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12 avril 2023

Cible mouvante chapitre 28

Cible Mouvante

(Moving Target)

Missy Good

Chapitre 28

Traduction : Fryda (2023)

************************

« Qu’est-ce qui… euh… se passe… ici ? » Cria Carlos tandis qu’il glissait d’un côté des marches et faillit leur tomber dessus. « Ce n’est pas normal, hein ? »

« En effet. » Kerry agrippa la rambarde et se souleva avec une détermination féroce. « Allez… continuez à grimper. » Elle saisit une poignée de porte en haut des marches et se souleva au moment où celle-ci l’envoya au sol lorsqu’elle s’ouvrit brusquement vers l’intérieur. « Eh ! »

« Hé ! » Carlos l’attrapa. « Hé ! »

Kerry se releva péniblement et reprit son équilibre au moment où la porte décida  de l’aider et revint dans l’autre direction. Carlos et elle furent catapultés dans le couloir, se cognant tous deux dans la paroi tandis que la porte derrière eux cognait avec un énorme bruit sourd. « Fils de… »

« Hé ! » Carlos attrapa une poignée tandis que le navire continuait à rouler et partit dans l’autre direction. « Ooouuuahh ! »

Kerry se mit à remonter le couloir en pente, attrapant la rambarde le long de la paroi. « Allez… » Elle s’arrêta subitement tandis qu’un chariot à bagages se libérait de son emprise et traversait le hall, manquant les percuter. « Seigneur. » Elle l’évita avec difficulté puis continua jusqu’à la porte suivante qui menait à l’escalier principal.

Le roulis rendait le plongeon pour traverser le hall pratiquement impossible mais elle saisit l’encadrement du bout des doigts et se tira à l’intérieur. « Vite ! » Cria-t-elle à Carlos. « Il faut qu’on sorte d’ici ! »

« Oouaaahhh ! » Carlos avait sauté derrière elle mais avait raté la prise sur la porte et il glissait maintenant vers la paroi opposée. « Allez-y… je vous rattrape ! »

Kerry ne réfléchit pas à deux fois. Elle se retourna et repartit en arrière, se retenant à l’encadrement et tendant son bras vers la porte inclinée. « Tenez ! »

Carlos se reprit et se repoussa de la paroi, mais le navire roula soudain de nouveau vers le centre. Il fut incapable d’arrêter son mouvement et il se planta directement dans Kerry, les emmenant tous les deux au sol près de l’escalier du bas. « Oh ! »

Kerry atterrit sur le dos, ses mains à la recherche de quelque chose à agripper en prévision du mouvement suivant du vaisseau. Carlos finit affalé sur elle, sa tête battant contre la contremarche tandis qu’il la clouait au sol. « Ouf ! »

« Ooh. » Carlos tressaillit.

Kerry jeta un coup d’œil à la courbe de l’oreille de Carlos, à quelques centimètres de son nez. Elle s’éclaircit doucement la gorge. « Ne le prenez pas mal, Carlos, mais ce n’est absolument pas mon idée de l’amusement. »

« Désolé, madame. » Carlos roula rapidement d’elle, son visage rouge brique.

Kerry s’assit avec précautions mais le navire ne bougea plus. Loin au-dessus d’eux, elle pensa avoir entendu des rires et le tintement de verres, et elle se demanda combien de choses s’étaient brisées durant ce roulis bizarre. « D’accord. » Elle se leva, grimaçant lorsqu’elle sentit son épaule se remettre en place, une sensation nauséeuse qu’elle connaissait bien depuis qu’elle l’avait déboitée à l’hôpital.

Ce n’était pas vraiment douloureux mais il y avait du jeu dans l’articulation qu’elle n’avait pas dans l’autre bras, et elle se souvenait de la sensation quand elle se déboitait, qui la faisait grincer intérieurement.

« Vous allez bien ? » demanda Carlos d’un ton hésitant. « Je ne vous ai pas blessée ou quoi ? »

« Non, je vais bien. » Kerry se mit à monter les marches. « Allons voir ce qui se passe, bon sang. » Elle monta les marches deux à deux, contourna le palier et regarda devant elle tandis qu’elle commençait à entendre des voix, ainsi que le bruit de pas rythmés qui se dirigeaient vers eux.

Ça aurait pu être n’importe qui, vraiment. Mais il y avait quelque chose dans le pas et le poids qui fit vibrer une corde de reconnaissance en elle. Elle contourna le coin de l’escalier et dut s’arrêter brusquement tandis que Dar arrivait à toute vitesse vers eux sans s’occuper de sa propre sécurité. « Hé ! » Kerry mit les mains devant elle, prête à sauter sur le côté si la femme aux cheveux noirs ne pouvait s’arrêter à temps.

On n’avait vraiment pas envie que Dar vous percute. Elle était aussi solide qu’un rocher et avec l’élan, on pouvait facilement finir sur les fesses sans aucun effort. « Ouaaah ! »

Dar s’arrêta dans un bond, les observant tous les deux avec un regard perçant. « Ça va ? » Demanda-t-elle d’un ton bref. « Mark a dit que vous étiez descendus sur le pont inférieur. »

« On va bien… juste un peu secoués », Kerry hocha la tête. « Et toi ? »

Dar remua un pied. « J’ai cogné mes fichus orteils sur une porte », admit-elle. « Les salauds. »

« Tes orteils ? » Kerry prit son bras et elles reprirent leur ascension sur les marches.

« Foutu équipage… ils pensaient que c’était drôle. »

Oh oh. Kerry pouvait sentir la fierté de sa compagne pointer, ce qui n’était jamais une bonne chose à titiller. Du moins en public et elle s’était rendu compte qu’elle-même était proche de la ligne rouge en privé sur ce sujet avec Dar. Elle pouvait tout à fait être idiote parfois et elle avait un grand sens de l’humour mais elle n’aimait vraiment pas qu’on se moque d’elle.

Même Kerry. « Salauds. » Elle était d’accord avec le sentiment de Dar. « Ce n’est pas drôle… quelqu’un aurait pu être blessé. On a des gars partout sur le navire qui portent des objets lourds. »

« Ouais. » Carlos parla un peu avec timidité. « Je suis vraiment content qu’on ait installé cette machine avant que ça n’arrive. « 

« Moi aussi. » Kerry lui fit un sourire.

« Hé, peut-être que ces connards ont fini contre le mur là-bas ? » Continua Carlos. « Ils le méritaient bien. »

Dar s’arrêta et se retourna vers Kerry, un sourcil haussé. « Des connards ? »

« Plus tard. » Kerry la poussa vers l’avant. « Voyons si on a perdu quelque chose. »

Visiblement à contrecœur, Dar regarda en bas des marches avant de suivre Kerry vers le haut malgré elle. Elle soupçonnait qu’il y avait plus qu’un ‘plus tard’ lancé comme ça mais Kerry semblait complètement sauve alors quoi que ce soit, ça n’avait pas été trop mal.

Non ? Dar soupira et continua à monter. Son pied, sur la bonne voie de la guérison, battait douloureusement à nouveau et sa colère allait du mauvais côté. Elle garda ça en tête et se mordit la langue tandis qu’elle rattrapait Kerry, refoulant son désir de trouver ce que ce ‘plus tard’ valait maintenant.

Pas de sens de bousculer Kerry, pas vrai ? Elle mit la main sur le dos de sa compagne et se détendit un peu quand elle sentit Kerry s’appuyer sur ce contact.

Plusieurs des techniciens se tenaient en groupe et Mark descendait juste de l’étage au-dessus. Tous avaient l’air secoués et ils se tournèrent avec soulagement quand ils entendirent son approche. « Tout le monde va bien ? » Demanda Dar.

« Jusqu’ici oui. » Mark suçotait le côté de son pouce. « Ma main a été prise dans une foutue porte, c’est le pire que j’ai entendu jusqu’ici. » Il observa le chaos devant eux. « Merde. »

L’équipement, qui avait été si bien aligné, était maintenant éparpillé, certains accolés à la baie vitrée qui donnait dehors, d’autres sans dessus dessous près de l’escalier et les lots qui allaient avec étaient parsemés au hasard.

« Qu’est-ce qui s’est passé, bordel ? » Demanda Mark. « J’ai cru entendre Shelley Winters chanter pendant une seconde. » (NdlT : allusion au film catastrophe, La Nuit du Poséidon des années 70)

Kerry s’avança et s’agenouilla près d’une des machines, la redressant avant de vérifier d’éventuels dommages à l’écran. « Oui, moi aussi », dit-elle par-dessus son épaule. « Ça a dû être de sacrées vagues. »

Dar mit les mains sur ses hanches et fronça les sourcils, regardant sur le côté quand quelques hommes d’équipage apparurent derrière le bureau d’accueil, visiblement amusés. « Quelque chose de drôle ? » Demanda-t-elle.

Ils ne répondirent pas mais ne partirent pas non plus.

