Sassem, partie IV, chapitre 9
Chapitre 9 :
Tia fixait le plafond de sa chambre
en réfléchissant intensément. Alexia avait éteint la lumière une heure
auparavant et s’était blottie contre elle pour s’endormir. Elle sentait sa
respiration calme et régulière chatouiller son épiderme. Elle ne parvenait pas
à comprendre ce qui avait bien pu décider Alexia à lui faire une déclaration de
guerre amoureuse, selon ses propres termes.
Après le dîner, elles étaient
montées dans la chambre un peu agacées des piques continuelles de Trinity et
Tia était partie se détendre dans la salle de bain. Curieusement, Alexia
n’avait pas voulu l’accompagner. Elle avait compris pourquoi après.
Elle était entrée dans leur
chambre un peignoir sur le dos, et sa compagne l’avait fait asseoir sur le lit
en lui disant qu’elle avait quelque chose à déclarer. Elle s’était mise debout
en face d’elle, ses jambes touchant ses genoux et ses mains jouant avec les
siennes.
Puis elle avait prit une grande
inspiration et avait planté son regard dans le sien. Elle l’avait laissée là
quelques instants, jusqu’à ce que Tia ne voit plus que lui et la force qu’il
dégageait. Elle avait ensuite entendu un son avant de comprendre qu’il
s’agissait de mots et d’en laisser le sens l’en imprégner.
- Je sais que tu as entendu ce que mon père m’a dit la semaine passée et
je veux que tu saches que pour moi, il n’y a jamais eu aucun doute. Tu es la
personne avec qui je veux rester. Mon père… je l’aime oui, mais c’est avec toi
que je vois mon avenir. Je sais que tu en doutes, que tu te poses des
questions. Je ne sais pas ce que papa t’a dit et si tu m’en parlais je sais que
je pourrais te rassurer.
Mais là n’est pas le propos pour
l’instant.
Elle s’était interrompue pour
respirer puis elle avait poursuivi sans lui laisser une chance de répliquer.
- Dans une semaine, je devrais le
dire à papa et j’aimerais que se soit toi qui le lui annonce.
- Pourquoi ?
- Parce que j’ai l’impression que
tu veux me quitter.
Elle leva la main pour l’empêcher
de parler.
- Laisse-moi finir, s’il te plaît.
J’ai une semaine. Une semaine durant laquelle je vais te faire une cour
effrénée, je vais tout faire pour que tu craques pour moi, pour te convaincre
que nous sommes liées, que rien ne peut ni ne doit nous séparer et ce, quelques
soient les difficultés. Moi j’en suis convaincue. Il faut qu’à la fin de la
semaine tu le sois aussi. C’est pour cela que je vais te séduire ma belle
mercenaire...
Puis elle avait fait un pas en
arrière et proclamée :
- Je t’aime Tia, c’est pourquoi je
te déclare la guerre.
- L… la guerre ? avait-elle
balbutiée abasourdie.
- La guerre amoureuse. Début des
hostilités demain matin au lever, fit-elle en se penchant vers sa bouche,
qu’elle embrassa passionnément avant de se détourner pour se glisser dans la
salle de bain.
Tia avait tourné et retourné la
scène dans sa tête, elle n’y trouvait aucun sens. A part peut-être… elle avait
été distante avec elle depuis son entretien avec M. Stefanos. Elle avait de
bonnes raison pour cela. Et quelque part, Alexia avait mis dans le mille. Son
père avait touché tout ce qui la faisait douter de sa relation avec sa fille.
Elle l’aimait infiniment, mais n’était pas certaine, ou plutôt était presque
sûre de ne pas être le bon choix pour elle.
Alexia était si innocente. Et elle
avait tant accepté en la rejoignant. Son caractère, son intransigeance, ses
cauchemars, ses démons, sa violence, le danger, les morts en pagaille, l’idée
de sa propre disparition, l’idée aussi qu’il puisse y avoir une raison qui
rende le meurtre acceptable…
Sa vie était constamment en danger
et elle changeait sa perception du monde en obligeant Alexia à revoir ses
valeurs. Ce n’était pas normal. Alexia méritait mieux. Une vie plus sûre, où
elle ne risquait pas la torture seulement parce qu’elle la connaissait. Car
elle ne se faisait pas d’illusions, si Sassem lui mettait la main dessus, c’est
ce qui lui arriverait… et rien que pour cela elle ne pouvait laisser Alexia
repartir avec son père. Elle savait donc qu’elle serait la réponse qu’elle
donnerait à M. Stefanos. Elle pourrait le dire à sa compagne et lui épargner
une semaine d’angoisse, mais elle avait fini par comprendre ce qu’elle essayait
de faire et ne se sentait pas le courage de lui dire que c’était inutile.
