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Guerrière et Amazone
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  • Vous trouverez ici des Fans Fictions francophones et des traductions tournant autour de la série Xena la Guerrière. Consultez la rubrique "Marche à suivre" sur la gauche pour mieux utiliser le site :O) Bonne lecture !!
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Guerrière et Amazone
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14 octobre 2022

La noirceur du matin chapitre 8

La noirceur du matin – Tome 14 – Melissa Good

 

Xena et Gabrielle se sont installées à Amphipolis et profitent de leur nouvelle fille, Doriana.

Mais est-ce bien le cas ? La vie est, comme Gabrielle le sait bien, une série de compromis. Pour obtenir une chose, il faut souvent renoncer à une autre.

 

Chapitre 8

La progression était lente, constata Gabrielle, trop pour Xena qui faisait trotter Iolaus le long de la colonne de personnes en mouvement.  Elle avait laissé Hercule pour qu’il puisse servir à transporter le matériel et elle marchait depuis leur départ. Mais la nuit avait été longue, aucune des deux n'avait dormi et elle le sentait vraiment.

Elle savait qu'il en était de même pour Xena, qui malgré son agitation, était visiblement, aux yeux de Gabrielle en tout cas, en train de lutter contre la fatigue.

Elle avait été très surprise lorsqu'elles avaient expliqué que sa famille allait rentrer avec elles à Amphipolis, de voir le reste de Potadeia demander à venir aussi. Xena et elle en avaient parlé pendant plusieurs minutes en privé et finalement la guerrière avait levé une main pour faire taire la foule et avait donné son accord.

Et les voilà tous là avec elles... à peine une vingtaine d'hommes, de femmes et d'enfants, se traînant le long de la route en pente qui les ramènerait chez elles, et qui, espérons-le, apporterait aux vestiges en lambeaux de son lieu de naissance un peu de réconfort.

"Les grottes... nous avons besoin d'être avec d'autres personnes, Gabrielle." Lui avait dit Tectdus d'un air las. "Tous seuls là-bas... Je..."

Et elle avait approuvé après y avoir réfléchi. Au moins, ils pourraient prendre la clairière au fond du village où quelques vieilles huttes, depuis longtemps inoccupées, pourraient être réparées rapidement. Elle réfléchit à l'idée, puis elle acquiesça silencieusement avant de lever les yeux au moment où des bruits de sabots se rapprochèrent, pour voir Xena remonter avec Iolaus leur petit groupe jusqu’à elle. "Pas très loin, hein ?"

Xena se pencha vers elle et lui tendit un bras en silence. La barde hésita, légèrement surprise, puis posa son bâton contre l'épaule de Iolaus et  tendit la main pour permettre à Xena de la hisser derrière elle. Elle récupéra le bâton et glissa son bras libre autour du ventre de la guerrière tandis que Iolaus s'éloignait du chemin des marcheurs.

"Nous devrions arriver juste après le coucher du soleil." Commenta Xena.

"J'avais besoin de monter à cheval pour entendre ça ?" protesta Gabrielle. "Sérieusement Xena ?"

Un léger sourire apparut sur le visage de la guerrière lorsqu’elle tourna légèrement la tête vers elle. "Non... je voulais juste que tu sois là." Elle les éloigna un peu plus de la foule.

"Oh." Gabrielle fût irrationnellement heureuse à ce commentaire. "Ok." Elle se blottit plus près et serra doucement la guerrière contre elle. "Comment te sens-tu ? Tu as l'air un peu... euh... tendue." Les côtes sous son bras se contractèrent puis se relâchèrent lentement. "C'est à cause des moutons ? Ils font ces bruits bizarres, je sais."

Sa remarque provoqua un petit rire. "Non... Les moutons ne me dérangent pas... Je crois que je suis juste fatiguée." Admit Xena. "Il y a tellement de choses à faire... Par où commencer ?" Elle secoua la tête. "Rentrer à la maison n'est que le début."

"Je sais." Répondit doucement Gabrielle. "Eh bien, chaque chose en son temps, je suppose... Je vais devoir installer tout le monde pour commencer... puis nous pourrons envoyer des messagers... Je pense que Jess ira voir son peuple et il peut passer à Cirron aussi..." Elle réfléchit en se détendant dans le rythme régulier de Iolaus alors qu'elle s'appuyait contre le dos de Xena. "Je vais envoyer Eph chez les Amazones... et les Centaures... Tu veux les inviter tous à Amphipolis pour un conseil ou autre ?"

Xena resta silencieuse un moment. "Pas Amphipolis... il faut trouver un endroit où nous pourrons nous réunir et entraîner les troupes et je ne vais pas faire ça au village. Déjà parce qu’il n'y a pas assez de place... et puis nous attirerions trop l'attention."  Elle regarda la route, baignée par l'or du coucher du soleil. "Il y a une vallée juste derrière cette chaîne au sud... c'est assez grand et défendable."

"Mmm." Gabrielle réfléchit aux changements que cela apporterait. "Tu prévois qu'on campe là-bas ?"

La guerrière se déplaça un peu. "Une fois que les troupes commenceront à arriver, oui." Répondit-elle calmement. "Je suis une cible de toute façon, Gabrielle."

La barde posa sa joue contre le dos de Xena et caressa doucement le ventre de la guerrière. "Nous sommes une cible... je l'ai accepté." Répondit-elle. "Il faudra aussi faire évacuer tous les gens d'Amphipolis ?"

"Mmm... les troupes seront assez proches pour la protéger... je ne préfère pas. Ils seront l'une des rares sources d'approvisionnement que nous aurons." répondit la guerrière de manière pratique. "Ça va être difficile... ils ont déjà fait des raids sur la plupart des villages de la région."  Elle réfléchit pendant quelques instants. "Mais... les gens que nous allons rassembler... sont habitués à vivre de la terre."

"C'est vrai." Approuva Gabrielle. "Les Êtres de la forêt, les Amazones et les Centaures en particulier... est-il possible de mettre sur pied une armée qui soit autosuffisante ?"

Le silence s’installa pendant quelques instants. "Je suppose que nous allons le découvrir. Parce que cette armée ne fera pas de raids sur les villages, ça c'est sûr." Déclara Xena sans ambages.

Le soleil descendait de plus en plus et le lit de la rivière passa d'une ligne droite à un dessin plus sinueux, reconnaissable alors qu'ils se dirigeaient vers le pont qui leur permettrait de traverser vers les abords menant à Amphipolis. Gabrielle passa un moment à se souvenir d'une chevauchée nocturne sur cette même plaine, lorsqu'elle s'était aventurée pour trouver un groupe de jeunes Amazones effrayées et une Xena héroïque et frissonnante, qui venait de plonger dans une rivière glacée pour sauver Ephiny.

"Hé, Xena..."

La guerrière tourna la tête et regarda par-dessus son épaule. "Quoi ?"

"Tu te souviens de la nuit où tu as sorti Eph de la glace ?"

"Bien sûr... Qu'est-ce qui t'a fait penser à ça ?" demanda Xena curieusement.

"Rien... Je pensais juste à ça... on est revenues par-là."

Ils atteignirent le pont et Xena traversa la première, les sabots de Iolaus sonnant fort sur les planches de bois. Elle s'arrêta à l'autre bout et se redressa, regardant les environs avec attention. "Ça a l'air bien."  Elle fit signe au groupe qui attendait et ils commencèrent à traverser. "On devrait commencer à voir les premières sentinelles assez rapidement."

"Mmm." Gabrielle sentit sa bouche devenir sèche et elle se racla la gorge. "J'espère que tout va bien." Elle sentit le corps de Xena se tendre sous ses mains. "Je suis sûre que tout va bien."

"Ouais." Murmura Xena alors que son cœur manquait quelques battements. "C'est trop calme." Elle poussa Iolaus à aller de l'avant et souffla lorsque ses sabots touchèrent la chaussée de terre tassée. Ses yeux parcouraient les champs de blé de rivière qui s’entendaient sur la légère montée qui cachait Amphipolis à sa vue.

Et si... Xena garda une respiration régulière. Et si tu trouvais la même chose que ce que tu as vu à Potadeia ? L'anxiété s'empara d’elle et elle sut que Gabrielle l'avait sentie à cause du mouvement soudain contre son dos. Une vision affreuse et terrifiante surgit dans son esprit, remplie d’incendies, de cadavres...

"Xena !" Gabrielle la serra contre elle et posa une main sur épaule,  réagissant aux changements soudains dans son langage corporel.

Reprends-toi se morigéna la guerrière. Garde tes fesses sur cette foutue selle et arrête de faire peur à tout le monde. "Désolée." Murmura-t-elle en se détendant un peu et en tapotant la jambe de la barde.

"C’était quoi ça ?" chuchota Gabrielle anxieusement, alors que le premier groupe de Potadéiens traversait la rivière. "Tu m'as fait une peur bleue, Xena."

"Rien... juste un esprit délirant de fatigue." Répondit sa compagne laconiquement tandis qu'elle guidait l'étalon sur la route pour suivre le rythme lent des deux chariots qui les avaient rejoints. Le premier était rempli d'effets personnels et des cinq ou six villageois blessés qu'elles avaient secourus.  Lennat et Lila marchaient à côté, portant Gabriel à tour de rôle, tout en surveillant Hecuba et les autres anciens assis dans le second chariot.

Le soleil baissait encore, peignant les grains d'or en cramoisi. Xena tripotait les rênes de Iolaus alors qu’elles continuaient à avancer, essayant mentalement de ne pas se forcer à entendre des signaux qui étaient vraiment trop lointains pour être entendus pour le moment.

S'ils étaient là.  Elle pouvait presque compter les pas.

Elle avait presque envie de s'arrêter, de retourner Iolaus et de fuir, pas prête à faire face au silence, s'il arrivait. Pas prête à voir le visage de Gabrielle, si le pire arrivait.

Encore cent pas.  Son cœur commença à s'accélérer.

Elle pensa à prier les Dieux, mais depuis quand cela aidait-il ? Ils auraient probablement ri.

Cinquante pas. Ses mains transpiraient sur les rênes et elle devait se forcer à garder une respiration régulière. Mais elle ne pouvait rien faire contre les battements de son cœur et elle savait que son âme sœur pouvait le sentir. Gabrielle s'était rapprochée encore davantage et regardait par-dessus son épaule alors que sa propre respiration n'était devenue qu'une pression courte et nerveuse contre le dos de Xena.

Que pouvait-elle lui dire ? Que devrait-elle dire ? "Gabrielle ?"

"Oui ?" La voix de la barde était un peu cassée.

Vingt pas. Elle pouvait entendre le vent siffler furieusement dans le silence.  Le chariot gronda derrière elles.

Dix pas. Xena sentit ses mains trembler et elle les serra sur les rênes, sentant la sueur couler sur le cuir. "Ecoute.. Je... hum..."

"Shhh." La barde glissa une main vers le haut et couvrit sa bouche.

"Mmph ?" Xena cligna des yeux, surprise.

Puis elle l'entendit.

Le cri d'un faucon de chasse qui s'élevait au-dessus du blé ondulant.

Gabrielle crut que son âme sœur allait tomber de la selle, ce qui aurait été une grande première. Elle l'agrippa d'un bras et saisit le pommeau de la selle de l'autre, les maintenant toutes les deux en place. "Doucement Tigresse." Chuchota-t-elle, sentant le pouls rapide commencer à ralentir.

Elle savait de quoi Xena avait eu peur, la même chose qu'elle avait elle-même tenté de chasser de son esprit depuis le déjeuner, essayant de se convaincre que s'en inquiéter n'avait aucun sens.

"Ouais... ouais, je vais bien." Répondit Xena d'un ton bourru,  en déplaçant et en resserrant ses jambes autour de Iolaus. "Merci."  Elle inclina la tête en arrière et siffla et  fût récompensée par une réponse immédiate, suivie d'un mouvement brusque alors que deux sentinelles rompaient leur couverture pour se diriger vers elles au pas de course.

"Hé, Xena !" La plus proche leva une main et l'agita. "Content que tu sois enfin de retour !" Il ralentit lorsque la guerrière s'approcha au galop. "C’était long !"

"Des pilleurs ?" demanda Xena, instantanément, ses sourcils se plissant d'inquiétude.

"Hein ?" L'homme pencha la tête. "Ah... non... non... euh..." Il échangea un regard avec son partenaire, qui se gratta l'oreille et grimaça. "Hum... vous allez en entendre parler au village... mais nous sommes contents que vous soyez de retour."

"Euh... merci." Xena se demanda un moment ce que cela voulait dire, puis elle haussa les épaules et fit un geste derrière elle. "Heureuse que tout aille bien... ces gens n'ont pas eu autant de chance."

"Ah." Il dégrisa. "Nous allons envoyer un mot... est-ce qu’ils vont rester ?"

"Oui." répondit Gabrielle doucement, depuis son perchoir derrière Xena. "Ils sont ce qui reste de ma ville natale."

Les sentinelles se rapprochèrent toutes deux instinctivement et le premier homme posa une main sur sa botte. "Ah... jeune fille." Murmura-t-il doucement. "Désolé d'entendre ça."

Xena lâcha une main de ses rênes et l'enroula autour de celle de Gabrielle, qui était étroitement serrée autour de son ventre. "Faites-leur savoir, d'accord ? Nous aurons besoin de provisions, de couvertures... d'un abri... Josclyn sait."

"Aye." L'homme donna une tape sur la jambe de Gabrielle. "Nous allons le faire... vous êtes bientôt arrivés, ça va aller maintenant." Il se recula d'un pas pour les laisser passer, puis leva la tête et mit sa bouche en coupe, envoyant un sifflement vers le ciel.

