes... peut-être parce que c'est tout ce qu'ils ont... croire que quelqu'un va venir les sauver."  Elle hésita, voyant la tempête d'émotions qui tourbillonnait sur le visage de Xena. "C'est ce que j'ai fait."

Lentement, les yeux bleus glacés se fixèrent sur son visage.

"C'est ce qui m'a permis de continuer... en imaginant quelque chose de mieux." Dit la barde, calmement. "Et tu sais quoi ? "Elle leva une main et caressa la joue anguleuse. "Mon rêve est devenu réalité."

Xena cligna des yeux, et ses lèvres se crispèrent. "Je ne peux pas réaliser les leurs, Gabrielle... Je ne suis pas la personne qu'ils pensent que je suis." Sa voix était légèrement rauque.

La barde posa ses deux mains à plat sur le ventre de sa compagne et s'appuya contre elle. "Je pense que la personne que tu es est plus que capable de trouver une solution à toute cette histoire".

Xena regarda au plus profond d’elle-même pendant un long moment, puis elle posa ses mains sur les épaules de Gabrielle. "Tu crois ?" Il y avait une note touchante d'insécurité dans sa voix, une note que la barde savait être la seule personne à pouvoir entendre.

"Je le sais." Gabrielle lui sourit chaleureusement. "Allez, héroïne... nous avons un lac à trouver... et peut-être qu'ils ont juste exagéré... tu sais comment ça commence." En privé, elle n'était pas de cet avis, mais ne voyait aucune raison d'ébranler davantage son âme sœur. Elle donna à Xena une tape sur les fesses. "En plus... tu me dois un massage, mes jambes me font souffrir."

Rien de tel que de mentionner son inconfort pour sortir Xena de son anxiété et ça marcha. La guerrière lui adressa un regard noir. "Pourquoi tu n'as rien dit ?"

Gabrielle lui sourit d'un air penaud. "Je ne voulais pas qu'on me crie dessus." Admit-elle. "On peut marcher un peu ? Je pense que ça aidera à calmer mes crampes."

Xena lui jeta un regard sceptique, puis soupira et hocha la tête, avant d’attraper les rênes de son cheval et de commencer à descendre la route à un rythme lent. "Toi et ton esprit borné". Murmura-t-elle. "Gabrielle, après tout ce temps, tu devrais savoir qu'il n’y a aucun intérêt à ne rien dire et souffrir sans raison valable."

La barde grimaça silencieusement, ses cuisses protestant contre le mouvement, et elle observa le sol, évitant le regard de son âme sœur. "Tu sais, pendant une minute, j'ai eu l'impression d'être de nouveau cette gamine qui s’est accrochée à toi en partant de Potadeia." commenta-t-elle tranquillement. "Tu te souviens de la fois..."

"La montée de la montagne dans la tempête." Xena termina pour elle. "Oui... J'étais tellement en colère contre toi que j'aurais pu hurler jusqu’à l'autre bout de la Grèce." Elle se rapprocha inconsciemment de sa compagne, de sorte qu'elles se trouvèrent entre les chevaux, côte à côte, et ralentit ses pas, à un rythme familier.

"Pourquoi ?" Gabrielle sentait que la douleur commençait à s'atténuer un peu, alors que les muscles s'étiraient.

"Pourquoi ?" répéta Xena en regardant devant elle pensivement. "J'étais en colère que tu te sois blessée... en colère que tu sentes que tu ne pouvais pas me dire si quelque chose te tracassait vraiment." Elle fit une pause. "En colère contre moi-même... vraiment... pour avoir été une telle salope que tu ne puisses même pas m’en parler".

La barde soupira. "Xena... ce n'était pas ça... pas vraiment... c'était juste que je voulais tellement être comme toi... Je voulais te prouver que je n'étais pas un fardeau... que je méritais de pouvoir rester avec toi, je suppose." Elle haussa les épaules. "Mais tu sais tout ça... j'étais tellement désespérée de ne pas te donner une raison de me renvoyer chez moi".

Xena donna un coup de pied dans un caillou sur la route. "Je sais... Je m'en suis rendu compte quand je suis restée assise à te regarder dormir, après t'avoir bandé les mains." Répondit-elle. "Je... hum... je n'avais jamais eu quelqu'un qui voulait rester avec moi avant... c'était... effrayant."

"Effrayant ?" Gabrielle prit une inspiration et se détendit, profitant à nouveau du soleil. "Pourquoi effrayant ?"

Xena laissa le silence se prolonger un peu, tandis qu'elle réfléchissait. "Tant que tu..." Elle s'arrêta et repensa à ses mots. "Tant que je te voyais comme quelque chose de temporaire, c’était facile d'excuser le fait de te traiter comme..." Elle fit une pause. "Comme je l'ai fait." Sa voix se tut, maladroitement. "Mais cette nuit-là... j'ai réalisé que tu voulais vraiment être là... malgré moi."

"Pour toi." Corrigea la barde, doucement. "Tu n'étais pas horrible... juste... pratique, Xena."

Les yeux bleus la regardèrent directement. "Tu parles dans ton sommeil, Gabrielle." Lui dit Xena, avec une légère tension des lèvres. "Et tu l'as fait, cette nuit-là."

C’est la journée des révélations se dit Gabrielle. "Je l'ai fait ? Qu'est-ce que j'ai dit ?"

"Tu m'as supplié... de ne pas te renvoyer." Xena s'approcha et posa une main sur l'épaule de sa compagne. "Et tu as dit que ça ne te dérangeait pas que je sois si méchante, honnêtement."

Une légère rougeur colora la peau de Gabrielle. "Oh." Elle expira. "Eh bien... je sais que je ne voulais pas le dire de cette façon... et en plus, je dormais."

La guerrière gloussa un peu. "C'est bon... c'était vrai, et je le savais... je devais juste trouver le courage de te laisser être l'amie que tu voulais être." Elle jeta un coup d'œil à la barde pensive. "Nous avons parcouru un long chemin, toi et moi."

Gabrielle sentit une irrationnelle montée de larmes. "Oui, nous avons fait du chemin."  Elle accueillit le bras chaud autour de ses épaules et enroula son bras libre autour de la taille de Xena alors qu'elles marchaient, soulevant de petits nuages de poussière. "Et il n'y a personne d'autre avec qui j'aurais préféré faire ce voyage."

Xena lui embrassa la tête. "Pareil pour moi... ma meilleure amie."

Elles continuèrent sur la route, dans un silence paisible.

***************************************************

Gabrielle s’était recroquevillée sur un côté, la tête posée sur sa main, mâchonnant le bout d'une plume d'oie avec un sentiment de contentement total. Leurs fourrures étaient étalées sur une parcelle d'herbe douce et printanière et un petit mais puissant feu crépitait, diffusant une lumière chaude et dorée à travers le campement éclairé par le crépuscule.

Non loin de là, les deux étalons broutaient l'herbe, et juste derrière eux, la surface étincelante du petit lac promis par Xena scintillait, captant les derniers rayons du soleil couchant rouge sur sa surface ondulée.

La brise était fraîche et riche de l'odeur verte de la forêt et du goût du lac. Elle posa son stylo pour se rouler sur le dos et se délecter des sensations qui la submergeaient de toutes parts. "Mm." Elle ferma les yeux et écarta les bras, sentant la chaleur du soleil que le sol recelait et se laissa aller à un bâillement paresseux qui fit craquer sa mâchoire. Elle se reposa comme ça pendant un moment, puis elle se retourna et prit sa plume, étudiant la page blanche de son journal devant elle.

C'est agréable d'avoir quelque chose d'intéressant à noter, pour changer.

Wow. Je viens de relire ça... ça sonne tellement mal… mais honnêtement, en dehors des mauvaises tempêtes et des petites choses de la vie, il n'y a pas eu grand-chose à noter ces derniers temps. Juste mes pensées, et mes observations, comme la façon dont Dori grandit ou le nouveau tour que Xena a enseigné aux poulains ce jour-là.

Maintenant, nous sommes de nouveau sur la route et c'est merveilleux. J'avais oublié combien j'appréciais la fin de la journée, quand nous nous arrêtons pour la nuit et que nous nous relaxons. J'ai l'impression qu'un petit poids a été enlevé de mes épaules, et je ne sais pas si je dois me sentir bien, ou juste coupable de cela.

Un peu des deux, je suppose.

Aujourd'hui, c'était bien. On a bien avancé et on a juste parlé, comme avant... c'était étrange, la rapidité avec laquelle les choses sont revenues comme avant, mais j'ai aimé ça. Cela m'a manqué d'avoir le temps de bavarder de ce que je voulais, même si je suis sûre que Xena ne ressent pas la même chose, car elle n'a jamais été très portée sur le bavardage.

La plupart du temps, elle se contente d'écouter. Je me souviens d’une époque où j'étais persuadée qu'elle n’écoutait même pas, jusqu'à ce qu'elle se retourne et me cite quelque chose que j'avais dit des semaines auparavant, et alors je me suis rendue compte que oui, elle écoutait vraiment. C'était un sentiment étrange, c'était presque comme de réaliser que je comptais pour elle au-delà d'être quelque chose dont elle était responsable.

Elle sait écouter, pourtant. Elle a ces petits sons qu'elle émet et pour lesquels j'ai fini par comprendre qu'ils signifient des choses comme "vraiment" ou "continue" ou encore « ça craint » ... Elle n'a même pas besoin de dire quoi que ce soit pour communiquer avec moi, juste ça et ses expressions.

Il m'a fallu tellement de temps pour être capable de les lire et maintenant je suis tellement habituée à elles, que parler est presque une réflexion après coup. Et elle a cette expression, où elle sourit presque, et incline un peu la tête, et me regarde, qui, je le sais, signifie « je t'aime ».

C'est mon expression préférée. Je sais que je dois en avoir une aussi, parce que quand elle le fait, et que je la regarde, quoi que fasse avec mon visage, ça la fait sourire tout le temps. C'est comme une danse que l'on fait avec nos corps, et que parfois on ne réalise même pas qu'on le fait.

C'est bizarre.

Nous avons parlé de poissons plus tard dans la journée, sans doute parce que je commençais à avoir faim et que j'y pensais, et j'ai demandé pourquoi les poissons pouvaient retenir leur respiration aussi longtemps. Xena m'a répondu qu'elle ne pensait pas qu’ils le faisaient. Elle pense qu'ils respirent dans l'eau. C'est incroyable... parce que l'eau est si épaisse, ce n'est pas du tout comme l'air. Je pense que c'était comme quand j'étais malade et que l'air était comme si je respirais du miel.

Puis elle m'a dit que tous les poissons ne respiraient pas de l'eau. Il y en avait qui respiraient de l'air comme nous, et s'ils restaient sous l'eau trop longtemps, ils se noyaient.

J'ai pensé que c'était incroyablement stupide, puisqu'ils vivent dans l'eau. Comme ça le serait si on ne pouvait respirer que de l'eau et qu'on vivait sur le sol. Mais elle a dit qu'elle m'en montrerait un la prochaine fois que nous irions sur la côte.

Dori me manque. C'est vrai, elle me manque, et je sais que c’est le cas pour Xena aussi, mais je dois être honnête, même si ça me fait passer pour une personne égoïste.

C'est vraiment bon d'avoir Xena pour moi toute seule. J'ai l'impression d'être une enfant gâtée de bonbons en disant ça, mais c'est la réalité, et je suis assez honnête avec moi-même pour l'admettre. Ce n'est pas seulement Dori, c'est un tout. Nous sommes tellement occupées à la maison que nous ne passons pas beaucoup de temps ensemble, pas comme nous le faisons lorsque nous voyageons. Je sais que pour certaines personnes, cela peut sembler horrible, mais c'est comme ça que nous avons appris à nous connaître et ça me manque.

Ce n'est pas qu'elle ne fait pas attention à moi à la maison, elle le fait, et même après tout ce temps, il suffit d'un regard de sa part, et...

Wow.

Mais je suppose que j'ai été gâté, en vivant comme nous l'avons fait pendant si longtemps, et maintenant une partie de moi regarde en arrière et veut que ça recommence, même si d'autres parties de moi aiment notre nouvelle vie beaucoup plus.

On veut toujours ce qu'on ne peut pas avoir, je suppose.

Elle mordit pensivement sa plume, et relut ce qu’elle venait d’écrire.

****************************************

L'eau était fraîche, mais pas glacée, et Xena flottait simplement, le nez à peine au-dessus de la surface. Elle pouvait sentir le courant dans le lac, qui était en fait plus un élargissement d'un ruisseau, et il ondulait sur son corps nu, enlevant la poussière de la route.

Dans un moment, elle allait s'atteler à sa tâche, celle de trouver le dîner, mais pour l'instant, elle s'accorda quelques instants pour se détendre et profiter de l'eau paisible, en regardant son âme sœur écrire laborieusement dans son journal.

Combien de fois est-ce que je me suis posée tranquillement après une journée sur la route en me contentant simplement de la regarder ? Xena posa son menton sur une branche lisse et moussue qui pendait à moitié dans et hors de l'eau. Elle sentait l'odeur du lac, un parfum riche et piquant qui lui donnait des ailes. Combien de nuits, combien de feux de camp... combien de dîners préparés avec ce qu’elles trouvaient, avaient-elle toutes les deux ?

La lumière orangée du coucher de soleil se mêlait à l'or chaud du feu de camp pour souligner les traits doux de Gabrielle, sa mâchoire bougeant un peu tandis qu'elle se concentrait et le bout de sa langue rose apparaissait entre ses lèvres.

Pour quelqu'un qui avait traversé tout ce que Gabrielle avait vécu, elle semblait encore être à peine une adulte, son visage n'étant que légèrement marqué par l'expérience que Xena savait être la sienne. Avec ses cheveux pâles tirés en arrière, seule la fermeté de sa mâchoire et sa pose confiante trahissaient une connaissance au-delà de son âge physique que très peu de gens possédaient.

Chaque jour, je tombe de plus en plus amoureuse d'elle, réalisa Xena, silencieusement étonnée. Je me demande si elle s'en rend compte ? Avec un soupir, la guerrière se retourna et s'immobilisa dans l'eau en sentant la vie autour d'elle.

