Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
Guerrière et Amazone
Publicité
Guerrière et Amazone
  • Vous trouverez ici des Fans Fictions francophones et des traductions tournant autour de la série Xena la Guerrière. Consultez la rubrique "Marche à suivre" sur la gauche pour mieux utiliser le site :O) Bonne lecture !!
  • Accueil du blog
  • Créer un blog avec CanalBlog
Guerrière et Amazone
Derniers commentaires
27 décembre 2022

La noirceur du matin chapitre 10

La noirceur du matin – Tome 13 – Melissa Good

 

Xena et Gabrielle se sont installées à Amphipolis et profitent de leur nouvelle fille, Doriana.

Mais est-ce bien le cas ? La vie est, comme Gabrielle le sait bien, une série de compromis. Pour obtenir une chose, il faut souvent renoncer à une autre.

 

Chapitre 10

"N'est-ce pas magnifique ?" Cait croqua joyeusement dans un sandwich à la viande, tout en étudiant attentivement l'obscurité environnante.

"Non." La contredit son amie comme prévu. "C'est nul... on est là, au milieu de la nuit, à se faire dévorer par les moustiques." Paladia croisa ses bras puissants sur sa poitrine et étala ses longues jambes dans la litière de feuilles.

"Ce ne sont pas des moustiques." La jeune Amazone leva les yeux au ciel. "Et si c'en est pas, c'est de ta faute, Pally... Je t'avais dit de laver cette fourrure."

"Tu dis que j'ai des puces ?" s’exclama Paladia dans un faible grognement.

"Par les Dieux non... Mais j'ai souvent pensé que tu en étais une." Répondit Cait en s'adossant à l'arbre près duquel elle avait choisi de s'asseoir.

"Qu'est-ce qu'on cherche ?"

"Des méchants."

Paladia roula des yeux. "Tu es folle si tu penses que l'un d'entre eux est encore dans les parages, Tête d’oiseau... pas après que ta guerrière suprême numéro un soit partie à leur poursuite."

"On ne sait jamais." Répondit Cait en prenant une autre bouchée. "Super sandwiches, Pally... merci."

"Oh... comme si je les avais faits." Renifla la grande femme. "Tu aurais pu au moins choisir un endroit avec de la lumière... pour que je puisse dessiner."

Cait lui jeta un regard exaspéré. "Vraiment, Paladia... sérieusement... à quoi me servirait la lumière ? J'essaie d'attraper les rats qui se faufilent ici... tu crois vraiment qu'ils vont se diriger vers la lumière ?".

Paladia grommela quelque chose d'inintelligible et frappa ses talons dans la terre, puis elle souffla bruyamment. "On va rester ici toute la nuit ?"

"Bien sûr." Répondit Cait, imperturbable. "Mais tu peux rentrer à l'intérieur si tu veux... Je serai très bien ici toute seule."

La grande Amazone s'agita pendant une minute, puis elle reposa son dos contre le rondin sans faire de commentaire. Un silence s'installa, puis elles se regardèrent dans la faible lumière des étoiles.  Cait s'approcha et tapota la jambe de son amie.

Paladia se contenta de froncer les sourcils.

********************************************************

Le matin était frais et Gabrielle resserra sa cape autour d'elle tandis qu'elle traversait la place centrale brumeuse du village en direction de la salle de bains commune. La journée ne s'annonçait pas particulièrement amusante et elle décida qu'il valait mieux la commencer propre et aussi détendue que l'eau chaude pouvait lui permettre de l’être. Ares trottait sur ses talons, baillant dans l'air matinal et reniflant avec intérêt les odeurs qui leur parvenaient du réfectoire.

Gabrielle soupira en regardant deux Amazones de sa tribu traverser la place en portant de jeunes enfants et elle souhaita brièvement que Dori soit là, sa fille lui manquant plus qu'elle ne l'aurait imaginé. Surtout depuis qu'elle savait que Dori n'avait pas apprécié leur départ, un sentiment de culpabilité qui la travaillait toujours et lui faisait souhaiter que leur séjour chez les Amazones soit terminé.

"Bonjour."

La barde leva les yeux et sourit. "Bonjour, Eph... comment ça va ?" Elle tint la porte de la salle de bains ouverte pour son amie et la laissa passer à l'intérieur avant elle.

"Ugh." La Régente souffla. "Tu as déjà eu un de ces matins que tu aimerais pouvoir effacer ?" Elle étouffa un bâillement et commença à verser de l'eau chaude de l'étagère de l'âtre à proximité dans l'une des quatre grandes baignoires.

Gabrielle la rejoignit après avoir retiré sa cape et l'avoir suspendue à un crochet près de la porte. "Bien sûr... qui ne l'a jamais fait ?" Elle versa un seau dans la baignoire qu'elle avait choisie, puis elle ouvrit la pochette de sa ceinture et ajouta une poignée de cristaux parfumés dans l'eau. "Ecoute...  Je te dois des excuses pour la nuit dernière."

Ephiny arrêta ce qu’elle était en train de faire, l'expression de son visage indiquant qu'elle passait en revue la nuit précédente et essayait de comprendre ce que Gabrielle avait fait. "Euh...  d’accord."

La barde sourit à elle-même. "Je t'ai engueulée à propos de la sécurité... ce n'était pas vraiment leur faute."

"Oh, allez, Gabrielle... Elles n'ont pas laissé une mais deux personnes s'approcher de cette hutte... Lâche-moi avec ça." Se moqua Ephiny. "Je leur ai mis tellement de corvées répugnantes à faire qu'elles auront de la chance si leurs propres plumes ne s'échappent pas de leurs corps quand elles auront fini."

"Ew." grimaça Gabrielle. "Non... Je suis sérieuse, Eph... Je leur ai dit de s’éloigner."

La Régente se figea et la fixa. "Tu quoi ?"

"Je leur ai dit de reculer." La barde souleva un seau et le déversa avec un grognement. "Je veux dire... écoute, Eph... ce n'est pas comme si je n'étais pas bien gardée de toutes façons, non ? Je ne voulais pas qu'elles traînent juste derrière la porte." Elle s'arrêta et fit une grimace. " Ça met Xena sur les nerfs."

"Mmm." Ephiny secoua la tête, puis se retourna pour aller chercher un autre seau. "Pas d'excuse, mon amie... elles nous ont fait passer pour des faibles, même si le chiot d'Aslanta s'est fait casser la queue par une grande, sombre et dangereuse... en parlant de ça... où est-elle ?"

"Elle répare une charnière." répondit Gabrielle, en testant l'eau avec un doigt avant d’hocher la tête. "Parfait... elle sera bientôt là." La barde se débarrassa de sa chemise de nuit, la drapant sur une extrémité de la baignoire, puis elle sauta par-dessus le bord et elle se laissa tomber dans l'eau chaude et parfumée avec un soupir de contentement. "Des nouvelles d'Aslanta ?"

"Nah." Ephiny s'installa dans sa propre baignoire avec un gémissement, avant d’étirer ses jambes le long du fond de celle-ci. "Pony a dit qu’elles étaient légèrement embarrassées que Chickapoo ou quel que soit son nom, soit attrapée et renvoyée."

"Bedda." Corrigea Gabrielle. "C'est son nom... elle était plutôt drôle en fait... Je pouvais voir son visage quand elle se battait avec Xena... et lorsque Xena est arrivée derrière elle et l’a juste soulevée comme si elle était un sac d'avoine ou quelque chose comme ça.... J'ai cru que ses yeux allaient exploser."

Ephiny sourit. "Les miens l'auraient fait... et cette enfant n'a rien d’un poids plume." La Régente passa quelques minutes à se frotter les bras avec un bout d'éponge. "Comment fait-elle face à la situation ? Ça a dû être un choc après tout ce temps, hein ?"

Gabrielle souffla et réfléchit à la question. "Ça a été... oui, ça a été dur. Surtout quand on est parties la première fois... elle s'en voulait vraiment... elle avait beaucoup de questions... j'avais beaucoup de questions..." La barde secoua lentement la tête. "Décider de franchir à nouveau cette ligne a été difficile pour nous deux."

"Bon sang." murmura la Régente. "Tu sais, c'est drôle... Je n'ai jamais pensé à ça... Je suppose que je n'ai jamais cessé de la considérer comme une..." Elle se redressa maladroitement, réalisant ce qu'elle était sur le point de dire. "Quoi qu'il en soit... Je, euh..."

"Ce n'est pas grave." Répondit doucement Gabrielle. "Je ne l'ai jamais fait non plus." Ephiny leva ses yeux et croisa les siens. "Mais elle l'a fait." La barde fit une pause pour avaler la boule dans sa gorge. "La voir perdre ça m'a fait mal."

Ephiny se pencha sur le bord de la baignoire et posa une main sur son poignet. "Hé."

Gabrielle cligna des yeux et se frotta le visage avec son autre main. "Désolée..." Elle souffla lourdement. "C'est peut-être toute cette histoire stupide cette nuit... après avoir vu ça... Je te jure que j'ai envie de gifler ces femmes... qui jouent à des jeux comme ça avec elle.... arrgh."

Ephiny lui caressa le poignet avec son pouce. "Hé...Gab, tu nous connais." Dit-elle doucement à la barde. "Pour être une Amazone... tu dois accepter de vivre avec le fait d'être une éternelle outsider... nous formons nos propres familles et quiconque se trouve à l'extérieur doit mériter d'y entrer."

Gabrielle la regarda d'un air maussade.

"Je sais... je sais... Xena est une solitaire naturelle, c’est ça ? Elle ne rejoint pas les groupes, elle ne veut pas faire partie de quelque chose... la seule raison pour laquelle elle a accepté de devenir une Amazone, c'était pour toi." Ephiny fit une pause, puis elle se pencha plus près et regarda son amie. "Par Hadès, qu'est-ce que c'est sur ton bras ?"

"Ce n'est pas vrai... elle s'adapte très bien à Amphipolis." Répondit Gabrielle vivement. "La différence, c'est qu'ils l'acceptent pour qui et ce qu'elle est, alors que les Amazones ne l'ont jamais fait." Elle souffla en signe d'exaspération. "Et c'est un tatouage."

La mâchoire d'Ephiny se décrocha. "Un tatouage ? ?? TU as un tatouage ??? "Elle se tapa la tête avec sa main. "Ils doivent geler au Tartare." Elle se précipita hors de la baignoire et s'approcha, apportant une bougie avec elle pour mieux voir. "Qu'est-ce que c'est....." Sa voix s'éteignit.

"Tu as entendu ce que j'ai dit ?" Gabrielle attrapa doucement sa main. "Oublie ce satané tatouage."

Ephiny s'appuya sur le bord de la baignoire et la regarda. "Je t'ai entendue." Dit-elle à la barde tranquillement. "Et je pense que pendant un certain temps, c’était vrai. Nous avons refusé de l'accepter. Mais maintenant c'est maintenant... et maintenant c'est différent, Gabrielle. Tu le sais toi-même." Elle baissa légèrement la tête.  "Et je veux que tu saches….lorsque nous avons voté… le vote... était unanime."

Gabrielle resta silencieuse, absorbant l'information. Puis elle hocha légèrement la tête. "Très bien." murmura-t-elle, avant de jeter un coup d'œil à son bras. "Andreas marque ses gens... tous ceux qui servent sous ses ordres reçoivent sa marque."

Ephiny fixa les muscles lisses et arrondis du bras de Gabrielle. "Ce n'est pas sa marque."

"Non." Acquiesça la barde calmement. "L'homme qui fait ça... connaissait Xena, il y a longtemps. Il a vu ma bague et m'a mis ça à la place." Elle regarda la marque qui brillait doucement, l'œil de faucon   semblait presque lui faire un clin d'œil. "J'aime ça... ça me donne l'impression d'avoir rejoint sa tribu."

La Régente sourit. "Une tribu de deux personnes ?" Mais sa voix et ses yeux étaient doux.

"Trois." Gabrielle lui rendit son regard.  "Ephiny, sèche-toi... il fait froid ici et tu es trempée."

Son amie gloussa et lui tapota le bras. "Comment pourrais-je oublier ? Je n'ai pas encore réussi à enlever tout le vert de mes cheveux." Elle ramassa une pièce de lin pliée et la déplia, puis l’enroula autour de son corps.  "C'est une belle enfant... tu le sais, n'est-ce pas ?".

Gabrielle se détendit un peu avant de renverser la tête en arrière pour se rincer les cheveux. "Merci... je crois qu'elle l'est... elle a fait une nouvelle tête la veille de notre départ... le portrait craché de la mine renfrognée de Xena." Elle passa ses doigts dans ses cheveux mouillés. "Désolée pour la teinture verte... le tisserand la laissait refroidir dans le grenier à foin... il ne s'attendait vraiment pas à ce qu'elle renverse l'échelle, que ça touche cette botte de foin et que ça déverse le seau sur toi."

"Ouais, ouais..." Ephiny hésita, jeta un coup d'œil autour d'elle, puis s'appuya à nouveau sur le bord de la baignoire. "Gab... Je voulais te demander à propos de Dori." Elle baissa la voix. "J'ai vu des enfants grandir toute ma vie... et je n'en ai jamais vu un grandir aussi vite ou apprendre aussi rapidement comme elle le fait."

