Possibilités infinies, chapitre 3, 2ème partie
POSSIBILITES INFINIES
Chapitre Trois – 2ème partie
« Ouille…
ça a dû faire mal ! » (Ouch... that had to hurt)
************************
Les détails du rêve étaient un
peu embrumés et incertains mais il y avait une chose dont Cass était certaine,
c'était les yeux vert-océan qui la rendaient sereine et la fascinaient. Il y
avait de la douleur en abondance ainsi qu'une vague de rouge dont la partie
lucide du cerveau de Cass lui disait que c'était son propre sang. Elle se
sentait immobilisée, retenue par une paire de mains. Elle luttait contre cette
coercition mais ces yeux... elle repartit dans la brume du rêve, une voix douce
et plaisante faisant écho dans son souvenir. Je ne te quitte pas, je ne te
quitterai jamais...
On était au milieu de la
période gamma et l'infirmerie, comme le reste du Voyager, était en mode 'nuit',
avec des lumières tamisées et déserté de tous sauf de l'équipage minimal.
L'officier médical en chef était à la tâche mais c'était moyennement surprenant
étant donné que c'était un hologramme.
Cette nuit-là le HMU n'avait
que deux patients. Cass était sans connaissance sur le biolit chirurgical,
retenue par des liens de contention qui l'empêcheraient de causer plus de
dommages à son épaule fraîchement reconstruite. Sur le lit d'à-côté, Lis était
blottie en position de fœtus, le visage tournée vers Cass. Elle était très
profondément endormie.
Le Docteur se déplaçait dans
l'infirmerie, contrôlant les signes vitaux de Cass, faisant des ajustements
légers à son traitement, stimulant les mécanismes de reconstruction dans son
épaule et dans son poumon. Tout en travaillant, il chantonnait tranquillement,
un aria de Puccini par ici, un refrain de Gilbert et Sullivan par là.
Cass naviguait entre les
couches de sédation et de douleur, essayant de trouver un chemin vers la
conscience. C'était comme de traverser des toiles d'araignée successives. Ses
yeux bleus finirent par cligner et s'ouvrir.
Beuh. Est-ce que quelqu'un a
noté le numéro de la navette qui m'est passée dessus ? Elle tenta de bouger avec
précaution mais une douleur lancinante la figea et elle hoqueta.
« Ah, ah, ah, Lt. »,
dit le Docteur en venant se mettre sur sa gauche. « On ne bouge pas, s'il
vous plait. » Elle ouvrit la bouche pour parler et il remua le doigt.
« Et on ne parle pas non plus. Laissez les équipements s'occuper de votre
respiration. » Il interpréta correctement son regard inquisiteur.
« Je me doute que vous avez beaucoup de questions. Pourquoi est-ce que je
n'essaierais pas d'y répondre pour vous ? »
Soulagée de constater qu'elle pouvait
au moins bouger son bras droit, Cass leva la main pour lui imposer le silence.
Elle tourna la tête douloureusement sur sa droite et regarda la belle femme
blonde qui respirait profondément et régulièrement sur le lit près du sien.
Elle montra Lis du doigt et regarda le Docteur à nouveau.
« Elle va bien, Lt. »
dit-il comprenant son inquiétude. « Elle est juste épuisée. » Il
sourit d'un air connaisseur comme un enfant qui a un secret. « Vous savez,
elle n'a pas voulu lâcher prise avant d'être sûre que vous étiez en sécurité.
Ça a causé une sacrée scène quand son mari s'est montré. »
Cass ferma les yeux en
tressaillant au rapport de ce potin. Génial. C'est tout ce dont elle a
besoin. Moi blessée et Nick au bord des larmes. Une vague d'étourdissement
et une douleur lancinante la traversèrent. Je ne peux pas faire grand chose
pour ça maintenant, pensa-t-elle à travers son brouillard. Il faut juste
que je dorme. Un tout petit sourire se posa sur ses lèvres. Elle ne m'a
pas quittée...
