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6 mars 2009

Sassem, partie V, chapitres 1-2

 

PARTIE V : Ennuis en série

 

 

Chapitre 1 :

 

 

Elles se trouvaient dans une pièce aux dimensions assez imposantes. Alexia se sentait inexplicablement mal à l’aise. « Pas si inexplicable en fait », songea-elle en faisant le tour du salon des yeux.

 

Tia était en train d’examiner une bibliothèque pleine de livres, bibliothèque qui faisait tout un pan de mur, pendant qu’elle-même attendait crispée sur le canapé en cuir situé au centre de la salle. Deux douzaines de gardes armés étaient répartis autour d’elle. Ils étaient tous vêtus de costumes noirs et portaient, bien visible en bandoulière, un uzi semi-automatique. Son intuition lui soufflait que ce devait être la raison de son malaise.

 

Deux gardes se trouvaient à l’entrée du salon et deux autres à la sortie. Il y en avait un qui suivait Tia comme son ombre, ce qu’elle n’avait même pas l’air de remarquer, un autre qui était planté debout à côté du canapé et surveillait le moindre de ses gestes, et un dernier posté devant la très large baie vitrée qui donnait sur un non moins immense jardin, pour ne pas dire parc.

Elles s’étaient présentées deux heures auparavant et on les avait conduites dans ce salon presque immédiatement en leur disant que le Dõn ne tarderait pas.

 

« Il n’avait manifestement pas la même notion du temps qu’elles », se dit Alexia exaspérée. Bien sûr Tia, elle, n’était pas gênée de cette interminable attente ! Elle prit une profonde inspiration. Bon, elle voulait être mercenaire pas vrai ? Et on lui avait assez répété que la patience était la qualité principale d’un bon mercenaire, pour qu’elle se décide enfin à la mettre en pratique.

 

Mais après dix minutes de plus, elle se leva au bord de l’explosion. La patience n’avait jamais fait partie de son caractère et la liberté dont elle avait bénéficié toute son enfance ne l’avait pas aidée à en acquérir. Elle se dirigea droit sur sa compagne, suivit de son garde chiourme, et lui chuchota à l’oreille.

 

- Tu ne peux pas faire quelque chose pour que ça aille plus vite ?

 

La mercenaire lui jeta un coup d’?il. Alexia avait le visage rouge brique et l’air absolument hors d’elle. Elle leva ses deux sourcils, lui marquant ainsi sa surprise face à son attitude, puis se pencha vers elle.

 

- Non Lex. Le client décide, c’est ainsi. Après notre entrevue, si nous sommes engagées, c’est nous qui dicterons les règles, mais pas avant. Alors fais-toi une raison, respire et trouve une occupation.

Elle lui lança un regard qui aurait pu tuer s’il avait été fait de canon de revolver. Cela la fit sourire.

 

Elle se pencha un peu plus près et ajouta :

 

- Très excitant ce regard… garde-le en réserve chér'.

 

Le rouge qui envahit son visage était d’une teinte plus profonde que celui d’il y a quelques minutes et Alexia baissa les yeux sur le parquet en chêne le trouvant soudainement d’un très grand intérêt.

 

- Et prépare-toi à travailler ta patience dès que nous serons rentrées. Il faut vraiment que tu développes cette capacité, reprit-elle d’un ton plus sérieux.

Son apprentie leva les yeux et une nouvelle teinte, de honte cette fois, remplaça l’ancienne, sous le regard neutre qui la fixait.

 

Soudain la porte à leurs côtés s’ouvrit et laissa le passage à un homme corpulent et chauve qui se dandina jusqu’au milieu de la pièce avant de tournoyer sur lui-même en les cherchant des yeux.

Lorsqu’il les repéra, il leur ouvrit grand les bras puis les mains en avant en signe de bienvenue, et il leur dédia son plus beau sourire.

 

Alexia ouvrit de grands yeux, totalement sous le choc. « C’était quand même pas lui le Dõn ? » Elle détailla le gros bonhomme qui leurs serraient maintenant les mains avec un air de petit garçon ayant découvert le père Noël. Il regardait Tia comme si elle était Dieu en personne. Le Dõn, puisque apparemment il s’agissait bien de lui, était gros, mais pas gras. Son ventre proéminent débordait de son pantalon mais sans tomber. C’était curieux de voir un ventre aussi gros et aussi ferme. Ses mains étaient couvertes de bagues et son costume blanc, taillé sur mesure. Il était aussi totalement imberbe et on aurait plus dit un gros bébé, qu’un ponte de la mafia.

 

Les yeux bleus, mais d’une teinte plus claire que ceux de Tia, la dévisagèrent avec chaleur puis il les invita à s’asseoir sur le canapé avant de commander des rafraîchissements pour tout le monde. L’un des trois gardes entrés avec lui, repartit aussitôt. Elle vit que Tia arborait son masque professionnel. « A moins que ce ne soit le contraire ? » songea soudain la jeune femme. Après tout Tia faisait cette tête presque tout le temps depuis qu’elles se connaissaient. Elle secoua la tête en se disant que ce n’était pas le moment pour ce genre de question et retourna son attention vers l’entretien.

 

- Alors, fit-il en se tournant vers ma partenaire, vous êtes Enyo ?

 

Tia hocha la tête et lui demanda s’il avait lu le mail de condition qu’elle lui avait envoyé. Il acquiesça et lui dit qu’il les acceptait. A partir de là, la conversation sérieuse commença.

 

- Il s’agit d’une gamine, expliqua le Dõn. Elle a disparu de la circulation il y a une semaine avec des infos importante. Elle a trouvé refuge dans un foyer tenu par des femmes de flics. De ce fait je ne peux envoyer un de mes hommes la récupérer.

 

- Avez-vous essayé en dehors ?

 

- Évidemment, mais il semble que mes employés soient de parfaits incapable, dit-il l’air suprêmement agacé.

 

- Parlez-moi de la gamine.

 

- Elle a 15 ans, fait cette taille à peu près, dit-il en levant la main dans les airs, elle se fait appeler Chushingura et elle est très maligne. Voici une photo.

 

Il sortit la main de sa poche intérieure et la posa sur la petite table entre eux.

 

Alexia avait vu Tia écarquiller les yeux très légèrement en entendant le nom de la jeune fille. Elle l’étudia donc alors qu’elle ramassait puis examinait la photo, mais rien ne transparut sur son visage à nouveau impassible. Elle lui donna le cliché puis releva la tête. Alexia examina le portrait alors que Tia poursuivait son interrogatoire.

 

- Qu’a-t-elle volé ?

- Des infos, répondit le Dõn laconique.

 

- Faut-il qu’on vous les rapporte aussi ?

 

- Non. La gamine suffira.

 

Ceci fit tiquer la mercenaire, Alexia le vit car elle la connaissait bien, mais comme pour sa réaction au nom de la « disparue », les autres ne remarquèrent rien.

 

- Très bien. Combien de temps avons-nous ?

 

- 48 heures.

 

Tia hocha la tête et leva un sourcil.

 

- Je me suis renseigné, je connais vos tarifs et je m’aligne sur vos prétentions. Avec un petit bonus si vous me la ramenez intacte.

 

- L’adresse ?

 

Le Dõn claqua des doigts et une enveloppe en papier kraft apparut mystérieusement devant leurs yeux. Il lui fit signe de la prendre.

 

- Toutes les infos dont vous avez besoin se trouvent là.

 

Tia hocha la tête à nouveau et sans ouvrir l’enveloppe, se leva. Alexia la suivit lorsqu’elle salua leur client et lui dit qu’elle le recontacterait en cas de besoin ou sinon une fois la mission effectuée.

Elles sortirent en silence et grimpèrent dans l’énorme 4X4 que la mercenaire avait loué. Alexia secoua la tête, intriguée par ce choix.

 

- Tu les aimes à ce point ? l’interrogea la blonde.