Gabrielle frotta un bras avec une éponge savonneuse. "Hum... merci... ouais, enfin, tu sais... je suppose qu'elle va être grande... et Cyrène a dit que Xena et Toris étaient comme ça quand ils étaient petits, alors..."

Un bruit les interrompit et elle leva les yeux, soulagée de voir son âme sœur franchir la porte, un morceau de linge sur son épaule. "Bonjour" salua Xena en leur jetant un regard curieux. "Vous jouez aux cartes ou quoi ?"  Elle avança vers les baignoires et posa une main dans celle de Gabrielle. "Tu partages ?"

"Tant que tu ne sautes pas dedans et ne mets pas de l'eau partout". Lui répondit la barde en secouant un doigt. "Tu as appris ça à Dori.. Je lui donnais son bain l'autre jour et elle était debout sur le bord de la baignoire... et tout d'un coup... bam !" La barde gifla l'eau d'une main. "De l'eau partout."

Xena grimaça et posa son linge à côté de la baignoire. Puis, elle retira sa chemise légère pour la déposer près de celle de la barde et entra très doucement dans la baignoire, en veillant à ne pas provoquer la moindre ondulation. "Voilà." Elle emmêla ses jambes avec celles de la barde et se pencha en arrière. "Pony est dehors."

"Ah bon ?" Ephiny regarda derrière elle. "Qu’est-ce qu’elle fait ?"

"Elle veille sur ta vertu." répondit Xena, sans détour.

"Ma quoi ?" La Régente étouffa un rire. "Oh... bon sang, c’est pas vrai."

"Je lui ai dit que je me portais garante de la tienne." Ajouta la guerrière en désignant la barde.

"Oh... sauve-moi. Je me sens menacée." Gabrielle se déplaça dans la baignoire et se jeta dans les bras de la guerrière. "Mmm... c'est mieux."

Xena regarda d'un air amusé la barde et se pencha en arrière, berçant Gabrielle contre sa poitrine. "Il va falloir qu'on aille plus vite, Eph... Je n'aime pas cette infiltration d'hier soir. Je suis à peu près sûre que ce n'était pas une Amazone. "

Ephiny effaça le sourire indulgent de son visage et hocha la tête. "J’ai réfléchi... nous avons déjà rassemblé la moitié des forces que nous espérions... il ne reste plus qu'à voir ce que fait Aslanta... et voir si tu peux passer un accord avec Tyldus." Elle essuya une oreille avec précaution. "Je pense qu'il est prêt à nous suivre..."

Des voix fortes attirèrent leur attention sur la porte, qui trembla sous une sorte de choc, puis s'ouvrit lentement. Eponine passa sa tête à l'intérieur. "Vous avez une visite." La maîtresse d’armes se renfrogna. "Aslanta."

Trois soupirs retentirent presque simultanément. "Eh bien, il vaut mieux le savoir maintenant." Ephiny leva une main. "Laisse-la entrer." Elle jeta un coup d'œil derrière elle, où Gabrielle s'était désolidarisée à contrecœur de son havre de paix et s'appuyait à nouveau contre la paroi de la baignoire. "C’est bon pour vous ?"

Xena hocha la tête. "Autant le faire maintenant."

Eponine se recula et ouvrit la porte, laissant à la grande Amazone à l'allure aristocratique la place d'entrer.

La Reine Amazone traversa la pièce, suivie de deux de ses guerrières à la tête haute et l’attitude très disciplinée. "Reine Gabrielle."

"Oui ? Bonjour." Répondit la barde avec calme. "Merci d'avoir envoyé votre combattante pour tester nos défenses la nuit dernière... c'était un bon exercice."

La femme s'arrêta, décontenancée par la douceur du discours. "Reine Gabrielle... mes guerrières ont de sérieuses réserves quant à notre adhésion à votre cause."

Gabrielle sembla absorber cela, alors qu'elle se frottait distraitement un genou. "Très bien." Répondit-elle sans hésiter. "Quel est votre plan alors ?"

Une pause. "Pardon ?"

"J'ai dit... quel est votre plan ?" répéta la barde. "Si vous n'aimez pas le nôtre... vous devez en avoir un que vous préférez. Alors... c'est quoi ? Peut-être que nous l'aimerons aussi." Elle jeta un coup d'œil à la femme beaucoup plus grande et inclina la tête en signe d'interrogation.

Aslanta la dévisagea. "Nous n'avons rien de tel."

"D’accord... alors... qu'est-ce que vous n'aimez pas dans notre plan ?" insista Gabrielle.

L’Amazone serra sa mâchoire plusieurs fois, mais aucun son ne sortit.

"Il doit bien y avoir quelque chose... à moins que ce ne soit simplement parce que ce n'est pas votre plan... mais ça ne peut pas être ça, parce que je sais que vous êtes toutes bien trop intelligentes pour laisser quelque chose comme l’ego nous empêcher de vaincre Andreas... vous savez toutes à quel point c'est important."

"Oui." Répondit la femme d'une voix étranglée. "Nous le savons."

"Alors... explique-moi." Gabrielle s'appuya sur le bord de la baignoire et la scruta. "Puisque ça ne peut pas être simplement le fait que tu ne mènes pas la danse, alors ça doit être quelque chose de vraiment critique... quelque chose qui, selon toi, ne va pas marcher... et j'apprécierais vraiment que tu me dises ce que c'est... pour que nous puissions réévaluer le plan si nécessaire."

Xena se contenta de rester assise et de regarder sa compagne faire. Les talents de négociatrice de Gabrielle l'avaient toujours fascinée. Elle était plus encline à essayer d'intimider ses adversaires ou à utiliser la force pour arriver à ses fins... mais les arguments prudents et raisonnables de son âme sœur avaient souvent raison de la plus dure des oppositions.

"Euh... nous... étions préoccupées... par l'utilisation qui sera faite de nos guerrières." Expliqua la femme à contrecœur. "Les Amazones ne sont pas comme les autres troupes".

Gabrielle jeta un coup d'œil à son âme sœur et leva un sourcil.

"J'ai l'intention d'utiliser les Amazones comme éclaireuses et dans les embuscades." répondit Xena. "Elles ne feront pas de charges à cheval... ou face à une troupe lourdement armée."

La barde lui sourit et reporta son regard sur Aslanta. "Cela te convient ?"

La grande Reine Amazone la regarda, puis la guerrière, avant de lui faire face à nouveau. "Hum... bien, oui... c'est une bonne utilisation de nos compétences, mais hum..."

"Alors... tu es partante ?" demanda Gabrielle avec intérêt, en s'appuyant sur ses coudes. "Nous serions ravies d'avoir votre expérience... nous avons tellement de jeunes guerrières qui pourraient apprendre beaucoup de ta tribu." Ses yeux verts fixaient l'autre femme avec douceur. "Cela serait vraiment utile."

Aslanta hésita un long moment, puis elle leva ses deux mains et les laissa retomber sur ses côtés. "Je vais transmettre vos réponses à mon Conseil... mais..."

Un hurlement brisa le silence relatif, puis des bruits de pas lourds se firent entendre, se dirigeant vers la hutte de bains, accompagnés de nouveaux hurlements de colère et de frustration.

Xena attrapa le bord de la baignoire et sauta par-dessus, mettant son corps entre la porte et Gabrielle quand elle s'ouvrit. Ses bras s'écartèrent légèrement et se tendirent alors que trois silhouettes entraient en trombe dans la pièce, se redressant d'un coup sec lorsque des yeux bleus glacés les clouèrent sur place.

"Whoa..whoa... attends... "Solari leva une main, reprenant son souffle. "Calme-toi, Championne."  Elle regarda Ephiny. " Des sentinelles viennent d'arriver du col... deux Amazones d'une tribu de montagne viennent d'arriver... elles faisaient partie d'une Nation entière qui a été prise. "

Xena et Gabrielle échangèrent un regard. "Par Andreas ?" demanda la guerrière, se redressant un peu en relâchant sa posture agressive.

Solari hocha la tête. " Oui... ils les ont mis en cage dans une zone de détention, juste en bas du col... il faut les sortir de là. "

"Bien sûr." approuva Aslanta sans hésiter, heureuse de cette interruption. "Je vais envoyer des guerrières immédiatement. Nous avons déjà commercé avec cette Nation auparavant." Elle commença à se retourner, quand Xena éleva la voix.

"Attends." La voix de la guerrière était dure.

"Tu ne veux sûrement pas nous empêcher de sauver nos sœurs." Aslanta lança un regard furieux à la grande guerrière. "Ce n'est pas la façon de faire des Amazones... du moins pas... dans notre nation." Ce dernier point était dirigé vers Ephiny et Gabrielle.

"Très bien." La guerrière posa ses mains sur ses hanches humides et arqua un sourcil sombre. « Vas-y. Va les sauver." Elle attendit la réaction d'Aslanta, puis elle fit un pas en avant, plus intimidante nue que n'importe laquelle d'entre elles en cuir. "Et quand vous vous dirigerez droit dans son piège et que ce sera vous dans ces cages, je ne viendrai pas vous chercher".

La Reine Amazone se redressa pour paraitre encore plus grande, ce qui l'amena au niveau des yeux clairs de Xena. "Tu ne sais pas si c'est un piège."

"Si c'était moi, ce serait sûrement le cas." répondit Xena, avec un sourire glacial.

Aslanta resta sans voix se contentant de lui jeter un regard noir.

Un silence s'installa. "Très bien... maintenant écoutez." La guerrière se déplaça dans la pièce en les regardant. "Réunissons-nous toutes dans la Salle du Conseil... dans une bougie." Elle passa la main derrière elle et attrapa son linge, l'enroulant autour de son corps d'un geste sauvage "Avant que quelqu'un ne fasse quelque chose de stupide."

Aslanta la regarda fixement pendant un moment. "Très bien." Répondit-elle d'une voix hachée, avant de se retourner et de sortir à grands pas, accompagnée de ses guerrières.

Un petit silence s'installa, puis Ephiny soupira. "Tant pis pour un bain agréable et paisible." Elle tendit sa serviette à Gabrielle alors que la barde sortait de la baignoire. "Tu penses vraiment que c'est un piège ?"

Xena croisa ses bras sur sa poitrine et souffla. "Je ne sais pas... mais nous allons devoir aller le découvrir".  Elle jeta un coup d'œil à la barde, qui se séchait vigoureusement. "Beau travail."

"Mmph.. " Gabrielle secoua la tête. "C'est une dure à cuire."

Elles quittèrent la hutte en silence, marchant dans un brouillard qui les couvrit d'une brume humide et parfumée à la fumée de bois.

*********************************************************

"Alors... quel est le plan ?" demanda Gabrielle alors qu'elles se changeaient, en regardant Xena se glisser dans ses cuirs bleus et attacher les sangles. "Nous allons aller les sauver, n'est-ce pas ?"

La guerrière la regarda d'un air ironique. "Tu me laisserais m'en tirer avec moins que ça ?"

Gabrielle rencontra son regard de manière égale. "Tu te laisserais aller à moins que ça ?"

Xena inclina la tête en signe de reconnaissance silencieuse. "Parlons plutôt du 'nous'."

La barde leva un sourcil blond en posant sa main sur sa hanche désormais recouverte de cuir. "Xena."

Sa compagne leva une main. "Attends... écoute-moi." La guerrière installa son armure et l’ajusta. "Ces Amazones ne me font pas confiance." Déclara-t-elle sans ambages. "Qu'elles le veuillent ou non, elles veulent la preuve que je ne vais pas les mener au désastre... et pour être honnête, Gabrielle, cela fait longtemps que je n'ai pas eu à diriger de véritable armée."

La barde leva l’autre sourcil en silence.

"Si tu viens avec nous... elles seront déchirées entre m'écouter et jouer leur petit jeu politique avec toi."

La barde baissa la tête et soupira.

"Cela ne prendra pas longtemps... J'aimerais leur laisser une chance de se faire une opinion sur moi, avant de les perdre." Conclut Xena en s'approchant de sa compagne et en posant une main sur son épaule.

Gabrielle resta silencieuse un long moment, ses pensées papillonnant visiblement sur son visage expressif.  "Crottes de centaure". Grommela-t-elle finalement.

C'était maintenant au tour de Xena de lever un sourcil.

"Pourquoi dois-tu toujours être aussi sensée, Xena ?" se plaignit la barde. "Très bien... alors qu'est-ce que je suis censée faire pendant que tu t'en vas ? Et si c'était un piège ?"

Bon. Xena était honnêtement surprise que son âme sœur, parfois têtue, ait cédé si facilement. "Avec un peu de chance, une seule d'entre elles voudra nous suivre... et tu pourras t’occuper de l'autre, et passer un accord avec Tyldus." Elle fit une pause. "Si c'est un piège, je le déclencherai."

"Hum..." La barde se mordilla la lèvre inférieure. "Elles étaient plutôt proches d'ici." Elle croisa le regard de Xena. "Tu penses qu'elles nous suivaient ?"

Xena hocha la tête. "Oui." Une pause. "Alors... on est d’accord ?"