Quelque part, elle espérait que sa
campagne de séduction aurait l’impact voulu. Qu’à la fin de cette semaine, elle
serait aussi certaine qu’Alexia que leur relation n’était pas qu’une
coïncidence de la vie. Que leurs deux personnes étaient aussi indissociables
que le Yin et le Yang.
Dieu que c’était dur
d’aimer ! Il y avait toujours tellement d’attentes, tellement d’angoisses.
Comment une chose aussi merveilleuse pouvait-elle être aussi douloureuse ?
Elle examina le visage endormi de
sa compagne qu’elle pouvait à demi-percevoir grâce aux rayons de la lune qui
tombaient sur une partie de son visage appuyant sur certains traits en
particulier.
Elle vit Alexia esquisser un
sourire, en réaction à une image de son rêve, puis soupirer joyeusement.
- Il a l’air bien ton rêve mon
cœur, souffla-elle.
- Hmmmm, répondit son amie comme
en réponse à sa remarque.
Un petit rire lui échappa puis Tia
embrassa le front de sa belle et tourna la tête vers le ciel nocturne. Elle
chercha, comme toujours, le visage de ses parents ou plus simplement, un indice
de leur présence parmi les cieux.
« Qu’est-ce que vous en
pensez maman, papa ? Je nous laisse une chance ? Et si je ne suis pas
convaincue comme elle souhaite que je le sois ? Je le lui dis ? En
précisant quand même qu’elle doit rester pour des raisons de sécurité ou je lui
mens ? Elle ne voudra jamais rester si je ne suis pas convaincue. Alors
qu’est-ce je dois faire ? J’aimerais tellement que vous soyez là… »
Elle soupira et revint au visage
d’Alexia. « Soit honnête Tia, tu as besoin d’elle. » Elle allait lui
laisser une chance de la convaincre. Parce qu’elle souhaitait être convaincue.
Et si elle ne l’était pas, eh bien… elle aviserait le moment venu. Elle avait
bien trop besoin d’elle pour ne pas au moins essayer.
**************************
Tia fixait les lys blancs d’un air
hésitant. Alexia s’était levée avec l’aube et était partie lui préparer un
petit déjeuner comme elle les aimait, c'est-à-dire plein de Nutella, de miel et
beurre, et lui avait apporté le tout au lit. Elle l’avait regardé manger en la
couvant du regard, ce qui l’avait rendue nerveuse. Si toute la semaine était
ainsi, elle allait avoir du mal !
Après le petit déjeuner, Alexia
avait filé hors de la villa après de légères modifications corporelles qui
l’avaient beaucoup fait rire tant elle ressemblait à une vieille dame édentée !
Elle était revenue des heures plus tard et elle avait couru se réfugier dans la
salle de bain avec des tas de paquets différents.
Elle en était ressortit deux
minutes plus tôt avec un énorme bouquet de lys blancs et un sourire non moins
énorme, vêtue d’une robe noir qui s’arrêtait au dessus du genou. Ses cheveux
avaient été coupés au-dessus des épaules et coiffés en demi-tresses africaines.
Elle avait enfilé des bracelets qui tintaient à chacun de ses mouvements et un
collier en argent dont le pendentif tombait juste à la naissance de ses seins.
- Elles ne te plaisent pas ?
s’inquiéta soudain la jeune blonde.
- Si, si, répondit-elle en les lui
prenant des mains. C’est juste… eh bien je n’ai pas l’habitude. Je veux dire…
on ne m’a jamais offert de fleur alors… enfin merci.
- Tu veux dire que je suis la
première ? interrogea-elle les yeux brillants.
- Oui.
- Fantastique !
Elle la fixa de ses beaux yeux
verts puis fit un geste vague en direction de la salle de bain.
- Va te changer.
- Hum, je ne voudrais pas gâter
ton enthousiasme mais…
- Ne t’en fait pas, la coupa-elle,
on ne sort pas. Mais ce que j’ai prévu nécessite tout de même une autre tenue.
- Une dans ton genre ?
- Si tu veux dire chic, je te
réponds oui mademoiselle.
- Et qu’as-tu prévu ?
