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Guerrière et Amazone
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  • Vous trouverez ici des Fans Fictions francophones et des traductions tournant autour de la série Xena la Guerrière. Consultez la rubrique "Marche à suivre" sur la gauche pour mieux utiliser le site :O) Bonne lecture !!
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Guerrière et Amazone
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8 mai 2022

La noirceur du matin chapitre 3

La noirceur du matin – Tome 14 – Melissa Good

 

Xena et Gabrielle se sont installées à Amphipolis et profitent de leur nouvelle fille, Doriana.

Mais est-ce bien le cas ? La vie est, comme Gabrielle le sait bien, une série de compromis. Pour obtenir une chose, il faut souvent renoncer à une autre.

 

Chapitre 3

Le feu crépitait doucement et l'odeur des pommes rôties parvenait jusqu'à la barde, qui était allongée sur le côté, son journal devant elle.  Elle suça sa plume, puis la trempa à nouveau dans l'encre et continua son écriture.

C'est de pire en pire... plus nous avançons. Aujourd'hui, nous avons vu deux villages brûlés, et c'était si mauvais... toutes ces vies perturbées, et la destruction... nous avons passé la plupart de la journée juste à essayer d'aider une famille à créer un abri, et ils avaient quatre petits avec eux. C'était horrible, ces pauvres enfants... ils ont tout perdu, leurs maisons, et leurs lits... même leurs jouets... J'ai imaginé comment je me sentirais si c'était Dori qui souffrait comme ça et ça m'a rendu si furieuse...

Je pense que ça a rendu Xena furieuse, aussi. Elle a eu ce regard, celui qui veut dire "Attention". Elle a été assez silencieuse tout l'après-midi, et ce soir après le dîner, elle a encore disparu, comme les deux dernières nuits, pour travailler sur ses exercices.

Je me demande comment ça se passe ? Elle ne l'a pas dit, mais elle n'avait pas l'air très heureuse quand elle est revenue la dernière fois. Bien sûr, maintenant qu'elle a décidé de s'y remettre, elle veut que tout fonctionne rapidement, mais... par les Dieux, elle s'en veut tellement. On peut le voir, comme si elle se maudissait intérieurement, et qu'elle était dégoûtée.

J'ai envie de lui dire de se détendre, mais je ne pense pas que ce soit une très bonne idée, parce que je sais que c'est quelque chose de très, très sérieux pour elle. Elle est perfectionniste, même si elle ne veut pas l'admettre, je l'ai compris... après l'avoir regardée faire ces choses à Amphipolis. N'importe qui d'autre serait satisfait avec la moitié de ce qu’elle a accompli, mais ce qu'elle fait, ce n'est pas juste bien, c'est parfait. Alors elle attend ça d'elle-même, et je peux rester assise ici et dire "ça va prendre du temps, Xena" jusqu'à ce que mon visage devienne bleu, ça ne fera pas vraiment de différence.

Mais elle a toujours été comme ça... Je veux dire, je peux la regarder faire ces choses incroyables... des sauts et des flips, et voler dans les airs comme un oiseau, et tout ça... et elle se plaint de son âge. J'ai envie de la gifler parfois. Mais ensuite, je me rends compte que... eh bien... elle vieillit, et elle a une décennie de plus que moi... alors peut-être que c'est plus difficile pour elle qu'avant. Je sais comment je me sens parfois les matins froids et humides après quelques années de ce train de vie, alors je peux imaginer ce qu'elle doit ressentir, après quinze ans d'abus qu'elle s'est infligée.

 Ou peut-être qu'elle cherche juste à obtenir un peu de sympathie de ma part. Cela ne me dérange pas... c'est une occasion de la couver un peu, et je sais maintenant qu'elle l’apprécie secrètement… et les fois où elle s'est autorisée à en avoir besoin sont si rares que je pense que j'en profite plus qu'elle.  Elle fait la même chose pour moi quand j'en ai besoin, donc... je pense que c'est pour ça que j'ai décidé de faire des pommes ce soir... elle les adore, et je me suis dit que ce serait une bonne récompense pour elle quand elle aura fini de s’entrainer.

Et puis, je les aime bien aussi.

Gabrielle ressentit l'approche de la guerrière avant de l'entendre et elle leva les yeux lorsque Xena se matérialisa entre deux grands chênes, marchant sur le sol jonché de feuilles dans un silence fatigué. "Hey..."  Elle étudia le visage de sa compagne, encadré par des cheveux noirs humides de la rivière dans laquelle elle s'était baignée. Des gouttelettes froides brillaient à la lumière du feu sur ses bras nus, et sa tunique collait à son corps, le soulignant dans ses moindres détails. "Comment ça se passe ?"

Xena haussa les épaules, secouant un peu la tête, tout en commençant à s'agenouiller pour ranger son épée. Elle s'arrêta en plein mouvement, et se retourna à moitié, renifla l'air, puis leva un sourcil interrogateur vers son âme sœur. "Qu'est-ce que je sens ?" demanda-t-elle, en rengainant l'arme et en la rangeant dans son sac.

"Oh... juste quelques pommes." Répondit la barde avec désinvolture, en faisant tourner sa plume. "Ça t’intéresse ?"

La guerrière s'approcha et s'assit à côté d'elle, visiblement fatiguée aux yeux de la barde. "Bien sûr."  Répondit-elle, en clignant un peu des yeux devant le feu. "Merci."

Gabrielle ferma son journal et prit une tasse qu'elle avait préparée, versade l'eau chaude sur les feuilles écrasées dans le fond avant de laisser le thé infuser. Elle fit tournoyer un peu le liquide, puis incorpora quelques cuillerées de miel et tendit la tasse à sa compagne. "Tiens.... prends une gorgée de ça... tu as l'air d’en avoir besoin."

Xena entoura la tasse de ses mains et regarda à l'intérieur, puis prit une inspiration et essaya de se reprendre. Elle prit une gorgée de thé. "Il fait plutôt frais ce soir". Commenta-t-elle, se tournant pour regarder sa compagne. "Où est ta cape ?"

"Où est ma cape ? Ce n'est pas moi qui suis assise ici, trempée, Xena... J'ai chaud et je suis très sèche ici, sur ma fourrure, avec mon feu crépitant et mon thé chaud." La barde secoua sa plume devant la guerrière. "Toi, par contre, tu as l'air d'avoir besoin d'une serviette et de ta chemise de nuit chaude".  Elle se leva avant que Xena ne puisse répondre, et se dirigea vers leurs sacs, en retirant un morceau de lin et la chemise de nuit de son âme sœur. Puis elle revint vers elle et s'agenouilla à côté de la grande femme, commençant par les boucles qui maintenaient son gambeson rembourré.

Au lieu de la protestation attendue, la guerrière se redressa simplement pour lui permettre de retirer le vêtement. Elle le jeta doucement sur un rocher proche, puis prit le linge et commença à sécher les larges épaules de Xena. "Dure nuit, hein ?" murmura-t-elle en tapotant doucement le tissu sur une ecchymose sombre et tachetée sur le haut de son bras.

Xena se déplaça un peu, puis but une nouvelle gorgée de son thé en appréciant tranquillement cette attention. "C'était bien". Admit-elle, à contrecœur. "J'aimerais juste pouvoir..." Elle fit une pause, "Je ne sais pas."

"Tu aimerais pouvoir taper trois fois au sol et que tout revienne d’un seul coup." Répondit la barde de façon pragmatique, en séchant par jeu l'oreille de la guerrière bronzée. "Xena, tu as le droit de prendre plus de trois jours pour te remettre d'aplomb."

Xena regarda le feu d'un air renfrogné, puis jeta un coup d'œil à la barde qui s’affairait à la sécher. "J’ai le droit ?" demanda la guerrière. "D'après qui ?" lâcha-t-elle avec un sourire en coin.

Gabrielle sécha son nez, puis ses lèvres, oubliant d'utiliser le linge. "D'après moi." Elle drapa ses bras sur les épaules de la guerrière et la serra affectueusement. "Et c'est moi qui écris les histoires, alors voilà".  Elle donna un petit coup de coude à Xena. "Allonge-toi sur le ventre... je vais te rendre la faveur de l'autre nuit... ça va prendre quelques minutes encore pour les pommes de toute façon."

Silencieusement, la guerrière obtempéra, s'allongeant de tout son long sur les fourrures de couchage en reposant sa tête sur ses bras.  Gabrielle fouilla dans son sac et récupéra un petit pot de pommade à l'odeur fraiche, en mit un peu sur ses mains avant de commencer son travail, aimant la sensation de la peau douce et ferme du dos musclé de sa compagne.

Xena fixait le feu, laissant le rythme apaisant des mains de Gabrielle faire disparaître la tension qu'elle ressentait, causée par une anxiété lancinante et des muscles très malmenés. Elle en faisait trop, et elle le savait, mais quelque chose au fond de son esprit lui disait qu'elle n'avait plus beaucoup de temps, et qu'elle avait vécu aussi longtemps qu'elle l'avait fait, et en traversant ce qu'elle avait vécu, en écoutant cette petite voix.

D'ici demain, elles seraient dans une zone très dangereuse, et rencontreraient probablement plus que des villageois en déroute et des vagabonds sans abri. Bien sûr, il n'y avait aucune certitude qu'elles soient attaquées... mais elle était déterminée à être prête si c'était le cas, même si elle n'avait eu que trois jours pour le faire.

Le mental avant le corps.

Elle soupira, tandis que les mains de la barde effectuaient leur magie. Elle faisait des progrès... mais c'était, pour elle, d'une lenteur frustrante, comme s'il y avait une barrière là, la retenant à un certain niveau, rendant chaque progression obtenue par un effort presque désespéré. Ce soir, elle avait commencé à douter qu'elle ne puisse jamais dépasser un certain point, se jetant sur une certaine série de mouvements encore et encore jusqu'à ce qu'elle tombe simplement à genoux, épuisée, vaincue.

Elle regarda les flammes avec une lueur sombre au fond des yeux. Peut-être qu'elle était juste trop vieille pour ça. Elle avait assez souvent lancé cette idée à Gabrielle en plaisantant... maintenant, la réalité solide de cette possibilité lui donnait une boule inconfortable dans l'estomac. Elle déglutit silencieusement. Très bien. Et alors, si c’était vraiment le cas ?  Elle laissa la pensée amère suivre son cours. Ils étaient toujours là et elles devaient toujours régler ce problème... donc il fallait un autre plan.

Tu as un cerveau, Xena. Sers-t’‘en. Tu as passé quinze ans comme guerrière... tu as dû apprendre quelque chose... il est temps de trouver un moyen de te sortir de là en réfléchissant, au lieu de dépendre de tes poings pour t'en sortir.

Le mental avant le corps.

"Hé, Xena ?" La voix de Gabrielle dériva par-dessus son épaule. "Tu veux bien te retourner ?"

"Mm ?" La guerrière tourna la tête et regarda sa compagne éclairée par le feu. "Oh... désolée... bien sûr... je réfléchissais." Elle se retourna et allongea ses jambes.

La barde s'installa sur elle, mordillant doucement le centre de son sternum. "Mm..." Elle descendit et mordilla le nombril de sa compagne, sentant les muscles se tendre sous la peau que ses lèvres parcouraient. "J'étais en train de réfléchir." Ses mains glissèrent lentement le long des flancs de Xena et elle leva la tête, pour regarder dans les yeux bleu foncé. "Je me disais juste que te regarder fait brûler tout mon corps." La barde se baissa et embrassa les lèvres de sa compagne, savourant chaque goût, chaque parfum. "Tu es si belle."

Comment fait-elle pour savoir exactement quoi me dire ? s'étonna Xena, qui répondit au compliment en laissant ses mains explorer le corps doux de sa compagne, l'attirant vers elle avant de lui rendre son baiser. Elles se laissèrent aller pendant quelques minutes encore, puis se détendirent, enroulant leurs corps l'un contre l'autre dans un enchevêtrement chaleureux. Xena trouva la tête de Gabrielle contre son épaule et une oreille rose tout près. "Merci." Chuchota-t-elle.

Gabrielle sourit contre la peau douce et nue contre laquelle elle était blottie. "Quand tu veux." Elle donna une tape sur les côtes de la guerrière. "On va goûter ces pommes ?"

**************************************************

Elles s'arrêtèrent sur la crête qui surplombait la première grande ville qu'elles rencontrèrent, observant les maisons délabrées à mesure qu'elles approchaient. Xena s'appuya sur son pommeau de selle et étudia l'endroit, puis jeta un regard à son âme sœur. "Pas terrible, hein ?"

Gabrielle plissa ses yeux et regarda par-dessus la tête d'Hercule. "Yow." L'odeur de l'endroit les atteignait même là où elles étaient, et les abords semblaient être bordés de tas d'ordures ou... La barde laissa échapper un souffle. De déchets abandonnés.

De petits groupes de silhouettes en armure ou en semi-armure étaient dispersés dans des camps autour du mur extérieur, installés autour de feux de camp avec des armes empilées à proximité. À la porte, une sorte de garde se tenait, observant le filet de circulation qui sortait de la ville.

"Sympa." Xena se déplaça sur sa selle, installant ses genoux un peu plus fermement. "Tu es prête ?"

Gabrielle passa une main dans ses cheveux et hocha la tête. "Oui... on ne fait que passer en allant à Athènes, c'est ça ?"

"Oui." Acquiesça Xena, en remettant son cheval sur le chemin. "On entre et voit ce que on peut trouver. Ne crée pas de problèmes."

"Moi ?" La barde montra sa poitrine. "Xena, je ne crée jamais de problèmes."  Elle tira dignement sur sa chemise unie couleur rouille, qui s’accordait bien à la chemise bleu foncé que portait sa compagne. La guerrière avait débattu de la possibilité d'entrer ostensiblement armée, mais elles s'étaient toutes deux dit qu'obtenir des informations ne serait pas aussi facile si elles se battaient à chaque instant.

"Euh... très bien." Accepta Xena, alors qu'elles commençaient à descendre la route. Malgré les protestations de sa compagne, l'expérience avait montré à la guerrière qu'elle allait probablement passer une bonne partie de leur temps à l'intérieur de la ville à les sortir des problèmes dans lesquels Gabrielle aurait réussi à les mettre.

Elle grimaça brièvement. Comme au bon vieux temps.

Elles attirèrent l'attention en se frayant un chemin dans le flot silencieux des gens qui se dirigeaient vers la sortie de la ville, la tête baissée et le regard fixé sur le sol. Xena ne savait pas si c'était à cause des deux étalons assortis et dorés qu'elles montaient, mais un petit groupe de pillards grincheux se rassemblèrent, sortis de leur garde somnolente.

Celui qui était le plus proche d'elles abaissa sa lance, bloquant la porte lorsqu'elles l'atteignirent. Obligeamment, elles s’arrêtèrent et le regardèrent. "Bonjour." Xena s’exprima d’une voix neutre.