Gabrielle soupira, puis reposa sa joue contre la main de la guerrière, qui enserrait toujours son épaule. "Je déteste ça."

"Mmm."

"Je déteste vraiment, vraiment ça... mes tripes me disent de ne pas rester derrière, Xena." répondit Gabrielle très honnêtement. "Mais je ne sais pas si c'est une prémonition ou si c'est juste... " Elle laissa sa voix s'éteindre et leva une main pour couvrir celle de sa compagne. "Tu sais ce que je veux dire."

Xena entoura ses épaules d'un bras. "Oui."

Un autre long silence passa alors que la lumière du soleil s'insinuait dans la hutte, peignant des bandes teintées de vert clair sur le sol.

"Très bien." Dit finalement la barde. "Mais... s'il te plaît, sois prudente." Elle leva les yeux et chercha les yeux bleu clair au-dessus d'elle, rassurée par l'affection chaleureuse qu'elle y trouva.

"Je le ferai... Je te le promets." Xena la serra dans ses bras et lui frotta le dos. "Viens... nous ferions mieux d'y aller avant qu'elles ne commencent à mâcher la table du Conseil." Elle relâcha sa compagne, puis elle réajusta sa tenue en lui chatouillant un peu les côtes au passage.

La barde lui tapa la main, mais sourit. " Je serais heureuse d'apprendre qu'elles viennent nous rejoindre... Je me sentais un peu mal à leur sujet. " Elle glissa sa main autour du bras de son âme sœur et rejoignit la porte, Arès sur leurs talons. "Certaines d'entre elles étaient très gentilles."

Xena acquiesça, mais se demanda intérieurement si les Amazones des Montagnes comptaient vraiment les rejoindre... ou les traquer pour la prime.

Elle supposait qu’elle allait le découvrir.

*********************************************

La salle bruyante se tût lorsqu'elles entrèrent, des regards furtifs étudièrent la guerrière et la barde alors qu'elles avançaient vers l'avant de la pièce et s'installaient derrière la table, rejoignant Aslanta, Gillen et une Ephiny à l'air très frustré. Gabrielle sourit à son amie, puis se tourna vers les autres.

"Asseyez-vous, s'il vous plaît." Elle attendit qu'elles le fassent, ce qu'elles firent, dans un bruissement de cuir et de plumes. "Merci." Elle s'assit ensuite elle-même et fixa son regard sur sa compagne qui était restée debout.

Xena attendit, laissant le silence s'allonger.  Elle tourna la tête et regarda les deux Amazones des Montagnes, qui semblaient fatiguées par le voyage et qui lui étaient inconnues. "Que s'est-il passé ?"

La plus jeune des deux se leva et souffla, essuyant ses mains tachées de feuilles sur ses cuisses. "Es-tu Xena ?"

La guerrière fit un bref signe de tête.

"Nous étions trente." Déclara la femme doucement. "Nous avons suivi la même route que vous... nous sommes tombées sur un bataillon là où nous nous y attendions le moins et ils nous ont surpris... ils avaient des arbalètes avec une sorte de drogue dessus... nous n'avions aucune chance."  Elle passa une main faiblement tremblante dans ses cheveux boueux. "La seule raison pour laquelle Ren et moi nous nous sommes échappées, c'est parce que nous étions un peu à l'écart, on cherchait des noix... nous avons vu ce qui s'est passé et nous avons couru."

Un faible murmure s'éleva autour d'elles, mais Xena hocha la tête. "Intelligent." Commenta-t-elle brièvement. "Très bien... il y a probablement une ou deux raisons pour lesquelles elles ont été capturées." La guerrière fit les cent pas derrière la table, jouant distraitement avec sa dague de ceinture. "Soit ils neutralisent un ennemi potentiel, soit ils tendent un piège."

"Un piège ?" demanda Gillen sèchement. "Pour quoi ?"

"Moi." Répondit Xena, d'une voix imperturbable. "Je pense que le piège est la raison la plus probable, car s'ils essayaient juste de neutraliser un ennemi potentiel, ils auraient simplement tué ces Amazones, ils ne les auraient pas capturées."

Des regards inquiets papillonnèrent dans tous les sens. "Et s'ils veulent les vendre comme esclaves ?" demanda froidement Aslanta. "Cela a autant de sens qu’un piège."

"Pas vraiment." Xena secoua la tête, poursuivant sa marche lente. "Nous sommes loin à l'intérieur des terres... il a déjà une énorme partie du territoire sous son emprise... il devrait les ramener à travers son territoire, puis jusqu'à la côte pour les vendre à un prix décent... personne d'ici n'achèterait des Amazones, pas en sachant pas ce qu'elles sont."

Tous les regards étaient tournés vers la guerrière maintenant et la voix de Xena prit une force froide, alors qu'elle se frayait un chemin vers l’élaboration d’une stratégie, les instincts longtemps endormis se réveillant et commençant à s’agiter avec intérêt. Le monde commença à perdre un peu de sa couleur, alors que le noir et blanc des tactiques de combat mettaient de côté les réflexes plus récents et elle se retrouva dans un état d'esprit qu'elle pensait avoir laissé derrière elle depuis longtemps.

C'était... Un léger sourire se dessina au coin de ses lèvres. Bon.  "Donc. Si c'est un piège, il faut le désamorcer, et s'ils essaient d'éliminer un ennemi, il faut les arrêter." Elle continua de jouer avec la dague dans sa main. "Je vais emmener un petit groupe là-bas et résoudre le problème, d'une manière ou d'une autre."

Un frisson d'excitation parcouru la pièce. Xena leur sourit, laissant libre cours à sa personnalité. "Quelqu'un veut se joindre à moi ?"

"Est-ce que les canards flottent ?" La voix d’Eponine se fit entendre dans le coin de la salle.

Un gloussement nerveux réagit à son ton. Aslanta se leva. "J'aimerais t’accompagner." Elle fit face à Xena, avec une expression froide et réservée. "Pour voir par moi-même la situation."

La guerrière leur fit un bref signe de tête. "Nous aurons besoin de dix guerrières. Choisissez-les et soyez prêtes devant l'écurie dans une bougie." Conclut-elle d’une voix sèche avant de se retourner et de faire un signe de la tête à Gabrielle.

La barde se leva doucement et croisa les bras sur sa poitrine. "Gillen... le Chef des Centaures sera là à peu près au même moment... J'aimerais que tu te joignes à nos discussions."

L'Amazone plus âgée l'étudia pendant un moment. "Très bien."

Il y eut un silence gênant, puis Ephiny se leva d'un bond. "Ok... allons-y alors... bougez-vous... nous avons des choses à faire." Elle regarda la salle se vider, les voix s'élevant jusqu'à un grondement sourd à mesure qu'elles sortaient, finissant par les laisser, elle, Gabrielle et Xena, seules dans la pièce. La Régente étudia le sol, puis elle jeta un coup d'œil à ses amies. Xena était debout près de la fenêtre, appuyée contre le rebord, et Gabrielle s'était perchée sur un coin de la table du Conseil. "Tu es en train de flétrir mes cuirs." déclara Ephiny avec amertume.

Xena se retourna et lui lança un regard. "Quoi ?"

"Hein ?" lâcha Gabrielle en même temps.

"Bien sûr... bien sûr... tu parles d’un choix !" Ephiny leva les mains. "Est-ce que je reste ici, comme une bonne petite Régente, ou est-ce que je me laisse aller à mon côté sauvage et je suis Xena sur la piste ?"

Xena se racla la gorge et croisa les bras, tandis que sa compagne riait doucement. "Désolée." S’excusa la guerrière. "Nous avons pensé qu'il serait préférable de calmer la situation ici et de laisser Gabrielle faire son travail".

Ephiny soupira "Ok... bien sûr... mais si je pars, Pony ne peut pas… et vous voulez vraiment l’entendre pleurnicher ? Ce sera pire que lorsqu'ils ont écrasé la queue d'Ares avec ce satané chariot le mois dernier."

Le loup leva les yeux vers elle, depuis sa position confortablement lovée aux pieds de Xena. "Roo ?"

"Ouais, roo à toi aussi." La Régente leur lança un regard noir. "Soyez maudites toutes les deux."

Un silence parcourut la pièce pendant quelques instants. "Tu as un côté sauvage ?" demanda finalement Gabrielle, ingénument.

La Régente Amazone lui jeta un regard profondément contrarié. "Qu'est-ce que tu veux dire ? Bien sûr que j'ai un côté sauvage."

Les regards vert et bleu se rencontrèrent et les sourcils de Xena remontèrent jusqu'à la naissance de ses cheveux.

"Oh... très bien. Je n'ai pas besoin de rester là à me faire insulter." Ephiny partit en laissant derrière elle deux âmes sœurs déconcertées.

"Mmm." Gabrielle se gratta la mâchoire. "Tu crois que c’est sa mauvaise période du mois ?"

La guerrière renifla et secoua la tête. "J'espère que ce n'est pas contagieux."

************************************************************

"Prête ?" demanda Gabrielle en regardant derrière le corps de sa grande compagne le petit groupe d'Amazones qui attendait. Celles-ci étaient équipées de fourrures et d’armes et étaient observées par l'ensemble de la population Amazone avec un mélange d'envie et d'amusement.

"A peu près." Répondit Xena en ajustant une sangle de son sac à dos.

"Ne t'enfuis pas et ne les perds pas."

Les longs doigts s’arrêtèrent. "Aw." La guerrière lui fit un clin d'œil. "Mais elles devront suivre le rythme."

"Xena...sérieusement." La barde lui donna une tape sur le côté. "Sois gentille."  Le groupe était varié, deux représentantes de chaque tribu en visite et le reste de la sienne, avec une Eponine stoïquement excitée au premier rang. Elle soupçonnait la maîtresse d'armes de s'empêcher de sautiller, un contraste étrange avec Cait qui attendait patiemment. Elle avait exigé d'être autorisée à partir et avait tout simplement refusé d'accepter un non comme réponse.  Solari et trois autres Amazones complétaient le groupe, toutes choisies par Eponine pour leurs compétences en matière de pistage ou de combat.

"Très bien." La barde soupira. "D'après mon expérience... ça fait de toi la personne la plus diplomate du groupe."

Xena jeta un coup d'œil. "Hum... ouais, je pense." Répondit-elle distraitement. Bedda et Aslanta représentaient leur tribu et deux Amazones inconnues, apparemment des sœurs d'après leur apparence, représentaient celle de Gillen. "De toute façon, nous n’aurons pas le temps de beaucoup parler".

"Quel soulagement." Fit remarquer Gabrielle ironiquement.

La guerrière s’arrêta de régler ses sangles et jeta un coup d'œil à la jeune femme. "Hé ! Je rêve ou tu viens de te moquer de moi ?"

La barde rit doucement et s'appuya contre elle, prenant une dernière bouffée réconfortante de l'odeur de son âme sœur. "Tu es en fait une sacrée bavarde quand tu le décides, chérie." Elle leva la tête et regarda Xena avec affection. "Je ne peux pas te dire combien de fois tu m'as complètement retournée avec juste quelques mots."

Xena se déplaça légèrement, remit son épée en place, puis laissa une main se poser sur la joue de la barde. "Je t'aime."

Gabrielle resserra légèrement ses lèvres puis avala difficilement. "Tu vois ?"  Elles échangèrent un sourire. "Sois prudente." Elle se redressa et embrassa la guerrière.

"Toi aussi." Répondit Xena en la serrant brièvement dans ses bras. Puis elles se séparèrent et la guerrière fit une pause, redressa ses épaules et se retourna pour marcher vers le groupe en attente d'un pas assuré.

Gabrielle soupira en s'adossant au mur de ses quartiers, jetant un regard noir à Ephiny qui s'approchait. "N’y pense même pas."

La Régente fit une pause et cligna des yeux. "Huh ?"

"Ne commence pas à te plaindre de rester derrière... parce que je vais devoir faire quelque chose de drastique, comme forcer tout le monde à écouter de la mauvaise poésie toute la nuit." la prévint la barde.

Ephiny la fixa un moment sans rien dire. "Oh." Son visage se plissa en une grimace compréhensive. "Tu veux y aller aussi, hein ?"

"Ouais." Répondit Gabrielle tout doucement.

"Allez, Gabrielle... Elles ne seront parties que... quoi, un jour ? Deux ?" Ephiny rit et lui tapa sur l'épaule. "Je sais que tu es attachée à ces beaux yeux bleus, mais..."

La barde se renfrogna. "Ce n'est pas ça."

La Régente releva l'un de ses sourcils.

Gabrielle roula des yeux. "Ok, ce n'est pas QUE ça." Elle souffla. "J'ai juste un mauvais pressentiment à ce sujet."

"Oh." Ephiny se mordit la lèvre, regardant le groupe partir, la grande forme de Xena en tête. "Super. Et tu me le dis."

La barde releva les yeux et croisa son regard. "Je voulais quelqu'un avec qui m'inquiéter."

Ephiny soupira et s'écrasa contre le mur.

