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6 mars 2009

Sassem, partie V, chapitres 3-4

 

 

Chapitre 3 :

 

 

Alexia inspira profondément et lissa sa robe couleur pêche, faisant teinter ses bracelets. Ses longs cheveux blonds étaient attachés en une demi-queue sophistiquée, des petites mèches artistiquement disposées autour de son visage. Hier soir, Tia avait insisté pour teindre quelques unes de ses mèches en rose et elle devait s’avouer que cela s’accordait bien avec le reste de son personnage.

 

Elle était un peu inquiète, consciente de la responsabilité qui lui incombait. Mais Tia avait confiance en elle et elle devait se montrer à la hauteur, alors elle repoussa ses angoisses et ses doutes et attendit que le chauffeur loué avec la limousine vienne lui ouvrir la portière. Elle le vit faire le tour de la voiture et elle se concentra pour se glisser la peau de son personnage, ce qui ne fut pas difficile, car elle l’avait abandonné à peine un an auparavant.

 

Elle sortit de la limousine avec grâce et énergie et joua l’indifférence envers lui. Puis elle attendit en battant du pied qu’il vienne lui ouvrir la porte du foyer.

 

- Pas trop tôt, lança-elle avec un regard noir.

 

Elle pénétra alors dans le hall minuscule et plutôt bien entretenu et se dirigea d’un pas sautillant et plein d’une assurance vaniteuse vers le bureau d’accueil.

 

- J’ai rendez-vous avec le directeur, le comptable et les éducateurs, déclara-elle hautaine à la petite femme qui se tenait derrière le comptoir.

 

- Et vous êtes ? demanda celle-ci avec un froncement de sourcil.

 

- Celle qui va sauver ce… cet endroit, fit-elle avec un haussement de sourcil dédaigneux.

 

- Oh, je vois. Miss. Stefanos je présume ?

 

- Bravo Sherlock, fit-elle en tapant dans ses mains, je vois que vous êtes très intelligente.

 

La femme devint rouge brique et elle se retint difficilement de répliquer quelque chose. Alexia s’excusa intérieurement. Dire qu’elle avait réellement été ainsi…

 

- Bon et alors ? poursuivit-elle toujours aussi odieuse, qu’est-ce que vous attendez ? Allez les cherchez ou amenez moi à eux, mais bouger-vous pour l’amour du ciel ! Les Italiens sont toujours aussi lents ou c’est juste vous ?

 

La jeune femme semblait sur le point de se jeter sur elle et Alexia se dit que ça n’allait pas servir son plan. Elle jeta un coup d’œil ostensible à sa montre.

 

- Si vous ne voulez pas de mon argent, dite-le, j’ai d’autre rendez-vous.

 

La femme respira profondément et elle fit le tour de son bureau.

 

- Si vous voulez bien me suivre, marmonna-elle entre ses dents.

 

- Pas trop tôt !

Elle suivit la femme crispée, en se demandant si elle ressortirait de cet endroit intacte. Elles passèrent dans une salle de jeux et en fit un rapide tour des yeux. Elle repéra Chushingura presque immédiatement.

 

« Allez deuxième phase ». Elle carra les épaules et arrêta sa progression. Sans en avertir sa guide elle déambula, l’air de rien aux milieux des jeunes, leur souriant, échangeant quelques mots avec eux, tout en se dirigeant vers le distributeur de boisson où sa cible se trouvait.

 

- Eh ! appela sa guide qui avait enfin remarqué son changement de direction. Vous n’avez pas le droit !

 

Alexia se retourna et lui lança son sourire le plus défiant.

 

- Vraiment ? Et comment je m’y prends alors, pour savoir si mon investissement en vaut la peine ?

 

La petite femme n’apprécia ni l’insulte sous-entendue envers les jeunes, ni la logique de l’argument. Elle se planta à ses côtés les poings serrés.

 

- Allez donc chercher vos responsables, fit-elle avec un petit geste en direction de la porte. Pendant ce temps je vais discuter avec ces… petits jeunes.

 

La femme hésita mais la perspective de se débarrasser de cette horripilante fille de riche l’emporta et elle fila sans demander son reste. Aussitôt Alexia fit un geste qui intima aux adolescents dont les yeux étaient fixés sur elle de retourner à leurs occupations, puis se tourna d’un bloc vers Chushingura qui la fixait, nonchalamment appuyée contre le distributeur.

 

La jeune fille était brune et avait les yeux marron. Ses cheveux raides descendaient juste au dessous de ses épaules et si elle faisait sa taille, elle était plus menue qu’elle et portait des vêtements trop grands d’au moins deux tailles. Son visage aux traits fins la fixait d’un air méfiant.

 

Alexia se campa bien en face d’elle et lui demanda, de manière à ce que tout le monde entende, de lui prendre une boisson et de garder la monnaie. La gamine plissa des yeux dans une attitude qui lui rappela celle de Tia. Elle avisa le billet de 100 euros qu’elle lui tendait et elle céda. Alexia profita du fait que la jeune fille lui tournait le dos et que personne ne verrait sur son visage la réaction à ses propos pour s’approcher d’elle et lui parler.

 

- « Je suis là pour toi Chushingura, fit-elle en la voyant se raidir. Ne te retourne pas et continue ce que tu fais. Je m’appelle Alexia et je suis venue avec une personne qui veut t’aider à sortir des ennuis dans lesquels tu t’es mise avec le parrain du coin. Non ne dis rien, fit-elle quand elle vit qu'elle voulait répliquer. Tu as toutes les raisons de te méfier mais tu n’as plus le temps pour cela. Mon amie est mercenaire et elle a été engagée pour te ramener à lui. Seulement elle a une conscience et a compris qu’il ne te voulait pas du bien, alors elle a décidé de te venir en aide. Crois-moi, tu n’es pas la première à bénéficier de ses services, alors ne t’imagine pas être spéciale.

 

Le Dõn lui a donné 48h pour remplir sa mission. Et c’était hier. Tu as donc ce temps là avant qu’un autre ne la remplace. Elle est ta meilleure chance de t’en sortir vivante, alors ne réfléchis pas trop. Elle t’attend dans cinq minutes dans la rue Trombolie. Elle est grande et brune et pas facilement repérable alors tu devras inspecter les ombres pour la trouver. Voilà. Mon boulot est fait. Je vais te laisser, ma garde-chiourme arrive. Retourne-toi, donne moi ma boisson et lance-moi une insulte. Attends ensuite quelques secondes que l’attention ne soit plus sur toi et sors. »

 

Alexia ne savait pas si elle l’avait convaincue mais Chushingura fit ce qu’elle lui avait dit. Elle leva un sourcil à l’insulte et fit une moue railleuse au directeur en sortant son téléphone.

 

- Si tous vos jeunes ont cette attitude, ça ne m’étonne pas qu’ils aient tous des ennuis avec la police.

 

Elle composa un numéro tout en leur faisant signe d’avancer. Elle les suivit sans leur accorder un regard et mit le téléphone à son oreille.