Dar plissa les yeux. La porte de l’un des officiers s’ouvrit et le capitaine chargé du personnel apparut, avec un sourire narquois quand il vit les techniciens nettoyer le bazar dans l’atrium.

Une pensée vint à l’esprit de Dar. « Fils de pute. »

Kerry leva les yeux. « Quoi ? » Elle se leva et s’approcha. « Pas que je pensais que tu t’adressais à moi, chérie… mais tu as une expression bizarre sur le visage. »

Dar attendit que le capitaine s’approche lentement. « Bonjour. »

« Bonjour, Ms Roberts. » L’homme lui sourit, charmeur. « Avez-vous passé une bonne journée jusqu’ici ? Je vois que vous avez du désordre ici. Quel dommage. »

Kerry se retint à peine de marcher sur le pied de l’homme avec sa chaussure de randonnée. Le désir soudain de violence la surprit mais quelque part, la réaction ne semblait pas totalement idiote. « Le navire a failli se retourner. Qu’est-ce que vous vous attendiez à voir arriver ? Je suis sûre que vous avez du bazar aussi de votre côté. »

Les hommes d’équipage derrière le comptoir se mirent à rire.

« Pas du tout, Ms Stuart », répondit le capitaine. « Vous devriez être plus prudents avec vos machine, non ? » Il passa près d’elles et rit, tandis que les techniciens luttaient pour redresser l’équipement. « Peut-être que nous allons rencontrer d’autres hautes vagues. »

Les techniciens regardèrent autour d’eux avec appréhension, certains d’entre eux attrapant les rambardes comme s’ils s’attendaient à ce que le navire roule à nouveau. Ceci amusa l’équipage, plus nombreux depuis l’arrivée de nouveaux hommes derrière le comptoir et les rires fusèrent dans l’atrium.

Kerry mit les mains sur ses hanches. « Tu sais quoi, Paladar ? » Elle se tourna vers sa compagne. « Quelque chose ne va pas avec tout ce truc. »

Dar lui lança un regard ironique mais n’eut pas à répondre alors qu’Andrew apparaissait et traversait l’atrium pour s’approcher d’elles. « Salut, papa. »

Le grand ex-SEAL riait. « Tu vas bien Dardar ? Je vois que tout a été tourneboulé ici. »

« Regardez dehors, elle revient ! » Cria soudain le capitaine.

Les techniciens partirent dans tous les sens, essayant de se retenir à quelque chose et à leur équipement en même temps, tandis qu’ils regardaient autour d’eux frénétiquement pour voir de quel côté le navire allait rouler.

L’équipage était maintenant amassé dans le hall et ils éclatèrent tous de rire.

Kerry lâcha un souffle. « Dar… »

Dar se tourna vers Andrew. « C’est un test de stabilité ? »

Andrew riait aussi. « Ouaip… c’était bien ça » Il lança un coup d’œil à sa fille. « J’pense qu’ils vous ont joué un mauvais tour de marin à vous tous. »

L’expression de Dar ne changea pas. « Ce n’était pas drôle. » Elle fixa son père dans les yeux, sa voix paisible. « Surtout si tu le savais et que tu ne m’as rien dit. »

« Une blague ? » Répéta Kerry. « Seigneur… des gens auraient pu être sérieusement blessés ! »

Andrew cligna des yeux. « Ce n’était pas si mauvais… » Il commença à protester.

« Si mauvais ? » Dar haussait maintenant la voix qui devint plus aigue. Elle montra l’équipement. « Ces trucs-là pèsent trente kilos. Si Kerry en portait un quand ils ont déclenché cette blague stupide, elle aurait pu se briser la nuque ! »

La rage était évidente et Andrew se sentit totalement pris au dépourvu.

« Seigneur. Qu’est-ce qui ne va pas chez vous ? » Dar lui parlait directement. « Vous pensez que c’est un jeu ? » Elle se tourna et cloua le capitaine d’un regard dur. « Monsieur, vous feriez bien d’avoir un bon compte en banque, parce que chaque morceau de plastique cassé sera prélevé dessus. » Elle se dirigea droit vers lui. « Vous pensez que c’est drôle ? » Son regard balaya l’équipage qui avait cessé de rire.

Les techniciens restèrent immobiles, même Mark, agenouillé près d’une des machines, garda la tête baissée et attendit.

A ce moment-là, on entendit des bruits de pas au-dessus et ils levèrent tous les yeux pour voir deux techniciens qui descendaient lentement les marches en portant un troisième. « Oh mec… contents d’être ici », dit l’un des d’eux visiblement soulagé. « Je pense que Darcy s’est cassé la jambe. »

Il y eut un moment de silence. Puis Dar se tourna vers Andrew. « Marrant », dit-elle d’un ton bref avant de se diriger vers l’escalier. « Ok, posez-le ici. Je vais voir combien de temps il faudra pour rentrer au port. »

Mark se secoua de sa paralysie et se releva, se précipitant vers Darcy en même temps que deux autres techniciens. « Doucement, mec… détends-toi. »

Kerry soupira. « Seigneur », murmura-t-elle en reprenant ses esprits. « A quoi ils pensaient, merde. » Elle se retourna et regarda Andrew qui se tenait toujours là dans une sorte de silence choqué. « C’était vraiment supposé être une blague ? »

Le visage d’Andrew prit une expression que Kerry n’avait vue que peu de fois pour ses filles. C’était une de celles qu’elle recevait quand elle savait qu’elle avait fait quelque chose d’exceptionnellement stupide et c’en était une qui touchait Kerry au cœur.

Cette fois ne faisait pas l’exception. Elle se rapprocha un peu de son beau-père et posa la main sur son épaule. « Je suis sûre qu’ils n’avaient pas l’intention de blesser quiconque. » Du moins elle l’espérait sincèrement.

« Pardon », murmura Andrew, avant de se retourner et de partir dans la direction de Dar.

Kerry le regarda partir et ensuite elle soupira pesamment avant de se diriger vers le technicien blessé, réfléchissant à un plan en marchant. « Très bien », dit-elle. « Je ne pense pas que ça va se reproduire. Alors allons installer tout ça où il faut pour que ça, ce soit fait au moins. » Elle s’agenouilla près de Darcy qui mordait sa lèvre dans une tentative pour ne pas crier. « Et ne vous inquiétez pas. On va vous aider même si Dar doit demander un hélicoptère. »

Darcy réussit à sourire faiblement. C’était un Cubain à la peau sombre avec une fine moustache et des cheveux noirs bouclés. Kerry savait qu’il avait du talent pour travailler avec les serveurs et il connaissait beaucoup de très mauvaises blagues. Elle mit sa main sur sa jambe valide et lui rendit son sourire. « Essayez juste de vous détendre. Ça fait plus mal autrement. »

« Ouais », réussit à dire Darcy. « Vous vous êtes déjà cassé la jambe ? On dirait que vous savez ce que ça fait. » Il regarda sa jambe, visiblement tordue au niveau du genou sous son jean épais.

« Je me suis démis l’épaule », dit Kerry. « Quand je me suis retrouvée dans cette explosion de l’hôpital… si vous vous souvenez. »

Plusieurs techniciens émirent des sons de sympathie. « Ça fait mal », dit l’un d’eux. « C’est arrivé à mon beau-frère. Il hurlait comme un… euh… »

Tout le monde gloussa nerveusement.

« Moi aussi », admit Kerry. « Quand Dar l’a remise en place. »

Des regards écarquillés se posèrent sur elle.

« Dans le noir, sous un plafond effondré, dans un immeuble en feu », continua Kerry. « Alors vous savez… » Elle tapota la jambe de Darcy. « Ça aurait pu être pire. »

« Très bien. » Mark se releva. « Allez tout le monde. Allons bouger tout ce truc. Vous trois vous restez ici avec Darcy, d’accord ? Apportez-lui de l’eau. » Il regarda l’équipage qui se tenait en silence derrière le comptoir. « Du traiteur. Au moins on sait d’où ça vient. »

« Je vais rester ici », lui dit Kerry.

Mark la regarda. « Ça craint. »

« Je sais. »

« Ça craint totalement. »

« Oui, je sais. »

Mark emmena à nouveau les techniciens, les bras chargés de machines redressées à la hâte. Kerry attendit un moment puis elle s’assit sur le sol froid, croisa les jambes sous elle et appuya ses coudes sur ses genoux. Elle fixa le marbre d’un regard lointain, essayant d’absorber tout ce qui venait de se produire.

« Alors, euh. Cet immeuble en feu… c’était effrayant, hein ? » Demanda Darcy.

Kerry leva les yeux vers lui. « Oui », dit-elle. « Vous voulez entendre l’histoire ? » Elle se dit que tout ce qui pouvait lui détourner l’esprit aiderait.

« Bien sûr. »

Kerry se redressa et mit ses pensées en ordre, rappelant sa mémoire vers cette nuit lointaine et terrifiante. Il y avait quelque chose de familier ce faisant, une corde que l’expression dans les yeux des techniciens pinçait en elle tandis qu’elle était prête à raconter son histoire qui faillit la faire s’arrêter.

