Sassem, partie VI, chapitres 6-7
Chapitre 6 :
Plus tard dans la
nuit, alors qu’Alexia était endormie, Tia regarda l’heure. Il était 1h00,
autrement dit, sur l’île, il était 9h30. Elle pouvait donc téléphoner.
Tia se leva avec
mille et une précautions et enfila rapidement une chemise qui traînait sur un
fauteuil. Elle attrapa son téléphone et sortit doucement de la chambre. Elle
fit quelques pas dans la nuit et composa un numéro.
- Obson, déclara une
voix impatiente lorsqu’elle décrocha enfin.
- Linya ? C’est
Tia.
Aussitôt le ton
changea.
- Tia ?
Qu’est-ce qu’il se passe ? Un problème ? C’est Alex ?
- Non, non, tout va
bien, calme-toi. Désolée de t’avoir fait peur, ajouta-elle avec une grimace.
Un soupir retentit
dans le combiné, et Linya reprit plus calmement.
- Ok. Alors tu
m’appelles pour avoir des nouvelles ? Je te manque ?, fit-elle
espiègle.
- Non, enfin c’est
pas ce que je veux dire.
Un petit rire.
- T’en fait pas j’ai
compris, va. Tant que tu es avec Alex, tout va bien et rien ne te manque…
pfooouuuu. C’est pareil pour Alex, fit-elle d’un ton triste, et moi je ne sers
plus rien.
Le ton
mélodramatique arracha un rire à la mercenaire qui ne put s’empêcher de se
demander comment cette fille faisait pour être prise au sérieux dans son job.
- Alors pourquoi cet
appel ?, reprit la jeune blonde joyeusement.
- Euh, eh bien, en
fait j’ai besoin d’un service.
A l’autre bout du
fil, deux sourcils connurent un brusque mouvement vers le haut qui leurs
apprirent qu’ils avaient le vertige. « Un service ? L’indestructible
et impassible mercenaire à besoin de mon aide ? Intéressant » Puis
elle fronça les sourcils. « Pas si indestructible que ça », fit-elle
en se remémorant une scène en particulier. Mais Tia dégageait une telle
assurance et un tel contrôle d’elle-même qu’on en oubliait rapidement les
petits indices qui prouvaient le contraire, un peu comme un fan le fait avec
ses vedettes préférés. « Serais-je prise dans le culte du
héros ? » s’interrogea-elle soudain en souriant.
- Que puis-je pour
toi, ô grande guerrière ? lança-elle joyeusement.
Tia regarda un
moment le téléphone en se demandant si Linya ne fumait pas quand Alexia n’était
pas dans le coin. Puis elle le rapprocha de son oreille avec méfiance.
« Peut-être que je l’ai réveillé finalement ? Et qu’elle est ainsi au
lever ?»
- Euh, je cherche un
truc pour Alexia.
- Quel genre de
truc ?
- Une surprise.
- C’est fou ce que
tu m’éclaires.
Tia soupira. Alexia
lui fait les mêmes réflexions. Mais elle n’y pouvait rien, elle ne savait tout
simplement pas s’exprimer. Elle réessaya encore.
- Je… j’aimerais
organiser une surprise pour elle. Pour… euh… eh bien…la remercier, d’être là et
euh…
« Dieu ce que
c’est embarrassant ! » se dit la grande femme en passant une main
dans ses cheveux.
- J’aimerais juste lui
rendre hommage, faire un truc qui lui fasse comprendre combien elle compte pour
moi, débita-elle rapidement comme pour s’en débarrasser, ce qui était
effectivement le cas.
- Oh, je vois. C’est
très gentil, ajouta-t-elle après une petite pause. A quoi tu pensais
exactement ?
Tia fixa à nouveau
le combiné de son portable mais d’un air agacé cette fois.
- Je ne t’aurais pas
appelé si je savais quoi faire, répliqua-elle un peu sèchement.
- Hmmmm, t’as pas
tord, rétorqua son amie sans paraître se rendre compte de son irritation. Bon
tout d’abord, il faut déterminer la surprise. Tu préfères un cadeau ou une
fête ?
- Heu… les
deux ?
- Hmmmm, c’est
possible. Alex adore les fêtes.
- Je sais.
- Hmmmm, tu as une
date précise en tête ou une occasion pour laquelle tu veuilles organiser
ça ?
- Heu… son
anniversaire ?
- C’est en Septembre
chérie, c’est un peu loin non ?
C’était un peu
bizarre d’être appelé chérie par une autre personne que son amante, mais Linya
n’y mettait aucun sous-entendu et elle le faisait avec Lex aussi, alors Tia se
dit que se devait être normal.
- Ouais,
répondit-elle enfin. Bon, t’as une idée ?
- La Saint-Valentin.
- La quoi ?
demanda-elle en fronçant les sourcils.
- La Saint-Valentin,
la fête des amoureux. Ne me dit pas que tu n’en as jamais entendu parler ?
fit Linya totalement incrédule.
Tia réprima une
réplique acerbe. Ok, il était 1h00 du mat’, elle était crevée, elle avait froid
et voulait retourner dans les bras de sa petite amie, mais Linya essayait
simplement de l’aider et elle ne connaissait rien de sa vie, elle ne pouvait
donc pas deviner qu’elle n’avait aucun moyen d’avoir jamais appris l’existence
d’une telle chose.
« Une fête pour
les amoureux hein ? C’est plutôt cool qu’un tel truc
existe. » On ne fêtait donc pas que les fins de guerres ou la mort et
la résurrection d’un pauvre type. « Je me demande si il existe d’autre
fête de ce type ? Il faudra que je pose la question à Lex »
- Jamais,
répondit-elle après un moment de silence. Donc c’est une fête pour les amoureux,
c’est ça ? Et il y a des rituels des trucs comme ça ?
Bouche bée, Linya
fixa quelques secondes le mur en face d’elle avant de se forcer à revenir à la
conversation. « Quel être humain sur cette terre pouvait ignorer
l’existence de cette fête ? »
- Euh… oui et non. On peut acheter quelque chose, un bijou,
un bouquet, des chocolats, voir les trois. Ou on peut amener la personne aimée
au restaurant pour un dîner romantique ou autre chose. En fait, il n’y a rien
de vraiment établi. Il faut juste faire un truc romantique.
- Ok, je peux faire
ça. Mais ce n’est pas à ça que je pensais quand je t’ai parlé de surprise. Au
fait c’est quand ?
- Le 14 Février. Et
tu es sûre que c’est dans tes cordes, les trucs romantiques ? demanda-elle
sceptique.
- Oui, oui, t’en
fait pas, répliqua-elle sans en prendre ombrage. Le 14 ? Ça me laisse du
temps pour me renseigner et penser à quelque chose, marmonna-elle pour
elle-même.
- Alors à quoi
pensais-tu pour cette surprise ?
- J’ai vu un magasin
de reproduction aujourd’hui et je me disais, comme je sais que Lex adore les
24h du Mans et que tu l’y as sûrement accompagnée, que tu pourrais me dire à
quoi ressemblait sa voiture le jour où elle y a participé. Et peut-être aussi
que tu pourrais m’expliquer comment on fait pour… euh, s’y inscrire ?