 

- Chérie ? s’exclama-elle. Je suis désolée pour mon retard mais mon « affaire » à été plus longue que prévue. Je serais là dans dix minutes. Moi aussi. A toute !

 

Elle raccrocha et se tourna vers le directeur qui lui ouvrait la porte de son bureau.

 

- Vous avez exactement 7 minutes pour me convaincre. Après ça, je dois partir.

 

 

 

************************

 

 

 

Chushingura sortit sans se faire repérer et hésita sur le chemin à prendre. Et si c’était un piège ? Elle pouvait tout à fait, choisir de partir droit devant maintenant… mais la femme blonde, Alexia ?, avait raison, si cette mercenaire voulait vraiment l’aider, elle était sa meilleure chance. Elle n’avait que quelques heures avant qu’un autre pro ne la remplace. Et si elle sortait de la protection du foyer, les hommes du Dõn lui courraient après sans relâche.

 

Pourtant elle ne pouvait pas tenter le diable. C’était sa vie qui était en jeu.

 

Ça n’allait pas être facile mais… elle devrait se débrouiller seule. Elle inspira profondément et regarda nerveusement autour d’elle en se dirigeant vers une rue étroite. Elle enfonça ses mains dans ses poches et remonta la capuche de son sweat-shirt sur sa tête en se courbant un peu. Elle n’avait pas d’argent, donc la première chose à faire était de s’en procurer...

 

Elle était plongée si intensément dans sa réflexion qu’elle ne vit pas l’ombre qui se détacha soudain du mur où elle était cachée pour se mettre à la suivre. L’ombre accéléra son pas sans faire un bruit et parvint à la hauteur de la jeune fille. Une main se leva et apparut soudain dans son champ de vision. Chushingura sursauta et se baissa en se jetant en avant afin de lui échapper, mais la main fut plus rapide. Elle se plaqua sur sa bouche, l’attirant en arrière et l’autre bras de son agresseur entoura son corps, la plaquant contre celui dur et musclé de son agresseur.

 

Une bouche chatouilla son oreille et une voix basse lui souffla quelques mots.

 

- Tu ne risques rien… Alexia t’a parlé de moi tout à l’heure, alors détends-toi.

 

Tia relâcha lentement sa prise sur la jeune fille mais ne fut pas étonnée quand un coup de coude entra en collision avec son estomac. Elle accompagna le mouvement afin de ne pas en ressentir les effets et la laissa se retourner avec brusquerie en la fixant d’un regard noir.

 

Ce qui frappa Chushingura en premier, ce fut la taille de la personne qui lui faisait face. Ensuite le fait que se soit manifestement une femme et enfin deux yeux bleus brillant qui la dévisageaient d’un air amusé. Elle écarquilla les yeux. Cette femme était une géante ! Une géante incroyablement belle et avec un sourire ultra sexy !

 

Ok, elle espérait vraiment que cette femme voulait l’aider parce que dans le cas contraire elle bavait trop devant son physique pour penser à se protéger ou à s’enfuir.

En voyant le regard fixe de la jeune fille, Tia sourit de plus belle. Elle tendit la main et se présenta :

 

- She-wolf.

 

- Chushingura, répondit-elle en tendant la sienne de façon automatique.

 

- Bien, maintenant qu’on se connaît, tu me suis, on doit mettre les voiles avant qu’on se fasse repérer.

 

La méfiance naturelle de la jeune fille refit enfin surface.

 

- Qu’est-ce qui me prouve que je peux vous faire confiance ? demanda-elle en se reculant.

 

Tia sentit l’agacement monter mais elle le réprima.

 

- Rien.

 

Puis elle se pencha vers la jeune fille et l’attira à elle. Ok c’était pas très régulier, mais elle n’avait pas de temps à perdre. Elle l’amena si près d’elle qu’elle put sentir l’odeur distincte de son corps et Chushingura se perdit dans le bleu des yeux de la grande femme.

 

- Rien ne dit que je mens. Mais tu n’as pas le choix. Tu ne partiras pas sans moi, tu comprends ?

 

Chushingura hocha la tête. Tia fit de même puis se releva en attrapant sa main. Pas question de perdre son ascendant sur elle. Elle la tira et elle sentit l’adolescente la suivre docilement.

 

 

 

**************************************

 

 

 

Lorsqu’elles entrèrent dans la chambre luxueuse de l’hôtel, Tia et Chushingura entendirent le bruit d’une douche s’écouler et si la jeune fille se raidit, la mercenaire ressentit du soulagement. Après qu’elle ait convaincu l’adolescente de la suivre, Tia s’était rendu compte qu’Alexia était déjà repartie et elle avait craint, de façon irrationnelle, que quelque chose ne se soit passé.

 

Elle s’était raidie d’anxiété et Chushingura s’étant rendu compte du changement avait recommencé à s’inquiéter. Heureusement elle n’avait pas fait machine arrière et elles étaient arrivées à destination en un temps record.

 

Tia fit signe à sa jeune amie de se détendre et de se choisir un siège. Puis elle se rendit dans la salle de bain et l’adolescente l’entendit échanger quelques mots étouffés avec la personne présente. Elle se balança d’avant en arrière, indécise sur sa place dans ce nouvel endroit. Elle avait bien vu le regard du réceptionniste en bas, elle faisait trop clocharde pour un lieu pareil.

 

Cependant on lui avait dit de se détendre alors elle décida de faire de son mieux, pas très sûre de ce qui l’attendait ensuite.

 

Elle n’attendit pas très longtemps avant que la grande femme ne réapparaisse et ne se choisisse un fauteuil en face du sien.

 

Tia la détailla un peu puis lui fit un sourire qui changea totalement l’impression qui se dégageait d’elle, passant ainsi de dangereuse à accessible. « Elle devrait sourire plus souvent » se dit Chushingura totalement sous le charme.

 

Puis une autre femme entra et après un examen approfondi, elle reconnut la blonde qui lui avait délivré le message au foyer. Elle fronça les sourcils. Elle était différente. Elle portait un jean tout simple et un tee-shirt blanc à manches courtes. Ses cheveux mouillés et détachées pendaient librement sur ses épaules et sans maquillage et pieds nus, elle était méconnaissable. Tout aussi jolie mais quelque part, plus attractive ainsi.

 

Chushingura la vit se diriger vers le siège de la mercenaire, s’installer sur l’accoudoir et passer un bras sur le dossier, sa main jouant avec une mèche de cheveux de la grande brune. Un éclair de contrariété la traversa et son regard se fit plus dur.

 

Tia nota le changement et la raison de celui-ci mais ne bougea pas.

 

- Alors tu n’as pas de question ? s’enquit-elle de sa voix basse mais mélodieuse.

 

Prise au dépourvue par cette approche pour le moins franche, Chushingura cligna des yeux et se mit à réfléchir. Le silence s’éternisa, mais ne fut pas inconfortable. Il était plein d’une attente tranquille et l’adolescente le ressentit, ce qui calma quelque peu son appréhension.

 

Elle s’éclaircit la gorge.

 

- Qui êtes-vous ?