Elle se concentra sur les bruits autour d’elle, attentive aux minuscules gouttes qu’elle recevait, lorsque le passage du liquide était interrompu par une nageoire ou un corps mince et musclé. Elle les sentait.

Elle sentait leur présence, alors qu'ils s'habituaient à la sienne et passaient devant elle sans avoir peur du grand corps chaud qui se tenait si immobile dans l'eau.

Xena ferma les yeux et écouta, se penchant un peu en avant lorsqu'elle perçut le début d'un mouvement plus important, attendant qu'il se rapproche.

Plus près.

Sans réfléchir, elle se déplaça, frappant à travers l'eau avec ses deux mains, vers des cibles qu'elle sentait à portée. Ses doigts se heurtèrent à des écailles lisses, puis se tendirent, s'agrippant puissamment à deux corps frétillants, qui s'agitaient frénétiquement, essayant de s'échapper.

Avec un petit rire, elle se redressa, amenant avec elle deux poissons luisants qui se débattaient contre sa prise, en vain. "Je vous ai eu". Leur dit-elle fièrement avant de sortir de l'eau et de grimper sur la rive molle et boueuse.

Les poissons se débattaient, essayant de s’échapper avant qu’elle ne les frappe tous les deux contre un arbre et remonte la courte pente qui menait à leur campement. A son approche, Gabrielle sentit sa présence et leva les yeux vers elle, son sourire et ses yeux appréciateurs faisant se redresser Xena par pur réflexe humain. "Le dîner", dit-elle en montrant les poissons. "De quoi ont-ils l'air ?"

Les orbes verts, presque couleur cannelle dans la lumière du feu, prirent un éclat plus foncé. "Magnifique." répondit Gabrielle, en la regardant droit dans les yeux.

La guerrière sourit, acceptant le compliment d'un léger hochement de tête gracieux, avant de s'agenouiller et de poser les poissons sur une pierre plate et de les remettre à son âme sœur. Gabrielle s'appuya sur le rocher à deux mains, puis embrassa doucement l'épaule de Xena, fermant les yeux et frottant sa joue contre la peau de la guerrière avec un doux son de plaisir. Xena sentit une bouffée d'excitation la traverser et elle se blottit contre sa compagne, respirant son odeur avec un soupir.

La barde tourna légèrement la tête et effleura ses lèvres contre celles de Xena, puis elle glissa une main sur son flanc nu et établit un contact plus sérieux et plus insistant.

Le toucher de Xena remonta le long des épaules de la barde et elle lui prit le visage, la rapprochant jusqu'à ce que le tissu doux réchauffe sa peau refroidie par l'eau et que les mains de Gabrielle bougent, glissant sur des points sensibles aussi familiers pour elle que sa propre respiration.

Whoa. Le système d'alarme de Xena l'avertit faiblement, et elle s'interrompit à contrecœur, entendant la respiration accélérée de la barde et sentant l'air doux et chaud contre son cou. "Doucement..." Elle caressa le dos de la barde.

"Mmm... je ne veux pas y aller doucement." Murmura Gabrielle, mordillant sa clavicule. "Whooo..." Elle inclina sa tête et regarda dans les yeux bleu sombre de son âme sœur. "Je ne peux pas m’arrêter, chérie."

"Oh, vraiment ?" murmura Xena en s'amusant à sucer un lobe d'oreille savoureux. "Ça fait longtemps que je ne t'ai pas eue pour moi toute seule... Je crois que j'aime ça."

"Ungh. " répondit la barde de façon incohérente. "Vraiment ?"

Xena encercla sa taille d'un bras, puis se redressa avec fluidité et bondit vers leur couchette, déposant la barde doucement, avant de s'accroupir sur elle, grimaçant devant la surprise sur son visage. "Oh oui."  Elle fléchit les bras et baissa la tête, saisissant entre ses dents l'un des lacets qui maintenait la chemise de son âme sœur fermée et le tirant de façon ludique. Elle sentit une main s'enrouler dans ses cheveux humides et gloussa doucement.

"Ce n’est pas un peu dangereux ?" murmura Gabrielle en relevant la tête et en capturant une paire de lèvres chaudes.

"Si..." répondit Xena, d’une voix grave. "Très dangereux...." Elle libéra le dernier lacet et fit descendre la chemise d'une épaule. "Tu veux arrêter ?"

Les mains de Gabrielle glissèrent sur le corps musclé suspendu au-dessus d'elle, traçant les contours familiers, puis la tira vers le bas et plus près. "Non."  Un frisson d'excitation parcourut son corps.

"Bonne réponse."  Xena descendit la chemise de l’autre épaule et commença à mordiller chaque centimètre de peau exposée avec des mordillements doux et taquins, murmurant doucement en entendant les doux sons provenant de son âme sœur.

Le feu crépitait joyeusement et projetait des étincelles vers les étoiles, peignant des ombres sur la célébration de deux âmes.

****************************************************

Gabrielle tendit paresseusement la main pour retourner les poissons sur leur bâton, puis s'adossa à son nid de guerrière, très chaud et très confortable. Xena était enroulée autour d'elle, les yeux à moitié fermés, et elle réinstalla un bras sur l'estomac de la barde alors qu'elle reprenait sa place. "C'était assez fou, Xena." Elle passa un bras sur la hanche de la guerrière, se rapprochant ainsi un peu plus.

"Mm... ouais... un peu... mais on s'en est sorti." Répondit la guerrière, un peu fièrement "Ça sent bon, au fait."

Gabrielle sourit. "Merci... ce sont les baies délicieuses que tu as trouvées... Je me suis presque sentie mal de les mettre dans le poisson au lieu de les manger. "

"Il y en a d'autres... on peut les prendre pour le dessert."  Proposa son âme sœur.

"Nous avons des pâtisseries pour le dessert." Lui rappela la barde.

" Nous pouvons les prendre comme dessert avec les pâtisseries. " renchérit Xena.

"Xena." Gabrielle lui jeta un regard.

"Hé, c'est ton anniversaire... on peut le fêter." Protesta la guerrière. "Allez... tu sais que tu en as envie." Elle installa ses bras plus confortablement autour du corps de sa compagne, et lui caressa la nuque, suscitant un doux son de plaisir de la barde.

"Mmm." Gabrielle laissa ses yeux se fermer dans une félicité sensuelle. "Tu es d'humeur ce soir, n'est-ce pas ?"

Un menton bronzé se posa sur son épaule et elle put sentir la douce chaleur de la respiration de Xena frôler son oreille. "Est-ce que ça te va ?" Le grondement bas et sexy était si intéressant qu'elle n'enregistra presque pas ce que Xena avait dit.

 

"C'est merveilleux." Murmura la barde, tournant un peu la tête pour pouvoir voir les doux yeux bleus qui la regardaient. "Je me sens merveilleusement bien... rien que de te regarder dans les yeux et de voir ce que tu ressens pour moi."

Xena l'observa simplement, laissant son regard errer sur le visage éclairé par le feu avec une intention tranquille. Quelque chose dérangeait son âme sœur, elle pouvait le voir derrière ses jolis yeux verts, et savait qu'un peu de calme suffirait généralement à la faire parler.

"Quand j'étais à l'auberge l'autre jour, j'écoutais certaines femmes parler... tu sais comment elles sont." Gabrielle sourit ironiquement.

La guerrière leva un sourcil en signe d'accord.

"Et elles se plaignaient toutes de leurs compagnons... du fait qu'elles ne se sentaient pas assez proches d’eux ou qu'on les ignorait. C'était plutôt triste." Gabrielle fit une pause, penchant sa tête et la reposant contre son âme sœur. "Et ça n'a jamais été comme ça entre nous... Je n'ai jamais l'impression que tu fais ça par obligation, ou parce que tu penses que c’est ce que j'attends."

Les deux sourcils sombres se levèrent, presque au-dessus de sa franche et ses yeux bleus s’ouvrirent en grand. "Gabrielle... Je n'ai jamais su à quel point c'était incroyable de tenir quelqu'un dans mes bras... juste comme ça... jusqu'à ce que je te rencontre. "Elle fit une pause, cherchant ses mots. "Tellement proche que... je peux sentir ce que tu ressens pour moi."

Gabrielle leva une main et couvrit celle de son âme sœur en frottant doucement les doigts, visiblement satisfaite de ces mots.

"La plupart de ma vie, je l'ai passée dans un endroit très sombre... très froid." Continua la guerrière tranquillement. "Être avec toi maintenant..." Elle secoua lentement la tête. "Chaque moment est un cadeau."

La barde hocha la tête. "Oui, c'est vrai." Confirma-t-elle doucement. "Pour nous deux."  Leurs yeux se rencontrèrent dans une compréhension totale. Gabrielle déglutit un peu et se déplaça, un peu maladroitement. "Je... Je me sens très proche de toi ce soir." Murmura-t-elle doucement.

Xena fit un demi-sourire, puis laissa ses yeux les effleurer toutes les deux. "Si nous étions plus proches, nous serions dans la peau de l'autre, Gabrielle." lui rappela-t-elle doucement, sentant le changement soudain de son humeur.

"Hmm... c'est une pensée attrayante." Répondit son âme sœur. "Mais... tu sais ce que je veux dire." Elle se tut.

La guerrière attendit, puis se rendit compte qu'elle allait devoir insister davantage. Xena cligna lentement des yeux, la lumière du feu se reflétant dans ses cils sombres. "Oui, je le sais." Acquiesça-t-elle doucement. "Peut-être parce que nous n'avons pas été aussi proches ces derniers temps." Ses yeux rencontrèrent ceux de Gabrielle sans détour. "C'est ce qui te tracasse ?"

La barde ne répondit pas pendant un long moment, mais Xena pu voir les émotions passer sur son visage expressif et entendre les faibles sons qu'elle émit en avalant plusieurs fois. Ah.

"Ce n'est pas..." commença Gabrielle, puis elle s'arrêta. "Xena, je..." La barde s'arrêta de nouveau puis secoua la tête et enfouit son visage dans l'épaule de son âme sœur, avec un petit gémissement.

La guerrière leva une main et lui caressa les cheveux en signe de réconfort et attendit, sachant que la petite femme avait du mal à s'exprimer. . Finalement, elle entendit un léger reniflement et sentit la pression lorsque Gabrielle tourna la tête sur le côté.

"C'est tellement égoïste de penser de cette façon." Murmura-t-elle doucement. "Je veux dire... par les Dieux... J'ai tout... J'ai une belle maison... et une compagne merveilleuse... et la plus adorable des bébés... Qu'est-ce qui ne va pas chez moi, Xena ?" La barde avait l'air malheureuse. "Pourquoi ai-je l'impression de perdre une partie de moi-même ? Comme si... quelque chose de précieux s'échappait d'entre mes doigts et que je ne pouvais pas l'arrêter ?"

Oh là là.  Xena se sentait vraiment perdue. Mère avait raison... et ça m'a échappé. Elle resta silencieuse un moment, réfléchissant, ses mains caressant inconsciemment son âme sœur comme si elle était une pouliche nerveuse. "Je... Je ne savais pas que tu ressentais cela." Admit-elle doucement. "Je pensais que tu étais heureuse, Gabrielle... Je le jure." La guerrière soupira. "J'aurais dû le savoir... Je te connais mieux que ça." Elle sentit le changement et sut que Gabrielle levait les yeux vers elle. "Tu as fui cette vie."

"Et je te connais.... " répondit la femme aux cheveux clairs dans un murmure. "Tu es vraiment heureuse là-bas, n'est-ce pas ?" Elle étudia le visage de la guerrière avec attention.

Un moment de silence, puis Xena ferma les yeux. "Oui." Une respiration. "Oui, je le suis."

Elles restèrent silencieuses toutes les deux, tandis que de fragiles éclats de vérité les frappaient. Puis les yeux bleus s’ouvrirent et rencontrèrent des yeux vert pâle, et deux âmes échangèrent une vérité simple et incontestable.

"Tu renoncerais à ça pour moi." Déclara Gabrielle doucement. "N’est-ce pas ?"

"Tu renoncerais à tes rêves pour moi."  Répondit son âme sœur, tout aussi doucement. "Alors bien sûr que je le ferais."

Elles se sourirent toutes les deux, dans la triste connaissance de l'autre et des réalités de la vie. Gabrielle reposa sa tête et elles restèrent simplement assises pendant un moment, laissant leur connexion les envelopper dans un manteau de chaleur. "Je suis désolée." Murmura-t-elle finalement tristement.

"Ne le sois pas." Je ne veux pas que tu aies l'impression que tu ne peux pas me dire quelque chose, ma barde."

"Même si ça te fait du mal ?" Des yeux vert pâle l'étudièrent.

"Surtout dans ce cas." Confirma la guerrière. "Parce que la vérité fait généralement mal, et toi et moi avons appris à nos dépens ce qui se passe quand on essaie de se protéger mutuellement contre ça."

Gabrielle hocha lentement la tête. "Oui, nous l'avons appris... mais Xena, je veux que tu saches que tu avais en grande partie raison." Elle traça un motif oisif sur la peau douce sous ses mains. "La plupart du temps, je suis très, très heureuse."

Les lèvres de Xena se crispèrent en un bref sourire de regret. "La plupart du temps, moi aussi." L’admit-elle. "Mais il y a des moments où... " Elle fit une pause, réticente à l'idée de l'admettre, même à elle-même. "Je ne pense pas que le fait de tuer me manque... Gabrielle... du moins, j'espère que non... mais..."

La barde enroula ses doigts autour d'une des mains de Xena. "Les combats te manquent."  Elle sentit le corps entier de la guerrière s'affaisser en signe de défaite. "Je pense que tu en rêves."

"Non... Je..."

"C'est bon." Gabrielle frotta le bras qui l'encerclait. "Tu le fais... Je peux sentir ton corps tressaillir la nuit... tout là-haut... " Elle passa un doigt sur les épaules solides. "Et ici." Elle posa sa main sur la cuisse de Xena et la tapota. "Xena, c'est ce que tu as fait pendant presque toute ta vie d'adulte... Je pense que c'est normal."