- Surprise ! Allez va te
changer ! la houspilla-elle en la poussant dans le dos.
Tia entra en riant dans la salle
de bain. Elle prit une douche puis piocha dans son armoire à la recherche d’une
tenue appropriée. Elle passa un pantalon en cuir noir et un tee-shirt sans
manches moulant avec une dentelle très suggestive sur le devant. Elle se
demanda un instant si le port des chaussures était pertinent, avant de décider
qu’avec une tenue pareille, c’était obligatoire. Elle enfila des boots de
motard et se regarda vite fait dans la glace avant de juger qu’elle était bien.
Elle se mit ensuite en quête de sa
petite amie. Elle la chercha pendant dix bonnes minutes avant de réussir à lui
mettre la main dessus. Elle se trouvait dans la salle à manger et apposait une dernière
touche à leur table.
- Waaa, laissa-elle échapper. Lex,
tu… c’est dingue, tu as fais ça toute seule ?
La jeune femme se tourna vers elle
avec un grand sourire. La lumière des bougies éclairaient un côté de son
visage, laissant l’autre dans l’ombre, lui donnant un air mystérieux et sauvage
et renforçant l’intensité farouche de son regard. Tia déglutit, troublée de la
soudaine attitude déterminée de son amie.
Celle-ci s’approcha lentement
d’elle en détaillant paresseusement son corps. « Purée ! Pour un peu
je jurerais être nue ! » se dit-elle devant ce regard soutenu. Une
fois à ses côtés, elle lui saisit la main et l’amena à sa chaise. La table
était absolument superbe. Des pétales de rose et de marguerite avaient été
étalés sur une nappe blanche damassée. De petits personnages, hauts de quelques
centimètres seulement, étaient disposés un peu partout sur la surface blanche
éclatante, dans des scénettes rigolotes.
L’une d’elle la fit éclater de
rire. Deux petites femmes étaient posées sur un tout petit lit de pétales et la
première femme avait relevé la jupe de la seconde et fixait d’un air ébahi ce
qu’il y avait en dessous.
- Où as-tu trouvé ces
figurines ?! demanda-elle en riant.
- Ah ah ! C’est mon secret.
Allez assieds-toi et profite.
- C’est toi qui à préparé à
manger ?
- Hum hum. Je m’y suis mise au
réveil.
- J’ai hâte de voir ça.
************************
Alexia avait servi un dîner digne
des plus grands maîtres queux et Tia s’était régalée. Le dessert venait d’être
posé sur la table et la mercenaire ne le quittait pas des yeux. C’était une
composition unique : un parfait au chocolat et au miel. Deux petits
personnages surplombaient le gâteau. Elle éclata de rire en les avisant. L’un
était à genoux et dévorait le gâteau, l’autre s’apprêtait à se jeter sur le
premier d’un air féroce. Ce qui l’avait fait rire n’était pas tant la scène en
elle-même que la tête des deux personnages. Celui qui était agenouillé avait le
visage d’Alexia et l’autre avait le sien.
- Tu n’as pas pu faire ça
toi-même, lâcha Tia en riant. C’est beaucoup trop sophistiqué pour toi !
- Tu veux me vexer ? fit-elle
avec une grimace. Bon, ok, j’ai commandé chez un traiteur cet après-midi entre deux boutiques.
Mais j’ai choisi moi-même les plats. Et demandé une création unique pour le
dessert. Pas mal non ?
- Énorme chérie. Bel effort,
confirma-elle dans un sourire railleur. J’adore déjà le dessert !
- Alors profites-en bien car se
sera le seul.
Tia fronça les sourcils.
- Pardon ? Tu veux dire…
- C’est ça. Régime sec.
- Mais… après une soirée
romantique ça n’a pas de sens.
- Si. Parce que si tu te souviens
bien, je dois te convaincre que tu m’aimes et que tu es faite pour
moi. Le sexe à tendance à tout
embrouiller, alors rien jusqu’à la fin de la semaine.
Tia la fixa, sciée.
- C’est…
Elle ouvrit plusieurs fois la
bouche, en tentant d’en faire sortir un son, sans y parvenir.
- C’est… cruel, lâcha-elle
finalement. Tu… me regardes comme si tu voulais me dévorer depuis le début du
repas !
- Je n’ai jamais dit que j’allais
cacher ce que tu déclenches dans chaque partie visible et invisible de mon
corps.
La bouche de la mercenaire opéra
une descente rapide et involontaire sur le bord de la table.