 

La question fit sourire la grande femme et elle échangea un regard avec son amie.

 

- She-wolf et voici Alexia et tu es Chushingura. Si nous pouvions avancer maintenant… lança-elle d’un air nonchalant.

 

L’adolescente rougit mais tint bon.

 

- Je connais vos noms. Mais ça ne me dit pas ce que vous faites là et qui vous êtes vraiment.

 

Le petit sourire qui apparut au coin des lèvres de la mercenaire, lui fit comprendre qu’elle avait posé la bonne question, ce qui la flatta et l’énerva tout à la fois.

 

- Nous sommes mercenaires. Le Dõn que tu as offensé nous a engagé pour te ramener à lui. Nous n’approuvons pas les enlèvements et à fortiori les meurtres d’enfants. En conséquence, nous avons décidé de te donner un coup de main. Ça répond à ta question ?

 

Chushingura hocha la tête.

 

- Bien, alors à mon tour. Qu’est-ce qu’une petite fille comme toi a bien pu faire pour offenser un homme aussi puissant que le Dõn ?

 

Vexée par les propos mais aussi inquiète de leur réaction, elle hésita… avant de comprendre que puisqu’elle leur avait suffisamment fait confiance pour les suivre jusqu’ici, alors autant aller jusqu’au bout.

 

- J’ai tué son fils.

 

Elle les avait surprises, elle le vit à leurs yeux grands ouverts et serra les accoudoirs de son fauteuil à s’en blanchir les phalanges.

 

- Pourquoi ? l’interrogea She-wolf qui s’était vite reprise.

 

- Il… c’était le mac d’une amie et… il l’a battue à mort quand elle… bref… il l’a tuée alors je lui ai rendu la pareille.

 

La mercenaire se pencha brusquement en avant, posant ses avant-bras sur ses genoux et l’étudiant avec attention. L’examen dura quelques minutes puis un mince sourire étira ses lèvres et aussitôt l’adolescente se sentit mieux. Elle se pencha elle aussi en avant, étudiant sa compagne avec minutie et ce qu’elle vit dans ses yeux, lui fit ouvrir les siens. Elles échangèrent ainsi un long regard et Chushingura eut l’impression d’être rentrée à la maison.

 

La sensation chaude et réconfortante d’être acceptée telle qu’elle était, sans jugement, sans remise en question, simplement elle avec ses qualités et ses défauts, ses peines et ses peurs, mais aussi ses erreurs… la soulagea immensément. Tout… tout lui fut pardonné dans ce regard et elle sentit des larmes rouler sur ses joues.

 

La grande femme se leva doucement et s’approchant d’elle, mit un genou à terre avant de tendre la main vers une de ses joues. Elle attrapa une larme et la lui montra.

 

- Ce sont tes erreurs qui s’en vont… fit-elle doucement.

 

Puis elle s’essuya sur son pantalon et leva la main pour lui caresser la joue cette fois. Puis comme si un signal avait été donné, Chushingura se jeta dans ses bras et la serra à l’étouffer, en laissant les sanglots de rage sur ce qui avait été, et de regrets sur ce qui ne serait jamais, la secouer. Tia lui murmura des mots sans suite et des phrases qu’elle-même aurait aimé entendre à son âge, en lui caressant le dos dans un geste qu’elle espérait apaisant.

 

Alexia observa l’étrange échange et l’étreinte qui suivit sans réellement saisir ce qui se jouait. Elle comprit seulement que c’était important, et que Chushingura autant que sa compagne en avait besoin, alors elle les laissa seules et se rendit à la réception trois étages plus bas pour commander à déjeuner et se dégourdir les jambes.

 

Elle avait bien vu les regards que la jeune fille lançait à son amie. Et elle éprouvait bien un pincement de jalousie, comme toujours, dès que quelqu’un s’approchait de trop près de Tia, mais aucune inquiétude qui lui aurait fait adopter un comportement idiot et amorcer une dispute. Elle était fière d’elle, mais comprit aussi que cela devait provenir du fait qu’elle était plus sûre de l’amour que la mercenaire lui portait.

 

Finalement, l’ultimatum de son père avait au moins eu l'avantage de la rassurer sur la force des sentiments que lui portait son amie… et rien que pour ça elle pourrait pardonner à son père son chantage…

 

Elle ne savait pas comment se déroulerait la suite des opérations, mais elle savait une chose, Chushingura aurait besoin de vêtements. Alors elle se dirigea vers la boutique de vêtements de l’hôtel, après avoir passé sa commande à la réception, et passa l’heure suivante à choisir des habits pour la jeune fille. Elle prit aussi une chemise en soie noire qui irait à la perfection à sa compagne et un collier en velours noir avec un pendentif en cristal en forme de cœur qui renvoyait la lumière en milliers de petit arc-en-ciel. Elle demanda un paquet cadeau pour celui-là car elle comptait le lui offrir pour l’anniversaire de leur rencontre. Avec son loup noir.

 

Elle remonta à leur étage en souriant stupidement à l’idée de la tête que ferait sa compagne le jour où elle lui offrirait.

 

- Ah te voilà ! fit une voix soulagée.

 

Alexia croisa le regard inquiet de Tia et lui sourit.

 

- J’ai fait quelques courses ! dit-elle en montrant ses paquets.

 

- Je vois ça.

 

- Ce sont quelques affaires pour toi, dit-elle à l’adolescente affalé sur le lit qui regardait la télévision.

 

La jeune fille tourna une tête surprise vers elle et se leva pour lui prendre les sacs des mains. Elle les ouvrit et son front s’agrandit en même temps que sa bouche. Elle posa un regard incrédule sur Alexia qui lui sourit gentiment.

 

- Va les essayer, fit-elle en la poussant vers la salle de bain.

 

Chushingura fit ce qu’elle lui dit et les deux femmes se retrouvèrent seules.

 

- Alors vous avez pu régler ce qu’il fallait ? interrogea-t-elle la mercenaire.

 

- Elle est rassurée sur nos intentions oui, et soulagée de ne plus avoir à se sortir seule de sa situation.

 

- Mmmm. A ce propos comment on la sort de là ?

 

- Eh bien j’ai une amie à Naples qui peut nous arranger les choses légalement, mais… d’ici là, le Dõn l’aura tuée donc…

 

- Donc ?

 

- J’ai téléphoné à mon oncle pour qu’il nous envoie son jet. Elle sort du pays et après on réglera les formalités légales.

 

- Il est ok ?

 

- Sûr. J’ai aussi téléphoné à mon amie, Katrina, pour qu’elle se rende chez mon oncle en Australie. Se sera plus simple pour les papiers si elle est là.

- Pourquoi tu n’embauches pas un avocat sur place ?

 

- Je n’en connais pas.

 

- Mais ton oncle si.

 

- J’ai confiance en Katrina. Et si on veut que la plaidoirie du réfugié fonctionne, une avocate du même pays sera plus convaincante et ça rassurera peut-être Chushingura.

 

- Je vois.