Le HMU sourit d'un air supérieur,
ravi de voir que son œuvre progressait de la meilleure façon. Il jeta un coup
d'œil à la conseillère. La dose qu'il lui avait donnée avait été juste
suffisante pour l'endormir et aurait dû être éliminée depuis des heures. C'est
le pur épuisement qui la maintenait endormie maintenant. C'est ce qu'il y a
de mieux pour elle, pensa-t-il en recouvrant la jeune blonde d'une
couverture.
************************************
Lis se réveilla en sursaut.
Elle était ankylosée et avait mal partout mais la vision qu’elle eut
lorsqu’elle ouvrit les yeux lui fit tout oublier. Le visage de Cass endormie
avait l'air en infiniment meilleure santé qu'il ne l'avait été. Il y avait de
nouveau un peu de couleur sur ses joues et son expression était paisible. Lis
repoussa la couverture et alla vers le biolit. Elle se mit à côté de Cass et
passa le bout de ses doigts sur la joue de la jeune femme. Elle lâcha un soupir
de soulagement en y ressentant de la chaleur, frissonnant quand elle se souvint
du froid mortel qui s'y trouvait auparavant.
Lis leva les yeux vers le
Docteur qui s'approchait.
« Elle va très bien,
Conseillère », dit-il avec un sourire. « Même si c'est moi qui le
dis. Il n'y a aucun signe d'infection et tout progresse comme il se
doit. »
Lis hocha la tête. « Combien
de temps allez-vous la garder sous sédatif ? »
« Au moins pour le reste
de la journée, je pense », répondit-il en passant les doigts sur l'écran
tactile du panneau de contrôle du biolit. Il jeta un coup d'œil à Lis.
« Elle s'est réveillée au milieu de la nuit et elle a demandé de vos
nouvelles », dit-il d'un ton nonchalant.
Le regard de la jeune femme
blonde ne lâchait pas le visage endormi de Cass.
« Vous lui avez dit que
j'allais bien ? » Demanda-t-elle calmement.
« Oui », répondit-il.
« Et elle s'est rendormie. »
« Bien », murmura
Lis. Elle regarda ses mains, notant les traces de sang pour la première fois. Et
sur mon uniforme aussi, se rendit-elle compte. « J'aimerais être ici
quand elle se réveillera. »
« Je vous le ferai
savoir », répondit-il.
Elle sourit à l'hologramme puis
se pencha et posa un baiser sur la joue de Cass. « A bientôt, ma
chérie », murmura-t-elle avant de se redresser et de sortir de
l'infirmerie pour aller dans ses propres quartiers.
La courte marche lui donna du
temps pour s'interroger sur le genre de réception qu'elle allait recevoir de
Nick. Elle savait qu'il avait été embarrassé par leur conversation de la veille
au soir et elle tressaillit en se souvenant l'avoir repoussé devant le
capitaine. Elle avait de l'appréhension quand la porte de leur appartement
s'ouvrit en glissant. Son mari était assis à la table à manger, une tasse de
café dans une main et un padd dans l'autre.
« Bonjour », dit-il
tranquillement en posant les deux objets sur la table.
« Salut »,
répondit-elle. Elle s'avança et prit un siège en face de lui.
« Tu m'as devancé »,
dit-il avec un petit sourire. « J'allais justement aller à l'infirmerie
pour voir si tu voulais prendre le petit déjeuner avec moi. »
« J'aimerais bien »,
dit-elle en hochant la tête. « Tu as assez de temps pour que je fasse ma
toilette d'abord ? »
« Bien sûr »,
acquiesça-t-il. « J'ai dit au Lt Kroger que j'avais besoin de temps pour
moi ce matin et il était d'accord. »
« D'accord, bien. »
Elle se leva et mit une main sur son épaule en passant pour aller vers leur
chambre à coucher. « Je reviens dans quelques minutes. » Ça s'est
mieux passé que je ne le pensais, songea-t-elle. Elle retira l'uniforme
souillé et le jeta dans le réceptacle du synthétiseur, puis elle s'en programma
un nouveau et le pendit dans le placard prêt pour sa prochaine période de
travail. Elle entra dans la douche d'un air las et laissa l'eau chaude faire
son œuvre, tout en essayant de ne pas penser au fait que c'était le sang de
Cass qui coulait d'elle.