- Tu veux faire les
24h ? interrogea son interlocutrice surprise.
- Pas moi, Lex,
répondit la mercenaire en secouant la tête et en levant les yeux au ciel.
« Ça me paraissait pourtant évident ». Une blague sur les blondes
sortie de la bouche de son fils lui traversa l’esprit et la fit sourire.
- T’es une vraie
blonde ? s’enquit-elle soudain.
- Hein ?
- Non, laisse
tomber. Alors pour l’inscription ?
- Je t’envoie les
infos sur ton email si tu veux. J’en profiterais pour y ajouter une photo de sa
voiture ce jour-là.
- Bonne idée.
- Tu veux reproduire
sa voiture en miniature alors ?
- Oui.
- C’est si mignon,
minauda-elle.
- Beuh non, contra
la grande femme indignée qu’on puisse associer ce mot à sa personne.
- Si, si, ça l’est,
confirma la jeune femme. Tu as deviné l’importance de la course pour elle et de
celle-ci en particulier, ça prouve que tu l’observe et l’écoute. Et ton envie
de lui faire plaisir en faisant construire une chose qui lui rappelle un de ses
plus beaux souvenirs, est très très mignonne.
- Yeuuurk, fut tout
ce Tia réussit à dire.
Un rire lui
répondit.
- Ça n’a rien à
voir, tenta-elle quand même. C’est juste…
Tia s’interrompit et
soupira. A quoi bon s’expliquer ? Linya, à l’image de sa compagne, ne
changeait plus d’idée une fois qu’elle avait conclu une chose.
- Comme tu veux.
- Puisqu’on est
d’accord… passons à autre chose. Pour la fête, je vais y réfléchir : le
lieu, la date et quelques autres petites choses, tel que les invités ou le
thème. Toi de ton côté tu t’occupes de la sécurité et tu me fais rapidement
savoir si tu préfères une fête intimiste ou plutôt mondaine.
- Ben, comme c’est
pour Lex, c’est en fonction de ce qu’elle préfère.
- Alors se sera une
fête entre amis. Je contacterais ses plus proche amis et toi tu t’occupes de ta
famille, ça te va ?
- Euh ouais, mais…
- Mais quoi ?
Tu veux l’organiser toi-même ? Tu sais comment on fait au moins ?
La perspective de
devoir s’occuper d’une telle chose fut si horrifiante qu’elle déglutit avant de
répondre.
- Non, non, c’est
très bien comme ça, répondit-elle précipitamment.
- Bien. Je t’appelle
pour la date. Débrouille-toi pour être libre cette semaine là.
- Semaine ?
C’est pas une journée ?
- Pas chez les
riches mon ange.
« Mon
ange ? C’est de pire en pire »
- Euh ok. Alors
préviens-moi quand tu sauras pour la date.
- Pas de
souci ! répliqua la jeune femme un sourire aux lèvres.
Elle avait remarqué
l’embarras de la grande femme lorsqu’elle l’affublait de petits surnoms
affectueux et comptait bien en user aussi souvent que possible.
- A plus
chérie !
- A… a plus.
Tia resta quelques
instants de plus dehors à réfléchir à cette étrange conversation, puis décida
qu’il était trop tôt pour ça et retourna dans la chambre retrouver les bras
chauds de sa compagne.
****************************************
Tia se tenait sur la
jetée, les yeux fixés sur l’énorme bateau de luxe où sa proie avait trouvé
refuge. Toute la journée, elle avait suivit Kassan dans ses trajets, devinant
ses projets aux personnes qu’ils voyaient, aux choses qu’il achetait et
recueillant des informations en passant après lui dans les magasins et en
payant les vendeurs.
Ainsi, elle savait
qu’il partait le lendemain, pour une durée de trois jours, dans la mer de Timor
pour chasser une espèce de requin protégée. Elle possédait même les coordonnées
exactes où il comptait ancrer son yacht et le nombre d’hommes qu’il allait
emmener, ainsi que son matériel.
Elle observa encore
quelques minutes le yacht tape-à-l’œil et tourna les talons, réfléchissant à ce
qu’elle devrait faire le lendemain. En chemin, elle fit un arrêt à la boutique
qu’elle avait repéré la veille et déposa la photo de ce qu’elle souhaitait
qu’il reproduise. Il lui fit une estimation du temps nécessaire et débattit du
prix quelques minutes. Enfin, elle lui communiqua une adresse, celle de Linya,
où il devrait le faire livrer et régla la note avant de partir.
La nuit commençait à
tomber et Tia contempla avec fascination les lumières de la ville s’allumer en
un ballet bien orchestré et rivaliser, de part leur brillance, avec les
étoiles. Elle leva le nez et sourit au ciel nocturne, alors qu’elle traversait
la ville. Non, rien ne pouvait égaler les étoiles. Elles étaient bien trop
belles. Elles signifiaient la naissance ou la mort, bien trop symbolique pour
que de froides lumières artificielles puissent leur faire de l’ombre.
Elle sentit une
bonne odeur de chocolat chaud arriver jusqu’à elle, et elle baissa la tête,
revenant à la rue animée. Elle avisa un fleuriste encore ouvert et hésita
brièvement avant de céder à son impulsion.
************************
Alexia s’ennuyait
ferme. Elle avait laissé Tia vaquer à ses opérations de préparation toute la
journée et elle en avait profité pour commencer une nouvelle sculpture, pour
son père cette fois, s’il acceptait un jour de lui reparler évidemment. Elle avait ensuite joint Linya pour
discuter un peu des derniers évènements et voir si tout allait bien pour elle.
En milieu de
journée, quand elle avait compris que sa compagne ne rentrerait pas pour le
déjeuner, elle était sortie manger dans un petit restaurant donnant sur la mer
et elle avait fait un tour sur la plage, pour peaufiner son bronzage. De retour
à la chambre, elle avait essayé de s’intéresser à la télé mais ça n’avait
jamais été son truc et la seule émission qui la passionnait, une émission
française : Ushuaia nature, qu’elle trouvait absolument stupéfiante, ne passait pas en Australie.
A cours d’idée, elle
s’était résignée à refaire les exercices répétés le matin même avec son mentor
et maître, Tia la mercenaire. Elle avait fini sa séance dix minutes plus tôt et
suait maintenant sur le lit, les bras en croix. Les yeux perdus dans le vague,
elle se demanda quand Tia comptait rentrer et dans le cas contraire, si elle
parviendrait à dormir sans elle.
Soudain la porte
s’ouvrit, et elle découvrit avec joie le visage de sa bien-aimée passer
l’embrasure. Tia lui sourit, mais n’ouvrit ni ne passa plus que sa tête dans
l’ouverture.
- Qu’est-ce que tu
fais ? demanda-elle en riant.
- Surprise, murmura
sa compagne. Ferme les yeux.
Elle ouvrit de
grands yeux étonnés mais ravis, avant de s’exécuter, toujours allongée les bras
en croix. Elle n’entendit pas la mercenaire entrer ni même s’approcher malgré
le fait qu’elle se concentrait au maximum. Par contre, elle sentit une caresse
douce comme une pluie fine, balayer sa joue et elle sursauta, luttant pour
garder ses yeux fermés. Tia laissa échapper un petit rire avant de se pencher
vers elle et de souffler près de son oreille :
- Tu peux ouvrir les
yeux.