 

- Quoi donc ?

 

- Les 4X4. C’est toujours ce que tu loues. Et plus ils sont gros, plus ils te plaisent.

 

Un peu surprise du sujet de conversation choisi, Tia considéra la question.

 

- Eh bien, ils ont pleins d’avantages. Ils sont fiables, sûrs, et ceux que je prends sont blindés.

 

- Sérieux ?

 

- Évidemment, répondit son amie en fronçant les sourcils. On est mercenaire tu te souviens ? 

 

- Hmmm, bien sûr, marmonna-elle embarrassée.

 

« Quand vais-je cesser de poser des questions idiotes ? Ça fait un an que je la suis maintenant, il serait peut-être temps d’attraper quelques automatisme non ?!»

 

- Et sinon, pourquoi on a accepté cette mission ? C’est un criminel non ?

 

- Oui.

 

- Tu m’as dit que tu n’accepterais plus de missions douteuses, lança-elle en fronçant des sourcils, contrariée.

 

- On en a déjà parlé Lex, soupira la grande femme en négociant un virage. Je le devais à Waco.

 

- Oui. Tu as dit que tu voulais savoir ce qu’il attendait exactement de toi avant de te décider, parce que même les criminels ont parfois besoin d’aide sans qu’il n’y ait rien de douteux. Et j’ai bien voulu te croire, même si ça me paraît hautement naïf.

 

A ce mot, un haussement de sourcil sauta presque de son front et elle failli renoncer à poursuivre, mais elle fit celle qui ne l’avait pas vu et continua :

 

- Mais là c’est évident que ce n’est pas le cas, il veut récupérer des infos et je suis sûre que malgré ses airs de gros bébé, - là Tia la fixa carrément choquée - il pourrait faire du mal à la gamine pour les récupérer, alors pourquoi ne pas avoir refusé ?

 

- Parce que tu te trompes.

 

- Comment ça ?

 

- Il ne veut pas récupérer d’infos. Si ça avait été le cas, il m’aurait confié cette mission. C’est la gamine qu’il veut. Pourquoi ? fit-elle en devançant sa question. Je ne le sais pas encore, mais je compte bien le savoir.

 

- Ok. Mais euh, sûrement que ma question est encore une fois idiote, mais bon… qu’est-ce qui te fait penser qu’il t’aurait confié la récupération des infos ?

 

- Parce qu’il m’a engagée.

 

- C’est fou ce que ça m’éclaire !

 

- Lex, commença la mercenaire faisant un effort louable pour rester patiente, il a dit qu’il ne voulait pas que ses hommes se fassent remarquer par les flics qui traînent, sûrement parce qu’ils sont déjà connus de leur service. C’est la raison pour laquelle nous sommes là, ok ?

 

Alexia hocha la tête.

 

- Si il y avait eu des infos cachées quelque part par Chushingura, il m’aurait demandé de soutirer la cachette à la gamine moi-même, pour ne pas risquer d’être identifié. Il ne veut pas être mêlé de près ou de loin à cette histoire. Pourtant il veut que je lui ramène la gosse, c’est donc pour une autre raison. Et cette raison doit être du genre définitive s’il ne veut pas, d’une, prendre le risque qu’on le soupçonne d’y être mêlé et de deux, prendre le risque d’être reconnu.

 

- Je sens que tu as ta petite idée sur la raison…

 

- Exact.

 

- Tia, soupira sa jeune amie, pourquoi faut-il toujours que je te tire les vers du nez ?

 

La mercenaire la regarda un peu surprise.

 

- Je ne m’en rends pas compte, désolée. Je n’ai pas l’habitude de partager j’imagine.

 

- Je peux comprendre ça, même si après un an, j’aurai pensé que tu aurais eu le temps d’en prendre de nouvelles.

 

- Je peux te retourner l’argument, rétorqua-elle tranquillement.

 

- Effectivement, acquiesça-elle en rougissant en repensant à son manque de réflexion et de patience.

 

- Je pense, reprit la mercenaire comme si rien n’avait été dit, qu’il veut la tuer. C’est pourquoi le fait qu’elle le voit lui importe peu, au contraire même. Et ça explique qu’il ne veut pas qu’on le soupçonne d’être mêlé à sa disparition soudaine.

 

- T… Tia… tu… tu ne vas pas l’aider hein ? fit-elle après un silence choqué.

 

Sa compagne lui jeta un regard glacial.

 

- Je ne tue pas les bébés, dit-elle d’un ton froid comme la banquise.

 

- Non… attends…ce n’est pas ce que…

 

Alexia soupira une fois de plus en secouant la tête.

 

- On peut rembobiner ? J’ai encore parlé sans réfléchir… excuse-moi.

 

Tia haussa les épaules, mais Alexia vit à la crispation de ses épaules qu’elle le prenait vraiment mal.

 

- Tia, je sais que tu ne ferais jamais de mal à un enfant…

 

- Tu as tort, la coupa-elle.

 

Le silence qui suivit cette révélation implicite devint très vite d’une lourdeur insupportable. « Est-ce que je veux savoir ? » s’interrogea la jeune blonde. Elle jeta un regard en coin à son amie et repensa à son aveu une nuit après un cauchemar, et à sa peur de ne pas être à la hauteur de ce que pourrait lui révéler son amante. Mais elle savait maintenant que prête ou non, elle devait entendre ce que Tia avait à lui dire. Elle ne supportait pas de la voir souffrir sans pouvoir lui être d’aucune aide et elle l’aimait trop pour faire comme si Tia n’avait pas de passé.

 

Elle l’aimait et cela l’impliquait toute entière, passé, présent, futur… tout.

 

- Tia…

 

- Plus tard, l’interrompit à nouveau son amie.

 

Alexia hésita puis reconnut que le moment était mal choisi.

 

- Ok. Alors pourquoi as-tu accepté cette mission ? Tu comptes aider cette gamine Shushi…ga ?

- Chushingura, la corrigea-t-elle avec un sourire furtif mais réel qui rassura immédiatement la jeune femme. Oui, je veux l’aider.

 

Alexia absorba l’information et la fierté d’être auprès d’une femme capable de décider de se mettre entre la mafia et ses affaires sans sourciller ni même hésiter. Elle tendit la main et caressa sa joue avec une évidente tendresse. Dans un geste inconscient qui en disait long sur elle, Tia pencha la tête pour mieux profiter de la douce chaleur de sa main.

 

- J’ai remarqué que tu semblais la reconnaître…

 

- Vraiment ?

 

- Mmm. Tu as cillé lorsqu’il a dit son nom. Qui est d’ailleurs très original. Ce n’est pas italien hein ?

 

- Non. C’est Japonais. Et ce n’est pas son nom.

 

Alexia attendit en vain une suite.

 

- Tiiiiiaaaa, se plaignit-elle avec un air de chien battu.

 

- Désolée, s’excusa la mercenaire avec un sourire. Chushingura signifie littéralement, 'le trésor des loyaux serviteurs'. C’est aussi le nom de la légende des 47 Rônins. Enfin légende n’est pas le bon terme. En réalité c’est un fait divers qui a eu lieu au début du XVIIIe siècle. Aujourd’hui les 47 Rônins représentent l’honneur et sont célébrés lors des fêtes.

 

- Je ne connais pas cette histoire.

 

- Tu ne peux pas toutes les connaître, répliqua la mercenaire avec un petit rire.

 

- Non, c’est sûr, fit sa compagne un peu boudeuse. Pourquoi sont-ils connus pour être des gens honorables ?

 

- Pas des gens honorables, Lex. Ils étaient en fait des guerriers déchus et leur condition était considérée comme la plus vile qui soit. C’est ce qu’ils ont fait, qui est considéré aujourd’hui encore comme un acte d’honneur absolu.

 

- Et qu’est-ce qu’ils ont fait ?