*******************************************************

C'était une belle journée. Xena regardait autour d'elle en appréciant le paysage, sentant son corps s'adapter automatiquement aux irrégularités occasionnelles du terrain. Elles voyageaient depuis cinq bougies et elle commençait à se demander si elle devait continuer après la disparition du soleil ou s'arrêter pour la nuit et retarder leur arrivée jusqu'aux premières lueurs du jour suivant.

Les deux options avaient leurs avantages et leurs inconvénients, réalisa Xena en décrochant sa gourde et en prenant une gorgée qu'elle fit tournoyer avant d’avaler. Si elle continuait, l'affaire serait réglée plus rapidement et elle éviterait d'avoir à passer une de ces longues soirées autour d'un feu de camp avec un groupe maladroitement constitué.

C'était une idée très séduisante. D'un autre côté, cependant…  Xena sauta par-dessus un tronc d'arbre abattu et poursuivit sa route en écoutant les jurons étouffés derrière elle. D'un autre côté, elle se doutait que les Amazones commençaient à être fatiguées et s'approcher d'un camp ennemi en pleine nuit, avec des guerrières fatiguées, était une idée tout à fait stupide.

Xena jeta un rapide coup d'œil derrière elle, apercevant les visages ombrageux et déterminés qui suivaient son chemin. Le soleil descendait doucement à l’ouest, faisant scintiller la sueur qui parsemait les corps dénudés.

Son objectif sur cette première étape, était d'établir qu'elle était physiquement capable de les diriger. La guerrière prit une grande inspiration et la relâcha, satisfaite de la réponse de son corps. Objectif atteint ? Elle accéléra le pas et tendit l'oreille.

"Par la grande Hera...elle ne s'arrête jamais ?

"Elle nous prend pour des chevaux de guerre ?"

"Ferme-la Solari... et arrête de pleurnicher où je te fouette le cul avec tes propres cuirs."

Xena sourit au sifflement féroce d'Eponine.

"Tu as un problème avec cette petite course, mon chou ?" continua la maîtresse d'armes sur un ton plus fort. "On fait ça tout le temps."

"Non... pas de problème." C'est la voix de Bedda qui répondit, celle qui avait lancé le premier juron qu'elle avait entendu. "Nous allons deux fois plus loin avant le petit déjeuner."

Xena ricana doucement et secoua la tête, puis elle jeta un coup d'œil sur le côté, alors que Cait la rattrapait. "Salut." Dit-elle à la jeune Amazone. "Des problèmes ?"

Cait s'installa à côté d'elle. "Pas vraiment.... bien que je pense que tu as mis le reste du groupe dans une situation un peu difficile."

"Moi ?" répondit la guerrière innocemment, se faisant un devoir de regarder derrière elle. "Qu'est-ce qu'il y a ?"

Cait regarda autour d'elle, puis elle se rapprocha. "Des démangeaisons." Expliqua-t-elle, avec une expression sérieuse, comme si ce qu'elle voulait dire serait parfaitement clair pour Xena.

La guerrière ne put que se retenir de mettre une main sur sa bouche pour éviter un éclat de rire. "Ah." Répondit-elle à la place, avec un hochement de tête grave. "C'est un problème."

"C'est vrai." Acquiesça Cait légèrement. "Tu vas avoir pitié d'elles ?"

Xena courut sur quelques pas, puis se lança dans un saut périlleux avant d’atterrir en douceur sans rompre sa foulée. "Tu crois que je devrais ?"

Cait considéra la question sérieusement. Elle se mordilla la lèvre, puis se retourna et se gratta le cou. "S'il n'y avait que nous, je continuerais."

La guerrière hocha la tête. "Mais il n'y a pas que nous."

"Non." Confirma Cait avec regret. "Je ne vois pas pourquoi."

Le rôle d'un Chef, se rappela Xena, était aussi d'enseigner. "Il ne s'agit pas seulement de sauver des Amazones, Cait."

La jeune fille croisa son regard. "Non ?"

Elles coururent en silence pendant un moment. "Faire confiance est difficile." Expliqua finalement Xena. "Quand tu acceptes de suivre quelqu'un, tu dois lui confier ta vie, et plus encore."

Cait hocha lentement la tête tout en continuant d’avancer. "Tout à fait d'accord."

"Si toutes ces Amazones nous suivent... elles devront le faire avec moi."

La jeune fille blonde et mince concentra son regard sur le chemin, ses sourcils se contractant. "Donc... tu leur apprends que c'est tout à fait possible, c’est ça ?"

Xena hocha la tête.

"Splendide." Cait lui fit un signe de tête rapide. "Je suis heureuse d'entendre ça."

La guerrière pencha la tête en signe de questionnement muet.

La jeune fille se rapprocha à nouveau. "J'ai besoin d'un peu de repos." Chuchota-t-elle. "Mais ne leur dis pas."

Xena sourit puis elle regarda le soleil qui descendait sous les arbres. Elle repéra un petit chemin qui s'éloignait de la route principale et leva la main, ralentissant son rythme avant de finalement s'arrêter.

Eponine arriva la première, en faisant tout un spectacle en sautant de haut en bas plusieurs fois avant de mettre ses mains sur ses hanches et de regarder Xena. "Un problème ?"

La guerrière attendit que le reste du groupe les rejoigne, puis elle désigna le chemin. "Nous camperons près de la source ce soir... et nous repartirons avant l'aube. Je veux arriver juste au moment où le soleil se lève pour pouvoir évaluer l'endroit avant de commencer."

Il n'y eu pas de réaction visible, mais des oreilles plus aiguisées que celles d'une bête sauvage captèrent plusieurs soupirs de soulagement, ainsi que d'autres bruits plus personnels de vague inconfort.

"Eh bien... je déteste perdre du temps comme ça." Eponine laissa échapper un soupir de dépit. "Mais tu marques un point.... allez Solari... allons repérer l'endroit."  Elle tira sur les cuirs de Solari, l'entraînant dans une course rapide alors qu'elles disparaissaient sur le chemin.

Xena s'efforça de ne pas afficher un sourire en coin et se tourna vers le reste du groupe. Aslanta se rapprocha en levant le menton et en se redressant pour se mettre à la hauteur de la guerrière. "Nous avons assez de provisions pour faire un petit camp, pas de chasse. Je veux que tout le monde se repose." Déclara la guerrière fermement. "Nous n'avons pas le droit à l'erreur."

La grande Reine blonde la regardait tranquillement, sa poitrine se soulevant et s'abaissant encore rapidement et sa peau était couverte de sueur.

Xena la regardait fixement, consciente de sa propre respiration lente et mesurée. Lentement, un petit sourire entendu se dessina au coin de ses lèvres et une lueur d'humour moqueur apparut dans ses yeux bleus. "Quelque chose ne va pas ?

Aslanta aspira une bouffée d'air, puis la relâcha, en faisant un petit mouvement de tête. "Tout va bien." Mais ses lèvres se pincèrent dans une réaction pensive, alors qu'elle se tournait et faisait signe à ses guerrières d'avancer. "Venez." Elles se mirent en route et les Amazones de la tribu de Gillen les survirent, jetant des coups d'œil à Xena avec des regards mêlés de respect et de doute.

La guerrière laissa échapper un léger gloussement, presque silencieux, puis tapota dans le dos de Cait avant de se mettre à les suivre.

*************************************************

Gabrielle plongea sa plume d'oie dans son encrier et essuya soigneusement l'excédent avant de poser à nouveau la pointe sur le parchemin et d'écrire quelques mots supplémentaires. Par habitude, elle s'arrêta et mordit le bord de la plume, suçant les plumes qui contenaient un soupçon de gingembre.

Le document était un traité et il englobait la participation de sa propre Nation, celle des deux autres Nations Amazones en visite et les Centaures, spécifiant la durée du mandat et les devoirs auxquels les différents peuples devraient répondre.

De l'autre côté de la pièce, Gillen était assise et discutait calmement avec les deux Amazones des montagnes et Ephiny. Tyldus était en face d'elle, le Centaure était détendu dans une posture droite, les bras croisés sur sa poitrine massive.

" Très bien. " La barde s'éclaircit la gorge. " Nous sommes d'accord pour que soixante-dix pour cent de tous nos combattants disponibles soient envoyés à Amphipolis... ce qui laisse trente pour cent pour sécuriser les villages et fournir un moyen de défense si nécessaire. "

Gillen souffla. "Trente pour cent ne feront rien si ces salauds nous attaquent." Dit-elle pour marquer son désaccord.

Gabrielle prit une gorgée du cidre frais qu'on venait de leur servir et l'avala, sentant la légère brûlure descendre dans ses entrailles. "Nous avons parlé de plusieurs itinéraires de fuite, au cas où cela arriverait, pour se mettre hors de leur chemin, plutôt que de les défier." Elle fit un gribouillage dans une marge. "Xena et moi avons envisagé de trouver un endroit sûr près de la côte également... nous pourrions y envoyer nos aînés et les enfants."

"J'aime cette idée." Déclara Tyldus d’une voix forte. "Moins d'inquiétude pour nous... Je ne veux pas que les poulains et les pouliches se fassent écraser." Il déplaça ses sabots et se rapprocha un peu plus de Gabrielle, se baissant pour soulever sa propre tasse et en boire une gorgée.

"Ça ne résout pas tout... il y aura toujours des personnes en danger... nos artisanes, par exemple." répondit Gillen. "Je n'aime pas ça."

Ephiny et Gabrielle échangèrent un regard. "Eh bien, nous pourrions faire ce qui est évident." déclara Ephiny. "Combiner les trois villages... de cette façon les guerriers laissés derrière seraient en nombre égal à une force normale."

Oh... bonne idée. Gabrielle cacha un sourire. "Mmm... bonne idée. Eph... on peut envoyer les anciens et les enfants en sécurité, et remplir le village de femmes valides et de combattants... si quelqu'un attaque, il y aura de quoi se battre."

Gillen hésita, leur jetant un coup d'œil. "Mais quels villages devront être abandonnés ?" demanda-t-elle. "Je veux dire, oui... ça a un sens stratégique, mais aucun d'entre nous ne voudra être celui qui quitte sa maison."

Urgh. Vrai. Gabrielle mâcha sa plume, puis tourna la tête et rencontra le regard attentif et patient de Tyldus. Ils se regardèrent pendant un long moment, puis le Centaure se racla la gorge.

"Il est vrai que personne n'aime abandonner son territoire... mais d'un point de vue logistique et tactique, il serait préférable que la défense se fasse d'ici." Déclara Tyldus d’une voix chaude. "Et si c'est le cas, la partie de mes guerriers qui restera, se joindra au groupe, pour aider à l'effort commun."

"Quoi ?" Gillen se leva brusquement. "Tu veux dire que non seulement nous devons abandonner nos maisons, mais que nous devons aussi vivre avec des Centaures ?"

Gabrielle se leva et croisa les bras, fixant froidement la femme du regard. "C'est normal que les Centaures offrent leur vie pour la tienne... mais anormal de partager un village avec eux ? C'est ce que tu es en train de dire ?" demanda la barde, d'une voix claire et cassante, en levant une main pour calmer la réplique de Tyldus. "C'est quoi cette merde de mouton ?"  Elle sentit son sang bouillonner et avant qu'elle ne le réalise, sa colère déborda et dépassa ses défenses.

L'autre Reine Amazone fit un pas en avant, levant une main vers elle. "Tu en demandes trop."  protesta-t-elle. "Je ne peux pas changer des générations de traditions... et je ne le veux pas."

La barde laissa tomber sa plume et fit le tour de son bureau, s'approchant de l'autre femme d'un pas puissant, ne s'arrêtant que lorsqu'elle fut dans l'espace personnel de l'Amazone. "Alors partez." Lui dit-elle d’une voix froide. "Parce que nous n'avons besoin que de personnes qui comprennent que vivre signifie changer et que refuser de le faire ne mène qu'au désastre."

Le visage de Gillen s'assombrit de colère et elle se hérissa, se redressant devant l'attitude agressive de la petite femme. "Tu penses que tu peux m'écraser comme ça ? Pour qui te prends-tu, Gabrielle ?"

Les yeux verts, d'habitude si ouverts et ensoleillés, grisonnèrent et devinrent froids, alors que le corps de la barde se raidissait en réaction, les muscles se contractant visiblement sous la peau bronzée. Un silence s'installa et Gabrielle prit la parole.

"Je...sais.... qui...je...suis.". dit-elle d’une voix ferme. "La question est, qui vas-tu être ? L'Amazone qui s'enfuit ou l'Amazone qui va m’aider à vaincre la plus dangereuse menace que nos Nations n’aient jamais croisée ?"

Gillen leva les mains, pour atteindre les cuirs de la barde, seulement pour trouver ses poignets saisis et maintenus dans une prise solide et puissante. "Lâche-moi."

"Choisis." Répondit Gabrielle, en renforçant sa prise. "Je ne vais pas perdre notre temps à travailler sur un accord avec quelqu'un qui ne peut pas voir au-delà des arbres pour trouver la forêt en train de mourir."