La guerrière soupira. "C'est ce que je me dis." Avoua-t-elle. "Mais c'est comme tu l'as dit... Je me demande ce qui ne va pas chez moi ? J'ai tout... pourquoi ai-je besoin de ça ?"

Gabrielle fit tourner le poisson plusieurs fois, puis expira. "Alors... qu'est-ce qu'on fait ?" Elle se sentait mieux, curieusement, comme si, juste de l’avoir dit, avait soulagé une tension dont elle était à peine consciente.

Xena réfléchit à la question. "Nous faisons un compromis." Répondit-elle de manière réfléchie. "Nous sommes parties pour voir qui cause tous ces problèmes, n'est-ce pas ?"

"Mm." Approuva Gabrielle. "On est.... tu veux dire qu'on doit faire ça plus souvent ?"

"Mm... quelque chose comme ça." Répondit Xena. "Et quand nous rentrerons à la maison... je renoncerai à la séance de l'après-midi... tu renonceras au cours du soir, et nous passerons ce temps rien que pour nous." L'ex-chef de guerre proposa son plan. "Qu'est-ce que tu en dis ?"

La barde battit des cils, chatouillant Xena sous le menton. "Mon brillant général."

"Arrête ça." La guerrière fit une grimace engageante. "J'étais sérieuse."

"Moi aussi." Répondit Gabrielle avec douceur, tandis qu'elle retirait les poissons du feu et les disposait soigneusement sur deux assiettes, auxquelles elle ajouta des légumes rôtis avant d'en tendre une à sa partenaire. "Xena, tu es brillante, tu es un général et tu es sans aucun doute à moi". Elle leva la main de son âme sœur et en embrassa les doigts, puis les frotta contre sa joue. "Merci de m'avoir écoutée... et de ne pas avoir pensé que j'étais une mégère égoïste et ingrate."

Xena ébouriffa ses cheveux, puis la rapprocha et l'embrassa. "Je suis contente qu'on ait parlé de tout ça". Admit-elle, enlevant doucement les dernières traces de larmes de la peau de son âme sœur. "Merci de ne pas avoir pensé que j'étais une combattante à moitié folle qui a été frappée à la tête une fois de trop."

Gabrielle se blottit plus étroitement, emmêlant ses doigts dans la chemise de sa compagne.  "Mm... on fait une sacrée équipe." Elle sentit un sourire se dessiner sur ses lèvres. "Comment est ton poisson ?"

Xena ignora le poisson et lui vola un baiser à la place. Elle s’éloigna après quelques instants et regarda Gabrielle dans les yeux, leurs nez se touchant presque. "Ça aussi, ça me manque." Dit-elle. "Ça me manque de passer des heures et des heures et des heures juste avec toi."

La barde avait l'impression qu'une couverture chaude s'était installée sur elle et que son monde était revenu à sa place. Elle se blottit contre le corps de Xena et cassa un morceau du poisson de la guerrière avant de lui tendre. "Moi aussi... maintenant, allez... mange... il y a beaucoup d'étoiles qui attendent là-haut."

Et après un moment, alors que le feu brûlait à feu doux, envoyant de temps en temps des étincelles crépitantes, deux voix basses se mélangeaient, façonnant paisiblement des rêves dans le ciel étoilé…

*****************************************************

 

Il fallut cinq jours de voyage avant qu'elles ne quittent les collines champêtres et vallonnées pour s'engager sur des terres plus rudes, plus haut dans la chaîne de montagnes escarpées qui entourait leur partie du monde. Le soleil matinal descendait sur la route parsemée de rochers qu'elles parcouraient le sixième jour, projetant leurs ombres derrière elles, et apportant une chaleur bienvenue après les nuits froides.

"Es-tu végétal, minéral, ou animal ?" demanda Gabrielle, en chassant un caillou de son chemin d'un coup de pied. Elles marchaient côte à côte, leurs chevaux les suivant au pas, car Xena n'aimait pas être à cheval sur des routes avec autant de petits cailloux pointus. Elle prit une profonde inspiration en attendant la réponse de sa compagne et la laissa s'échapper, regardant les bouffées de brouillard givré se former dans l'air frais.   Après cinq jours, son corps s'était réacclimaté au voyage, plus vite en fait qu'elle n'aurait osé l'espérer et elle se sentait en pleine forme, malgré une semaine de sommeil sur le sol dur et les caprices de la météo. "Hmm ?"

Xena étudia le sol, fit deux pas, sauta et attrapa une branche pleine de noix qu'elle récupéra. Elle en offrit plusieurs à la barde et en croqua une elle-même, pensive. "Je suis un animal." Annonça-t-elle.

"Hmm..." Gabrielle ouvrit une noix avec de belles dents blanches. "Avec une queue ou sans ?"

"Avec." Répondit la guerrière.

"Longue ou courte."

"Longue."

"À poils ou pas."

Silence. "Quoi ?" rit Xena.

"A poils ou pas... Allez, Princesse Guerrière des trucs sournois... Je me souviens quand tu m’as fait tourner en bourrique avec cet oryctérope." Gabrielle lui donna un coup sur le côté.

"Oh... d'accord. Fourrure." Des yeux bleus la regardèrent avec un amusement malicieux.

"Joli, doux et poilu... ou ce genre de poil méchant, presque poilu ?" persista Gabrielle.

Un sourcil noir parfaitement dessiné se leva. "Gabrielle, c'est quoi cette soudaine fascination pour ma queue ?"

Gabrielle laissa les mots se répercuter dans son esprit, puis elle faillit presque ressortir ses noix par le nez alors qu'elle était prise d'un fou rire. "Oh dieux... Xena... ne fais pas ça quand j'avale." Haleta-t-elle. La guerrière prit son bras dans une prise ferme et la frappa entre les omoplates, délogeant un peu de la substance qui s'était coincée dans sa gorge. "Tu sais..." Elle se calma et étudia son âme sœur, qui la regardait avec méfiance. "Tu serais très belle avec une queue."

Xena s'arrêta de marcher et se fit percuter par Iolaus, qui ne l'avait pas vue s'arrêter. "Qu... yow... Iolaus, arrête ça."  Elle mit une main sur sa hanche. "Quoi ?"

"Non non... je suis sérieuse." Gabrielle prit son bras et la fit avancer. "Vraiment... Je veux dire, pense à ça... tu pourrais l'utiliser comme un fouet..." Elle balança sa main d'un côté à l'autre. "Ou même comme les singes... tu pourrais te suspendre à l'envers avec... te balancer d'arbre en arbre..."

"Gabrielle..."

"Ce serait joli et en fourrure... sombre, bien sûr..." continua-t-elle, complètement plongée dans son imagination. "Ou peut-être avec des rayures... ouais... des anneaux..."

Xena observa son visage, et remarqua cet air perdu familier, bien que non observé depuis quelques temps. "Qu'est-ce que j'en ferais ?" demanda-t-elle. "Elle ne serait pas vite coupée ?"

"Pas question..." Gabrielle secoua la tête. "Non... je pense que tu..." Elle pencha la tête sur le côté. "Hey... ouais... c'est ça... tu pourrais l'utiliser pour attraper les poignets... les tenir... ou je parie que tu pourrais trouver comment..." Ses yeux scintillèrent d'intérêt. "Imagine, Xena... il pourrait y avoir des histoires sur la façon dont tu as utilisé ta queue pour déverrouiller des portes... ou la laisser pendre pour sauver un bébé coincé dans un trou ou..."

"Ce serait de très bonnes histoires."  Approuva la guerrière. "Ça me donne presque envie d'en avoir une."

"Ouais..." Gabrielle hocha la tête, absorbée par ses pensées. " Je commencerais par deux familles qui se disputent... les deux ne s'aiment pas parce qu'elles ont juste... de petites différences... voyons voir... ok, l'une a les cheveux noirs et l'autre les cheveux clairs... elles pensent que c'est ce qui est important, pas l'intérieur, mais l'extérieur... et puis l'enfant d'une des personnes aux cheveux clairs tombe dans un puits... elles ne peuvent pas l'aider, et elles ne veulent pas demander d'aide aux personnes aux cheveux noirs... " dit-elle en construisant son récit. "C'est un conflit... et je peux voir une morale... ok, alors on te fait apparaître..."

"Mm." Murmura Xena de façon encourageante. "Avec ma queue."

"C'est vrai... c'est vrai... et tu as aussi des cheveux noirs... tu insistes pour les aider et tu le fais... tu laisses tomber ta queue et l'enfant est capable de grimper dessus." Continua la barde.

"J'espère que c'est une queue solide." Commenta la guerrière légèrement.

"C'est ta queue... comment pourrait-elle être autre chose ?" Gabrielle sourit. "Alors, tu montres aux gens aux cheveux clairs que c'est ce qu'il y a à l'intérieur d'une personne qui compte... pas ce à quoi elle ressemble." Elle leva les yeux. "Qu'est-ce que tu en penses ?"

"Je pense que c'est une super histoire." Xena lui sourit. "Tant que tu te mets dedans... et que je peux t'embrasser au moins une fois."

"Tch... Xena." Rit la barde. "Hum... d’accord ... ça ne fait que renforcer l'histoire... parce que j'ai les cheveux clairs..... Hey... c'est pas mal... "Elle se retourna et fouilla dans une sacoche, en sortant un parchemin plié et sa plume d'oie. "Comment est-ce que je pourrais appeler cette histoire ?"

"Pourquoi pas.... La queue du guerrier." Lui fournit Xena, tenant les rênes du cheval de sa compagne pendant qu'elle griffonnait furieusement, s'arrêtant soudainement lorsque les mots s’imprégnèrent dans son esprit.

"Oh. Xena... c'est parfait." Elle fit un grand sourire à son âme sœur. "Laisse-moi juste noter les détails pour que je puisse....."

Ses mots s'arrêtèrent, ses pas ralentirent et elle s'immobilisa, fixant sa plume et son parchemin pendant un long moment avant de relever la tête et de regarder une Xena silencieuse et souriante, qui s'était arrêtée à côté d'elle. "Wow."

"Qu'est-ce qui ne va pas ?" demanda la guerrière, sachant parfaitement ce qui provoquait l'expression de stupéfaction sur le visage de sa compagne. "Tu as oublié comment écrire ?"

"Non.... " Gabrielle savoura l'instant, écoutant les grillons qui les entouraient en chœur. "Je me suis souvenue comment rêver."  Lentement, elle laissa ses mains tomber sur les côtés, alors qu'elle tournait en cercle, buvant le monde avec des yeux nouvellement rouverts. "Dieux... J'avais oublié combien c'était merveilleux."  Elle fit un tour complet et laissa son regard se poser sur la grande femme aux cheveux noirs à ses côtés. Le soleil formait un halo doré derrière la tête de la guerrière, projetant son visage dans une demi-ombre où seuls ses yeux étincelants et l'éclat de ses dents blanches ressortaient. "La queue du guerrier, hein ?"

Le sourire de Xena s'élargit. "Je parie que si j'avais une queue... elle passerait le plus clair de son temps autour d'une certaine barde aux cheveux clairs que je connais." Elle passa son bras autour des épaules de Gabrielle et posa sa tête sur celle de sa compagne. "Tu ne crois pas ?"

Gabrielle expira joyeusement, et se laissa doucement guider sur la route, griffonnant tout en marchant, faisant confiance à Xena pour s'assurer qu'elle ne trébuche pas. Une queue. Hmm... Si elle se concentrait vraiment, elle pouvait presque sentir la pression de la queue, enroulée autour de sa taille.

Ouais.

**************************************************

Elles entendirent le combat bien avant de le voir. L'ouïe de Xena capta le faible son des cris de colère, et elle tourna la tête, pour attraper la brise, prenant presque visiblement l'air avec ses oreilles sensibles. "Hmm."

"Qu’est-ce qu’il y a ?" dit Gabrielle avant de finir de boire dans l'une de leurs poches à eau.

La guerrière secoua la tête. "Des problèmes devant nous." Elle monta sur Iolaus, qui se déplaça un peu, mais fut rapidement repris en main par le toucher expérimenté de Xena. "Je suppose que nous..." Elle s'arrêta, se forçant à ne pas tendre la main à Gabrielle pour la faire monter derrière elle. "Um..."

Gabrielle tapota le cou d'Hercule. "Je sais... c'est l'heure des problèmes." Elle monta efficacement l'étalon, rassemblant ses rênes et hocha la tête. "Ok... allons-y."

Elles galopèrent sur la route, franchissent un long virage et aperçurent un groupe d'hommes à cheval qui se battaient avec ce qui semble être des voyageurs ou des commerçants, deux chariots remplis de paquets et de boîtes, tirés par des bœufs.

Xena poussa son cheval au galop et sentit le vent soulever ses cheveux et les rejeter en arrière, consciente de la présence de Gabrielle non loin derrière elle. Un léger et familier chatouillement d'excitation parcourut sa colonne vertébrale et avant qu'elle ne puisse s'en empêcher, un sourire suivit, montrant ses dents alors qu'un doux gloussement les traversait.

Il fallut un moment aux cavaliers pour réaliser qu'ils n'étaient pas seuls et le plus proche d'entre eux, un homme grand et barbu, se tourna vers elles et les pointa du doigt. Deux autres levèrent les yeux, puis se retournèrent, se concentrant pour tirer les deux hommes les plus âgés hors du chariot.

Xena retira ses bottes de ses étriers et serra les flancs de Iolaus, utilisant une main libre pour détacher son long fouet de son anneau de selle.  Alors qu'elle s'approchait, le grand homme lui fit signe de s'éloigner en hurlant quelque chose d'inintelligible. Il se retourna et plongea une main dans le chariot, en retirant une pelle et en la soulevant.

La guerrière n'hésita pas. Elle déroula le fouet et le lança, enroulant son extrémité autour du bras de l'homme et lui donna une forte secousse. Il trébucha en avant, puis balaya la pelle sur le côté, vers l'étalon qui chargeait fort.

"Oh... tu veux jouer au dur ?" Xena lâcha les rênes et sauta de la selle, laissant son élan l'amener à s'écraser sur l'homme plus grand et compta sur son poids pour les éloigner tous les deux du cheval qui courait toujours. Ils roulèrent contre le chariot et elle rebondit sur la roue, se releva et esquiva son coup maladroit.  Son sourire s'élargit.