Presque. Kerry repoussa le sentiment d’un haussement d’épaules. « Et bien, tout a commencé avec un bébé… »

******************************************

Dar descendit le couloir menant au pont de commandement, sentant sa colère vibrer comme elle ne l’avait pas fait depuis très, très longtemps. Elle était furieuse contre plusieurs choses, la stupidité de la blague, la possibilité que Kerry ait pu être blessée, la complicité de son père…

Beuh. Elle poussa la lourde porte armée du pont et entra, son regard balayant de droite à gauche à la recherche du capitaine.

Deux des officiers se tournèrent pour la regarder, stupéfaits. « Oui ? » Dit l’un d’eux. « Que voulez-vous ? »

« Ah. » Dar repéra le capitaine dans son bureau minuscule. « Je l’ai trouvé. Merci. » Elle se dirigea vers  la pièce. « Très bien, monsieur. » Elle poussa la porte pour l’ouvrir. « Qu’est-ce que vous croyez être en train de faire, bon sang ? »

Le capitaine, qui s’appuyait sur son bureau des deux mains, se redressa et la fixa profondément choqué. « Pardon ? » Lâcha-t-il. « Qu’est-ce que ça veut dire ? Vous déboulez dans mon bureau comme ça ? »

« Ce que ça veut dire ? » Dar alla directement au bord du bureau et le pointa du doigt. « Je vais vous dire ce que ça veut dire, Capitaine. Ce que ça veut dire, c’est que je vais vous coller un procès au cul pour avoir délibérément mis en danger mon personnel. » Elle laissa sa voix monter en un aboiement. « Compris ? »

La mâchoire de l’homme s’affaissa.

Dar se retourna. « Mais je ne suis pas là pour ça. » Elle fixa l’horizon d’un regard noir. « Dans combien de temps cette épave va rentrer au port ? Quelqu’un de chez moi a besoin d’une aide médicale. »

« Ah… dans une heure. Mais Ms Roberts… » Le capitaine commença à faire le tour de son bureau.

« Ne vous embêtez pas », aboya Dar. « Gardez la merde moralisatrice pour quelqu’un que vos galons impressionnent. Contentez-vous de passer un appel radio pour leur dire que la passerelle devra être prête quand on arrive. » Elle se retourna et sortit en claquant la porte derrière elle, le laissant seul à l’intérieur.

Tout l’équipage du pont la fixait mâchoire affaissée d’incrédulité, mais Dar ne les vit qu’à peine. Elle continua à traverser le pont pour sortir, s’arrêtant quand elle faillit se cogner dans le capitaine des RH dehors.

Peut-être que le regard de Dar l’avertit. Il sortit de son chemin et la laissa passer, puis il se retourna pour la regarder partir. « Vous devriez vraiment travailler votre sens de l’humour, Ms Roberts. »

Dar ne s’ennuya même pas à répondre. Elle tourna le coin du couloir et retourna vers l’escalier, fatiguée du navire, fatiguée de monter et descendre des escaliers et très, très fatiguée d’officiers odieux à la mauvaise chevelure et aux manières pires encore.

Elle repéra la lumière du jour et sortit de l’escalier au huitième pont pour atteindre la promenade extérieure, qui faisait le tour du navire et donnait accès à l’air frais. Elle agrippa la rambarde et regarda par-dessus, ses intestins toujours serrés de la colère qu’elle elle n’avait aucun moyen de relâcher.

Bouger un peu sembla être une bonne idée. Elle se retourna et se mit à descendre le pont de la promenade, le vent la ballotant tandis que le navire roulait légèrement dans les vagues. Le pont était vide, seuls les canots de sauvetage balançaient au-dessus de sa tête en contrepoint grinçant du mouvement  du navire.

Maudits salopards. Dar sentit une nausée la gagner. Elle avait été plutôt en sécurité quand le navire oscillait, n’ayant eu qu’à revenir à l’atrium et assez près de l’escalier pour simplement saisir la rambarde et s’accrocher. Mais la pensée de Kerry en bas dans les ponts inférieurs, avec tout cet équipement et tous ces gars…

D’accord. Dar s’arrêta et se tint à nouveau près de la rambarde, l’agrippant légèrement à deux mains. Détends-toi un instant, ma grande. Il ne s’est rien passé. Elle soupira. Rien n’est arrivé à Kerry, de toutes les façons, sauf…

Sauf le ‘plus tard’.

Dar appuya sa tête contre l’armature croisée en métal, fixant l’océan d’un air désolé.

******************************************

« Qu’est-ce qui s’est passé ? » Céci s’agenouilla près de Kerry, lançant un regard inquiet vers le technicien blessé.

Kerry venait de lui donner un verre d’eau et de l’aspirine, tout ce qu’elle pouvait offrir pour ce qui était sûrement une blessure fichtrement douloureuse. « Il portait l’un des terminaux quand le navire a basculé… il est tombé dans l’escalier. » Elle lança un regard de sympathie à Darcy.

Il grimaça en retour.

« Oh. » Céci grimaça aussi. « J’était occupée à être nauséeuse sur ma couchette. Cette petite montagne russe semble m’avoir retapée pour toujours… qu’est-ce qui s’est passé ? Tu as vu Andy ? »

Beuh. « Et bien. » Kerry soupira. « Apparemment le navire faisait des tests… dont ils ont, semble-t-il, oublié de nous parler. »

Les deux sourcils de Céci s’abaissèrent. « Oublié ? » Lâcha-t-elle.

Kerry haussa un peu les épaules. « Bref, on dirait bien que Darcy a été blessé », dit-elle. « Dar est là-haut pour crier sur le capitaine et trouver combien de temps il nous faudra pour rentrer. »

« Hm. » Céci pinça les lèvres. « Désolée de ne pas y être… rien de tel qu’une petite réprimande bien méritée pour illuminer la matinée. » Elle secoua la tête. « Incroyable… quelqu’un aurait pu être tué. » Elle regarda Kerry. « Je parie qu’elle est furieuse. »

Kerry hocha la tête. « Très », acquiesça-t-elle. « Moi aussi… mais je pense qu’elle est encore plus furieuse contre Papa qu’elle l’est contre les types qui pilotent le bateau. »

« Andy ? » Céci fronça les sourcils. « Mais qu… » Elle s’interrompit. « Il savait ? »

Kerry hocha à nouveau la tête, d’un air malheureux. « Dar lui est tombé largement dessus. »

« Ah oui ? Bien », annonça Céci fermement. « Je peux te dire que j’ai eu mon content de ce non-sens de fraternité de la mer… et s’il savait et ne lui a rien dit de ce qui allait se passer, il mérite une fessée. »

Et bien, c’était probablement vrai, reconnut Kerry. Mais elle savait aussi qu’Andrew ressentait une affinité avec ces voyageurs, bien qu’ils soient irritants, qu’elle ne comprendrait jamais. « Je sais », dit-elle. « Mais j’ai été confrontée à cette réprimande et ce n’est pas marrant. »

« Moi aussi », dit Céci. « Mais dans mon cas, la surprise se trouvait dans le cas où elle n’était pas furieuse. » Elle se leva. « Je vais chercher mon mari. » Avec une tape sur l’épaule de Kerry, elle partit en se dirigeant vers l’escalier.

Kerry enserra ses genoux et lutta contre le désir de la suivre.

********************************************

Andrew s’arrêta devant la porte et regarda au dehors. Il attendit un peu mais Dar ne semblait pas disposée à bouger, alors après quelques instants, il rassembla ses esprits et ouvrit la porte.

L’air chaud souffla sur son visage, une sensation si familière que cela fit revenir des fantômes qui n’avaient aucune place sur ce navire de croisière délabré. Il les renvoya, nécessitant un esprit clair pour affronter le traumatisme devant lui.

Il avait vu Dar furieuse à de nombreuses occasions. Elle avait un tempérament, merde, elle avait son tempérament ‘à lui’ et il savait à un degré intime ce que cette colère faisait à l’intérieur. Il l’avait vue tenir bon, intrépide, face à des situations dont elle se serait bien fichtrement éloignée et bien qu’il estimait la sécurité de ses filles avant toute autre chose, il savait d’où venait ce courage et il ne pouvait pas l’en blâmer.

Mais il n’avait jamais vu cette colère se tourner vers lui auparavant et il n’était pas trop sûr de savoir quoi en faire. Alors, comme il l’avait toujours fait dans toutes sortes de mauvaises situations avant, il s’avança vers l’endroit où se trouvait Dar.

Tandis qu’il la rejoignait et mettait ses mains sur la rambarde, elle tourna la tête et le regarda. Le peu de choses qu’il avait eu l’intention de dire moururent sur ses lèvres et il se contenta de rester là à regarder ces yeux tempétueux.