"Eh bien... eh bien... regardez-moi ça." Sourit l'homme en montrant un espace entre ses dents de devant dans lequel un colibri aurait pu voler. "Que fais-tu ici, ma belle ?"

Xena s'imagina tranquillement en train de lui casser le bras. "On ne fait que passer." Lança-t-elle d’une voix trainante. "Un problème avec ça ?"

L'un des soldats posa une main sur le flanc de Iolaus et l'étalon renâcla puis donna un coup de pied brusque, l'envoyant voler. "Oups... attention à ce que tu fais."  Dit Xena en le prévenant un peu trop tard. "Il est un peu capricieux." Elle donna une tape sur l'encolure du cheval.

Le garde l'étudia, prenant son temps pour les regarder toutes les deux. "Ce sont de jolis chevaux."

"Merci." La guerrière appuya un genou contre le flanc de Iolaus et le cheval se décala de l’homme. "Je les entraîne."

L'homme hocha la tête, en se grattant le cou. "Et pour elle ?" Il fit un signe de tête vers la barde, qui était assise tranquillement. "Qu'est-ce qu'elle fait ?"

Gabrielle était sur le point de répondre, mais la guerrière la devança. "Elle ?" Xena jeta un coup d'œil vers sa compagne, puis gloussa. "Tout ce qu'elle veut."

L'homme réfléchit à cela, puis rit. "Oh... ouais... j'ai compris." Il leva sa lance. "Vous pouvez entrer... peut-être qu'on se verra plus tard."

« Ça se pourrait." Lui sourit Xena avant de guider Iolaus à l'intérieur de la ville en passant entre les hauts murs hérissés.  

Elle faillit faire demi-tour et partir quand la puanteur de la ville atteignit ses narines et elle lutta pour ne pas vomir. De chaque côté, il y avait de hauts murs en terre, abritant des habitants sales et furtifs qui se faisaient discrets à leur passage en se cachant derrière les murs de leurs maisons. Les ordures étaient empilées à l'extérieur des bâtiments, et une longue tranchée fétide descendait au centre de la rue, transportant les eaux usées et la saleté vers un ruisseau brun qui semblait avoir peu de courant.

"C'est... dégoûtant." Déclara Gabrielle, essayant très visiblement de respirer par la bouche. Son visage était pâle et la guerrière pouvait voir des perles de sueur se détacher sur son front.

"Utilise les points de pression." Lui conseilla la guerrière. "Mais oui... c'est plutôt mauvais." Elle regarda autour d'elle. "Trop de gens au même endroit... nous ne sommes pas faits pour vivre comme ça." Elle guida Iolaus loin d'un tas gluant brun et tourna son esprit discipliné vers autre chose que de vomir son petit déjeuner.

Elles traversèrent la partie basse de la ville, puis la route s'éleva un peu, les amenant dans une zone un peu plus ouverte, avec des huttes petites mais décemment construites de chaque côté. Pendant qu'elles regardaient, une femme sortit de sa maison et jeta le contenu odorant d'un seau dans le canal central de la route, qui descendait vers les zones inférieures. Indifférente, la femme se retourna et rentra dans la maison, laissant le seau juste devant la porte que les mouches attaquèrent immédiatement.

"Comment font les gens pour vivre comme ça ?" Gabrielle mit une main sur sa bouche.

"Ça commence doucement." La guerrière se concentra pour ignorer l'odeur. "Un endroit comme Amphipolis... devient populaire, les gens commencent à s'y installer, puis ils ont des enfants... ça se multiplie."

"Uh." Déglutit Gabrielle. "Je vois qu'on va avoir une discussion sur l'immigration et le contrôle des naissances quand on rentrera à la maison."

"Mm." Xena secoua la tête, et jeta un coup d'œil vers le haut de la route.  Au fur et à mesure qu'elles montaient, les bâtiments devenaient plus propres et mieux entretenus, d'abord une section pour les ouvriers, puis une pour les marchands. Au-dessus, il semblait y avoir la place de la ville, où se trouvait l'auberge, ainsi qu'une série de boutiques de chaque côté de la route. Encore au-dessus, il y avait une autre porte, avec plus de soldats. Xena pouvait voir les maisons plus chics en haut et s'arrêta juste avant d'arriver à la place. "On dirait que c’est l'auberge pour nous... on n'a pas d'excuse pour passer cette porte". "Elle fit une pause. "Pas encore."  Elle regarda autour d'elle, pour voir des pillards débraillés partout, se prélassant sur la place, vautrés sur les seuils des boutiques, leurs armes ostensiblement présentes.

Des yeux étaient tournés vers elle et elle sentait les poils de son cou se hérisser alors que des instincts aiguisés, depuis longtemps endormis, reprenaient vie et que son corps reconnaissait une menace que son esprit n'avait pas encore tout à fait identifiée. "Gabrielle, reste près de moi." Murmura-t-elle, sentant sa main fléchir un peu, cherchant une poignée qui était bien rangée dans leurs bagages.

La barde entendit le ton et hocha simplement la tête, laissant Xena les guider toutes les deux vers l'auberge et son écurie, se frayant un chemin parmi les pillards qui observaient leurs chevaux et elles aussi avec une faim avide qui donna des frissons à Gabrielle.

Elle réalisa que certains des combattants étaient des femmes, dont les visages portaient la même marque cruelle et sauvage que les hommes et la barde se rappela à nouveau que les horreurs du mal, qu'elle avait rencontrées dans ses voyages, n'étaient pas limitées par le sexe.

Elles s'arrêtèrent devant l'auberge et descendirent, accueillies par un garçon grand et mince, vêtu de vêtements en lambeaux et qui les regarda avec méfiance. "Vous allez rester ici ?" demanda-t-il, prudemment.

"Peut-être." déclara Xena. "C’est toi qui t'occupes des chevaux ?"

Il hocha la tête.

"Très bien... prends-les et mets-les à l'écurie... Je viendrai m'occuper d'eux plus tard. N'essaie rien... ils sont tous les deux un peu sauvages." Xena donna ses instructions, en débouclant sa sacoche et en la mettant en bandoulière, puis elle lui tendit les rênes, tandis que Gabrielle faisait de même.

"Bien." Le garçon prit les rênes avec précaution et fit avancer les deux chevaux. Xena et Gabrielle échangèrent un regard et se dirigèrent vers la porte de l'auberge.

****************************************

L'auberge sentait la vieille bière et le cuir sale et était remplie de guerriers somnolents, certains penchés sur des assiettes de nourriture, d'autres buvant de la bière ou dormant la tête posée sur des bras croisés.

Les yeux les suivaient avec intérêt alors qu'elles se frayaient un chemin à travers la foule jusqu'à la zone de service, où une femme grande et musclée remplissait plusieurs chopes de bière pour un serveur en sueur.

L'aubergiste avait à peu près l'âge de Gabrielle et avait l'attitude et le corps d'une guerrière, avec un ensemble de bracelets de combat et une dague bien usée, magnifiquement sculptée, qui était attachée à sa ceinture.  Elle leva les yeux à leur approche, ses yeux noisette les examinant avec un léger intérêt. "Ouais ?"

La barde et la guerrière échangèrent un regard entendu. "Nous aimerions une chambre." Répondit Gabrielle. "Si vous en avez une."  Elle s'avança devant sa compagne et sortit quelques pièces de monnaie, les posant sur la table pour que la femme puisse les voir.

La femme s'appuya sur la table, sa tête arrivait pratiquement à la hauteur de celle de Xena et dominait la petite barde. "J'en ai une."

Gabrielle lui retourna son regard intimidant avec un sourire aimable. Oh... tu n'es pas à la hauteur, chérie... J'ai vu des choses plus effrayantes que toi au petit déjeuner... "Super.... alors c’est bon pour nous, n'est-ce pas ?"  Cela aidait, bien sûr, d'avoir la présence rassurante de Xena derrière elle, même sans arme et dans sa douce tunique de coton. "Oh, et deux stalles pour nos chevaux."

"La troisième au fond du couloir. Quatre dinars." Déclara l'aubergiste sans ambages. "Vous salissez la chambre, vous payez des dommages et intérêts, compris ? Elle lança à Xena un regard qui fit s'agiter les narines de la guerrière, amusée. "Je n'autorise pas les problèmes ici."

Xena tourna la tête et regarda la salle bondée de guerriers turbulents, puis se retourna et leva un sourcil noir et parfait. "Je vois ça."

"Ne fais pas ta maligne." La prévint l'aubergiste avant de se retrouver épinglée du regard par une paire d'yeux bleus si clairs qu'ils recueillaient la faible lumière de la pièce, comme une piscine peu profonde.

Xena sourit. "Je faisais juste une observation."

"Eh bien... garde tes observations pour toi." déclara la femme, une sombre menace dans la voix. "Tu resteras plus longtemps dans le coin. Tu me suis ?"

Gabrielle serra sa mâchoire pour éviter un fou rire et sentit une légère pression dans son dos.

"Je vais essayer de m'en souvenir." Répondit la guerrière sincèrement. "Tu t'en souviendras, n'est-ce pas Gabrielle ?"

"Oh oui." La barde hocha la tête solennellement. "Je m'en souviendrai, tigresse... Viens." Elle tira sur la ceinture de Xena, craignant de laisser la guerrière dans les parages de l'aubergiste pendant trop longtemps. "Merci."

"Vas-y... Je vais aller m’occuper des chevaux." Lui dit Xena. "Et rapporter les sacs."  Elle donna une légère poussée à la barde alors qu'elles s'éloignaient de la femme menaçante derrière la table. "Garde tes oreilles ouvertes." Ajouta-t-elle, sur un ton très bas.

"Ne contrarie pas cette pseudo Amazone." Lui répondit la barde poussant d’un doigt le sternum de la guerrière. "Elle a envie de se battre, Xena."

"Moi, contrarier quelqu'un ?" Les grands yeux bleus innocents la fixèrent. "Allez, Gabrielle... tu me connais mieux que ça."  Répondit la guerrière. "De plus, quelles sont les chances d'une vieille peau comme moi contre quelqu'un comme elle ?"

"Oh... Je vois où cela va nous mener." Gabrielle roula des yeux. "Xena, on est censées rassembler des informations, tu te souviens ? Pas faire une scène... ou attirer l'attention sur nous... ce n’est pas ce que tu avais décidé ? Hmm ??"

Xena soupira. "Ouais, je sais... Je vais être sage." Grommela-t-elle. "Allez... assure-toi que l'endroit ne soit pas rempli d'araignées ou autre... j'arrive tout de suite."

Elles se séparèrent et Gabrielle s'arrêta un moment pour regarder son âme sœur traverser la salle animée, sa démarche puissante et robuste attirant les regards intéressés des combattants qui se prélassaient. Même dans ses vêtements ordinaires, elle se distinguait comme un cheval de guerre dans un enclos de moutons et Gabrielle réalisa que rester sous couverture allait être plus difficile qu'elles ne l'avaient imaginé.

Elle se retourna, pour trouver l'aubergiste tout près, qui l'observait. Uh oh. "Excuse-moi." Elle se faufila dans l'étroit passage vers les pièces indiquées. Elle était consciente de la présence de l’aubergiste derrière elle et pendant un moment elle pensa qu'elle allait être suivie, avant de réaliser que l'aubergiste s'était dirigée vers l'extérieur.

Vers la grange.                  

Super.  Et elle me dit de rester en dehors des problèmes.

*********************************************

Xena trouva la grange vide d'humains, mais pleine de chevaux, dont la plupart ne montraient pas de signes d'un très bon entretien. Iolaus et Hercule étaient dans un coin, attachés à un poteau d'attelage près de deux stalles nues.  Elle ramassa une fourche et se mit au travail, décontractant ses muscles en jetant une bonne couche de foin et en la tapotant uniformément.

Puis elle mit la fourche de côté et fit entrer les deux chevaux, déchargea leurs sacoches et les déposa près de la porte intérieure du box. Elle détacha également le bâton de Gabrielle, et le rangea soigneusement à côté d'eux, étonnée comme d'habitude que personne n'ait jamais semblé poser de questions en voyant une barde avec un bâton de guerre Amazone. Peut-être était-ce dû à l'attitude gentille et douce de Gabrielle.

Elle, d'un autre côté, si elle ne transportait rien qu’une cuillère, elle recevait des regards méfiants.

Allez comprendre.

Au moins, elle avait enlevé la tête laide et effrayante de cette fichue chose... pas qu’elle se voulait insultante envers Ephiny, quil lui avait donné son bâton, mais parce que le bec sec de la tête n'arrêtait pas de piquer Argo dans les fesses. Et la jument n'avait pas du tout apprécié.

Xena rit pour elle-même à ce souvenir, bien qu'elle se souvienne que la barde n’avait pas été très heureuse à ce sujet à l'époque. Elle détacha la selle de Iolaus et la souleva, la retournant et la déposant sur le côté de la stalle dans un effort négligeable.

Le sol à l'extérieur grinça faiblement.

Xena sourit. Ce n'est pas ma faute, Gabrielle... J'étais ici, à m'occuper de mes affaires... je m’occupais juste des chevaux. Je n'ai rien commencé.

Honnêtement.

Elle pouvait sentir l'approche furtive et reconnut le style de cette pseudo amazone d’aubergiste en entendant le faible râle de sa respiration et le doux frottement des doigts contre le bois de la grange. Une minuscule et excitante poussée d'anticipation la traversa alors qu'elle sentait ses défenses se lever, ranimées par ces derniers jours d'efforts intenses.

"Hey bonhomme, bouge de là." Elle donna une petite tape à Iolaus, puis le brossa rapidement tout en écoutant attentivement d’une oreille l’avancée de l’aubergiste. Elle sortit de la stalle et ramassa un seau d'eau, puis le ramena pour l'étalon assoiffé, qui l'aspira rapidement avant de lui lancer un coup de museau dans le ventre, envoyant au passage de l'eau fraîche sur ses vêtements. "Merci beaucoup... juste ce que je voulais."

Délibérément, elle tourna le dos à l'entrée, sentant les poils de sa nuque se dresser alors que son observateur se glissait et elle flirta avec le danger pour le plaisir. Ses narines s'ouvrirent un peu, sentant la présence de la femme et l'odeur de la bière éventée et séchée qui s'accrochait à ses vêtements.

Xena entra dans la stalle d'Hercule et détacha son harnais, sifflant doucement et mélodieusement tandis qu'elle suivait la progression de l'aubergiste à travers la grange derrière elle, attendant que la femme ait atteint l'abreuvoir avant de se permettre de se retourner et de l'apercevoir.

Sans aucun doute une guerrière. La femme se tenait dans une position équilibrée, les mains baissées comme si elle attendait de dégainer une épée. Elle se dirigea simplement vers la cloison de la stalle, et posa ses grandes mains musclées dessus. "Beaux chevaux."