Quelques minutes plus tard,
elle était enveloppée dans une sortie de bains en soie et de retour dans le
séjour. Nick posa une assiette de bacon chaud et d'œufs devant elle tout en
reprenant sa place en face d'elle.
« Tu n'avais pas besoin de
faire ça », murmura-t-elle, retrouvant soudain son appétit alors que les
odeurs tentatrices montaient de l'assiette.
« Ça m'a fait
plaisir », répondit-il tranquillement, en la regardant toucher la
nourriture. « Comment va Cass ? »
Elle leva les yeux vers lui,
essayant de deviner ses émotions. Prends ça pour ce que ça vaut,
décida-t-elle. « Toujours endormie », répondit-elle. « Mais elle
a l'air bien mieux qu'hier soir. »
« C'est bien. » Il
saisit son expression légèrement sceptique. « Non vraiment. Je suis
content qu'elle aille mieux. Je sais qu'elle compte beaucoup pour toi. »
Lis mâcha lentement en essayant
d'interpréter l'humeur de son mari. « Je suis désolée si je t'ai
embarrassé, Nick », finit-elle par dire. « Je sais que tu essayais
seulement de m'aider. »
Il garda le regard sur son café
en préparant sa réponse.
« C'est moi qui devrais
m'excuser », dit-il. « Je n'aurais pas dû te bousculer. Tu avais eu
une journée éprouvante et j'aurais dû reconnaître que tu avais besoin d'aller
jusqu'au bout. » Il s'interrompit pour prendre une autre gorgée de la
tasse. « Elle compte beaucoup pour toi et j'aurais dû accepter ça
aussi. »
Elle tendit la main au-dessus
de l'espace entre eux et la mit sur la sienne. « Merci de ta
compréhension », dit-elle doucement.
Il sourit faiblement.
« Tu me connais, Lis »,
dit-il, essayant d'alléger la situation. « Je suis généralement en retard
d'une journée et il me manque toujours un dollar, mais je suis là à la
fin. »
Elle lui sourit, sachant qu'il
faisait un effort suprême pour retenir ses émotions les plus fragiles. Il
essaie vraiment, se dit-elle. Je ne mérite pas qu'il essaie autant
parfois.
« Je peux te demander
quelque chose ? »
Elle hocha la tête. «
Mhmmmmmmmmm. »
« Pourquoi moi ? »
Elle fut désarçonnée par ces
mots. « Pourquoi toi quoi ? »
« Parfois j'oublie
pourquoi tu m'as épousé. Et pourquoi tu es restée avec moi après avoir
rencontré quelqu'un qui compte autant pour toi qu'elle. » Il leva la main
pour stopper ses protestations habituelles sur la façon dont il se
sous-estimait. « Non, sérieusement, Lis », dit-il. « Je ne
cherche pas les compliments. Parfois je me pose vraiment la question. Et je
sais que d'autres se la posent aussi. Le Capitaine Janeway l'a sûrement fait
hier soir. Je pouvais presque l'entendre se demander comment on avait fini ensemble. »
Lis l'observa attentivement. Il
ne semblait ni paniqué ni anxieux. Du moins pas plus que d'habitude,
songea-t-elle. Elle réfléchit avec soin à sa question, essayant de trouver un
moyen pour s'expliquer.
« Tu te souviens quand
nous étions enfants, Nick ? » Demanda-t-elle enfin. Il la regarda d'un air
interrogateur. « Tu te souviens comment je courais toujours chez toi quand
les choses dérapaient chez moi ? » Il sourit doucement et hocha la tête.
« Peu importe combien je souffrais, ou combien j'avais peur... tu étais
toujours là. »
Ils se regardèrent avec une
compréhension mutuelle.
« C'était un vrai salopard
avec toi », dit Nick doucement. « Je n'ai jamais pu comprendre ça.