Le groupe poursuivit son chemin alors que le soleil couchant faisait descendre un vent froid des montagnes. Gabrielle était heureuse d'avoir un corps chaud devant elle, mais elle souhaitait que le voyage soit terminé et que leurs tâches soient achevées, car elle avait envie de son lit douillet et du confort de sa maison. Elle donna une petite tape sur la cuisse de Xena. "Hé."

"Mmm ?" Xena tenait toujours sa main et ne semblait pas disposée à la lâcher.

"Tu te sens mieux ?"

Elle se retourna et vit des yeux verts qui la regardaient. "Oui." Répondit finalement Xena doucement. "J'étais... inquiète."

Gabrielle caressa son ventre pour la réconforter. "Moi aussi." Une pause. "A ton avis, qu'est-ce qu'il voulait dire par "on va en entendre parler au village", si ce n'est pas des pillards ?".

Un sourcil sombre se leva de façon spéculative. "Eh bien... je ne vois qu'une seule chose qui pourrait être aussi dangereuse que les pillards dans ce village."

"Hmm ?" Gabrielle était perplexe. "Qu'est-ce que tu......" Elle y réfléchit une minute. "Oh." Elle fit une grimace. "Tu ne penses pas... Oh non, Xena... Voyons... Elle n'a que huit mois."

"Neuf mois." Murmura sa compagne. "Je suppose que nous allons vite le découvrir."

Gabrielle jeta un coup d'œil par-dessus son épaule, sur la route en pente menant à la maison. "Je suppose qu'on le saura bientôt."

***************************************************

Le crépuscule était tombé lorsqu’ils arrivèrent sur la dernière portion de route sablonneuse et aperçurent les premières maisons.  Xena était franchement heureuse de voir les contours familiers de la ville et d'entendre les sons normaux de leur foyer alors que les résidents les repéraient et les saluaient.

Son regard se porta sur l'auberge, au centre de la place du village et elle sourit lorsque la porte s'ouvrit et que Cyrène en sortit, s’appuyant sur la balustrade, l'air très soulagé. Elle leva une main en guise de salut et sa mère le lui rendit. "Nous y voilà."

Gabrielle soupira. " Oui... je vais installer ma famille et les autres... ça va être tellement dur pour eux, Xena. "

Xena lui tapota le bras. " Je te donnerai un coup de main dès que j'aurai mis les chevaux à l'écurie".

"Et après avoir dit bonjour à notre fille". Lui rappela la barde avec une tape gentille sur les côtes.

"Euh oui... bien sûr." Xena avait l'air légèrement insulté. Elle guida Iolaus à travers les portes du village et jusqu’à la place centrale, observant Josclyn et quelques autres anciens se diriger vers elles. "Hé, Josc."

"Xena." La salua le préfet d’un signe de la tête. "J'ai entendu dire qu'il y a eu des problèmes." Il observa le groupe qui s'était arrêté en silence, las.

Xena passa sa jambe par-dessus l’encolure de l'étalon et glissa vers le bas, puis elle se retourna et souleva Gabrielle pour la faire descendre. La barde se glissa devant elle et se dirigea vers Josclyn, prenant une grande aspiration au passage. "Josc... ces gens ont besoin d'un endroit où rester."

Le préfet hocha la tête. "Oui... c'est ce qu'ils ont dit."

Gabrielle souffla. "Bien... laisse-moi te présenter...". Elle conduit Josc vers le groupe et commença à expliquer doucement la situation.

Un bruit de pattes la prévint et Xena se retourna juste à temps pour attraper Ares qui se jetait sur elle, son corps poilu grognant d'extase. "Hé... hé... doucement." Elle l'attrapa, s'agenouilla, le prit dans ses bras et caressa sa fourrure. "Heureuse de te voir aussi, bonhomme..." Elle accepta ses léchouilles et frotta ses oreilles en retour. "Vas-y... va dire bonjour à ton autre maman." Elle pointa du doigt la forme de Gabrielle qui s'éloignait et le loup partit en courant.

Xena aperçut Ephiny et Eponine qui se dirigeaient vers la barde. Elle se mit sur leur chemin et leva la main. "Stop."  Elle les regarda, clignant des yeux devant leur air surpris.

"Ne me stop pas." Grogna Eponine en commençant à forcer le passage. "Je dois parler à Gabrielle."

"Moi aussi." Renchérit Ephiny, se joignant à elle pour contourner la guerrière.

Xena tendit le bras et les attrapa et les força à s’arrêter. "J’ai dit stop." Elle les tira ensuite en arrière. "Laissez-la faire ce qu'elle fait." Dit-elle calmement avant de leur expliquer. "Ces gens sont tout ce qu'il reste de Potadeia."

Un léger souffle lui fit tourner la tête et elle échangea un long regard avec Cyrène qui s'était approchée. Elle se retourna pour voir le choc sur les visages des Amazones. "Le père de Gabrielle a été tué hier."

"Non." Gémit Ephiny doucement. "Merde." Eponine baissa le regard en silence, étudiant le sol.

"Maman. Je pense qu'Hécuba aurait bien besoin d'une amie en ce moment." Ajouta la guerrière tranquillement. "Elle est dans le deuxième chariot."

L'aubergiste serra le bras de sa fille. "Vous allez bien toutes les deux ?" demanda-t-elle à voix basse.

"Oui." répondit Xena.

Sa mère hocha la tête. "Très bien... Laissez-moi aller chercher cette pauvre femme." Elle se précipita vers le deuxième chariot. Xena laissa échapper un souffle et se tourna vers Ephiny. "Si tu as un problème, mets-le sur moi, pas sur elle. Pas maintenant, compris ?"

Les Amazones se regardèrent, puis elles regardèrent Xena. "Et bien en fait... " murmura Ephiny.

"Ouais." Approuva Eponine. "C'est de ta faute."

"Ma faute ?" Xena leva les sourcils.

"Sans aucun doute." Ephiny fit un signe de tête rapide. "Tu n’es pas d’accord, Pony ?"

"Oh Oui." L'Amazone aux cheveux noirs resserra un peu plus sa cape autour d’elle.

La journée avait été trop longue. Xena, qui se sentait perdre le contrôle de son tempérament, ferma les yeux et compta jusqu'à dix. "Très bien. Je vais aller chercher ma fille et ensuite, si vous voulez, vous pourrez me crier dessus." Elle les dépassa et se dirigea vers la crèche. Elle fit trois ou quatre pas, avant d’être encadrée par les deux Amazones qui restèrent prudemment silencieuses.

La nurserie était une petite cabane remplie de tissus de couleurs vives, à l'épreuve des bébés. Xena poussa la porte et jeta un coup d'œil autour d'elle, avant d’apercevoir sa fille dans son berceau qui se tortillait dans tous les sens.

Dori la repéra au même moment et poussa un cri. "Boo !!!!!!"

Elle se souvient de qui je suis en tout cas. Xena s’approcha d'elle et la regarda alors que le visage de l'enfant s'illuminait et elle se sentit un peu triste, se sachant une personne bien différente de la dernière camarade de jeu que Dori avait connue. Ou de celle que j'étais. Elle baissa une main et laissa le bébé s'accrocher à son doigt. "Hé ma chérie."

Dori saisit son index et leva son autre main. "Boo !" Elle donna un petit coup de pied, voulant que Xena la prenne dans ses bras et poussa un petit cri de frustration quand elle ne le fit pas. "Boo ?"

"Tu lui as manqué." dit Ephiny doucement, derrière elle. "Elle t'a appelée... et Gab aussi bien sûr, beaucoup."

"Bck" Le bébé tira sa main avec impatience.

"Mais surtout toi... le matin." La voix d'Ephiny devient légèrement irritée. "Très... tôt... les matins."

Le visage de Dori se plissa de façon malheureuse. "Boo ?"

Xena s'agenouilla, incapable de maintenir la distance et prit doucement le visage du bébé dans ses mains. "Hé..."

Les deux petites mains s'agrippèrent aux siennes, alors que Dori tentait de la rapprocher et Xena prit le bébé et le berça contre sa poitrine instinctivement, sentant un petit poing chaud s'agripper à sa gorge. "Bonjour chérie... tu as été une bonne fille ?"

Une légère toux se fit entendre derrière elle.

"Bien sûr que oui, hein ?" Xena sentit une traction sur sa cape et vit le bébé mâchouiller la fermeture de celle-ci. "Tu veux aller voir ta maman ?"

La mastication s'arrêta et des yeux verts clignèrent vers elle. "Maman ?"

"Oui... viens." Xena se leva, berçant doucement sa fille, puis se retourna.

Et s'arrêta net, fixant les deux Amazones perchées sur la table de travail de la pièce. "Par Hadès, que vous est-il arrivé à toutes les deux ?" s’exclama-t-elle.

"Bck." Ajouta Dori.

"Qu'est-ce que... oh ça ?" Ephiny montra une mèche de cheveux teintée de vert. "Ou ceci... " Elle indiqua un grand bandage autour de son cou. " Une pause. "Ou ça ?" Elle jeta un coup d'œil à son amante, qui, maintenant que sa cape était rejetée en arrière, montrait un bras en écharpe.

"Mais... " La guerrière reprit après un silence. "Nous avons été attaqués ? Je croyais que les sentinelles avaient dit que ça avait été calme."

Ephiny croisa ses bras sur sa poitrine. "Attaqués ? Non...non...personne ne nous a attaqués." Répondit-elle en se grattant une oreille. "Nous avons cependant rencontré l'un des adversaires les plus coriaces et diaboliques que j'ai eu le malheur d'affronter au cours de mes années de vie d'Amazone."

"A ce point ?"

"Ouaip." Ephiny croisa les bras et lança un regard sévère à la guerrière.

Xena essaya, elle essaya vraiment mais son esprit était juste trop fatigué. "De qui, par Hadès parlez-vous exactement ?" finit-elle par demander.

"De ta progéniture." Déclara Eponine succinctement. "C'est un énorme paquet plein d'ennuis."

Xena cligna des yeux. "Dori ?" Elle regarda sa fille qui se blottissait contre elle en mâchouillant un morceau de sa cape. "Tu as causé des ennuis ?"

Dori leva les yeux vers elle. "Boo !" Elle laissa échapper un petit rire. "Maman !" ajouta-t-elle en donnant un petit coup de pied avant de sucer son doigt. Elle ne ressemblait pas du tout à une fauteuse de trouble. En fait, à l’instant, elle était l'incarnation même de la gentillesse.

"Sérieusement..." Xena secoua la tête. "C'est une enfant de neuf mois... vous êtes en train de me dire que deux Amazones ne peuvent pas s’en occuper ?" Elle marcha vers la porte. "Incroyable... Viens, Dori... Allons trouver ta maman. »

"Maman !" gazouilla Dori alors que la porte se refermait derrière elles.

Ephiny regarda Eponine et se gratta le menton. "Tu sais. Je vais devoir la tuer. "

" Je t’aiderai. " Son amante laissa sa tête reposer contre l'épaule d'Ephiny. "Demain." Murmura-t-elle. "Hé... on va vraiment pouvoir dormir ce soir."

Ephiny hocha la tête d'un air las. "Hum Hum." Elle souffla dans un soulagement total. "Pony, ça a été le mois le plus long de ma vie." Elle réfléchit. "C'était même plus long que mon dernier mois de grossesse de Xenan, qui, laisse-moi te le dire, a duré au moins six mois."

"Vraiment ?" demanda Eponine, surprise.

"Oui, vraiment." Soupira Ephiny. "Tu veux essayer ?"

"Non !" Les yeux d'Eponine s’écarquillèrent. "Non...non, je veux dire... euh... écoute, les enfants c’est super... Je les aime... Je pense qu'ils sont géniaux... mais je ne suis pas... ah... non." Elle secoua la tête. "Non."

Ephiny gloussa doucement. "Ok..." Elles restèrent silencieuses pendant un moment.

"Pauvre Gabrielle." dit finalement Eponine. "Perdre son père et tout ça." Elle leva les yeux quand Ephiny ne répondit pas. "Ils étaient proches ?"

La Régente Amazone étudia le sol de la nurserie silencieusement. "C'est compliqué." Répondit-t-elle finalement.

"Oh, c'est nouveau... pour elle." commenta Eponine.

Ephiny souffla. "Pony... Je ne peux pas... Je ne peux pas en parler... Je sais des choses que je ne suis pas censée savoir... et Gabrielle ne sait probablement pas que je le sais."

"Mmm." Grogna la maîtresse d'armes. "Ok... J'ai entendu Menelda parler de quelque chose avec elle et sa famille et que ce n'était pas si génial...elle pensait que c'était pour ça que Gabrielle restait avec Xena, parce que c'était ce à quoi elle était habituée."

Ephiny resta silencieuse un moment, réfléchissant. "Tu sais, à part après la mort de Solan, je n'ai jamais envisagé cela... et cette fois-là, c'était seulement parce que j'avais tellement peur pour elle et que Xena était tellement perdue." Elle passa ses doigts dans ses cheveux bouclés teintés de vert. "J'ai vu des relations qui étaient comme ça... tu te souviens d'Ardris ?"

"Mmph." Eponine hocha la tête. "Ouais. C'était triste... mais elles ne sont pas comme ça." Déclara-t-elle. "Pas du tout."

"Non." Approuva son amante. "Bon allez, viens... allons régler les choses et dîner... j'entends un bon lit moelleux qui m'appelle."

Eponine ouvrit la voie en se rapprochant de la sortie pour lui tenir la porte. "Eph ?"

"Hmm ?" La Régente Amazone fit une pause et la regarda d'un air interrogateur.

"Si ça avait été Xenan... aurais-tu pardonné à Gabrielle ?"

Ephiny resta immobile pendant plusieurs battements de cœur, le regard perdu dans le vide. Puis elle retint son souffle et plissa ses lèvres en un demi-sourire sinistre. "Non." Répondit-elle doucement. "Je ne pense pas que j'aurais pu." Ses yeux rencontrèrent ceux de sa compagne. "Et c'est pourquoi j'ai eu si peur pour Gabrielle."