Alexia ne se fit pas
prier et ce qu’elle vit l’obligea à se mordre la lèvre d’émotion.
« C’était si foutrement romantique ! » songea-elle sans parvenir
à croire qu’une personne comme Tia puisse l’être autant.
Elle se tenait à
côté de sa tête, un genou à terre et une fleur à la main. Une marguerite. Elle
les appelait les soleils miniatures et les aimait depuis son enfance. Leur
simplicité contrastait avec leur extrême résistance et elle avait toujours
trouvé leur petite forme ronde et leurs doux pétales fins, très attirant. Ça
avait été les fleurs préférées de sa mère. Et Tia le savait.
Elle prit avec
délicatesse la fleur devant ses yeux, et regarda son amie avec tout ce que
contenait son corps et son âme d’elle, en cet instant. Un sourire doux lui
répondit et elle porta sa main libre à sa joue, la posant sans rien faire de
plus.
C’était un instant
magique, unique, suspendu dans le temps, que toutes deux gravèrent dans leur
mémoire, persuadées que même leur âme s’en souviendrait. Comment aurait-il pu
en être autrement ? Il y avait tellement d’amour entre elles, en elles,
une si profonde harmonie, une si complète union…c’était un sentiment trop fort
pour qu’il puisse être seulement ressentie par leurs corps.
L’air lui-même
vibrait de la chaleur et de la parfaite compréhension qu’elles partageaient en
cet instant précieux.
Puis la réalité
reprit ses droits et Alexia dut reprendre un souffle qu’elle ne s’était pas
aperçu retenir. Tia sourit, amusée et plutôt contente de son effet, avant de se
pencher sur elle et de déposer un chaste baiser sur ses lèvres. Elle l’aimait
tant…
*****************************
Tia passa le reste
de sa soirée au téléphone et même si elle était encore sans occupation, Alexia
ne s’ennuya pas. Elle contempla son amante tout le temps que dura ses coups de
fil et eut le loisir de voir tout une palette d’émotions défiler sur son beau
visage. Au téléphone, Tia était à l’opposée de ce qu’elle était dans la vie,
expressive, expansive et gestuelle.
Peut-être que le
fait d’être cachée derrière un combiné la rassurait-elle ? Mais Alexia
comprit qu’en fait Tia jouait réellement un rôle le reste du temps. Que son
masque impassible, en était bien un et que derrière son téléphone elle n’avait
pas à se soucier d’être lue. Elle avait devant elle, la vraie Tia, tout
simplement.
Et elle adorait la
vraie Tia.
La mercenaire avait
tout d’abord téléphoné à son oncle, s’excusant encore de leur départ précipité
après Noël et lui disant qu’elle lui expliquerait tous la prochaine fois qu’ils
se reverraient, soit après cette mission si tout allait bien. Dans le cas
contraire elle le préviendrait. Il avait eu l’air content de son coup de
téléphone et encore plus à l’idée d’être tenu au courant de son emploi du temps.
Ils avaient discuté
quelques minutes de Lizzie, d’Alexia et de Trinity. Apparemment Lizzie avait
quelques difficultés à s’intégrer dans sa nouvelle école, mais Trinity la
soutenait alors ça allait.
Tia profita d’un
moment où sa petite amie se rendit à la salle de bain pour aborder le sujet de
la fête surprise qu’elle et Linya organisaient. Cette initiative de sa part eut
l’air de l’enchanter, ce qui la rendit un peu perplexe, et elle lui dit d’en
parler à Lizzie et Trinity, qu’elle les rappellerait quand elle en connaîtrait
le lieu et la date et le thème aussi, avait-elle ajouté hésitante. Son
incertitude à ce propos l’avait fait rire et il lui avait promis d’être là
cette semaine-là, avant de raccrocher.
Tia avait alors fixé
son téléphone en marmonnant :
- Alors c’est
vraiment une semaine de fête ?
Sur ce, Alexia était
revenue et elle avait dû remettre ses marmonnements à plus tard. Elle avait
ensuite tapé le numéro de Karl et attendu qu’il décroche. Elle lui avait
demandé où ils en étaient lui et son gouvernement dans la localisation et la
surveillance de Sassem et ses hommes.
- On n’est pas assez
She-wolf. Sassem n’a pas une armée, il en a plusieurs. Ça va être un travail de
très longue haleine, avait-il répondu un peu gêné de ne pas avoir de meilleur
nouvelle.
- Ça ne va pas. Il
est hors de question que ça dure trop longtemps. Bon sang Karl ! Ce n’est
pas à toi que je vais l’apprendre, plus on attend, plus il y a de chances que
notre surveillance soit repérée ! s’exclama-elle agacée.
- Je sais, je sais,
mais que veux-tu que j’y fasse ?! Je suis pas Dieu le père ok, je suis un
foutu agent du FBI et rien de plus. C’est déjà un miracle que je sois associé à
l’opération !
- Ça va, ça va,
t’énerves pas. Bon je vais voir ce que je peux faire pour accélérer les choses.
Envoie-moi sur mon mail professionnel toutes les infos qui vous possédez pour
l’instant.
- Je ne suis pas
sûr… commença-il.
- Karl, le
coupa-elle, le marché est que je
dirige les choses. Par ailleurs, je ne vous ai pas donné tous les noms des
hommes infiltrés chez vous. Les infos passent par moi Karl, débrouille-toi pour
que tes supérieurs l’intègre, dans le cas contraire je les évince de
l’opération. J’ai d’autres contacts, d’autres hommes sur le coup « Enfin
bientôt en tout cas », songea-elle. Vous n’avez qu’une partie des infos.
La nouvelle le
laissa un moment sans voix.
- Ok. Je… je vais
demander un entretien avec mes supérieurs. Je te tiens au courant.
- Et ?
- Et en attendant je
t’envoie les infos sur ton mail.
- Bien.
Ils raccrochèrent en
même temps et Tia jeta un œil à sa compagne qui l’observait, allongée sur le
lit, sa tête appuyé sur une main. Elle avait les yeux fixés sur son visage et
un petit sourire accroché aux lèvres.
- Qu’est-ce qui te
fait rire ?
- Tu es belle.
La déclaration pour
le moins imprévue, eut pour effet de lui faire oublier son agacement. Un petit
rougissement eut même la mauvaise idée de s’inviter sur ses joues.
- Je… hum… j’ai
encore un coup de téléphone à passer.
Alexia lâcha un
petit rire et retourna à sa contemplation admirative, ce que Tia trouva
particulièrement embarrassant. Elle lui tourna donc le dos.
- T’as rien de mieux
à faire ?, grommela-elle.
- Non, rien du tout,
affirma-elle d’un ton joyeux. Tourne-toi vers moi, ordonna-elle ensuite.
- Sûrement
pas !
- Pas grave,
fit-elle en haussant une épaule, tes fesses feront très bien l’affaire.