Comment un père pouvait-il être si en colère qu'il en faisait du mal à ses
propres enfants ? »
« Tu avais de la
chance », répliqua Lis. « Tes parents n'auraient pas pu être plus
doux même s'ils avaient été trempés dans le sucre. Et ils ne m'ont jamais posé
de questions difficiles, ils se sont contentés de me nourrir et de me laisser
dormir chez eux quand j'en avais besoin. »
Elle se souvenait d'une soirée
particulièrement sombre où son père était revenu d'une journée de stress de
plus. Surchauffé par le vieux whisky irlandais qu'il avait toujours préféré au
synthéhol, il avait rossé sa mère au point qu'elle s'était évanouie, ne
s'arrêtant que lorsque Lis s'était interposée. Et il s'était alors retourné
contre elle, malgré sa jeunesse et sa petite taille. Il avait fini par
s'arrêter assez longtemps pour remplir son verre et elle s'était échappée
jusqu'à la maison de Nick.
« Tu étais mon havre de
paix, Nick », murmura-t-elle. « Tu m'as aimée sans jamais me demander
de t'aimer en retour. Tu étais mon meilleur ami. »
Il la regarda et sourit
tristement. « Tout ce que je voulais, c'était te protéger à jamais de lui.
Je me sentais toujours inutile parce que je ne pouvais pas l'empêcher de te
faire du mal, juste être là après. »
« C'est ce dont j'avais
besoin de ta part. »
« Ça n'était pas
assez. »
« Ça l'était pour
moi. »
Ils se regardèrent pendant de
longues secondes de silence.
« J'ai été si surpris
quand tu as accepté de m'épouser », dit-il en souriant.
Elle rit doucement. « Tu
es toujours surpris quand quelque chose de bien t'arrive, Nick. Ça n'a pas
changé. »
« C'est vrai »,
acquiesça-t-il d'un ton désabusé. « Pourquoi as-tu dit oui ? »
« Je t'aimais »,
dit-elle simplement. Comme un frère, comme je l'ai réalisé ensuite, mais à
18 ans et désespérée de quitter la maison, qui pouvait savoir,
songea-t-elle. « Tu m'aimais et tu avais autant besoin de moi que moi de
toi. »
Il hocha la tête. « C'est
vrai aussi. » Il prit une autre gorgée de son café tiède. « Alors
pourquoi es-tu restée avec moi ? »
Et ça c'est ce qu'il n'a jamais
compris, pensa
Lis. « Pour les mêmes raisons, Nick », dit-elle tout haut. « Et
parce que j'avais pris envers toi un engagement qui signifiait quelque chose
pour moi. Il signifiera toujours quelque chose pour moi. »
Pendant de longues secondes il
la fixa et elle croisa son regard honnêtement et avec franchise. Il finit par
hocher la tête et se leva, puis se pencha pour l'embrasser sur le front.
« Merci pour tes
explications », dit-il tranquillement. « Je ferais bien d'y
aller. »
« D'accord »,
acquiesça-t-elle en lui souriant. « Merci pour le petit déjeuner. »
Il rayonnait. « A ton service. »
Il se tourna pour partir puis réfléchit. « Oh, et salue Cass de ma part
quand elle reprendra connaissance. »
« Je le ferai »,
murmura Lis tandis qu'il sortait.
Elle retourna aux restes de son
petit déjeuner. Que le Seigneur soit loué, il n'a jamais le courage de
demander pourquoi j'ai eu une liaison avec Cass pour commencer,
songea-t-elle. Je ne pense pas qu'il trouverait la réponse à cette question
agréable.
Cass.
Elle soupira et se souvint de
l'horrible terreur qui l'avait submergée quand elle tenait le chef de la
sécurité mortellement blessée dans ses bras pendant ce qui lui avait paru être
de longues heures désespérées.
Elle est mon âme-sœur. Celle
avec qui je suis sensée être. Celle avec qui j'ai été encore et encore au fil
des *âges. J'en suis certaine. Et Nick, il est aussi mon âme-sœur, mais d'une
façon totalement différente. Le timing est particulièrement et horriblement
mauvais ces temps-ci, pensa-t-elle avec un soupir profond et triste.
Mais j'honore mes engagements.
Surtout avec ceux que j'aime.