Gabrielle tira sur les rênes d’Hercule jusqu'à l'arrêt et se jeta sur le dos du cheval, détachant son bâton et le laissant tomber dans ses mains. Deux femmes et plusieurs enfants s'esquivèrent derrière le chariot et elle se plaça entre eux et les pillards. "Reculez !"  cria-t-elle, esquivant un morceau de bois volant. L'un des pillards s’approcha d'elle et elle sentit son corps réagir par pur instinct, ses pieds bottés s'écartant pour assurer son équilibre et ses épaules se déplaçant alors qu'elle pivotait pour répondre à son attaque, écartant sa massue et faisant pivoter son bâton pour l'attraper au niveau des genoux, le jetant au sol. "Si tu es intelligent, tu vas rester là." le conseilla-t-elle, un peu déstabilisée par le frisson d'excitation que lui procurait le combat. Comme une vieille habitude, ses yeux se détachèrent du corps de l'adversaire pour trouver son âme sœur et elle grimaça lorsque la guerrière asséna à l'un de ses cinq adversaires un sauvage coup de coude à la mâchoire. "Ow."

Xena grimaça, alors que deux hommes se précipitaient sur elle. Elle s'accroupit avant de s’élance vers le ciel et envoya une botte dans la poitrine de chaque homme. L'impact la fit basculer en arrière et les fit tomber tous les deux. Elle pivota dans les airs puis atterrit, esquivant un coup de pique du troisième homme, l'attrapa et le fit pivoter, le faisant basculer sur le côté.

Bon sang, ça fait du bien. Xena se sentait un peu coupable, mais pas assez pour ignorer l'afflux de sang qui la traversait, de ses orteils au bout de ses doigts, et la poussée de joie presque honteuse qui l'accompagnait. Elle attrapa les victimes qui se remettaient difficilement de son précédent coup de pied et les frappa ensemble, puis elle esquiva leurs bras qui s'agitaient et leur donna un coup de pied arrière en les envoyant voler loin d’elle. Elle roula en avant puis se mit debout rapidement pour faire face à son dernier adversaire.

Uh oh. Des yeux durs et de l'acier froid lui faisaient face, un sabre à deux mains qui lui donnait des démangeaisons rien qu'en le regardant. Elle inspira et se calma en redressant ses épaules, écartant un peu les bras alors qu'il s'approchait d'elle avec méfiance.  Ses paumes se crispèrent et elle s'empêcha de justesse de refermer ses mains sur une poignée fantôme, une moitié d'elle regrettant son absence, et l'autre moitié sachant qu'après un an, elle serait probablement pire qu'inutile.

Une pointe de regret la frappa au ventre, alors qu'elle tournait autour de son adversaire, ses yeux observant sa position, et la stabilité de ses yeux, et réalisa qu'elle était peut-être en danger. Un craquement sec attira son attention, et elle vit un autre homme tomber, deux autres étaient tenus à distance par son âme sœur.

Le quatrième, cependant, pointait une arbalète sur elle.

Il la leva et Xena sentit une main froide de peur la saisir, alors qu'elle réalisait qu'elle n'était pas du tout sûre de pouvoir tenter de dévier le carreau, et encore moins de l'attraper.

Bon sang. Elle plongea vers le sol au moment où il tirait, heureuse au-delà de toute mesure que personne n'ait été derrière elle. Le boulon déchira son épaule, arrachant une mèche de cheveux noirs, mais elle roula avec l'impact et se releva, seulement pour voir l'archer s'effondrer sous un méchant balayage inversé de Gabrielle.

Cela la mit en colère. Elle était là, face à une bande de rats galeux qu’elle aurait massacré en faisant ses lacets il y a un an et maintenant sa compagne la protégeait. Elle tourna son attention vers l'épéiste, qui se rapprochait maintenant, le soleil se reflétant sur la longue lame. 

La rage montait et elle la laissa faire, glissant vers l'avant et esquivant son coup tranchant, se glissant dans sa garde. Il se retourna dans l'autre sens et la frappa sur le côté, puis la poussa en arrière et la poignarda vers le haut, la manquant seulement parce qu'elle se mit à genoux, se tordant et laissant la lame glisser le long de sa cage thoracique à quelques centimètres de son cœur.

Elle attrapa son bras, puis le poussa simplement contre le sol, s'écrasant contre lui et les envoyant tous les deux au tapis. Son épée s’était coincée sous la roue du chariot et elle se jeta sur lui, lui assénant un coup de poing dans la mâchoire alors qu'il essayait de se redresser.

Il essaya d'attraper sa main, mais elle le frappa encore et encore, appréciant la sensation de son poing brisant les os, et finalement il s'affaissa sous elle et s'immobilisa. Des bruits de pas se rapprochèrent et elle leva les yeux, pour voir les derniers pillards venir vers elle, et une Gabrielle à l'air secoué qui se relevait. Alarmée, elle se dégagea de l'homme couché et ramassa sans réfléchir l'épée qu'il avait laissée tomber, la balançant pour rencontrer la pique qui arrivait et cisaillant la pointe d'un coup maladroit.

L'homme trébucha en avant et elle lui asséna un coup de pied sur le côté de la tête, le projetant contre le chariot et l'assommant.

Puis, après quelques instants, tout se calma. Elle desserra sa main et laissa la lourde épée tomber au sol, alors que Gabrielle s'approchait d'elle. "Tu vas bien ?"  Elle se retourna et étudia son âme sœur avec anxiété, levant une main pour brosser des morceaux de paille de son épaule.

"Ça va."  Expira la barde en regardant autour d'elle. "J'ai juste perdu pied pendant une minute... c'est boueux ici." Le chariot avait été renversé et les voyageurs se cachaient derrière, la tête de l'homme plus âgé les observant maintenant timidement. "C'est bon." les rassura-t-elle avant de jeter un coup d'œil à son âme sœur. "Tu vas bien ?" lui demanda-t-elle, à voix basse.

"Ouais." Xena goûta le mot de façon désagréable. "Je vais bien." Elle donna un coup de pied à l'un des pillards qui gémissaient. "Vous avez soixante secondes pour dégager vos sales gueules d'ici."

Deux d'entre eux soulevèrent son grand adversaire et commencèrent à le traîner au loin. Les deux autres la regardèrent fixement. "Femme, tu ne sais ce que tu viens de commencer." L'un d'eux cracha, essuyant une traînée de sang sur son visage. "Nous reviendrons." Il attrapa son compagnon, qui avait une main tenant ce qui ressemblait à une mâchoire cassée et partit.

Gabrielle soupira, en s'appuyant sur son bâton. "Ok... vous pouvez sortir maintenant." Dit-elle en envoyant un sourire au petit groupe de personnes qui émergèrent avec hésitation. "C'est sûr." Ajouta la barde, donnant une petite tape dans le dos de sa compagne. "N'est-ce pas ?"

Xena hocha la tête, les tripes encore en ébullition. Elle regarda la famille sortir timidement, l'homme le plus âgé saignant un peu d'une coupure à l'épaule et le plus jeune boitant, son pantalon en lambeaux déchiré et taché de sang. "Tout le monde va bien ?"

L'homme hocha la tête en tremblant. "Grâce à vous deux..." répondit-il. "Vous avez fait quelque chose de très courageux... Nous vous sommes très reconnaissants."

"Heureuses d'avoir pu aider." Lui sourit Gabrielle, puis elle jeta un coup d'œil derrière lui vers les femmes et les enfants crasseux qui les regardaient avec de grands yeux. "Bonjour..." Ses yeux pétillent un peu. "Je m'appelle Gabrielle..." Elle tendit la main. "Il y a eu beaucoup d'ennuis comme ça sur les routes ?"

L'homme la prit et la serra avec précaution. " Enchanté de vous rencontrer... et... euh... " Il leva les yeux vers la guerrière silencieuse. "Mon nom est Reynald..."

Xena lui tendit la main. "Xena." Répondit-elle doucement.

Elle était habituée aux réactions à son nom. La plupart du temps, elles n'étaient pas bonnes, bien que dernièrement, elles se soient modifiées pour devenir au moins une acceptation à contrecœur. Parfois, peut-être avec quelqu'un qui avait entendu parler de ses récentes bonnes actions, ou qui était dans un village qu'elle avait aidé... la réaction était plus positive.

Les yeux ronds, la mâchoire relâchée, l'étonnement stupéfié n'étaient pas une réaction dont elle avait l’habitude. Elle s'empêcha tout juste de se tapoter la tête, pour voir si une paire de cornes n’avait pas poussé sur son crâne.

Ou vérifier ailleurs pour voir si une queue ne lui avait pas poussé. Au lieu de cela, elle retira sa main et la laissa reposer sur sa hanche, tandis qu'elle regardait l'homme avec méfiance. "Tu as été frappé à la tête ou quelque chose comme ça ?"

Le jeune homme s'approcha et cligna des yeux. " Par la Grande Hera... Je n'arrive pas à y croire... tu es réelle."

Xena jeta un regard alarmé à son âme sœur, qui évitait soigneusement son regard, alors qu'elle se grattait la mâchoire et tripotait le tissu qui recouvrait la poignée de son bâton. "Bien sûr que oui... C'est quoi cette remarque à la noix ?» demanda-t-elle d'un air exaspéré.

La femme et les deux enfants se rapprochèrent du chariot, l'observant avec fascination, et le plus petit des deux jeunes libéra sa main et vint trotter vers elle, se tenant aux genoux de Xena et la regarda avec admiration. "Wow, maman.... c'est comme les histoires le disent...n'est-ce pas ?" Il se retourna et regarda sa mère.

Gabrielle sentit que son âme sœur était proche du point d'ébullition et elle s'interposa en offrant au garçon un sourire agréable. "Quelles sont ces histoires ? Nous avons quitté la route depuis un moment... Je ne pense pas que nous les ayons entendues. »

Reynald s'éclaircit la gorge. "Je n'aurais jamais pensé que je pourrais.... "Il s'arrêta. "Nous étions en train de fuir les hautes terres... ça a été mauvais là-bas, très mauvais... des paillards comme eux, il y en a partout là-bas... nous pensions les avoir évités, mais ils nous ont repérés alors que nous descendions du col là-bas." Dit-il en le pointant du doigt.

Xena hocha la tête. "Tu as déjà vu cette bande, alors ?"

"Cette bande... ou d'autres qui leur ressemblent, c'est sans importance." L'homme secoua la tête. "Nous sommes passés par Brecias il y a une semaine... un tas entier d'entre eux vivent là-bas. Ils avaient attrapé ce conteur... qui racontait à tout le monde des histoires à propos de toi... hum... " Il leva les yeux vers les yeux bleus intimidants de la guerrière. "Il a réussi à s’enfuir, cependant."

"Conteur ?" Les oreilles de Gabrielle avaient visiblement été attiré par son récit. "Qui est-il ?"

"Je ne sais pas." Le jeune homme grimaça en examinant une longue éraflure sur son flanc. " Un sacré numéro, ça c’est sûr…mais il sait raconter des histoires…c'est la seule chose qui permet aux gens de garder un peu d'espoir maintenant." Il fit une pause, maladroitement. "Tout le monde veux croire... qu'il pouvait y avoir quelqu'un là dehors comme il racontait dans ses histoires... mais beaucoup d'entre nous..."

"Pensait que c'était juste des histoires." Termina la barde tranquillement. "Pas vrai ?"  Elle était consciente du sentiment d'inquiétude dans ses tripes, qu'elle savait provenir de sa connexion avec Xena, et elle fit un pas de côté, laissant leurs épaules se frôler dans un confort silencieux. Une main chaude se posa dans le bas de son dos en réponse et elle expira. Quelqu'un d'autre racontait des histoires sur sa compagne ? Une soudaine poussée de jalousie possessive la piqua et elle ravala un goût désagréable dans sa bouche.

"Eh bien... oui." Admit l’homme dans un murmure. "Mais tu es là." Il fixa Xena du regard. "Tu es réelle, sauf que tu n'as pas d'armes ni d'armure." Il fit une pause, car le visage de Xena était devenu silencieux et immobile. "Tu n'en avais pas besoin, de toute façon." Conclut-il, avec un sourire penaud. "Je n'avais jamais vu quelqu'un frapper des gens comme ça avant."

Gabrielle vit le regard orageux et elle l'interrompit en douceur. "Hum... où allez-vous exactement ? N'y a-t-il pas une ville juste en bas de la route ici... nous voyageons depuis un moment."

Distraits, les hommes se retournèrent et regardèrent le chariot tristement renversé et leurs marchandises étalées sur la route. "Nous nous dirigions vers Dumae, oui... Je suppose que nous allons juste prendre ce que nous pouvons porter." Reynald soupira. "Allez, Elly... allons chercher les affaires, avant qu'elles ne s'abîment."

"Xena, tu peux faire quelque chose avec le chariot ?" Gabrielle donna un coup de coude à son âme sœur renfrognée. "Reynald, si vous allez par-là, on peut peut-être voyager avec vous... qu'en dis-tu ?"

Ils se retournèrent avec surprise. " Oh... nous ne pouvions pas vous demander de.... "Reynald s’arrêta de parler lorsque Xena le frôla, s'agenouillant pour examiner le chariot en silence. "Er...Je suis sûr que nous pouvons..."

La guerrière passa un regard exercé sur le bois, profitant de ce temps pour retrouver son calme. Pour l'instant, elle savait qu'elle n'avait pas le temps de penser à ce qui avait pu se passer, ou de regretter une décision qu'elle avait elle-même prise un an auparavant. Elle aurait le temps plus tard pour cela, et le temps de réfléchir à ce qu'elle allait faire de sa soudaine et surprenante notoriété. "D'accord, écoutez... c'est juste plié... si nous pouvons remettre le chariot en état, il devrait tenir jusqu'à ce que nous arrivions en ville." leur dit-elle, en posant un avant-bras sur son genou, puis en prenant une inspiration en faisant pression sur les côtes endolories par le coup qu'elle avait reçu, qui aurait normalement été partiellement dévié par son armure de cuir.