 

- Un jour leur maître fut assassiné et ils décidèrent de le venger.

 

- En quoi cela les rend honorables ?

 

- Pas eux, l’acte. En fait, c’est leur détermination à venger la mort de celui qu’ils considéraient comme leur maître au mépris même de leur vie qui a forgé leur légende. C’est un code d’honneur inspiré du Bushido, la voie du guerrier samouraï. Ils ont ainsi transcender leur condition par un acte d’honneur absolu. Devenant par là-même les représentants de ce qu’était l’honneur. Étrangement ils ont aussi marqué la fin de leur époque, démontrant ainsi le besoin d’avancer, de dépasser le modèle féodal basé sur les guerriers. 

 

Elle fit une pause pour laisser à son amie le temps d’intégrer tout ce qu’elle avait dit.

- Chushingura est un surnom pour cette gamine. Elle l’a adopté dans un but bien précis. Venger quelqu’un par l’assassinat quitte à en mourir. Je pense que c’est cette personne visée qui est la cause de l’intérêt du Dõn pour elle.

 

- Je vois, fit-elle en réfléchissant aux changements qu’elle allait apporter à cette histoire lorsqu’elle la raconterait. Tu comptes t’y prendre comment ? reprit-elle après un moment.

 

- Pour une fois on va te mettre en première ligne chér', lança la mercenaire avec un sourire qui la fit pâlir.

 

 

*************************

 

 

- Ok Tia, je ne m’attendais pas à ça… n’empêche ça reste une mission solo et à ce titre j’ai des droits.

 

Alexia avait revêtu tous les atours qui faisaient son ancienne vie. Une robe d’un grand couturier, des talons d’une hauteur vertigineuse, un foulard en soie pêche de la même couleur que sa robe vaporeuse, assortie à ses pendants en diamants, ses bracelets en platine et or et ses bagues en argent et pierres précieuses. Tia avait rassemblé ses cheveux mi-longs en plusieurs petits chignons à la mode.

 

- Quels droits ? demanda la grande femme en l’inspectant.

 

- Mon nom.

 

La mercenaire releva la tête et un sourcil entreprit une lente remontée sur son front.

 

- Mon nom de mercenaire. J’y ai droit maintenant, puisque je suis suffisamment autonome pour avoir des missions solos.

 

Sa compagne la considéra. C’était une chose auquel elle n’avait pas réfléchi. Mais après tout…

 

- Faut voir. A quoi tu as pensé ?

 

- C’est vrai, t’es d’accord ? s’exclama la jeune blonde ravie.

 

- Je te l’ai dit, faut voir…

 

- Eh bien… euh… en fait… je n’ai pas d’idée…, fit-elle toute penaude.

 

Un sourire amusé apparut.

 

- Je vois…

 

- J’aimerais bien un truc dans le style du tien. Comme ça ils ne dépareraient pas.

 

- En quoi est-ce important ?

 

- Mais parce qu’on va les accoler ensemble enfin ! dit-elle outrée qu’elle ne l’ait pas compris elle-même.

 

- Tu veux que je l’associe au mien ? interrogea son amie stupéfaite.

 

- C’est ce que je viens de dire, acquiesça-t-elle agacée de se répéter.

 

Tia était bouche bée. Ça… elle ne s’y attendait définitivement pas… et pourtant, elle savait qu’elle aurait dû. Alexia ne voulait pas seulement un nom, elle voulait le proclamer, l’utiliser…

 

Mais un nom était tellement plus que ça. C’est ce qu’Enyalios lui avait dit la première fois qu’elle le lui avait réclamé. «  Ce n’est pas à toi de le choisir petite fille, c’est à moi de juger si tu en es digne et de te l’attribuer en fonction de tes qualités. C’est ainsi que fonctionne notre caste. Tu ne peux pas l’exiger car il n’est pas qu’un simple nom. C’est un symbole de qui tu es et de ce dont tu es capable ».

 

Est-ce qu’elle voulait perdre ce symbole ? Le jour où elle avait adopté ce nom et où il avait commencé à circuler, cela avait répandu un sentiment puissant de réussite et de liberté en elle. « Elle y était arrivée » avait-elle pensé. « Elle était libre d’accepter ou de refuser les missions de son choix. Elle était son propre patron et plus jamais personne ne pourrait la soumettre ». Ce jour là, Enyalios en lui faisant la surprise de la nommer et de l’inscrire au tableau noir caché des mercenaires, lui avait donné une nouvelle identité…

 

Une nouvelle vie où son passé n’existait plus. Où seul son avenir et ses actes futurs comptaient. Pour la première fois de sa vie, elle était quelqu’un de libre.

 

C’était la première fois qu’elle avait couché avec lui. Elle lui était si reconnaissante…

 

Elle avait découvert avec surprise qu’elle aimait le sexe. Enyalios était un amant extrêmement doué. Attentionné et passionné il comblait son désir d’apprendre. Et dans ce domaine il en avait beaucoup à lui montrer !

 

Elle avait aussi découvert que sa violence et sa virtuosité au cours des missions l’excitaient beaucoup et qu’elle avait besoin d’évacuer sa propre rage par un acte purement sexuel. Ils avaient prit l’habitude de fêter chaque réussite ainsi.

 

Après cela, ils avaient collaboré sur quelques missions, afin d’établir sa réputation et puis il l’avait laissée partir… mais elle s’était attachée…ce qui avait rendu cela plus difficile que prévu. Elle ne l’avait pas oublié, comment aurait-elle pu ?

 

Il avait éveillé sa sensualité, repoussé l’horreur et la douleur du passé, il lui avait offert sécurité et gentillesse, et enfin il lui avait donné un nom, propre et sans tache, symbole d’un espoir d’avenir. Enfin elle pouvait y penser… enfin elle en avait un… et pour ça, toujours… il serait dans son cœur.

 

Accoler un autre nom au sien… c’était comme accepter de perdre une partie de cette autonomie si durement acquise, de sa liberté si chèrement payée… et c’était un tel engagement… Les clients penseraient à elles deux à l’avenir et non plus à elle. C’était… trop tôt…

 

Il était vrai qu’elle discutait déjà de la pertinence d’une mission avec Alexia ou non. Mais… c’était tout. Elle décidait encore de tout, seule. Non, elle ne pouvait pas accepter…

 

Même du point de vue d’Alexia c’était trop tôt. Elle n’était pas encore une mercenaire accomplie, la proclamer à la face du monde comme telle était dangereux, cela ferait d’elle une cible pour leurs collègues… non… elle était loin d’être suffisamment prête.

 

Donc double non. « Mais comment le lui annoncer ? » Tia fixa son amie, si jeune, si enthousiaste… si belle.

 

- Lex ?

 

- Hum ?

 

- Ce n’est pas possible.

 

- Tu ne veux pas que j’ai un nom moi aussi ? fit-elle choquée.

 

- Ça fait un an et même si tu as accompli de grand progrès, tu es loin d’être au top. Même pour une apprentie. Dans quelques mois… si tu es meilleur…alors ok, on te choisira un nom. Mais là c’est trop tôt.

 

- Tu… tu veux dire que je suis nulle ?

 

Alexia sentit avec horreur combien ce rejet la blessait.

 

- Non, répondit son amie. Mais… oh Lex ne pleure pas, grogna-elle mal à l’aise. Écoute, si je t’accordais ce que tu me demandes, tes conneries seront automatiquement liées à ce nom et rien ne pourra les effacer. Ce n’est pas une bonne carte de visite si tu veux des missions.

Lex, fit-elle plus doucement en lui touchant la joue, tu n’es pas prête… c’est une grande responsabilité et un grand honneur que de se voir donner un nom, quand à l’accoler à celui d’un autre… tu dois au moins être aussi bonne que celui que tu vises, sinon ça n’a pas de sens… Je suis désolée que ça te blesse, mais… je n’ai pas l’impression que tu saisisses le sérieux que suggère un nom.