Eponine hocha simplement la tête et la suivit jusqu'à la porte.

*********************************************************

"Je sais que c'est beaucoup de monde, Josc..." murmura Gabrielle alors qu'ils regardaient le groupe commencer à se déplacer lentement autour de la clairière, ouvrant les portes sombres et usées à la lumière vacillante des torches. "Je ne pouvais pas dire non."

"Aye... jeune fille... personne ne s'attendait à ce que tu le fasses." Le préfet posa une main réconfortante sur son épaule. "Nous allons trouver quelque chose pour eux... Je suis content d'avoir été prévenu, j’ai eu un peu de temps pour faire venir des gens ici pour nettoyer un peu. Le puits arrière a été rouvert, tu vois ?"

Gabrielle regarda dans les ombres, puis hocha la tête. "Merci..." Elle regarda autour d'elle. "Où est Lila... Je pensais qu'elle..."

"Ah." Josc mit un bras autour de ses épaules. "Cyrène est venue les chercher, ta sœur, l'enfant et les autres. Elle les a emmenés à l'auberge." Il regarda la barde fatiguée. "Elle prend toujours soin de la famille, tu le sais bien."

La famille. Gabrielle laissa tomber sa tête, alors qu'elle étudiait les feuilles sous ses pieds. "Oui, elle le fait... Je devais les amener ici. Je ne pouvais pas les laisser seuls dehors." Elle s'essuya le visage, effaçant les larmes d'une main impatiente. "Par les Dieux... regarde-moi. Je recommence."

Josclyn la serra un peu dans ses bras. "Gabrielle, c'est normal que tu sois triste... tu as beaucoup perdu aujourd'hui." Il soupira. "Nous prendrons bien soin d'eux, ne t'inquiète pas."

Gabrielle resta silencieuse un moment. " Ce n'est que le début, Josc... C'est pire que ce que nous avions imaginé. " murmura-t-elle, le sentant se crisper.

"Oui, eh bien... on aura le temps pour ça demain." décida tranquillement le préfet.

Le bruit de bottes crissant sur le chemin les fit tous les deux lever les yeux et Gabrielle sentit un sourire fatigué traverser son visage en voyant la forme aux cheveux sombres se diriger vers eux. Elle relâcha Josc et se tourna vers sa compagne. "Hé."

"Maman !" gazouilla Dori en la voyant avant de se se tortiller dans les bras de Xena. "Maman !"

"Je suis là, chérie." Gabrielle prit sa fille et la serra dans ses bras, se délectant de la sensation de ce petit corps chaud qui se tortillait contre le sien. "Hé... tu m'as manqué aussi !" Elle rit quand le bébé lui donna un baiser humide dans le cou. "Bon sang... qu’est-ce que tu as grandi !" Elle tendit le bébé devant elle et l'examina. "Wow... regarde-la, Xena !"

Xena sourit, en les regardant. "Je l'ai fait." Elle laissa ses yeux passer sur le visage de Josclyn, alors que le préfet observait également la jeune mère et l'enfant. "Tout le monde est installé ?"

"A peu près." Répondit l'homme avec un soupir. "Du mieux que nous pouvions ce soir en tout cas. Ce sera plus facile demain à l'aube." Il observa la guerrière. "Mauvaises nouvelles, hein ?"

Xena hocha la tête. "Ça aussi, ça attendra demain matin." Elle mit un bras autour des épaules de Gabrielle. "Maman est en train d’installer ta famille à l'auberge... allons-nous changer puis nous pourrons nous retrouver là-bas".

La barde hocha la tête et berça sa fille. "Tu deviens lourde, chérie..." Elle rit. "Qu'est-ce que grand-mère t'a donné à manger ?"

"Grand-mère." Répéta Dori en poussant un cri.

Xena gloussa. "Oh... c'est nouveau... j'aurais aimé être là pour entendre maman entendre ça." Puis elle se tut, réfléchissant à tout ce qu’elle allait encore manquer dans les mois à venir. Elle garda son bras autour de la barde alors qu'elles marchaient, sentant Dori s'agripper à un de ses doigt. "Elle devient plus lourde, hein ?"

Gabrielle chatouilla le ventre du bébé. "Oh oui... Je pense qu'elle a grandi aussi... elle avait l'habitude de tenir le long de mon bras, maintenant elle ne le fait plus, et je ne pense pas que mes bras raccourcissent."  Les bruits de la cour disparaissaient derrière elles, alors qu'elles se dirigeaient vers le court chemin qui menait à leur maison. Gabrielle laissa échapper un petit soupir alors qu'elles montaient les marches. "Mon Dieu, je suis contente de voir cet endroit."

Xena s'approcha pour lui ouvrir la porte, permettant à Ares d'entrer. "Moi aussi." Murmura-t-elle pour elle-même, suivant Gabrielle à l'intérieur avant de laisser la porte se refermer derrière elle.  Les sons doux et les odeurs de la maison étaient presque écrasants et elle s'appuya contre la porte pendant un moment, les absorbant simplement. Quelqu'un, sa mère, le soupçonnait-elle, avait allumé un feu dans la cheminée et trois bougies, qui vacillaient doucement dans la brise de la fenêtre et lui apportaient l'odeur de la cire d'abeille chaude.

La maison. Xena regarda autour d'elle, voyant l'intérieur familier avec des yeux nouvellement appréciateurs. Je n'aurais jamais pensé me permettre de m’attacher à un endroit à ce point... Bon sang, ça m'aurait fait mal s'il avait disparu.

"Xena ?"

"Hmm ?" La guerrière leva les yeux, pour voir son âme sœur qui la fixait.

"Tu gardes la porte ou quelque chose comme ça, chérie ?" demanda la barde. "Tu peux enlever ta cape au moins."

"Désolée."  Marmonna Xena en s'écartant de la porte pour détacher sa cape, la suspendant au crochet à proximité avant de commencer à déboucler son armure.

Gabrielle la regarda un moment, puis elle posa Dori dans son berceau et se redressa, marchant tranquillement sur le plancher en bois. "Merci d'avoir envoyé maman voir ma mère". Dit-elle à sa compagne. "J'ai vraiment apprécié."

Xena souleva son armure de poitrine au-dessus de sa tête et la suspendit aux crochets du mur. "Ça semblait être une bonne idée." Admit-elle en commençant à enlever un de ses bracelets.

"Laisse-moi faire." La barde repoussa gentiment ses mains et défit les lacets elle-même. Elles entendirent un bruit sourd et sursautèrent, jetant un coup d'œil vers le berceau. "Dori !"

Xena écarquilla les yeux en regardant le bébé se lever de l'endroit où il était tombé, après avoir escaladé son berceau pour sortir. "Hé !"

"Bck." Dori s'approcha en trottinant, se cogna à la jambe de Xena avant d’attraper son armure.

Xena et Gabrielle échangèrent un regard. "Oh oh." Murmura la guerrière. "Je pense que nous avons des problèmes."

Gabrielle se mordit la lèvre, regardant son enfant. "Non... elle veut juste aider, n'est-ce pas chérie ?" Elle s'agenouilla et montra à Dori les boucles derrière les rotules de la guerrière. "Tiens, regarde... il faut tirer ici... c'est bien...". "Elle rit doucement tandis que le bébé tirait sur le cuir, un froncement de sourcils féroce de concentration sur son visage. "C’est bien ma puce !"

"Gabrielle." Xena posa ses mains sur ses hanches et secoua la tête.

"Ok, Dori... maintenant l'autre..."continua la barde en l'ignorant. "C'est ça... et si tu fais ça...". "Elle chatouilla alors Xena derrière le genou, la faisant sursauter.

"Yow !" aboya la guerrière.

Dori gloussa.

"C’est ça... maintenant donne-moi ta main..." la cajola Gabrielle.

"Tu n'oseras pas." Grogna son âme sœur avant de glapir. "Yow... Gabrielle ! Arrête ça !"

"Ce n'est pas moi." Des yeux verts malicieux la regardèrent, tandis que la barde agitait ses dix doigts.

Dori ricana à nouveau et répéta son nouveau tour, faisant sauter en arrière sa camarade de jeu bien-aimée comme un gros lapin vêtu de cuir. "Boo !" Elle leva la tête avec plaisir.

Xena s'agenouilla et détacha les sangles, jetant un regard noir à la mère et à la fille. Dori s'approcha et tira sur son nez. "Arrête ça." La guerrière regarda le bébé d'un air renfrogné, qui lui rendit la pareille avec une expression presque identique.

Gabrielle s’écroula de rire, faisant sursauter Arès qui s'était caché sous le lit. Puis elle glapit en se retrouvant plaquée au sol, la douce brise de la cabane effleurant son ventre découvert. "Xeeeennaaa..."

"Oui ?" répondit une voix sombre et sexy. "Viens là, Dori... laisse-moi te montrer un des plus beaux endroits de maman."

"Yerghg.." Gabrielle se débattit en vain contre son âme sœur beaucoup plus forte. "Nooon.....ahhh..."

Dori s'approcha en trottinant, fascinée par les sons. "Bck ?"  Elle tendit la main et tapota la peau nue de sa mère.

"Non... comme ça." Xena dessina d’un doigt taquin le centre du ventre de son âme sœur.

"Arguh !!!!" Gabrielle se mordit la lèvre et se tortilla.

"Tu vois ? Comme ça... "La guerrière dessina un cercle autour du nombril de la barde, provoquant un petit cri.

 Dori tenta alors de l’imiter et gloussa lorsque sa mère laissa échapper un cri. "Maman !"

"J’abandonne ! J’abandonne... Je suis désolée !" hurla Gabrielle, soupirant de soulagement lorsqu'elle fût libérée et put baisser sa chemise. "Tu... tu.... "

Xena était allongée sur le sol, ses pieds encore bottés croisés à la cheville. "La vengeance est dure, hein ?" Elle gloussa un peu.

Gabrielle lui fit un signe du doigt. "Je t'aurai pour ça." Elle leva les yeux au ciel quand Dori l'imita en secouant un petit doigt en retour. "Oh... c'est si mignon." Elle secoua son doigt et le bébé l'imita immédiatement. "Xena... regarde ça ! Ce n’est pas trop mignon ?"

La guerrière se rapprocha et passa un bras sur le corps de Gabrielle, ne semblant pas se soucier du sol dur. "Absolument." Elle s'étira et laissa sa tête reposer contre l'épaule de la barde.

Gabrielle laissa Dori jouer avec un de ses boutons, tandis qu'elle tournait la tête et étudiait sa compagne silencieuse. Elle leva une main et retira un peu de cheveux noirs et ébouriffés des yeux de Xena, qui rencontrèrent les siens. "Fatiguée ?"

Xena hésita quelques battements de cœur, puis hocha la tête. "Oui... que dois-je faire pour échapper à un dîner de groupe ce soir ?"

La barde était charmée par cet aveu. "Je pense que tu viens de le faire." Elle se pencha et embrassa la tête noire et lisse. "Je pense qu'une nuit tranquille avec juste nous trois est une bonne idée."  Commenta-t-elle. "Surtout si on quitte le sol."

Xena embrassa doucement l'épaule sur laquelle elle était posée, puis elle se releva. "Bonne idée... Viens, Dori." Elle prit le bébé et tendit la main à son âme sœur. "Allez, debout..."

Gabrielle se leva et brossa sa chemise. "Pourquoi n'enlèverais-tu pas ces cuirs... Je vais aller chercher un peu de ce que maman a préparé et voir comment va ma famille, ok ?"

« Ça me paraît bien." Accepta Xena en remettant le bébé dans son berceau. Elle se redressa et regarda sa compagne qui partait en fermant la porte derrière elle.  "Ne sois pas trop longue." Ses mots résonnèrent dans le silence que la barde avait laissé derrière elle.

Dori resta dans son berceau cette fois, le berçant doucement d'avant en arrière tout en regardant sa compagne de jeu, tandis que Xena marchait lentement dans le chalet, observant les objets qui l’entouraient.

Sa collection de sculptures. Xena posa un doigt sur le dos d'une tortue, jumelle de celle que Gabrielle portait en permanence dans sa pochette de ceinture. Les meubles robustes façonnés par sa main. Les nattes peintes sur les murs, une création de Gabrielle qui s'était avérée bien meilleure que ce à quoi la barde s'était attendue.

Une haute caisse avec des tiroirs qui contenaient les parchemins de Gabrielle, soigneusement classés par sujets, avec un tiroir spécial pour ses plumes et son encre. C'était un cadeau des Amazones pour leur Union, tout comme le magnifique ensemble de dagues sculptées et assorties exposées sur le mur à proximité.

Le bureau de Gabrielle, qu’elle avait construit pendant sa grossesse pour lui permettre de travailler confortablement avec sa chaise profonde et son plateau mobile.

Le grand lit, recouvert de l'édredon tissé qui avait appartenu à Cyrène et qui avait été confectionné par la grand-mère de Xena bien avant sa naissance.

Le confortable canapé face au feu, avec ses oreillers rembourrés de duvet dans lesquels Gabrielle et elle aimaient se blottir. Xena soupira en s'asseyant sur le canapé, laissant ses coudes reposer sur ses genoux et croisa les doigts.

Elle ne s'était jamais attendue à avoir tout cela.

Si cette guerre arrivait, il y avait de fortes chances qu'elle perde tout.  Elle regarda autour d'elle. Ce n'étaient que des objets, non ? Les objets peuvent être remplacés.

Elle se leva et traversa à nouveau la pièce pour se tenir devant le miroir en pied qui lui renvoya une ombre sombre d'elle-même. Non. Elle rencontra ses propres yeux dans le miroir. C’étaient plus que des objets... ils représentaient un miracle qu'elle avait à peine cru possible.