Une main se
précipita devant l’objet convoité, essayant en vain de les cacher en même temps
qu’elle lui jetait un regard noir par-dessus son épaule. Alexia lui fit son
plus beau sourire et Tia leva les yeux au ciel en tirant une chaise vers elle.
- Pas marrante,
marmonna Alexia dépitée.
Puis les yeux
brillants, elle remarqua la ligne parfaite de ses épaules et passa le reste du
coup de téléphone à détailler chaque petite parcelle de peau visible, comme ses
avant-bras musclés ou le bout d’une joue lorsqu’elle tournait la tête en
discutant, et chaque ligne de son corps, tel que ses longues jambes étendues
devant elle et son large dos musclé. Elle mémorisa ainsi le corps de son amie
dans le moindre détail et découvrit des endroits, aussi beaux que sa poitrine
et son visage, mais qu’elle n’aurait pas remarqués autrement.
Elle devrait
l’observer plus souvent. La prochaine fois elle avait l’intention de refaire la
même inspection, mais avec une Tia nue cette fois.
- M. Renjil ?
C’est Enyo.
Elle se tut et
écouta ses remerciements pendant 5 bonnes minutes. « Parfait, sa
reconnaissance va me servir »
- M. Renjil ?
Je vous appelle pour une raison précise. J’ai besoin d’un service.
- Tout ce que vous
voulez ! Je vous dois la vie après tout.
- Vous connaissez
Sassem ?
- Ce sale
rat ?! Évidemment !
- Je vois qu’on
partage les mêmes opinions. Je voudrais vous envoyer quelques petites infos sur
lui et en discuter ensuite avec vous. Si bien sûr cela vous intéresse de le
faire tomber.
- C’est pour un
client que vous faites ça ? demanda-il après un silence.
- Non.
- Alors je vous
suis. Tout ce qui pourra rembourser ma dette et fera tomber ce sale rat me
convient.
Tia sourit avant de
répliquer :
- Vous ne me devez
rien, votre groupe m’a engagé pour vous libérer, j’ai été payée pour ça. Quand
à Sassem… attendez d’avoir lu ce que je vais vous envoyer. Vous pourriez juger
que c’est trop gros pour vous et ne pas vouloir vous impliquer.
- Très bien,
envoyez. Je vous recontacte comment ?
- Par mon email. Je
préfère pour l’instant.
- Ok.
Une pause.
- Et… je suis
content que vous vous en soyez sortie. Je m’inquiétais un peu.
- Oh… heu… merci.
Elle raccrocha un
peu perplexe et se tourna enfin vers sa compagne, qui à sa grande consternation
continuait de la reluquer. Elle n’avait jamais été aussi intensément détaillée
de sa vie. Et elle ne pensait pas qu’un jour cela la gênerait. Alexia avait
vraiment un effet étrange sur elle.
- Qui c’était ce M.
Renjil ?
- Un… un type que
j’ai sauvé avec un groupe d’otages, juste avant de te rencontrer. C’est un
homme d’affaire important qui possède de nombreux contacts dans les
gouvernements encore libre et qui est suffisamment riche pour m’être utile. Il
déteste Sassem et il se sent redevable, même si je ne vois pas pourquoi, alors
je pense qu’il m’aidera.
Elle attrapa ensuite
son portable et passa quelques minutes dessus. Enfin, elle en eut terminé et
posa son ordinateur sur la petite table de la chambre. Elle se dirigea ensuite
vers le lit et s’assit. Elle regarda Alexia de haut en bas, dans un mouvement
lent et sensuel qui fit monter la température dans le corps de son amie.
« Ouuuuh la
nuit va être torride ! » se dit Alexia en sautant sur sa compagne les
faisant toute deux tombées du lit. Alexia éclata de rire avant d’embrasser Tia
avec tendresse, puis passion.
Chapitre 7 :
Le lendemain matin,
Alexia se réveilla avant Tia. Elle s’étira langoureusement puis posa sa tête
sur sa main, un coude relevé, et contempla sa compagne endormie. « Elle a
été très créative la nuit dernière… » se souvint-elle en souriant. Elle se
pencha et respira doucement l’odeur de sa peau.
Elle était
définitivement et désespérément accro.
Puis elle se leva et
se rendit dans la salle de bain en repensant à ce que lui avait dit Tia de leur
programme de la journée. Elle devait attendre midi avant de louer un bateau et
de se rendre non loin de l’ancrage de Kassan. Elle devrait le surveiller
pendant deux jours et l’empêcher de tuer trop d’animaux puis profiter d’une
occasion pour saboter son yacht et ses équipements, sans oublier la radio,
avant de rentrer.
Pendant la
surveillance, Tia piraterait ses comptes et créerait un vide conséquent dans
ceux-ci. De même, elle ferait en sorte qu’il ait des problèmes de passeport et
trafiquerait même son identité pour qu’il ait des ennuis avec la justice. Bien
sûr, tout ceci serait temporaire et assorti d’une note lui indiquant que les
ennuis cesseront dès l’instant où il quitterait l’Australie et lui demandant de
ne plus revenir en ce lieu. S’il refusait elle lui causerait encore plus de
problèmes, car ni les moyens ni les capitaux ne lui font défaut.
Alexia n’aurait rien
d’autre à faire qu’assister son mentor et suivre chaque étape informatique afin
d’en apprendre les ficelles. Elle viendrait aussi avec elle pour voir comment
on manipulait les explosifs sous-marins, mais elle ne la suivrait pas sur le
yacht, car à deux, elles seraient véritablement trop repérables.
Elle se lavait les
cheveux, lorsqu’un corps souple et ferme se glissa dans la cabine en silence,
la surprenant et la faisant bondir, manquant de la faire s’étaler sur le sol
dur de la douche. Tia tendit le bras et la rattrapa puis régla la question de
son équilibre en la collant contre son corps. Alexia soupira de soulagement
puis laissa la chaleur de sa petite amie la pénétrer alors que l’eau ruisselait
sur ses cheveux.
Tia passa ses deux
mains sur le crâne de son amie, et le massa, autant pour la relaxer que pour
faire partir le shampoing. Alexia profita de la douceur de son amie et s’appuya
contre elle, sa tête tout contre sa poitrine, son cœur battant calmement contre
son oreille. Elle ne savait pas pourquoi mais entendre son cœur la rassurait
toujours. Elle passa ses bras autour de son corps et la laissa lui laver les
épaules, le dos et les reins.
Elle descendit
ensuite plus bas, l’obligeant à relâcher son étreinte et rapidement le toucher
devint plus insistant, plus caressant, plus excitant. Tia était à genoux entre
ses jambes et sa langue remplaça bientôt ses mains. L’excitation laissa la
place à des bouffés de chaleur intense et le toucher expert de Tia lui envoya
vague de plaisir sur vague de plaisir, jusqu’à ce qu’enfin, les jambes
tremblantes, elle ne lâche un cri et ne se retienne comme elle le pouvait à la
paroi de la cabine.
Tia se releva, passa
les bras autour de son corps et embrassa doucement sa bouche puis son front et
la tint serrée contre elle le temps qu’elle se calme.
Alexia profita un
moment du câlin et nettoya à son tour son amie. Enfin, elles sortirent de la
douche et se séchèrent mutuellement, ce qui relança leur toucher joueur.