Il les avait déjà vus, en fait. Quelques-uns dans un miroir, mais aussi dans le profil plus doux de Dar chaque fois qu’il tournait le dos à sa famille pour grimper cette passerelle qui l’emmenait sur l’océan.

Surtout la dernière fois. Il n’y avait pas de mots vraiment pour dire que ce n’était rien à côté de ce qu’il affrontait ici, non ?

Alors il ne dit rien. Il se contenta de mettre sa main sur l’épaule de Dar, ses doigts se refermant sur l’os et le muscle qu’il lui avait donnés.

Dar regarda au loin. Puis elle soupira et se repoussa de la rambarde. « J’ai du travail », dit-elle, brusquement, avant de se sortir de sa poigne et de repartir vers le portes qui menaient à l’intérieur.

« Dar », l’appela Andrew.

Dar leva une main mais ne se retourna pas. « C’est bon », dit-elle avant d’ouvrir la porte et d’entrer.

Andy s’appuya contre la rambarde et croisa les bras sur son large torse, tournant légèrement la tête tandis que Céci s’approchait depuis l’avant du navire. « Tu comptes me crier dessus aussi ? » Demanda-t-il, d’un ton irrité. 

Sa femme se frotta le nez, étouffant un sourire ironique. « Elle aurait dû te botter les fesses, pas te crier dessus pour ça, Andrew. »

« J’ai rien fait. »

« Exactement », dit Céci, sérieusement. « Tu aurais dû. Tu sais bien. »

Andy fronça les sourcils.

Bizarre d’être de ce côté de la barrière, songea Céci. « Et bien, laisse-là être comme ça un petit moment. Laisse Kerry s’occuper d’elle et la rendre plus sensible, ensuite tu pourras retenter de lui parler. »

Son mari la fixa.

« Ou bien va botter les fesses du capitaine », suggéra Céci. « Et à propos, je me sens bien mieux. Merci d’avoir demandé. »

Il soupira. « Une journée du feu de l’enfer. »

« Mm. » Céci se radoucit et mit son bras autour de lui. « Et elle ne fait que commencer. »

********************************************

Kerry tourna la tête vers le hall juste avant que Dar n’y apparaisse. Certains techniciens revenaient péniblement et l’atrium se peuplait. Et pourtant, quand Dar leva la tête et chercha le regard de Kerry, à ce moment ce fut comme si elles étaient les seules personnes dans tout l’espace.

« Excusez-moi. » Kerry se leva et se fraya un chemin à travers la foule. « Salut. » Elle vint au côté de Dar et entra directement dans son espace personnel, ignorant la pièce remplie d’employés et elle mit ses bras autour de la taille de Dar.

Celle-ci, sans surprise, arrêta de marcher et rendit le geste, entourant les épaules de Kerry. « Salut », répondit-elle tranquillement. « Nous serons au port dans une heure. »

« Darcy va bien. Il a juste très mal… Je lui ai donné ce que j’avais mais ça n’aide pas vraiment », dit Kerry. « Tu as vu le capitaine ? »

« Ouais. »

Kerry attendit mais rien ne semblait venir. « Tu as vu Papa ? »

« Oui. » Dar posa son menton sur la tête de Kerry. « Tout le matériel est parti ? »

Kerry hocha la tête. « La plupart. Ils viennent juste de revenir et d’emporter le reste. Ensuite nous aurons fini. Tu veux le tester ? »

« Non. »

« Allez. » Kerry la poussa vers l’escalier. « Qu’on en finisse. »

« Qu’ils aillent au diable. J’espère que ce foutu navire coulera au port. »

« Allez. »

« Connards. »

Kerry ne pouvait pas vraiment discuter ça. « D’accord, je veux vraiment t’avoir toute seule dans une pièce sombre. Ça te va ? »

Cela lui valut un sourire. Un minuscule sourire grognon mais quand même. C’était un début.

**************************************

Kerry pianotait sur son clavier, lançant un regard à chaque seconde à sa compagne silencieuse. Dar se tenait devant le rack des serveurs, les mains appuyées dessus, fixant les LED clignotantes avec une expression de colère sévère. « Bon. »

Dar grogna.

« Au moins on sait que le rack est bien monté et fonctionne », commenta Kerry doucement. « Tu sais quoi, Dar… »

« Je les emmerde. »

Kerry soupira et continua à taper, secouant un peu la tête. « Ok, le serveur POS est en marche. » Elle se leva et alla vers Dar, posa la main sur son dos et lui fit un petit massage amical. « Allons, ma chérie. »

Dar lança un regard noir au rack pendant quelques secondes, puis elle se retourna brusquement et cogna son poing dans la porte, une poussée soudaine de violence qui prit totalement Kerry par surprise.

Elle recula, incertaine de ce qui se passait. « Dar ? »

« Comment », gronda Dar. « Ont-ils pu être aussi stupides. » Elle se repoussa de la porte et étudia le renforcement que son poing avait fait dans le métal. « Fils de… »

Kerry agit avant d’y penser. Elle bondit vers l’avant et agrippa le bras de Dar avant que celle-ci ne puisse l’envoyer contre la porte à nouveau et elle le maintint, les deux mains enroulées autour du poignet de sa compagne. « Hé ! Hé ! Hé ! »

Dar se tourna vers elle et lui lança un regard noir, mais après quelques secondes, son expression s’adoucit et elle s’appuya brutalement contre la paroi. « Peuh. »

Rassurée, Kerry vint près d’elle et posa sa main sur son épaule. « Chérie, calme-toi, s’il te plait. Je sais que tu es vraiment en colère mais battre le navire ne va rien y faire. » Elle posa ses deux paumes sur le ventre de Dar et croisa le regard tumultueux. « Calme-toi."

Dar prit une inspiration mécontente. « Je suis tellement furieuse. »

« Je le sais. » Kerry enroula ses doigts et se pencha en avant. « Crois-moi, je suis aussi en colère, Dar. Ça ne suffisait pas que des idiots m’agressent dans le bar, puis il a fallu que… Dar ? »

« T’agressent ? » Le train mental de Dar sauta plusieurs voies sans aucun effort et continua son chemin joyeusement. « C’est ça le ‘plus tard’ ? Pourquoi tu n’as rien dit bon sang… j’aurais pu… »

L’agitation lui portait sur les nerfs. « Dar », répéta Kerry, la poussant très doucement contre la paroi. « Tu veux bien te calmer ? Tu me donnes mal à l’estomac. »

Dar soupira. Elle leva une main et la passa sur son visage. « Je voudrais m’asseoir. » Elle contourna Kerry et s’assit dans la seule chaise utilitaire près des racks, son coude reposant sur ses genoux. « Désolée, Ker. »

Celle-ci s’agenouilla près d’elle. « Ce n’était pas vraiment grand-chose », expliqua-t-elle doucement. « Juste un ou deux types qui pensaient que toutes les filles fondraient pour leurs charmes virils et graisseux. » Elle prit la main de Dar dans la sienne. « Carlos était avec moi et j’ai fini par faire passer une queue de billard à demi dans un hublot. Rien de bien méchant. »

Dar leva les yeux à travers sa frange décoiffée. « Une queue de billard ? »

« Oui oui. Je l’ai arrachée de la main du gars d’un coup de pied. »

« Ah. »

Les doigts de Dar étaient froids. Kerry les leva et les pressa contre sa joue pour les réchauffer, son pouce passant sur les phalanges légèrement enflées là où elle avait frappé la porte. « Hé. »

« Mm ? » Dar semblait épuisée plus qu’en colère. « O peut juste rentrer à la maison maintenant ? Si on saute par-dessus bord quand ils seront à l’embouchure du Cut, on pourrait nager jusqu’au condo en dix minutes. »

Kerry souhaitait vraiment savoir ce qui se passait avec sa compagne. Les changements brusques d’humeur commençaient à l’effrayer pas mal. « Bien sûr. » Elle passa ses doigts dans les cheveux de Dar, encouragée par la façon dont les épaules de celle-ci se détendirent au contact. « Tu veux boire un verre ? »

« Est-ce que j’ai l’air d’en avoir besoin ? » La touche d’humour était la bienvenue.

« Oui », lui dit Kerry. « Tu en as vraiment l’air. »

Dar soupira lourdement. « Je n’arrive pas à savoir si je suis plus furieuse contre ce connard de capitaine, ces abrutis de l’équipage, mon père ou moi-même. »

Kerry continua à passer ses doigts dans les cheveux. « Toi ? Qu’est-ce que tu as fait ? »  Demanda-t-elle. « Ou bien tout ce truc de … basculer, est une tradition de la mer que tu connaissais et dont tu as oublié de me parler ? »

« Non… ben, je ne sais pas, peut-être que oui », admit Dar. « Le bizutage en mer… je connaissais ça. Je ne pensais juste pas qu’ils allaient faire une telle cascade sur ce genre de sortie. »

« Tu as subi ce genre de bizutage d’une certaine façon ? »

« Non. »

« Tout le monde avait peur de ton père ? »

Un léger sourire. « Quelque chose comme ça. » Dar soupira. « Mais tu sais quoi, il connait son sujet. Je ne peux pas croire qu’il ne m’a pas rencardée sur le fait qu’ils avaient un truc en rayon. Bon sang, ça fait mal. »

« Chérie », murmura Kerry avec sympathie.