"Je n'abandonnerai pas." Déclara-t-elle face au miroir qui lui renvoyait son reflet. Xena laissa les mots s'estomper, puis elle se détourna délibérément et décrocha les boucles de ses cuirs avant de retirer sa tunique. Elle récupéra une vieille chemise douce de la commode et l'enfila par la tête, laissant les plis tomber sur son corps et se poser contre sa peau. Puis elle se dirigea vers la salle de nettoyage et posa ses cuirs sur la petite table de travail, avec l'intention de les nettoyer demain. Elle ajouta ses bottes à la pile puis s'étira en levant ses mains au-dessus de sa tête et en attrapant le cadre de la porte, entendant ses épaules se remettre en place avec un claquement sourd. "Ow."

Dori leva les yeux vers elle, suçant un doigt avec satisfaction. "Boo."

"Hum." Acquiesça Xena en prenant sa fille dans ses bras et en s'asseyant sur le canapé, étirant ses jambes dessus tout en s'appuyant sur l’accoudoir robuste et rembourré. "Boo... Je suis plutôt effrayante, hein ?"

Le bébé grimpa sur sa poitrine et tira sur un des lacets de sa chemise. "Gabu."

Xena lissa les cheveux noirs et doux sur la tête du bébé. "Il y a un méchant là dehors, Dori." Murmura-t-elle. "Et il ne m'aime pas du tout."

"Bck."

"Non... il ne m'aime pas... et je vais me battre contre lui, pour que tout soit sûr pour toi, pour grand-mère et pour maman, d'accord ?"

Dori leva les yeux vers elle. "Grand-mère."

"Oui... grand-mère et oncle Toris... et tante Gran... le méchant homme va tous les blesser si je ne l'arrête pas."  Xena captura une petite main, et l'examina, absorbée dans ses pensées. Finalement, elle soupira. "Dori... Je ne voulais pas que tu connaisses cette partie de moi."  Dit-elle au bébé avec tristesse. "Je te le jure."

Des yeux verts confiants rencontrèrent les siens. "Goo." Dori mordit l'un des doigts de sa camarade de jeu en se tortillant un peu plus sur la poitrine de Xena.

La guerrière traça un petit sourcil. "Je serai toujours ta Boo, d'accord ? Quoi qu'il arrive ?"

"Boo." Répéta Dori d'un air satisfait, avec un petit hoquet. Peu de temps après, ses yeux se fermèrent et elle relâcha le lacet qu'elle tirait, refermant ses doigts sur la chemise de Xena à la place.

Xena posa une main protectrice sur le bébé et tourna son regard vers le feu, se perdant dans ses flammes hypnotiques.

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Gabrielle poussa la porte de la cuisine et jeta un coup d'œil à l'intérieur. "Salut Maman". Elle sourit, alors que Cyrène se retournait et lui faisait signe d'entrer.

"Viens ici, ma belle". Déclara l'aubergiste, en posant une cuillère. Elle attendit que Gabrielle se dirige vers elle, puis elle prit doucement la barde dans ses bras. "Bienvenue à la maison".

La barde lui rendit son étreinte et souffla doucement. "Merci maman." Elle la relâcha "Et merci d'avoir aidé ma famille."

Cyrène posa une main compatissante sur la joue de Gabrielle. "Chérie, je suis vraiment désolée pour ton père." Elle attendit un moment en regardant la barde baisser son regard vers le sol. "Je... sais... que tu avais des sentiments mitigés à son égard, mais je suis sûre que ça fait encore mal."

"Mais je n’ai plus..." dit doucement la barde. " Plus maintenant... maman, je lui avais pardonné et je ne le lui ai jamais dit. " Elle secoua lentement la tête. "On aurait pu penser que j'aurais mieux appris la leçon... on ne retient pas les choses comme ça... en attendant un... un bon moment."  Ses lèvres se resserrèrent. "On n'a pas toujours une seconde chance."

"Ecoute-moi Gabrielle..." Cyrène mit ses deux mains sur les épaules de la barde, fermement. "Ne t'engage pas sur cette voie... il n'y a rien d'autre que des peines de cœur inutiles. Crois-moi... Je sais." Sa voix s'adoucit alors qu’elle observait la barde déglutir. "Et c'est une chose humaine naturelle dont nous parlons ici... tu sais, il y a des choses que j'ai dans mon cœur que je dois dire à Xena... que je n'ai pas encore trouvé la force de dire."

Gabrielle la regarda, surprise.

"Et je sais... que je n'en aurai peut-être pas l'occasion." Déclara Cyrène calmement. "Ton père savait que tu l'aimais."

Silence.

"Il le savait ?" Il y avait une pointe d'étonnement dans la voix de Gabrielle.

"Il le savait... parce que Xena le lui a dit." Répondit l'aubergiste. "Et il savait que c'était la seule raison pour laquelle elle l'avait laissé vivre... alors il l'a cru."

La mâchoire de la barde se décrocha un peu et elle recula d'un pas. "Elle ne m'a jamais dit ça."

Cyrène soupira. "Non... elle ne l'a jamais dit... mais ton père l'a fait... quand je lui ai rendu visite après le mariage de ta sœur." Elle prit la main de Gabrielle et la frotta doucement. "Tu sais, elle est très protectrice envers toi, chérie."

Elle poussa un long soupir. "Je sais."  Gabrielle sentit alors un léger soulagement l'envahir. "Merci maman."

"Ne me remercie pas." Cyrène sourit. "Et où est ma fille, au fait ? Nous allons très bientôt servir le dîner… Toris n'est pas encore de retour, mais..."

Gabrielle passa une main dans ses cheveux. "Elle est chez nous... j’ai promis de lui éviter de venir ici. Elle est vraiment épuisée... suffisamment pour qu'elle me le dise."

Cyrene cligna des yeux. "Par les Dieux."

"Mmm... donc j'ai dit que je prendrais un peu de ce que tu as et que je le rapporterais... et je voulais vérifier comment ma famille allait."

L'aubergiste hocha la tête. "Très bien... J'ai mis ta mère dans l'ancienne chambre de Toris et ta sœur est au deuxième étage, au fond, dans cette grande chambre double sur le côté gauche." Elle donna une légère poussée à la barde. "Va les voir et j'aurai quelque chose de prêt pour toi quand tu auras fini."

Gabriellehocha la tête. "Merci." Elle lui serra la main. "Je vais la border dans son lit, et m'assurer qu'elle prenne une bonne nuit de repos... demain va être rude."

Cyrène pinça les lèvres en une ligne sinistre. "C'est si grave que ça, hein ?"

"Oui... et nous n'avons pas beaucoup de temps." Confirma la barde. "Je vais commencer à envoyer des messages dans la matinée... J'espère juste que nous pourrons réunir suffisamment de troupes."

"Des troupes ?"

Gabrielle hocha la tête. "Une armée... pour combattre ce qui va arriver."

Cyrène avait l'air vraiment choquée. "Dirigée par Xena ?"

"Oui."

L'aubergiste s'assit brusquement sur le bord de la table de travail et resta silencieuse pendant un long moment. "Par tous les Dieux." Murmura-t-elle finalement.

Gabrielle posa une main sur son bras. " Cyrène... ce n'est pas comme à l'époque... elle n'est plus la même personne. »

Un léger soupir se fit entendre alors que la femme plus âgée la regardait. "Je ne m'inquiétais pas pour ça Gabrielle... c'est juste que je viens de retrouver ma petite fille... Je ne voudrais pas la perdre à nouveau." Elle se leva, alla vers le feu et recommença à remuer sa marmite en tournant le dos à la barde. "Vas-y... laisse-moi finir ça."

Gabrielle reconnut la brusquerie de la femme pour ce qu'elle était, ayant vécu avec sa fille pendant tant d'années, et elle partit discrètement, fermant la porte de la cuisine derrière elle et se dirigeat vers le couloir.  Elle frappa à la porte de l'ancienne chambre de Toris et entendit une voix douce répondre.

"Maman ?" Gabrielle poussa doucement la porte et regarda à l'intérieur. Hécuba était assise dans un confortable fauteuil près du feu, un verre de ce qui sentait le cidre chaud dans les mains.

"Entre Gabrielle." Soupira sa mère l'air fatigué, mais pas aussi désemparée qu'elle l'avait été. "Je suis heureuse que tu sois passée... Je sais que tu dois être fatiguée... c'était une si longue journée pour toi."

"Pour tout le monde." Admit la barde en s'asseyant sur la chaise en face de sa mère et en jetant un regard autour d'elle. "Est-ce que tout va bien pour toi ?"

Hécuba la regarda d'un air las. "Bien sûr... c'est... bien, Gabrielle... c'est bien."  Elle prit une gorgée de son cidre. "Cyrène a été merveilleuse... et très gentille."

Gabrielle se sentait très mal à l'aise, ne sachant pas trop quoi dire. "Elle a toujours été très gentille avec moi aussi." Murmura-t-elle. "Quand je suis revenue ici la première fois... avec Xena, j'étais... vraiment nerveuse et mal à l'aise... mais elle m'a fait sentir que j'avais ma place ici."

"C'est une personne très sensée." déclara Hécuba. "Je l'aime beaucoup." Elle s'arrêta de parler et s'éclaircit la gorge. "La journée a été longue."

La barde comprit l'allusion. "Je te laisse te reposer... Je vais manger chez nous ce soir." Elle se leva. "On pourra peut-être parler demain." Elle soupira intérieurement, se rappelant les relations tendues lors de sa dernière visite chez elle et elle réalisa qu'il allait falloir du temps pour reconstruire sa relation avec sa mère. "Fais-moi savoir si tu as besoin de quelque chose".

Hécuba la regarda. "Merci Gabrielle."

La barde fit une pause, la main sur la porte et rencontra le regard de sa mère. "Je suis désolée pour Papa."

Hécuba semblait soudainement très petite et très perdue dans la pièce spacieuse. "Je le suis aussi." Murmura-t-elle. "Les Dieux savent que ça n'a jamais été facile avec lui, mais..." Elle regarda autour d'elle et souffla. "C'est si calme maintenant."

Gabrielle fût soudainement frappée par un souvenir brutal et accablant de cette solitude qu’elle avait elle-même éprouvée. "Oui... Je sais." Elle s'arrêta maladroitement, se rappelant cette longue et silencieuse marche en bas de la montagne et à quel point elle s'était sentie vide. La première nuit qu'elle avait passée seule, elle avait pleuré jusqu'à en être malade, puis elle avait vomi jusqu'à être si épuisée qu'elle ne pouvait plus rien faire d'autre que de se mettre en boule, haletante, priant les Dieux que la prochaine fois qu'elle ouvrirait les yeux, ce satané cercueil serait parti.

Ils n'avaient pas écouté.

Gabrielle prit une inspiration et traversa à nouveau la pièce, s'agenouillant à côté de sa mère et surprit Hécuba en la prenant dans ses bras. "Je sais ce que ça fait."

Sa mère lui rendit son étreinte après un moment et lui tapota le dos. "Merci Gabrielle... et... je suis si heureuse que vous soyez arrivées... Je ne sais pas ce que j'aurais fait si vous n'aviez pas été là." Murmura-t-elle. "Il ne serait rien resté de nous."

La barde acquiesça sans la lâcher. "Je suis contente d’avoir été là aussi." Finit-elle par souffler, puis elle recula, laissant ses mains sur les bras de sa mère. "Je suis heureuse que tu sois là."

Hécuba s'approcha timidement et toucha sa joue. "Repose-toi bien ma fille."

Gabrielle hocha la tête et se leva. "Toi aussi." Elle retourna vers la porte et s'y glissa, jetant un coup d'œil derrière elle et adressa un sourire à sa mère, avant de poursuivre son chemin.

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Il avait fallu un certain temps pour qu'elle finisse de parler à Lila et qu'elle retourne à la cuisine pour récupérer le panier que Cyrène avait préparé. "Merci maman." Soupira Gabrielle alors qu'elle passait l’anse du panier autour de son bras.

"J'ai mis un peu de ces gâteaux au miel dedans... assure-toi qu'elle partage." L'aubergiste lui lança un regard indulgent. "Et vous deux, passez une bonne nuit de repos, d'accord ?"

Gabrielle hocha doucement la tête. "Nous le ferons... merci." La barde s'esquiva par la porte de derrière, évitant la foule maintenant bruyante de la salle principale et traversa la cour, frissonnant un peu dans le vent froid.  Elle se mit à trottiner pour atteindre le chalet plus rapidement et franchit rapidement les marches pour atteindre la porte et pénétrer enfin dans la chaleur réconfortante de leur foyer. "Brr."

"Il fait froid dehors ?" questionna une voix lente et calme.

"Tu parles." Gabrielle posa le panier sur la table et sourit, apercevant son âme sœur allongée sur le canapé, avec Dori qui dormait sur sa poitrine, les bras et les jambes du bébé étendus sur elle dans un abandon béat. "C'est tellement mignon."

"Mmm." Xena caressa les cheveux noirs et sourit à sa petite résidente. "Elle l'est, n'est-ce pas ?" Elle leva les yeux. "Comment ça se passe là-bas ?" Le temps passé seule avec Dori lui avait permis de se détendre et elle se sentait beaucoup plus paisible qu'avant le départ de sa compagne.

Gabrielle se percha sur le bras du canapé et caressa doucement les cheveux de Xena. "Plus ou moins bien... ma mère passe un moment difficile... mais je pense que maman l'a vraiment aidée. Lila est assez secouée par contre."

Xena la regarda. "Comment vas-tu ?"

La barde hésita, puis hocha la tête doucement. "Je vais bien... ça va prendre un certain temps, mais... J'ai besoin de réfléchir à certaines choses."