Pour finir, elles
n’émergèrent de la salle de bain en riant, qu’au milieu de la matinée, enfin
sèches et vêtues de pied en cape.
***********************************
Sassem était
satisfait.
Son entraînement
intensif portait ses fruits, il n’avait jamais été dans une forme plus
éblouissante. Il avait pris régulièrement part à des combats clandestins où
seul le combattant encore en vie était déclaré vainqueur. Il n’avait jamais
perdu.
Après quelques mois
de ce régime, il avait conclu qu’il était trop bon pour ça et avait fait venir
chez lui, volontaires ou non, les meilleurs combattants, toutes disciplines
confondues. Cela faisait trois mois maintenant qu’il avait commencé ce nouvel
entraînement. A cause de ses affaires, ce genre de défi ne pouvait avoir lieu
qu’une fois par mois. Le reste du temps, il prenait les meilleurs soldats du
pays où il se trouvait et combattait avec eux ou avec les instructeurs. Il en
était à deux combattants contre lui seul et il gagnait toujours. Il avait
décidé de passer à trois dès le mois prochain.
Quant à ses
affaires, tout roulait à merveille. Bien sûr, il savait que She-wolf s’était
échappée de prison, mais il n’en attendait pas moins d’elle. Il n’avait pas
cherché à la retrouver jusque là car plus il avançait dans le temps et plus la
perspective de l’affronter en duel, lui était séduisante. Il avait la ferme
intention de lui montrer qu’il était toujours son maître, et son unique
possesseur. Elle était à lui, et il lui revenait de le lui rappeler. Il savait
qu’elle n’avait jamais eu de petit ami, ses différents contacts et détectives
le lui avait affirmé.
Oh bien sûr, elle
avait eu des aventures, mais avec des femmes… Il sourit, les yeux brillants.
Jamais avec un homme. Elle n’avait pas pu l’oublier. Elle était à lui et elle
le savait. Néanmoins il n’aimait pas l’idée qu’elle puisse être physiquement
avec quelqu’un d’autre, même brièvement, même avec une femme. Il devait donc
lui rappeler à qui elle était, de manière définitive. Peut-être qu’une
marque… ? Hmmm oui. Il ferait inscrire au fer rouge son initial sur son
épaule.
D’ailleurs il allait
le faire avec toutes ses maîtresses, dès aujourd’hui. Et quiconque, aurait
l’audace de poser une main sur une de ses possessions, serait invité à partager
son entraînement. « Parfait » songea-il satisfait de sa décision. Il
pouvait maintenant revenir à ses affaires.
Aujourd’hui il
devait rencontrer le nouveau roi de Turquie, un de ses meilleurs soldats. Il
avait fait partie de la promotion précédente à celle de She-wolf et avait
remporté le tournoi final en massacrant chacun de ses adversaires. Un vrai tueur.
A l’époque il s’appelait numéro cinq.
Il avait aussi fait
preuve d’une très grande intelligence et d’un grand sens de la stratégie
politique, c’est pourquoi après quelques années à exercer en tant que Capitaine
de la région Nord-est de la Turquie, il l’avait retiré de la zone des combats
pour le mettre sur la scène politique où après une période d’adaptation, il
avait gravit les échelons un par un, jusqu'à être élu président il y a 6 mois.
Pour cela, il avait dû choisir un nom et il avait décidé de lui rendre hommage
en utilisant ses initiales : SR.
Aujourd’hui on le
connaissait sous le nom de Sigber Ric. Il marquait ainsi sa soumission à
Sassem, ce qu’il avait beaucoup apprécié. Sigber Ric. Court, brut et percutant.
Comme lui.
Cette semaine il avait
réinstauré, après le remplacement de l’armée officielle par le groupe
paramilitaire qui sévissait depuis de nombreuses années, tuant beaucoup
d’innocents, la monarchie et s’était auto-proclamé Roi de Turquie.
Les soulèvements
avaient commencé peu après sa déclaration officielle à la télévision mais
l’intervention stratégique et brutalement efficace, il avait fait raser 7
villages et 2 grandes villes en trois jours, de sa nouvelle armée avait
rapidement ramené les habitants à de meilleurs sentiments.
Il était fier de
lui. Il devait le rencontrer pour le féliciter de sa prise de pouvoir efficace
et de son initiative. Il n’avait pas attendu la mise en place du projet Oméga
et il avait eu raison. Depuis que She-wolf avait volé ses informations, il
avait dû tout repenser et la prise progressive était finalement, infiniment
plus satisfaisante et plus difficile à stopper qu’un putsch.
« Je ne vois
pas comment She-wolf pourrait contrer ça », se dit-il en souriant. Il
avait entendu dire qu’elle voyageait pas mal en ce moment, bien sûr il
apprenait son passage dans un pays, seulement une fois qu’elle n’y était plus.
Elle était douée pour effacer ses traces. De ce fait, il n’était pas naïf au
point de croire qu’il était au courant de tous ses déplacements, mais il savait
qu’elle était parfois moins vigilante et surtout elle était seule et lui
possédait la moitié du monde.
« Tu peux bouger, tu peux t’enfuir, mais
tu ne pourras jamais me semer », pensa-il avec une suffisance cruelle.
« Bientôt, très bientôt, nous serons réunis et ton corps, ton âme et ton
cœur, m’appartiendront à nouveau. Je serai ta seule et unique obsession.
Ta seule pensée. Ta seule préoccupation. Ta seule haine… Bientôt chérie, très
bientôt…»
************************************
Alexia flottait
entre deux vaguelettes, vêtues d’une combinaison noire en latex, une bouteille
d’oxygène sur le dos et un masque sur le visage. Elle observait Tia en train de
passer sa propre bouteille sur le dos et d’attacher un sac noir imperméable
autour de son poignet. Elle lui en lança un plus petit, qu’elle attrapa et
attacha à son propre bras.
Puis Tia sauta dans
l’eau et un petit splash se fit entendre. Elle tourna un visage souriant
d’anticipation à son amie et ajusta le masque sur son visage avant de mettre
l’embout de sa bouteille dans sa bouche. Elle lui fit un clin et d’œil et se
laissa couler en souriant.
Alexia la suivit et
elles se retrouvèrent sous l’eau, entourées du silence bruyant, propre à la
mer. Tia donna un coup de palme et s’avança dans les profondeurs, d’une forte
poussée. Alexia la suivit, avec nettement moins de puissance mais autant de
bonne volonté. Elles nagèrent ainsi quelques minutes, suffisamment pour
qu’Alexia en oublie la raison de leur présence en ces lieux et se mettent à regarder
autour d’elle avec curiosité.
Un mouvement bref
devant ses yeux la ramena à la réalité et elle se tourna vers sa petite amie
avec un geste d’excuse. Elle se concentra sur la forme gracieuse en mouvement
devant elle et passa en revue les gestes et les lieux à viser. Tia lui avait
dit qu’elle voulait immobiliser le bateau, mais pas le couler, cela nécessitait
un dosage personnalisé des charges ainsi qu’une très grande précision dans la
pose.