- Tu…, Tia déglutit péniblement,
tu n’es pas obligée… de me dire ce genre de choses, fit-elle en inspirant
profondément. Je… ce serait… moins… heu.
Le regard de la grande brune se
perdit dans le décolleté que son amie avait mis en avant, par un mouvement tout
sauf subtile.
« Ferme la bouche t’as l’air
débile ! » s’engueula Tia. « Elle le fait exprès, se dit-elle de
mauvais poil en posant ses yeux sur une zone plus sécurisé tel que le plafond.
Elle veut m’allumer. Ça l’amuse et ça me rend dingue. Comme ça à la fin de la
semaine je serai tellement obsédée que je donnerais exactement la réponse
qu’elle attend ! »
Alexia ne put empêcher un éclat de
rire la secouer en voyant l’expression dépitée et frustrée de son amie.
*************************
La fin de la semaine arriva vite
et Tia était tout aussi perdue qu’au premier jour. La frustration sexuelle
était telle qu’elle se retenait à grand peine de ne pas plaquer la jeune blonde
contre un mur pour lui faire l’amour avec une passion brutale. Alexia lui avait
organisé surprise sur attention tout au long de la semaine.
Honnêtement Tia n’avait jamais été
à ce point courtisée et cela avait rempli d’une douce chaleur un endroit de son
cœur qu’elle ne se connaissait pas. Son amie n’avait cessé de lui montrer à
quel point elle était importante à ces yeux et à quel point elle avait besoin
d’elle. Elle avait aussi tenté à plusieurs reprises de lui faire comprendre que
toutes deux étaient destinées l’une à l’autre.
De ce fait, tous les soirs avant
de s’endormir, Alexia lui racontait une histoire ayant pour thème les plus
belles histoires amoureuses avant de décortiquer en quoi cela les rendaient si
belles. Tous les classiques y étaient passé, Roméo et Juliette, Tristan et
Iseult, le Roi Arthur et Guenièvre, quoi que là, ce soit plutôt un triangle
amoureux avec Lancelot, Esméralda et son bossu et même des Walt Disney !
La belle et le clochard, Lilo et Stitch ! Non, mais sérieusement ?!
Même Titi et gros minet avaient eu droit à un décorticage de leur
relation !
Pour finir, hier soir, Alexia
avait mis la saison 2 et 3 de L Word et pointé la relation de Bette et Tina, en
montrant du doigt ce qui avait fait défaut dans leur relation ( en dehors de
l’évidente trahison de Bette envers Tina évidemment ) en concluant que cela
venait du fait que les deux femmes ne parlaient pas assez. Elles supposaient ce
que l’autre pensait sans jamais vraiment en discuter. Bon évidemment, sur la
fin de la saison 3, Tina déconnait sévère avec son père de famille, mais là
n’était pas la question. Elles étaient faites l’une pour l’autre et pour une
raison connue d’elles seules, ne cessaient de gâcher, à tour de rôle, ce qu’il
y avait entre elles. Résultat, elles se couraient après, à tour de rôle, se
rendant compte qu’elles ne pouvaient se passer l’une de l’autre
(enfin ça c’est ce qu’Alexia avait
décrété).
Tia l’avait regardée éberluée,
autant par sa volonté de lui faire comprendre qu’elles devaient rester ensemble
quoi qu’il arrive, que par la façon maladroite et originale qu’elle avait de le
faire.
Tout ceci était déjà très
perturbant, mais ajouté aux regards enflammés qu’elle lui lançait à chacune de
leurs sorties… Tia avait eu envie un millier de fois de la coller au mur en lui
demandant pourquoi, mais pourquoi donc, elle se sentait obligée de l’échauffer
comme ça une semaine durant ?!
En plus, chaque soir elle se
blottissait contre elle pour dormir sans qu’elle ait le droit de la
toucher ! Elle la mettait à l’épreuve ou elle essayait de la rendre
dingue ?! Comment elle pouvait dormir ?!
La semaine avait donc été une
oscillation constante entre la joie tranquille due aux charmantes et
surprenantes attentions de sa compagne et la frustration sexuelle explosive qui
avait émaillée chacune d'elles.
Et voilà qu’elles se retrouvaient
le jour J, pour un barbecue familial où M. Stefanos devait faire une apparition
pour le dessert et elle ne savait toujours pas ce qu’elle allait dire à cet
idiot qui était la cause de sa très grande confusion !