Idiote se maudit-elle mentalement.

"Eh bien..." L'homme s’approcha prudemment et regarda l'essieu. "Bien sûr... mais... comment pouvons-nous... oh, tu peux juste le soulever comme ça, c’est ça ?"

Des yeux bleu pâle se fixèrent sur lui. "Non." Répondit Xena sèchement, en se levant et en tirant une corde des fournitures tombées au sol. "Je laisse mon cheval faire ce genre de travail."

Elle attacha la corde aux anneaux de la selle d'Hercule, puis fit reculer l'étalon agité, le poussant d'une voix douce alors qu'il pressait son poids contre la corde tendue, ses narines s'agitant en signe de protestation. "Allez, Herc..." murmura-t-elle dans une oreille aplatie. "Si ces bêtes peuvent la tirer, tu peux la faire rouler à la verticale."

 

L'étalon grogna, puis se cabra légèrement mais réussit à redresser le chariot, sous les acclamations de la famille. Elles aidèrent à ramasser les provisions et à installer tout le monde, puis ils commencèrent tous à descendre la route, avec Xena chevauchant un peu à l'écart, et Gabrielle marchant à côté du chariot, avec le jeune homme et la femme. Les enfants étaient installés dans le chariot et Reynald conduisait les bœufs, qui remuaient le sol poussiéreux avec leurs pas lents et réguliers.

****************************************************

La ville faisait peine à voir se dit Gabrielle. Elle n’était pas entretenue, comme délaissée... même le bois des murs des bâtiments avait l'air en mauvais état. Les gens les regardaient entrer avec des yeux furtifs et méfiants, qui s'attardaient sur le chariot, puis sur le visage anguleux et distinctif de sa compagne, tandis que Xena étudiait les environs d'un regard froid.

Le village était disposé en carré, avec une petite auberge décrépite d'un côté et une écurie à moitié effondrée de l'autre. Les huttes qui constituaient le reste de l'endroit avaient des taches sur leurs murs, et l'une d'entre elles était simplement brûlée.

La barde tapotait doucement son bâton et regarda un homme âgé s'approcher d'eux, un tablier de cuir usé noué autour de sa taille et ses mains noueuses serrant nerveusement le nœud. "Bonjour." Elle garda sa voix basse et agréable.

L'homme lui fit un signe de tête, après avoir jeté un coup d'œil au reste du groupe et laissé ses yeux parcourir le visage glacé de Xena. "B’jour... vous venez du nord ?"

"Eh bien... oui et non." Répondit Gabrielle, en s’apercevant que personne d'autre n’allait répondre, apparemment contents de la laisser comme porte-parole. "Ces gens ici oui... ils ont été attaqués sur la route." Elle s'appuya sur son bâton. "Ma compagne et moi venons du sud." Elle lui tendit la main. "Je m'appelle Gabrielle."

L'homme serra sa main par réflexe, puis il hocha la tête. "Je suis Estefas... ma femme tient l'auberge, ce qu'il en reste. Vous êtes les bienvenus avec le peu d'hospitalité que nous avons. Ils ne nous ont pas laissé grand-chose."

Reynald descendit, s'épousseta les mains, puis en tendit une. "Merci, monsieur... ma famille et moi avons quitté les montagnes au Nord.... nous espérions trouver plus de paix ici, mais il semble que vous ayez subi le même traitement que nous."

"Aye." confirma Estefas avec un soupir. "Il y a eu une demi-douzaine de raids le mois dernier... je ne sais pas ce qu'ils pensent qu'il nous reste maintenant... la dernière fois ils ont juste brûlé la hutte de la vieille veuve et n'ont rien pris." Il fit un signe de tête aux femmes et donna aux enfants un sourire fatigué. "Vous avez de la chance d'être passés sans problème."

"Eh bien... ce n’est pas le cas, en fait." Elly ne put retenir un sourire de parcourir son visage. "Ils nous ont trouvé sur la route... mais ils n'ont pas pu nous achever... Xena est venue nous sauver." Il rayonnait littéralement et tourna ses yeux vers la guerrière, qui était descendue de cheval et tripotait la bride d'Hercule. "Elles nous ont sauvés."

"Je vais aller m'occuper de ces deux-là." Xena brisa le bourdonnement montant des commentaires excités, ses yeux rencontrant ceux de Gabrielle. "Tu veux nous trouver une chambre ?" Elle prit le bref hochement de tête de la barde pour une réponse et saisit les rênes de Iolaus, entraînant les deux étalons loin de la foule qui se rassemblait pour se diriger vers ce qui semblait être une grange en mauvais état.

 

"Elle... hum..." Gabrielle se retrouva au centre d'une attention très intéressée. "Elle n'aime pas les histoires... vous savez."

"C'est vraiment Xena ?" L'aîné demande avec étonnement. "Tu es Gabrielle la barde, alors ?"

Cela semblait... Gabrielle pinça les lèvres et expira. "Oui... c'est moi." Murmura-t-elle, laissant le titre se poser sur elle comme une cape chaude et inattendue. Elle avait été tellement occupée à être d'autres choses, comme une mère, un préfet, et une reine amazone à domicile, que c'était étrange, mais bon de reprendre une identité qui avait tant imprégné son esprit.

"Les dieux nous préservent... J'ai du mal à le croire." Estefas secoua la tête. "Vous êtes les bienvenues, aye, plus que bienvenues ici... malgré toutes les histoires que nous avons entendues, je n'ai jamais pensé vous voir de mes propres yeux." Il s'éclaircit la gorge. "Très bien... reculez un peu là... laissez la dame respirer... "Il s'essuya les mains sur son tablier. "Ma fille va vous montrer l'auberge... nous n'avons pas grand-chose, mais vous êtes les bienvenues pour profiter de tout ce que nous pouvons vous offrir."  Un murmure d'accord enthousiaste s'éleva autour de lui et Gabrielle pu entendre son nom être murmuré à travers le bruit de la foule.

" Merci... hum... " Mais d'abord, il fallait s'occuper d'une guerrière très contrariée et très déstabilisée. "Nous avons voyagé pendant une semaine... Laissez-moi aller arranger les choses, puis peut-être que nous pourrons tous nous asseoir et parler... J'aimerais savoir ce qui s'est passé."

"Gabrielle..." Une femme d'âge moyen posa une main sur son bras. "Si c'est... je veux dire, plus tard... pourriez-vous... hum... peut-être nous raconter... une de vos histoires ?"

Une nette poussée d'excitation la traversa. "Ah... bien sûr..." La barde fut prise de court par cette demande, mais se sentit néanmoins flattée. "Bien sûr... Je serais heureuse de le faire... peut-être après le dîner ?"

"Ce serait magnifique... nous avons tellement entendu parler de vous par Devon, ce sera formidable de l'entendre de la source, pour ainsi dire." Estefas tapa dans ses mains. "Reculez un peu... Laissez la dame se reposer... venez tous à l'auberge ce soir et nous pourrons en profiter à ce moment-là."

Gabrielle se retrouva conduite doucement vers l'auberge par une grande fille aux cheveux auburn, pas beaucoup plus jeune qu'elle. Après un moment, elle leva les yeux vers elle. "Qui est Devon ?"

La fille lui sourit. "Il est... eh bien, la plupart des gens disent que c’est un fauteur de troubles, mais ce qu'il fait, c'est raconter des histoires... il était juste ici la semaine dernière... il va être tellement furieux quand il découvrira que vous étiez ici et qu'il ne vous a pas vues."

La barde hocha la tête. "Quel genre d'histoires ?"  demanda-t-elle. "Et quel est ton nom ?"

"Anabela" répondit la jeune fille promptement. "Quel genre d'histoires ? Eh bien... toutes sortes d'histoires sur Xena... des choses incroyables que nous savons ne pas être vraies.... sur les géants, et les centaures, et sur vaincre des armées... des histoires magnifiques."

"Ah." Répondit Gabrielle. "Eh bien, nous avons rencontré des géants et des centaures, et des armées, alors..." Elle tira la porte en lambeaux et entra, grimaçant à l'odeur du vieux pain rassis et du bois moisi. "Où est ce... Devon ?"

Anabela passa devant elle. "Mama !" appela-t-elle, puis sourit. "Il se déplace toujours... pour être à l'abri des pillards... il était ici il y a deux semaines."

Une femme âgée entra en boitant dans la pièce et regarda Gabrielle à travers la faible lumière. "Bonjour."

"Bonjour..." Gabrielle mit sa curiosité de côté pour le moment. "Nous aimerions une chambre pour la nuit... ma compagne et moi."

"Maman, voici Gabrielle la barde." Anabela prit la parole, tout excitée. "Et elle est ici avec Xena !"

Des yeux vieux et fatigués la regardèrent. "C’est ça. Allez ouste" répondit-elle à la fille. "Emmène tes histoires avec toi et laisse-moi m'occuper des affaires." Elle mit Anabela dehors, puis se retourna vers Gabrielle. "Maintenant... une chambre, c'est ça ?"

La barde sourit. "Oui... nous avons dormi dehors toute la semaine."

Le visage ridé bougea et se plissa alors que la vieille femme méditait cela. "On n'a qu'une seule chambre et on n'a qu'un seul lit." Déclara-t-elle finalement d'un ton bourru. "Deux dinars et vous dînez, et vous aurez du pain et de la bière pour le petit-déjeuner."

D'ordinaire, la barde aurait refusé, étant donné l'état de l'auberge et l'odeur de la nourriture, mais elle pouvait voir l'épuisement dans les yeux de la femme plus âgée, alors elle sourit simplement. "Cela semble bien." Elle sortit sa pochette de sa ceinture et lui tendit les deux pièces. "Voilà... et..." Elle en a donna une troisième. "Si nous pouvons utiliser une baignoire... et des serviettes."

L'aubergiste fixa les pièces, puis les retourna, étudiant le tampon distinctif sur un côté. "Amphipolis." Elle leva les yeux vers Gabrielle. "Tu es de là-bas, alors ?"

La barde hocha la tête. "Oui.... nous le sommes toutes les deux."

"Ils disent que c'est sûr là-bas... Qu'est-ce que vous faites sur ces terres désolées ?" demanda la femme curieusement. "C'est une époque dangereuse, jeune fille."

Gabrielle sourit. "Je sais.... merci pour l'avertissement." Elle fit un signe de tête à la femme. "Je dois aller chercher nos affaires et.... et je reviens dans un moment." L'intense malaise au plus profond de ses tripes était devenu trop fort pour qu'elle l'ignore et elle se glissa hors de l'auberge, se dirigeant vers l'écurie à grandes enjambées. Bon sang, Xena... quel tourment t’infliges-tu là-dedans ? se demanda-t-elle. La guerrière avait été très silencieuse... trop silencieuse, réalisa-t-elle, après le court combat et elle avait été très renfermée pendant tout le trajet jusqu'au village.

Peut-être qu'elle était blessée, pensa Gabrielle, se rappelant la tendance obstinée de sa compagne à " oublier " de mentionner ce genre de choses. Mais non... la barde ne se souvenait pas d'avoir vu quoi que ce soit de dangereux. En fait, pour quelqu'un qui n'avait pratiquement pas eu d'expérience de combat depuis quelques mois, Xena avait semblé assez vive, dominant facilement la plupart de ses adversaires et rebondissant comme une balle d'enfant avec son sourire caractéristique.

Du moins, se dit Gabrielle, c'est comme ça que je l'ai vue. Je me demande comment elle l’a vécu ?

********************************************

La grange était presque aussi décrépite à l'intérieur qu'à l'extérieur. Xena écarta la porte avec sa botte et jeta un coup d'œil autour d'elle, évaluant la sécurité relative de la structure avant de poursuivre.

 Un côté de la grange s'était partiellement effondré, mais l'autre côté semblait assez sûr, et un petit cheval de trait était dans l'une des stalles, la tête à moitié tournée pour observer les intrus.

"Allez, on avance." Xena franchit la porte et conduit les étalons à l'intérieur, leurs oreilles dorées se balançant d'avant en arrière avec un intérêt évident.  Elle réquisitionna deux grandes stalles et y installa les chevaux, puis entreprit de retirer leurs sacoches qu'elle plaça dans un coin relativement propre.

La tâche bien connue et répétitive calma un petit peu ses nerfs et elle sortit ses brosses de toilettage, les passant lentement sur les flancs de Iolaus alors qu'elle laissait son corps se détendre.

Avant d’être rappelée par le combat par une douleur aiguë sur son côté droit, qui la fit s'appuyer contre le cheval pendant un long moment. "Oh, sois maudite Xena..." chuchota-t-elle, furieuse contre elle-même. "Par Hadès, qu'est-ce que tu pensais faire en venant ici ? Que tu allais mettre un gentil licol aux méchants quand tu les rencontrerais ?".

Iolaus fit la moue en arquant la tête et en lui donnant un petit coup, comme sa mère aimait le faire. La guerrière lui gratta les oreilles et soupira, puis changea de main et commença à le brosser avec sa main gauche, lissant les poils dorés étincelants d'une main experte.

Elle en avait presque fini avec lui, son humeur empirant à chaque secousse sur ses côtes meurtries. Elle vérifia ses sabots quand elle entendit des pas se rapprocher. Des pas très familiers, et pour une fois, elle était presque désolée de les entendre, sachant que son âme sœur la pousserait et la pousserait encore, doucement mais sûrement, jusqu'à ce qu'elle lui dise ce qui la dérangeait et ça...

Xena se leva, posant ses mains sur le dos de Iolaus alors que la porte s'ouvrait, et que Gabrielle regardait à l'intérieur, la repérant et se déplaça à l'intérieur, fermant la porte derrière elle.

"Hey." La barde traversa le sol jonché de foin et entra dans la stalle, se perchant sur l'abreuvoir en bois cloué sur un côté. "Nous avons une chambre et une baignoire."

Oh oh.  "Super." Marmonna la guerrière. "Merci." Elle donna une tape à Iolaus, puis rassembla ses outils, jetant un coup d'œil au muret qui séparait les stalles, avant de sortir par la porte et d'en faire le tour. "Des problèmes ?"