Xena lui fit un signe de tête. "Merci."

"Ce sont les tiens ?"

Un autre hochement de tête. "Ouaip."

La femme examina les animaux. "De vrais étalons... et ils ne se battent pas ?"

Xena détacha la bride d'Hercule et glissa un licou à sa place, puis lui donna une tape. "Ils sont frères". Répondit-elle. "Et ils sont entraînés."

La femme aux cheveux fauve rumina cela pendant une minute. "Pour faire quoi ?" dit-elle en injectant une touche de sarcasme.

Pour toute réponse, Xena tapa sur l'épaule d'Hercule et l'étalon répondit immédiatement, se cabrant vers l'aubergiste et ratissant l'air avec ses sabots acérés. Ils s'agitèrent dans l'air tandis qu'il hennissait furieusement, la faisant reculer de quelques pas. "Disons qu'ils fonts de bons spectacles."  Continua la guerrière avec calme. "Ça me rapporte un peu d’argent."

La femme la regarda. "Et c’est toi qui les entraînes ?"

"Oui." Xena retrouva son ancienne taciturnité. "C'est ce que je fais." Elle finit de ranger son matériel et se leva, brossant ses vêtements. "Tu as un problème avec ça ?"  La guerrière se dirigea vers la porte que la jeune femme bloquait et attendit, les bras détendus sur les côtés.

"J'ai un problème avec les gens qui ont la langue bien pendue." L'aubergiste ne bougea pas.

"Le monde en est plein. Il faudra t'y habituer." Répondit Xena en tirant la porte et frôlant la femme, sentant ses réflexes se tendre lorsqu'elle sentit le mouvement derrière elle, et s'empêchant de justesse de réagir lorsqu'elle fut saisie par derrière pour la tourner sur elle-même, un poing s'enroulant dans sa tunique....

L'aubergiste la poussa contre le poteau de soutien et pressa le bord du couteau sur sa gorge, se penchant vers elle dans une attitude particulièrement agressive. "Je n'ai pas besoin de m'y habituer. Je peux juste arranger ça."

 

Xena la sentit arriver, cette profonde et soudaine poussée de feu qui explosa en elle, déclenchant une réaction qu'elle n'avait pas ressentie depuis plus d'un an. Les battements de son cœur ralentirent et se renforcèrent, pompant le sang vers les muscles qui se contractèrent dans une tension presque tremblante alors que son corps répondait avec empressement aux signaux de menace familiers.

C'était jouissif.

Cette explosion d’émotions remonta jusqu’à ses yeux et elle vit le changement d'expression de son assaillante, dont le regard vacilla un instant, puis devint méfiant lorsque Xena y ajouta un irrépressible sourire en coin.

C'était si difficile de se retenir. Une moitié d'elle doutait, craignant que la grande femme ne lui fasse la peau. L'autre moitié, la plus sombre, était imprévisible et sauvage et une fois libérée de sa cage...

Et si elle tuait l'aubergiste ?  Elle avait une chance sur deux et sans le contrôle qu'elle savait avoir perdu, le risque était effrayant. Les paroles avant les muscles. "Tu vas faire quelque chose avec ça ?" dit-elle d’une voix traînante. "Ou est-ce le traitement que tu réserves à tous tes invités ?" Ses yeux rencontrèrent ceux de la femme et elle leva un sourcil en signe de questionnement.

"Je pense que tu devrais surveiller ton attitude." Grogna l'aubergiste.

Xena poussa un peu contre la lame, baissant la tête et répondit d’une voix basse. "Je pense que tu ferais mieux de ranger ça ou quelqu'un pourrait être blessé." Une sombre menace se glissa avec ses mots, que même elle pouvait entendre. Elle sentit son corps s'immobiliser.

Et Attendre.

Elle le voulait. Sans se soucier des conséquences.

Puis la main sur sa tunique se détendit et la lame du couteau se retira alors que la femme faisait un pas en arrière, retournant la lame dans une main et la rengainant.

C'était presque décevant. Xena l'observa, pas convaincue que c'était fini et la femme justifia cette prudence en se mettant en mouvement, visant la cage thoracique de la guerrière et la touchant durement, renvoyant Xena contre le support dans un craquement douloureux.

"Tu te sens mieux ?" demanda la guerrière, avec douceur.

"Oui." L'aubergiste sourit. "Bien mieux."

"Bien."  La femme aux cheveux fauve ne la vit pas venir. Xena libéra ses réflexes aiguisés et bondit vers l'avant, projetant son poids et son mouvement dans une droite circulaire qui frappa l'aubergiste si fort qu'elle la souleva de ses pieds et la renvoya contre la cloison de la grange, faisant craquer les fondations et générant une pluie d'éclats de bois qui volèrent dans les airs.

Ses mains se contractaient et se décontractaient et elle stoppa net sa rage, la limitant à cette seule et unique libération très satisfaisante. Son poing picotait un peu à cause de l'impact, envoyant de petites décharges le long de son avant-bras. "Hey... tu as raison. Ça fait du bien."  Ronronna-t-elle, en avançant vers la forme affaissée. " Envie d’un deuxième round ?"

La femme retira une main de ce qui était manifestement un nez cassé et couvert de sang. "Par Hadès, avec quoi m'as-tu frappée ?"

La guerrière leva sa main droite et remua les doigts devant elle avant de lui envoyer un sourire séducteur.

Elles se regardèrent un long moment, puis l'aubergiste leva une main en signe de défaite. "Tu as gagné." Admit-elle simplement. "Je n'ai pas envie de me faire frapper comme ça à nouveau, merci."

Aw. Xena sentit son tigre intérieur rentrer dans sa cage et se coucher avec un soupir, alors qu'elle laissait son corps se détendre. Elle tendit la main à l'aubergiste. "Tu devrais mettre de l'eau froide là-dessus."

La femme la regarda d'un air méfiant pendant une seconde, puis accepta l'offre avec hésitation, permettant à la guerrière de la tirer sur ses pieds. "Merci."

Xena s'approcha et prit un morceau de lin dans son sac, le trempa dans l'abreuvoir, puis le lui tendit. "Tiens."  Elle se percha sur un coin de l'abreuvoir. "Tu as un nom ?"

Des yeux noisette la regardèrent par dessous des cils pâles. "Dani." Grimaça-t-elle en tenant le tissu froid sur son nez qui saignait.

"Mmph. Eh bien, Dani... tu t'en prends toujours à tes clients, ou c'était juste le plat du jour, aujourd'hui." Xena croisa ses bras sur sa poitrine et s'adossa contre la charpente.

L'aubergiste s'assit sur un tonneau de nourriture à moitié vide. "Nous n'avons pas beaucoup de clients." Commenta-t-elle. "Lorsqu’un nouveau combattant arrive, tout le monde veut savoir, ce qu'il vaut... où il va atterrir dans la hiérarchie."

Xena écarta les bras pour indiquer son corps vêtu de lin. "Mais je suis une dresseuse de chevaux... pas d'armes, tu vois ? "

Dani rit faiblement. " Tu peux t'appeler comme tu veux, mais quand tu es entrée ici, tout le monde a su que tu savais te battre... c'est écrit sur ton front. "

"Vraiment ?" répliqua Xena, secrètement ravie. "Eh bien, je ne suis pas ici pour me battre." Conclut-elle. "Nous sommes juste en route pour Athènes... bien que la route semble plutôt compliquée par ici."

L'aubergiste s'épongea le nez en silence. "Eh bien... mieux vaut ne pas laisser Andreas t’apercevoir, si tu ne veux pas être ajoutée à son armée. Il rassemble tous les combattants de la région... ou ceux qu'il pense pouvoir devenir des combattants."

Andreas. Xena classa ce nom pour une enquête plus approfondie. "C'est comme ça que tu t'es retrouvée là-dedans ?"

"Ouais... c'est l'auberge de mon père... il est parti en voyage sur la côte... il n'est jamais revenu. J'ai fait ce que j’ai pu avec pendant un moment, puis Andreas est arrivé ici avec une bande de pirates et a décidé d'en faire sa base. Il m'a mise dans un groupe d'entraînement il y a un an." Elle leva les yeux vers Xena. "Ton amie t'a appelé Tigresse... c'est vraiment ton nom ?"

Oh... par les poils de cul de centaure. Eh bien... "On peut dire ça" déclara Xena avec un soupir. "Mais qu'est-ce qu'Andreas espère accomplir ?"

"Oh." Dani frotta le sang de ses mains. "Il veut devenir le Roi de la Grèce." Elle haussa les épaules. "Même s'il doit en prendre chaque centimètre par la force."

La porte s'ouvrit et elles regardèrent Gabrielle entrer, qui jeta un coup d'œil à l'aubergiste ensanglanté, puis tourna un regard indigné vers sa compagne.

"Je ne faisais que m'occuper de mes affaires". Protesta Xena en levant une main pour prévenir l'exclamation de la barde. "Ce n'était pas ma faute."

"Je ne peux pas te laisser seule une minute, n'est-ce pas ?" La barde soupira d'exaspération.

"Hum... c'était vraiment ma faute." Dani se leva, essuyant les dernières traces de sang sur son visage. "Excusez-moi... Je vais juste... partir. Désolée, hum... euh...à plus tard... Tigresse." Elle s'éclipsa, laissant derrière elle une Gabrielle bouche bée et une Xena perplexe.

"Tigresse ?" Gabrielle mit ses mains sur ses hanches. "Tu l'as laissée t'appeler comme ça ?"

"Eh bien." Xena remonta un genou et l'entoura de ses mains. "C'est mieux que d'annoncer ma présence au milieu d'un campement armé, probablement hostile, qui prendrait beaucoup de plaisir à m'utiliser pour s'entraîner au lancer de javelots, oui."

"Hmm." Gabrielle se mordilla la lèvre inférieure. "Tu marques un point-là... j'ai découvert un peu ce qui se passe".

"Avant que tu n'arrives, notre nouvelle copine Dani me disait que le gars qui dirige cette bande, Andreas, est en train de rassembler une armée, parce qu'il veut s'emparer de tout le pays." Lui révéla Xena.

Un soupir. "C'est ta copine maintenant, hein ? C'est quoi le problème avec vous, les guerriers, de toute façon... vous vous détestez jusqu'à ce que l'un de vous batte l'autre, et ensuite vous êtes amis." Gabrielle secoua la tête. " Ouais... J'ai entendu à peu près la même chose, sauf que c'est encore autre chose. Les marchands ont peur de sortir de la ville... il a des bandes qui parcourent les campagnes pour trouver des combattants et du matériel. Si un village dit non, il le brûle."

"Un type sympa." se dit Xena. "Pas que je n'ai pas fait la même chose en mon temps, cela dit."

Gabrielle prit une inspiration. "Tu as vraiment fait ça ?"

Les yeux bleus rencontrèrent les siens sans détour. "Oui."

"Tu as brûlé des villages entiers juste parce qu'ils ne voulaient pas te donner leur nourriture ?"

Il y eut un silence inconfortable, alors que Xena hésitait. Ses yeux se posèrent sur la paille. "Oui." Admit-elle doucement, entendant un bruissement alors que Gabrielle se rapprochait. Une main toucha ses cheveux et elle expulsa le souffle qu’elle avait retenue inconsciemment.

"Si j'avais besoin d'une preuve de ton changement, ce serait celle-là." La barde s'émerveilla doucement. " Parce que je ne pourrais pas, dans mes imaginations les plus folles, t'imaginer en train de faire ça maintenant. "

Xena accepta le contact avec un sentiment de soulagement. "C'est vrai." Elle leva les yeux et rencontra de doux yeux verts. "Je ne peux pas non plus."

Gabrielle s'assit à côté d'elle. "Alors... qu'est-ce qu'on va faire ?"

La guerrière jeta un coup d'œil à la grange, et secoua la tête. "Découvrir la force de ses troupes... découvrir où il se dirige ensuite... et dégager d’ici rapidement."

Ça ressemble à un plan." La barde fit une pause. "C'est vraiment elle qui a commencé ? »

"Oui !" lui dit Xena. "Elle m'a frappée la première." Elle se tapota le ventre. "Juste là."

"Et ce n'est pas toi qui as provoqué ça ?" Une lueur d'espoir apparut.

"Pas du tout." Lui répondit Xena vertueusement. "Même quand elle a pointé le couteau sur moi, j'ai été gentille."

"Quoi ?"

"Peu importe ... c'est fini."

"Et tu me dis à moi de ne pas m’attirer des ennuis ?"

***************************************************************

Elles sortirent de la grange en direction de l'auberge, Xena portant les sacoches et la barde son bâton.  Alors qu'elles étaient presque à la porte, un cri leur parvint du bas de la route et les combattants allongés un peu partout tordirent le cou pour voir ce qui arrivait.

Une caravane se dirigeait vers eux, avec quatre cavaliers à l'avant, menant un chariot dont l'arrière était fermé comme une cage, suivi de quatre autres cavaliers. Des cris rauques étaient lancés vers eux et les cavaliers riaient en se rapprochant progressivement.

"Qu'est-ce qui se passe ?" demanda Gabrielle à un homme qui se tenait près de la porte de l'auberge, vêtu du tablier de cuir d'un forgeron.

"Un pauvre bâtard s'est fait prendre." L'homme cracha prudemment dans un coin, évitant les bottes de Gabrielle. "Probablement en train de voler dans le camp ou autre chose."

"Merci." La barde se mit sur la pointe des pieds, se tenant en équilibre avec une main sur l'épaule de Xena et regarda. "Je me demande qui c'est ?"

Le chariot arriva à leur hauteur et elles repérèrent une petite silhouette mince à l'intérieur, avec un visage pâle et de grands yeux bruns fatigués. Alors que le cortège avançait, les cavaliers de tête chantaient une chanson de marche de guerre que Xena connaissait en deux langues en plus de celle qu'ils utilisaient.

"Ce n'est qu'un enfant." Chuchota la barde. "Qu'a-t-il bien pu faire ?"

L'un des cavaliers qui les suivaient s'arrêta et galopa vers eux, saluant quelques-uns de ses compagnons avant de repasser au pas. "On a enfin trouvé ce foutu conteur."  Annonça-t-il. "Je l'ai pris en flagrant délit... j'aurais aimé lui casser la mâchoire pour ça."

Xena et Gabrielle échangèrent un regard.

Un des soldats sous le porche de l'auberge rit. "Andreas va s'en donner à cœur joie avec lui... je parie qu'il lui coupera la langue."

Les doigts de Gabrielle se crispèrent sur un avant-bras bronzé, alors que la guerrière la poussait vers la porte. "Xena... nous ne pouvons pas laisser ça arriver !"