"Mmm... que dirais-tu de dîner pour commencer ?" répondit Xena en penchant la tête. "Je peux entendre ton estomac gargouiller d'ici". Elle caressa la peau douce sous la chemise de la barde. "Qu'est-ce que tu as ?" Elle se redressa, balançant ses pieds vers le sol avant de tapoter les coussins chauds à côté d'elle.

Gabrielle se glissa et tira le panier vers elle. "Je ne suis pas sûre..." Elle ouvrit le couvercle et un parfum riche et savoureux se répandit, la faisant déglutir par réflexe. "Mmm... canard à l'étouffée."

"Humm." La guerrière leva les sourcils de surprise. "C'est du pain aux herbes, là-bas ?" Les oreilles d'Arès se dressèrent et il s'approcha, posant une mâchoire velue sur le genou de Xena.

La barde détacha un morceau du pain chaud et le plongea dans l'un des deux bols en pierre contenant le ragoût que Cyrène leur avait préparé. Puis elle le souleva et l'offrit à son âme sœur. "Tiens."

Xena en prit une bouchée et la mâcha, savourant son goût. "Humm." Elle fût soudainement consciente d'avoir faim pour la première fois de la journée. "Encore ?"

Gabrielle sourit et divisa leurs portions, posant soigneusement celle de Xena pour qu'elle puisse la manger d'une seule main, son autre main étant enroulée autour du corps endormi de Dori. Elles mangèrent dans un silence agréable, échangeant de temps en temps des bouchées et des baisers alors que le feu brûlait doucement dans la cheminée.

"J'ai expliqué un peu à maman ce qui se passait". Dit finalement Gabrielle, en sirotant sa chope de bière.

"Ah." Xena se concentra sur sa propre chope, caressa doucement le rebord d'un air pensif. "Elle a dit quelque chose ?"

Gabrielle l'étudia du coin de l'œil. "Elle a un peu peur." reconnut la barde tranquillement.

"De moi ? Je ne suis pas surprise." La voix de Xena resta neutre, laissant transparaitre une insouciance que sa compagne savait pertinemment qu'elle ne ressentait pas.

Oh, Xena. "Non... elle a peur pour toi." Corrigea Gabrielle en passant un bras sur son épaule. "Peur pour nous tous vraiment... mais elle a surtout dit qu'elle ne voulait pas perdre sa petite fille." Elle emmêla ses doigts dans les cheveux noirs et les tira doucement. "Je pense qu'elle s'est vraiment habituée à t’avoir à nouveau près d'elle."

Un faible sourire hésitant traversa le visage de la guerrière. "Je pensais justement à ça tout à l'heure... à combien il m'était difficile de réaliser à quel point je m’étais habituée à cet endroit." Les yeux bleus parcoururent la pièce puis se fixèrent sur le visage de Gabrielle. "Et combien il me manquerait s'il disparaissait." Elle se pencha vers la barde, savourant le contact. "C'est fou, hein ?"

Gabrielle pensa aux restes carbonisés de ce qui avait été son lieu de naissance. "Pas du tout." Elle gratta doucement le cou de la guerrière. "Ferme les yeux." Xena leva un sourcil sombre.

"Allez." L’encouragea la barde, regardant avec un amusement voilé les yeux bleus se fermer à contrecœur. "Ok... Attends."  Elle prit un morceau de gâteau au miel dans le panier, puis s’arrêta. "Ouvre la bouche."

Le visage bronzé se crispa un peu, ses narines s'ouvrirent mais Xena obéit, faisant confiance à sa jeune compagne comme à aucune autre personne dans sa vie. Une odeur douce et alléchante s'éleva et elle ferma les dents sur la pâte feuilletée, sa saveur familière éclatant sur sa langue. "Oooh..."  Xena mâcha avec gourmandise, appréciant les noix et le miel. Un œil bleu apparut et elle regarda la barde avec curiosité. "Il y en a encore ?"

"Peut-être." Gabrielle sourit, se délectant de cette taquinerie confortable. "Qu'est-ce que tu m’offres en retour ?"

Les yeux bleus s’élargirent et prirent un air triste et suppliant.

La barde ferma les yeux. "Arrête ça." Elle jeta un coup d'œil à la dérobée. "Arrgh... tu penses vraiment que tout ce qu'il faut pour me faire céder c’est un aperçu de ces jolis yeux bleus ?"  Un autre coup d'œil vers la guerrière lui révéla un sourire charmant et sexy. "Ou ce joli sourire en coin ?"

"Oui." Répondit la guerrière d'un air suffisant.

Gabrielle soupira et offrit le reste du gâteau. "Tu as raison." l'admit-elle, en récupérant un peu de pâtisserie sur les lèvres de son âme sœur. "Je ferais n'importe quoi pour toi."

Les mâchoires de Xena ne bougèrent plus et elle déglutit difficilement en buvant une gorgée de bière. "N'importe quoi ?"

La barde grignota un morceau du gâteau. "N'importe quoi."

La tête sombre de la guerrière se déplaça pour se poser contre la sienne, apportant le parfum épicé familier qui s'accrochait à sa peau pour flotter autour de la barde. "Puis-je te demander un massage du dos ?"

Gabrielle sourit à la demande. "Bien sûr." Elle donna à son âme sœur le reste de son gâteau, puis lui prit Dori, la berça un peu avant de traverser la pièce et d'installer le bébé endormi dans son berceau. "Au lit pour toi aussi, chérie."

Xena rangea les restes du dîner, puis elle se dirigea vers le lit et s'y laissa tomber sur le ventre, étendant les bras au-dessus de sa tête en aspirant une bouffée d'odeur de lin propre et réchauffé par le feu. "Ungh." Souffla-t-elle. « Ça fait du bien."  La surface du lit bougea un peu et elle sentit un courant d'air frapper sa peau nue lorsque la barde remonta sa chemise vers le haut.

"Je n’en doute pas." Répondit Gabrielle tranquillement, en faisant courir ses doigts sur la surface lisse et bronzée. "Tu as un méchant bleu ici mon amour." Elle entoura la blessure d'un doigt, traçant une tache grossièrement circulaire près de la colonne vertébrale de sa compagne.

"Mmm... une flèche... lorsqu’on passait devant les abeilles."  Se rappela Xena, en posant son menton sur son avant-bras. "Je suis contente d'avoir renforcé mon armure à cet endroit."

La barde passa son doigt sur une ancienne cicatrice. "Moi aussi."  Elle soupira et mit un peu d'huile parfumée sur ses mains avant de commencer le massage, débutant par le bas du dos de son âme sœur pour remonter vers le haut. "Wow... tu es très tendue."

Xena hocha la tête. "Oui... j'ai pu le sentir quand j'étais à cheval aujourd'hui." Elle ferma les yeux tandis que les doigts puissants opéraient leur magie, creusant profondément dans les muscles endoloris et envoyant un picotement de chaleur agréable dans son corps. "Mmph."  Elle enroula un bras autour de son oreiller et laissa son esprit dériver.

Le temps que Gabrielle atteigne les muscles longs du cou de son âme sœur qui étaient reliés à ses épaules, elle put la sentir glisser dans le sommeil, le corps sous elle se détendant alors qu'elle terminait sa tâche et elle passa quelques instants à passer le bout de ses doigts en cercles doux sur la peau chaude.

Avec un sourire tranquille, elle s’allongea près de sa compagne et se blottit contre elle, tirant les couvertures sur elles deux. Elle laissa sa joue reposer contre le dos de Xena et s’enroula autour de la guerrière, laissant un sentiment de paix s'installer en elle.

Demain, elle le savait, serait difficile. Mais pour l'instant, il n'y avait qu'elle, Xena, leur fille endormie et la merveilleuse odeur de la maison autour d'elles.

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L'auberge était pleine à craquer, un faible murmure résonnait contre les murs lorsque Gabrielle se glissa à l'intérieur, clignant un peu des yeux devant la foule. Elle se faufila dans la cuisine pour trouver Cyrène et Johan sirotant des tasses de cidre chaud. "Bonjour."

"Bonjour, Gabrielle." La salua Johan avec un sourire tranquille, passant la main derrière lui pour attraper une tasse et verser une boisson chaude à la barde. "Tiens... Il fait assez froid pour geler les mamelles d'une vache dehors."

Gabrielle grimaça alors que l’image s’imprégnait dans son esprit. "Ouais." Elle s'empêcha de croiser ses bras sur sa poitrine et prit la tasse pour boire une gorgée chaude rapidement. "C'est bondé là-dedans. " Elle désigna la grande pièce d'un signe de tête. "Je suppose que tout le monde a entendu."

L'aubergiste hocha la tête. "Oui... ils attendent d'entendre ce que Xena a à dire." Elle jeta un coup d'œil derrière la barde. "Est-ce qu'elle va venir ici ?"

"Oui." Gabrielle hocha la tête. "Elle est juste hum..." La barde fit une pause, réfléchissant à la façon d’expliquer le comportement de sa compagne. "Je suppose qu'elle essaie de réfléchir à comment elle va expliquer tout ça."

"Hum."  Cyrène soupira. " Je sais que cela ne doit pas être facile pour elle. " murmura-t-elle. "Ce n'est pas facile à entendre pour beaucoup d'entre nous."  Elle fit un signe de tête vers la porte. "Allons rejoindre les autres."

Gabrielle la suivit à travers la porte battante, la laissant se refermer derrière elle et s'appuya contre le mur à côté. La pièce était pleine de villageois, d’Amazones éparpillées ici et là et la grande forme de Jessan était visible contre le mur du fond. L'atmosphère était tendue et elle le devint encore plus lorsque des bruits de pas se firent entendre à l'extérieur et que la porte s’ouvrit, révélant la forme imposante de Xena.

Tout le monde se tourna pour regarder et un silence gênant s'installa. Xena laissa son regard parcourir la pièce un moment, avant de rentrer à l'intérieur et de se diriger vers l'avant de la pièce bondée, là où Gabrielle se tenait habituellement lorsqu'elle racontait des histoires.

La guerrière avait réfléchi un bon moment avant de quitter la cabine, essayant de décider quelle impression elle souhaitait donner. Elle ramenait la violence à Amphipolis et elle le savait, et à cette fin, son armure et ses cuirs auraient donné un soutien silencieux à cette violence.

Elle avait donc décidé de porter une simple tunique bleue usée et ses bottes de travail. Le même type de tenue qu’elle avait portée depuis qu’elles s’étaient installées dans le village.

Et pourtant, Gabrielle se surprit à secouer discrètement la tête. Même en haillons, même sans la menace de son armure, leurs yeux étaient attirés vers elle, sans défense, fixés sur un magnétisme animal qui les rassemblait avec une facilité inconsciente.

Elle en était elle-même la proie, réalisa la barde, alors que son corps réagissait à la présence de son âme sœur, un petit picotement remontant le long de sa colonne vertébrale lorsque Xena s'arrêta et se retourna, leur faisant face avec une expression impassible et impénétrable.

Des battements de cœur. Elle entendait les siens et elle était presque convaincue d'entendre ceux de Xena dans tout ce silence.

Xena prit une profonde inspiration, la retint un moment, puis la relâcha lentement. "Je n'ai pas de bonnes nouvelles à vous annoncer." Sa voix, quand elle arriva, fût basse et sans émotion. "La plupart d'entre vous savent que nous sommes allées au Nord pour découvrir ce qui se passait... avec toutes les rumeurs d'attaques que nous avions entendues."

Des hochements de tête silencieux parcoururent l’assemblée.

"Eh bien, nous l'avons découvert." Xena baissa les yeux, puis elle passa ses pouces dans la ceinture de sa tunique. "Il y a un homme nommé Andreas qui a rassemblé une armée... près de trois mille hommes... et il a l'intention de conquérir chaque centimètre carré de la Grèce."

Une vague de choc envahit la pièce.

"Il est...impitoyable et intelligent." Poursuivit la guerrière d’une voix égale. "Il utilise des méthodes abjectes sans scrupules... il tue sans remords... ses hommes ont l'ordre de réduire en cendres les villes adverses et de massacrer leurs habitants."

"Par les Dieux." murmura Cyrène, brisant le silence de la pièce.

"Qu'allons-nous faire ?" Josclyn se tenait debout, près du centre de la pièce. "Ils finiront par arriver ici, Xena."

La guerrière le confirma d’un signe de la tête. "Oui, ils viendront."  Xena fixa le sol, consciente que des dizaines d'yeux étaient braqués sur elle. Elle avait répété ce petit discours dans sa tête une douzaine de fois, mais ça n'aidait pas. "Il a des petits groupes d'attaquants qui sont déjà arrivés..." Elle regarda les Potadéiens silencieux d’un air sinistre. "…très proche d’Amphipolis."

Un murmure bas et consterné éclata, puis s'éteignit lorsque Josclyn leva la main. "Que pouvons-nous faire ?" Il regarda autour de lui. "Fuir ?"

Ce serait la solution de facilité soupira intérieurement Xena. Prendre sa famille et toute la ville et disparaître vers le Sud, dans des zones sauvages dont Andreas ne s'occuperait pas. Bien sûr.

Mais ça n'a n’allait pas aider le reste de la Grèce, n'est-ce pas ? Xena savait qu'elle ne pouvait pas prendre cette décision pour Amphipolis, mais elle pouvait, et avait, pris cette décision pour elle. "Vous pouvez." Répondit la guerrière calmement. "J'ai... choisi de rester ici et de me battre."

Un silence choqué parcourut la salle. "Xena, c'est de la folie... Tu ne peux pas retenir une armée." S’emporta le préfet.