L'Amazone tira sur ses bras, tordant son corps musclé pour se libérer, mais l'emprise de Gabrielle ne céda pas et le corps puissant de la barde contra la traction de l'autre femme, les maintenant toutes deux debout et ensemble. "Je vais te tuer." Hurla Gillen, la rage colorant son visage de rouge et de violet. "Si tu ne me lâches pas tout de suite."

Gabrielle tint bon, consciente de l'enjeu. "Tu es loin d'avoir ce qu'il faut pour faire ça." Répondit-elle en la poussant en arrière et en dégageant la chaise d'un coup de pied. Elle capta le regard surpris et inquiet d'Ephiny lorsque la Régente recula, mais elle l'ignora pour se rapprocher à nouveau de l'autre femme. "Tout ce que j'ai entendu de toi ce soir c’est que nous ne pouvons pas faire ci ou ça... pourquoi ?" demanda-t-elle brusquement.

Gillen cessa de se débattre, incapable de briser la puissante emprise de Gabrielle. Elle regarda fixement les yeux de la barde, respirant dans de courtes et vives respirations. "Je ne pensais pas vraiment que tu étais une Amazone."

Intérieurement, Gabrielle soupira, une note de tristesse mélancolique résonnant clairement dans son cœur. "Et maintenant ?"

L'autre femme soutint son regard un instant de plus, puis elle détourna et baissa les yeux. "Maintenant, je le pense."

La barde la relâcha et fit un pas en arrière, laissant ses mains tomber sur les côtés, regrettant déjà son emportement. "Très bien." Répondit-elle calmement. "Maintenant, nous pouvons peut-être aller quelque part." Elle se retourna et se dirigea vers son bureau, s'installant derrière avec lassitude, consciente du fait qu'elle venait de faire ce qu’elle avait fait promettre à son âme sœur de ne pas faire.

Bon sang. Pourquoi fallait-il toujours en venir à la violence ? "Revenons à l'idée d'Ephiny... combiner les villages pendant que nos guerriers seront sur le terrain." Elle appuya son coude sur la table et releva la tête, considérant les mots sur le parchemin. "Peut-être que nous pourrions créer un Comité de direction... pour gérer l’ensemble du groupe et prendre des décisions conjointement pendant la guerre."

Gillen s'était rassise, le visage fermé. "Tu ne prévois donc pas de rester ?"

La barde leva les yeux, surprise par la question. "Moi ?" murmura-t-elle. "Non... Je serai avec l'armée."

L'autre Amazone resta silencieuse pendant un moment. "Tu mèneras tes guerrières au combat, alors."

Gabrielle eut l'impression que le temps ralentissait, alors que le sens des mots la frappait et que des regards interrogateurs se tournaient vers elle.

Mener les Amazones au combat.

Non. Elle ne pouvait pas faire ça.

Pas du tout. Ce n'est pas qui elle était, ce n'est pas comme ça qu'elle faisait les choses. Elle se chargeait des discussions mais c’était Xena qui était celle qui menait les troupes au combat.

Pas elle. Les Amazones respectaient ses talents de négociatrice, mais elles ne la suivraient jamais dans un combat... pas avant un million d'années.

Pas vrai ?

Gabrielle sentait les yeux d'Ephiny sur elle et elle ne put s'empêcher de les croiser, le regard calme de la Régente révélant une vérité simple que son esprit refusait d’accepter.

"Nous suivrons la Reine Gabrielle jusqu'aux portes d'Hadès." Déclara Ephiny simplement. "Si c'est là qu'elle a choisi de nous conduire."

Non. Je ne peux pas faire ça. Je ne suis pas une guerrière.

N’est-ce pas ?

Si je suis la Reine... alors je dois les diriger. Je ne peux pas les envoyer là où je ne veux pas aller.

Par les Dieux. Gabrielle sentit un poids se poser sur ses épaules et elle cligna deux fois des yeux avant de parler. "Si c'est ce que mon rôle exige... alors oui, je le ferai."  Déclara-t-elle, essayant de nier le faible, mais perceptible, frisson d'excitation sombre que cette pensée faisait naître en elle.

Gillen inclina un peu la tête. "Un... Comité de direction me semble... être une bonne idée." Murmura-t-elle. "Je vais en parler à mon Conseil... pour voir ce qu’elles en pensent."

"D'accord." Accepta Gabrielle.

Ephiny se leva, ajustant distraitement un de ses bracelets. "Tu souhaites faire une petite pause avant le dîner ? Le coucher du soleil approche." Demanda-t-elle à Gabrielle tranquillement.

Une pause. Oh par les Dieux... oui. "Bonne idée." Répondit la barde. "Nous avons tous besoin d'une pause." Elle regarda la pièce se vider, Tyldus partant le dernier, à l’exception d’Ephiny qui se détourna de la porte et vint vers elle. "Eph..."

"Ecoute..."

"Donne-moi un peu de temps, d'accord ?" l'interrompit Gabrielle doucement. "S’il-te-plait."

Piquée au vif, Ephiny s'arrêta et la regarda fixement, puis elle souffla doucement. "Très bien." Elle se retourna et quitta la pièce, ses bottes s'écrasant légèrement sur le sol, avant de laisser le silence derrière elle.

Gabrielle posa son front sur ses poings et déglutit contre la bile qui montait dans sa gorge. Elle perdit la bataille quelques instants plus tard lorsque son corps se rebella et qu'elle s'empara d'une bassine d'eau à proximité, vomissant plusieurs fois.

Par les Dieux. Elle prit une grande inspiration. Qu'est-ce qui m'arrive ? 

****************************************************

Le feu crépitait doucement, une douce balance aux sons rythmés des grillons et au bruit de l'acier contre la pierre alors que les Amazones s'installaient pour leur repos du soir.  Elles avaient délimité une petite clairière près d'une source et établi un camp bien ordonné, chaque groupe s’était séparé un peu des autres et tous avaient laissé un espace libre autour de l'endroit que Xena avait choisi pour elle.

Cela lui convenait parfaitement, songea la guerrière, alors qu'elle étendait ses jambes sur les fourrures chaudes et remuait les orteils, respirant l'odeur du foyer que dégageaient les couvertures dépliées et le léger soupçon de l'odeur distinctive de son âme sœur qui s'y accrochait.

Elle avait choisi une parcelle d'herbe en forme de Y juste à côté de la source, nichée dans un affleurement de granit qui protégeait son dos du vent et lui offrait un bon appui. De là où elle était, elle pouvait voir le chemin qui arrivait et le reste du camp et elle fit un petit signe de tête satisfait face à l'ordre qui y régnait.

Bien sûr, il manquait une chose. La guerrière effleura du bout des doigts la moitié vide de leur fourrure de nuit, se demandant ce que sa compagne faisait. La présence chaleureuse de Gabrielle lui manquait, même si c’est elle qui avait eu l'idée de laisser la barde derrière elle et qu'elle ne le regrettait pas.

Avec un soupir, elle ramena son sac et le posa entre ses jambes, avant de l’ouvrir et de fouiller pour voir ce qu'elle pouvait trouver comme dîner. Un paquet emballé se trouvait sur le dessus et elle le sortit, l'examinant avec curiosité. "Humm... qu'avons-nous là ?" Elle en déballa un coin, puis sourit lorsqu'une odeur savoureuse s'éleva et attira ses narines. "Mmm... et d'où viens-tu, toi ?" Elle finit de déplier l'emballage, révélant une paire de tourtes à la viande bien fournies dans une pâte faite par une main familière et à côté un papier avec une écriture sombre et griffonnée dessus.

"Quand diable a-t-elle fait ça ?" se demanda Xena doucement pour elle-même, alors qu'elle soulevait une tarte et en prenait une bouchée, souriant un peu au goût familier que Gabrielle savait qu’elle adorait. "Mmm... c'est encore meilleur que celui de maman."  Elle se pencha en arrière et souffla de contentement, prenant une gorgée de son outre d'eau avant de croquer à nouveau sa tarte tandis qu'elle étalait l'emballage le long d'une jambe et savourait les mots plus que la nourriture.

Hé, partenaire !

J'espère que tu ne liras pas ceci en continuant à marcher, parce que si tu pousses encore ces pauvres filles, tu devrais leur accorder une petite pause, tu sais ? Tu peux être assez difficile à suivre si elles ne sont pas habituées au rythme que tu imposes, comme je le suis.

Xena laissa échapper un léger rire. "Si seulement tu savais." Murmura-t-elle doucement, en se rappelant les longs mois où elle avait délibérément ralenti sa progression, pour donner à une certaine jeune fille une chance de rester à ses côtés.

Je sais que tu les aimes... J'ai dû utiliser mon rang par contre et virer Esta d'un de ses fours pour les faire...  J'espère qu'elle me pardonnera. Je lui ai donné la recette comme une sorte de prix de consolation. Je crois qu'elle pense que je suis un peu folle quand il s'agit de toi...

Un peu folle ?  Les yeux bleus regardèrent le feu et les formes sombres des Amazones qui l'entouraient. Elle imagina son âme sœur écartant doucement la cuisinière qui protestait et se mordit la lèvre, touchée par ce petit geste affectueux.

Eh bien, bonne chance ... J'espère que ce sera un sauvetage facile, d'accord ?  Je sais que c'est un peu stupide pour moi d'être assise ici et de m'inquiéter pour toi, mais c'est le cas, et une grande partie de moi souhaiterait être là avec toi, parce que ces Amazones peuvent être négligentes parfois et elles ont quelque chose de très précieux pour moi avec elles.

Tu comprends ?

Je comprends. Les lèvres de Xena se transformèrent en un sourire. J'aimerais que tu sois là, aussi, Gabrielle... mes arrières se sentent particulièrement seules quand que tu ne les surveilles pas.

Sois sage. Je t'aime.

G

Je t'aime aussi.  Xena plia soigneusement le papier et le rangea à l'intérieur de son armure, puis commença à déguster sa deuxième tarte, laissant sa tête s'appuyer contre la roche fraîche avant de diriger ses yeux vers les étoiles.

Un bruissement lui fit tourner la tête alors qu'Eponine s'approchait et elle leva un sourcil lorsque l'Amazone aux cheveux noirs s'installa à côté d'elle. "Hé."

Eponine était en train de ronger un morceau de venaison. "Qu'est-ce que tu manges ?"

 "Des tourtes à la viande." Répondit Xena en lui montrant sa main.

La maîtresse d'armes renifla de dégoût. "Je vois ça. Nous, on ronge les sabots des centaures." Elle se rapprocha et regarda la tarte. "Comment as-tu eu ça ? Je ne savais pas qu'Esta en faisait."

"Elle ne les a pas faites." Xena prit une bouchée et mâcha avec satisfaction. "C'est Gabrielle qui les a faites."

Eponine soupira. "Ça doit être bon." Elle grignota son bœuf séché.

"Ça l'est." Répondit la guerrière doucement. "Quand je dirigeais mon armée, on faisait tout le temps des choses pour moi... les bottes cirées, l'armure nettoyée... ma tente montée... mais je n'ai jamais eu quelqu’un qui fasse quelque chose pour moi sans attendre quelque chose en retour." Elle fit une pause. "Jusqu'à ce que je la rencontre."

Eponine baissa les yeux, admirant distraitement le bout de sa botte alors qu'elle considérait les mots. "Tu as déjà fait quelque chose en retour ?" demanda-t-elle en levant la tête pour croiser le regard de la guerrière.

"Bien sûr." Reconnut la guerrière en jetant un coup d'œil autour d'elle pour s'assurer que personne n'écoutait.

"Comme quoi ?" Eponine se rapprocha en lui lançant un regard empli de curiosité.

Sans raison, Xena se sentit rougir et elle fût heureuse de l'obscurité et de la lumière du feu qui la couvrait. "Je ne sais pas... juste... des choses que je sais qu'elle aime." Elle regarda le visage d'Eponine. "Pourquoi ?"

"Mmm." L'Amazone haussa les épaules. "Je me demande juste... Je fais des trucs pour Eph parfois... mais ça devient toujours un peu bizarre."

Xena réfléchit à la question, puis elle laissa un sourire en coin se dessiner sur ses lèvres. "C'est parce que vous vous ressemblez beaucoup trop toutes les deux." Lui répondit-elle. "Vous avez toutes les deux un ego d'Amazone à gérer."

Eponine fronça les sourcils. "Quoi ? Quel ego ?" protesta-t-elle avec indignation. "Je n'ai pas d'ego... tu es folle ?"

Un rire s'échappa de la poitrine de Xena, la faisant presque recracher un morceau de tourte sur le sol. "Sérieusement, Pony..." Elle s'essuya la bouche et prit une gorgée d'eau. "C'est encore plus solide qu’un crottin de centaure qui sèche au soleil depuis plusieurs jours... tout le village en a."

"Oh... et comme si toi, tu n’en avais pas ?" renâcla l’Amazone, ignorant les regards qui commençaient à se poser sur elles.

"Bien sûr que j'en ai un." Xena baissa la voix et lança un regard dur à l'Amazone. "Mais pas Gabrielle."

"Oh." Eponine se tût pendant un instant.

"Ouais, oh." Répéta la guerrière. "Nous sommes très différentes l'une de l'autre." Elle souffla doucement. "Heureusement... et ça rend plus facile de partager des trucs comme ça."