Gabrielle considéra le sol, puis leva les yeux vers elle, observant les mouvements de la guerrière autour du corps rétif d'Hercule. "Avec la chambre ? Non... J'ai découvert le nom de la personne qui raconte des histoires sur toi... et moi... hum... " Le doux son de la brosse contre le crin de cheval résonna fort alors qu'elle marquait une pause. "Certaines d'entre elles me semblent vraiment familières."

Des yeux bleu pâle la regardèrent par-dessus le dos d'Hercule. "Familières ?"

"Mm." Gabrielle hocha la tête. "C'était un accueil assez incroyable, hein ? Je sais que tu ne t'y attendais pas vraiment, Xena, mais..."

"Non." Répondit la guerrière calmement. "Et je ne suis certainement plus la personne décrite dans ces histoires." Les mots sortirent avant qu'elle ne puisse réfléchir et elle retint un juron en voyant le regard de Gabrielle.

"Xena..." La barde glissa de son perchoir et entra dans l'autre box, contourna l'étalon et se rapprocha d'elle, apportant un contact familier qui réchauffa son dos lorsqu’elle le frotta doucement.

"Ne me 'Xena' pas, Gabrielle... c'est vrai et nous le savons toutes les deux." La guerrière fixa un petit motif tourbillonnant de poils entre les épaules d'Hercule.  "C'était mon choix... Je le sais... mais nous sommes ici, et je..." Elle s'arrêta puis secoua juste la tête.

Le barde la regarda. "Et tu quoi ?" demanda-t-elle, doucement. "Xena, qu'est-ce qui ne va pas ?  Allez….parle-moi... Je sais que c'est bouleversant de voir toute cette destruction, mais... je veux dire, au moins cette famille est sauve."

La guerrière regarda ses mains, pendant un long moment, puis haussa les épaules. "Oui, tu as raison." Ça ne sert à rien de traîner Gabrielle dans mes cauchemars. "Hum... tu veux bien m'aider avec ça ?"  Elle tourna la tête, juste à temps pour voir la douleur silencieuse, rapidement masquée lorsque Gabrielle baissa la tête et hocha la tête.

"Bien sûr." La barde prit une brosse et commença à la passer doucement dans l'épaisse crinière noire. "Tu ... pourrais ne pas vouloir ranger nos sacs ... le dîner était inclus, mais vu l'odeur de cet endroit ... il serait plus sûr de manger ici." Fit-elle remarquer, avec une désinvolture forcée. "Je préférerais ne pas y aller... mais j'ai en quelque sorte promis de leur raconter une histoire ou deux... ça va être bizarre."

Xena avait la tête baissée, tandis qu'elle passait la brosse sur les pattes supérieures du cheval. "Bizarre ?" demanda-t-elle, plus pour maintenir la conversation qu'autre chose.

"Ouais... ça fait longtemps que je n'ai pas eu à faire ça devant des gens... que je ne connaissais pas, je veux dire.... J'espère que je n'ai pas oublié comment faire." Répondit la barde. "Ce serait plutôt embarrassant... ils ont de sacrées attentes... je suis un peu nerveuse."

Xena la regarda un moment par-dessus le dos de l’étalon. "Oui." Répondit-elle doucement avant de se racla la gorge. "Ecoute... tu vas bien t'en sortir... on n’oublie pas ce genre de choses, pas quand on est aussi doué comme tu l’es". Rassura-t-elle sa compagne.

Gabrielle se déplaça de manière à se trouver à côté de son âme sœur et appuya brièvement sa tête contre la grande épaule. "Merci... Je sais que je peux toujours compter sur ton soutien." Dit-elle à la guerrière. "Je sais que je peux toujours exposer mes stupides insécurités et que tu sauras me rassurer."

Xena se redressa et mit ses brosses de côté, tournant toute son attention vers son âme sœur. " Elles ne sont pas stupides, Gabrielle... elles sont parfaitement naturelles... je suis heureuse d'avoir pu aider. "

La barde prit une inspiration, puis leva les yeux, droit dans ceux de Xena. "J'aurais aimé que tu me laisses faire ça pour toi."

C'était comme se faire botter le ventre par un centaure. La guerrière recula, posant une main sur le cou d'Hercule pour se stabiliser, tandis qu'elle reprenait son souffle. "Je n'ai pas..."

Gabrielle n'a eu aucune pitié pour elle. Elle posa sa paume contre la poitrine de sa compagne et la fixa d'un regard implacable. "Tu crois que je ne sais pas ce que tu ressens ? Xena, mes tripes sont aussi nouées que des nœuds et je sais que c’est exactement ce que tu ressens en ce moment. " Elle repoussa la guerrière avec douceur. "Je te demande de te mettre à mon niveau." Une pause. "S'il te plaît."

Pendant un long moment, elles se regardèrent, deux volontés fortes s'affrontant dans la lumière tamisée. Puis Xena expira et baissa la tête en signe de concession. Elle tendit la main en direction d'un épais tas de foin dans le coin le plus éloigné. "Autant nous assoir confortablement".

 

Merci. Gabrielle poussa un soupir de soulagement en s'installant dans la paille, regardant Xena prendre un morceau et commencer à le déchiqueter. La guerrière ne savait visiblement comment commencer et Gabrielle réalisa qu'elle allait devoir faire un peu plus d'efforts. "Es-tu contrariée par ce qui se passe ?" s'aventura-t-elle doucement. " Ou à propos de ces histoires... Je veux dire, je sais que ça doit être bizarre pour toi, chérie, mais... ".

"Non... ce n'est pas ça." Xena secoua la tête, puis réfléchit. "Eh bien, peut-être en partie... Je suis juste... Gabrielle, ces histoires... Je ne pense pas que je puisse... non, je sais que je ne peux pas être à la hauteur."  Elle sortit les derniers mots comme s'ils étaient physiquement douloureux. "Je n'avais pas réalisé à quel point... à quel point je détesterais ça jusqu'à ce que j’y sois confrontée aujourd'hui."

"Mm." La barde posa une main sur le genou de Xena, le caressant un peu. "Je ne pensais pas que c'était si grave... si tu parles du combat, je veux dire...bien sûr ça fait un moment et j'ai glissé comme une idiote et je suis tombée sur les fesses, mais..." Elle envoya un regard à Xena d’une douce franchise. "Tu n'avais pas l'air d'avoir beaucoup de problèmes."

La guerrière laissa échapper un léger grognement. "Le dernier m'a presque eu." Admit-elle d'un air las. "Et si tu n'avais pas assommé l'autre... Je ne sais pas, Gabrielle... J'ai juste... ".

Ah. Gabrielle passa en revue ses options, puis redressa ses épaules, et choisit la moins désagréable d'entre elles. "Hey... tu sais ce que je pense ?"

Xena leva ses yeux vers elle. "Quoi ?"

"Je pense... que tu... étais très fière des compétences que tu avais." Gabrielle garda sa voix douce, voyant le tressaillement à peine visible à ses mots. "Tu étais vraiment habituée à être la meilleure qui soit, Xena... et maintenant tu dois faire face au fait que ta décision d'arrêter de te battre fait que ce n'est plus le cas. Et ça fait mal."

"Je ne regrette pas cette décision." La guerrière énonça les mots avec précision, à voix basse.

"Je sais... moi non plus." Répondit son âme sœur. "Mais je sais aussi à quel point ces capacités faisaient partie de toi." Elle fit une pause. "Et combien tu en étais fière."

Le visage de la guerrière ne changea pas d'expression, mais Gabrielle pouvait sentir la réaction à travers leur lien et elle déglutit. J'espère qu'elle pensait ce qu'elle a dit avant, qu'elle voulait entendre ce que j'avais à dire... même si ça fait mal.  Doucement, elle serra la jambe sous sa main et n'obtint aucune réaction. Son cœur s'arrêta un instant. "Je suis allée trop loin, hein ? Xe, je suis désolée... Je n'ai pas...."

"Non."  Dit finalement la guerrière en clignant lentement des yeux. " Tu as tout à fait raison, Gabrielle... c'est ma fierté... mon fichu ego vient de recevoir un coup de pied dans les dents, et ça me tue. " admit-elle doucement, avec un soupir fatigué. "Pathétique, hein ?"

"Ne sois pas ridicule." La barde se détendit un peu. "Bien sûr que non... et tu ne vas pas me dire que tu aurais préféré abandonner l'année que nous avons passée pour conserver ces compétences, n'est-ce pas ?".

L'expression de Xena s'adoucit. " Non... tu le sais très bien. " Elle se déplaça un peu, puis leva les yeux vers la barde. "Mais si ça avait été pire ? Si quelque chose t'était arrivé... alors quoi ? "

" Il y a toujours ce risque... nous l'avons toutes les deux accepté. " répondit la barde. " Et Xena, je ne pense pas une minute que tu ne serais pas capable de faire ce qu’il faut pour nous défendre toutes les deux. " Elle prit la main de la guerrière. "Je veux dire... allez... après quinze ans de combat ? Qu'est-ce qu'un an, Xena ? Si je n'ai pas pu oublier comment raconter une histoire pendant ce temps, et je ne le fais que depuis quelques années, qu'est-ce que cela signifie pour toi ?"

"Je ne sais pas." Répondit sa compagne. "Et j'ai peur de le découvrir." Elle planta ses yeux dans ceux de Gabrielle sans détour. "Je ne suis pas capable de sortir cette épée pour me ridiculiser avec."

A mon tour. "Tu ne le feras pas." La barde lui sourit doucement. "C'est ce que tu fais dans tes rêves, Xena... ton corps n'a pas oublié, même si tu le crois." Elle pressa à nouveau la jambe et cette fois la guerrière se déplaça et couvrit sa main avec l'une des siennes. "Tu peux te le prouver à toi-même... Essaie juste."

Une longue respiration se fit entendre. "Peut-être... après notre départ..... on verra."  Répondit Xena à contrecœur, mais elle avait l'air un peu plus heureuse. "Merci... je crois que j'avais besoin d'un bon coup de pied aux fesses".

Gabrielle se retourna, posant sa tête sur les genoux de la guerrière et la regardant paisiblement. "C'est à ça que servent les amis." Elle hésita, puis poursuivit. "Xena... Je sais que tu as pris une décision difficile... et je t'honore pour ça... mais je n'ai jamais cru que tes capacités au combat étaient mauvaises... surtout si tu les utilises pour le bien, et pour aider des gens comme eux, qui ne peuvent pas se défendre."

"Vraiment ?" Xena sentit un sourire triste traverser son visage, alors que ses propres doutes resurgissaient.

Des yeux verts brumeux la regardèrent. "Vraiment." Gabrielle retira un peu de paille qui s’était emmêlée dans les cheveux sombres. "Je crois en toi de tout mon cœur, Xena... et je me moque que tu puisses ou non soulever une épée."  Elle traça une pommette du bout de ses doigts. "Je t'aime... tout entière... tout ce que tu es."

Lentement, une petite étincelle apparue dans les yeux pâles au-dessus d'elle. "C'est vrai, hein ? "

"Je t'aime." dit Gabrielle en acquiesçant solennellement.

"Même les parties qui te chatouillent ?" demanda Xena en glissant une main sous la chemise de la barde pour passer ses doigts sur les côtes de Gabrielle.

"Yeeooow !" La barde se tortilla, essayant de rouler hors de portée. " Tu... tu... " La chatouille se transforma en un câlin chaleureux et elle laissa les mots s'écouler au loin, alors qu'elle était attirée dans un endroit très agréable. "Mmmm."

Xena pouvait sentir les os craquer sous ses bras et elle serra puis berça doucement sa compagne. "Merci... Je ne sais pas ce que je ferais sans toi, ma barde."

Gabrielle cligna lentement des yeux contre le tissu doux de la chemise de la guerrière. "Ne t'inquiète pas... tu n'auras jamais à le découvrir."  Répondit-elle, alors qu'elle jouait avec un lacet, entendant le battement de cœur sursauter avec un faible sourire. 

Elles se reposèrent en compagnie l'une de l'autre pendant un quart de chandelle, puis Xena soupira. "Il y a beaucoup de choses à faire ici..... On pourrait peut-être leur donner un coup de main."

"Excellente idée." Approuva Gabrielle. "Par où on commence ?"

Le toit craqua, puis de la poussière s'effondra sur elles alors qu'un trou s'ouvrait, laissant entrer un couple de poulets très surpris, qui volèrent vers le bas en poussant des cris d'indignation.

*****************************************************************

Xena était assise tranquillement au fond de l'auberge, près d'une grande fenêtre qui laissait entrer une brise fraîche à travers l'espace bondé. Il faisait sombre là où elle se trouvait, bien que le reste de la pièce soit éclairée par des torches et la grande cheminée, dont les flammes claquaient dans le courant d'air et envoyaient des spirales de fumée vers le toit taché de suie.

Une vague de rires la fit sourire, alors qu'elle regardait un sourire similaire se répandre sur le visage de Gabrielle. La barde était perchée sur la seule table vide à l'avant de la pièce et au centre de toute l'attention.

La guerrière leva une chope de bière à ses lèvres et prit une gorgée, étirant les muscles un peu raides du dur travail qu'elles avaient abattu le reste de la journée, essayant de ramener un certain niveau de confort dans ce village qui avait subi de nombreuses attaques. Elles avaient réparé la grange, aidé à réparer les portes, les meubles et les chariots de la ville et Xena avait passé quelques heures avec son kit de guérison pour soigner des blessures mineures et des maux qui traînaient depuis longtemps.

Pendant que Gabrielle parlait, la guerrière pouvait sentir des regards se tourner vers elle de temps en temps, mais ils n'avaient plus les yeux écarquillés qu’elle avait vu dans la matinée. Au lieu de cela, il y avait un mélange de respect, d'amitié et de gratitude sincère qui touchait Xena au plus profond d'elle-même, lui rappelant des souvenirs chaleureux de villes dans un passé pas si récent qu’elles avaient aidé.

Elle avait oublié à quel point elle avait secrètement appris à aimer ce sentiment. A Amphipolis, elles étaient considérées comme acquises... L'opinion de Gabrielle était prise en compte comme une évidence et il n'était pas rare que les habitants du village viennent trouver Xena si un chariot devait être déplacé ou si quelqu'un avait décidé de faire des histoires au bar.