Xena le regarda tranquillement. "Je ne peux pas le laisser détruire cet endroit." Ses lèvres se resserrèrent. "Je... je sais que je ne peux pas demander de l'aide... d'ici."  La douleur fût évidente dans sa voix pendant un instant. "C'est un choix que vous devez faire vous-même." Elle hésita. "Vous tous." Ses yeux se posèrent sur les visages pensifs de Jessan et d'Ephiny, puis elle soupira et sortit simplement, glissant à travers la pièce et par la porte avant même qu'ils ne réalisent qu'elle était partie.

Il y eut un moment de silence, puis un bourdonnement de conversation s'éleva. Gabrielle croisa les bras sur sa poitrine et s'appuya contre la porte, observant la foule tout en essayant de dégager la boule qui s’était formée dans sa gorge. Ephiny traversa la pièce et s'arrêta devant elle, croisant son regard pendant un long instant.

Puis les yeux noisette se baissèrent. "Je vais partir pour le Village." Déclara la Régente doucement. " Il me faudra... une semaine... pour tout emballer et déménager ici. "

Gabrielle la regarda un moment. "Ephiny... ce n'est pas parce que j'ai choisi de me battre... que les Amazones doivent le faire." Chuchota la barde.

Un léger sourire lui répondit. "Je sais... et si je pensais que c'était un combat pour de mauvaises raisons... Je les laisserais en dehors de ça et je viendrais ici seule." La Régente se racla un peu la gorge. "Mais ce n'est pas le cas... et s'il y a une chose que j'ai apprise de toi au fil des ans, Gabrielle... c'est ce que les mots 'pour le plus grand bien' signifient." Elle soupira et jeta un coup d'œil autour d'elle. "Nous en avions vu assez sur le chemin pour au moins soupçonner ce que les nouvelles seraient... J'ai eu beaucoup de temps pour penser à tout ça."

La barde expira doucement et hocha finalement la tête. "Attends demain pour partir... Je pense que tu dois entendre ce que nous avons prévu."

Ephiny hocha doucement la tête. "Donc il y a un plan."

Les lèvres de Gabrielle se crispèrent en un sourire sinistre. "Avec Xena ? Toujours."  Intérieurement, elle ressentit une vague de soulagement d'avoir au moins les Amazones à leurs côtés. "Je dois envoyer des coursiers aux autres Nations de la région... elles ont aussi un intérêt dans cette affaire."

Ephiny hocha lentement la tête. "Certaines viendront... d'autres non... J'enverrai des messagères dès que je serai de retour là-bas." Elle fit une pause. "Et je rendrai visite à Tyldus... mais je pense que tout cela aura besoin de ta touche personnelle... que dirais-tu si je les rassemblais tous au village, puis que tu nous rejoignes ?"

Contre sa volonté, un pic d'anticipation parcourut le dos de Gabrielle. "Très bien." Accepta-t-elle doucement. "Je te donne une quinzaine de jours, puis je pars."  Dans le dos d'Ephiny, elle vit Jessan se glisser par la porte d'entrée, puis son attention fut attirée par des voix fortes à proximité. "Je vais aller voir de quoi il s'agit." Elle passa devant Ephiny et se dirigea vers le centre de la grande salle, vers le nœud de personnes autour de Josclyn.

"C'est comme ça que ça a commencé Josc." S’exclamait un homme âgé, d'une voix basse et pressante. "Tu te souviens."

Les voix se turent lorsque Gabrielle les rejoint et elle reçut des regards furtifs. "Tout va bien." Elle comprit les mots de l'homme. "Elle y pense aussi."

Ils la regardèrent tous, mal à l'aise. "Ecoute... Gabrielle..." L'homme le plus âgé leva la main, visiblement gêné. "Je n'ai rien contre elle... elle a prouvé sa valeur au village depuis un an et plus maintenant... ce n'est pas ce dont il s'agit."

"Je sais." La barde se dirigea vers le centre du cercle et attira leur attention. "Ecoutez... Je comprends combien c'est difficile." Elle les regarda longuement. "Faire confiance est une chose effrayante... surtout quand cette confiance a été trahie auparavant."

Ils la regardèrent.

"Xena le sait... c'est pourquoi elle n'a pas demandé l'aide d'Amphipolis." La barde laissa échapper un souffle. "Sachant ce qu’il s'est passé la dernière fois... sachant l'héritage qu'elle a laissé... elle ne pense pas mériter la confiance des gens d'ici."

"Gabrielle..." Josclyn posa une main sur son bras. "Nous ne pouvons pas nous empêcher de nous souvenir."

La barde baissa la tête, puis la releva. "Je sais."

"Que peut-elle espérer accomplir seule de toute façon ?" demanda l'homme plus âgé.

Il y a eu un petit silence. "Elle ne sera pas seule." Répondit Gabrielle doucement, consciente de la pression des corps autour d'eux, alors que les villageois se rapprochaient pour écouter.

"Tu la suivrais jusqu'aux portes d'Hadès." Répondit l'homme d'une voix consternée, alors que d'autres voix murmuraient des objections.

"Probablement." Approuva Gabrielle après un silence. "Où elle va, je vais."

Un court silence, sans souffle, suivit. "Et votre fille ?" questionna finalement Josclyn.

Gabrielle reconnaissait volontiers que c'était la partie la plus difficile. "J'y ai beaucoup pensé." L’admit-elle. "Je pense que le plus important est que je veux qu'elle puisse grandir en sécurité, sans avoir à se soucier de gens comme Andreas." Elle sentit sa gorge se serrer un peu. "Et peut-être que cela signifie qu'elle devra grandir sans ses parents." Une pause. "Mais je suis prête à faire ce sacrifice pour elle."

Un silence pesant maintenant envahit la salle. "Mais... que peuvent espérer accomplir deux personnes contre une armée, Gabrielle ?" Lui demanda le préfet très doucement.

La barde renifla un peu. "Que peuvent faire deux personnes ? Je ne sais pas... deux personnes peuvent... " Elle prit une inspiration. " Renchaîner les Titans... libérer Prométhée... arrêter les guerres... faire reculer les Perses... libérer des marins maudits... sauver les rêves... " Elle fit une pause. "Changer des vies." Ses yeux trouvèrent ceux de Joscyln. "Lutter pour le bien commun, peu importe ce qu'il en coûte."

Ils se regardèrent l'un l'autre. Finalement, l'homme le plus âgé du groupe posa une main sur le bras de Josclyn. "Josc... retournons chez toi et parlons... pour que les gens puissent dire ce qu'ils pensent."

Le préfet jeta un regard d'excuse à Gabrielle, mais hocha la tête. "Aye." Il ouvrit la voie, suivi par la plupart des anciens du village, laissant les plus jeunes, les Potadéiens et quelques autres s'agiter.

Gabrielle souffla doucement et s'assit sur le bord d'une table voisine, sentant une boule se former dans ses tripes. Un bras l'entoura et elle tourna la tête pour voir le regard compatissant de Cyrène. "Salut maman."

"C'était un bon discours, Gabrielle." Lui dit Cyrène calmement. "Même si ça fait mal de l'entendre."

La barde baissa les yeux vers le sol et hocha la tête. "Je sais."

L'aubergiste regarda autour d'elle et soupira. "Ecoute... la milice ici... ils ne changeront pas le sort de cette guerre d’une manière ou d’une autre Gabrielle, je..."

"Ce n'est pas ça." Répondit la jeune femme. "Si Amphipolis lui tourne le dos, ça va lui vraiment faire mal." Gabrielle se frotta le visage d'une main. "Et elle souffre déjà suffisamment."

Cyrène frotta doucement son bras "Toi aussi." Murmura-t-elle. Pourquoi ne vas-tu pas lui tenir compagnie là-bas... hum ?"

Les yeux verts pâles se levèrent et rencontrèrent les siens, puis Gabrielle hocha la tête et se leva, redressant ses longues manches en marchant vers la porte avant de la franchir.

"C'est une situation difficile." Soupira Johan, en venant se placer près de l'épaule de Cyrène.

"Mmm." Acquiesça l’aubergiste en s'appuyant contre lui.

"Tu sais quel sera ton choix alors." Johan lui lança un regard.

"Oui." Répondit Cyrène avec un profond soupir. "Je le sais."

********************************************

Il faisait froid sur le porche. Gabrielle se frotta un peu les bras en marchant sur le sol en bois vers la silhouette solitaire assise dans un coin. Xena était penchée en arrière, un pied appuyé contre la balustrade alors qu'elle observait le matin gris et lugubre. "Salut."  Elle s'assit à côté de sa compagne.

"Salut." Les yeux bleus pâles rencontrèrent les siens brièvement. "Jess rentre à la maison."

La barde hocha la tête. "Eph aussi... elle va emmener toutes celles qu'elle peut trouver au Village... puis j'irai là-bas... voir ce que je peux leur proposer."

Xena hocha brièvement la tête. "Bien."  Elle tripota un morceau de bois qu'elle avait pris sur la balustrade du porche, le faisant tourner dans ses doigts. "Tu iras avec une escorte." Les yeux bleus parcoururent son visage brièvement. "Il faudra un certain temps pour faire passer les messages à tous les autres de toute façon."

Gabrielle se leva et changea de perchoir, s'installant sur l’accoudoir de la chaise où était assise son âme sœur. Elle passa un bras sur ses épaules mais resta silencieuse, regardant quelques poulets aux couleurs vives se pavaner dans la cour en picorant vicieusement le sol. "Tu sais quoi Xena ?"

La guerrière secoua la tête, sortant de ses pensées pour se concentrer sur ce que son âme sœur expliquait. "Hum ?"

La barde fronça les sourcils. "Je détesterais vraiment, vraiment, vraiment être un ver".

Xena la regarda de travers.

"Tu es là... à ramper... à te mêler de tes affaires... à faire ce que font les vers..."

"Manger de la terre."

"Ouais... et tout d'un coup... bam !" La barde picora le sommet de la tête de sa compagne avec une main. "Le bec de la mort termine tout."

Un sourcil finement arqué se leva encore plus.

"Que crois-tu que le poulet ferait si le ver se défendait ?" se demanda Gabrielle.

"Comment ?" répondit Xena, intriguée malgré elle, sachant que la barde essayait seulement de la distraire. "Il n'a pas de bras, Gabrielle."

"Oh... je ne sais pas... peut-être que le ver... trouverait le moyen d'enrouler son corps autour des pattes du poulet et de le faire trébucher."  Répondit la barde. "Ou peut-être qu'il trouverait le moyen de construire une défense... euh... un monticule de terre." Elle s'appuya contre sa compagne. "Que penses-tu que le poulet ferait ?"

"Il mourrait de rire."  Xena sourit par pur réflexe. "Ce qui permettrait au ver d'atteindre son but, je suppose."

Elles gloussèrent toutes les deux puis se turent.

"Ils ne vont pas participer, n'est-ce pas ?" demanda la guerrière finalement en levant les yeux vers sa compagne avec une franchise presque douloureuse.

Gabrielle regarda ces grands yeux bleus et essaya de respirer malgré la douleur de son cœur. Elle se tendit et toucha le visage de Xena, la peau était chaude sous ses doigts. "Je ne sais pas... Ils sont allés en parler. En privé."

Les épaules de Xena bougèrent alors qu'elle prenait une grande respiration, puis elle relâcha son souffle, donnant à son âme sœur un petit signe de tête. "Eh bien... deux sur trois, c'est pas mal, hein ?"

Ohh. "Xena... ce ne sont pas des combattants... et ils ont peur." Lui dit la barde doucement "Cela ne veut pas dire qu'ils ne t'aiment pas ou qu’ils ne te font pas confiance... ils ont juste peur."

"Je sais." Reconnut Xena, laissant sa tête reposer contre la hanche de la barde. "Je ne les blâme pas..... J'espère juste qu'ils accepteront de commercer avec nous... sinon ces efforts ne mèneront nulle part rapidement." Elle leva les yeux vers sa compagne. "Tu devrais prendre part à cette décision Gabrielle... tu es l'adjointe de Josc."

La barde sourit ironiquement. "Ils savent que j'ai... mon propre agenda... Je suppose... que ce n'est pas vraiment juste pour moi d'être là-bas, chérie." Elle soupira. "En plus... J'ai déjà dit ce que j'avais à dire."

Des bruits de pas se rapprochèrent et elles levèrent toutes les deux les yeux pour voir la forme robuste de Josclyn s'approcher de l'auberge. Sa tête grisonnante était baissée et il semblait observer la terre intensément, ne levant les yeux que lorsqu'il atteignit les marches pour grimper sur le porche.

Gabrielle observa son visage pendant qu'il s'approchait, puis jeta un coup d'œil à sa compagne qui attendait tranquillement, extérieurement aussi calme et détendue qu'elle ne l'avait jamais vue.

Un jeu parfait, qui aurait pu tromper la barde si elle n'avait pas eu son bras sur les épaules de Xena, et si elle n'avait pas pu sentir les battements de cœur sous la peau et l'horrible tension dans les muscles de la guerrière.

Josclyn s'avança et s'appuya contre la balustrade, les regardant solennellement, ses mains noueuses reposant sur ses cuisses et son visage buriné, immobile et silencieux.

Il prit une inspiration pour parler et Gabrielle sentit un tremblement parcourir le corps de sa compagne.

"Nous sommes avec toi." Déclara le préfet simplement.

Les yeux de Xena s'écarquillèrent dans une surprise qu'elle ne put cacher et la barde sentit un frisson de réaction le long de sa propre colonne vertébrale en réponse. "Ah." La guerrière relâcha lentement le souffle qu'elle avait retenu. "Bien."

Josclyn sourit. "Tu ne t'y attendais pas, n'est-ce pas ?"

La guerrière secoua la tête. "Non." Répondit-elle honnêtement. "Je ne m'y attendais pas."  Une vague de soulagement se répandit en elle et elle sentit le doux mouvement de Gabrielle qui frottait sa nuque doucement. "Je ne m'attendais pas du tout à ça."