Tia fixait d’un air mauvais sa
compagne et son amie, Linya, qu’Alexia avait invité à la dernière minute, en
train de converser comme si elles ne doutaient pas le moins du monde de sa
réponse !
Franchement Tia était épuisée.
Elle se demandait ce qu’elle détestait le plus. L’attitude assurée des filles,
la jovialité énergique de son oncle ou l’hostilité glaciale de sa
cousine ? Le choix était difficile. J’ai droit à un Joker
Jean-Pierre ?
Tia soupira et avala d’un trait le
cocktail de fruits - ananas, orange, citron et mangue qu’Alexia avait pressés
pour elle un peu plus tôt, de manière totalement naturel. Elle aurait bien aimé
un truc plus fort, mais la jeune blonde avait décidé que c’était mauvais pour
elle. Non mais, de quoi je me mêle ?!
Soudain Alexia se leva en
déclarant qu’elle leur lançait un défi à la course de voitures. « Les jeux
vidéo ! » songea Tia en levant les yeux au ciel. Ça avait été le
nouveau dada de son amie toute la semaine. Elle avait défié et battu tout ceux
qui avaient été assez stupides pour la prendre au mot. Tout le monde accepta
avec enthousiasme, même Trinity, qui apparemment était aussi une mordue.
- Tu viens ? lui lança sa
compagne quand elle ne la vit pas bouger.
- Sûrement pas. Je hais, les jeux
vidéo.
- Mais tu adores la vitesse,
contra-elle.
- Peut-être, mais là c’est fictif.
- Justement, tu peux appuyer sur
le champignon je ne te hurlerai pas dessus cette fois ! fit-elle avec sa
logique imparable.
Pour éviter un nouvel argument
vain, Tia garda le silence la regardant d’un air explicite.
- Alleeeezz, Tiiiiaaaa, s’iiiil te
plaiiiiiiiiit !!!! se plaignit-elle en l’approchant.
Tia secoua la tête lentement de
droite à gauche. Alexia se percha alors sur ses genoux et passant ses bras
autour de son cou, colla son nez au sien et murmura :
- Je suis sûre que je peux trouver
un moyen de te convaincre.
- Attention Lex, la menaça-elle,
si tu commences un truc que tu n’as pas l’intention de terminer, je te jure que
je te renverse sur la table et que je te baise là tout de suite sans plus me
soucier de ta décision.
Alexia se figea et vit dans son
regard qu’elle ne plaisantait pas. Ok, elle était peut-être allée un peu loin
dans son jeu. Mais allumer Tia était presque aussi jouissif que de coucher avec
elle et elle avait eu bien du mal à se retenir de jouer. D’autant plus que
Linya l’avait convaincue que la frustrer lui ferait comprendre qu’elle ne
pouvait décemment pas la quitter, puisqu’elle ne tenait même pas une semaine
sans la toucher !
En attendant, bonne ou mauvaise,
elle allait devoir se sortir de la situation potentiellement catastrophique
qu’elle venait de créer.
- Euh Tia, commença-elle, c’est
presque fini Ok ? Au dessert papa sera là et tu lui parleras et après ça…
on fera ce que tu voudras…, finit-elle avec un sourire engageant.
Tia garda le silence un moment.
- Qu’est-ce qui peut bien te faire
croire que tu m’as convaincue ? demanda-elle en définitive.
Une alarme raisonna dans un coin
de la tête d’Alexia et l’anxiété la gagna.
- Tia… je… après toutes les
histoires que je t’ai racontées cette semaine, tu ne vas pas me faire croire
que tu ne crois toujours pas au grand amour ?
- Pour commencer, toutes tes
histoires étaient des tragédies…
- Pas L Word !
- Tina et Bette sont séparées Lex.
- Et Walt Disney ?
- Des dessins animés. Ça ne compte
pas.
La jeune blonde grimaça. Elle
aurait peut-être dû réfléchir un peu plus à ces histoires en fait. Elle n’avait
pas pris en compte le caractère foncièrement pessimiste de sa compagne qui bien
évidemment, n’en avait retenu que le côté négatif !
- Ensuite, poursuivit-elle
implacablement, en quoi être convaincue que le grand amour existe nous
concerne-t-il ?
- Tia ! Tu me fais marcher
hein ?!
Mais devant le visage impassible
de celle-ci, Alexia dut se rendre à l’évidence.
- Mais c’est ce que nous vivons
bon sang ! Ça me paraît évident !