« Je me sens tellement nulle », dit Dar, soudain. « Laisser tout ça t’arriver. »

Ahhh. « Mon cœur, ce n’est pas de ta faute. »

« Si. »

« Non. » Kerry insistait doucement. « Ne le prends pas sur toi. Tu ne pouvais pas savoir ce que ce capitaine allait faire et si Papa a perdu l’esprit et ne t’a rien dit… ce n’est pas de ta faute. C’est de sa faute à lui. »

Dar fixa par-dessus sa tête. « Oh. »

« Tu sais qu’il ne voulait pas te faire de mal. Ou bien à moi. Ou à aucun des gars », dit Kerry. « Dar, il ne savait même pas où il était avant que ça n’arrive. Peut-être qu’il pensait que ce ne serait pas aussi mal. »

« Peuh. »

Kerry se pencha en avant et l’embrassa sur le front. « Chérie, je t’aime plus que ma vie. S’il te plait, ne te tourmente pas comme ça. »

Sous cet assaut de sentimentalisme, Dar pouvait vraiment difficilement lutter. Pour autant qu’elle voulait être contrariée et en colère, ça lui était impossible face aux bons sentiments pleins de sollicitude de Kerry. Elle posa son front contre celui de Kerry et s’y abandonna, relâchant la fureur qui bouillonnait toujours en elle. « Eh », marmonna-t-elle. « Qu’est-ce que je ferais sans toi ? »

« Tu ne le sauras jamais, alors on s’en fiche. »

Cela lui valut un sourire charmeur et sincère de la part de Dar. Elles restèrent ainsi, à se toucher l’une l’autre, écoutant les craquements des plaques du pont jusqu’à ce que finalement, Dar s’éclaircisse la voix légèrement. « Je présume qu’on ferait bien de terminer tout ça, hein »

« Avant que les types des serveurs ne viennent s’attrouper ici et nous trouvent blotties ? Oui oui. » Kerry lui fit un autre baiser sur le front avant qu’elles ne se redressent et que Dar se tourne face au terminal. Elle tendit la main et tapa quelques commandes, puis ouvrit la bouche pour dire quelque chose… »

Et les lumières s’éteignirent.

Kerry s’affala contre elle et se mit simplement à rire.

****************************************

« On a combien de temps encore ? » Demanda Kerry qui tapait pendant que Dar était assise sur le sol près du rack des systèmes électriques de secours UPS.

Elles avaient laissé la porte du couloir ouverte et un peu de lumière se frayait un chemin, contournant d’une drôle de manière le virage de l’escalier. Assez pour faire ressortir le profil de Dar et envoyer une ombre argentée sur le clavier sur lequel Kerry travaillait, mais pas assez pour être utile à autre chose qu’à dissiper la claustrophobie.

« Hum. » Dar passa la lumière de sa torche sur l’avant du panneau. « Dans quinze minutes environ », annonça-t-elle. « Contente que tu aies programmé soixante minutes sur les modèles d’exécution. »

« Moi aussi. » Kerry essuya la sueur de ses yeux puis elle sécha sa main contre son jean avant de continuer à pianoter. « Tu sais quoi ? »

« Hm ? Non. Quoi ? » Dar semblait contente d’être assise sur le lino ses jambes croisées sous elle.

« J’ai tellement envie d’un verre de thé froid à la framboise, de notre canapé et d’un short de gym là maintenant. »

Dar tendit la main et tapota la jambe de Kerry avec sympathie. « Comment ça va ? »

« J’ai presque fini », dit la jeune femme blonde. « J’ai utilisé la base de données qu’on utilisait pour le modèle de conception, Dar. Il n’y a pas vraiment de raison de le customiser, non ? »

« Pas vraiment », répondit Dar. « Et bien, tu veux peut-être mettre leur nom sur l’écran avant. »

« Et si je mettais S/S Connards des Mers à la place ? »

Dar rit et se gratta le menton. « Je sais pas, Ker. »

« Tu pourrais faire un connard animé, pas vrai ? Il pourrait faire des sauts de mouton sur l’écran pendant qu’on fait la démo ? » Kerry songea tandis qu’elle programmait les écrans. « Je sais que tu pourrais… ce truc est en Visual Basic. »

Dar s’approcha et regarda ce que faisait Kerry. Le monitor en face d’elle était branché, comme les serveurs, dans le système UPS et il semblait difficile de croire qu’elle avait fini avant que le courant soit utilisé au point où elles devraient tout éteindre.

« On devrait bientôt arriver au port », dit Kerry.

« Bientôt. »

« Tu veux bien aller vérifier si c’est le cas ? »

« Non. »

Kerry continua de taper mais un sourire apparut sur ses lèvres. Maintenant que Dar n’était plus furieuse, elle s’était installée dans une paix tranquille, n’aidant pas vraiment Kerry dans ce qu’elle faisait mais sans l’en empêcher non plus. « Tu penses que tu devrais appeler une ambulance ? »

« Mark l’a fait », répondit Dar. « Elle nous attend sur le quai. » Elle leva son PDA qui crépitait doucement. « Ils ont fini de sortir les machines, pas que ça ait de l’importance sans le courant. »

« D’accord. » Kerry s’arrêta de taper. « J’ai fini. »

Dar appuya un coude sur son genou et regarda l’écran. « Joli. »

« Inutile. »

« Inutile mais joli. »

Kerry sauvegarda la configuration puis se rassit. « C’est fait. » Elle regarda autour d’elle. « On a fini, Dar, on l’a fait. »

« Oui, on l’a fait. »

« Tout est installé, les serveurs fonctionnent, les PC prêts et le réseau marche. On a réussi.»

Dar se tourna et étendit ses jambes, laissant sa tête retomber en arrière sur la cuisse de Kerry. « Oui oui », acquiesça-t-elle paresseusement. « On a tout terminé. C’est méchamment incroyable. »

Kerry lui tapota l’épaule. « Allons féliciter nos troupes. Peu importe ce qui s’est passé, ils ont été là pour nous, pas vrai ? »

«  C’est sûr. » Dar s’assit laissant passer un soupir tandis qu’elle se mettait debout et tendait la main à Kerry. « Allons-y. » Elle garda la main de Kerry tandis qu’elles quittaient la salle des machines, marchant ensemble le long du couloir sombre en direction des escaliers. « Tu sais quoi ? »

« Tu en as assez des navires pour un moment ? » Hasarda Kerry. « Quand nous avons démarré tout ce truc, j’allais suggérer une croisière mais maintenant… »

« Mm. »

« Je veux dire, notre bateau est sympa. Je l’aime bien. »

« Contente de l’entendre », commenta Dar. « Je pensais qu’on pourrait peut-être faire un saut jusqu’à l’Eastern Seaboard, vérifier deux ou trois trucs, voir la côte. » Elle balança un peu leurs mains jointes. « Visiter la Nouvelle Angleterre… qu’en penses-tu « 

Kerry était momentanément sans voix. Dar ne parlait pas d’une semaine de vacances, se rendit-elle compte. Elle parlait de quelque chose de bien plus long. Bien plus et bien que la soudaineté de la demande la choqua, le fait qu’elle avait un accord avide au bord de la langue la surprit encore plus.

« Juste pour y penser », ajouta Dar, un peu avec embarras. « Désolée. Je ne voulais pas balancer cette idée là maintenant. Bref… on devrait penser à comment on va faire cette preuve de… »

Kerry lui pressa la main et s’arrêta de marcher. « Oui. »

Dar s’arrêta aussi et la regarda. « Oui ? »

« Oui. Là où tu vas je vais », dit Kerry. « Là où tu as envie d’être, c’est là que j’ai envie d’être, pour autant que là où nous allons, nous y allions ensemble. » Elle sentit un énorme sentiment de paix après l’avoir dit et c’était juste agréable d’être là et d’absorber l’air de délice absolu sur le visage de Dar.

Laissons le futur arriver. Elle n’allait pas s’en inquiéter. « Allez. » Elle reprit sa marche vers l’escalier qui menait à l’atrium, où elle pouvait entendre un bourdonnement de voix. « On a terminé. Allons chercher tout le monde et finissons ce foutu truc. »

Dar ne répondit pas. Elle se contenta de la suivre, un sourire désinvolte sur les lèvres.

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Tous les techniciens étaient réunis dans l’atrium, leurs sacs de voyage à leurs pieds. Darcy était allongé au centre, posé sur une pile de couvertures pliées, deux oreillers sous sa jambe blessée et plusieurs bénévoles pleins de sollicitude tout près.