 

- Donc je ne suis pas assez bonne, c’est ça ? répéta-elle.

 

- Eh bien… oui. Je suis désolée…

 

A ses mots la colère remplaça la douleur et elle essuya rageusement ses joues humides, avant de regarder son « amie » en face.

 

- Ne le sois pas Sensei, tu es le seul juge et je me soumets à ta loi, fit-elle avec une petite courbette.

 

Ses yeux lançaient des éclairs et elle les détourna bien vite.

 

Le mordant du ton comme les mots choisit plantèrent une dague empoisonnée dans le cœur de Tia. « Je me soumets à ta loi… », cette phrase résonnait dans son esprit, réveillant un écho longtemps enfoui et qui lui tordit le ventre. Elle se mordit la lèvre. Ce n’était pas le moment… et elle ne le pensait pas vraiment. Non ?

 

Le regard de la mercenaire vacilla. Les souvenirs refoulés s’invitaient à la porte de son esprit et ils étaient si nombreux et si vivaces qu’elle ne parvenait pas à les empêcher de l’envahir. Elle n’était pas comme lui, elle n’était pas comme lui… ne cessait-elle de se répéter en boucle. Alexia ne pensait pas ce qu’elle venait de dire, elle était seulement en colère. « Oh bon sang, pas maintenant ! » se dit-elle en se prenant la tête dans les mains. Un gémissement lui échappa et elle tomba à genoux.

 

Alexia se retourna et vit avec saisissement sa grande et si forte amante s’affaler sur le sol pour se rouler en boule. « Elle ne faisait cela qu’après un cauchemar… songea-elle ébahie. Qu’est-ce qui se passait ? » Elle se précipita le cœur serré d’angoisse auprès d’elle et s’asseyant sur le sol dur, attira la grande femme dans ses bras. Elle entendit alors ce que son amie chuchotait sans s’arrêter.

 

- Je ne suis pas comme lui, je ne suis pas comme lui…

 

Tia fermaient les yeux de toute ses forces et tout son corps était crispé à se rompre. « Oh non ! C’est moi qui ai fait ça ! », comprit-elle avec désespoir. Elle ne savait pas pourquoi, ni comment mais elle sentait que c’était sa faute. Comment aurait-il pu en être autrement ? Sa crise avait eu lieu après sa colère ! Mais qu’est-ce qui n’allait pas chez elle ?! Pourquoi ne pouvait-elle pas simplement accepter les critiques ?! Surtout quand elles n’avaient rien de méchant ! Elle n’était réellement pas au point, elle le savait et c’était vrai qu’elle n’avait pas mesuré l’importance d’un nom de mercenaire !

 

Bon sang, ce qu’elle s’en voulait ! Que pouvait-elle faire ? Tia ne se calmait pas et elle ne savait vraiment pas comment gérer ça.

 

- Tia, Tia, chérie, calme-toi ! Je suis là, calme-toi, oh mon cœur pardonne-moi…

 

Bon dieu mais qu’avait-elle ?!

 

- Tia, chérie, fit-elle en se balançant doucement dans l’espoir de la calmer, il va falloir que tu me parles de ton passé, parce que si je dois surveiller mes paroles, j’aimerais autant savoir ce que je ne dois pas dire. Et dieu Tia, je hais te voir ainsi sans pouvoir t’aider !

 

Mais Tia ne se calmait toujours pas et les gémissements s’accompagnaient maintenant de tremblements. Oh elle avait su dès le début qu’elle ne serait pas à la hauteur !

Elle observa le profil tendu et un sentiment intense l’envahit. Elle voulait protéger cette femme. De tout et de tous. A la hauteur ou pas… elle n’avait pas le choix. Quand on aimait comme elle l’aimait, le choix n’existait plus. Il n’y avait plus que l’amour et l’être aimé. L’angoisse, la haine, la peur, les doutes… tout était balayé par le besoin simple et puissant d’être là pour elle.

 

- Tia… Tia… chuchota-elle tout contre son oreille. Anata wa watashi no yume desu shi watashi wa anata ni desu… Watashi wa anata ni ai desu… (Tu es mon rêve et je suis à toi... Je suis à toi amour...)

 

Elle répéta encore et encore cette phrase apprise par cœur pour la surprendre et sentit bientôt les tremblements s’apaiser puis disparaître. Les balancements continuèrent et elle répéta sa déclaration avec plus de douceur. Les gémissements s’atténuèrent et enfin le silence se fit. Après quelques minutes Tia murmura si bas, qu’Alexia dut se pencher et presque coller son oreille à sa bouche pour l’entendre :

 

- Watashi mo… (Moi aussi.)

 

Elle en comprit le sens bien qu’elle ne connaisse pas la signification de « mo », et resserra son étreinte sur le corps de sa compagne.

 

- Je t’aime, Tia mon amour… souffla-elle.

 

 

 

Chapitre 2 :

 

 

Elles restèrent ainsi un long moment, au point que les premières étoiles apparurent sans qu’elles ne s’en aperçoivent. Une fois sa compagne apaisée, Alexia se contenta de la serrer très fort dans ses bras et de regarder au loin en se jurant de faire payer cher les personnes qui avaient blessé son amie à ce point. A moitié couchée sur ses genoux, Tia ne bougeait pas. Sa respiration s’était approfondie et à sa régularité Alexia savait qu’elle dormait, pourtant elle ne fit pas un mouvement pour se dégager de sa position inconfortable.

 

Parfois elle souhaitait très fort être quelqu’un d’autre. Et aujourd’hui était un de ces moments. Ce foutu caractère de gosse de riche avait déclenché cette crise et elle tremblait à l’idée de ce qui se serait passé si elle n’avait pas trouvé un moyen de la calmer.

 

Elle resserra les bras autour de la forme endormie de sa compagne et soupira. Inutile de penser à ce qui aurait pu être, s’était trop fatiguant. « Concentre-toi sur ce qui va être lorsqu’elle se réveillera. Pour commencer, elle sera furieuse de sa faiblesse. Ensuite, quand elle se rendra compte que la phase une de son plan a vu son horaire décalé, elle sera furieuse contre moi de l’avoir laissée dormir. Puis à nouveau en colère contre elle, car se sera de sa faute. Enfin, elle se plantera devant la fenêtre pour trouver un moyen de rattraper son « erreur ». Peut-être pourrais-je lui faire gagner du temps et de l’énergie ? »

 

Elle redressa doucement son dos, histoire d’éliminer les courbatures qui s’y était niché ses dernières heures et roula sa tête de droite à gauche afin de détendre ses muscles douloureux.

 

 

******************

 

 

Alors que sa conscience se battait avec force pour reprendre le dessus, Tia sentit un battement sourd pulser dans ses tempes et un grognement sortit de sa bouche. Elle porta la main à sa tête et prit conscience de la texture à la fois douce et chaude mais pas hyper confortable de son matelas particulier. Elle ouvrit les yeux et aperçut un pied de lit.

 

Ok, elle n’était donc pas dedans. Mais pas non plus sur le sol. Un soupir de soulagement lui fit tourner la tête et elle vit au dessus d’elle, deux yeux d’un vert profond pailleté d’or.

 

- Magnifique… souffla-elle.

 

Un sourire ravi et très très soulagé lui répondit.

 

- Bien dormi la marmotte ?

 

- Dormi ? répéta-elle d’une voix rendue rauque par le sommeil.

 

Elle se tendit soudain et se redressa d’un coup, manquant de peu d’assommer Alexia. 

 

- Mais il fait nuit ! s’exclama-elle.

 

- Brillant sens de l’observation Miss Watson.

 

Tia se retourna vers elle et la fixa un peu perplexe avant de secouer la tête pour se remettre les idées en place.

 

- Tu n’es pas allée au foyer j’imagine ? demanda-elle agacée.