"Shh... avance." Xena la fit entrer et la poussa dans le petit couloir exigu vers la pièce qui leur avait été assignée. Elles durent se frayer un chemin à travers deux soldats qui ne voulaient pas bouger, mais elles finirent par y arriver et fermèrent la porte derrière elles. "Maintenant, écoute-moi, Gabrielle..." 

"Ne commence pas avec ton « Ecoute-moi » !" La prévint la barde. "Nous ne pouvons pas laisser cet enfant ici, Xena... ils vont le tuer et tu le sais."

"Ils découvriront qui nous sommes et ils nous tueront." Rétorqua la guerrière. "Tu ne connais même pas cet homme..."

"Xena, c'est juste un conteur." La mâchoire de Gabrielle se figea. "Tout comme moi."  Ses yeux verts brillèrent. "Il est ici parce qu'il était dehors à raconter des histoires sur toi... Nous n'allons pas partir d'ici et les laisser le torturer."

Non, bien sûr que non. Xena soupira, fixant son âme sœur d'un air malheureux. " Très bien... laisse-moi voir ce que je peux trouver... cela signifie que nous allons devoir pénétrer dans sa zone de commandement, tu t'en rends compte. "

La barde s'appuya contre elle et embrassa son épaule. "Je sais."  Elle frotta sa joue contre la peau de Xena. "Mais tu sais que j'ai raison."

La guerrière laissa sa tête reposer contre celle de la barde. "Oui, je sais... Je veux juste qu'on s'en sorte toutes les deux en un seul morceau."

Elles restèrent silencieuses pendant un moment, puis la barde renifla d'un air réfléchi. "Hum... Xena ?"

"Hmm ?" La guerrière sortit de ses pensées. "Oui ?"

"Pourquoi cette pièce sent-elle comme la grange ?"                                     

"Euh..." Xena jeta un coup d'œil autour d'elle, repérant un lit si sale que la couleur d'origine de la literie était impossible à déterminer, nuancée quelque part entre le brun porcherie et l'ocre du crottin de centaure. "La fenêtre." déclara-t-elle.

"Oh oui."  Gabrielle atteint les volets en bois et les ouvrit, laissant entrer un courant d'air froid et frais. "Oh là là".

La guerrière étudia la pièce, puis elle sortit leurs fourrures de couchage et les étala proprement sous la fenêtre, mettant leurs sacoches sur le côté avant de s'assoir sur la surface douce et fourrée. Gabrielle s'assit à côté d'elle et elles regardèrent toutes deux la pièce sale, parsemée de toiles d'araignée et puante.

"Ta mère passerait par ici avec un abreuvoir à chevaux rempli d'eau et un tonneau de savon". Fit remarquer la barde.

"Ma mère viendrait ici avec un attelage et quatre chevaux et dégagerait tout ce bordel." La corrigea la guerrière. "J'ai connu de mauvais endroits, mais celui-ci est pitoyable."

"Pitoyable." Confirma Gabrielle avec ironie. "Je pense que je me suis trop habituée à notre maison."  Elle passa un moment à imaginer leur chalet propre et paisible, avec ses nattes peintes au mur et les sculptures de Xena éparpillées un peu partout. "Tu as trouvé comment sauver Devon ?"

Un sourcil sombre se leva. "Bon sang, Gabrielle... donne-moi quelques minutes, d'accord ?" Xena laissa sa tête reposer contre le mur, tandis que la barde se blottissait contre elle, pressant leurs corps l'un contre l'autre. Elle passa un bras sur les épaules de Gabrielle et réfléchit.

Elles pourraient se faufiler à l'intérieur. Ça pourrait marcher, si les soldats étaient trop confiants et négligents. D'une manière ou d'une autre, Xena avait le sentiment que plus elles se rapprocheraient de l'énigmatique Andreas, plus elles rencontreraient de combattants compétents, mais ça pouvait valoir le coup d'essayer.

Bien sûr, si elles se faisaient prendre, elles auraient des problèmes... qui pouvaient aller de l'emprisonnement aux travaux forcés, ou être traînées derrière un cheval.

Ou être pendues. Xena tapota ses doigts sur sa cuisse.

Elles pouvaient monter une arnaque... dire qu'elles étaient là pour vendre quelque chose à Andreas... mais elles n'avaient vraiment rien, à part les talents de barde de Gabrielle et ce n'était probablement pas une bonne idée pour le moment.

Ou....hmm. "Très bien... Je vais lui proposer mes services... pour entraîner sa cavalerie." Déclara tranquillement Xena.

Le silence lui répondit.

"Allez, ce n'est pas une si mauvaise idée." La guerrière jeta un regard à son âme sœur, puis soupira. Les yeux de la barde étaient fermés et elle dormait paisiblement, un doux sourire sur le visage. "Aww..." Elle déplaça une mèche de cheveux blonds. "La journée t’a rattrapée, hein ?" Après un an à la maison, elle aurait dû se rendre compte qu'il faudrait à sa compagne quelques jours supplémentaires pour s'habituer à voyager à nouveau.

Ou peut-être que c'était juste que Gabrielle aimait faire une sieste contre elle, surtout en fin d'après-midi, comme c'était le cas maintenant. Cela lui avait manqué dernièrement et cela l'avait forcée à réaliser à quel point elles s'étaient éloignées l'une de l'autre. Quel que soit le résultat de ce voyage, elle décida que cela allait changer une fois rentrées à la maison. Elles s’étaient battues toutes les deux trop durement pour rester ensemble et avaient fait trop de sacrifices pour laisser quelque chose arriver à leur relation après tout ce temps.

Non pas qu'elles se séparent un jour. Xena sourit tristement, posant sa tête contre celle de la barde. Mais elles avaient quelque chose de très spécial, quelque chose que la plupart des gens n'auraient jamais et elle n'avait pas l'intention d'y renoncer à nouveau.

Les doigts de Gabrielle, posés contre son bras, se resserrèrent légèrement et un petit son satisfait s'échappa d'elle, alors que son corps se blottissait davantage contre celui de sa compagne. Xena enroula ses doigts autour de ceux de la barde et effleura ses cheveux pâles avec affection tout en se détendant contre le mur de bois nu.

Elle resta assise là tranquillement, regardant le soleil se glisser sur le sol, peignant une barre solide d'or en fusion sur le bas de leurs corps, jusqu'à ce qu'elle sente le corps qu'elle câlinait remuer doucement et que la barde laissa échapper un doux son de dépit.

"Ungh... dieux... désolée..." Les yeux verts pénitents s’ouvrirent et la regardèrent.

"Pour quoi ?" demanda la guerrière paisiblement, admirant le nez bien dessiné de sa compagne, qui se plissait de gêne.

"Je me suis endormie sur toi..." La barde étouffa un bâillement.

"Ça ne m'a pas dérangée... Nos siestes de l'après-midi me manquent un peu." Admit Xena avec ironie.

"Mm...est-ce que tu dis ça pour que je me sente mieux ?"  demanda Gabrielle en levant les yeux au ciel.

 

"Gabrielle, m'as-tu déjà entendu dire quelque chose juste pour que quelqu'un se sente mieux ?" répliqua Xena d’une voix ironique.

"Um...." La barde tambourina des doigts sur la cuisse de son âme sœur. "Maintenant que tu le dis... non." Elle sourit. "Je suis contente que tu dises ça... parce qu'elles m'ont manqué aussi... Je me surprends à être grincheuse à l'heure du dîner si je n'ai pas fait ma sieste." Elle fit cet aveu en roulant des yeux.

Xena gloussa et lui ébouriffa affectueusement les cheveux. "C'est bon... ça m'a donné l'occasion de travailler sur mon plan." Lui assura Xena. "Tu penses qu'Andreas pourrait avoir besoin d'un entraîneur pour sa cavalerie ?"

"Oo... hey, tu pourrais découvrir beaucoup de choses de cette façon." répondit Gabrielle. "Très bonne idée..." Elle donna à sa compagne une tape approbatrice sur le côté. "Où est-ce que j'interviens ?"

Xena soupira. Ce plan avait pourtant tout pour fonctionner juste comme ça. "Eh bien, tu peux venir avec moi."

"Et faire semblant de dresser des chevaux ? Xena... tu devrais peut-être faire une sieste aussi." Rit Gabrielle. "Je peux à peine les monter." Elle se rongea l'ongle du pouce. "Mais je pourrais trouver un travail dans les cuisines... ils doivent bien nourrir leurs captifs."

Les cuisines... ok... c'était assez sûr. "Ouais..." Xena prononça le mot avec réticence. "Ok... c'est une assez bonne idée." Décida-t-elle. "Dani me dira ce soir à qui je dois parler pour Andreas."

La barde hocha la tête, satisfaite. "Ça t’intéresse de dîner ici ?"

De grands yeux bleus ronds et effarés fixèrent la pièce, puis elle.

"C'est ce que je pensais. Il y a un petit marché en bas de la route... tu veux aller voir ce qu'ils ont ?" sourit Gabrielle.

"Tu veux juste faire du shopping." L’accusa la guerrière en lui rendant son sourire. "Très bien, mais à une condition."

Gabrielle leva un sourcil blond vers elle. "Laquelle ?"

"Tu me trouves un autre nom." Xena soupira. "Je ne peux pas y aller avec celui-là. Ni avec le mien."

"Aww..." La barde se leva, étirant son corps doucement. "Mais c'est si mignon... et ça te va bien, ma tigresse."

"Gabriellleee...." La voix de Xena baissa d'une octave.

"Oh, d'accord... Je vais voir ce que je peux faire." La barde lui tendit la main. "Allez, paresseuse... on y va."

************************************

La route s'élargissait à l'approche de la principale caserne de l'armée et elle était visiblement plus propre. Xena prit cela comme un mauvais signe, car elle savait qu'une armée bien gérée ne signifiait rien de bon pour elles. Elle était à cheval sur le dos doré de Iolaus et avait changé sa tunique quelconque pour une tunique avec un subtil liseré argenté sur un fond noir charbon, qui drapait soigneusement son corps puissant et était assortie aux bottes d'équitation récemment cirées qui lui arrivaient aux genoux.

Le soleil matinal faisait briller les bracelets d'argent qui enserraient ses poignets et Xena levait la tête en chevauchant, sachant pertinemment qu'elle représentait un sacré spectacle et qu'elle méritait les longs regards que lui lançaient les soldats en faction.

Un homme s'avança vers elle et elle le regarda, laissant un léger sourire passer sur son visage. Trop concentré sur elle, il rentra dans un arbre et elle sourit doucement pour elle-même. C'est bon de savoir que je peux encore le faire, pensa-t-elle, en se redressant un peu sur la selle. Elle l'avait vu dans les yeux de Gabrielle quand la barde était revenue après avoir trouvé le petit déjeuner pour elles, alors qu’elle venait juste de se changer. Les yeux verts s'étaient illuminés de cette appréciation tranquille et douce lorsque la barde avait passé un doigt sur la couture argentée et sifflé doucement.

Xena ne s'était jamais considérée comme une personne vaniteuse, mais elle était aussi assez humaine pour admettre que c'était agréable que les gens admirent son apparence à l'occasion. Elle se réinstalla confortablement sur la selle et dirigea Iolaus vers la porte gardée devant elle, où quatre hommes se tenaient au garde-à-vous et semblaient bien plus alertes que la plupart des soldats qu'elle avait vus le long de la route.

Le plus grand fit un pas en avant quand elle arriva devant eux et leva une main. "Pas plus loin."

Xena s'arrêta docilement, mettant Iolaus dans une position d'alerte et d'équilibre tout en l'observant. "Très bien."

Il l'étudia, la tête penchée et la scruta avec des yeux gris intelligents, le visage sévère et sérieux. "Tu viens ici pour affaire ?"  Sa voix était basse et rauque.

"Peut-être." Répondit Xena calmement. "J'ai quelques talents que je cherche à vendre."

Un faible sourire sardonique traversa son visage cicatrisé. "Vraiment ? Et qu'est-ce que ça peut être ?"

Xena fit plusieurs signaux subtils à Iolaus et l'étalon se cabra, puis donna un coup de pied en arrière, cassant la tête de deux lances. Puis elle lui fit faire un déplacement latéral, reculer et sauter en avant, tailladant les gardes avec des sabots tranchants comme des rasoirs.

Il se reposa ensuit ses quatre membres au sol, en reniflant légèrement, et elle tapota doucement son encolure. "Je dresse les chevaux." Dit-elle sur un ton léger.

Le garde avait fait un bond en arrière et il se déplaça de nouveau vers elle, prudemment cette fois, tournant autour de l'étalon et l'évaluant en même temps. "Et tu le fais bien." Ses yeux s'attardèrent sur ses cuisses nues et elle les tendit un peu, consciente de l'ondulation souple des muscles juste sous la peau. "Quel est ton nom, dresseuse de chevaux ?"

Xena mit ses rênes dans une main et tendit l'autre. "Paladar." Répondit-elle calmement, après s'être battue avec Gabrielle sur plusieurs choix et avoir mis, en autre, son veto à "Boo" parmi les noms proposés. "Quel est le tien ?"

Il attrapa son bras, serrant ses doigts autour de son avant-bras. "Sedrus." Son regard était empreint d'un respect méfiant et d'un intérêt certain. "Attends ici, Paladar... Je vais voir si nous avons besoin de tes..." Encore ce léger sourire. " talents."

 

"Bien sûr." Xena se détendit sur sa selle et fit faire un pas de côté à Iolaus dans l'ombre, jetant une jambe sur son pommeau et décrochant une poche à eau accrochée à l'une des sangles juste derrière elle. Elle prit une gorgée, le regardant revenir vers la porte, chuchotant à son camarade avant d'ouvrir la petite porte sur le côté et de s'y glisser.

Maintenant, c'était juste une question de temps.

**********************************************

Gabrielle se promenait sur la place du marché, captant des bribes de conversation des marchands et des soldats, qui déambulaient d'étal en étal. Elle remarqua que les habitants de la ville s'arrêtaient de parler et changeaient de sujet lorsque les soldats s'approchaient et elle s'engagea dans une étude intense d'un tissu miteux alors que deux des hommes en armure s'éloignaient.

"Tu as vu, ils ont attrapé ce pauvre garçon." Chuchota la marchande de tissu à la femme plus âgée qui se tenait dans son échoppe.  "Ce n'est pas juste... ils vont le pendre, ils disent... comme un avertissement à tous ceux qui sèment le trouble."  Elle jeta un regard à Gabrielle, puis baissa la voix. "Tu penses que ces histoires folles ont une part de vérité ?"

La vieille femme renifla. "Il n'y a pas de fumée sans feu, je dis... il n'y aurait pas autant d'agitation si les histoires étaient des mensonges, n'est-ce pas ?"

Gabrielle prit un morceau de tissu et s'approcha. "Je suis désolée... Je n'ai pas pu m'empêcher d'entendre... Quelles sont ces histoires ? C'était le garçon qu'ils ont amené hier... Je me sentais si mal pour lui."