Tous se retournèrent et regardèrent Dar et Kerry approcher, la plupart se dépêchant pour voir leurs cheffes qui s’arrêtèrent près du centre de l’atrium. Dar fit le tour du regard de l’espace sombre, puis vers les techniciens, ensuite elle leva les deux mains dans un appel agacé.

Un léger rire lui répondit.

« Comment va la jambe ? » Demanda-t-elle à Darcy.

« Bien », dit le technicien. « Ça fait mal mais je pense que c’est peut-être juste fêlé, parce que ça ne me fait pas aussi mal que quand je me suis cassé le bras. »

Dar se frotta le coude dans un souvenir lointain. « Oui, c’est plutôt mémorable », acquiesça-t-elle. « Bon, nous sommes presque rentrés, alors restons calme. » Elle produisit un sourire au technicien blessé qui lui sourit bravement en retour.

Kerry s’appuya contre la colonne centrale en marbre, très satisfaite de laisser Dar être le point d’attention. D’elles deux, elle avait vraiment conscience que Dar était la plus charismatique. Zut, après tout elle était tombée sous le sort magnétique au moment où elle avait posé les yeux sur cette femme, pas vrai ? 

« D’accord les gars. » Dar fit une pause, réfléchissant. « Nous serons au port bientôt. Je veux que tout le monde prenne ses affaires et sorte de ce foutu navire aussi vite que possible. On a des secours qui attendent Darcy mais après ça, partez en courant. »

Tout le monde hocha la tête mais ne dit rien.

« Je veux que vous sachiez tous combien on a apprécié que vous soyez là », continua Dar. « Peu importe ce qui arrivera avec ce contrat, nous avons terminé les tâches qu’on nous a demandées et rien ne pourra changer ça. »

Kerry sourit mais resta silencieuse également.

« Alors je veux que vous preniez tous la semaine en congé, offerte par la compagnie. »

Tout le monde écarquilla les yeux, y compris Kerry. Elle se tourna et regarda sa compagne avec une certaine surprise. Dar avait mis les mains dans son dos et elle se balançait d’avant en arrière, satisfaite de la réponse à son annonce.

« Je pense que vous le méritez tous, après ces derniers jours », continua Dar. « Alors partez, amusez-vous et ne pensez plus à ce maudit navire, d’accord ? » Elle se tourna à demi vers Kerry. « Rappelle-moi d’envoyer une note à Mari », ajouta-t-elle entre ses dents.

« Je vais l’envoyer », murmura Kerry. « Je souhaiterais juste que nous y soyons incluses », admit-elle. « Bon sang, une semaine de congé, ça sonne bien là maintenant… bien joué, chérie. »

« Merci. » Dar regarda par les baies vitrées, où le port de Miami commençait à se voir. « Allons nous préparer pour partir. Je ne suis pas très heureuse de l’hospitalité sur ce foutu rafiot. »

Quelques techniciens se levèrent et allèrent vers la pile de cartons dont ils avaient extrait les équipements, boites maintenant mises à plat et entassées près d’une paroi. « On prend ça, madame ? » Un des techniciens se tourna vers Dar. « Est-ce qu’on va devoir ressortir tout l’équipement ? »

« Laissez ça », dit Dar. « Ils vont recevoir une grosse facture pour ça, peu importe comment ils décident d’honorer le contrat. »

« Mais je pensais que… » Kerry la poussa légèrement.

« Je me fiche pas mal de ce qu’il a dit », répondit Dar. « Il va recevoir une facture et je vais passer la main au service juridique. Qu’ils s’en occupent. »

« Hm. »

« Ham va adorer ça. » Dar alla vers la baie vitrée et regarda dehors tandis qu’ils dépassaient l’île sur laquelle elles vivaient. « Tu es sûre que tu ne veux pas sauter ? »

Kerry la rejoignit. « Ne me tente pas. »

Dar continua à regarder le paysage passer. Dans le reflet des vitres, elle saisit l’entrée de ses parents dans l’atrium mais elle garda résolument le dos tourné et prétendit ne pas les avoir vus.

Elle n’était plus vraiment fâchée mais elle se sentait très embarrassée pour tout ce qui s’était passé.

Kerry la poussa légèrement. « Dar ? » Murmura-t-elle. « Le capitaine vient dans ta direction. »

Un autre déraillement de train. Dar se tourna dans l’autre direction et repéra l’officier, qui se dirigeait en effet droit sur elle. « Qu’est-ce que tu en penses… je le jette par-dessus bord ? »

Kerry lui tapota le bras avec sympathie. « Je veux rentrer avec toi aujourd’hui… pas te sortir de prison. »

Dar leva les yeux au ciel mais prit une expression neutre tandis que le capitaine arrivait à leur hauteur. Elle retint un mot de bienvenue cependant et attendit plutôt qu’il prononce des mots de paix.

« Ms Roberts », dit le capitaine. « Je vous dois de sérieuses excuses. »

Ce n’était pas ce à quoi elle s’attendait. « Mm », répondit Dar d’un ton neutre.

« Avec quelques petits exercices, nous nous étions attendus à un test de stabilité ce matin », continua le capitaine. « J’avais donné des consignes à mon équipage pour que vous soyez informée. Ils ne l’ont pas fait. »

Ah. « C’est ce que j’appellerais de l’insubordination », dit Dar.

Le capitaine hocha la tête. « En effet. Je suis désolé qu’un de vos employés ait été blessé. Bien sûr, nous allons prendre toute la responsabilité de ses dépenses médicales. » Il mit les mains dans son dos. « S’il vous plait, comprenez que… nous n’avions aucune intention de blesser qui que ce soit. »

Dar se laissa fléchir. A mi-parcours, elle avait commencé à aimer le vieux marin et avait été très déçue de penser qu’il les avait délibérément mis en danger. « De votre part, non. » Elle n’était pas prête à le libérer totalement de l’hameçon, cependant. « Je pense que votre équipage pense différemment. » Elle fit un signe dans l’air d’une main autour d’eux. « Est-ce que la panne de courant était une autre… ‘inadvertance’ ? »

Le capitaine garda relativement son calme. « Je l’aurais souhaité, vu que je me rasais dans ma cabine quand c’est arrivé », dit-il. « Nous avons réussi à griller notre transformateur. Il est très ancien. Mon ingénieur est une des rares personnes au monde encore capable de le remettre sur pied, mais ça prendra du temps. »

« Combien de temps ? » Demanda Kerry. « Nous devons faire une démonstration de ce système à vos propriétaires… et il nous faut du courant pour ça. »

Le capitaine haussa les épaules. « Impossible à dire. Nous avons besoin de pièces et elles ne sont pas faciles à obtenir. Mais nous allons faire de notre mieux. » Il leur fit un signe de tête puis se retourna et partit, contournant les techniciens assis sur le sol avant de se diriger vers le comptoir d’accueil.

« Hmpfff. » Kerry mit les mains sur ses hanches. « Dar, s’ils ne réparent pas, on ne pourra pas prouver ce qu’on a fait. »

« Je sais. »

« On peut tirer un énorme câble d’extension depuis le quai ? » Demanda Kerry. « Ou un truc comme ça ? »

« On s’en inquiétera quand le moment sera venu. » Dar s’assit sur l’un des bancs bas qui faisaient le tour de l’atrium. Elle nota que ses parents en avaient fait autant tout près et elle leva nonchalamment une main pour les saluer.

Kerry resta u moment debout puis elle serra l’épaule de Dar. « Je vais chercher nos affaires. Je reviens tout de suite. »

« Tu es sûre que tu es en sécurité ? » Demanda Dar.

« Dar, s’il te plait », dit Kerry en riant. « Assure-toi qu’ils ne basculent pas de nouveau le navire, d’accord ? »

« D’accord. » Dar réfréna le désir de la suivre et se contenta de la regarder traverser la foule de techniciens en direction de leur cabine. Ils la regardèrent tous aussi et Carlos s’approcha d’elle timidement. Kerry s’arrêta puis regarda par-dessus son épaule avec un air de fausse accusation, avant de lever la main, de hocher la tête et de continuer avec le jeune homme sur ses traces.

Hé. Dar eut un petit moment de répit avant que son père ne se lève pour venir vers elle et s’asseoir près d’elle sur le banc. Celui-ci craqua un peu sous son poids. Dar prit une inspiration pour parler puis la laissa s’écouler sur ses lèvres.

« Paladar Katherine », dit Andrew.

« Oui ? » Dar avait posé ses mains sur ses genoux et elle les étudiait, son regard saisissant l’étincelle subtile de l’anneau sur son doigt.

« C’était une foutue chose à faire et j’ai été un foutu abruti de ne pas la désapprouver. »

« C’est bon », dit Dar en soupirant. « Je ne pensais pas qu’ils allaient vraiment nous tuer. Juste nous embarrasser. » Elle s’appuya contre la paroi. « Une tripotée de connards. »

« Et bien. » Son père croisa ses mains. « Je crois pas que la plupart voulait être vaches avec vous. J’pense que la plupart vous approuvaient », dit-il. « Quelques pommes pourries. »

Dar haussa les épaules.