 

« Inutile d’insister, le côté pratique de la chose n’a aucune prise sur elle »

 

- Et une fois là-bas ?

 

- Mon oncle va l’accueillir le temps que Katrina règle les choses et qu’il lui trouve une famille d’accueil.

 

- Ok.

 

- Bien alors vous prenez le jet demain matin à 8h. Katrina vous retrouve à l’aéroport de Sydney.

 

Alexia releva la tête brusquement.

 

- Comment ça ? Tu ne viens pas ?

 

- Tu te souviens qu’on à un sabotage de prévu avec Waco, non ?

 

- Mais… pourquoi je ne peux pas rester ?

 

- La gamine ne doit pas être seule et puis le Dõn va nous faire rechercher dès demain toutes les deux. Je serais moins repérable seule. Je règle le problème avec Waco et je vous rejoins chez Gin.

 

Alexia resta silencieuse. L’idée de se séparer, même si c’était pour de bonnes raisons et pour peu de temps, lui répugnait.

 

- On se retrouvera vite Lex, fit sa compagne en lui caressant la joue. Ça ne devrait pas être trop long ok ?

 

- C’est quoi pour toi pas trop long ? demanda-elle en renâclant.

 

Tia ne lui répondit pas. Elle préféra se pencher et l’embrasser. Alexia s’accrocha à sa petite amie et approfondit le baiser. Elle passait les mains sous le tee-shirt noir lorsque la porte de la salle de bain s’ouvrit. Une exclamation mêlant énervement et choc les interrompit.

 

- Oh merde !

 

 

 

Chapitre 4 :

 

Alexia était confortablement installée dans son siège bleu nuit, le hublot dévoilant un ciel sans nuage. Elle était en route avec Chushingura comme prévu. Mais convaincre la jeune fille de venir avec elle, n’avait pas été une mince affaire ! Alexia avait noté l’intérêt évident de l’adolescente pour sa compagne mais n’avait pas saisi qu’elle ne faisait confiance qu’à elle seule. Pourtant elle n’aurait pas dû être étonnée.

 

Après leur entretien privé la veille au soir, elle avait remarqué leur rapprochement mutuel. Elle aurait donné cher pour savoir ce qu’elles s’étaient dit, mais avait vite renoncé à ses prétentions. Si la vie et les émotions de Tia la concernaient au premier plan, ce n’était pas le cas de cette enfant.

 

Elle leva les yeux sur la jeune personne en question et à son air renfrogné, abandonna l’idée de lui faire la conversation. Ses sentiments à son égard étaient mitigés. Elle éprouvait une très forte compassion à l’idée de l’enfance qu’elle avait dû avoir, mais le meurtre qu’elle avait commis de sang-froid, par vengeance et surtout le fait qu’elle ne semblait éprouver aucun remords, la mettait extrêmement mal à l’aise. Surtout parce qu’elle comprenait que Tia devait beaucoup lui ressembler au même âge. Et même, d’après ce qu’elle savait de sa vie, être bien pire. Ça remettait les choses en perspective, un peu comme si elles devenaient plus réelles.

 

Malgré tout, elle aimait et aimerait probablement toujours Tia.

 

Elle se retourna vers le hublot, consciente de la tristesse qui l’envahissait pour plusieurs raisons. Elle savait que la séparation était temporaire, de même qu’elle savait que la situation exigeait cette séparation. Mais ça n’en rendait pas moins tout cela difficile.

 

Tia lui manquait déjà. Ses longs doigts fins qui s’enroulaient autour des siens, son sourire suffisant et satisfait. Son sérieux et sa gravité quasi-permanente. La douceur surprenante de sa peau et son odeur enivrante de bois sous la rosée… Alexia soupira. Ça s’annonçait plus rude que prévu…

Elle s’affala dans son fauteuil et remplit sa tête d’image de sa bien-aimée.

 

La mercenaire le jour de leur rencontre. Ses yeux bleus perçant le noir de sa prison. Sa voix basse et mélodieuse lorsqu’elle lui avait murmuré des mots d’amours en japonais. Son rire aussi clair qu’une cascade en plein soleil lorsqu’elle jouait avec elle. Et son regard malicieux, parfois aussi clair que du cristal et d’autres fois si sombre que la nuit semblait tout envahir.

 

Elle posa les yeux sur son sac de voyage en cuir noir et repensa à ce qu’elle y avait caché. La louve noire qu’elle avait eu tant de mal à travailler. Elle y avait passé des heures, jetant les échecs de sculpture plus souvent qu’à son tour, mais ne renonçant jamais. Et le cœur de cristal.

 

Tia avait bouleversé sa vie à tous les niveaux. Elle avait fait d’elle quelqu’un de meilleur, lui révélant qui elle était vraiment en lui laissant faire ses propres erreurs sans jamais la juger. Elle l’avait laissé l’aimer malgré sa peur et son passé, lui donnant tout ce dont elle semblait avoir besoin. Ses connaissances, son amour, sa confiance, son soutien et l’assurance de n’être jamais seule.

 

Ce loup sur lequel elle s’était acharnée était une sorte de symbole. Une représentation de ce qu’elle pensait et ressentait pour son amie. Elle voulait le lui offrit pour l’anniversaire de leur rencontre avec le c?ur, mais c’était hier et Chushingura était la priorité. Elle était un peu mélancolique et, se rendit-elle compte un peu surprise, en colère, de n’avoir pas pu le fêter.

 

En fait elle était en colère contre elle-même. Elle s’en voulait de ne pas lui avoir donné son cadeau. Qu’elles le fêtent ou pas, c’était l’anniversaire de leur première rencontre et Tia méritait d’avoir un petit plaisir, une petite intrusion légère et pleine d’amour du quotidien, dans son monde de violence et de mort. Elle aurait voulu lui montrer aussi ce qu’était un anniversaire et en quoi cela pouvait être beau.

 

Et si elles ne se revoyaient plus ? Si quelque chose lui arrivait ?

 

« Idiote, tu cherches à attirer le mauvais sort ou quoi ?! » Tout se passerait bien. Tia y veillerait. Elle était la meilleure et ce n’était pas sans raison. Alors elle devait lui faire confiance.

 

 

 

***************************

 

 

 

Tia et Waco étaient allongées à plat ventre dans la végétation haute qui les cachait à la vue.

 

- Tes observations ? questionna la grande brune à voix basse.

 

- Très grand, très luxueux, très bien gardé. On ne pourra pas s’y introduire sans se faire remarquer. Sassem a appris sa leçon on dirait.

 

Tia observa le complexe. Il était entouré d’une clôture électrique à haute tension. Des gardes armés et protégés par des gilets par balles circulaient dans toute la base. Ils étaient si nombreux qu’elle se demandait comment ils faisaient pour ne pas se marcher dessus. Se serait flatteur si ce n’était pas si ennuyeux.

 

- Tu as une alternative j’imagine ?

 

- Évidemment.

 

- Je t’écoute.

 

- Suis-moi.