"Oh." L’Amazone fit une pause. "Tu sais, j'aime avoir ces conversations sensibles avec toi, Xena."

La guerrière la foudroya du regard. "Ce n'était pas une discussion sensible." Grogna-t-elle. "Ce n'est pas mon style."

"Bien sûr." Eponine se déplaça et tenta d’arracher le morceau de papier qui dépassait de l'armure de Xena. "Tu as gardé ça pour une raison quelconque ?"

Xena lui frappa la main et lui jeta un regard noir. "Attention, Eponine."

L'Amazone sourit, pas du tout intimidée. Après un moment, la guerrière se détendit et lui rendit son sourire, remarquant l’air visiblement plus détendu des autres Amazones de l'autre côté du feu lorsqu'elles entendirent leur léger badinage.

"Tu l'as fait exprès". remarqua Xena, à voix basse.

Un sourire malicieux et un haussement d'épaules lui répondirent. "Ouais... Je peux être subtile, mais je dois vraiment y travailler." Répondit-elle en marmonnant.

Xena regarda le cercle de visages pensivement, puis elle brisa la moitié de sa tarte et la lui tendit. "Tiens."

Eponine l'accepta avec un sourire en coin. "Hé... ça a plutôt bien marché ça aussi... Je pense que je m'améliore dans ce domaine de la politique" Elle grignota un morceau de tarte. "Bon sang... tu as droit à des trucs comme ça tout le temps ?"

"Ouais." répondit tranquillement Xena, un souvenir cristallin refaisant surface, d'un moment ludique entre elle et son âme sœur... un pari pour gagner des boulettes farcies aux fruits pour lesquelles elle avait ouvertement supplié et que la barde avait accepté de lui donner en riant.

Ce dernier moment de jeu avant que les Furies ne les trouvent et que son monde ne s'enfonce dans un gouffre dont elle n'aurait jamais pensé sortir un jour. Ce fût la dernière fois qu'elle osa demander quelque chose à Gabrielle pendant un très, très long moment.

"Xena ?" La voix était venue de derrière elle et elle s'était retournée pour voir Gabrielle s'approcher d’elle, portant sa sacoche sur une épaule. Elles avaient entrepris un court voyage depuis la maison et elles étaient maintenant juste au-dessus de Potadeia. Elle avait pris soin d'y aller lentement, consciente de la grossesse de son âme sœur.

"Humm ?" avait-t-elle répondu en observant la forme familière et robuste avec un sentiment d'affection presque triste. Gabrielle commençait à montrer des premiers signes de grossesse et la barde qui en avait pris conscience, portait l'une des chemises de sa compagne pour dissimuler sa taille qui se développait doucement.

La barde s'était installée à côté d'elle, laissant ses mains reposer sur le sac. " Je pensais faire des sandwichs... il nous reste de la venaison et j'ai ramassé du cresson... ça te va ? Il fait un peu chaud pour cuisiner."

Une pomme ronde et brillante était tombée du sac à ce moment-là et Xena l'avait ramassée, l'étudiant avec nostalgie pendant un moment avant de la rendre. "Bien sûr... ça a l'air bien." Avait-elle répondu en repoussant l'envie soudaine de pommes rôties que Gabrielle avait préparées pour elle à une époque, longtemps auparavant.

Demander... n'était pas une option. Cela touchait un domaine encore trop sensible, trop proche de la rupture qui l’avait séparée de son âme sœur et des souvenirs qu'elle gardait de leur éloignement. Quoi que Gabrielle ait décidé de faire, ce serait parfait. Elle avait décidé de ne plus jamais se plaindre, de ne plus jamais demander quelque chose, de ne plus jamais pousser la barde plus qu'elle ne le souhaitait.  "Tu es sûre que tu ne veux pas que je fasse autre chose ?"

Des yeux verts l'étudiaient intensément, soutenus par une âme qui connaissait la sienne comme aucune autre ne l'avait jamais fait. "Xena."

Elle sourit avec amertume. "Oui, je sais... arrête de faire la mère poule."

Une main avait touché son menton, la faisant lever les yeux de surprise, pour découvrir un regard plein de compassion fixé sur elle. "Tu sais... s'il y a quelque chose que tu veux... tu peux me le demander." Avait-elle dit doucement. "Tu ne l'as pas fait... depuis longtemps et je n'étais pas sûre que... je veux dire... je voulais que tu saches que c'est bon."

Xena avait pris une inspiration, ne sachant pas quoi répondre. Elle avait finalement simplement hoché la tête. "Merci... Je vais... m'en souvenir."

La main avait gardé sa prise. "Tu veux quelque chose en ce moment ? Je pensais que peut-être... hum... " Gabrielle s’était tue. "C'est pas grave."  Avait-elle terminé dans un murmure, laissant sa main retomber sur ses genoux en relâchant une respiration.

Xena avait soudainement réalisé qu'il était aussi important pour Gabrielle que pour elle que cette minuscule preuve de confiance, extérieurement insignifiante, soit donnée, et que la barde ne la considèrerait pas comme un ordre, mais comme une marque de confiance dans leur relation.

Une marque qui avait, apparemment, manqué à la barde.

"Hum." Xena avait ouvert le sac et récupéré la pomme, l'attrapant dans une main avant de la faire tourner entre ses doigts. "Je... ne sais pas si tu peux... hum... faire cette chose que tu fais avec les noix... et le hum..."

"Bien sûr." avait répondu rapidement Gabrielle. "J'ai même un peu de ce miel que tu as ramassé près de la rivière... si tu fais un feu... on pourrait en avoir pour le dessert."

Et c'est ce qu'elles avaient fait, une riche douceur que Xena pouvait encore goûter au fond de sa bouche, ayant peu à voir avec le miel mais tout à voir avec l'amour qui avait été mis dans leur fabrication.

Le retour à la maison avait été long, c'est vrai.

"Eh bien, tu es une fille d'hydre chanceuse, je peux te le dire." Eponine avait savouré le dernier bout de sa tourte à la viande avec un soupir exagéré. "J'aime Eph, mais Artémis le sait, je cuisine mieux qu'elle."

Un éclat de rire accueillit ses paroles et Solari se leva, brossant ses cuirs. "Hé... Je ne suis pas barde, mais est-ce que vous voulez entendre parler du dernier sanglier que nous avons dû abattre ?" Un chœur de murmures encourageants retentit et elle commença à raconter, posant sa voix sur le claquement du feu et le hululement d'un hibou solitaire en chasse.

************************************************

Une étincelle s'échappant du feu de joie s'éleva en spirale et Gabrielle laissa son regard la suivre, jusqu'à ce que la braise rejoigne la voûte d'étoiles au-dessus de sa tête. Ils avaient réglé quelques détails supplémentaires après la pause, puis avaient décidé que rien de plus ne pouvait être fait avant le retour de Xena et Aslanta.

Gillen et Tyldus avaient toutefois signé le traité et étaient prêts à envoyer des guerriers à Amphipolis, pour rejoindre ceux que Gabrielle avait engagés, et cela, elle le supposait, était une victoire certaine. Si Aslanta était également d'accord, alors leur travail ici était terminé et elles pourraient commencer à rentrer chez elles, vers la tâche énorme qui les attendait là-bas.

Un doux tambourinage commença et la barde leva les yeux pour voir un cercle de danseuses se former dans l'arène extérieure qu'elles avaient choisie pour prendre leur repas tardif, puisque la salle à manger ne pouvait tout simplement pas contenir toutes les femmes, résidentes ou en visite. Elle était assise sur une plate-forme rembourrée, surplombant le feu de joie, avec Ares à ses côtés et un plateau de plats presque intacts.

La barde souffla et prit une gorgée d'hydromel froid de sa chope tandis que ses doigts parcouraient lentement la fourrure du loup. Elle était toujours déstabilisée par sa réaction violente de tout à l'heure, et le subtil, mais perceptible, courant d'excitation qu'elle pouvait maintenant sentir chez les Amazones ne la rendait pas plus à l'aise.

Elles voulaient la guerre. Gabrielle ressentit un frisson la parcourir en entendant les voix basses et intenses qui parlaient autour d’elle. Elles voulaient ça... ça les touchait d'une manière profonde qu'elle ne comprenait pas vraiment, apportant une énergie vibrante au Village qui l'effrayait presque dans son étrangeté.

Et dans sa totale familiarité, venant d'un endroit qu'elle voyait si souvent apparaitre dans les yeux bleu clair de son âme sœur.

Tu ne seras jamais comme elles, lui avait un jour dit Xena, avec une inclinaison de la tête qui l'incluait aussi dans cette déclaration. Tu ressens trop les choses.  Gabrielle soupira à nouveau et secoua la tête, regardant la danse avec des yeux fatigués. Peut-être que Xena avait raison après tout... Elle ne ressentait aucune excitation, aucune anticipation... seulement la tristesse imminente de savoir que les gens qu'elle connaissait et qu'elle aimait seraient en grand danger... et qu’elle allait probablement perdre certains d’entre eux.

Comment peut-on vouloir cela ? C'était une partie de Xena qu'elle n'avait jamais vraiment, honnêtement, comprise, qu'elle avait seulement acceptée avec le reste d'elle-même.

Le besoin, elle le comprenait. Se sacrifier pour ses amis... ça, elle le comprenait mieux que quiconque. Mais s'en réjouir ?

Non. Elle avait vu trop de pertes pour comprendre cela.

Des pas crissèrent à proximité et elle leva les yeux pour apercevoir Ephiny qui la regardait, les yeux noisette de la Régente assombris par la lumière du feu. "Hé... quoi de neuf ?"

Ephiny prit cela pour une invitation et monta sur la plate-forme avant de s'installer à ses côtés. "Je suis venue ici pour te le demander justement... tu sembles plutôt calme." Elle regarda son amie. "J'ai trouvé que la séance de ce soir s'était plutôt bien passée."

Gabrielle hocha lentement la tête. "C'est vrai... on est arrivé à obtenir tout ce que j'espérais." Répondit-elle doucement.

La Régente l'étudia. "Mais tu détestes ça, n’est-ce pas ?"

La barde lui retourna son regard. "Je fais partie de la minorité, je pense."

Ephiny soupira, baissa la tête pour reporter son regard sur ses mains alors qu'elle serrait ses bras autour de ses genoux levés. "D'une certaine façon... mais pas complétement, Gabrielle."  Répondit-elle honnêtement. "Les jeunes guerrières... sans aucun doute... elles n'ont jamais vu la guerre."  Elle releva la tête et rencontra les yeux de la barde. "Celles d'entre nous qui l'ont fait.... C’est un mélange entre le fait de savoir ce que c'est que de voir ses amis... et sa famille mourir, et savoir que pour faire ça, et le faire avec succès, il faut être confiant."

Gabrielle réfléchit à cela pendant un moment. "C'est ce que Xena dit aussi." Admit-elle finalement. "Tout est dans l'attitude... pour diriger les gens, tu dois d'abord te diriger toi-même... si tu es confiante... si tu crois en toi, ils le comprendront et te suivront."

Ephiny gloussa doucement. "Elle sait de quoi elle parle."

Des cils clairs s'agitèrent et la barde cligna des yeux. "Oui... je l'ai vue faire des dizaines de fois... mais je suppose que c'est différent pour moi, parce que je connais la vérité... je connais ses doutes, ses peurs... et à quel point tout ça n’est qu’une façade."

Un silence s'installa. "Incroyable." Dit finalement la Régente, très doucement. "Je n'ai jamais pensé... J'ai toujours supposé..." Elle regarda son amie avec perplexité. "J'ai toujours pensé que si Xena croyait absolument en quelque chose, c'était en elle-même."

Un lent sourire, presque triste, traversa le visage de Gabrielle. "Non... s'il y a une vérité en quoi elle croit absolument... c'est ma foi en elle." Les mains de la barde se déplacèrent dans la fourrure d'Arès. "Il m'a fallu tellement de temps pour comprendre cela."

Ephiny resta silencieuse.

Les tambours accélérèrent leur rythme et d'autres danseuses se joignirent au premier groupe, les corps se balançant sur un rythme sensuel.

"Eph ?"

"Hm ?"

"Tu peux m'apprendre ça ?" Gabrielle leva le menton et désigna la danse.

Ephiny relâcha lentement une respiration, puis hocha la tête, avant de se remettre debout et de lui tendre la main. "Bien sûr."

La barde la prit et se leva avant de se diriger vers la lumière du feu.

**********************************************

Un faible éclat de lumière violette se reflétait sur les doigts d'une main posée sur l'écorce d'un arbre couvert de mousse. Sa propriétaire se tenait tranquillement dans la brume de l'aube, observant les herbes humides de rosée d’une vallée silencieuse et brumeuse.

Pas même un oiseau ne chantait, comme si le monde attendait, observé par des yeux incolores qui prenaient doucement une teinte bleue alors que le soleil se rapprochait de l'horizon. Xena observait la ville qui émergeait lentement avec des yeux calmes et énigmatiques, étudiant l'espace environnant avec attention.