Andrew garda le silence un moment tandis qu’ils regardaient l’activité dans la pièce. « J’ai été de ce côté de la palissade un bon moment. »

« Je sais. »

« Peu importe. J’aurais dû te chercher et te le dire », dit son père calmement. « Au lieu de faire partie des connards.

Dar tourna la tête et étudia son profil. « Tu ne peux pas être un connard. »

Andy haussa un sourcil et la regarda avec un scepticisme patient. « J’peux vraiment l’être, jeune dame. »

« Nan », désapprouva Dar. « Tu es mon père », dit-elle. « Si tu es un connard ça fait de moi une connarde aussi. Tu me traites de connarde ? »

Andy pinça les lèvres. « T’es pas une connarde », dit-il. « Mais t’es une sacrée petite maligne. »

Dar rit d’un air las.

« Vous avez fait tout ce que vous aviez à faire ? » Demanda Andy. « Les gars ont bossé dur toute la nuit. J’les ai aidés à porter les grosses boites. »

Dar leva un pied et le posa sur son autre genou. « On a tout. Le problème, c’est qu’on peut rien prouver sans courant », dit-elle. « J’ai décidé que tout ce foutu projet est juste un grand mauvais sort… avec mon nom dessus. »

Andrew tapota le dessus de sa main sur le genou de Dar. « Ça va marcher. Ça marche toujours. »

Ah oui ? Pour une des quelques fois dans sa carrière, Dar dut admettre qu’elle avait vraiment pensé que ça ne le ferait pas cette fois. Et, pour la première fois, elle devait admettre pour elle-même qu’elle s’en fichait vraiment. Elle se battrait jusqu’à la fin pour que ce soit fait, prouvé, parce son honneur personnel l’exigeait. Mais si à la fin ILS perdait ce contrat – et bien – soit.

Elle se rendit compte à ce moment que contrairement à tous les autres projets avant, elle avait vraiment décidé de ne ‘pas laisser celui-ci marcher’.

Dar se demanda si elle devrait appeler Alastair et le prévenir. Elle lui devait bien ça.

Non ?

*******************************************

Kerry se rendit compte qu’elle était fichument contente d’être de retour sur la terre ferme, bien qu’une partie en elle insistait pour lui dire que le béton du quai bougeait toujours sous ses pieds. Elle se tenait sous le soleil tapant près du navire, regardant ses techniciens décharger leur matériel et descendre à leur tour, Darcy ayant déjà été emmené par une ambulance qui attendait.

En bas du quai, les autres navires s’amarraient également et la quantité d’activités autour de leurs passerelles était trois ou quatre fois plus importante que la leur. Elle repéra Michelle et Shari près du navire suivant et malgré leur manque de courant à bord, elle était contente que leur part de la tâche soit enfin terminée.

Contrairement à ses rivales, elle pouvait maintenant accrocher Dar pour aller manger quelque chose, puis s’asseoir et attendre que le courant revienne pour qu’elles puissent montrer le système et en finir. Bien sûr, Kerry devrait travailler pour présenter l’offre officielle pour le projet, mais ce n’était que de la paperasserie et pouvait être fait en short et tee-shirt, les pieds levés dans le bureau de la maison.

« Hé, Kerry ? » Mark fit un détour vers elle. « On va tous à Bayside pour manger quelque chose… ça te dit ? »

« Peut-être… où est-ce que vous allez ? » Demanda Kerry.

« Chez Hooters. » Mark eut la grâce d’au moins rougir. « Je sais que c’est sexiste et tarte et tout mais tu sais ils font de vrais… »

« Des ailes de poulets à mourir. Oui. » Kerry se mit à rire. « Je vais voir ce que Dar veut faire. Peut-être qu’on vous y retrouvera. » L’ironie de la chose fut comme un coup de pied aux fesses et elle rit pour elle-même tandis que Mark allait aider deux techniciens avec une grosse caisse à outils.

Elle repéra la journaliste du Hérald qui venait vers elle aussi elle réfréna le rire et prit ce qu’elle espérait être une expression professionnelle tandis que la femme s’avançait vers elle. « Et bien, bonjour. »

« Bonjour à vous, Ms Stuart », la salua la journaliste avec un sourire. « Je présume que c’est une plus belle matinée pour vous que pour d’autres. »

Kerry eut un éclair de souvenir totalement inapproprié de Dar dans leur cabine et un commentaire sur le mouvement du navire la veille au soir et elle ne put presque pas réfréner un rougissement. « Ah… oui, probablement », acquiesça-t-elle. « Nous avons pas mal travaillé hier soir et maintenant, dans l’attente de l’électricité, nous sommes prêtes à montrer les résultats.

« Vraiment ? Vous avez terminé ? » S’exclama la jeune femme. « Tout ? »

« Oui », acquiesça Kerry. « Nous avons fini le système du point de vente ce matin et j’ai terminé la configuration du serveur juste avant d’arriver au port. Je suis très satisfaite de la tournure des choses. »

« Je parie que oui », dit Elena. « Vous avez eu une manœuvre très maligne… monter à bord. Je ne pense pas que M. Quest a approuvé cela. »

Kerry haussa une épaule tandis qu’elle regardait la passerelle. « Vous savez, je pense que M. Quest veut le beurre et l’argent du beurre aussi. Il veut contrôler chaque aspect de cet appel d’offres et pourtant il nous dit sans arrêt qu’on doit être créatives et nous débrouiller avec les contretemps aussi bien que possible. »

« Hm. » La journaliste fit une note sur son carnet. « Vous savez c’est un super bon point. »

« Et bien, nous avons été créatives et nous avons fait tout ce qu’il fallait pour finir ce projet », conclut Kerry. « Alors j’espère bien qu’il n’aura pas de raison de se plaindre. »

« Hm… et maintenant pas de courant sur le navire, c’est ce que vous avez dit ? » La journaliste leva les yeux. « Une défaillance pratique. »

Kerry avait pensé la même chose il n’y a pas si longtemps. « Et bien, si on en croit le capitaine, ils ont grillé le transformateur. Il a des gens qui y travaillent. » Elle regarda vers la passerelle tandis que le petit ingénieur grossier apparaissait, regardant furtivement avant de faire signe à un membre d’équipage sur le dock de s’approcher.

Un rayon de soleil passa sur lui, éclairant son visage et soudain Kerry sut où elle l’avait déjà vu. « Oh. » Elle inspira de surprise.

« Pardon ? » Elena la regardait avec perplexité.

Est-ce que c’était le même type ? Kerry concentra sa vision périphérique sur lui et essaya vraiment de se souvenir de ce regard fuyant qu’elle avait eu devant le drugstore. L’homme commença à réprimander le docker et elle fut sûre d’elle. C’était le même visage tordu, la même expression ironique.

« Ms Stuart ? »

« Désolée. » Kerry reprit ses esprits. « Je réfléchissais. »

« Qu’est-ce qui va se passer s’il ne ramènent pas le courant ? Vous devez faire une démonstration de ces trucs, non ? » Demanda la journaliste.

« Nous allons trouver une solution », l’assura Kerry d’un air absent. « Si Dar doit louer trois cents hamsters et mettre en place des roues interfacées, on le fera. »

La journaliste se mit à rire. « Oh, ça c’est une citation », dit-elle. « Vous savez qu’ils ont eu une grande réunion hier soir, le reste des compagnies qui candidatent et Quest. »

Kerry se força à ramener son attention sur la jeune femme. « Non, je ne le savais pas », dit-elle. « Qu’est-ce qui s’est passé ? »

« Je ne sais pas. Ils ne m’ont pas invitée et personne ne parle », dit la journaliste joyeusement. « J’espérais que vous trouviez et me le disiez. » Elle regarda autour d’elle, puis commença à se reculer « En fait, je vois une opportunité d’interview là maintenant… Je reviens vers vous plus tard, Ms Stuart. »

Kerry se tourna vers le navire. Le petit ingénieur avait disparu à l’intérieur et elle se dirigea vers la passerelle avant d’y grimper, passant près de quelques ouvriers qui arrivaient dans l’autre direction. Elle entra dans le périmètre du navire et regarda autour d’elle mais l’homme n’était nulle part.

Mais Andrew si. Il s’avança vers Kerry, son sac de voyage sur une épaule. « Hé salut. »

« Salut, papa. » Kerry le salua d’un air absent. « Hé, tu as vu un type petit… genre renfrogné, ici il y a une minute ? »

« Et ben. » Andrew réfléchit. « Je pense que je sais de quel type tu parles. C’est l’ingénieur machine ici. »

« C’est ça. » Kerry se retourna et lui fit face.

« J’crois qu’c’type est parti allumer les lumières. Il a dit qu’il attendait une pièce », dit Andy. « C’est de quoi vous avez besoin, pas vrai ? »

Vrai. Kerry recula d’un pas et s’appuya contre la paroi du navire. « Oui », acquiesça-t-elle. « Je présume que c’est celui qui sait quoi faire, hein ? »

« Ouaip », dit Andy. « J’lui ai parlé un peu. Un ancien. »

« Il fait un peu peur », fit remarquer Kerry.