 

Elle se leva avec lenteur et recula dans la pénombre généré par les arbres. Tia la suivit avec la même prudence. Elles se dirigèrent vers un renfoncement dans la paroi rocheuse qui entourait la base et s’y assirent en face l’une de l’autre. Les deux femmes sentaient l’excitation se déverser dans leur corps à l’approche imminente de l’attaque. Tia adorait ces moments là, où l’attente tendait tout les muscles de son corps et faisait courir une vague d’adrénaline brûlante dans ses veines.

 

Les deux femmes se jaugèrent du regard quelques instants. Tia était comme à son habitude vêtue de sombre et les cheveux nattés. Waco quant à elle avait attaché ses cheveux blonds en queue de cheval et elle portait un pantalon en toile noire moulant ainsi qu’un marcel gris qui lui collait au corps. Waco lui exposa son plan en lui montrant une caisse d’explosif. Très simple et très rapide.

 

Auparavant cela ne lui aurait posé aucun problème, mais depuis Alexia, elle avait développé quelques scrupules à tuer ainsi et elle le lui dit.

 

- Ce ne sont pas des enfants de cœur She-wolf ! lança Waco contrariée. Se sont des soldats ! Et pas n’importe lesquels ok ? Ceux de ce sale fils de pute de Sassem ! Alors tes scrupules tu les gardes pour ceux qui en valent la peine, ok ?!

 

Tia n’avait rien dit pendant quelques minutes, réfléchissant sérieusement à la question. Finalement elle hocha la tête et demanda :

 

- Quels sont les cibles ?

 

Waco sortit une carte d’un sac bien dissimulé et l’étala sur le sol dur. Elle montra différents points qu’elle avait soulignés en rouge en expliquant ses choix. Puis elle s’était redressée et avait conclu :

 

- Se sera rapide, sanglant et destructeur… rien qui ne fasse plaisir à notre cher « ami ».

 

- Peut-être qu’on peut se contenter de rapide et destructeur, énonça prudemment sa collègue.

 

Les yeux de Waco se plissèrent.

 

- Qu’est-ce qui t’arrive She-wolf ? Depuis quand tuer des hommes à Sassem te pose un problème ?

 

- Ça ne me pose pas de problème. Ce n’est peut-être pas indispensable c’est tout ! se défendit-elle.

 

- Sanglant She-wolf, insista la blonde mercenaire entre ses dents. Ça le marquera lui et tout ses alliés… leur faisant comprendre que même la meilleure sécurité en place ne peut rien face à nous. Il faut qu’ils tremblent à chaque fois qu’ils penseront à nous. Qu’ils sachent que rien ne peut les protéger et qu’ils comprennent qu’ils sont les prochains sur la liste. Une guerre She-wolf, ne se gagne pas seulement sur le terrain, mais aussi dans les têtes.

 

Tia absorba cette dernière phrase, se souvenant de la première fois où Enyalios la lui avait martelé. Elle avait raison bien sûr, seulement… elle ne voulait plus gagner ainsi. Alexia lui avait suffisamment répété qu’elle était meilleure que ce qu’elle croyait et qu’elle pouvait réparer ces erreurs.

 

- Ok Waco. Mais c’est la dernière fois.

 

Waco sourit. Elle savait qu’elle la convaincrait et elle ne prêta pas attention à sa dernière déclaration. Elle la ferait changer d’avis après l’attaque. La violence avait toujours fait partie intégrante de ce qu’elle était, elle ne doutait donc pas d’y parvenir.

 

Ses yeux marron se fixèrent sur son visage et un petit sourire étira le coin de sa bouche.

 

- Quoi ?

 

- Je connais un petit restau sympa, fit-elle. Et un hôtel avec un lit encore plus sympa… ajouta la blonde avec un sourire engageant.

 

- Waco, c’est sympa mais je ne suis pas intéressée.

 

- C’est vrai que tu as toujours préférée les endroits un peu plus… hétéroclites. Alors ne t’en fait pas, on le fera où tu voudras, déclara-elle en s’approchant d’elle d’une façon très sensuelle.

 

Tia la regarda faire en fronçant les sourcils.

 

- Waco…

 

- Ttt ttt ttt, souffla-elle en se collant à elle. Pas de souci chérie… ça fait si longtemps que je me contenterais du sol ici si c’est ce que tu veux.

 

Elle approcha ses lèvres de sa bouche, posa une main sur sa nuque et l’autre sur ses côtes. Tia sentit malgré elle son corps réagir. Elle retint sa respiration et son cœur se mit à battre plus vite. Elle avait toujours été attirée par le côté sauvage et déjanté de Waco, son côté instable se révélant être une véritable inspiration créatrice au lit. Elle prenait un pied incroyable avec elle, encore mieux qu’avec Enyalios ! Et elle savait qu’elle n’aurait aucun problème avec la suite, Waco ne cherchant rien d’autre que du sexe.

 

Mais il y avait Alexia maintenant, et si elle savait quelque chose sur les couples, c’était que la tromperie n’apportait rien de bon, même quand on pensait qu’on ne risquait rien. Et puis honnêtement, même si l’offre de Waco était tentante, et même plus que ça, elle ne se voyait pas lui faire un truc pareil. Alexia et elle… c’était trop important.

 

Elle reprit contact avec la réalité en sentant une main sur son sein et une bouche sur la sienne. Elle l’ouvrit pour lui faire part de son refus, tout en la repoussant. Mais Waco était têtue. Elle appuya sur sa nuque pour maintenir le contact et introduisit sa langue dans la bouche entrouverte. Presque immédiatement le sang de Tia s’embrasa. Waco avait toujours su s’y prendre pour l’exciter et ses baisers étaient de véritables chefs d’œuvres ainsi qu’un aperçu de ce qui l’attendait si elle la laissait faire.

 

L’image d’Alexia s’imprima sur ses rétines alors même qu’elle se sentait prête à se laisser aller et elle ouvrit les yeux brusquement. Elle attrapa les bras de Waco et avec fermeté la décrocha d’une secousse de son cou.

 

- Non Waco… dit-elle le souffle haché. Je… ne… suis… pas… intéressée, dit-elle en détachant bien chaque mot.

 

Waco éclata de rire et tenta à nouveau de passer ses bras autour de son cou.

 

- Bien sûr que tu l’es ! Ton corps, ton souffle… tout me le dit…

 

- Waco ! fit-elle agacée en la repoussant brutalement. Mon corps est une chose, mais le reste en est une autre. Je suis avec quelqu’un maintenant. Et je n’ai pas l’intention de la faire souffrir d’une quelconque façon.

 

- Oh, la grande mercenaire est amoureuse ? répliqua-elle en ricanant méchamment. Ne t’en fait pas elle n’en saura rien.

 

Tia leva les yeux au ciel en la voyant s’approcher, aguicheuse. « Si elle devait être brutale elle allait l’être » songea-elle décidée.

 

- Waco. Je ne coucherai pas avec toi. J’ai bien aimé ce qu'on a fait ensemble, mais j’aime encore plus ce que je fais avec Alexia. Et elle à un avantage que tu n’as pas. Je l’aime et je la respecte.