Si la première
partie revenait à la mercenaire, c’était à elle, Alexia de se charger de la
seconde pendant que Tia s’occupait du sabotage et de la récolte d’infos.
Cette dernière idée,
lui était venue dernièrement. Si elle pouvait dégotter des données ou des
preuves impliquant Kassan dans des affaires illégales et internationales, elle
pourrait alerter Interpol, anonymement bien sûr, et lui créer de vrais ennuis.
Les agents d’Interpol étaient recrutés en fonction de leur intelligence mais
surtout en fonction de leur incorruptibilité et de leur profonde croyance en la
justice. Kassan ne pourrait pas les acheter, eux.
Alexia était encore
une fois flattée de la confiance de Tia en ses capacités, mais même si depuis
la dernière fois elle avait fait des progrès avec les explosifs, elle était
aussi très consciente de l’importance de sa mission. Si elle se plantait dans
les endroits désignés par sa compagne… si elle se plantait, elle pourrait
couler ce bateau, voir tuer des personnes… c’était si risqué !
« Comment Tia
pouvait-elle prendre un tel risque ? » se demanda-elle inquiète.
« Ok, respire Alexia », se dit-elle lorsqu’elle vit Tia retirer sa
bouteille et lui faire signe qu’elle y allait. Elle la regarda attacher la
bouteille et son matériel de plongée à un crochet amené exprès et relié à une
ventouse, qu’elle colla sur la coque du bateau avant de se glisser contre elle
et de remonter doucement et avec une fluidité digne des plus beaux prédateurs,
sur le pont du yacht.
Alexia essaya de
calmer les battements précipités de son cœur. « Ok, ok. Tu peux le
faire, Lex. Tia ne t’aurait pas confié cette mission si elle ne t’en pensait
pas capable. Alors respire, calme-toi et concentre-toi sur les étapes du
plan. »
**************************
Sur le pont, Tia
tendit l’oreille. Comme elle l’avait prévu, il ne restait que deux gars sur le
bateau. Les autres avaient tous accompagné Kassan dans sa chasse au grand
blanc. Et ces deux là n’étaient pas ravis d’avoir été choisis pour la
surveillance. Ils étaient vautrés sur le canapé du salon et fixaient la télé
d’un air morne.
Elle passa en
rampant sous leur vitre et trouva la trappe qui menait au moteur. Elle s’y
faufila et trouva ce qu’elle voulait. Elle sabota tous ce qu’elle put, puis
ressortit et se dirigea vers le salon. Elle se regarda et sourit.
Avec lenteur et
précaution, elle retira sa combinaison, son poignard de cheville et son sac
noir puis se releva. Elle ne portait plus qu’un bikini noir qui épousait chaque
courbe de son corps. Elle passa une main dans ses cheveux et posa un sourire
aguicheur sur ses lèvres.
Enfin, elle avança
dans le salon d’une démarche qu’elle savait sensuelle, car Alexia le lui avait
dit avec un petit rougissement deux mois auparavant. Les deux hommes relevèrent
la tête et la fixèrent avec stupeur pendant quelques secondes puis ils se levèrent
d’un même mouvement et pointèrent leurs armes sur elle. Elle leur sourit en
levant les mains et déclara nonchalamment :
- Holà du calme les
gars ! C’est M. Kassan qui m’envoie. Il dit qu’il ne veut pas que vous
vous ennuyer.
Elle appuya sa
déclaration d’un mouvement de hanche provocant et d’un sourire séducteur. Ils
hésitèrent mais un rapide coup d’œil sur son corps dénudé et manifestement non
armé, les convainquit qu’elle devait dire la vérité et qu’ils avaient tout
intérêt à mettre de côté leurs doutes.
Ils rangèrent leurs
armes et s’avancèrent vers elle avec des sourires graveleux. Elle choisit le
plus grand et passa les bras autour de son cou. Ravis, il l’enlaça et
l’embrassa.
Tia retint une
grimace et le laissa introduire sa langue dans sa bouche. « Dégueu »,
songea la grande femme les yeux fermés pour simuler la passion. Il fit courir
ses mains sur son corps et sa bouche quitta enfin la sienne pour descendre le
long de son cou dans une caresse qu’il pensait irrésistible mais qui déclencha
des frissons de répulsion. Bien sûr, il prit cela pour du plaisir.
Il se recula un peu
et lui lança un sourire arrogant de mâle en rut puis poursuivit son
exploration. Elle sourit au deuxième homme qui prenait son pied à les mater et
commençait à retirer sa chemise. Elle tendit la main vers lui et agrippa son
cou. Elle l’attira à elle et l’embrassa à pleine bouche en pensant à Alexia
pour se retenir de vomir.
Elle le relâcha et
laissa le premier homme la faire basculer sur la table en chêne du salon. Elle
passa ses jambes autour de sa taille et resserra son étreinte. L’homme colla
son bassin au sien et retirant son haut de maillot, enfoui son visage dans sa
poitrine en grognant.
Elle retint une
nouvelle grimace en sentant sa bouche sillonner ses seins et jeta un coup d’œil
au deuxième homme. Elle ne pût empêcher une expression de surprise de traverser
son regard quand elle le vit déjà nu.
Son membre dressé
semblait très pressé de passer à l’action. Elle apaisa la soudaine panique qui
s’était emparée d’elle à cette vue et lui sourit avec paresse. Le premier homme
s’écarta soudain d’elle, pour retirer son t-shirt qu’il jeta au loin. Il
déboutonna son jean et descendit un peu son caleçon, juste ce qu’il fallait
pour en sortir son sexe dur. Tia déglutit et se dit que la situation était en
train de lui échapper et qu’elle allait devoir rapidement y mettre un terme.
Il voulu écarter le tissu de sa culotte, mais
elle releva son visage et l’entourant fermement elle projeta son front contre
le nez de sa victime tout en passant les jambes derrière ses genoux, ce qui eut
pour effet de le déséquilibrer. Il tomba en criant de douleur.
Elle se redressa et
avant que le second homme ne réalise ce qui se passait elle lui assena un
formidable coup de coude. Elle entendit l’os craquer et à son regard, l’homme
ne fit pas que le sentir. Il s’écroula comme une poupée de chiffon, la mâchoire
entre les mains.
Sautant sur ses
pieds, elle se jeta sur le premier homme et d’un coup de pied bien placé
l’assomma. Puis elle se tourna vers le second homme qui la fixait d’un regard à
la fois terrifié et douloureux. Elle le releva d’un mouvement sec et l’envoya
dans les bras de Morphée d’un coup violent sur la tempe.
Elle se rajusta
ensuite lentement, tentant de calmer les battements paniqués de son cœur tout
en les toisant. Pitoyable. Ils étaient pitoyables. « Mais bon sang,
qu’est-ce qui lui était arrivé ?! Elle avait déjà utilisé cette technique
et elle n’avait jamais perdu le contrôle ainsi ! Peut-être… songea-elle
soudain, peut-être était-ce dû aux souvenirs cauchemardesques ravivés il y a
peu ? » Quoi qu’il en soit, il fallait qu’elle se ressaisisse, elle
avait un job à accomplir.