 

Alexia secoua lentement la tête et la bouche de sa compagne ne fut bientôt plus qu’un pli fin. Elle imaginait très bien, les cris, grognements et engueulades qui devaient traverser sa si jolie petite tête. Elle eut l’air de vouloir dire quelque chose, mais un éclair dont elle ne parvint pas à saisir la signification, traversa son regard et elle en perdit l’envie.

 

Comme prévu, elle se leva et se dirigea vers la fenêtre. Elle s’appuya au rebord et laissa son regard errer sur le paysage nocturne alors que ses cellules grises se mettaient à fonctionner à plein régime.

 

Après un temps qui sembla interminable à Alexia, la mercenaire se tourna vers elle, les bras croisés sur la poitrine. Elle la considéra un instant.

 

- Tu vas leur téléphoner maintenant et prendre ton accent le plus snob qui soit en exigeant un rendez-vous pour demain matin. Une visite du foyer et un compte-rendu de ce qu’ils y font. Tu agiteras tant de fric devant leurs yeux qu’ils accepteront en bavant devant tous tes caprices.

 

- Ok. Donc je la joue merdeuse friquée qui veut dépenser une fortune pour emmerder son père, c’est ça ?

 

- C’est ça. Une fois sur place, tu repères la gamine et te débrouilles pour lui parler en privé. Tu lui expliques qui on est et ce qu’on va faire pour la sortir du merdier dans lequel elle s’est mise.

 

Ensuite tu me téléphones et je viens la chercher. Je me ferais passer pour un membre de sa famille auprès des gens à l’accueil. Pour que ça marche, tu dois garder le corps directoriale avec toi. Tu y restes environ une quinzaine de minutes puis tu fais un chèque et tu repars comme tu es venue. C’est clair ?

 

- Très. Mais si la gamine ne me croit pas ? Ou qu’elle se méfie ? Ou bien que je n’arrive pas à détourner l’attention de toutes les personnes ?

 

- C’est facile Lex. Je ne te demande pas de mentir, seulement d’exagérer une partie de toi. Le reste suivra. Quand à la gosse, même méfiante on est sa seule chance et au final elle le comprendra suffisamment pour ne pas risquer de la manquer.

 

- Mais…

 

- Lex, gronda doucement sa compagne, tout se passera bien. J’ai conscience que tout repose sur toi et que ça te stresse, mais c’est un job dans tes cordes, alors respire. Tu peux le faire. Je ne te l’aurais pas demandé sinon, tu ne crois pas ?

 

« Elle a raison. Bien sûr qu’elle a raison. Elle est trop bonne dans son travail pour risquer de faire foirer une mission en misant sur un truc hasardeux. Non, vraiment trop pro pour ça. »

 

- Ok, accepta-elle en prenant une profonde inspiration, je suis prête. Où est le téléphone ?

 

 

*****************************

 

 

Elles étaient toutes les deux allongées nues sur le lit confortable à contempler le plafond.

 

- J’aime beaucoup ce genre de fin de journée, lança Alexia taquine.

 

- Tu veux dire quand on s’amuse plusieurs fois d’affilée ? répondit-elle en insistant sur le mot 'amuse'.

 

- Ouais, acquiesça-elle avec un sourire idiot. Je me sens comme une athlète qui essaierait de battre un record.

 

Tia éclata de rire et roula sur le côté en se tenant le ventre. Alexia tourna la tête vers elle, un sourire satisfait sur les lèvres et observa le plissement adorable de ses yeux lorsqu’elle riait, ainsi que le changement incroyable qui s’opérait alors sur tout son visage. Elle avait l’air plus jeune, plus ouverte et elle était si attirante ainsi… elle possédait le plus joli sourire qui lui avait été donné de voir. Elle ne pensait pas s’en lasser un jour.

 

Un peu comme celui qu’elle faisait quand elle se sentait complètement supérieure à ceux qui l’entouraient. C’était un sourire très horripilant mais qui lui allait si bien, qui collait tellement à son caractère, qu’elle ne s’imaginait pas son amie sans lui.

 

- Ça va mieux ? s’enquit-elle alors.

 

Le rire diminua et s’éteignit mais le sourire demeura, ainsi que le plissement qu’elle trouvait si attirant.

 

- Oui. Merci.

 

- C’est à ça que servent les amis non ? fit-elle avec un haussement d’épaule délicat vu sa position.

 

- Tu es ma première amie, avoua Tia avec un brin de timidité.

 

- Et bien… si tu n’es pas ma première, tu es sûrement la plus importante et la plus chère à mon cœur.

 

La mercenaire lui sourit, satisfaite de la réponse. Après quelques minutes de silence détendu, Tia reprit :

 

- Ce que tu as dit cet après-midi…

 

- Mmmm ? l’encouragea-elle quand elle sentit son hésitation.

 

- J’ai beaucoup apprécié. Vraiment. Ça m’a touché et… que tu sois restée…

 

Elle s’interrompit, l’air soudain un peu triste. Alexia tendit la main et la laissa descendre le long de son bras.

- Tu ne sais pas ce que ça représente pour moi. Tu… n’avais pas à le faire… mais j’ai apprécié. Alors merci. Et aussi excuse-moi… je ne sais pas ce qui s’est passé… ça ne m’était jamais arrivé.

 

- Tia, tu n’as pas à t’excuser. Je t’aime tu le sais, alors c’est normal que je sois là pour toi quand tu en as besoin… cela dit il va falloir que tu m’en dises plus sur ton passé. Te voir souffrir sans savoir pourquoi me tue… Et je ne vois pas comment je peux t’aider efficacement dans ce cas.

 

- Je… je ne pense pas que je le puisse pour l’instant.

 

- Peut-être, mais tu en as besoin, insista sa compagne.

 

Tia soupira et roula sur son côté, plongeant son regard dans la nuit qui envoyait une douce brise à travers les fenêtres ouvertes. Alexia la regarda un peu triste pour elle, avant de rouler à son tour et de coller son corps au sien, s’enroulant comme une liane autour d’une branche.

 

- Que s’est-il passé après que ces soldats t’aient emmenée dans la jungle ? chuchota-elle.

 

Tia ne répondit pas et le silence s’éternisa si bien qu’Alexia eut peur d’avoir été trop loin. Elle pressa sa main sur le bras de son amie et ses lèvres sur sa nuque.

 

- Tu n’es pas obligée d’en parler, excuse-moi… j’ai juste pensé que peut-être cela te ferait du bien.

 

Tia sentit le souffle chaud de sa compagne sur son cou et entendit la frustration mélangée à la peur dans sa voix et elle se sentit envahie par la honte. Elle voulait qu’Alexia l’aime et qu’elle l’accepte comme elle était, mais elle ne partageait rien. Elle lui faisait supporter ces cauchemars et ses humeurs sans lui donner la plus petite explication. Elle se mit à sa place une seconde et se demanda ce que cela lui ferait de voir Lex souffrir et de ne pas savoir pourquoi…

 

Alexia avait le droit de savoir… elle était égoïste de ne pas vouloir en parler et même si c’était dur, au final elle se sentirait mieux… enfin peut-être… si Lex ne partait pas en courant.

 

Elle soupira et tenta de contrôler le flot de souvenirs qu’elle était obligée de faire revenir. Elle ferma les yeux et commença son récit d’une voix basse, presqu’éteinte… à l’image de ce qu’elle était et ressentait à l’époque.