- Lex, la réprimanda la mercenaire,
avant de te connaître, je ne savais même pas ce qu’était l’amour, alors
reconnaître le grand amour me paraît difficile. De toute évidence tu as des
points de références, « Et je donnerais cher pour connaître leurs noms à
ces guignols ! » songea une Tia assez furieuse de ne pas être la
première, mais en ce qui me concerne je n’ai aucun point de comparaison pour
ça.
Alexia ouvrit la bouche pour
répondre puis la referma.
- Alors ça veut dire que tu vas
répondre oui à mon père ? questionna-elle découragée.
- Ça veut dire que je ne sais pas
ce que je vais répondre Lex, la détrompa-elle.
Ses yeux brillèrent. Elle avait
encore une chance de la convaincre.
- Ok, j’avoue que je n’ai pas
toujours été inspiré pour mes histoires alors écoute celle-ci s’il te plaît,
elle est courte. C’est un poème que tu m’as inspirée.
Elle respira un bon coup puis
attrapa une chaise et s’assit en face d’elle. Elle posa ses mains sur les
siennes et plongea son regard dans le sien. Elle entama sa récitation et sans
jamais la quitter ses yeux, elle déclama son œuvre d’une voix où elle mit tout
l’amour qu’elle ressentait pour cette grande femme si dangereuse et
mystérieuse, dont elle n’envisageait pas une seconde de se séparer, quoi qu’il
lui en coûte.
En regardant dans mes yeux,
S'il te plaît, souviens-toi que je suis timide.
Tu n'as rien à craindre.
Car c'est l'homme qui nous a mis sur cette terre ensemble...
Mon vœu serait de ne pas être si incompris.
Après Tout, c'est l'homme qui dit que je ne suis pas bon.
Si l'homme pouvait prendre le temps d'apprendre comment je suis réellement.
Peut-être aurais-je la chance de demeurer dans ce monde
S'il ne tue pas ma famille.
C'est votre choix de m'aider.
A ce que les hommes voient,
Que je ne suis pas un tueur comme on vous l'a fais croire.
Je veux être compris et être libre.
*Texte de B. Schmit
- C’est… très énigmatique.
Alexia eut un sourire indulgent.
Elle savait qu’elle ne comprendrait pas.
- Se sont les pensées d’une louve
de ma connaissance…
Tia écarquilla les yeux quand elle
comprit de qui elle parlait et ce qu’Alexia avait compris d’elle-même, puis
posa un nouveau regard sur son amie.
- Je t’aime Tia, mon amour,
fit-elle en posant un léger baiser sur ses lèvres.
Puis elle se leva et tenant
toujours sa main lui demanda la permission de l’emmener dans la salle de jeux
d’où l’on entendait des cris de joie et d’encouragement autant que des
railleries qui fusaient jusqu’à elles.
- Tu ne seras pas obligée de
jouer, mais j’adorerais avoir un supporter, déclara-elle avec une moue
adorable.
Tia sourit et céda.
- Je pourrais avoir des pompons et
une chorégraphie rien que pour moi ? quémanda Alexia avec un regard en
coin.
- Tu veux que je me déguise en
pom-pom-girl ? fit Tia outrée.
Alexia hocha la tête avec espoir.
- Jamais !
*************************
Tia observait sa cousine. Ses
boucles rousses étaient maintenues en arrière par un bandeau afin qu’elles ne
la gênent pas pendant sa course. Elle s’était glissée dans la machine de droite
pendant qu’Alexia se glissait dans celle de gauche. Son oncle n’avait plus eu
d’autre choix que celle du milieu que tous s’accordaient à trouver moins
performante. « N’importe quoi ! C’est une machine pas une vraie
voiture » s’était dit la mercenaire, jugeant cependant plus prudent de ne
pas faire cette remarque à voix haute.
Trinity arborait un sourire d’une
largeur qu’elle ne lui avait jamais vu. Il faut dire qu’à part une expression
haineuse ou morose, elle ne lui avait pas vu grand-chose. Le sourire changeait
complètement son visage, le faisant paraître plus jeune et chaleureux. On
aurait vraiment dit une autre personne. D’ailleurs pendant les différentes
courses auxquelles elle participa, elle oublia totalement qu’elle avait
« une perverse » pour adversaire et s’adressa à elle comme elle le
faisait avec son père, avec raillerie et vantardise mais chaleur. Elle
plaisanta même avec elle, expliquant son refus de courir par la peur d’être
ridiculisée. Tia avait ricané.