Elle retourna sur le
pont après avoir attaché les deux hommes et récupéra son petit sac noir. Puis
elle se fit un devoir de tout fouiller en commençant par l’ordinateur de bord.
***************************************
Alexia était
concentrée sur sa tâche. C’était la dernière charge et elle la posa doucement
en vérifiant dans sa mémoire si c’était le bon emplacement. Puis elle l’alluma
et reculant, elle sortit la télécommande de sa poche. La veille Tia avait posé
une charge sur le moteur du petit engin qu’utilisait, en ce moment, Kassan et
ses hommes.
A leur retour sur le
bateau, elle devrait appuyer sur le bouton vert et toutes les charges
exploseraient en même temps. Les réduisant tous à de pauvres naufragés. Tia
avait l’intention de prévenir les gardes côte seulement trois jours plus tard.
Et Alexia n’y voyait pas d’inconvénient. Ils avaient tout ce qu’il fallait pour
tenir jusque là, s’ils se rationnaient évidemment. Dans le cas contraire, ils
auraient faim pendant quelques jours.
Alexia était si
concentrée sur la charge en face d’elle et la télécommande, qu’elle ne vit pas
le coup venir. Elle fut projetée contre la coque et évita miraculeusement de
butter contre l’explosif. Elle se retourna vers son assaillant pile au moment
où un autre coup partait, d’un mouvement rapide, elle l’évita et soudain un
éclair d’acier se mit à briller, réfléchi par les rayons du soleil.
Elle écarquilla les
yeux, effrayée à la perspective du combat sous-marin. Puis, elle croisa le
regard instable et joyeux d’une femme qu’elle avait apprit à craindre.
« Waco ».
Ce fut tout ce qu’elle parvint à penser, avant que la lame du couteau ne fuse
vers elle.
****************************************
Une soudaine
appréhension saisit Tia alors même qu’elle refermait son sac. Elle fronça les
sourcils, inquiète et regarda au loin, tentant de comprendre ce qui lui
arrivait. Elle aperçut un éclair de lumière traverser la surface de l’eau et
elle comprit. Elle lâcha son sac et se rua sur le pont, duquel elle plongea
sans récupérer ses affaires.
Sans son masque,
elle dut cligner des yeux plusieurs fois avant de parvenir à distinguer plus
qu’une vague forme noir devant elle. Lorsqu’elle avisa le poignard si proche de
sa compagne, la peur se rua dans ses veines, et elle nagea, aussi rapidement
qu’il lui était possible, dans leur direction.
Au moment où,
acculée contre la coque du bateau, Alexia sentait ses forces s’amenuiser, une
main bronzée s’empara du poignet qui descendait vers elle, dans un geste si
rapide qu’elle ne fit que l’entre-apercevoir, et écarta la menace comme si de
rien n’était.
Elle vit avec un
soulagement véritable, Tia se placer entre elle et Waco. Puis alors qu’elles
entamaient une danse mortelle, elle découvrit avec stupeur que Tia ne portait
plus que son maillot de bain. « Ou étaient donc ses affaires ? Et
pourquoi ne les avaient-elles plus ? Attends une seconde… si elle n’a
plus rien sur elle, elle ne peut pas non plus respirer ! »
Tia avait reconnu
son adversaire avec un mélange de plaisir, à l’idée de pouvoir enfin de venger
et de contrariété à ce rappel des souffrances d’Alexia. Elle retint le bras qui
voulait lui porter un coup fatal et balança son pied dans le ventre non
protégé, tout en étant parfaitement consciente que si le combat durait trop
elle allait étouffer.
Elle essaya encore
une fois de récupérer le couteau mais elle n’avait aucune prise et ses mouvements
étaient trop ralentis pour être efficaces. Bon sang, elle allait devoir se
remettre au combat aquatique rapidement !
Après presque trois
minutes de combat, sans qu’aucune d’elles ne prennent le dessus, Tia dut
abandonner momentanément et se recula. D’un mouvement puissant, elle remonta à
la surface et aspira avec avidité une goulée d’air tout en surveillant les
mouvements de son adversaire.
Malheureusement, la
distance était faussée par la distorsion de l’eau et le coup de couteau la prit
par surprise.
Le sang jaillit de
son flanc une seconde avant la douleur et alors qu’elle allait réagir, une
forme noire percuta avec violence le corps de Waco, lui faisant lâcher son
couteau. Tia inspira profondément et replongea, ignorant la douleur dans son
côté et le sang qui laissait une trace visible dans son sillage.
Elle arriva
rapidement vers les deux combattantes qui tourbillonnaient et les regarda avec
inquiétude. Elles étaient si profondément scotchées l’une à l’autre qu’elle ne
pouvait rien faire.
Soudain, Alexia
arracha le tuyau qui reliait la bouteille à l’embout dans la bouche de Waco et
des milliers de bulles s’échappèrent dans l’eau. Tia les regarda disparaître
dans le nuage d’oxygène et se rapprocha instinctivement, ne supportant pas de perdre
sa compagne de vue.
Waco inspira une
gorgée d’eau et s’étouffant à moitié voulut remonter à la surface. Mais s’était
sans compter Alexia. Elle la retint d’une main en agrippant sa cheville et se
tint suffisamment loin d’elle pour pouvoir éviter les coups paniqués qui
survinrent. Après quelques secondes, les gestes de Waco devinrent moins vifs,
moins puissants et Alexia la tira vers elle avec détermination. Elle croisa un
regard qui commençait à se voiler et la laissa comprendre qu’elle pourrait la laisser
mourir ainsi.
Puis Waco ferma les
yeux et Alexia la remonta à la surface. Tia la suivit avec soulagement et
l’aida à la hisser sur le pont. Alexia vérifia son pouls et sa respiration,
alors que la mercenaire sautait sur le bateau à ses côtés.
Waco était vivante.
Des sentiments contradictoires l’assaillirent. Le soulagement à l’idée de ne
pas l’avoir tuée. La colère de ne pas l’avoir fait. Elle avait été assaillie
par une telle peur et une telle rage lorsqu’elle avait vu le couteau s’enfoncer
dans le corps de sa compagne !
« Tia ! Le couteau ! » se
rappela-elle soudain. Elle se releva et trébucha presque sur sa petite amie qui
mit deux mains sur ses bras pour l’aider à garder son équilibre. Un éclair de
soulagement traversa le regard vert et Tia retira, avec un sourire amusé, le
masque et la bouteille d’oxygène du corps de son amie.
Alexia examina son
flanc avec inquiétude. Le sang coulait beaucoup trop vite. Elle appuya contre
la blessure et releva les yeux juste à temps pour voir la grimace de son amie.
- Tia, il te faut un
médecin.
- Plus tard.
- Tia…
- Sérieusement Lex
tu en vois un ? Non, alors finissons la mission et barrons-nous
rapidement.
Alexia la fixa un
instant et se dirigea d’un pas furieux à l’intérieur de la cabine. La mercenaire
soupira, récupéra son sac et fit le tour du bureau des yeux. Elle pensait avoir
tout vérifié. En tout cas, elle avait trouvé de bonnes preuves. Les ennuis de
l’institut océanographique étaient terminés.