 

- Après… ils ont continué à me montrer le vrai visage de la vie. Ils m’ont appris à supporter le froid, la chaleur suffocante, la faim, les marches interminables et la peur. Au début j’étais trop jeune et trop ignorante de leur langue pour leur être vraiment utile, alors ils m’ont « alloué » un traducteur. Un vieux soldat qui portait barbe et cheveux blanc. Il était tout maigre et n’avait plus de dent. Mais il était gentil. Il me disait de l’appeler granpa. Et je le faisais. Pendant les premiers mois de mon arrivée, j’ai été plutôt gâtée grâce à lui. Il me trouvait toujours une ration en plus, les soirs où j’étais punie. Il me racontait sa vie et même si au début je ne comprenais pas ce qu’il disait, ça me réconfortait de m’endormir au son de sa voix. Il me racontait des blagues qui le faisaient beaucoup rire et me caressait les cheveux pour me dire bonjour. J’avais l’impression d’avoir encore une famille. Ça m’aidait à ne pas trop pensé à eux… ma famille…

 

Alexia embrassa son épaule et sentit son amie se retourner tout en restant dans ses bras. L'air perdu et le regard si bleu lui pincèrent le cœur. Elle détestait la voir aussi fragile. Elle aurait tout donné pour effacer sa peur et sa douleur. Pour faire un bond dans le passé et se retrouver aux côtés de cette petite fille effrayée.

 

Elle frotta doucement son nez contre le sien et attendit sans rien dire.

 

- Je les haïssais. Je refusais de faire ce qu’ils me disaient. Et pour cela j’étais souvent punie. Très souvent. Étrangement, c’était aussi pour cela qu’ils me gardaient. Ma volonté. Ils étaient persuadés qu’elle pourrait leur être utile une fois disciplinée. Pour me mettre au pas, ils ont tout essayé. Ils m’ont affamée, enfermée, ils m'ont empêché de dormir, battue, insultée, menacée. Ils ont tout fait pour me briser. Mais je me raccrochais à ma haine, à ma colère… je ne voulais pas leur céder, jamais… plutôt crever.

 

Tia fit une pause comme pour se donner du courage.

 

- « Un jour où j’avais été enfermée, affamée et privée de sommeil toute une nuit durant, ils m’ont amenée à la tente du chef du camp. Granpa s’y trouvait. Il était content de me voir encore en vie et m’a serrée dans ses bras. Après, le soldat qui m’avait emmenée jusqu'à la tente a attrapé Granpa et l’a jeté à terre. Sur un signe du chef, il a sorti son arme et lui a tiré une balle dans la tête. Après ça, ils m’ont expliqué qu’il était mort par ma faute. Parce que je ne voulais pas obéir.

 

Le chef a fait venir un enfant, le petit-fils de Granpa, qui s’était engagé dans la milice pour le revoir. Il avait 10 ans. Granpa l’aimait beaucoup, il me racontait plein d’histoires sur lui et on voyait combien il en était fier. Il a vu son Granpa et écouté les propos du chef qui lui répétait ce qu’il m’avait dit. Il m’a jeté un regard de haine pure et pour la première fois depuis la mort de ma famille, la peur a dominé la colère. Puis le chef du camp lui a ordonné de repartir avant de se tourner vers moi. Il m’a dit qu’il le tuerait si je continuais sur cette voie. Et qu’il tuerait chaque personne ayant un tant soit peu d’importance pour moi, jusqu’à ce que je cède. Tout le temps où il me parlait j’avais les yeux fixé sur Granpa. Je ne pouvais pas le quitter des yeux.

 

Puis ils sont sortis et m’ont laissée en tête à tête avec lui. »

 

- Tia… fit son amie le cœur serré.

 

- Je me suis approchée, je voulais lui dire au revoir, comme je n’avais pas pu le faire avec ma famille. Je me suis agenouillée et je lui ai caressé les cheveux, sans réussir à ignorer l’énorme trou qui ornait son front et d’où suintait du sang et des morceaux de cervelle.

 

Une larme quitta les yeux bleus et coula sur le pouce d'Alexia qui lui caressait doucement la joue.

 

- Après ça, j’ai vomi et je me suis écroulée au sol. Je me suis réveillée des heures plus tard, le corps courbatu et la tête douloureuse. Je me suis rendue compte rapidement que j’étais dans une autre tente. Un soldat est entré en m’entendant gémir et m’a dit que dorénavant j’habiterais là… avec le petit-fils de Granpa, Pedro.

 

- Oh mon dieu, souffla son amie horrifiée.

 

- J’ai craqué. J’ai commencé à leur obéir dans l’espoir qu’ils m’enlèveraient de cet endroit affreux où Pedro me faisait vivre un enfer... Il est responsable de la plupart des mes cicatrices.

 

Alexia pleurait maintenant sans retenue. Elle aurait voulu demander à Tia d’arrêter, mais ça aurait été lâche. Et si la petite fille avait pût y survivre, alors elle pouvait au moins écouter.

 

- J’ai compris après deux ans qu’ils ne m’en retireraient jamais. Ils étaient trop contents de ce que Pedro avait fait de moi. J’étais devenue un bon petit soldat, obéissant et efficace dans tous les domaines. J’étais un de leurs éclaireurs préférés. J’étais si discrète et si prête à leur faire plaisir que je prenais des risques que personne d’autre ne prenait dans le seul but d’apporter les meilleures infos. Quand j’ai compris que mon enfer ne cesserait pas, j’ai pris une décision. J’allais continuer à faire semblant d’être un bon petit soldat et apprendre tout ce que je pourrais d’eux, pour qu’un jour je puisse y mettre un terme moi-même.

 

- Comment tu y es parvenue ? demanda Alexia sa voix se brisant.

 

Elle ne demandait pas si, mais comment, car elle connaissait suffisamment son amie maintenant pour savoir qu’elle ne revenait pas sur ce genre de décision.

 

- Un soir…

 

Tia déglutit avec difficulté et se racla la gorge plusieurs fois.

 

- Un soir, reprit-elle, j’ai utilisé une de leurs fêtes pour me venger. J’ai… j’ai mis le feu au campement. Ils étaient tous ivres, et je savais qu’ils ne pourraient pas tous éviter les flammes. Alors j’ai pris un des tisons du feu de camp et j’ai enflammé plusieurs tentes ainsi. J’ai… j’ai regardé, entendu et sentit les hommes brûlés vifs. Je… j’avais oublié que la veille, un chargement de « volontaires » était arrivé. Des enfants étaient parmi eux. Ils ont pris feu et j’en ai vu se consumer devant moi. L’odeur de chair brûlée… je ne l’oublierai jamais… pas plus que leurs cris.

 

- C’était un accident Tia ! protesta farouchement Alexia. Les enfants, tu les avais oubliés, tu n’y es pour rien… tu étais une enfant et tu souffrais…

 

- Non ! rétorqua la mercenaire farouchement. J’avais 7 ans. J’étais suffisamment grande pour savoir que ce que je faisais était mal… mais je l’ai quand même fait. Je n’ai pas aidé l’enfant qui hurlait près de moi. Tu sais pourquoi ? demanda-elle avec un sourire amer. Parce que je venais de repérer le chef du camp en train de cramer et que je ne voulais pas manquer ça. J’ai joui de sa souffrance Lex, j’en ai goûté chaque minute, chaque seconde. J’en tremblais de joie… tu ne peux pas t’imaginer. Le lendemain, lorsque les feux furent éteint, j’ai appris que Pedro était mort dans l’incendie et là, je n’ai pas pu m’en empêcher, j’ai éclaté de rire. J’étais si heureuse… je croyais être libre. Je n’imaginais pas qu’il puisse y avoir d’autres milices. Les quelques survivants qui restaient ne me faisaient pas peur, ils étaient tous sous le choc et je me sentais si forte… Je me trompais, fit-elle en secouant la tête.

 

Une main caressa sa joue et elle inspira brusquement, pressée d’en finir.