Une faible lueur grise soulignait la structure du bâtiment, laissant apercevoir une porte fermée et silencieuse et les formes immobiles des observateurs sur les murs. Sur un côté, un épais peuplement d'arbres bruissait, niché entre la courbe de la rivière et un mur de montagne en granit.

"C'est de la folie de laisser des arbres si près." murmura Aslanta doucement. "Nous pouvons traverser la rivière là… " Elle pointa un long doigt au-delà de l'épaule de Xena. "Et arriver près de la porte de l'écluse."

Xena parcourut le site avec attention, avant de secouer la tête. "Non."

La Reine Amazone leva un sourcil. "Pourquoi ? Ça nous fournit une couverture parfaite."

"C'est un piège parfait pour eux." Expliqua la guerrière à voix basse. "Ils nous attraperont entre les murs et la rivière... c'est profond là-bas et tu vois à quelle vitesse l'eau coule ?"

Aslanta l'étudia tranquillement. "Tu penses vraiment que c'est un piège, alors."

"Oh oui." répondit Xena. "Très bien... Pony, prends cinq Amazones avec toi et va par-là." Elle tira la maîtresse d'armes et lui montra la zone en question en lui murmurant à voix basse.

"Mais..." protesta Eponine.

Xena lui jeta un regard et elle se calma. " Aw... c'est toi qui auras tout le plaisir. " grommela l’Amazone. "Pas juste... bon, vous toutes..." Elle sélectionna son groupe et s'éloigna, laissant Xena avec Aslanta, Cait, l'une des Amazones de Gillen et Solari.

La guerrière retourna à son poste, observant tranquillement la ville dans l'aube grandissante. "Regardez comme ils s'attendent à des problèmes." Leur dit-elle en pointant du doigt les gardes qui faisaient leurs rondes.

"Que proposes-tu alors ?" demanda Aslanta.

Un léger sourire malicieux apparut sur le visage de Xena. "On leur donne ce qu'ils recherchent."  Elle fit un pas en arrière, puis détacha sa cape de son armure et retira son épée. "Il faut d'abord leur donner une raison de nous laisser entrer."

"Qu'est-ce que tu veux dire ?" demanda Solari, avec un soupçon de nervosité.

"Va chercher de la corde." Ordonna la guerrière avant de se tourner vers Cait. "Tiens... laisse-moi l’attacher à ton dos."

Les yeux de Cait s'arrondirent alors qu'elle obéissait, sentant le poids de l'épée alors que son idole la fixait sur elle. "Euh...pour quoi faire ?"

"Voilà la corde, mais..." Solari marqua une hésitation en la lui tendant. "Qu'est-ce que tu manigances ?"

Xena se retourna et tendit ses mains, les croisant aux poignets. "Vous êtes des chasseuses de primes." Elle laissa un sourire sinistre traverser son visage. " Et vous m'avez attrapée."

Solari se figea, choquée. "C'est une blague." Déclara-t-elle finalement. "N’est-ce-pas ? Tu ne veux pas vraiment que je t'attache et que je te traîne là-dedans."

La guerrière hocha la tête solennellement. "C'est exactement ce que je veux que tu fasses."  lui dit-elle calmement. « Ça nous permettra d'entrer."

"Tu es folle." S’exclama Aslanta d’une voix étranglée. "Ils ne le croiront pas une minute... ils nous enchaîneront avec toi." Elle secoua la tête. "Les Amazones ne se dénonceraient jamais l’une des leurs."

"Elles ne le feraient pas ?" répondit Xena d’une voix sardonique. "Nous avons dû nous battre contre une demi-douzaine d'entre elles dans les montagnes... Ma tête est mise à prix à dix mille dinars."

Des regards choqués se croisèrent. "Dix mille ?" aspira Aslanta. "Qu'est-ce qui nous empêche de le faire pour de vrai alors ? Une fois que nous t'aurons ligotée ?"

"Moi, pour commencer." répondit Cait d'un ton placide. "J'ai bien peur de devoir vous arracher le cœur si vous essayez."

La Reine Amazone la dévisagea, puis l'expression calme et légèrement amusée de Xena. "C’est de la folie.... Que ferons-nous une fois à l'intérieur ?"

"Ça dépend de la disposition des lieux. Vous n'aurez qu'à me suivre." Répliqua la guerrière. "A mon avis, la majorité des gardes ne sont pas dans l’enceinte d’entrée…. Je pense que nous pouvons éliminer ceux qui y sont, puis créer une diversion et faire sortir le reste des Amazones. "

"Une diversion... et qu'est-ce qui te fait penser que les gardes ne sont pas là ?" demanda Aslanta. "Ça ne marchera jamais."

Le visage de Xena resta impassible. "Si ça ne marche pas... vous n’aurez qu'à prendre votre récompense et partir... je m'occuperai de me faire sortir."

Cait inspira vivement, mais resta silencieuse lorsqu’elle croisa des yeux bleus glacés qui la fixèrent. Une petite grimace apparut toutefois sur son visage et elle croisa ses bras sur sa fine poitrine.

"Finissons-en avec ça." Xena tendit à nouveau les bras. "Bouge-toi, Solari... on n’a pas toute la journée."

La guerrière se tint debout patiemment alors que des cordes lui liaient les poignets et qu’elle regardait Solari attacher soigneusement des boucles autour de ses pieds bottés, lui donnant juste assez de mou pour faire de petits pas. Pour être honnête, elle était un peu nerveuse à propos de tout ça, étant donné ce qu'elle savait ce qu’elles s’apprêtaient à faire et elle grimaça en pensant à ce que Gabrielle aurait eu à dire à ce sujet. Mais elle savait aussi que c'était le moyen le plus rapide d'entrer dans la ville avec le moins de chance de les faire tuer.

Une fois à l'intérieur, par contre... Xena soupira et testa ses liens, les trouvant fâcheusement serrés et restrictifs. "Très bien... allons-y."  Elle se tourna prudemment, puis s'arrêta et baissa les mains, écartant un peu sa cape. "Cait... prends ça."

La jeune Amazone s'approcha et retira le chakram de son crochet avec révérence, passant ses doigts sur le dessin légèrement en relief sur sa surface. "J'en prendrai grand soin, Xena." lui promit-elle doucement.

"Je sais."  Répondit la guerrière. "Fais attention... c'est très coupant."

"Je sais." Cait y passa avec précaution un bout de lanière de cuir et l'attacha à sa ceinture en testant sa prise avant de se redresser et de hocher la tête. "Bien... allons-y."

*************************************

Gabrielle se réveilla dans une semi obscurité, le souffle court, avec une sensation dérangeante au plus profond d’elle-même qui la faisait se retourner dans le lit en se tenant le ventre alors qu’elle essayait de contrôler la panique qui faisait battre son cœur dans sa poitrine.

Après un moment, la panique se calma et elle put respirer à nouveau. Elle se redressa et regarda le plafond à moitié enveloppé dans la pénombre de l'aube. "Xena, tu ferais mieux de ne pas avoir d'ennuis." Dit-elle aux poutres en bois. "Tu m'as promis."  Avec un soupir, elle se redressa, un gémissement lui échappa alors que sa tête battit fortement, lui rappelant les excès de la nuit précédente.

"Urgh.... Je pense que j'en ai trop fait, Ares." Marmonna-t-elle en se frottant le visage d'une main. Le loup leva les yeux de sa position recroquevillée sur le bout du lit et bailla, puis reposa sa tête et ferma les yeux. "Hum, merci."

Gabrielle sortit du lit et s'arrêta, s'agrippant à l'un des poteaux pour se soutenir alors que son estomac se rebellait violemment et elle resta là pendant quelques minutes à simplement déglutir et à essayer de ne pas vomir. "Oh ouais. C'était stupide." Finit-elle par marmonner avant de se diriger lentement vers l'endroit où la trousse de Xena était rangée et de fouiller dedans.

"Je pense que ça doit être ça..." Elle ouvrit les paquets, essayant de se rappeler ce que son âme sœur utilisait pour les gueules de bois. "Remercions les Dieux que je n'en ai pas souvent besoin." Elle attrapa une poignée d’herbe puis la renifla et grimaça. "Oh ouais... c'est ça."

Elle déposa les herbes dans une tasse et y ajouta une bonne quantité d'eau froide qu'elle remua jusqu'à ce que l’ensemble soit bien mélangé. Deux gorgées suffisaient heureusement et elle se tint le nez pendant qu'elle avalait, espérant que son estomac ne lui renvoie pas le breuvage. "Ugh."

Ares gémit.

"Ouais... ouais... je sais... c'était stupide."  Gabrielle se laissa tomber sur la chaise à côté d’elle et reposa sa tête dans ses mains. "Je ne pensais pas en avoir bu autant."  Elle ferma les yeux et se concentra, essayant de se souvenir. "Deux... trois... non, … pas plus."

Trois tasses d'hydromel, c'est tout, mais avec un estomac vide, réalisa-t-elle, ça n'avait pas été une bonne idée. A son crédit, elle se souvenait de toute la nuit, des cours de danse, qui n'avait pas été difficiles, et puis la pratique, ses mouvements se fondant dans la foule des Amazones dans un brouillard de souvenirs brumeux de corps en sueur, de tambours et de contacts occasionnels qui avaient finalement franchi la ligne.

Les yeux de Gillen sur elle et les mains de l'Amazone plus âgée sur sa taille, la pressant de manière suggestive. "Allez Gabrielle... c'est la meilleure partie d'être une Amazone." Ces yeux l'avaient regardée d'un air entendu, alors que ses doigts effleuraient son ventre nu. "Ne me dis pas que ça ne fait pas du bien."

Et c'était le cas. Gabrielle savait que c'était une chose acceptée dans les tribus aussi, un contact occasionnel qui soulageait la tension et... qu’est-ce qu’Ephiny disait déjà ? Ça élargissait les horizons. Même Xena le savait. Elle l'avait commenté plusieurs fois, lui donnant l'impression que son âme sœur comprendrait si elle avait envie d'essayer... d'explorer un peu en dehors de son expérience, plutôt restreinte.

Xena l'avait sûrement fait.

Elle s'était sentie bien, et Gillen était très belle, et la peau de Gabrielle, déjà sensibilisée par l'ambiance et la musique, avait vibré en réponse, la poussant à céder et à accepter l'offre, amplifiée par le frôlement des corps chauds contre le sien, tandis que les autres continuaient à danser.

"Non merci." Avait-elle finalement dit en faisant un pas en arrière, s'éloignant du feu, des danseuses et des contacts. Elle ne voulait pas de cette complication dans sa vie, ou sur sa conscience, même si tout le monde disait que c'était normal.

Gillen, soûle, avait ri. "Toujours une petite bergère à l'intérieur, hein ?"

Ça avait fait mal et Gabrielle avait répondu sans réfléchir. "Non...simplement il n’y a rien ici qui puisse égaler ce à quoi je suis habituée."

Les Amazones qui l'entouraient avaient émis des sifflets et des gloussements. La barde avait rougi, mais le feu l'avait caché et elle était retournée à ses quartiers sans aide, pour se glisser dans son lit et serrer son oreiller, à moitié honteuse et à moitié fière dans un mélange d'émotions.

Elle rougit à nouveau en y pensant, sentant la chaleur contre le bout de ses doigts. "Je ne peux pas croire que j'ai dit ça." Elle soupira, clignant des yeux de soulagement lorsque les herbes commencèrent à agir et que sa tête commença à s'éclaircir. Son estomac se calmait également, et maintenant elle se demandait si son réveil était vraiment dû à sa beuverie ou à leur connexion.

Elle espérait que c'était dû à l'hydromel. Avec un soupir, elle se leva et prit une grande inspiration, heureuse de sentir que la nausée diminuait. Elle fronça les sourcils, puis elle grogna doucement et retourna à leurs affaires, fouillant dans la sacoche de Xena jusqu'à ce qu'elle trouve deux barres aux céréales soigneusement emballées, qui dégageaient une odeur de fruits et de miel lorsqu'elle les approcha. Elle marcha jusqu'au lit et s'y installa, se blottissant contre ses oreillers avant de prendre une bouchée. Ares rampa immédiatement et colla son nez près de son visage, sa queue s'agitant contre sa jambe.

"Oh bien sûr." Marmonna la barde entre deux bouchées. "Je te signale que tu ne partages jamais rien avec moi."

Le loup posa son museau sur ses pattes et la regarda plaintivement à travers des cils sombres.

"N'essaie même pas... tu sais que ça ne marche qu'avec Xena." le prévint-elle, souriant un peu à la façon dont la queue d'Arès battit rapidement contre elle en entendant le nom de son âme sœur. "Tu sais de qui je parle, hein ?"  Elle gloussa, puis céda et cassa un morceau afin de lui offrir. "Ok... mais juste un peu. Ça te rend malade."

Les dents blanches s'écartèrent et acceptèrent le morceau délicatement avant de l’avaler sans prendre la peine de le mâcher. "Arorrr." Il renifla sa main, puis la lécha, et elle ébouriffa sa fourrure affectueusement.

Elle s’allongea finalement sur le dos et regarda par la fenêtre, où la lumière du petit matin commençait à dessiner les feuilles dehors et où une brise fraîche apportait des notes de fumée de bois et les premiers frémissements de la journée.