Le préfet hocha la tête, satisfait. "Aye, eh bien... voilà." Il fit une pause. "Cyrène voulait que je vous dise à toutes les deux de rentrer... le petit déjeuner est prêt et il commence à faire froid."

Gabrielle lui lança un regard reconnaissant. "Nous arrivons tout de suite, Josc... merci." Elle le regarda acquiescer et disparaître à l'intérieur du bâtiment, puis elle reporta son attention sur la guerrière, encore stupéfaite, à ses côtés. "Wow."

Xena secoua la tête. "Wow." Répéta-t-elle en prenant une grande respiration. "Belle façon de commencer la matinée."

La barde sourit et la serra simplement dans ses bras en réponse.

*******************************************************

 "Très bien." Xena étendit ses mains sur la carte qui s'étalait sur la table de travail de l'écurie réquisitionnée à la hâte. Autour d'elle se tenaient les chefs de la milice d'Amphipolis, les Amazones, Jessan, Toris et quelques anciens.

Et Gabrielle, bien sûr, qui était perchée sur la cloison d'une stalle, observant avec des yeux curieux.

"Voici l'ouverture de la vallée... il y a une courte embouchure, puis elle s'ouvre ici, avec des parois abruptes de chaque côté." La guerrière traça le chemin avec un long doigt. "Il y a un lac d'eau profonde ici, alimenté par les eaux de ruissellement de ces montagnes lointaines du Sud... elles sont impossibles à escalader pour autant que j'aie pu le voir."

"Mmm... " Ephiny se pencha sur la table. "Qu'est-ce que c'est ?"

"Des grottes." répondit Xena. " Pour la plupart inexplorées... certaines... enfin celles-là ont été cartographiées. " Elle les montra du doigt. "Assez grandes pour y abriter des troupes... nous n'aurons pas à construire de camps temporaires."

"Joli." Murmura Jessan. "Mais il n'y a qu'un seul accès... c'est assez dangereux."

Xena sourit. "Ça n'en a que l'air." Elle posa son doigt sur l'ouverture d'une grotte. "Il y a un chemin dégagé par ici... "Elle le traça. "De ce côté de la chaîne de montagne, vers une série de steppes plus basses qui descendent vers cette vallée extérieure. "

"Ahh... joli." L'Etre de la forêt gratta son menton poilu. "Bien."

Xena hocha la tête et appuya ses mains sur la table. "Première chose... nous devons envoyer un groupe là-bas pour nous assurer que tout est toujours comme dans mon souvenir."

"Je vais y aller." Répondit Toris calmement. "Je prendrai dix personnes de la garde... nous pourrons vérifier les grottes et voir ce dont nous aurons besoin pour sécuriser l'endroit."  Il gratta un peu sa barbe. "Si ça se présente bien Xena... je pense que nous ferions mieux de prévoir d'y amener les enfants et les anciens." Ses yeux trouvèrent ceux de sa sœur. "Surtout Dori et maman."

Ils se regardèrent et après un moment, Xena hocha sinistrement la tête. "Bien... bonne idée... Je ne veux pas risquer qu’il y ait des otages." Elle le désigna du doigt. "Cela signifie que tu dois être prudent aussi."

Tout le monde se tourna et regarda Gabrielle, assise tranquillement sur son perchoir. La barde leur renvoya leur regard calmement. "Je suis beaucoup plus en sécurité avec Xena."  Déclara-t-elle doucement.

"C'est la vérité. " renâcla Eponine. "De plus, te demander de rester en dehors des problèmes, c'est comme demander au Styx de couler à l'envers." Elle fit une pause en voyant les sourcils de Gabrielle se lever. "Sans vouloir te vexer."

Xena gloussa doucement en secouant la tête. "Très bien, Toris... tu emmènes ton groupe dehors. Ephiny et Eponine partent demain pour les terres Amazones et Jessan va rendre une petite visite chez lui."

"Ouais.. Je vais passer chez Hectator aussi." déclara l'Etre de la forêt. "Nous sommes assez loin dans les terres pour avoir évité la plupart des raids... du moins je l'espère."

La guerrière acquiesça. "Dirigez tous ceux que vous pouvez vers cette direction... nous rassemblerons les troupes dans la vallée. L'avantage d'être si éloigné, c'est qu'elle n'est pas recherchée. Nous serons en mesure de soutenir une force assez importante là-bas."  Ses yeux se levèrent. "Johan... dis à tous les marchands sur la route... que nous sommes à la recherche de fournitures et de chevaux."

"Et pour les armes ?" demanda Ephiny à voix basse.

Tout le monde regarda Xena qui fixa alors la carte. Elle tendit le bras et tapota d'un doigt une grande grotte. "Toris, si tu vas là... tu trouveras une cache... qui devrait être encore utilisable."

Il y a eu un mouvement de malaise. "La tienne ?" demanda finalement Toris.

Xena hocha la tête. "Ouais... pas sûr que les provisions soient encore bonnes après tout ce temps, mais les armes devraient être en bon état." Elle enroula la carte. "C'est tout ce que j'ai pour le moment... Détendez-vous et restez tranquilles pour le reste de la journée."

Tout le monde sortit en murmurant entre eux, laissant seulement Xena, Gabrielle et Toris. "Alors." Xena tapota distraitement son cou avec le parchemin roulé. "Ça commence."

Toris se rapprocha. "Je ne savais pas que tu avais un camp si près."

La guerrière haussa les épaules. "Ouais, et bien ... peut-être qu'il y avait une partie de moi qui a toujours voulu rentrer à la maison." Elle se dirigea vers l'endroit où Argo mâchait le foin et lui gratta les oreilles. "Hé, ma fille..."

La jument donna un coup de sabot et éparpilla le foin sur ses bottes, dérangeant Arès qui était recroquevillé dans la paille avec sa queue repliée sur son nez.

Toris souffla puis adressa un sourire à Gabrielle, avant de se retourner et de partir, les laissant dans le calme et la poussière.

La barde attendit un moment, puis elle s'approcha, glissant un bras autour de la taille de Xena et caressa Argo de son autre main. "Tout se passe plutôt bien jusque-là, hein ?"

La guerrière fit un sourire en coin. "Ouais... pas mal pour quelques bougies."  Elle se tourna à moitié et posa ses bras sur les épaules de Gabrielle. "Tu sais..."

"Ne commence pas Xena." Des yeux verts rencontrèrent les siens sans broncher. "N'y pense pas, ne le mentionne pas, ne laisse même pas cette idée traverser ton esprit."

Les deux sourcils sombres se levèrent. "Tu sais, Gabrielle... tu ne sais pas TOUJOURS ce que je pense." Lui dit Xena.

"Tu veux dire que tu n'allais pas suggérer que j'aille dans la vallée avec Toris et que j'aide à installer un camp sûr et agréable ? » demanda sèchement Gabrielle.

"En fait... non, je n'allais pas le faire." Lui répondit sa compagne. "Ce que j'allais dire, c'est... 'Tu sais, Gabrielle... cette grange contient des souvenirs très spéciaux pour moi."

Les cils blonds battirent de surprise. "Oh....oh." La barde vit son regard se diriger inconsciemment vers le grenier à foin. "Ah... ouais... ouais, c'est le cas pour moi aussi." Elle leva les yeux vers ceux de Xena et chercha dans les profondeurs bleues infinies. "Tu n'allais vraiment pas me demander de rester derrière ?"

La tête sombre s'inclina légèrement. "Gabrielle, nous avons dépassé ce stade." Lui dit Xena très doucement. "Je pourrais te demander... bien sûr... mais tu ne dirais jamais oui, et même si, par miracle, tu le faisais, je serais une épave nerveuse pendant tout le temps où nous serions séparées, me demandant ce qui se passe avec toi." Elle sourit. "Alors... quel serait l'intérêt ?"

Gabrielle réfléchit à ça pendant une minute. "Tu as raison." Dit-elle finalement avec une pointe de surprise dans la voix. "Tu sais, j'ai vécu avec cette idée en tête pendant si longtemps, c'est tellement bizarre de réaliser... ou peut-être que c'était parce que la dernière fois que tu l'as fait... ça m'a fait tellement mal, je..."

Xena se pencha en avant et posa son front sur celui de sa compagne. "Ça m'a fait mal aussi. Je ne pensais pas te revoir un jour... tu sais, je suis restée sur le pont à te regarder jusqu'à ce que je ne puisse plus te voir."

Au moins, pensa Gabrielle, elles pouvaient en parler maintenant, après tant de chemin parcouru, la douleur appartenait au passé. Elle soupira et posa ses mains sur la taille de sa compagne. "Nous avons traversé tellement de choses ensemble."

"C’est vrai." Confirma Xena. "Et aussi difficile que cela sera, il n'y a personne d'autre que je préférerais avoir à mes côtés dans cette épreuve que toi".

La barde sourit en réaction. "Merci." Elle inclina la tête et rencontra les lèvres qui l'attendaient, goûtant le soupçon de pomme sur celles-ci.  Ses mains se déplacèrent sur le tissu doux qui recouvrait le corps de son âme sœur et elle se rapprocha lorsque les bras de Xena se refermèrent sur elle. "Mmm."

Xena recula un peu la tête et la regarda sous des paupières à moitié baissées, un soupçon de malice sur les lèvres. "Je parie que je peux encore te lancer là-haut." Dit-elle, en désignant le grenier de la tête.

"Oh, vraiment !" rit la barde.

Un défi. Les yeux de Xena s'illuminèrent d'une joie diabolique et elle agrippa la taille de son âme sœur, la soulevant un peu en gloussant.

"Xena, non... ok, soyons raisonnable ici... tu vas te faire mal... yow... hé... Xena ! !!" Gabrielle se sentit soulevée, puis la grange bougea autour d'elle et une puissante poussée l'envoya voler vers le haut, dans le tas de foin odorant. Elle rebondit une fois, puis retomba dans son étreinte confortable. Bon sang. Elle gloussa doucement pour elle-même.  Elle n'a rien perdu, n'est-ce pas ?

Un léger souffle d'air s'engouffra dans l'espace douillet alors que Xena bondissait et s'accrochait à la balustrade, puis propulsait son corps dans le grenier avant de se laissait tomber dans le foin à côté de la barde souriante. "Atterrissage en douceur ?"

Gabrielle rit et secoua la tête, pleine d'admiration. "Tu sais... " Elle roula sur le côté tandis que Xena s'installait à côté d'elle, couchée sur le dos, les jambes croisées aux chevilles. "Je me souviens de cette nuit comme si c'était hier."  Elle soupira doucement, passant le bout d'un doigt le long du bras de Xena. "J'étais tellement... je ne savais pas si c'était de la nervosité ou de l'excitation... mes entrailles tremblaient."

La guerrière pencha la tête et regarda le plafond de poutres, sculpté de nombreuses années avant. "Comment je me sentais..." Elle réfléchit. "J'étais... curieuse... et un peu effrayée, je crois."

"Effrayée ?" Gabrielle se rapprocha. "Pourquoi ?"

"Eh bien..." Xena tendit la main et emmêla ses doigts dans les cheveux de la barde. " Parfois le sexe change les choses... et je ne voulais pas... que quelque chose change. "

"Mmm."

"Et si tu avais décidé que tu n'aimais pas ça ?" Xena la regarda d'un air ironique. "Avec une femme, je veux dire... ça aurait pu être gênant."

"Oooh... je n'avais pas pensé à ça." Gabrielle fit une grimace. "Ouais... ça aurait été un problème." Elle releva la tête. "Tu aurais dû me louer un étalon."

Xena fût prise d'un fou rire soudain et inattendu. Après un moment à la regarder d'un air indulgent et affectueux, Gabrielle la rejoignit jusqu'à ce qu'elles se détendent toutes les deux, épuisées, dans la paille. La barde se blottit contre sa compagne, posant un bras sur son ventre. "Je t'aime."

Xena lui ébouriffa doucement les cheveux. "Je t'aime aussi." Elle releva un peu le menton de Gabrielle et l'embrassa, frottant légèrement un pouce contre la peau douce de sa joue. "Et cette nuit..." Elle laissa sa main glisser le long du bras de la barde et sentit son corps se rapprocher. "Je voulais que tu le saches."

Gabrielle sentit les battements de son cœur s'accélérer alors que son corps répondait avidement au contact de son âme sœur. "Je le savais." Elle glissa ses mains à l'intérieur de la tunique ample et usée que portait Xena et toucha la peau, les laissant glisser sur les contours familiers. Elle se pencha en avant pour un autre baiser, appréciant la sensation de grignotage alors que Xena la mordillait de façon taquine.

"Tu le savais ?" Xena décrocha sa ceinture d'une seule main et glissa une main sur sa poitrine, traçant une ligne jusqu’à son ventre qui créa une ondulation de muscles contractés dans son sillage. "Je me souviens avoir pensé... J'espère que je ne l'effraie pas."  Elle poussa son âme sœur sur le dos et sentit la petite femme s'abandonner complètement à elle, ses mains se déplaçant, la touchant, ramenant la guerrière plus près d’elle.

"Jamais." murmura doucement Gabrielle en se rapprochant d'elle. Chaque nerf la picotait en réponse à la proximité, au parfum chaud et  au contact lent et taquin qui caressait ses côtes, rendant sa respiration plus courte. 

"Bien." Xena lui souffla le mot à l'oreille, puis mordilla les bords, attentive aux sons doux et incohérents qui sortirent de la gorge de son âme sœur alors qu'elle s'abaissa et que leurs corps se touchèrent, la peau nue frôlant la peau nue. Les jambes puissantes de Gabrielle s'emmêlèrent avec les siennes et elle s'abandonna à la passion entre elles, heureuse de passer leur dernier jour tranquille dans un endroit où, en un sens, tout avait commencé.