 

- « J’ai été transféré dans une autre milice trois semaines plus tard. Et là, j’ai appris qui dirigeait vraiment tout ces soldats… Il nous a rendu visite. Il avait entendu parler de moi et de mes talents. Il a compris que c’était moi qui avait tué presque toute sa milice. Il me l’a dit en souriant. Il s’est agenouillé et m’a dit qu’il était fier de moi, qu’il avait besoin de soldats dans mon genre : impitoyable, rusé et sans remords. Il m’a serré la main et m’a dit son nom. Il s’appelait Sassem Ricardo. C’était le plus bel homme que j’avais jamais vu. Il était gentil et avait des manières impeccables, mais j’avais vu le prédateur en lui et je ne me suis pas laissée avoir. Il m’a dit qu’il allait me surveiller et que si je me comportais bien, il reviendrait pour m’emmener dans un endroit plus approprié à une personne de mon talent.

 

Je ne voulais pas qu’il revienne, il me faisait peur. Bien plus que Pedro, bien plus que mon premier chef de camp… et pourtant il ne m’avait rien fait. J’étais désespérée, j’avais l’impression que je ne pourrais jamais m’en sortir, alors j’ai fait la seule chose qui me permettait de survivre à tout ça. J’ai décidé de trouver un nouveau responsable : Sassem Ricardo. C’était le chef de tous ces soldats et ça me suffisait. S’il n’avait pas existé, j’étais certaine que jamais rien de tout ce que j’avais vécu ne serait jamais arrivé. Je l’ai haï dès cette seconde et je n’ai plus jamais cessée depuis. J’ai haï tous ceux qui m’entouraient, c’était le seul moyen de ne pas les laisser me briser encore une fois. Mais je n’avais pas envie de revivre la même chose que dans le premier camp alors j’ai appris à le cacher... Et ça m’a bien servi crois-moi. »

 

Tia poussa un énorme soupir comme si un poids insupportable l’écrasait et posa enfin son regard sur le visage de sa compagne bouleversée.

 

- Je… je n’en peux plus Lex.

 

- Ça ira pour ce soir… je… je crois que je n’en peux plus non plus, dit-elle avec un petit rire plein de douleur avant d’éclater en sanglots.

 

Tia hocha la tête, épuisée. Elle prit enfin sa jeune amie dans ses bras et la serra à l’étouffer, essayant tant bien que mal d’apaiser ces pleurs.

 

- Je… je suis désolée… renifla-elle. C’est moi qui devrais te consoler, pas le contraire.

 

- Tu le fais, la contredit-elle. Tu pleures à ma place… moi je n’en suis plus capable. Ça fait trop longtemps que je m’en empêche. Alors merci.

 

Tia avala avec difficulté et déposa un petit baiser sur les cheveux de sa compagne. Ça l’avait surprise de voir la force de sa rage et de ses larmes.

 

Alexia n’avait pas eu pitié, pas qu’elle n’avait pas été horrifiée par ces actes. Au contraire, elle avait partagé sa colère et sa douleur comme si elle ne formait qu’une seule entité. C’était une sensation si purifiante qu’elle ne regretta pas une seconde ses confidences.

 

Peut-être qu’elle pourrait lui parler du reste un jour…

 

 

*********************

 

 

Alexia se réveilla lorsque les rayons du soleil lui tombèrent dans les yeux. Elle poussa un grognement en se protégeant de la main puis regarda autour d’elle. Elle se redressa en ne trouvant pas Tia puis entendit l’eau couler dans la salle de bain et soupira de soulagement.

 

Puis elle se leva furtivement et se dirigea vers son sac en cuir. Elle l’ouvrit et écarta ses vêtements tout en surveillant la porte de la salle de bain. Elle ouvrit une petite poche cachée par les replis du sac et en sortit son précieux trésor enveloppé dans du papier bulle. Elle le retira et admira la sculpture de louve sur laquelle elle travaillait depuis un an maintenant. Elle avait eu du mal et cela lui avait pris beaucoup de temps, mais le résultat minutieux et réaliste était incroyable. Elle avait du mal à croire que c’était elle qui avait ça…

 

Elle entendit l’eau s’arrêter de couler et elle se dépêcha de le ré-enrouler avant de l’enfouir dans son sac. Puis elle se précipita sur le lit ou elle rebondit, ce qui la fit rire. Tia entra dans la pièce à ce moment là et elle s’arrêta, surprise à la vue de sa compagne en train de rebondir en riant sur le matelas.

- Eh ben, c’est la forme ce matin.

 

- Tout à fait ! répondit Alexia en se tournant vers elle.

 

Elle attendit que son amie et la petite serviette qu’elle portait autour de son corps s’asseyent sur le bord du lit, pour se lever d’un bond et sauter aussi haut qu’elle le pût pour ensuite se laisser retomber de tout son poids sur le matelas.

 

Tia sentit sa compagne bouger puis comme si une bombe venait d’exploser, elle fut proprement éjectée du rebord pour se retrouver une seconde plus tard, à plat ventre sur le sol moquetté de la chambre. Elle se redressa sur ses mains et ses genoux et jeta un regard incrédule à une Alexia bondissante et morte de rire sur le lit.

 

- J’… j’adore la vue que j’ai… d’ici, fit-elle entre deux hoquets, les mains sur le ventre.

 

Tia suivit son regard et vit que sa serviette était trop courte pour dissimuler correctement ses fesses. Elle rougit un peu en mettant une main devant l’objet du délit, puis se reprit et sourit d’un air diabolique. Alexia remarqua son changement d’expression et cessa de rire en se demandant quel serait sa vengeance.

 

- Hmmm, Tia ? fit-elle un peu inquiète. C’était qu’une blague hein…

 

Le sourire s’agrandit et l’inquiétude de Lex aussi. Tia se redressa lentement et s’avança vers elle de sa démarche féline. Quand elle saisit le genre d’ennui qu’elle allait avoir, Alexia sourit aussi et accueillit avec joie le corps de sa petite amie.

 

Elle tendit la main vers la serviette et d’un geste preste la fit tomber au sol au moment où Tia se penchait vers elle. Le corps nu de son amie était époustouflant et quoiqu’elle puisse le voir à satiété, elle ne s’en lassait jamais. Elle déglutit les yeux brûlant de désir et une bouche entra rapidement dans son champ de vision. Elle pressa ses lèvres sur les siennes et entoura le corps musclé et lisse de ses bras. Une main se glissa sous la chemise en satin de son pyjama et remonta jusqu'à ses seins. Elle inspira brusquement sous le toucher et sentit le sourire de son amie se dessiner. Une langue déterminée se fraya un chemin entre ses lèvres et elles s’embrassèrent avec une passion exigeante. Les mains d’Alexia voyagèrent sur le dos nu et descendirent sur les fesses fermes et douces qu’elle pressa et caressa.

 

La bouche avide de Tia descendit le long de son cou et elle mordilla le creux sensible au dessus de sa clavicule. Alexia se cambra et sentit que sa chemise glissait de ses épaules et terminait son voyage sur le plancher. Une langue agile titilla les pointes de ses seins dressés et elle gémit.

 

Soudain elle ouvrit les yeux et en avisant la tête brune qui descendait son pantalon en satin avec les dents et un regard malicieux, elle prit la décision d’inverser les rôles. Elle se redressa, obligeant son amante à suivre le mouvement et attrapa son visage entre ses mains. Elle l’attira à elle et alors que Tia recouvrait son corps du sien, Alexia la fit basculer sur le dos sans quitter sa bouche. Elle saisit ensuite les mains qui étreignaient sa taille et les plaça au dessus de sa tête. Puis elle se recula un peu et murmura :

 

- Laisse-moi m’occuper de toi en premier pour une fois…

 

Le sourire brillant qui lui répondit lui arracha un petit rire et elle glissa sa langue sur les seins parfaits qui l’appelaient. Elle s’occupa d’eux avec soin, avant descendre plus bas et de lécher le ventre plat qui sentait la fleur de lys.

 

- Qui l’aurait cru, chuchota-elle encore, ma grande guerrière qui se parfume comme une fille…

 

- Eh ! fit la grande guerrière outrée, je suis une fille !