Son beau-père haussa les épaules. « Il est réglo, j’pense. Il est sur ce navire depuis près de vingt ans. » Il se rapprocha de Kerry, laissant passer un flot d’électriciens et autres artisans qui s’amassaient à bord, jurant et bousculant.

« Connards stupides », dit l’un des hommes. « Qu’est-ce qu’ils s’attendent qu’on fasse sans courant ? Quel tas de… »

« Ahh. Ferme-là », dit son collègue. « On s’en fout. Ils nous payent. »

Kerry secoua la tête. « Tu sais quoi, ils ont raison. Qu’est-ce qu’ils vont bien pouvoir faire dans le noir, papa ? » Demanda-t-elle. « Ce truc a de moins en moins de sens à mesure que le temps passe. » Son regard alla vers l’escalier, où une silhouette familière se frayait un chemin pour descendre contre la marée humaine. « Ah. Bien. »

Dar émergea de l’escalier et les repéra. Elle s’avança, se frayant un passage dans la file des ouvriers en se moquant totalement des plaintes et des regards outragés qu’elle laissait derrière elle. « Vous êtes prêts à partir d’ici ? J’ai vu maman descendre il y a peu. »

« On n’attendait que toi, chérie », lui dit Kerry en remettant sa nouvelle révélation à plus tard. « Les gars vont tous chez Hooters pour déjeuner. Ça te dit ? »

Andrew ricana. Dar haussa un sourcil vers Kerry. « Hooters, hein ? »

Kerry haussa les épaules d’un air penaud.

« Tu as faim ? » Demanda Dar à Andrew. « Je ne suis pas sûre que maman trouve autre chose que des bâtons de céleri et des frites là-bas, mais… »

« Nan. On va rentrer chez nous », répondit Andy. « On vous retrouve plus tard. » Il tapota le bras de Dar, fit un clin d’œil à Kerry et passa sous le bord de l’ouverture qui soutenait la passerelle.

« Hooters ? » Dar sourit.

« D’accord, d’accord. Tu gagnes. Tu avais raison. On peut aller manger maintenant ? » Demanda Kerry. « Et, il faut que je te parle de quelque chose… mais pas avant qu’on soit loin d’ici. »

Dar parut intriguée mais elle se retint de questionner Kerry et la dirigea plutôt vers la passerelle. Elles se frayèrent un chemin pour passer la ligne des ouvriers et se dirigèrent vers le quai, toutes deux contentes de laisser derrière elles le navire, son chaos brûlant et le dock affairé.

Elles passèrent le portail et la petite bande d’herbe entre les terminaux, contentes de trouver l’ombre des palmiers tandis qu’elles se dirigeaient vers le parking. « Est-ce qu’il faut qu’on trouve Quest pour lui parler ? » Demanda soudain Kerry.

« Tu veux une réponse honnête ? »

« Je ne veux pas non plus, Dar, mais je pense qu’on devrait. »

« Bon, tu as probablement raison », acquiesça Dar d’un ton aimable. « Mais c’est pas une vraie option vu que ce petit connard vient de ce côté juste là. » Elle fit un signe de tête léger sur sa droite. « Alors fais appel à tes bonnes manières parce que les miennes se sont carapatées et je pourrais lui mettre un coup de pied dans les parties plutôt que lui parler. »

« Compris. » Kerry ralentit et se tourna, s’arrêtant lorsque Quest les intercepta. Il portait un polo couvert de sueur et un pantalon large en laine, et son visage montrait une expression très contrariée. « Bonjour, M. Quest. »

« Où pensez-vous aller ? » Demanda Quest.

Kerry décida de prendre la question au premier degré. « Manger quelque chose. Vous voulez venir ? » Répondit-elle poliment.

« Et votre projet ? » Demanda-t-il. « Vous abandonnez ? »

« Il est fini », lança Dar d’un ton sec.

« Quoi ? »

« On a fini », confirma Kerry. « On a juste besoin que le courant revienne sur le navire pour vous en faire une démonstration et on pourra y mettre fin. Vous recevrez mon offre financière d’ici peu. »

Quest eut l’air honnêtement ébahi. « Vous le pensez vraiment ? » Demanda-t-il. « Vous avez vraiment fini ? »

« Oui. »

Quest se mit à rire. Il recula un peu puis se retourna et partit au petit trot, toujours en riant. Il leur fit un signe de la main tandis qu’il repassait le portail, puis il tourna et partit dans la direction du navire de Michelle et Shari.

Kerry se retourna et fit face à Dar. « Si tu devines ce qui se passe ici, tu me le diras, pas vrai ? »

Dar baissa ses lunettes de soleil et regarda Quest. « Oui… sûr », dit-elle. « Mais tu sais quoi, je vais me faire plaisir à montrer le système à ce bâtard. Peut-être qu’il invitera le reste de ces connards à venir le voir. »

Kerry se mordit la langue, sa conscience luttant avec son désir de détruire le projet.

« Ker ? »

Kerry s’appuya contre le palmier sous lequel elles se tenaient. « Oui ? »

« Qu’est-ce qu’il y a ? » Dar posa sa main contre le tronc. « Tu vas bien ? »

Est-ce qu’elle devrait même en parler à Dar ? Si elle le faisait, Dar serait autant responsable de cette décision qu’elle-même. Est-ce que Kerry le voulait ? Est-ce que ce ne serait pas mieux de le garder pour elle-même et comme ça, d’avoir un contrôle total dessus ?

« Kerry ? » Dar se rapprocha et sa voix baissa, signe d’inquiétude.

Est-ce qu’elle voulait vraiment mentir à Dar ? Kerry leva la tête et croisa le regard de sa compagne. Non. Elle ne voulait pas de mensonges entre elles. Ce n’est pas comme ça qu’elle avait décidé  de passer leur vie ensemble. « Ce type », dit-elle. « Ce mauvais petit homme… celui qu’on a vu dans le hall hier soir ? »

Dar pencha la tête. « L’ingénieur ? »

Kerry hocha la tête. « Tu te souviens que j’ai dit que je le connaissais de quelque part ? »

« Oui. »

« C’est le type du drugstore. Ce type, avec la voiture et la femme dans le coffre ? »

La mâchoire de Dar s’affaissa. « Tu en es sûre ? » Elle mit la main sur l’épaule de Kerry. « C’était ce type ? »

« Je suis… » Kerry soupira. « Dar, je le pense vraiment. Est-ce que j’en suis absolument positive ? Il faisait noir et je ne l’ai vu qu’une petite minute… mais je pense que c’était lui. »

Dar retira ses lunettes et étudia Kerry sérieusement. « S’il descend du navire, on n’aura jamais de courant. Pas à temps. Pas après ce qu’on a entendu sur lui. »

« Je sais. »

Elles se regardèrent. « Qu’est-ce qu’on va faire ? » finit par demander Kerry.

Dar se mordit brièvement l’intérieur de sa lèvre. « On va aller déjeuner », dit-elle. « Ce gars ne va nulle part. Réfléchissons et ensuite nous déciderons. »

Kerry réfléchit un moment puis hocha la tête. « Très bien. Ça me parait bien. »

Elles se tournèrent et continuèrent vers le parking, arrivant à leur voiture juste au moment où un groupe sortait du terminal de Michelle et Shari, se disputant. Elles s’arrêtèrent pour les regarder.

« Ah », murmura Kerry. « Je présume qu’on a trouvé où notre petit copain Jason de New York est allé. »

Dar regarda Quest qui faisait une dernière remarque puis partait, laissant Michelle et Shari sur place avec le nouveau venu et le capitaine de l’armée, ainsi que l’équipe de tournage de la chaîne de voyages. « Tu sais à quoi je pense. »

« Hm ? »

« Tout est parti en vrille. » Dar ouvrit les portes. « Alors allons déjeuner et peut-être que j’aurais une idée sur ce truc avant qu’on revienne. »

Kerry monta dans la voiture et apprécia presque le cuir chaud qui lui détendait ses muscles derrière la nuque. Juste au moment où elle était convaincue que les choses ne pourraient pas aller plus mal…

« Hé, Ker ? »

« Oui ? »

« Je t’aime. »

Kerry sourit, tendant la main sur la console pour presser le bras de Dar.

Qu’ils aillent au diable.

Qu’ils aillent droit au diable.

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A suivre chapitre 29

 

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Commentaires
F
Merci aux lectrices (et lecteurs éventuels). La suite avance
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H
Merci encore pour cette traduction et hâte de lire la suite.<br /> <br /> Encore un grand merci à toi fryda.
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F
Isis, fidèle entre les fidèles :-)
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I
Merci Fryda :-)<br /> <br /> Isis
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F
Bonne lecture et désolée pour le délai. F
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