Des yeux soupçonneux l'étudièrent et elle leur rendit leurs regards avec une douce patience. "J'avais l'habitude de raconter des histoires moi-même... Je suppose que j'ai de la peine pour lui."

La femme plus âgée tourna autour d’elle avec méfiance. "Et maintenant ?"

Gabrielle hocha la tête. "Oui... Je sais ce que c'est que d'être... punie... pour ça." Elle baissa son regard, puis le remonta. "Est-ce que tous ces soldats autour ne vous rendent pas folles ?".

La tisserande soupira. "Cela fait partie de la vie ici maintenant... il semble... au début nous les avons accueillis, mais maintenant, ils prennent ce qu'ils veulent... et tu apprends juste à l'abandonner."

"Mm." Soupira Gabrielle.

"Le garçon essayait juste d'apporter un peu d'espoir dans ce monde... " gronda la femme plus âgée à contrecœur. "En nous racontant des histoires d'une femme guerrière... tu en as déjà entendu une, petite fille ?". Elles observaient toutes deux Gabrielle comme un faucon, la suspicion flottant autour d'elles comme de l'encens.

La barde toucha le tissu qu'elle avait choisi. "Hmm.... C'est possible. "Elle se rapprocha un peu plus et baissa la voix. "Si le nom de la guerrière est... Xena."

"Ahh." La tisserande hocha la tête. "Donc tu as entendu parler d'elle."

"Oui." confirma la barde. "Quel genre d'histoires racontait-il... peut-être que je les ai déjà entendues."

Elles la regardèrent en silence et un homme petit et trapu se glissa de l'autre côté d'elle.

"Ou peut-être que tu n'es qu'une espionne pour eux... qui veut qu'on les répète, hein ?" Le visage barbu de l'homme semblait menaçant. "Ça lui ressemblerait de mettre une petite innocente comme toi dans cette situation." Il la poussa en arrière. "Nous ne discuterons pas de mythes idiots avec toi, gamine."

Gabrielle pouvait sentir l'hostilité autour d'elle et d’une manière inexplicable, elle se sentit mieux, comprenant que ces gens tenaient à quelque chose qu'elle protégeait elle-même jalousement. Elle s'appuya contre le mât de la tente et les regarda. "Elle n'est pas un mythe." Sa voix était basse, mais elle portait. "Quelles histoires avez-vous entendues... avez-vous entendu parler des Titans ?" Elle quitta son poste et passa près des poteaux, consciente de la foule tendue et rassemblée. "Ou du casque d'Hadès ?" Elle se glissa entre deux hommes rudes, déclenchant ses propres talents de barde en parlant. "Ou comment elle a sauvé l'épée du Dieu de la guerre ?"

Ils l'observaient tous maintenant, la suspicion se mêlant à la curiosité.

"Ou peut-être avez-vous entendu comment elle a arrêté les Perses." Continua Gabrielle, mettant une main sur l'un des poteaux de soutien et s'enroulant autour. "Ou empêché les Centaures et les Amazones d'entrer en guerre..."

"Elle les connaît toutes." Un murmure lui parvint et elle sourit.

"Oui, je les connais." Elle regarda son interlocuteur, qui recula, un peu nerveusement. "Et quelques-unes que vous n'avez pas entendues, je parie."

La foule jeta des regards furtifs autour, guettant les hommes en armure et essayant d'avoir l'air décontracté. La femme plus âgée et l'homme se rapprochèrent d'elle, en chuchotant. "Chut, ma fille... d'accord... reste tranquille maintenant. Tu vas nous attirer des ennuis."

"Tu es allée à Athènes, alors." Demanda la tisserande, d'une voix douce. "C'est là que le garçon dit les avoir trouvées... écrites dans la grande Académie."

Incroyable. Gabrielle ressentit une légère poussée d'incrédulité, alors que ses soupçons étaient confirmés. Elle se sentait bizarre, mais flattée, de savoir que les histoires que cette personne éparpillait dans la campagne étaient...

Les siennes.

"J'ai été à Athènes, oui... mais ce n'est pas de là que je les connais." Admit Gabrielle, tranquillement.

"C'est vrai alors ? Tu crois qu'elle est réelle, qu'elle viendra un jour nous aider ?" demanda la tisserande, dans un chuchotement haché.

Un groupe de soldats descendit le chemin, riant et se bousculant et le groupe de villageois se dispersa rapidement. Gabrielle examina son tissu attentivement, puis porta son attention sur le rembourrage qui lui plaisait. Le tissu et le rembourrage... hm... "Combien coûtent-ils ?". demanda-t-elle à la tisserande, juste au moment où les hommes arrivaient. Ils lui jetèrent un regard en passant, puis continuèrent, ne voyant rien d'autre qu'un voyageur quelconque parcourant le marché.

"Un dinar." Répondit la femme, regardant anxieusement jusqu'à ce que les hommes soient passés.

Gabrielle fouilla dans sa poche et en sortit une pièce, l'examina, puis la passa à la femme. "Merci... ça fera une belle ceinture pour quelqu'un que je connais." Elle sourit à la femme, jeta un coup d'œil aux gardes qui s'étaient arrêtés à l'échoppe suivante et s'esquiva, rangeant le tissu dans sa poche.

"Donnez-nous des petits pains sucrés." Dit l’un des hommes au marchand d'à côté, qui était apparemment un boulanger. "Et fais vite. Nous sommes de garde dans un quart de chandelle." Il tapa sur la planche de bois qui servait de comptoir et regarda autour de lui, repérant Gabrielle qui attendait tranquillement, la tête légèrement inclinée. "Hey... tu es un joli morceau toi." Hoqueta-t-il, visiblement légèrement ivre.

La barde lui sourit. "Merci." Murmura-t-elle. "Ces petits pains sentent bon, n'est-ce pas ?"

L'homme plus petit à côté de lui se tourna et s'appuya sur la planche. "Oui... tout est mieux que la cantine." Il donna un coup de coude à son voisin. "Pas vrai ?"

L'autre homme renifla de dégout. "Les ordures qu'ils ont servies aujourd'hui... mes cochons à la maison n'y auraient pas touché." Eructa-t-il, puis il cracha sur le sol. "Le problème c'est... qu'ils ne mettent que des ratés dans la tente des cuisiniers... si tu ne peux pas te battre, et que tu ne peux pas fabriquer d'armes, tu cuisines. Ugh."

Et voilà, parfois, l'opportunité vous tombe dessus. Gabrielle s'approcha un peu plus. "Hum.... C'est dommage... vous devez travailler si dur... et vous devez, en plus, aller chercher vos dîners ?" Elle soupira, s'appuyant sur la planche et attirant leur attention avide. "Vous savez... cuisiner n'est pas si difficile."

Le plus grand des deux s'approcha et la regarda avec un intérêt certain. "Ah oui ? Tu parles de ton expérience personnelle ?"

La barde cligna des yeux innocemment. « Oh... bien... Je veux dire... oui... je... j'ai quelques expériences... .... Je veux dire... ma famille tient une auberge, et vous savez..."

L'homme passa un bras autour de son épaule et Gabrielle dut combattre sérieusement ses instincts qui la poussaient à repousser l’homme et à le frapper durement dans les côtes. "Chérie... tu viens avec nous."

"Je... Je viens ?" bégaya Gabrielle doucement. "Je veux dire... euh... j'ai... des choses... des amis... euh..."

"Ne t'inquiète pas... on va bien s'occuper de toi..." L'homme eut un hoquet. "Tout le monde va t’aimer... honnêtement... allez..."

"Eh bien... peut-être pour un petit moment." Accepta la barde avec hésitation. "Je pourrais leur montrer quelques petits trucs que ma mère m'a appris... tu penses qu'ils aimeraient ça ?"

"Chérie... ils vont adorer... crois-moi..." Il commença à marcher vers les énormes portes gardées. "Tu n'as qu'à suivre le vieux Robbie et tu verras..."

"Oh... bien... merci... euh... Robbie... Fais attention." Gabrielle réussit à les diriger vers un abreuvoir. "Je parie que tu aimes le ragoût de bœuf, hein ?"

"Ungh... si c'est plein de bonnes choses dedans... " marmonna l'homme.

"Mmhmm... de gros morceaux de viande... et de belles carottes... avec beaucoup d'ail... "

L'homme émit un son quelque part entre une plainte et un gémissement. "Ma mère avait l'habitude de faire ça... "

Les guerriers. Gabrielle essaya d'ignorer la puanteur de l'alcool. Le chemin le plus rapide pour atteindre leur cœur passait par leur ventre... comme si je ne le savais pas.

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Le complexe militaire n'était pas seulement bien gardé, Xena réalisa qu'il était aussi bien entretenu et ordonné. Elle suivit Sedrus alors qu'il la conduisait à travers la place centrale, après avoir cédé à contrecœur Iolaus à un palefrenier soigneusement habillé qui avait accouru et pris l'étalon doré, en l’emmenant respectueusement.

"Joli." Commenta-t-elle, en observant les hommes en armure qui s'entraînaient aux différents mouvements de formation et l'exercice de tir à l'arc qui se déroulait en face. Les soldats semblaient disciplinés et leurs chefs de groupe criaient des ordres que Xena reconnaissait d'une époque révolue.

Elle se rendit compte, avec un certain malaise, que c'était vraiment un camp militaire.

"Andreas donne des ordres pour que ça reste comme ça." Répondit Sedrus succinctement. "Tu as ta chance... et si tu rates tu es éliminé."

"Eliminé de l'armée ?" demande Xena d'un ton léger.

Le grand garde lui jeta un regard sardonique. "De ça aussi." Répondit-il. "Tu pourrais regretter d'avoir trotté jusqu'à cette porte, Paladar."

La guerrière haussa les épaules. "Il n'y a pas beaucoup de demande pour mon genre de travail dans les villages." Fit-elle remarquer. "Je préfère ne pas faire la tournée des festivals itinérants pour quelques poignées de dinars."

Sedrus grogna. "C'est vrai... J'étais coincé comme apprenti chez un meunier il y a deux ans, quand Andreas est passé par ma ville natale... juste un petit seigneur de guerre qu'il était alors, mais à la recherche de talent... Je ne l'ai pas regretté." Il resta silencieux un moment. "D'où viens-tu ?"

Xena avait décidé de rester aussi proche de la vérité que possible... d'après son expérience, plus l'histoire était compliquée, plus il était difficile de la faire passer et puisque Gabrielle était impliquée dans tout ça... le plus simple était le mieux. "Amphipolis."

"Mmph... c'est un trou perdu si je me souviens bien." Gloussa-t-il sèchement. "Pas étonnant que tu sois partie et venue jusqu’ici." Il lui fit signe de le précéder dans un petit bâtiment. "Vas-y... c'est le bureau de l'adjudant. Il a demandé à te voir."

Xena se glissa à l'intérieur, découvrant un bureau spartiate, mais bien aménagé, avec un homme à moitié caché derrière le bureau. Il était de taille moyenne et avait des cheveux poivre et sel qui se prolongeaient dans la barbe et la moustache qui lui couvraient la moitié de son visage. Il leva les yeux quand elle entra.

Ses lèvres minces se pincèrent. "C’est toi la dresseuse de chevaux ?"

Xena traversa la pièce et s'arrêta devant lui. "Oui."  Ses yeux rencontrèrent les siens, mais sa vision périphérique s'imprégna des détails des papiers et des cartes bien dessinés sur le bureau.

Il se leva. "Tu as de l'expérience ? Avec des chevaux dressés pour la guerre, je veux dire, pas avec des numéros de cirque ?"

Xena haussa un sourcil noir. "Je ne dresse pas les chevaux de cirque."

"Très bien. Viens avec moi." L'homme se retourna et sortit d'un pas vif par la porte arrière, dans une zone clôturée qui s'étendait jusqu'aux murs extérieurs de l'enceinte. L'odeur des animaux était forte ici et Xena pouvait entendre les mouvements de nombreux chevaux autour d'elle. Elle marcha derrière l'homme, absorbant la présence des gardes vigilants sur les murs et les visages disciplinés des soldats qui l'entouraient.

Cela lui démangeait les omoplates. Puis elle fût distraite par un hennissement bas et sauvage, qui provenait d'un parc à bestiaux fermé juste en face d'eux. Alors qu'ils avançaient, une tête sombre se dressa au-dessus de la partie et frappa, faisant tomber des copeaux de la taille d'une chope de bière sur le mur.

"C'est un sauvage." Commenta Xena, admirant la grande tête bien formée brièvement visible.

L'homme se tourna vers elle et lui adressa un mince sourire. "Tu veux dresser des chevaux pour nous ? Voilà ton premier." Il fit un geste de la main. "Monte-le, tu restes. Sinon, on le laisse te traîner dans la cour extérieure jusqu'à ce que tu ne sois plus que des os."  Il fit claquer ses doigts vers plusieurs gardes qui s’approchèrent rapidement. "Ouvrez la porte.  Et ne la laissez pas ressortir."

Xena sentit son cœur battre la chamade, se demandant sur quel genre de fous elles étaient tombées. Puis elle vit les lances pointées sur elle et s'approcha de la barrière, faisant un signe de tête à l'homme trapu le plus proche de la porte. "Fais ce que l'homme dit." lui dit-elle froidement. "Je n'ai pas toute la journée."

Un murmure s'éleva des observateurs à ses mots, mais elle l'ignora, tandis que le bois s'ouvrait devant elle en grinçant et qu'on la poussait à l'intérieur.

C'était étroit et chaud dans l'enclos, avec elle à une extrémité et l'énorme étalon musclé et noir comme la poix à l'autre. Il roula des yeux en la regardant et se cabra, hennissant de peur et de colère.

Elle entendit un bruit autour d'elle et leva les yeux pour voir des visages souriants qui la regardaient, et elle soupira. La prochaine fois, Xena... attrape-la, jette-la par-dessus ton épaule, et cours loin par Hadès. Elle se baissa quand quelque chose siffla vers elle et tendit le bras pour l'attraper, trouvant un licol en corde dans sa main. Elle le posa sur son épaule et s'approcha lentement du cheval.

Il n'aima pas ça du tout. Un moment, il se tenait au fond, à la regarder, et d’un coup il fonçait vers elle, la gueule ouverte et les sabots levés, pour lui fracasser le corps.  Xena l’esquiva, le laissant passer devant elle et se retourna, le regardant alors qu'il atteignait le bout de l'enclos et se retournait en s'ébrouant.

"Hé, bonhomme". Elle laissa sa voix l'atteindre, en gardant un ton bas et doux.

Une oreille tressaillit, juste un peu.

"Oui, c'est ça. "Xena ne se dirigea pas vers lui, mais parallèlement à son corps, vers le côté ombragé de l'enclos. Il y avait du sang sur le mur, presque frais, et maintenant qu'il était au soleil, elle pouvait voir sur son pelage de l'humidité qui n'était pas de la sueur.