 

- Et quelle fille… acquiesça-elle en introduisant sa langue dans le nombril, arrachant un hoquet soudain à sa victime.

 

- Lex… gémit-elle en agrippant ses cheveux.

 

Alexia descendit plus bas et fixa un instant le clitoris gonflé avant de le déguster avec délicatesse. Les mains dans ses cheveux appuyèrent avec force pour la rapprocher encore. Alexia retint un sourire satisfait et descendit encore plus bas. Tia grogna et la poussa à s’activer.

 

- Ne sois pas si impatiente chérie… c’est toi qui me dit tout le temps que la patience est une vertu indispensable pour tout bon mercenaire.

 

- Tais-toi… gronda la grande femme contrariée de se voir retourner ses arguments.

 

Alexia lui tira la langue et retourna à son ouvrage. Elle lécha tout d’abord les abords des lèvres luisantes avant d’y entrer la langue.

 

- A… Alexia tu… tu es…, bredouilla sa compagne en se perdant avec délectation dans les pointes de plaisir qui la traversait de part en part.

 

Alexia utilisait sa langue avec maestria et la mercenaire grogna de mécontentement lorsqu’elle la retira pour se transformer en une plainte extrêmement sonore lorsqu’elle la remplaça par un doigt. Puis deux. Tia se cambra et la jeune blonde remonta vers le visage de sa partenaire. Elle l’embrassa tout en accentuant les mouvements de sa main. Sur une impulsion elle rajouta un troisième doigt et fut récompensée par un frisson qui traversa tout le corps de sa compagne. Elle accéléra la cadence.

 

- Tia, regarde-moi… chuchota-elle contre ses lèvres. Je veux te voir jouir.

 

Tia ouvrit des yeux bleus envahis par la passion et plongea son regard dans le sien. Elles étaient si proches l’une de l’autre que leurs souffles se mêlaient et que leurs nez se touchaient.

 

Alexia vit le plaisir agrandir les pupilles de sa compagne et sentit la vague de jouissance remonter de son sexe et traverser tout son corps lui faisant entrouvrir la bouche pour inspirer fortement.

Alexia sentit son propre plaisir monter en flèche en la voyant ainsi et les mains qui couraient partout sur son corps avec frénésie la faisaient haleter.

 

Lorsque l’orgasme submergea Tia, elle ne put garder plus longtemps les yeux ouverts et pressa son corps contre le sien avec force. Elle cria en crispant ses mains sur le montant du lit et retomba, des étoiles dansants devant ses yeux.

 

Alexia la caressa doucement, apaisant ses frissons et posa un baiser sur son épaule avant d’y poser la tête.

 

- Je… hum... m’occupe de toi, dès que j’ai retrouvé la vue… soupira la mercenaire avec un sourire reput.

- J’en conclus que ça t’a plu.

 

- Si ça m’a plu ? Lex tu t’es surpassée…

 

- Hmmm, je peux te donner des leçons si tu veux.

 

- Je ne crois pas en avoir besoin mon c?ur, rétorqua-elle avec suffisance, mais merci pour l’offre. Bon, je crois que le sang est revenu dans mes extrémités, alors prépare-toi à mourir de plaisir, déclara-elle aussi arrogante qu’à son habitude.

 

Alexia adorait cette suffisance… surtout dans de telles circonstances…

 

 

******************************

 

 

- Bon alors tu te souviens de tout ? demanda la mercenaire pour la énième fois.

 

- Oui Tia. Tu me l’as répété dix fois au moins ! Ça va bien se passer… tu te souviens, c’est toi qui me l’as dit hier soir ? dit-elle avec une moue amusée.

 

Tia leva un sourcil élégant. Elle n’aimait décidément pas qu’on lui retourne ses propos. Puis elle lui tourna le dos et sortit le plan de son sac qu’elle étala sur le lit.

 

- Bon voilà où je serais quand tu seras dans le foyer à faire ton numéro. Lorsque tu te seras entretenu avec Chushingura tu me passes un coup de fil. Tu me dis que tu seras là dans dix minutes et tu raccroches. Ensuite, tu occupes l’attention des membres décisionnaires et j’attends la môme. Nous t’attendrons ici, fit-elle en posant son doigt sur un point de la carte. A deux rues derrière. Tu fais ton chèque, tu sors et tu sautes dans ta limousine. Tu demandes au chauffeur de t’emmener ici. On se rejoint dans la chambre.

 

- Ok, mais pourquoi tu m’attends ? Ce ne serait pas plus simple que vous vous rendiez ici directement ?

 

- En effet. Mais tu es mon apprentie et ta sécurité est ma responsabilité. Je veux m’assurer que tu n’as pas été repérée et que personne ne te suis.

 

- Ha, ok. Et pour le chèque ? Mon père m’a coupé les vivres tu te souviens ?

 

- Oui. Tiens, fit-elle en sortant un chéquier de son sac. C’est celui d’un de mes comptes. Il est très bien garni.

 

- Plafond ?

 

- Cinq millions. Mais je ne te conseille pas d’en donner autant.

 

- Pourquoi ?

 

- Petit a, ça va revenir aux oreilles de personnes dont on ne souhaite pas attirer l’attention…

 

- Comme nos clients ?

- C’est ça… c’est pour cela notamment que j’ai modifié le plan initial. Je ne dois pas être repéré. Et petit b, ce compte devient le tien dès aujourd’hui alors je te conseille d’en garder un peu pour toi.

 

- A moi ? Mais Tia…

 

- Pas de mais, Lex. Tu as besoin d’argent, ne serait-ce que pour les frais d’infiltrations. Car si ça se passe bien aujourd’hui, il y en aura d’autres. Et parfois, lorsqu’il s’agit de missions personnelles on n’est pas remboursé. J’ai déjà réglé les papiers et autorisations et je te verserais ta part dessus, comme je l’ai fait pour ce qu’on a touché du Dõn, annonça-elle avec un sourire canaille.

 

- Euh… Tia c’est pas un peu risqué d’arnaquer un parrain de la mafia ?

 

- Plus que Sassem tu veux dire ?

 

- Ouais, ok, bon… Écoute, même si je suis heureuse que tu me permettes d’être à nouveau autonome, je… ça me gêne…

 

- Y’a pas de raison Lex. Tu es avec moi depuis un an, tu m’as aidé dans plus d’une mission et tu n’as jamais été payée. C’est simplement un cumul des différentes paies que je te devais. Rien de plus.

 

- Cinq millions ? Un cumul ? Tia tu te moque de moi…

 

- Je suis la meilleure Lex, mes tarifs sont donc très élevés. Enyalios et moi sommes les mercenaires les mieux payés de la profession.

 

- Cinq millions ?

 

- J’ai peut-être rajouté une prime pour ta patience avec moi qui n’étais pas prévue dans le contrat initial et une autre pour ton entraînement. Tout les apprentis sont payés Lex, je ne suis pas la première à le faire.

 

- Bon, écoute je veux bien accepter ça comme un salaire, mais tu reprends la prime pour ma patience.

 

- Pourquoi ?

 

- Tia, je le suis parce que je t’aime, pas pour que tu me payes, c’est… c’est… malsain et insultant… fit-elle un brin vexée.

 

- Euh… ok, désolée, ce n’était pas le but. Je veux dire qu’à l’époque de tes premiers entraînements je n’étais pas facile et on n’était pas encore amies alors… Tu sais je n’ai pas décidé ça maintenant.

C’est une accumulation que j’ai commencé l’année dernière…

 

- Oh, alors dans ce cas… je ne peux pas t’en vouloir hein ? Merci, fit-elle en s’approchant pour l’embrasser sur la joue. Alors comment tu me trouves ? fit-elle en tournoyant sur elle-même.

 

Tia la détailla d’un air appréciateur.

 

- Tu vas tous les faire tomber chérie !

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