Ça... c'était agréable. Et alors qu'elle regardait le visage de sa compagne s'illuminer devant la réponse enthousiaste à son histoire, elle réalisa que cela devait être agréable pour Gabrielle aussi. Elle fit un clin d'œil à son âme sœur, leva son verre, et reçut un sourire sincère en retour alors que la barde cédait à une autre série de cajoleries pour une histoire de plus.

"Excuse-moi." Une voix calme et timide interrompit sa rêverie et la guerrière se retourna pour voir la jeune femme du chariot se tenant là, ses mains reposant sur les épaules du plus jeune enfant. "Je déteste te déranger, Xena, mais..."

La guerrière posa sa chope sur la table et l'entoura de ses mains. "Pas de problème... que puis-je faire pour toi ?" Elle sourit au garçon, qui serrait contre sa poitrine une peluche en lambeaux, totalement indescriptible, et ressentit un pincement au cœur en regrettant la présence mignonne de Dori.

La femme se rapprocha, encouragée par la réponse de la guerrière. "Eh bien, je sais que c'est stupide mais le garçon ici... " Elle désigna l'enfant. "Il m'a harcelé toute la journée... il n'arrête pas de dire que tu as sauvé son jouet de la racaille de la route et il voulait juste te remercier."

Xena lâcha sa chope et se pencha en avant, les coudes sur les genoux, atténuant consciemment sa personnalité intense. "Hey. Viens par ici." Elle capta le regard du petit garçon et l'attira vers elle avec un sourire calme.

Son visage émerveillé, il s’avança en trottinant, serrant le jouet tout en la regardant fixement. "Merci... tu as sauvé Bobo."

Xena pencha la tête vers lui. "C'est Bobo ?" Elle posa un long doigt sur la peluche et le regarda hocher vigoureusement la tête. "Je vais te dire un secret, mais ne le répète à personne, d’accord ? Quand j’étais petite, j'avais un jouet qui lui ressemblait beaucoup."

Les yeux noisette du garçon s'écarquillèrent alors qu'il la fixait, ne pouvant manifestement pas associer petite et cette grande guerrière dans la même phrase. "Vraiment ?"

"Yep." Lui assura Xena sérieusement. "Je l’avais appelé Flameball." Elle décroisa ses mains et les écarta un peu. "Viens là..." Elle souleva le garçon alors qu'il s'approchait et le serra dans ses bras, puis le reposa et entendit un halètement surpris. "Tu fais attention Bobo, d'accord ?"

L'enfant hocha la tête, serrant le jouet contre lui. "C'est le mien."

"Pauvre petit." La femme soupira en ébouriffant ses cheveux courts et clairs. "C'est tout ce qu'il a... il a perdu sa famille et tout le reste dans le raid."

Xena leva les yeux vers elle. "Il n'a plus de famille ?"

La femme secoua la tête et repoussa ses cheveux châtains en arrière. "Non... nous l'avons recueilli... c'était la seule chose que nous pouvions faire, vraiment... nous ne pouvions pas laisser l'enfant mourir de faim dans les rues, même si nous n'avions guère mieux. C'est un bon garçon."  Elle fit un petit sourire à Xena. "As-tu... as-tu des enfants ? Tu es douée avec eux."

Xena leva les yeux du petit orphelin et expira. "Quoi ? Oh... oui... je... j'ai une fille."  Elle imagina Dori dans tes circonstances similaires et son cœur se serra. "Elle n'a pas tout à fait un an."

La femme hocha la tête. "Elle a de la chance, alors... d'avoir une mère comme toi, qui peut la protéger de ces salauds."  Elle caressa la tête du garçon. "Viens, Lese... il est temps de dormir."

L'enfant sortit sa lèvre inférieure d'un air mécontent. "Je ne veux pas." Il serra le jouet dans ses bras. "Mauvais."

"Il fait des cauchemars." Expliqua la femme à la guerrière qui regardait. "Je pense qu'il en aura pendant un moment."

Xena eu l'impression que quelque chose allait exploser en elle. C'était un mélange de colère, de chagrin et de regret qui menaçait grandement son calme habituel et elle dut déglutir plusieurs fois avant de pouvoir parler. "Ecoute-moi bonhomme." Elle se pencha en avant et tapa doucement sur le nez du garçon. "Pense à des choses agréables avant de t'endormir, d'accord ? Ça t'aidera à garder les mauvaises choses au loin."

Il la regarda, pas du tout convaincue.

"Je te le promets."  Ajouta Xena doucement. "D'accord ?"

Une petite grimace pensive s'installa sur le visage de l'enfant, puis il hocha finalement la tête. "Okay."

Elle lui ébouriffa les cheveux, puis regarda la femme l'emmener par la main, non sans jeter quelques regards en arrière dans sa direction. Alors que l'obscurité se refermait autour d'elle, elle s’adossa à son siège et laissa ses mains tomber sur ses cuisses, en pleines réflexions douloureuses.

Les petits garçons ne devraient pas avoir à grandir sans leurs parents. Cela résonnait dans son esprit, lui rappelant l'image d'un autre petit garçon qui était passé par là aussi. Pas si quelqu'un peut arrêter les méchants.

La question est, puis-je encore être ce quelqu'un ? Les narines bronzées se dilatèrent et la mâchoire de Xena se serra alors qu’elle soulevait sa tasse pour la boire lentement à petites gorgées tandis que ses yeux parcouraient la pièce.

*************************************************

"Si cette chambre avait été plus petite, j'aurais choisi la grange." Plaisanta Gabrielle faiblement, alors qu'elle échangeait ses vêtements de jour contre une chemise de nuit et rangeait ses affaires dans la sacoche que Xena avait trimballée depuis l'écurie. Entre le dur labeur d'une journée entière et le récit d'une nuit, son corps protestait bruyamment et elle était heureuse de pouvoir lui accorder une nuit de repos sur un semblant de lit. "Ugh."

Xena arriva derrière elle, déjà habillée pour dormir et passa de longs bras autour de ses épaules. "Fatiguée ?"

Gabrielle s'autorisa à se détendre contre la présence réconfortante derrière elle. "Mm... ouais." Admit-elle. "Mais c'est le genre de fatigue agréable, tu sais ?" Elle inclina sa tête vers le haut. "Ça m'a fait du bien d'aider ces gens."

Xena hocha la tête, son menton effleurant la tête de la barde. "Ils ont eu des moments difficiles." Confirma-t-elle, en frottant les épaules de sa compagne avant de commencer un léger massage. "Tu es plutôt tendue."

La barde laissa échapper un petit son de plaisir et ferma les yeux. "Comme tu dis..." Elle donna une tape sur la jambe de Xena. "Je n'ai pas gardé la forme comme toi... et je le sens bien ce soir." Elle soupira. "Je pense que mes douleurs ont des douleurs à ce stade."

La guerrière gloussa un peu, puis la poussa doucement vers le lit. "Allonge-toi."

Gabrielle s'exécuta de bonne grâce, ignorant l'odeur poussiéreuse des draps alors qu'elle sentait le poids de Xena s'appuyer sur le matelas de chaque côté d'elle et les mains de la guerrière commencer un lent et puissant massage le long de son corps. La tension et la douleur s'estompèrent et elle sentit une vague de somnolence envahir ses sens. "Oh... tu es si douée." Murmura-t-elle, entendant le rire au-dessus d’elle.  "Merci...."

"C'était de superbes histoires, au fait." Lui fit remarquer Xena, en travaillant sur un pli particulièrement serré dans l'épaule de son âme sœur. "Je crois que tu as eu du succès."

Gabrielle sourit, les yeux mi-clos. "Ouais... ça m'a fait beaucoup de bien... ma gorge me tue, mais ça valait le coup". Elle réfléchit un moment. "Cette nourriture était plutôt horrible, n'est-ce pas ?"

"Je n'ai pas remarqué." Répondit la guerrière distraitement. "La bière n'était pas mauvaise."

"Tu n'as pas remarqué parce que tu n'as rien mangé."  L’accusa Gabrielle. "Je t'ai vu passer ton bol à ce petit chien sous la table".

Xena gloussa. "Tu m'as eue." Elle travailla l'arrière du cou de la barde, entendant les légers craquements lorsque la colonne vertébrale se remettait en place. "Moi, je t'ai vu le mettre de côté discrètement... et je me suis dit que si tu ne le mangeais pas, c'était une mauvaise nouvelle."

"Oh, merci beaucoup." La barde tourna un œil vers elle et la regarda. "Ils parlaient tous de toi, tu sais".

La guerrière hocha la tête en silence. "J'ai entendu." Elle déplaça ses mains le long du dos de Gabrielle.

 

Gabrielle reposa son menton sur son poignet et traça un motif sur les draps avec son autre main. "Un peu comme au bon vieux temps."  Elle sentit le mouvement s'arrêter, puis repartir et entendit le léger soupir de son âme sœur.

"Tu as choisi des histoires intéressantes à raconter". Commenta Xena. "Je ne suis pas surprise qu'ils les aient aimés... étant donné les circonstances." Elle se pencha en avant. "Si je ne te connaissais pas mieux... J'aurais pu penser que c'était fait exprès."

Des yeux verts impénitents lui jetèrent un coup d'œil en retour lorsque Gabrielle tourna la tête. "Peut-être que c'était le cas." Lui répondit-elle lentement. "Peut-être que j'ai vu le besoin de donner de l'espoir à ces gens… que les méchants ne gagnent pas toujours." Elle s'attendait à une réaction de colère, mais la guerrière hocha simplement la tête et continua son massage. Gabrielle laissa sa tête tomber vers l'avant tandis que les mains fortes défaisaient les nœuds dans le bas de son dos, et accepta le silence de Xena comme un accord tacite. "Ungh... c'est vraiment douloureux."

"Uh huh..." marmonna la plus grande femme. "Je t'ai vu soulever ces boîtes n’importe comment... pas malin, Gabrielle." Elle marqua une pause lorsque la barde tressaillit, puis continua plus doucement, sentant un nœud particulièrement gros à la base de sa colonne vertébrale. Cela prit quelques minutes, mais elle sentit finalement les muscles se détendre sous sa pression, alors que Gabrielle soupirait de soulagement. "Mieux ?"

"Mmhmm..." Murmura la barde. "Est-ce que j'ai des problèmes ?" Elle mit une touche de mélancolie dans sa voix.

"Pour avoir déplacé des boîtes ?" La voix basse et vibrante lui chatouilla la nuque. "Non."

"Oh." Gabrielle sentit la différence lorsque Xena s'étira à côté d'elle et qu’une paire d'yeux bleu pâle apparut, crépusculaire dans la lumière des bougies, la regardant avec une affection bienveillante. "Pour une autre raison ?"

Xena redressa sa tête d'une main et s'approcha pour chasser les cheveux blonds des yeux de sa compagne avec l'autre. "Non." Répondit-elle, simplement. "Viens ici."

Gabrielle se glissa dans l'étreinte accueillante et se blottit contre le corps chaud de sa compagne, tandis que Xena refermait ses bras autour d'elle. Elle fût alors entourée par son parfum familier, auquel il ne manquait que le soupçon de cuir et de laiton qui avait toujours émané de son armure. Elle se détendit, se délectant de cette proximité, et s'avoua que malgré les problèmes qui se profilaient, elle appréciait vraiment leur voyage. "Xena ?"

La guerrière venait d’éteindre la bougie et enroula à nouveau ses bras autour de la barde. "Hm ?"

"Où allons-nous ensuite ?"

Xena considéra la question de manière réfléchie. " L'ancien du village m'a dit que ça empire à mesure que l'on s'éloigne vers le nord... il y a un village de bonne taille... une ville en fait, à environ cinq jours de voyage d'ici et il pense qu'ils l'ont prise comme base. " Elle fit une pause. "Ça semble être un bon endroit si nous voulons découvrir ce qui se passe."

Gabrielle posa sa tête contre la poitrine de sa compagne, écoutant les battements réguliers de son cœur et sa douce respiration. "Ça ressemble à un plan." Murmura-t-elle doucement. "Et ensuite ?"

Xena ne répondit pas pendant un moment et la barde avait presque laissé le sommeil la prendre avant que la voix grave ne reprenne. "Je ne sais pas." Répondit la guerrière d’une voix calme. "Nous allons devoir attendre et voir ce qui se passe."

"Ok."  L'épuisement la gagna et elle se laissa faire, se blottissant dans le havre de paix que représentaient les bras de sa compagne.

*****************************

Mais la nuit fut longue, alors que la barde, paisiblement endormie, était surveillée par des yeux bleus et pâles qui fixaient l'obscurité, clignant de temps en temps tandis que l'esprit intelligent derrière eux travaillait sur une énigme difficile.

Finalement, un léger soupir rompit le silence et Xena se dégagea prudemment de l'étreinte de sa compagne, repliant les couvertures autour d'elle et sortit doucement du lit. La barde, manifestement épuisée, ne bougea pas, même lorsque la guerrière brossa doucement quelques mèches de cheveux sur son front.

Gabrielle avait toujours l'air si jeune lorsqu'elle dormait, son visage se détendant dans une attitude presque enfantine, rappelant irrésistiblement à Xena leur petite fille. Dori avait la même habitude de mettre le poing sous le menton, tout comme sa mère, et son visage arborait le même air de paix absorbée qui faisait sourire la guerrière.

La barde était une femme très forte, très sûre d'elle, mais elle dépendait de Xena pour la protéger, lorsque son habilité au combat, bien que formidable, ne suffise pas. Dori en dépendait également, tout comme Amphipolis si la menace se rapprochait d'eux, car à tort ou à raison, tous les regards se tourneraient vers elle, faisant confiance à son jugement et à ses compétences dans ce monde très dur et très dangereux.

Tout se résumait à cela, pensa-t-elle. Le plus grand bien. Peu importe ce qu'elle pensait d'elle-même, ces gens croyaient qu'elle pouvait faire la différence, et peu importe la difficulté, ou même si c'était possible, elle devait essayer. Elle devait au moins cela à Gabrielle, et maintenant sa décision de mettre ses compétences de côté semblait hantée par l'égoïsme.