- Tu n’es pas prête à concourir
contre moi, crois-moi, avait-elle rétorqué. Vous êtes des petits joueurs à côté
de moi.
- C’est ce que disent les poules
mouillées pour ne pas se mouiller, justement, avait lancé sa soi-disant petite
amie.
Tia avait plissé les yeux et
décrétés qu’elle ne supportait pas les traîtres. Elle s’était donc
ostensiblement déplacé vers son oncle et l’avait ignoré durant le reste de la
course, laissant Linya seule supporter son amie.
Soudain elle sursauta. Sa fesse
gauche vibrait. Elle secoua la tête devant sa nervosité et attrapa son
téléphone. Elle décrocha tout en s’éloignant.
***********************
Alexia leva les deux bras en l’air
en hurlant sa joie.
- J’ai gagné !!! J’ai
gagné !!!
- Je ne vois pas pourquoi tu
hurles, dit Gin dépité, ce n’est pas comme si c’était la première fois ou après
une lutte acharnée.
Alexia se leva et entama une
petite danse.
- Je vous ai battus,
chantonna-elle, vous êtes nuls, je vous ais mis minableuuuuh.
Trinity éclata de rire devant le
ridicule de sa danse de victoire puis secoua la tête en s’extirpant de la
machine.
- Je vais chercher à boire.
- Sûr ! Ça donne soif
d’avaler la poussière, jeta avec suffisance la jeune blonde.
Elle eut alors droit à un sourcil
relevé en un signe évident de scepticisme, puis un reniflement dédaigneux
suivit, la faisant sourire. Elle la regarda s’éloigner et chercha sa petite
amie des yeux.
Elle la vit un peu plus loin,
appuyée contre un mur, en pleine conversation téléphonique. Elle l’observa
raccrocher, puis rester quelques instants pensive avant de la chercher du
regard. Leurs regards s’accrochèrent et restèrent ainsi alors qu’elle
s’approchait, le visage impassible.
« Oh oh, ça sent les
ennuis » songea-elle.
- Qui était-ce ?
- Waco.
« Ha. Le boulot donc »
- Et ?
- Elle dit qu’un client à elle
veut m’engager pour un job.
- Pourquoi ne le fait-elle
pas ?
- Sassem. Un de ses sites se
trouve dans le coin, elle veut l’étudier et elle dit qu’elle n’a pas le temps
de s’en occuper et qu’elle aura besoin de mon aide, car le site est vraiment
énorme et très surveillé.
- En gros, elle te fait venir sous
un prétexte bidon pour pouvoir t’utiliser après.
- Non, Lex. Elle m’a demandé de
l’aide et j’ai accepté, comme elle l’a fait elle-même pour moi de nombreuses
fois. De toute façon pour se qui concerne Sassem on bosse ensemble, on ne se
rend pas service. On veut la même chose elle et moi. Qu’il tombe. En ce qui
concerne la mission, c’est un truc basique selon elle.
- Où ?
- En Italie.
- Et c’est quoi un truc basique
pour elle ?
- Ça dépend. Elle est un peu
spéciale.
- Sans blague, marmonna-elle entre
ses dents. On part quand ? reprit-elle tout haut.
Tia la fixa et Alexia comprit ce
qui allait suivre.
- Lex…
- Non Tia ! Je veux venir. Tu
sais que je t’aime et que cela seul justifie mon envie. Mais ce n’est pas la
seule raison. Je ne vais pas recommencer à t’expliquer les raisons qui font que
j’aime ce que je fais avec toi, parce qu'à la longue, même moi ça me soûle.
Mais tu sais que j’aime ça, alors arrête de faire comme si ce n’était pas le
cas, ok ?
Tia la dévisagea longuement comme
pour juger de sa détermination puis pencha la tête sur le côté et plissa
légèrement les yeux.
- Ton père arrive.
Les yeux d’Alexia s’agrandirent à
l’approche de la scène tant attendue. Elle se mordit la lèvre et laissa Gin
aller ouvrir la porte. Elle dévisagea la mercenaire, essayant de deviner
qu’elle serait sa réponse mais ayant peur que se ne soit pas celle qu’elle
attendait.
Tia regarda le père d’Alexia
approcher, l’air sévère. Il s’arrêta à bonne distance d’elle et la salua d’un
petit sourire goguenard, certain de sa victoire sur elle. Il allait être
surprit.
- Alexia. Gin. Trinity.