Qu'est-ce que son âme sœur était en train de faire, se demanda-t-elle curieusement, en ressentant une forte sensation d'impatience dans ses tripes ?

************************************

Les portes devenaient de plus en plus grandes à mesure qu’elles approchaient, malgré le rythme lent qu'elles étaient obligées de maintenir pour permettre à Xena de marcher sans trébucher. Elles savaient qu'elles avaient été repérées dès qu'elles avaient traversé la rivière et l'ex-chef de guerre gardait obligeamment la tête basse et les épaules affaissées dans une attitude de reddition.

Cait, marchant à ses côtés, tenait l'une des extrémités d'une corde attachée au cou de Xena, et l'expression du visage de la jeune fille, un mélange de fierté féroce et de prudence, rendait hommage à la confiance que Cait savait que son idole avait placée en elle. "Tu vas bien ?" souffla la jeune Amazone doucement.

"Je n'ai jamais été aussi bien." répondit Xena, à voix basse. "Continue d'avancer."  Solari et Aslanta étaient devant elles et les deux autres derrières. Elle souhaita brièvement que l’avancée vers les portes, au moins, soit terminée. Les petites foulées mettaient son dos à rude épreuve et elle ressentait une gêne particulièrement inconfortable entre ses omoplates.

Les gardes les saluèrent par des grognements et Xena se força à rester immobile lorsqu'un paquet de boue jeté paresseusement passa à côté de sa tête, frappant le sol derrière elle avec un bruit sourd et détrempé.

"Arrêtez-vous !" aboya une voix masculine et elle entendit un craquement lorsque la porte s'ouvrit et que des pas se rapprochèrent. "Qu'avons-nous là ?"

"Vous avez une rançon pour Xena d'Amphipolis." Déclara Solari sans ambages, d’une voix froide et dure. "Je suis venue la récupérer."

Il y a eu un silence de mort pendant un moment, puis l'homme souffla. "Fils de bacchante." Il s'approcha prudemment de Xena, puis dégaina son épée et lui plaqua la pointe sous le menton, la forçant à relever la tête.  La guerrière n'avait pas les yeux fixes et semblait hébétée. "Elle est droguée ?"

"Bien sûr." Siffla Solari. "Tu me prends pour une folle ? Elle en a assez en elle pour rester comme ça pendant peut-être... huit ou neuf marques de bougie. Après ça, c'est votre problème."

Ça faisait du bien de rester immobile. Xena laissa ses muscles se détendre tout en essayant de se préparer à la phase suivante du plan. S'ils les laissaient entrer, elle devrait prendre une décision rapide dans un sens ou dans l'autre et Cait était sur le qui-vive à côté d'elle, prête à trancher ses liens en un instant.

"Très bien... amenez-la à l'intérieur." L'homme gloussa. "Je vais être promu pour ça... c’est sûr."  Il gifla Xena sur la joue avec le plat de son épée, puis laissa retomber son épée. "Fils de bacchante."

"Tu me montres les dinars d'abord." Riposta Solari en secouant la tête. "Ou il n’y a pas de marché."

Le capitaine de la garde la regarda avec dédain. "Quoi... tu crois que je les transporte dans ma poche ? Tu veux ta récompense... alors viens. Je vais te donner un message, tu devras le porter à Andreas. Il te donnera tes dinars... ne t'inquiète pas pour ça. Il la veut vraiment... vraiment."

Solari fit une pause, semblant considérer l'offre. "C'est le mieux que je puisse obtenir. " dit-elle après avoir soupiré. "Ajoute une nuit en auberge pour nous, et c'est bon."

Les yeux de l'homme parcoururent les corps des femmes et il sourit. "Vous l'avez." Il tourna la tête. "Ouvrez les portes... et préparez la grande cellule. Les menottes, la totale."  Une acclamation s'éleva. "Et trouvez-moi un messager !"

Xena sentit une légère traction sur la corde de son cou et elle commença à avancer, levant lentement la tête pour que sa vision périphérique soit la plus complète possible. Lorsqu'elles franchirent les portes, ses yeux balayèrent l'intérieur, repérant immédiatement les cages des Amazones des montagnes.

Des coups d'œil rapides lui permirent d’analyser la situation. Elle nota le petit groupe de soldats qui observaient, les gardes sur les murs, les artisans en arrière-plan.

Les gardes se moquaient d'elle.

Son esprit comptait calmement les adversaires.

Une motte de terre heurta son épaule.

Xena sourit. "Cait."

La porte se referma, le son couvrant le doux murmure de l'acier séparant la corde qui retenait ses mains ensemble.

Le capitaine gloussa doucement et dégaina son épée. "Maintenant nous avons encore plus d'Amazones à vendre... attrapez-les !"

Xena mit une main sur la poignée de son épée et tira, puis sauta par-dessus Aslanta et arracha l'arme des mains de l'homme d'un seul coup, presque négligent. "Tu crois ça, hein ?"  Elle bascula la tête en arrière et laissa échapper un cri sauvage et retentissant, alors que les soldats chargeaient.

Le capitaine plongea pour récupérer son épée, avant de s’éloigner dans une roulade bien effectuée. "Très habile, mais nous t'attendions, Xena." Il rit. "Sonnez l'alarme !"

Une corne retentit alors que les Amazones attaquaient les gardes. Xena en élimina un d'un coup de pied, puis dégagea un peu d'espace autour d'elle et se mit au travail, dégainant sa dague et utilisant les deux armes efficacement.

Cait laissa échapper un rire et resta près elle, les lames jumelles qu'elle portait scintillant dans la faible lumière du soleil alors qu'elle se glissait sous les bras d'un combattant et arrivait derrière lui, le poignardant vicieusement dans le dos avec les deux mains, envoyant un double jet de sang à l'extérieur. Il tomba avec un gargouillis et elle le relâcha pour s’occuper d’un autre soldat qui tentait d’attaquer Xena par derrière.

Par-dessus le fracas des armes, un grondement sourd retentit et Xena put entendre les cris de nombreux hommes, ainsi qu'un autre son qui lui donna des frissons dans le dos.

"Tu entends ça ?" La nargua le capitaine, esquivant une attaque avant d’essayer de bloquer l’épée de Xena avec la sienne. "Tu es piégée !"  Il fit un pas en arrière. "Ouvrez les portes !"

"Tu ne veux pas faire ça." Le prévint Xena avec un sourire, alors qu'elle s'accroupissait, puis se poussait du sol, faisant un saut périlleux par-dessus sa tête pour atterrir derrière lui, avant de lui asséner un coup de pied dans le dos et de l'envoyer voler. "Fais-moi confiance."

Un homme se précipita vers les portes et souleva la barre, essayant de la dégager. "Donnez-moi un coup de main !" cria-t-il avant d’hurler quand la lame de Cait se fraya un chemin entre ses côtes et l'envoya s'affaisser contre le bois.

La guerrière regarda ses Amazones qui repoussaient les gardes, puis elle se retourna et fonça vers les cages, où les occupantes étaient regroupées, les mains agrippées aux barreaux, leurs voix s'élevant en signe de soutien. "Reculez !" cria-t-elle en levant la poignée de son épée et en l'abattant sur la serrure de la première cage.

"Ils ont une armée dehors, Xena !" C'était une voix familière. "Sortez d'ici !"

La guerrière ouvrit la porte d'un coup sec. "Je sais... bougez-vous !"

Les Amazones passèrent devant elle, tandis que la bataille se déplaçait vers les portes, les Amazones empêchant les soldats de l'ouvrir. Un martèlement se fit entendre de l'autre côté et Xena jeta un regard dans cette direction, avant de se rendre à la cage suivante et de l'ouvrir d'un coup de pied. "Bougez !"

Un craquement l'avertit et elle se retourna pour voir les gardes tirer les portes. "Amazones !" cria-t-elle d’une voix forte. "Par ici !"

Elles coururent vers elle et elle leur pointa du doigt les toits : "Montez là... Allez...Dépêchez-vous ! Bougez !!!"

"Quoi ?" cria Aslanta. "Tu es folle ?"

Xena la poussa violemment. "Bouge-toi !" Elle ouvrit les dernières cages alors qu'un fracas retentissait derrière elle et qu'un grondement sourd et écrasant emplissait la ville.

Elle se mit à courir, poussant les dernières Amazones devant elle et atteignit les marches d'un terrain plus élevé juste au moment où un mur d'eau la frappa derrière les genoux, l'envoyant s'étaler, incapable de retrouver son équilibre.

Bon sang. La vague la plaqua contre le bord d'un muret, l'assommant presque et elle se retrouva coincée, l'eau boueuse et turbulente lui montant au nez et l'étouffant presque. Une boîte s'écrasa sur sa tête et elle resta clouée sur place, dans une obscurité impétueuse qui fit resurgir un violent souvenir de sa mémoire.

La force était relative.

L'esprit avant le corps.

Xena se remit sur ses pieds et poussa de toutes ses forces, dégageant le poids au-dessus d'elle pour se libérer avant de pouvoir soulever sa tête hors de l’eau et d’apercevoir une perche passer.

Elle l'attrapa et s'y accrocha, alors que l'eau se précipitait sur son corps, faisant claquer les débris contre elle, puis elle remonta lentement jusqu'à ce qu'elle soit libérée du courant.

Ce n'est qu'alors qu'elle entendit les cris des Amazones et les vit courir le long des toits, avec Solari en tête, prête à lui lancer une corde. Elle leur tendit la main, attrapa la corde avant de se hisser sur le toit avec elles.

"Xena ! Tu vas bien ?" Solari l'atteignit la première et lui attrapa le bras sans réfléchir, regardant la guerrière avec anxiété.

L'ex-chef de guerre cracha une bouchée de boue et hocha la tête. "Je n'ai jamais été aussi bien. " Elle se retourna et posa ses mains sur ses hanches, fixant la ville d'un air de satisfaction tranquille. "Sortons d'ici."

C'était le chaos en bas. La ville entière était remplie d'eau boueuse, bouillonnante, qui balayait les gens, les chariots et les animaux devant elle, les projetant contre les murs et les maisons. On entendait des cris étouffés et on pouvait apercevoir des gens qui luttaient pour rester à flot, tous bien trop occupés à mourir ou à essayer de ne pas mourir pour qu'on leur accorde ne serait-ce qu'une brève pensée.

Xena se dirigea vers le bord du toit et jeta un coup d'œil par-dessus, observant les bois inondés avec un sourire sombrement satisfait. Les hommes se débattaient là aussi, mais elle pouvait voir des corps et des provisions flotter vers le chemin de la rivière en crue. "Allez... nous pouvons atteindre ces arbres."

Elle entraîna les Amazones dans les branches et elles se frayèrent un chemin à travers la forêt, au-dessus de nombreux soldats en difficulté qui ne les voyaient même pas passer. Elles émergèrent à l'entrée de la forêt et pataugèrent dans le gué inondé, le traversant pour passer de l’autre côté lorsque le groupe d'Eponine les rejoignit.

Aslanta s'était approchée d'elle au cours du parcours. "Comment diable est-ce arrivé ?" questionna la Reine Amazone en reprenant son souffle.

Xena désigna la face granitique en face d’elles, qui présentait des marques d'entailles fraîches. "Il y avait une avalanche qui attendait de se produire là-haut... J'ai juste demandé à Eponine de pousser un peu les choses. Les rochers sont tombés directement dans le lit de la rivière et l'ont détournée."

Les Amazones s’étaient rassemblées autour d'elle, regardant derrière elles la ville en ruine. "Tu savais que c'était un piège. " murmura Aslanta. "Tu savais tout."

Une douce toux les interrompit et Xena se retourna. "Jonae."

La Reine Amazone des Montagnes hocha la tête, passant une main dans ses cheveux courts. "Nous étions des appâts pour qu’ils te capturent."

La guerrière hocha la tête. "Je m'en doutais."

Jonae laissa un petit sourire se dessiner sur son visage. "Tu es quand même venue." Elle souffla. "Eh bien, j'espère que tu as toujours besoin de guerrières pour compléter ton armée... parce que nous sommes toutes à toi." Les mots étaient bas et honnêtes, alors que la femme la regardait avec des yeux respectueux. "Si je n'étais pas sûre avant, je le suis maintenant."

Xena resta silencieuse, consciente du groupe d'Amazones qui l'entourait et qui observait son visage avec attention.

"Moi aussi." Ajouta Aslanta tranquillement. "C'était brillamment exécuté."

Huh. Eh bien voilà. Xena étouffa rapidement un sourire narquois. Et je n'ai même pas eu besoin de les battre en duel. "Très bien."  Répondit-elle, avec un petit hochement de tête en guise de reconnaissance.

Un roulement de tonnerre secoua l'air et elles levèrent toutes les yeux. "Trouvons un endroit où on pourra être à l’abri pour laisser passer ça." décida Xena. "Allons-y." Elle commença à remonter la pente et elles suivirent, se mettant en rang derrière elle alors que les premières gouttes de pluie parsemaient la roche poussiéreuse.

*******************************************

A suivre dans le chapitre 11

 

Publicité
Publicité
Commentaires
Publicité