Maintenant, il ne lui restait plus qu'à découvrir à quel point les choses étaient mauvaises. Lentement, elle traversa la pièce et s'agenouilla près de leurs sacoches, enfilant ses bottes, puis détacha le rabat de son sac et fouilla à l'intérieur jusqu'à ce que ses doigts touchent un tissu côtelé familier. Elle le sortit, puis déplia sa vieille tenue d'entraînement rembourrée, respirant l'odeur de la maison qui s’en dégageait.

Il lui fallut plus d'efforts qu'elle ne l'avait imaginé pour enlever sa chemise, et se glisser dans la tunique, bouclant les sangles de cuir usées avec des doigts légèrement tremblants.  Puis elle posa une main sur le paquet emballé sous la sacoche et s'arrêta pour réfléchir.

Un an. Un an à être une personne qu'elle n'avait jamais osé espérer être un jour, à vivre une vie qui lui avait parfois semblé si proche du rêve qu'elle s'attendait à ce qu'elle disparaisse à chaque fois qu'elle se réveillait.  Une année sans tuer, sans se battre. Sans souffrir.... une chance de faire à nouveau partie de sa famille et d'avoir sa propre famille dans un foyer rempli d'amour et de rires...

Xena ferma les yeux. Oublie ça, Xena. Tu savais que tu étais en sursis. Sois contente d'avoir eu tout ça, c'est plus que tu n'as jamais mérité et tu le sais. Elle laissa la vérité s'imprégner en elle, mettant de côté les rêves les plus fous et accepta la dure responsabilité qu'elle savait au fond d'elle-même être la sienne.

Cela piqua pendant une minute et elle laissa le regret l’envahir pendant quelques brèves secondes, laissant partir un avenir auquel elle croyait ne pas avoir droit, goûtant l'amère connaissance de qui et de ce qu'elle était dans un chagrin silencieux.

Puis elle expira, releva la tête, ramassa le paquet et le glissa sous son bras, avant de se faufiler par la fenêtre et de s'enfoncer dans l'obscurité.

Elle ne vit pas les doux yeux verts qui la regardèrent partir, remplis d'une triste compréhension, ni les larmes qui coulèrent silencieusement sur le visage de la barde, alors qu'elle se pelotonnait au bout du lit, pour attendre.

************************************************

C'était une nuit très calme, réalisa Xena, alors qu'elle s'éloignait du village et prenait un chemin à moitié couvert vers une épaisse forêt toute proche.  L'air était épais et humide et elle resserra un peu ses bras autour d’elle, les frottant pour se réchauffer en pensant avec nostalgie au nid douillet qu'elle venait d'abandonner. La lune planait au-dessus d'elle, sa face pleine éclairait le paysage et rendait les ombres argentées et zibelines très nettes, presque comme des poignards qui se baladaient sur son corps lorsqu'elle marchait.  On pouvait entendre de doux bruits nocturnes comme les faibles cris des animaux au loin ou le bruissement des feuilles se frottant les unes contre les autres.

Elle continua à marcher jusqu'à ce qu'elle trouve un endroit, entouré d'arbres et privé, avec un espace assez clair pour qu'elle puisse essayer quelques exercices. Bien.  Xena soupira, puis se dirigea vers un rocher plat, s'assit et laissa le paquet reposer sur ses genoux. Elle le fixa quelques instants, puis dénoua les ficelles de boyau qui le maintenaient fermé et les laissa tomber, déballant la couverture de lin pour exposer le fourreau de cuir usé et la poignée de laiton brillante de son épée.

Pendant quelques instants, elle se contenta de la regarder, puis elle passa un doigt sur la surface du fourreau, sentant la texture irrégulière, avant de laisser sa main tomber sur la poignée et de l'enrouler autour de la poignée brunie.

Le métal était froid, mais se réchauffa à son contact presque instantanément, alors que ses doigts se déplaçaient et sentaient les courbes familières. Un frisson parcourut son bras et elle relâcha l'arme, aspirant une bouffée d'air froid et humide avant de la laissant ressortir. "Eh bien, chaque chose en son temps." Elle se leva et laissa tomber le linge sur le sol, puis passa la main derrière elle et fixa le fourreau dans son dos, où il reposa avec la poignée confortablement installée juste au-dessus de son épaule droite.

Elle resta debout un moment, puis marcha en petits cercles, laissant son corps s'habituer au poids de l'arme et sentant les petits ajustements de son corps à mesure que ses muscles compensaient. Puis elle se tint debout tranquillement, les mains sur les hanches, et regarda le sol. "Par Hadès, par où dois-je commencer ?" se demanda-t-elle, détestant le sentiment de gêne qui l'envahissait. "Par le commencement, je suppose."

Essuyant ses mains, elle prit une profonde inspiration, puis passa la main par-dessus son épaule et saisit fermement la poignée de l'épée, la sortant du fourreau d'un mouvement régulier et la tint devant elle, en essayant de ne pas sentir le frisson qui parcourait tout son corps. 

"Au moins, je ne me suis pas coupé l'oreille." Murmura-t-elle, déplaçant un peu sa prise et laissant ses bras s'habituer au poids autrefois familier. "Maintenant... des pas de bébé, Xena... tu te souviens quand tu apprenais à faire ça ?"  Elle déplaça lentement l'arme pour commencer le premier des cinq mouvements de base, attaque et défense, la pierre angulaire du maniement d'une épée longue.

Elle laissa l'arme retomber sur sa cuisse lorsqu'elle eut terminé et déglutit, se sentant maladroite et hésitante, même pendant ce petit moment. Après un moment d'indécision, elle retourna sur le rocher et s'assit, tenant la poignée de l'épée entre ses mains et laissant la pointe reposer sur le sol.

Très bien se dit-elle fermement. Concentre-toi un peu. C'est l'esprit contre la matière... ou dans ce cas, l'esprit contre le corps.  C'est facile à dire, réalisa-t-elle, mais...

Frustrée, elle s'appuya sur l'épée. "Ecoute, Xena... tu as fait ton choix... maintenant bouge tes fesses, et passe à autre chose." dit-elle à voix haute, ses mots résonnant sur le sol dur et calmant les faibles bruits d'animaux furtifs à proximité.

Concentration. Elle ferma les yeux et se concentra sur sa respiration, comptant chaque mouvement d'inspiration, d'expiration, d'inspiration et d'expiration... jusqu'à ce qu'elle sente son corps se calmer. Elle prit conscience des doux sons de vie autour d'elle et quand elle se leva et ouvrit les yeux, la clairière sembla différente. "Ok. Essayons encore une fois." Elle sentit une vague de calme et de réconfort apaiser ses nerfs.

Elle reprit les mouvements de base, puis passa à un ensemble un peu plus avancé. Ses hésitations se transformèrent en mouvements fluides et confiants au fur et à mesure qu'elle répétait les exercices. C'était comme si son corps, d'abord surpris de se retrouver dans ces positions, se souvenait soudainement des mouvements et se débarrassait de quelques toiles d'araignée poussiéreuses en continuant.

Rouillée ? Xena roula des yeux. C'était loin d'être le terme exact. Elle se sentait comme lorsqu'elle s'était enfin remise sur pied après sa blessure au dos... maladroite et déséquilibrée, mais... Juste pour rire, elle essaya un exercice plus difficile, un qu'elle utilisait couramment pour se maintenir souple avec beaucoup de mouvements au-dessus de la tête et deux petites roulades.

Hmm. Elle se retrouva à l'autre bout de la clairière, après une série de roulades et de saltos et après s’être relevée sur ses pieds, en vie et les membres intacts. Son moral remonta un peu. Hey... ce n'était pas si mal.

Encouragée, elle poussa plus loin, accélérant un peu les exercices et trouva le point où elle commença sérieusement à être en difficulté beaucoup plus loin qu'elle n'avait osé l'espérer.

Un petit sourire se forma et elle ressentit une poussée d'optimisme, qui la conduisit à une nouvelle expérience, une série prolongée de coups et de passes sur un arbre inoffensif, qui la laissa respirer difficilement, mais sous contrôle, la poignée de l'épée chaude dans ses mains alors qu'elle regardait son souffle former des nuages devant elle.

Cela allait demander beaucoup de travail, réalisa-t-elle sobrement. Son temps de réaction était mauvais, et il y avait beaucoup d'hésitation dans des mouvements qui devraient être de purs réflexes, mais...

D'un bond, elle traversa la clairière, se redressa et s'élança dans le vide, sentant l'air froid la fouetter tandis qu'elle déplaçait l'épée dans un huit de chiffre et se retournait dans les airs, atterrissant sur ses pieds pour commencer une série d'exercices de difficulté relativement moyenne, qui la mettaient à l'épreuve. Elle continua pourtant, se poussant avec une détermination farouche pour terminer sa série, laissant ses poignets douloureux, mais son cœur beaucoup plus léger alors qu'elle savourait les retrouvailles une petite partie d'elle-même qui lui avait manqué, apaisait ainsi la douleur qui résonnait en elle due à l'abandon d'un rêve complètement différent.

Voilà. Elle se lança dans un saut périlleux arrière, se tordant dans les airs et atterrissant proprement. La Princesse Guerrière était de retour.

Xena baissa les yeux sur ses mains, retourna l'épée une ou deux fois, puis la glissa dans son fourreau. Elle se dirigea vers son rocher et s'y assit, les mains posées sur ses genoux et les yeux fixés sur la pleine lune, perdue dans ses pensées jusqu'à ce qu'elle entende un léger bruissement dans les broussailles voisines. Une douce chaleur l'alerta de sa source et elle regarda les buissons, laissant un sourire tranquille traverser son visage quand ils se séparèrent et que Gabrielle sortit dans la lumière argentée.

La barde s'arrêta à quelques mètres d'elle et croisa ses bras, le visage dans l'ombre. "Salut."

Xena posa ses coudes sur ses genoux et la regarda. "Salut."

Un pied botté frappa un caillou doucement. "Tu vas bien ?" demanda Gabrielle.

"Ouais." Répondit la guerrière. "Je vais bien."

Gabrielle hocha la tête à plusieurs reprises. "Je suis désolée... Je ne pouvais pas... hum... Je sais que tu voulais être seule, mais je ne pouvais pas rester à l'écart."

Xena tapota le rocher à côté d'elle. "Viens ici."  Elle attendit que la barde obtempère, puis elle pinça les lèvres. "Gabrielle, je t'aime, mais tu n'as jamais pu rester à l'écart des problèmes et nous le savons toutes les deux."

La barde fut grandement rassurée par cet humour ironique et elle se détendit visiblement. "Oui, je sais..." Elle se frotta les bras dans le froid. "Mais tu m'attires comme une abeille vers le miel, alors... que puis-je dire ?" Elle fit une pause. "Alors... comment ça s'est passé ?"

La guerrière étudia ses mains pensivement. "C’était dur." Admit-elle.

"Mais ?" Les yeux verts l'observaient.

Xena haussa les épaules. "J'ai beaucoup de travail à faire." Souffla la guerrière. "Mais tu avais raison... c'est toujours là."

"Mm." Gabrielle s'appuya contre elle et regarda le ciel. "J'ai pensé à un poème pendant que je t'attendais." Elle sourit un peu. "C'est sur toi, bien sûr... parce que j'ai regardé par la fenêtre et je t'ai vue dans le ciel."  Elle pointa les étoiles du doigt. "Tu vois ?"

Xena regarda les étoiles. "Gabrielle, tu as bu trop de bière au dîner. On dirait une vache."  Plaisanta-t-elle, d'un ton ironique. "A moins que ce ne soit ton but."

"Tch... Xena !" La barde lui jeta un regard. "Non... non, je suis sérieuse... vraiment regarde... il y a la tête... tu vois, et les bras... avec une épée, là... à droite... et les jambes... qui sautent. Ça ne peut être que toi."

La guerrière inclina la tête, puis baissa les yeux. "Si tu le dis."

Gabrielle prit une grande inspiration.

Quand la noirceur envahit le matin,

Aucune lumière pour nous soulager, aucune paix à offrir,

Alors regarde le ciel, où se tient le guerrier,

Poussière dans la lumière des étoiles, et entendant nos cris,

Descendant pour nous défendre, armé de courage.

Et quittant la paix des cieux, pour se tenir dans la bataille,

Pour apporter la lumière au monde.

Le silence s'installa à la fin de ses mots, jusqu'à ce que Xena relève la tête et sourie faiblement. "Merci." Dit-elle sur d'un ton à peine audible. "Tu fais des choses merveilleuses avec les mots, mon amour."

Gabrielle reconnut le compliment avec un sourire chaleureux. "Je suis une barde. C'est mon métier." Elle glissa sa main dans le coude de Xena. "Mais je suis contente que ça te plaise..."

Xena appuya sa tête contre celle de sa compagne. "Tu ne trouves pas que celui-là ressemble à un poulet ?" demanda-t-elle paresseusement, en pointant un motif d’étoiles du doigt.

"Pas du tout." Gabrielle oublia qu’on était au milieu de la nuit, dans une clairière froide et brumeuse. "C'est un chariot."

"Mm... mais celui-là doit être un barde." La guerrière étendit un long bras vers le ciel. "Tu vois ? Il y a les mains... et les pieds... et la tête..."

" Euh... si tu le dis, tigresse... " gloussa Gabrielle doucement. "Mais c'est quoi cette grande étoile au milieu de sa poitrine ?"

 Des yeux bleus se tournèrent vers elle et l'enveloppèrent. "C'est l'étoile la plus brillante là-haut, alors c’est forcément le cœur du barde." Un scintillement solennel fit danser la lumière dans le regard de Xena. "Tu ne crois pas ?"

Elles reprirent le chemin de l'auberge, les étoiles scintillant sur leur chemin.

 

A suivre chapitre 3

 

 

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Commentaires
I
De l'humour-voir le commentaire de Kaktus :-),de l'émotion <br /> <br /> Un bon chapitre.<br /> <br /> Merci Emma.<br /> <br /> <br /> <br /> Isis.
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