 

- Tu me fais pitié ma pauvre. Elle t’a rendu ennuyeuse, fit Waco en reculant, les bras croisés, très contrariée.

 

Tia haussa les épaules et désigna la caisse d’explosifs.

 

- Quels genres c’est ?

 

 

 

*********************************

 

 

L’arrivée à l’aéroport fut identique au départ. Morose et plein de tension. Chushingura traînait des pieds, rechignant à lui obéir. Elle ne lui faisait pas confiance et en plus elle était l’adulte qui avait l’autorité sur leur duo. Rien pour lui plaire quoi. Alexia inspira profondément en comprenant pour la première fois combien sa propre hostilité suffisante avait dû être dure à supporter.

 

Alexia et Chushingura se dirigèrent vers la salle d’attente et attendirent dans un silence sinistre l’arrivée de Katrina. Tia lui avait passé une photo de Katrina, et Alexia la ressortit pour avoir quelque chose à faire. Elle l’aperçut soudain, traversant le portique de sécurité et elle l’observa.

 

C’était une belle femme. Elle semblait presque aussi grande que Tia. Elle avait des cheveux noirs bouclés qui lui arrivaient aux épaules et elle dégageait une énergie farouche. Elle était habillée d’un tailleur pantalon bleu marine et ses yeux noirs étaient cachés derrière une paire de lunettes de vue rectangulaires. Ses lunettes associées à ses tâches de rousseur lui donnaient l’air d’un charmant lutin.

 

A mesure qu’elle se rapprochait, Alexia distingua quelques petits détails, tels que des pattes d’oies et de petites rides d’expression autour de ses lèvres, qui laissaient penser qu’elle n’était peut-être pas aussi jeune qu’elle en avait l’air.

 

Elle la vit faire le tour de la salle des yeux et les repérer presque immédiatement. Elle s’avança vers elles et Alexia se leva. La femme lui sourit et elle se surprit à le lui retourner en lui tendant la main.

 

- Alexia Stefanos.

 

- Je sais. Katrina Ramreno.

 

Alexia fronça les sourcils. Ce nom lui était familier. Elle se retourna vers Chushingura et lui donna une petite tape sur la jambe. Celle-ci la foudroya du regard et se leva en soupirant.

 

- Tu pourrais au moins être polie avec ton avocate, tu ne crois pas ? lança Alexia exaspérée par son attitude. C’est pour toi qu’on se trouve toutes ici, alors fais preuve d’un minimum de reconnaissance, s’il te plaît.

 

Le regard noir devint brûlant et les lèvres se pincèrent, mais elle ne dit rien. Elle se tourna vers son avocate et lui tendit la main en grognant un bonjour inaudible. Katrina ne s’en formalisa pas et se retourna vers Alexia.

 

- Alors quel est la suite du programme ?

 

- On se rend chez l’oncle de Tia. Il nous attend.

 

- L’oncle de qui ?

- Tia… enfin She-wolf.

 

- Elle s’appelle Tia ? Je croyais qu’elle ne s’en souvenait plus ? Et… attendez… elle a un oncle ?!

 

- Elle a retrouvé de la famille récemment et donc son nom. Mais elle n’aime pas qu’on l’appelle par son vrai nom.

 

- Pourtant vous le faites.

 

- Je voulais dire à part moi.

 

- Oh.

 

La grande femme la fixa un instant avant de déclarer avec un sourire :

 

- Je vois que vous avez une relation spéciale. Je suis contente qu’elle ait enfin laissé quelqu’un l’approcher. Elle le mérite.

 

Alexia releva brusquement la tête. « Ok. Soit c’est une ex, soit c’est une très très bonne amie » se dit-elle en contrôlant la vague de jalousie maintenant familière qui se nicha dans son estomac.

 

Katrina ne se trompa pas sur la signification de ce regard et elle réprima un sourire.

 

- Bon, alors je vous suis. J’ai hâte de découvrir la famille de She-wolf, lança-elle joyeusement.

Chushingura dressa l’oreille, trouvant finalement un intérêt à sa présence dans ce nouveau pays, parmi des inconnus.

 

 

********************************

 

 

Tia était en face de sa première cible. Elle attendait le signal de Waco. Elle était concentrée sur son objectif, ayant soigneusement bloqué tous ses doutes à l’idée des morts inutiles qui allaient avoir lieu. Il ne fallait pas qu’elle y pense… ses hommes et ses femmes avaient choisi leurs vies. En toute connaissance de cause, ils avaient décidé de servir Sassem, ce monstre qui voulait asservir les peuples et qui utilisaient les hommes comme de simples jouets sur lesquels il avait tout pouvoir. Pire même, ils l’aidaient, détruisant ainsi des centaines de vie sans aucun remord. Ils ne méritaient pas ses scrupules.

 

Elle était mercenaire et elle avait des soldats très bien entraînés et impitoyables en face d’elle. Ils n’hésiteraient pas un instant à la tuer voir pire si leur chef le leur ordonnait.

 

Non, ils ne méritaient pas ses scrupules et elle ne devait pas en avoir. Pourtant elle était fière d’en ressentir. Cela lui montrait le chemin qu’elle avait parcouru cette dernière année. L’humanité qu’elle avait commencé à retrouver… grâce à Lex.

 

Repenser à elle la fit sourire. Elle lui manquait. C’était bizarre comme émotion. Elle n’avait plus ce pincement atroce qui lui retournait l’estomac lorsqu’elle pensait aux gens qui manquaient à sa vie. Non… aujourd’hui quelqu’un lui manquait, mais c’était bon. Ça la rendait un peu mélancolique bien sûr, mais c’était doux. C’était positif. Ça n’avait plus rien de destructeur et même la pensée de ses parents n’était plus aussi douloureuse. Il y avait toujours de la colère bien entendu et de la souffrance, mais ça ne la rendait plus malade.

 

Si elle n’aimait pas déjà Alexia, cette simple constatation l’aurait attachée à elle à vie.

« Allez, je me débarrasse de ce job et je pars la retrouver » se dit-elle en regardant le cocktail Molotov qu’elle devrait lancer sous peu.

 

Une voix résonna soudain dans l’écouteur qu’elle avait à son oreille.

 

- C’est l’heure.

 

Tia leva la main et enflamma le linge plongé dans la bouteille et s’élança vers le bâtiment sans plus chercher à se cacher. Les soldats la virent au moment où elle lançait sa bouteille. Ils levèrent leurs armes dans sa direction mais elle avait déjà plongé au sol lorsqu’ils appuyèrent sur la détente.

 

La bouteille atterrit sous le porche du hangar et roula sous un camion avant d’exploser et d’y mettre le feu. Quelques soldats se précipitèrent vers les extincteurs mais la majorité tentait de l’atteindre.

Heureusement pour elle, la clôture électrique les empêchaient d’y parvenir aussi sûrement qu’elle l’empêchait d’y entrer. Elle rampa rapidement hors de leur zone d’atteinte et attendit. L’explosion qui suivit fut à l’image de Waco. Spectaculaire et destructrice.