Pauvre gars. Elle fixa les hommes qui regardaient d'un air maussade. L'un d'eux se baissa et frappa la croupe du cheval d'un coup sec, le faisant hurler de douleur et il s'élança, tonnant vers Xena avec des intentions meurtrières. Xena attendit qu'il soit presque sur elle, puis elle se jeta sur le côté, s'accroupissant pour laisser ses sabots passer au-dessus d'elle, puis s'élançant contre le sol, se dégageant de son chemin et faisant une culbute en l'air. Elle atterrit rapidement et l’esquiva, avant de l’approcher à nouveau. "Doucement bonhomme".

Il renâcla, se déplaçant le long du long mur de l'enceinte rectangulaire en respirant difficilement, la mousse s'accumulant sous sa bouche.  Le même soldat tenta de s'acharner à nouveau sur lui, mais Xena le vit avant cette fois et sauta en avant, plongeant sous le cheval au moment où il approchait sa lance, puis elle bondit contre le mur et attrapa la main du soldat qu'elle ramena contre le mur. Il cria, mais relâcha la lance, qui tomba sur le sol à l'intérieur de l'enclos. Xena le lâcha également et se laissa tomber au sol, s'époussetant les mains. "Essaie encore une fois et je t’envoie à l'intérieur." lui grogna-t-elle dessus.

Soudainement la cour fût silencieuse. Cela convenait à Xena et apparemment au cheval aussi, car il l'observa en silence, les narines dilatées par sa forte respiration. Elle s'approcha de lui très lentement, en murmurant doucement dans son souffle. "Doucement... doucement... "

Les yeux bruns, brillants et intelligents, l'observaient avec méfiance et l'étalon se déplaça, ses quatre sabots dispersant de petits morceaux de gazon autour de lui.

Xena était suffisamment proche pour que le cheval la sente et elle continua à murmurer à voix basse, tendant ses mains un peu de chaque côté de son corps. Elle réalisa qu'il était énorme, son dos dépassant sa tête d'au moins un pouce et ses sabots ayant la taille d'une assiette. Ses pattes étaient couvertes d'une fine et épaisse frange de poils, emmêlés de boue et de sang, mais nettoyés et brossés, il serait magnifique. Son pelage était d'un noir profond, avec des reflets bleus au soleil et elle pouvait voir des coupures et des plaies sur sa peau maintenant qu'elle était beaucoup plus proche.

"Pauvre bonhomme... ça va aller maintenant." Murmura Xena en, tendant une main pour laisser le cheval en colère respirer son odeur. Un pas de plus et le bout de ses doigts frôlèrent la peau douce et veloutée de son museau et sentit les piquants raides des poils.

Soudain, il hennit violemment et se cabra au-dessus de sa tête, ses pattes s'agitant dans les airs, à deux doigts de lui arracher le crâne. Xena resta immobile et ne réagit pas, même lorsque le sabot frôla son épaule et que le cheval reposa ses membres et lança sa tête sur elle, l'aspergeant d'une légère brume d'écume.

"Doucement." Murmura la guerrière, sentant le silence fasciné des hommes qui la regardaient. Elle tendit à nouveau la main et toucha le nez de l'étalon, puis caressa doucement sa joue, laissant son talent naturel et sa forte personnalité s'exprimer. Le cheval semblait hypnotisé, en fait, et la laissait le caresser sur toute la surface de sa tête, ainsi que sur sa large et plate pommette. Elle fit un pas de plus et sentit son souffle réchauffer sa poitrine, les dents acérées à quelques centimètres de sa jugulaire.

Mais ses yeux étaient fixés sur les siens et sa voix l'apprivoisait alors que de longs doigts peignaient délicatement sa crinière en analysant les plaies et les éraflures. "Ça c'est un bon garçon... ça va aller maintenant…doucement... je ne vais pas te faire de mal..." Elle retira une bruyère de derrière une oreille touffue et il hennit doucement. "Je parie que ça fait mal, hein ?"

Il reposa sa tête sur son épaule, semblant maintenant plus fatigué que menaçant. Elle continua à le gratter, à enlever les brindilles, à frotter ses mains sur son cou et son dos et à trouver plusieurs plaies. Sa peau se crispait lorsqu'elle s'en approchait, et elle faisait attention à ne pas exercer de pression sur sa peau sensible et à vif. "Pas étonnant que tu sois de si mauvaise humeur." Elle secoua la tête. "Je le serais aussi."

Il hennit doucement et elle passa ses mains le long de ses membres, trouvant un désordre emmêlé au niveau de ses boulets et une coupure derrière l’un d’entre eux. Elle se redressa et souleva lentement le licol de son épaule, le laissant le renifler. "Maintenant... si tu me laisses mettre ça sur toi... Je peux te sortir d'ici et soigner ces coupures... qu'en dis-tu ?" Elle frotta la corde doucement sur sa peau, pour l'habituer au toucher. Il leva la tête doucement, puis l’appuya de nouveau contre elle et souffla.

Bien, se dit Xena en faisant glisser le licol sur la tête, fière. Elle avait toujours, toujours eu un don pour les chevaux. Peut-être était-ce parce qu'ils savaient qu'elle avait un faible pour eux, même dans les pires moments. Même dans les batailles où elle avait coupé plus de têtes qu'il n'y avait de buses volant au-dessus d'elle, elle avait toujours réussi à éviter les animaux que ses ennemis montaient. Elle attacha le licol, soudainement consciente du silence absolu qui l'entourait.

Avec un léger picotement de malaise, elle leva les yeux, pour voir une cour vide face à elle, à l'exception d'une figure solitaire, éclairée par le soleil de midi. Il était assis sur le bord de la clôture en bois, appuyé sur un poteau d'angle et l'observait. Xena ne pouvait pas distinguer ses traits, mais elle ressentit un sentiment profond, si étranger qu'il la fit sursauter.

La peur.

Le genre instinctif et irraisonné qu'elle n'avait ressenti que quelques fois dans sa vie et qui faisait se dresser les poils de sa nuque et tordre ses tripes. Elle le regarda avec méfiance tandis qu'il se levait lentement, balançant ses deux jambes par-dessus le mur pour se laisser tomber, se déplaçant avec une énergie puissante et nerveuse qui heurta de plein fouet ses réflexes défensifs.

C'était un problème. De gros problèmes. Elle sentit sa bouche s'assécher, alors qu'il s'approchait, dégageant les rayons du soleil et qu'elle put voir son visage. Il était bien proportionné, avec une barbe bien taillée et des cheveux d'un rouge renard avec des mèches argentées éparses. Ses yeux étaient d'un noisette profond et chaleureux, mais en les regardant, Xena ressentait un sentiment de danger qui la glaçait au plus profond d'elle-même.

Il prit son temps, la regardant. Puis il s'approcha, jetant un coup d'œil à l'étalon désormais calmé. "Bien." Sa voix était profonde et musicale. "Il semble que tu te sois fait un ami."

Xena se rappela qui elle était et reprit son sang-froid. Elle se détendit un peu et le regarda froidement. "C'était ça, ou être traînée à mort... pas vraiment le choix."

Ses yeux, au même niveau que les siens, se dirigèrent vers son visage et y restèrent pendant un long moment intense. Puis il tourna autour d’elle, doucement. "Mon adjudant m’a dit que ton nom est Paladar. C'est inhabituel."

Xena se força à ne pas le regarder, mais caressa les oreilles du cheval pour apaiser sa réticence. "Pas mon choix." Dit-elle en haussant les épaules.

" Non... bien sûr que non... mais tu pouvais choisir de ne pas le garder s'il ne te convenait pas... ". Il se rapprocha de Xena et fixa son visage. "Et d'une certaine façon... il ne te convient pas." Une main se leva et un doigt toucha son visage immobile. "Pourquoi ?"

Xena tourna lentement la tête et laissa ses yeux rencontrer les siens. "Je n'en sais rien. Pourquoi ça ?" Elle lutta contre l'envie de s'enfuir ou de libérer l'anxiété refoulée qui nouait ses muscles. Sa voix était basse et calme, et elle leva un sourcil vers lui.

Il sourit, puis s'approcha et plaça très doucement ses doigts autour de sa gorge. Elle sentit alors une vague écœurante de compulsion mentale l'envahir, traversant son esprit comme si de la boue l’enlisait rapidement. Son corps paniqua et elle leva une main, ses doigts s’enroulèrent autour de son poignet et le serrèrent assez fort pour qu'il relève la tête.

"Shh... relax... mon amie dresseuse de chevaux... ce n'est pas pour te faire du mal". la rassura-t-il. "Tout le monde doit répondre à mes exigences.... C'est juste pour te faire dire la vérité... c'est tout... alors... détends-toi... "

Les cloches d'alarme martelaient l'intérieur de son crâne et Xena sut qu'elle était proche de laisser ses instincts prendre le dessus, dans un mouvement probablement fatal. Ses muscles se tendirent et ses défenses se levèrent, le feu dans ses tripes s'attisant avec une force presque irrésistible.

Puis elle pensa à Gabrielle et à Dori et elle mit un couvercle dessus, serrant sa mâchoire sur le grognement bas et outragé qui menaçait de sortir de sa gorge. Elle força sa main à se relâcher à la place et la baissa.

"Bonne fille." Déclara l'homme avec approbation. "Maintenant... trois questions simples. Quel est ton nom ?"

Elle avait l'impression d'avoir des abeilles sur la langue, les mots se forçant à sortir sans sa permission, mais Xena n'avait pas passé la majeure partie de sa vie à s'auto-discipliner pour rien. Elle laissa cette sensation glisser sur elle et rencontra ses yeux. "Paladar."

Ses yeux la fouillaient intensément. "Vraiment.... très bien alors et d'où viens-tu ?"

"Amphipolis." Il n'y avait pas besoin de mentir ici.

"Ah... et pourquoi es-tu ici, Paladar ?" La voix de l'homme était douce comme de la soie.

"Pour entraîner les chevaux." Répondit la guerrière doucement.

Il soutint son regard quelques secondes de plus, puis retira sa main. "Bien." Un sourire se dessina sur ses lèvres fines. "Bienvenue dans mon armée, Paladar.... je pense que tu vas m'être très utile." Il leva alors sa main vers elle, pour la saluer cette fois. "Je m'appelle Andreas."

Xena prit sa main et lui rendit sa salutation dans une prise ferme. "C'était quoi cette histoire de gorge ?" demanda-t-elle.

"Ah..." Il ajusta un peu son col. "J'ai reçu un... don... qui me permet de contraindre une personne à dire la vérité... c'est très pratique pour détecter les espions... tu n'es pas d'accord ?".

Xena hocha un peu la tête, puis déplaça ses doigts sur les rênes de l'étalon. "Je... dois aller m'occuper de lui... il est bien amoché." Elle recula d'un pas, impatiente de sortir de l'enclos et de s’éloigner de lui.

Mais Andreas la suivit. "Ce dont tu as besoin... Paladar... c'est de te joindre à moi pour le dîner." Son regard se promena à nouveau sur elle. "Je suis fasciné par une femme si belle... et qui soit pourtant si forte. »

"Bien sûr." Murmura Xena, sachant que refuser n'était pas une option, à ce stade. "J'aimerais bien."  Elle cligna soudainement des yeux lorsque le devant de sa chemise laissa entrevoir une chaîne en argent dont les maillons réveillèrent d'horribles souvenirs. Une pierre rouge était sertie entre des griffes en son centre et elle combattit difficilement un élan de panique. "Je... hum... serai là plus tard."

Il sourit. "Parfait... Je suis impatient d'y être. "Il s'éclipsa de la porte avant elle et réinstalla sa cape courte, traversant le terrain à grands pas tandis que les hommes le saluaient avec respect à son passage.

Xena laissa échapper son souffle retenu.

Le collier... le même que celui qui avait piégé Hercule.

Pas étonnant que ses cheveux se soient dressés sur la tête.

Xena déglutit et saisit le licol de l'étalon, se retournant pour le mener loin de sa cage en réfléchissant furieusement et réalisant deux choses d'une importance capitale.

Le problème n’avait rien à voir avec ce qu’elles avaient imaginé.

Elle devait rapidement trouver Gabrielle.

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Gabrielle gardait son corps immobile, alors qu'elle subissait l'examen silencieux. Elle se tenait sous l'œil d'une paire d'yeux gris très froids, appartenant au visage sévère de la châtelaine de la garnison, ayant été amenée là lorsque son ami serviable l'avait fait passer devant le poste de garde et entrer dans la garnison.

"Tu dis que tu as de l'expérience ?" demanda la femme d'une voix tranchante. "Tu n’es guère plus qu'une enfant."

"En fait... Je viens de terminer ma vingt et unième année." Répondit la barde calmement. "Et oui... ma famille tient une auberge dans le nord."

La femme la saisit par le bras et l'entraîna vers deux étagères encastrées dans le mur de la cuisine immaculée et animée. "Quelle est cette herbe ?"

Gabrielle lui répondit puis lui indiqua ses deux utilisations culinaires et ses deux utilisations médicinales. Elle continua à nommer d'autres plantes qu’elle aperçut dans la cuisine et les aliments avec lesquels elles se mariaient le mieux, mais elle se calma quand la femme la secoua. "Oh... désolée... Je m'emporte parfois."

"Mmph... tu as une grande gueule. Nous n'avons pas besoin de ça ici." Les yeux gris l'étudièrent, puis détournèrent le regard alors qu'une deuxième femme s'approchait, essuyant ses mains sur un tablier blanc amidonné. "Astira... nous avons une nouvelle aide... où as-tu besoin d'un coup de main ?"

La nouvelle venue étudia Gabrielle froidement, repoussant ses cheveux auburn derrière une oreille. "Mieux vaut ne pas l'envoyer en haut... c'est sûr." Elle et la femme plus âgée échangèrent des regards complices. "Eh bien, nous pourrions avoir besoin d'aide près de la broche."

"Ne la laisse pas se faire roussir... elle a des connaissances utiles, contrairement au reste d'entre eux." Déclara la châtelaine. "J'ai quelques idées pour elle."

Gabrielle se mordit l'intérieur de la lèvre, se retenant difficilement de dire à quel point elle détestait qu'on parle d'elle à la troisième personne. Tu es juste là pour avoir des informations, Gabrielle... sois gentille... souviens-toi que tu as promis à Xena de... "

La barde cessa presque de respirer, alors que les bruits de la cuisine s'estompaient et qu'une épaisse vague de peur faillit la faire tomber. Elle inspira par réflexe et s'agrippa à la table à côté de laquelle elle se tenait, son esprit à deux doigts de la panique totale.