*****************************************************

Gabrielle leva une main et traça doucement les lettres gravées à son propre nom dans le bois juste au-dessus de sa tête. Il avait commencé à pleuvoir dehors et elle écoutait tranquillement le bruit de la pluie alors que son autre main caressait des cercles légers sur le dos de Xena.

La guerrière était endormie, la tête posée sur le ventre de sa compagne et un bras enroulé autour de son corps. Gabrielle n'avait aucune envie de la réveiller, en fait, elle appréciait beaucoup cet interlude tranquille et elle pensait qu'il n'y en aurait pas beaucoup dans les jours à venir.

Alors pourquoi ne pas la laisser se reposer ? S'il y avait une chose qu'elle savait sur son âme sœur, c'est qu'elle dormait rarement, sauf si son corps l'exigeait, restant debout bien après que la barde se soit endormie pendant de nombreuses nuits, à regarder simplement les étoiles en réfléchissant.

Des rêveries, peut-être, dans un état de veille où elle pouvait dicter leur contenu. Gabrielle baissa les yeux vers l'expression paisible de la guerrière et ses lèvres bougèrent en un sourire affectueux. De quoi rêvasses-tu maintenant, Xena ?

C'était une chaude journée de printemps, après qu'elles eurent passé des semaines à voyager dans les montagnes à supporter la pluie, la boue, la grêle occasionnelle, les rafales de vent et un sol très dur pour dormir. Elle était grincheuse, Xena était morose et elles étaient toutes les deux contentes de voir de la verdure et un ciel ouvert pour changer.

Elles avaient donc trouvé un endroit près d'un joli petit ruisseau et elles avaient passé la moitié de l'après-midi à se frotter et à laver leurs vêtements pour enlever la poussière de roche, la boue et les autres saletés. Bien sûr, s'était-elle dit, et ce n'était pas la première fois, qu'une longue jupe n'était vraiment pas la meilleure chose au monde pour se déplacer.

Quand elles eurent enfin terminé et qu'elle eut préparé une soupe pour le dîner, elles avaient étendu toutes leurs affaires dans l'herbe douce pour les faire sécher et elle avait délaissé ses parchemins, préférant trouver un endroit chaud et sec pour s'y allonger simplement, en regardant les nuages passer.

Et c'est ce qu'elle avait fait pendant plusieurs marques de bougie, jusqu'à ce que le soleil ait séché sa peau et que son esprit ait dérivé paresseusement, remontant quelques souvenirs agréables de son enfance, aussi peu nombreux qu'ils eussent été, y compris une course poursuite avec Lila au bord de la mer, dont elle était presque trop jeune pour se souvenir vraiment à l'époque.

Puis elle avait regardé le soleil et soupiré, sachant que sa compagne était probablement en train d'aiguiser quelque chose avec impatience, ou de réparer quelque chose, ou de faire une tâche ou une autre qu'elle était censée faire et elle s'était retournée et s'était redressée sur ses coudes, à la recherche de Xena.

Mais la guerrière ne faisait aucune de ces choses. Elle l'avait repérée tout près, étalée dans l'herbe et appuyée contre un rocher, un genou levé et un coude bronzé appuyé contre lui, un poing soutenant sa tête.

Gabrielle avait dû regarder deux fois, puis cligner des yeux et regarder encore avant de pouvoir absorber le regard doux et lointain de la guerrière, si différent de tout ce qu'elle avait vu sur le visage de son énigmatique compagne auparavant.

Fascinée, elle s’était rapprochée de Xena, s'installant brusquement à ses côtés, faisant légèrement sursauter la guerrière en retour avant qu’elle ne se tourne vers elle, l'expression familière, prudente et froide revenant sur son visage et remplaçant la rêverie.

"Hé, Xena... à quoi tu pensais ?" avait demandé Gabrielle curieuse. "Tu avais ce... regard très intense sur ton visage et je peux dire que tu ne pensais pas aux choses habituelles, comme la chasse, ce que nous allons manger pour le dîner ou bien où se trouve la prochaine ville... n'est-ce pas ?"

La guerrière avait fait un bruit quelque part entre un reniflement et une toux. "Rien. J'attendais juste que mes cuirs sèchent."

"Oh." Gabrielle avait été vaguement déçue, espérant qu'elle allait enfin avoir un minuscule aperçu de ce qui se cachait derrière cette femme froide et parfois frustrante. "Désolée. Je pensais... eh bien, je veux dire, j'étais là-bas et je regardais les nuages... et je pensais juste... Je me suis souvenue d'une époque où ma sœur Lila et moi... tu te souviens de Lila, n’est-ce pas ?"

Xena avait soupiré. "Je me souviens de Lila."

"Ah bien... donc, nous étions à l'extérieur du village cette fois, et il y avait ces écureuils... Ils étaient si beaux, Xena. Ils étaient tout blancs et brun, et ils couraient ensembles dans les arbres. C'était incroyable !"

"Hum hum."

Gabrielle l'avait regardée et avait repris d’une voix beaucoup plus calme. "Oh... eh bien, c'était incroyable pour moi." Avait-elle murmuré, un peu gênée. "Probablement pas pour toi, hein... enfin... je vais hum... aller m’occuper de la soupe."

Elle s'était levée et précipitée vers le feu, avait pris sa longue cuillère en bois et elle avait soigneusement remué la casserole, en espérant que cette fois-ci, elle avait bien choisi les épices. Elle s'était sentie un peu idiote et aurait préféré s’être tue plutôt que d'ennuyer Xena avec un autre de ses nombreux babillages stupides sans fin. Surtout que Xena avait été de si mauvaise humeur toute la journée... elle aurait dû se méfier.

Une main s'était posée sur son épaule, l'effrayant à moitié et l'envoyant presque tomber dans le feu. "Wow !"

Xena l'avait attrapée et tirée en arrière, s'agenouillant à côté d'elle en se renfrognant. "Attention... tu as failli te brûler."

"Tu m'as fait peur." Avait-elle répondu à la guerrière brusquement en se reculant.

Xena l'avait relâchée, puis s'était assise sur sa couche, repliant ses pieds nus sous elle. "Je suis sûre que les écureuils étaient très beaux." Avait finalement marmonné la guerrière.

Et bien, c'était une sorte d'excuse, avait réalisé Gabrielle. "Ouais." Elle se retourna pour remuer la soupe. "Ils l’étaient vraiment." Elle avait attendu que Xena se lève et parte, mais la guerrière ne l'avait pas fait et après quelques minutes, elle avait jeté un coup d'œil vers elle, juste pour voir ce qu'elle faisait.

Étrangement, la femme était juste assise là, jouant avec un morceau d'écorce, ce même regard de tristesse pensive sur son visage. "Hé, Xena ?"

La tête sombre s'était tournée vers elle et ces yeux bleus l'avaient regardée. "Quoi ?"

"Tu ne rêvasses jamais ?"

"Non." Lui avait-elle répondu d’une voix froide et distante.

"Allez." avait persisté Gabrielle en posant sa cuillère avant de s’assoir les jambes croisées à côté de la guerrière. "Tu ne penses pas... à des choses parfois ? Des choses agréables ? Peut-être... euh..." Ses sourcils s'étaient froncés. "Avoir une nouvelle dague ou autre chose ?" Elle s'était approchée et avait touché le bras de la guerrière. "Tu pensais à quelque chose à l’instant, n'est-ce pas ?"

Xena avait fait une pause si longue que Gabrielle avait été certaine qu'elle ne répondrait pas du tout, mais finalement, elle avait pris une inspiration et répondu.

"Je pensais à mon frère Lyceus."

"Oh." Gabrielle s'était sentie mal. "Je suis désolée... Je sais que vous étiez très proches."

Xena ne l'avait pas nié. "Ouais...." avait-elle répondu calmement. "Je pensais juste à des trucs qu'on faisait... un jour, on s'était enfuis dans les bois et maman nous avait surpris nus en train de courir dans une prairie."  Elle avait regardé autour d'elle avec une réserve tranquille. "Un peu comme celle-là."

"Tu as eu des problèmes, hein ?" Gabrielle avait souri timidement, car elle avait eu du mal à imaginer sa compagne réservée et froide gambader dans l'herbe.

Un hochement de tête lui répondit "Non... Ly a inventé une histoire farfelue et elle y a cru." Xena sourit. "Enfin bref." Elle avait baissé les yeux, regardant le morceau de bois dans ses mains.

Gabrielle s'était mordillée les lèvres, ne sachant pas quoi dire, maintenant qu'elle avait réussi à faire parler cette femme. "Il semble... qu'il était un bon ami." Avait-elle finalement murmuré.

"Il l'était." Avait répondu la guerrière. "Il était... plein d'émerveillement... il avait une grande imagination... il était courageux et honnête..."

Et puis ces yeux bleus s’étaient levés et elle avait regardé droit dans les siens. "Un peu comme toi, maintenant que j'y pense."

Gabrielle avait été tellement abasourdie qu'elle n'avait pu que regarder la guerrière pendant ce qui lui avait semblé être au moins une marque de bougie. "M... moi ?" avait-elle finalement balbutié. "Hum... ... merci... Je... j'espère que je pourrai être une aussi bonne amie pour toi qu'il l'était."

Xena avait souri un peu et regardé le feu, puis avait soupiré. "Gabrielle ?" avait-elle dit doucement.

"Oui ?"

"A propos des écureuils ?"

"Oh... hum... ouais, eh bien, peu importe... ce n'était pas vraiment intéressant... J'étais... Je me suis toujours demandé pourquoi ils devenaient tous fous et tout ça... Je ne l'ai jamais compris." Avait-elle répondu en remuant la marmite.

Xena s'était éclairci la gorge. "Ils s'accouplaient."

Silence.

"Qu... quoi ?"

"S'accouplaient." Les sourcils noirs s’étaient froncés. "Tu sais, ils...hum.."

"Oh !" Gabrielle avait senti son visage devenir rouge brique. "Euh... bien sûr... ouais... je sais tout ça... euh... ouais. Les oiseaux, les abeilles, les écureuils... J'ai compris."

Il y avait maintenant un soupçon d'amusement dans les yeux bleus qui la regardaient. "Tu sais, hein ?"

"Absolument.. Je veux dire, bien sûr... Xena... J'ai grandi dans une communauté de bergers... Je veux dire, on n’attend pas d’être adulte avant de comprendre d'où viennent les agneaux tu sais ?" Elle avait encore rougi et elle le savait...

Et Xena s'était penchée en avant, capturant son regard sans le lâcher.

"Baaa." Avait alors bégayé la guerrière, les faisant rire toutes les deux et transformant la journée en une journée lumineuse alors que le soleil filait à l'ouest au-dessus de leur campement.

Gabrielle gloussa doucement en souvenir et regarda sa compagne bouger, se retourner et la regarder avec des yeux bleus endormis. "Salut beauté."

Un sourcil sombre se leva. "Salut... qu'est-ce qu’il y a de si drôle ?" Xena mordilla la peau douce contre laquelle sa joue était posée. "Tu m'as laissée m'endormir... on a tellement de choses à faire, Gabrielle." Elle jeta à la barde un regard contrarié.

"Tu en avais besoin." Répondit Gabrielle sans l’ombre d’un remord, en se penchant et en repoussant les cheveux des yeux de sa compagne. "En plus, il pleut... et nous avons un peu de temps avant de devoir aller chercher Dori."

Xena bailla et ne prit pas la peine de réfuter les paroles de son âme sœur. Elle était bien trop confortablement installée là où elle était de toute façon et elle pouvait admettre en privé que ce que la barde avait dit était probablement vrai, puisqu'elle avait dû se forcer à se lever ce matin.

Elle leva les yeux vers la barde qui la regardait avec tendresse et se mit à sourire. "Nous devrions avoir honte de nous... nous rouler dans le foin comme deux adolescentes."

Le sourire de Gabrielle s'élargit, plissant les coins de ses yeux et exposant ses dents blanches. "Hé... tu peux me faire sentir comme une adolescente chaque fois que tu veux, Xena." Elle soupira joyeusement et leva la main, traçant les lettres de son nom d'un doigt oisif. "Je me souviens quand tu as sculpté ça... J'avais l'habitude de rester allongée ici à le regarder tout le temps parce que, quand je le voyais, je réalisais à chaque fois que tout était réel." Elle secoua la tête et jeta un coup d'œil à Xena qui la regardait. "Que nous étions réelles... que ce n'était pas juste un de mes rêves."

La guerrière gratta du bout des doigts la surface douce sur laquelle elle reposait, amenant Gabrielle à fermer les yeux de contentement. "Est-ce que je figurais dans tes rêves avant ça ?" demanda-t-elle curieusement.

Un œil vert apparut, s'ouvrant largement avec un haussement de sourcil en signe d'incrédulité. "Tu te moques de moi, n'est-ce pas ?"

Xena sourit doucement. "J'ai arrêté de rêvasser pendant longtemps." Elle réfléchit. "Parce que les seules images qui me venaient à l'esprit étaient moches." Elle poussa un léger soupir qui réchauffa la peau de la barde. "Puis je t'ai rencontrée... et ça a changé."

Gabrielle resta silencieuse, absorbant les mots. Elle tendit le bras et replia ses doigts sur ceux de sa compagne et les serra légèrement. "Wow... Je suis contente d'avoir pu te rendre ça, Xena... Ça a dû prendre une éternité, par contre. Je sais que je n'étais pas un objet de rêve lors de notre première rencontre."

Les yeux de Xena scintillèrent doucement, tandis qu'elle rendait la pression et émettait un doux "Baaa".

 

A suivre de la partie 9

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Commentaires
H
Merci pour ce nouveau chapitre. Toujours impatiente de lire la suite.
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I
Merci pour ce nouveau chapitre.<br /> <br /> Cette histoire est toujours aussi prenante!<br /> <br /> <br /> <br /> :-)Isis
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