Délibérément il ignora Tia ce qui
fit grincer des dents sa fille et l’oncle de Tia. Gin voulu s’interposer mais
un geste de sa nièce lui fit comprendre qu’elle voulait qu’ils s’en aillent. Il
hocha la tête et prenant sa fille par le bras, l’attira au dehors.
- Papa, le salua-elle enfin.
- Tu sais pourquoi je suis là,
alors ne perdons pas de temps. Ta réponse ?
- C’est Tia qui va te la donner.
- Pardon ? Et pourquoi je te
prie ?
- En fait ma réponse est prête
depuis la semaine dernière mais Tia… Tia n’étant pas sûr, j’ai préféré lui
laisser la responsabilité de la décision.
- Quoi ? fit son père en
fronçant les sourcils. Je n’ai pas bien compris.
- Peu importe, soupira sa fille.
C’est Tia qui va te répondre.
Puis elle concentra délibérément
son regard sur la grande femme qui était à ses côtés et attendit.
Tia observa M. Stefanos. Son
attitude envers sa fille, mais aussi envers elle-même et sa famille. Son
sourire hautain, son assurance, son ton dominateur… il lui rappelait Sassem. Si
sûr de lui et de ce qu’il fallait au monde, qu’il n’hésitait pas à décider de
la vie des autres à leur place. Tia sut à cet instant quelle serait sa réponse.
Elle comprit aussi en se remémorant le poème qu’Alexia lui avait déclamé un peu
plus tôt, qu’elle était absolument certaine que c’était le meilleur choix pour
elles deux.
- Elle reste avec moi.
**********************
Alexia respirait avec délice
l’odeur de son amante. Elle était allongée sur le corps nu de sa compagne, les
bras de celle-ci l’enserrant.
- Ça va ? s’enquit la
mercenaire.
- Bien sûr. Je reste alors tout va
bien, dit-elle satisfaite et alanguie.
- Certaine ?
Alexia repensa aux paroles que son
père lui avait jeté au visage, avant de tourner les talons absolument furieux,
avec un pincement au c?ur, mais sans que cela ne la fasse douter de son choix.
- Oui j’en suis sûr. S’il ne veut
plus de moi, alors tant pis. C’est lui qui y perd sa famille pas moi.
- Lex, il est ta seule famille…
dit Tia doucement.
Alexia releva la tête et croisa
ses mains sur le ventre de son amie avant de poser son menton dessus. Elle
plongea ses yeux dans ceux de sa compagne.
- Tu sais bien que c’est faux,
déclara-elle gentiment. Ça fait presque un an que tu la remplaces. Tu es ma
famille, amour*, mon amour. (*en malgache, amour se dit Tia )
Tia songea que la jeune femme
prononçait son nom de telle façon qu’on ne pouvait se tromper sur la
signification qu’elle lui donnait.
Tia pinça les lèvres puis lui prit
le visage entre ses mains, la forçant à se redresser.
- Anata wa watashi no yume desu, Lex.
- Qu’est-ce que ça veut dire ?
l’interrogea Alexia les sourcils froncés.
- Ça veut dire : Tu es mon
rêve Lex. Mais j’aurais pu aussi dire watashi
no taiyô, ou watashi no hoshi ou
encore watashi no kokoro. Mon soleil,
mon étoile, mon esprit. Tu es toutes ces choses pour moi Lex et plus encore.
Alexia qui n’en attendait pas tant
de cette journée, laissa une larme s’échapper et rouler sur sa joue.
- Je t’aime.
- Moi aussi.
Une pause.
- Et maintenant on passe aux
choses de la chair.
- Encore ?! fit la jeune
blonde avec un petit rire. Tia, ça fait trois fois déjà !
- Tu me dois toute la nuit pour le
petit jeu auquel tu t’es amusée cette semaine, fit son amie avec sérieux.
Heureusement pour toi qu’on doit prendre le premier vol pour l’Italie demain
matin car sinon…
Tia ne finit pas sa phrase et
Alexia déglutit.
- Assume chérie, j’ai été au bord
de l’explosion toute la semaine. J’ai été héroïque de ne pas me jeter sur toi
alors que tu te blottissais nue contre moi chaque soir ! Tu me dois une
nuit d’amour sans temps mort ! conclut-elle avec un sourire gourmand et
suffisant.
« J’espère que je vais y
survivre… » songea la pauvre et nouvellement promue esclave de sexe.
Fin de la quatrième partie.