 

Partout où Sassem passait, des entrepôts de munitions et des labos de drogue apparaissaient. Le plan était le suivant : Tia devait attirer l’attention des gardes de service, pendant que Waco s’approchait de l’entrepôt de munition et y balançait de la nitro.

 

Elle secoua la tête. Il n’y avait que cette fille pour utiliser un explosif aussi dangereux et instable. Remarque ces deux adjectifs la décrivaient parfaitement. Il semblait donc plutôt logique que Waco l’affectionne.

 

Tia profita de la confusion que les multiples explosions provoquèrent pour s’éloigner en direction de sa seconde cible. Elle attrapa ses blocs de C4 et y planta des mini détonateurs. Puis elle saisit une grenade et la lança sur la clôture. Celle-ci explosa provocant un cours circuit qui enflamma la partie du bâtiment où se trouvait le disjoncteur, créant une nouvelle vague de panique.

 

Waco ne resta pas en arrière. De nouvelles explosions se firent entendre, divisant un peu plus les soldats. Tia s’engouffra dans la brèche qu’elle avait créée et se dirigea vers le labo. Elle vit Waco faire de même en direction des bureaux. Tia évita les balles qui sifflaient autour d’elle en zigzagant et se jeta sur un soldat qui lui barrait la route. Ils s’écrasèrent sur la porte qu’elle visait et passèrent au travers.

 

Elle atterrit sur la poitrine de l’homme et l’assomma d’une manchette. Puis elle se releva et avant que les soldats à l’extérieur ne l’atteignent, elle jeta des grenades au dehors et referma la porte, dont elle coinça la poignée. Elle se rendit ensuite rapidement aux points désigné par Waco et y déposa les blocs de C4. Ça aurait pu être une mission facile mais voilà…

 

Les laborantins étaient en plein travail et les murs insonorisés les avaient protégés du bruit de l’attaque. Ils la dévisagèrent et après un instant d’hésitation, elle se mit à courir en posant ses charges sans se préoccuper d’eux. Elle comptait sur le fait que c’était des scientifiques, autrement dit des trouillards, pour qu’ils n’essaient pas de la stopper. Et en effet c’est ce qu’ils firent.

 

La plupart d’entre eux du moins. Ils la regardèrent passer en ouvrant de grands yeux. Puis l’un d’entre eux, plus grand et large d’épaules que ses collègues lança son bras en avant lorsqu’elle passa près de lui. Elle se baissa dans un réflexe ultra rapide et se releva en se retournant. Elle attrapa son bras alors qu’il suivait son mouvement et elle frappa avec force l’articulation du coude. Un craquement, suivi d’un cri, lui annoncèrent la réussite du coup. L’os jaillit et le colosse s’effondra en tenant son bras blessé contre lui.

 

Ce fut comme un signal lancé et tous les scientifiques présents se ruèrent sur les portes de sorties, bloquant momentanément les soldats qui venaient de les défoncer. Tia profita de la confusion pour finir ses poses puis jeta un bec bunsen à travers la fenêtre la plus proche. Elle grimpa sur un bureau métallique et passa d’un mouvement fluide de l’autre côté de la vitre fracassée. Elle toucha le sol et roula sur elle-même avant de s’élancer vers la brèche qu’avait faite Waco, de l’autre côté du complexe.

 

Waco quant à elle, avait posé ses charges dans les bureaux de Sassem et elle la rejoignit tout en lançant des bombes de sa création sur les hommes qui s’approchaient de trop près. Elle riait à gorge déployée et avançait redressée, offrant ainsi une plus grande surface aux soldats qui la visait.

« Idiote » songea Tia en secouant la tête. Deux hommes surgirent soudain devant elle et elle dut se jeter au sol pour ne pas prendre une balle. Elle roula sur le côté et utilisa un camion à l’arrêt pour se protéger. Waco la rattrapa, miraculeusement indemne, et Tia lui fit signe de prendre le volant pendant qu’elle-même sortait grenades et mitraillette pour arroser les environs sans faire de distinction.

Le camion vibra lorsque Waco démarra et elle appuya sur l’accélérateur en riant comme une folle.

 

Puis alors que Tia la suivait en utilisant la large carrosserie pour se protéger des tirs, elle appuya sur sa télécommande. Les bureaux furent littéralement soufflés, projetant au loin, hommes, femmes, et équipement divers. Cette déflagration atteignit les laboratoires et les charges de C4 posées par Tia prirent le relais, détruisant tout ce qui restait aux alentours. Le camion de Waco lui-même fut soulevé alors qu’elle était à

10 mètres

de là, et Tia fut éjectée trois mètres plus loin.

 

- Ouuups, fit Waco en souriant, une fois son camion redevenu immobile. J’ai peut-être abusé sur le dosage.

 

Elle sortit prudemment de sa protection métallique et fit un rapide tour d’horizon, satisfaite de ce qu’elle voyait. Les soldats et le personnel étaient éparpillés sur le complexe, la plupart morts et les quelques survivants gémissant ou tentant de se redresser, désorientés.

 

Un grognement lui fit tourner la tête et elle vit une Tia échevelée, un peu de sang coulant de son arcade et couverte de suie la foudroyer du regard. 

 

- Toujours en vie ? lança la blonde sarcastique.

 

- C’est pas grâce à toi, gronda-elle en maintenant son poignet droit contre son torse. Qu’est-ce que t’as foutu avec les explosifs ?! s’exclama-elle t-en colère.

 

- Un truc de ci, un peu de ça, répondit sa collègue en haussant les épaules.

 

Tia la fixa furieuse sans que le sourire de sa compagne ne se fane. Elle renonça à lui faire comprendre la stupidité de son acte et désigna d’un mouvement de la tête le camion tout en jetant sa télécommande devenue inutile.

 

- Prends le volant. On dégage.

 

***********************************

 

 

Alexia, Chushingura et Katrina se trouvaient toute les trois dans le salon de la demeure Australienne de Gin Kensington depuis une heure, lorsqu’enfin le maître des lieux rentra. Alexia avait eu le temps d’attribuer une chambre à chacune des deux invités, comme Gin le lui avait demandé lorsqu’elle lui avait téléphoné de l’aéroport, et elle avait réinvesti la sienne. Elle avait ensuite fait faire le tour du propriétaire aux filles avant de leur servir un apéritif.

 

Jus d’orange pour Chushingura, un verre de blanc pour Katrina et une bière brune pour elle-même.

Elle se leva à l’approche de Gin et il la serra chaleureusement dans ses bras, ravi de la revoir. Puis il prit la main de Katrina en l’assurant qu’elle était ici comme chez elle. Et enfin il se tourna vers l’adolescente pour qui tout ceci avait été mis en place et lui tendit la main.

 

Chushingura le regarda fixement, ne parvenant pas à croire à sa ressemblance avec son idole. On aurait dit une copie masculine de la mercenaire qui l’avait sauvée. « Ça ne pouvait pas seulement être son oncle… » songea-elle intriguée. Elle prit sa main, soudain intimidée et lui dédia un de ses rares sourires.