Qu'est-ce qui, dans le monde entier, pouvait effrayer son âme sœur comme ça ?  Elle vit l'autre femme lui faire signe de la suivre, ce qu'elle fit stupidement, n'écoutant pas un mot de ce qu'elle disait, se contentant de suivre jusqu'à ce que la chaleur croissante la distraie de la douleur dans ses tripes et qu'elle lève les yeux pour voir l'énorme cheminée approcher.

Les vagues de peur s'apaisèrent... et Gabrielle fut capable de détourner une demi-oreille des battements de son propre cœur pour écouter ce qu'Astira disait. "Um... bien sûr... ok." Elle trébucha sur les pierres brutes de l'âtre jusqu'à l'endroit où un pot était posé avec trois pinceaux à long manche qui en sortaient. Elle en souleva un et peignit distraitement le rôti qui tournait lentement, son esprit concentré sur l'extérieur, se demandant anxieusement dans quoi sa compagne s'était embarquée.

Elle jeta un coup d'œil autour d'elle, voyant les deux paires d'yeux glacés sur elle et souffla, ses respirations devenant courtes alors que son corps se courbait, ne voulant rien de moins que de s'enfuir de la pièce étouffante pour trouver son autre moitié. Mais la peur s'estompait doucement et elle hésita... sentant son propre pouls commencer à ralentir.

Ok. Elle déglutit et reprit le contrôle d'elle-même. Elle va bien... tu ne peux pas l'aider en sortant d'ici comme une folle. Gabrielle ferma les yeux brièvement, puis expira. Il suffit d'attendre qu'elle mette de l'ordre dans ses affaires... Elle se concentra à contrecœur sur sa tâche et fronça le nez.

Qu'est-ce que c'est que ça ? Gabrielle renifla la brosse qu'elle utilisait, l'odeur âcre lui faisant basculer la tête en arrière. Elle jeta un coup d'œil à la jeune fille à côté d'elle, qui se concentrait sur l'arrosage du rôti avec ce produit. "Hey..."

Des yeux vert pâle, plus clairs que les siens, lui lancèrent un regard effrayé. "Chut !"

La barde regarda par-dessus son épaule, pour voir les deux superviseurs s'occuper d'une autre tâche, et se retourna vers la jeune fille. "Pourquoi ?"

La jeune fille regarda également vers la femme, puis se rapprocha un peu plus. "Nous n'avons pas le droit de parler... tu es nouvelle... sois silencieuse ou ils te jetteront dans les cachots."

Gabrielle renifla à nouveau sa brosse. "C'est quoi ce truc ? Ça sent mauvais." Elle baissa sa voix jusqu'à un chuchotement.

"C'est pour les troupes... Je... ne sais pas ce que c'est... mais ils nous en font mettre sur tout". Répondit la fille doucement. "Une fois que ça cuit beaucoup... ça ne sent pas si mauvais."

"Oh." Gabrielle tamponna le rôti avec hésitation. "Ok... peut-être que c'est des vitamines ou autre chose."

La jeune fille en mit plus. "Tu n'es pas du coin, n'est-ce pas ?"

La barde secoua la tête. "Non... Je ne faisais que passer... un des soldats m'a amenée ici." Elle regarda autour d'elle. "Je ne pense pas que je vais rester longtemps."

La fille la regarda en clignant des yeux. "Tu ne partiras jamais... ils ne te laisseront pas partir. Pas une fois que tu es ici. Mon amie Sallas a essayé... ils lui ont arraché la peau et l'ont laissée pendue dans la cour pendant trois jours."

"Qu...quoi ?" Gabrielle sentit son pouls s'accélérer, alors que l'horreur de cette pensée la frappait. "Mais vous n'êtes pas des esclaves... comment peuvent-ils..."

"Chuutt..." supplia la jeune fille. "S'il te plaît... ils s'en fichent... et je ne veux pas être écorchée." Elle s'éloigna de Gabrielle et se concentra sur son travail, ignorant la présence de la barde.

Dans quoi nous sommes nous fourrées ? Gabrielle regarda autour d'elle d'un air inquiet. Plus que nous le pensions, c'est sûr. Elle s'essuya le front, alors que la chaleur de la cheminée la transperçait, et se concentra pour essayer de trouver ce qu'elle allait faire pour s'en sortir.

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Xena installa l'étalon, les employés de l'écurie l'observant dans un silence pesant en tentant faiblement de vaquer à leurs occupations pendant qu'elle installait le cheval sauvage dans la plus grande stalle et l'attachait. Il était très fatigué et ne lui avait pas donné beaucoup de mal, même quand elle avait pris un chiffon et un peu de nettoyant sur une étagère en bois à proximité et nettoyé ses plaies.

C'était bien. Cela lui donnait le temps de se calmer et de réfléchir à ce qu'elle allait faire ensuite. Du coin de l'œil, elle vit Iolaus, sa tête dorée au-dessus de la cloison de sa stalle, qui l'observait avec des oreilles dressées, alors que le reste des chevaux de la grange avaient le dos tourné et faisaient face au mur extérieur avec une attitude désintéressée.

La première chose à faire. Trouver Gabrielle. Sa perception générale de la barde, renforcée par leur connexion, lui disait qu'elle n'était pas loin et Xena devait admettre à contrecœur qu'il était possible que son âme sœur intelligente se soit glissée parmi le personnel des cuisines sans trop de problèmes. Ils avaient sûrement besoin d'aide avec toutes ces bouches à nourrir et Gabrielle avait un talent indéniable pour la cuisine.

Et pour s'attirer des ennuis, bien sûr, mais Xena était déterminée à trouver la barde avant le dîner et à les faire sortir toutes les deux du complexe, conteur ou pas. C'était noble de vouloir aider le gamin, mais un faux pas... un des soldats qui la reconnaissait par exemple et cela pourrait signifier leur mort.

Elle n'était pas prête pour ça. Elle avait encore beaucoup de choses à faire avec son âme sœur et une fille qu'elle était déterminée à voir grandir.

Xena ordonna doucement la crinière et la queue emmêlées de l'étalon, puis elle lui donna une tape et rangea les brosses. Alors qu'elle se retournait, elle réalisa que son chemin était bloqué et elle s'arrêta avec un soupir intérieur. Qu'est-ce que j'ai avec les granges et les voyous cette semaine ?

Un homme très grand et très musclé se tenait sur son chemin, la regardant attentivement. "Tu es le nouvel entraîneur, hein ?"

Xena leva les yeux vers lui. "On dirait bien."

L'homme absorba la remarque, puis jeta un coup d'œil au cheval noir. "L'étalon a botté le cul des trois dernières personnes qu'y ont essayé de lui mettre un licol... je suppose que tu dois être bonne." Il s'écarta de son chemin et cligna des yeux en la regardant, son visage rude mais agréable se crispant en un demi-sourire pensif. "Je m'appelle Gaese."

Xena prit sa main, sentant les callosités lorsqu'elle la serra. "Paladar."

Il hocha la tête une fois. "Le poney jaune est à toi ?"

Xena leva un sourcil. "Pas vraiment un poney... mais oui."  Elle s'essuya les mains. "Tu es dresseur ?"

"Non." Gaese secoua la tête. "Palefrenier... on a vingt hommes ici et cinq cents chevaux. Tu as du pain sur la planche."

"Ah." Xena rumina cette information. "Je suis le seul entraîneur alors, hein ?"

"Oui." Confirma Gaese en hocha la tête. "Le dernier est accroché au râtelier... il n'a pas dressé le cheval d'Andreas comme il le voulait."

Super. "Lequel est le sien ?" demanda Xena en jetant un coup d'oeil à l'énorme grange. Ses yeux tombèrent sur un cheval blanc pur et laiteux dans un grand box d'angle et elle cligna des yeux. "Laisse-moi deviner... celui-là ?" Elle le pointa du doigt.

"Exact." Confirma Gaese. "C'est une sale bête aux dents croisées... mais il est plus beau qu'une statue grecque... Bonne chance avec lui."

Pendant qu'elle regardait, le cheval blanc mordit la porte de son box en signe d'irritation et hennit furieusement en balançant la tête. A sa droite, l'étalon noir lui répondit en s'ébrouant en guise de défi.

Xena soupira et secoua la tête. Dans quoi nous sommes-nous fourrées ? Elle leva les yeux lorsque la porte de la grange s'ouvrit et qu'un garde en uniforme entra, ignorant les palefreniers pour se diriger directement vers la guerrière.

"Oui ?" demanda Xena, alors qu'il se rapprochait d'elle, un paquet dans les bras.

"Andreas m'a ordonné de te donner ceci." Il lui tendit le paquet. "C'est un uniforme. Tu le porteras ce soir."  Déclara l'homme aux cheveux blonds.

"Et s'il ne me va pas ?" demanda la guerrière en arquant un sourcil.

"Coupe-toi des morceaux de toi jusqu'à ce que ce soit le cas." Répondit le soldat, avant de lui faire un signe de tête et de se retourner pour partir. Puis il s’arrêta à la porte. "Tu te présenteras au garde à la porte de la chapelle au coucher du soleil. Tu seras alors conduite dans les quartiers d'Andreas. Tu as compris ?

"Oui." La guerrière souleva le paquet. "C’est très clair."

Le soldat hocha la tête et repartit rapidement.

Xena le regarda fixement, puis elle se dirigea vers l'endroit où Iolaus attendait et déposa le paquet aux pieds du cheval. "Commençons déjà par ça... J'ai besoin d'herbes... De quel côté se trouve la cuisine ?"

Gaese bougea ses pieds, mal à l’aise. "Nous ne sommes pas autorisés à monter là-haut." Il s'éclaircit la gorge. "Tu vas au-devant de problèmes."

Xena prit une inspiration. "Ce ne serait pas la première fois." Elle s'esquiva par la porte et suivit ce que son cœur lui disait.

***************************************

Gabrielle avait terminé sa tâche de cuisson et avait été mise au travail pour préparer le dîner de ce qu'elle supposait être les officiers supérieurs. Il s'agissait de plateaux individuels de viandes et de légumes, et elle était capable de les arranger et de les épicer par instinct, en utilisant des combinaisons qui lui étaient familières après des années passées à nourrir sa compagne.

Elle sentit des yeux dans son dos et elle se redressa un peu, alors que la voix froide de la châtelaine flottait au-dessus de son épaule.

"Eh bien, jeune fille aux herbes... il semble que tu aies un talent pour cela... étonnant..." La femme prit un morceau de légume et le goûta, puis fit un signe de tête approbateur à Gabrielle.

"Merci." Répondit la barde calmement. "Je m'appelle Gabrielle, au fait." Elle termina l'assiette avec un brin de persil et tira la suivante vers elle.

 

"Gabrielle. C'est un nom inhabituel", commenta la femme. "D'où viens-tu ?"

La barde débattit rapidement intérieurement, puis tourna la tête. "Potadeia." Elle fit une pause. "C'est un très, très petit village au sud... plus de moutons que d'habitants." Ses mains sélectionnèrent un mélange d'épices, frottant les grains de poivre entre ses doigts pour les faire craquer alors qu'elle combinait les grains odorants.

"Vraiment... quelle coïncidence... j'avais un oncle qui venait de là-bas." Commenta la femme avec désinvolture. "Il était boulanger."

Gabrielle sentit qu'elle était testée. "Est-ce qu’il s’agit d’Erebesus ? Il faisait les meilleurs gâteaux au miel... J'avais l'habitude d'économiser les quarts de dinars que je recevais pour ramasser les baies et j'en achetais un les jours de marché."

Finalement, elle eut un sourire. "C'est bien lui."  Elle étudia le profil de Gabrielle avec attention. "Qu'est-ce qui t’amène ici, Gabrielle de Potadeia ?"

"Eh bien..." La barde soupira. "Je ne faisais que passer... Je n'avais pas vraiment l'intention de me retrouver ici... Je me rendais à Athènes." Elle envoya à la femme un regard innocent. "Je suppose que je n'aurais pas dû parler au soldat, hein ?"

La femme sourit avec force. "Reste à ta place, ma jeune amie et tu pourras te retrouver à Athènes après tout." Dit-elle sur un ton énigmatique avant de lever les yeux quand la porte s'ouvrit et qu'un silence s'installa dans la cuisine. "Attends ici." Elle éleva la voix de façon impérieuse. "Tu n’as rien à faire ici."

Gabrielle passa un moment à absorber la chaleur familière avant de tourner la tête pour voir son âme sœur encadrer l'embrasure de la porte, la remplissant d'une présence qui laissait tous les autres autour d'elle disparaitre. Leurs yeux se rencontrèrent brièvement et le tressaillement des lèvres de Xena fût presque comme une caresse, amenant un faible et doux sourire sur son propre visage.

"J'ai besoin d'herbes." La guerrière parla doucement, mais sa voix, basse et puissante, porta à travers la pièce. "Ils ont dit que c'était ici que je pouvais en trouver."

"Eh bien, ils avaient tort." La châtelaine se redressa par réflexe, sentant le défi lancé par la nouvelle venue. "Maintenant, va-t’en."

Les yeux bleus de Xena allèrent vers les piles d'herbes, puis elle regarda la femme plus âgée et un sourcil parfait se leva en signe d'interrogation. "Je pense que ce sont celles dont j'ai besoin."

"Astira, appelle la garde." La châtelaine claqua des doigts. "Je ne sais pas qui tu es, mais tu vas vite te retrouver dans les cachots."

"Tiens ta langue, Besthia." Une voix fraîche et douce l'interrompit. Les yeux se tournèrent pour voir la forme fine et nerveuse de l'adjudant entrer par la porte arrière. "Notre chef va attraper un délicieux morceau à son service... en fait, il a demandé à ce qu'elle soupe avec lui ce soir, alors tu ferais mieux de faire attention à tes manières avec elle." L'homme sourit. "Aussi étrange que cela puisse paraître."

"Jeren..." protesta la femme avant de secouer la tête. "Si c’est sa volonté... très bien, toi, la fille aux herbes... donne lui ce dont elle a besoin." Besthia fit un geste vers Gabrielle. " Et fais vite."

Parfois, réfléchissait Gabrielle alors qu'elle traversait le sol sur des jambes tremblantes vers le pilier le plus sûr que sa vie ait jamais connu. Parfois, les Dieux veillent sur nous. Elle rejoignit Xena à mi-chemin et elles marchèrent ensemble vers la table où était disposées les herbes, dans le silence curieux qui les entourait. Le langage corporel de la guerrière était très tendu, et Gabrielle n'avait pas besoin de parler pour comprendre qu'elles avaient de gros problèmes. Elle ramassa un petit panier lorsqu'elles atteignirent leur destination, et se racla doucement la gorge. "De quoi as-tu besoin ?"