Elle se mit alors en
quête d’un linge propre, qu’elle plia et plaqua contre sa plaie tout en
sabotant la radio et le téléphone par satellite que Kassan avait la stupidité
d’avoir oublié.
Enfin, elle
rejoignit Alexia qui à sa grande surprise était allée chercher une trousse de
premiers soins. Elle la laissa soigner sa blessure comme elle put en levant les
yeux au ciel devant tant d’obstination.
Lorsqu’Alexia fut
satisfaite, elle tira le corps de Waco vers ceux des deux hommes et l’attacha avec eux. Elle tira ensuite
l’ordinateur de Kassan à elle et suivant un réseau créé par ses soins, envoya
un message à Enyalios. Par ce geste, elle régla deux problèmes. Waco tout
d’abord de qui elle se vengeait ainsi en la livrant à Enyalios qui avait la
rancune tenace et souhaitait bien lui faire comprendre que frapper sa sœur
avait été une très très mauvaise idée parmi toutes les mauvaises idées qu’elle
avait eu. Enyalios ensuite, à qui elle rendait ainsi service, renversant les
rapports de force en sa faveur.
Puis elle gifla
Waco, jusqu'à ce que celle-ci se réveille. Lorsqu’elle reprit suffisamment
conscience, elle se pencha et murmura à son oreille.
- Dis un seul mot
sur moi ou Alexia et je t’arracherais la langue.
Elle planta son
regard dans le sien et laissa la menace faire son chemin en elle jusqu'à ce que
cela devienne une certitude. Waco hocha alors la tête sans quitter son regard
des yeux. Tia y vit de la haine et de la colère mais aussi une pointe de peur
qui lui permis de savoir que la menace était prise au sérieux.
Elle se releva enfin
et rejoignit Alexia. Celle-ci l’aida à renfiler sa combinaison et elles
sautèrent dans l’eau. Tout le long du chemin, la jeune femme surveilla sa
compagne avec une inquiétude qui toucha autant qu’elle exaspéra la mercenaire.
*********************************
De retour à leur
chambre d’hôtel, après une rapide visite aux urgences de l’hôpital, Tia s’assit
sur le lit et allongea ses jambes devant elle. Alexia avait accepté de ne pas
insister pour l’obliger à rester à l’hôpital à condition qu'elle la laisse
s’occuper d’elle, ce que la grande femme s’était empressée d’accepter.
Elle était donc
partie lui chercher un repas digne de ce nom après avoir disposé à sa portée
tout ce dont elle pourrait avoir besoin et lui avoir recommandé avec un doigt
menaçant de ne surtout pas bouger avant son retour.
En attendant son
repas et le retour de son amante, elle attrapa son portable. Elle alluma
l’ordinateur avec une grimace lorsqu’une vague de vertige la frappa à ce simple
mouvement. Elle ferma les yeux quelques instants en se disant qu’un jour son
égo la perdrait. Elle avait mal, avait perdu beaucoup de sang et aurait dû
passer la nuit en observation, même si la blessure était superficielle.
Mais non, pas elle,
elle était une dure à cuire, aucun problème ! « Tu parles… »
songea-elle en secouant la tête avec précaution avant de rediriger son
attention sur son écran.
Elle envoya d’abord
les preuves qu’elle avait réuni contre Kassan à Interpol via son réseau
sécurisé et tapa ensuite un court message où elle résuma son action à son client.
Enfin, elle consulta ses mails et vit avec satisfaction un bref message
d’Enyalios. Il était en route et lui assurait apprécier le geste.
Enyalios était
rancunier mais surtout il était hyper protecteur. Personne, et il avait bien
insisté sur le « personne », ne touchait à sa sœur. Il n’y avait
aucune exception, comme elle avait pu le constater quand elle avait eu la
mauvaise idée de sortir avec elle. A cette époque, elle était bien trop attachée à lui pour
vouloir le contrarier et elle avait rapidement mis un terme à une relation qui
pourtant lui plaisait.
Elle se demanda
comment Katrina parvenait à vivre une vie sexuelle et amoureuse satisfaisante
avec un frère comme le sien.
Puis elle ferma
l’ordinateur et attrapa son téléphone. Autant tout régler ce soir et s’octroyer
ensuite quelques jours de repos.
Elle avait consulté
les documents envoyés par Karl plus tôt dans la journée et avait passé les
heures suivantes à réfléchir à un plan. Elle se souvint de l’idée d’Alexia
d’utiliser l’île et les villages nazaréens comme lieu de rassemblement pour les
hommes et les femmes qui rejoindraient son attaque contre Sassem. Alexia avait
aussi suggéré l’emploi de l’ancienne langue grecque comme moyen de
communication pendant l’attaque. Seules quelques personnes, les plus capables
mais aussi les plus solides mentalement en connaîtraient le sens. Ainsi quoi
qu’il se passe, rien ne filtrerait.
Soudain un petit bip
retentit et elle rouvrit son ordinateur. « Ha, le poisson rentre au
bercail », se dit-elle en découvrant la vidéo. Elle avait laissé une
mini-caméra avec détecteur infra-rouge lorsqu’il était devenu évident qu’elle
ne pourrait pas attendre leur retour.
Elle les vit monter
à bord et découvrir ses trois employés saucissonnés comme des cochons. Puis elle
appuya sur le bouton de la télécommande à ses côtés et regarda les explosions
provoquer panique et sauts de cabri dans tous les coins. Elle éclata de rire
lorsqu’elle les vit se relever, tous intacts comme prévu, en regardant autour
d’eux avec méfiance. Puis elle ferma la fenêtre et reposa le portable sur la
table de chevet.
Elle porta la main à
son côté et se promit de ne pas recommencer à rire avant sa complète guérison
ou elle serait obligée d’accepter les calmants qu’Alexia persistait à vouloir
lui faire prendre.
Elle ouvrit le
clapet de son téléphone et composa un numéro.
- M.
Renjil ? C’est She-wolf.
- Ah bonjour !
fit-il d’une voix énergique mais grave. J’ai consulté tous les documents que
vous m’avez envoyé et je dois dire que je suis stupéfait de l’ampleur de son
emprise sur le monde mais pas du tout surpris de ses actions. Je suis avec
vous, conclut-il sans lui laisser le temps de répondre. Dites-moi ce que vous
attendez de moi et je le ferai.
- Comme ça ? Ne
put s’empêcher de s’étonner la mercenaire. Pas de questions, pas de
scepticisme ?
- Non, rien. Je sais
qu’à mon niveau c’est stupide de dire une chose pareille, mais j’ai confiance
en vous. Vous m’avez sauvé la vie et j’ai toujours pensé que pour prendre ce
genre de risque, même si c’est un job et que l’acte est payé, cela nécessite
une certaine générosité et un grand courage.
- Ou une certaine
stupidité et l’amour du risque.
Un petit rire lui
répondit.
- Je préfère croire
à la première explication. Si vous me dites que cet homme doit être stoppé et
que vous avez besoin de moi pour ce faire, alors je vous aiderai de mon mieux.
- Je… eh bien…
merci.
- Mais de rien.
Alors, reprit-il après une petite pause, en quoi puis-je vous être utile ?
Tia se secoua et
commença à le lui expliquer.
Fin de partie VI