 

Il lui répondit de la même façon et l’invita à s’asseoir.

 

Alexia observa la rencontre avec une grande curiosité. Toute l’attitude de la jeune fille avait changé à l’instant où elle avait posé les yeux sur Gin. Quant à lui, on aurait dit qu’il la reconnaissait. Peut-être que cet intermède serait plus amusant que ce qu’elle pensait aux premiers abords.

 

- Quel est ton nom ? l’interrogea Gin.

 

- Chushingura.

 

La réponse amena un sourire sur ses lèvres.

 

- Je comprends mieux maintenant pourquoi ma nièce à décidé de te donner un coup de main. Je voulais dire ton vrai nom.

 

Chushingura hésita. Elle voulait faire confiance à cet homme. Comme elle l’avait fait avec Tia mais… Elle inspira et plongea son regard dans celui qui lui faisait face. La chaleur qu’elle y découvrit la fit ciller mais la rassura.

 

- Lizzie, dit-elle enfin.

 

- Très jolie. Moi c’est Gin.

 

La jeune fille hocha la tête et Alexia pensa à Tia. Elle serait contente de savoir que tout allait bien pour l’adolescente. Elle espéra ensuite que tout se passait bien pour elle et qu’elle serait vite de retour. Elle lui manquait tant, que rien ne semblait réel quand elle n’était pas à ses côtés.

Elle soupira consternée par sa dépendance. Puis elle s’assit et se força à écouter la procédure de régularisation concernant Lizzie.

 

 

*********************************

 

Waco arrêta le camion juste devant la porte de l’hôtel de Tia et descendit à sa suite. Parvenue à la porte, Tia sortit la clé de sa poche et se tourna vers sa collègue. Celle-ci un sourire aguicheur accroché aux lèvres attendait visiblement une invitation. « Décidément, elle ne comprend rien » songea Tia agacée.

 

- Au revoir, fit-elle brusquement en se retournant vers sa porte.

 

Une main interrompit son mouvement et elle tourna un visage résigné vers Waco.

 

- Tu ne m’invites pas à entrer ? demanda-elle en se collant à elle.

 

Tia leva la main.

 

- Waco, j’ai un poignet cassé. Et quand bien même ce ne serait pas le cas, je ne coucherais pas avec toi.

 

- Et pourquoi pas ? fit-elle en faisant glisser un doigt sur sa poitrine.

 

- Waco, vire ton doigt de là avant que je ne le brise, gronda-elle à bout. Tu ne m’intéresses pas ok ?! J’aime Alexia et je suis parfaitement heureuse avec elle. Je n’ai pas envie de coucher avec une autre personne qu’elle, alors rentre-toi ça dans le crâne et arrête de te ridiculiser !

 

Waco recula d’un pas surprise et la colère commença à l’envahir.

 

- Et je te rappelle, au cas où tu l’aurais zappé comme tu le fais si bien, que je ne bosserais plus avec toi si tu ne changes pas de méthode !

 

- Et pour qui tu te prends ?! lança-elle la rage l’étouffant soudain. Tu te crois meilleure que moi ?! T’as oublié tes actes passés ou quoi ?! Tu as fait bien pire que moi ! Alors pas de leçon de morale !

 

- C’est pas ce que j’ai dit, souffla-elle soudain fatiguée de tout ça. J’ai juste envie de faire autrement et j’aimerais que tu y penses aussi.

 

- Pourquoi ?! Ça t’a toujours convenu. Alors pourquoi maintenant ?!

 

Waco secoua la tête et planta un regard brûlant dans les yeux bleus fatigués qui la fixait.

 

- Tu n’es pas meilleure, dit-elle en détachant bien chaque syllabe. Et tu as besoin de moi pour Sassem.

 

- En effet. C’est pourquoi j’aimerais que tu changes de méthode. Au moins, quand on bosse ensemble, plaida-elle.

 

La réponse ne lui plut pas. Elle n’aimait pas être rejetée, elle n’aimait pas être regardée ainsi. Comme si elle était folle. Et elle n’aimait pas, mais alors pas du tout perdre sa meilleure arme.

« Tout ça à cause de cette petite blonde ! » songea-elle avec haine. Car elle ne voyait pas qui d’autre aurait fait changer She-wolf aussi radicalement.

 

- VA TE FAIRE FOUTRE !!!!!! TU ME JUGES COMME SI TU TE CROYAIS SUPERIEURE, MAIS TU NE L’ES PAS !!!

Elle leva la main et gifla Tia de toutes ses forces. Celle-ci vit le coup arriver mais ne l’évita pas.

Elle fut repoussée contre la porte et Waco tourna les talons. Elle grimpa dans le camion et hurla :

 

- Tu vas me le payer !!! Je te le jure, She-wolf. C’est une chose que tu me payeras cher.

 

Puis elle claqua la portière et mit les gazes.

 

Tia la regarda partir en soupirant de soulagement. Elle n’était pas en état de se battre. Le souffle de l’explosion l’avait rudement frappée et tous ses muscles criaient grâce. Elle pénétra enfin dans sa chambre et referma la porte d’un coup de pied. Elle se dirigea vers son sac de voyage et en sortit la trousse de premiers soins.

 

Avant qu’elle n’ait pu faire quoi que se soit, sa porte vola en éclat et des hommes armés firent irruption. Elle roula derrière le lit mais ils étaient trop nombreux et elle fut bien vite prise au piège. Des mots claquèrent et elle fronça les sourcils en les comprenant.

 

- Police ! Ne bougez plus !

 

Tia leva les mains pour montrer qu’elle était inoffensive et aussitôt un des flics la retourna sur le ventre et tira ses mains en arrière la faisant hurler de douleur. Un genou sur la nuque et des menottes aux poignets, elle réprima un nouveau cri en demandant :

 

- Qu’est-ce qui se passe ?

 

Elle fut relevée et Tia dut se mordre la lèvre pour ne pas hurler. Un des hommes se détacha.

 

- Vous êtes en état d’arrestation signorina She-wolf.

 

Elle fronça les sourcils. Comment la connaissaient-ils ?

 

- Et pourquoi ?

 

- Pour meurtre.

 

Elle plissa les yeux et le chef de ce petit groupe s’approcha à la toucher. Il chuchota à son oreille :

 

- Vous avez le bonjour du Dõn.

 

Tia serra les dents. Ok, elle les avait sous-estimés. Elle regarda les visages qui l’entouraient. Soit ils allaient la tuer en faisant passer cela pour un accident ou une tentative de fuite.

 

Soit ils la mèneraient en prison, ce qui n’était pas une meilleure option étant donné qu’elle était fichée à Interpol. Et ce n’était pas le pire. Une fois son nom entré dans les fichiers de la police, Sassem n’aurait aucun mal à la localiser.

Là, elle était dans une merde noire.

 

 

 

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Commentaires
R
Toujours autant agréable à lire, bonne continuation pour la suite!
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G
J'aime toujours autant cette histoire, merci Honey
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