Cachée de la vue de la pièce, une douce étincelle entra dans les yeux de la guerrière, tandis que leurs bords se plissaient légèrement en réponse. "Je vais prendre les herbes pour l'instant." Répondit Xena dans un murmure. Elle nomma quatre herbes d'une voix plus forte et échangea quelques remarques insignifiantes avec la barde jusqu'à ce que le bourdonnement autour d'elles s'élève, alors que tous les autres se remettaient au travail. "Nous devons partir d'ici." Déclara-t-elle doucement, avec un regard rapide autour d'elle.

"Sans blague." Murmura la barde. "Et tu as besoin de ça pour faire un peu de … ménage ?"

"Oui... donne-moi un peu de ça." Répondit Xena. "Cet Andreas... c'est un gros problème, Gabrielle... il porte l'un des colliers... comme celui d'Hercule."

Les yeux verts brumeux passèrent au bleu glace en un sursaut. "Non !.. Eh bien... cela explique le caractère effrayant de ce lieu... cet endroit est rempli de mauvaises nouvelles." Elle distribua plusieurs sacs d'herbes. "Ils mettent quelque chose dans la nourriture... Je ne sais pas ce que c'est... ça ne me dit rien de bien."

"Mm..." Xena renifla l'air subrepticement. "De la Belladone ? Je n’en suis pas sûre... Merci de me le faire savoir."  Elle prit les sacs. "Et un kilo de ça." Dit-elle en pointa une herbe du doigt.

"Tu vas dîner avec lui." Bafouilla la barde. "Xena... s'il te plaît, fais attention... ces gens me donnent la chair de poule."

"Je le ferai... et je suis désolée, Gabrielle... nous partons d'ici ce soir. Je marche sur la corde raide... avec tous ces combattants autour de moi, quelqu'un va forcément me reconnaître et je ne veux pas me retrouver écartelée."

La barde expira, mais hocha la tête. Elle était pour le bien de tous, mais pas quand cela menaçait si directement son âme sœur bien-aimée. "Je suis désolée de nous avoir mises dans cette situation. »

Une main se posa doucement sur la sienne et la serra. "Nous avions besoin de savoir, Gabrielle... c'est bien pire... bien plus dangereux que je ne le pensais." Xena ramassa les paquets et passa la table en revue une dernière fois. "Reste près de la porte."

La barde hocha faiblement la tête. "Tu crois que tout ce qu'il veut de toi, c'est dîner ?"

Un moment de silence passa. "Non."  La guerrière souleva les sacs dans ses mains et soupira. "Parfois, j'aimerais ressembler à Salmoneus."

Gabrielle sentit une boule se former dans ses tripes. "Il t'a vraiment secouée."

La tête sombre hocha la tête. " Ouais... Je vais essayer de trouver un moyen de nous sortir d'ici avant... Je ferai ce que j'ai à faire, mais... ".

"Je t'aime." Murmura Gabrielle silencieusement. "J'ai besoin de toi... Fais attention."

Le visage de Xena se crispa et elle cligna des yeux avant de hocher la tête. "Toi aussi." Elle se redressa et fit un pas en arrière. "Eh bien, c'est tout ce dont j'ai besoin... merci."   Ses yeux rencontrèrent ceux de son âme sœur pour un dernier et long échange, puis elle se retourna et sortit, fermant la porte derrière elle.

Gabrielle prit un moment pour se ressaisir, puis elle se retourna et brossa ses mains sur sa jupe, pour trouver la châtelaine juste derrière elle, le regard froid et pensif. Avait-elle entendu ? Gabrielle lui rendit son regard avec une innocence franche et pencha la tête en signe d'interrogation. "Quelle est la suite ?"

La femme plus âgée hésita, comme si elle réfléchissait, puis elle montra du doigt une broche avec un cochon qui tournait, le corps fermement enroulé autour de la pique. "Occupe-toi de ça.... et fais attention. C'est pour la table du maître." Elle sourit finement. "Il est connu pour décapiter les gens qui abusent des épices."

Oh. Super. Gabrielle marcha jusqu'à la table, où deux autres cuisiniers travaillaient, tous deux plus âgés. L'un était un homme petit et corpulent avec une barbe bien taillée, l'autre était une femme mince et menue aux traits d'elfe et à la chevelure sombre. La femme leva les yeux et lui adressa un sourire sinistre lorsqu'elle s'approcha. "Bonjour."

L'homme leva les yeux de sa tâche de tranchage et hocha la tête, puis il retourna à son travail. La femme se contenta de glousser.

Gabrielle soupira et prit un couteau.

*******************************************

Xena fût escortée lorsqu'elle quitta la cuisine et se dirigea vers la grange. L'adjudant l'accompagna et resta silencieux un long moment avant de prendre la parole.

"Alors... tu as réussi à t'infiltrer, n'est-ce pas ?"

Xena hésita à l'ignorer, puis soupira. "Tu m'as demandé de faire quelque chose, je l'ai fait. Tu as un problème avec ça ?"

"J'ai un problème avec les talentueuses et belles dresseuses de chevaux qui sortent de nulle part... et qui se trouvent une place dans cette armée juste comme ça." Il fit claquer ses doigts. "Disons que je suis du genre méfiant, c’est tout."

Xena s'arrêta et lui fit face. "Ecoute... J'ai passé le test de votre général... Je ne pense pas avoir besoin de m'expliquer à tous les pisseux major ou je ne sais quoi qui se baladent par ici." Elle posa une main sur sa hanche et rangea ses paquets sous son bras.

Son visage changea, devenant soudain sans expression. "Il t'a testé ?"

"Oui, il la fait." Confirma Xena. "Alors lâche-moi."

Il baissa la tête avec raideur. "Très bien." Puis il tourna les talons et partit, traversant la cour poussiéreuse sans un regard en arrière.

Xena le regarda partir, puis secoua la tête avec perplexité. Elle se remit à marcher dans la cour, mais son attention fut attirée par les soldats en exercice, dont un groupe qui s'entraînait à l'épée juste devant elle.

Par paire, les hommes s'attaquaient les uns aux autres avec des épées d'entraînement émoussées, démontrant une solide connaissance de leur métier et exécutant quelques mouvements respectables avec habileté et force. Xena observait leur jeu de jambes, impressionnée malgré elle, et étudiait avec intérêt le maître d'armes qui les dirigeait.

Il était grand, plus grand qu'elle, et bien bâti, avec la musculature lisse et ondulée d'un soldat professionnel. Ses mouvements étaient fluides et très habiles, et elle ressentit une pointe de regret et de jalouse lorsqu'il exécuta un mouvement inverse avec lequel elle avait eu beaucoup de mal deux nuits auparavant.

Soudain, les poils de son cou se hérissèrent et elle se força à ne pas se retourner lorsqu'elle sentit une présence dans son dos et que ses défenses s'élevèrent nerveusement.

"Qu'est-ce que tu en penses ?" Lui demanda la voix soyeuse d'Andreas. "De mes guerriers ?"  Il fit le tour de Xena et posa ses avant-bras contre le muret derrière lequel elle s'était arrêtée.

Xena regarda les exercices un petit moment de plus. "Ils m'ont l'air plutôt bons... mais je ne suis pas vraiment apte à juger."  Elle tourna à contrecœur la tête pour le regarder, voyant ses yeux noisette l'observer avec attention.

"Ah... allez, Paladar... quelqu'un qui a vécu avec des armées... tu sais sûrement reconnaître un bon épéiste quand tu en vois un." Il lui sourit, sa barbe se déplaçant sur son visage tandis que les muscles s'étiraient sous elle. "Ne me déçois pas en disant que tu gardes ta tête strictement dans l'écurie."

Dangereux. Intelligent, rusé et dangereux. Xena fit un petit signe de tête en guise de concession. "Ton maître d'armes est très bon."

Ça déclencha un léger gloussement. "C'est mieux."  Il tourna un regard vers le groupe. "Tu souhaites participer, peut-être ?" Il attrapa sa main libre et la retourna, passant un doigt sur les callosités de sa paume, provoquant un frisson le long de sa colonne vertébrale.

Xena était heureuse de ne pas avoir eu le temps de reconstruire les plus distinctives d'entre elles. " Un peu... assez pour savoir maintenant me couper mon propre bras " confirma-t-elle. "On ne sait jamais quand cela peut s'avérer utile."

"Hm.... "Il la regarda d'un œil spéculatif. "Brack... viens ici, et apporte deux de ces épées d'entraînement." Sa voix s'éleva et s'adressa au maître d'armes, qui sursauta en réponse, n’ayant pas réalisé qu'il était observé.  Il ramassa les deux des objets demandés et trotta rapidement, baissant la tête en signe d'obéissance vers Andreas avant de lui remettre la poignée des épées.

"Monseigneur... comme vous l’avez demandé... n’êtes-vous pas satisfait de la qualité de l’entrainement ?" Sa voix était anxieuse et Xena trouvait cela curieusement décevant chez un homme aussi grand et puissant.

"Non non... mon fidèle molosse... je souhaite simplement avoir un combat amical avec notre nouveau dresseur... ou devrais-je dire, dresseuse des chevaux ici." Andreas inclina sa main et offrit à Xena une des épées. "Paladar... m’accorderais-tu ce plaisir ?"

Xena réalisa qu'elle était coincée. À contrecœur, elle posa ses herbes et laissa ses doigts se refermer sur la poignée, essayant de comprendre ce qu'il recherchait... Était-ce la compétence ou l'absence de compétence ?

Pouvait-elle court-circuiter ses réflexes suffisamment pour le convaincre de ce dernier point ? Ou ses compétences étaient-elles encore trop ancrées dans son subconscient pour qu'elle y parvienne ? Elle recula d'un pas incertain lorsqu'il s’approcha d'elle, mais cela ne fût d’aucune importance après ce qui arriva ensuite.

Les réflexes aiguisés par une vie de guerrière répondirent à l'attaque sans réfléchir, inconsciemment, alors qu'elle parait son attaque et la retournait contre lui, s'ajustant au poids inconnu de l'épée d'entraînement avec la facilité de longues années passées à travailler avec toutes sortes d'armes.

"Un peu, Paladar ?" Andreas rit doucement. "Tu es trop modeste." Il s'approcha à nouveau d'elle, ses propres compétences étant plus que bonnes, et elle se surprit à augmenter les siennes en retour, son corps relevant le défi alors que le feu éclatait dans ses tripes. Elle esquiva son prochain coup et fit volte-face, puis changea de main et lui arracha son épée d'un coup sec qui se déroba sous ses attaques.

Le métal résonna sourdement sur le sol, dans un silence oppressant.

D'un coup de pied agile, Andreas la ramena dans sa main, la fit tournoyer, puis la regarda, les yeux brillants d'intérêt. Il s'approcha plus durement cette fois, ses coups étaient courts et sauvages, et elle sentit son corps se synchroniser, le dépassant et esquivant sa charge tandis qu'elle parait son coup et coinçait son épée avec la sienne, ses bras la stoppant facilement.

Elle le repoussa, et tournoya, acceptant son coup contre sa lame, et la tordit, faisant voler la frappe dans un angle précis pour lui donner une ouverture. Elle feinta à droite, puis à gauche, rassemblant ses mains sur la poignée de son épée et frappa son épée de plein fouet, l'envoyant voler hors de ses mains pour s'écraser sur la terre avec un bruit sourd.

Il la regarda fixement, momentanément déconcerté.

Je crois que je viens de faire quelque chose de très, très stupide, se maudit Xena. Ses yeux se portèrent sur les deux entrées principales de la caserne et elle commença à calculer le chemin pour y parvenir. Elle observa le visage d'Andreas tandis qu'il l'étudiait, un sourire lent et cruel le traversant qui lui fit dresser ses défenses, une alarme se déclenchant au plus profond d’elle-même alors qu’un tremblement parcourut ses muscles comme si son corps se trouvait à côté d'une menace mortelle.

Mais il se contenta de glousser. "Une femme aux multiples talents, en effet." Commenta-t-il légèrement. " N'est-ce pas, Brack ? "

Le maître d'armes laissa échapper ce qui semblait être une respiration retenue. "Oui, Mon seigneur."

"Intègre-la aux entrainements." Ordonna Andreas calmement, avant de sourire à Xena. "J'utilise toutes mes ressources, Paladar... le gaspillage est une chose terrible. On se voit ce soir ?" Il gloussa, puis s'éloigna, son corps musclé se déplaçant d'un pas solide et léger. Il s'arrêta brusquement, puis se retourna. "J'ai hâte d'y être."

Puis il partit, disparaissant dans les rayons du soleil en direction du bureau de l'adjudant.

Xena respira doucement, puis se retourna et offrit au maître d'armes son épée d'entraînement. "Tiens."

Il la prit et l'étudia attentivement. "Nous avons un entrainement demain matin, juste après le petit-déjeuner. Ne sois pas en retard, sauf si tu aimes courir."

Étonnamment, Xena se sentait calme alors que sa fougue naturelle reprenait le dessus. Pour qui se prenaient-ils, au juste, ces petits bouts de chair de centaures mouillés derrière les oreilles ? "J'adore courir." Répondit-elle sèchement. "Et je ne suis pas du matin." Puis elle ramassa les herbes et se dirigea vers l'écurie, en réfléchissant à la suite.

D'accord. Elle venait de faire son premier combat à l'épée depuis plus d'un an, aussi court soit-il. 

Contre un adversaire très dangereux, très rusé, qui lui faisait franchement peur.

Et elle avait gagné.

Assez facilement, en fait, et cela signifiait... peut-être que ce qui avait manqué tout au long de ses séances d'entraînement était le défi de la compétition. Le feu intérieur qui rajoutait une touche féroce à ses réflexes, et qui avait presque... presque forcé un rire bas sur ses lèvres pendant qu'elle se battait. 

Par les Dieux. Xena se tapa en entrant dans la grange. Comment avait-elle pu l'oublier ? Son corps en était encore tout émoustillé.

L'avait-il senti ? S'était-elle trahie ? Qui d'autre l'avait vu ?  Elle était si occupée à ordonner ses pensées qu'elle ne vit pas les mains qui l'attendaient pour la saisir avant qu’il ne soit trop tard.

La guerrière fut projetée contre le mur, le bois dur s'entrechoquant sous son poids, tandis que des corps se pressaient contre elle et qu'une fourche appuyée contre sa jugulaire lui chatouilla la peau. Elle fixa, choquée, les yeux déterminés de Gaese et s’immobilisa complètement.

"Nous savons qui tu es." Grogna le palefrenier.

"Vous le savez ?" souffla Xena en sentant les pointes des fourches percer sa peau.

"Oui... et nous allons t’embrocher comme un agneau avant de te laisser le rejoindre." Jura Gaese.

 

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A suivre dans la partie 4

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Commentaires
E
Avec plaisir :)!!
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I
Merci pour ce nouveau chapitre...qui nous amène vers la noirceur...Mais l'humour n'est jamais loin.<br /> <br /> <br /> <br /> Isis.
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