*********************************
Cass exigeait beaucoup
d'elle-même. Elle le savait et elle savait que l'Officier Médical en Chef
aurait objecté fortement s'il avait pu voir ce qu'elle était en train de faire.
Mais elle s'en fichait. Une semaine de confinement à l'infirmerie avait
quasiment rendu le grand chef de la sécurité folle d'ennui et d'énergie
retenue. Après un examen final ce matin, le HMU l'avait relâchée, les oreilles
sifflant de ses avertissements pour qu'elle y aille doucement pendant une
semaine ou deux.
Désolée, Doc, avait-elle pensé en
s'éloignant à grandes enjambées de l'infirmerie avec une lueur dans les yeux.
Elle était allée directement au
holodeck avec en tête le plan de vider un peu d'énergie et de tester sa toute
nouvelle épaule et son poumon gauche en voie de guérison. Une fois là elle
avait commandé les vêtements appropriés au synthétiseur et avait entré un
programme de courses d'obstacles prévu pour défier même les recrues les plus
coriaces et les plus en forme. Elle enfila le short cycliste collant et le
débardeur associé avant de mettre une paire de bottines de randonnée légères.
En quelques minutes elle était
à plein régime, courant à toute vitesse dans une forêt verte luxuriante, les
bras et les jambes en rythme. Presque immédiatement, elle put sentir la brûlure
tout au fond de sa poitrine, au côté gauche, mais elle décida de l'ignorer,
repoussant l'inconfort. Elle fonça vers une clairière et courut sur une
élévation verdoyante, se lançant en plein air sans hésitation ni ralentir. Ses
mains tendues agrippèrent la barre en métal en forme de T d'une tyrolienne et
elle grogna lorsque son poids s'imposa à son épaule réparée.
Cass retint sa respiration
pendant quelques secondes tout en remontant ses jambes à la parallèle du sol,
glissant le long du câble tendu qui descendait par-dessus une petite rivière.
Elle se laissa tomber sur une
petite étendue d'herbe, laissant son élan l'emmener vers l'avant pour rouler et
se mettre debout. Puis elle repartit, courant le long de la piste poussiéreuse
vers le prochain obstacle.
**********************
« Ordinateur, où est le Lt
Lansdown ? » Lis retira la veste de son uniforme, ayant terminé avec le
dernier rendez-vous de la journée, et elle alla vers la porte de son bureau.
« Le Lt Lansdown est dans
le Holodeck Deux », répondit la voix mesurée de l'ordinateur.
« Ben voyons »,
marmonna la conseillère. « Tu ne pouvais pas, pour une fois, faire ce que
le docteur t'a dit et rentrer te reposer. » Elle monta dans le turbolift.
« Pont six. »
Lis n'avait pas vu Cass depuis
le jour où le chef de la sécurité s'était réveillée de son sommeil provoqué une
semaine auparavant. En partie parce qu'elle avait été incroyablement occupée,
mais elle savait que c'était une excuse. La vérité c'était qu'elle était déconcertée
par ce qu'elle avait ressenti devant la beauté aux cheveux noirs qui lui
faisait face ce matin-là.
« En voilà une belle image
pour des yeux fatigués », avait dit Cass d'une voix rauque. Lis se tenait
tout près de son épaule droite quand elle s'était réveillée, ses cheveux blonds
clairs entourant un visage anxieux mais bienvenu. La conseillère lui avait
souri, ses yeux verts brillants.
Lis ne s'était jamais sentie
aussi soulagée de sa vie. Les yeux bleu profond qui clignaient vers elle
étaient las mais avec une étincelle très familière.
« Bonjour »,
avait-elle dit tranquillement. « Tu as bien meilleure mine que la dernière
fois que je t'ai vue. »
« Il n'en faut pas
beaucoup, n'est-ce pas », avait répliqué Cass d'un ton ironique.
« J'ai quelques sales images dans la tête que j'espère n'être qu'un
rêve. »
« J'ai bien peur que non,
ma chérie », avait répondu Lis. Elle avait glissé la main dans celle de
Cass et l'avait doucement pressée. « C'était plutôt moche là-bas. »
Elle se sentit plonger dans un regard azur solide et ouvert.
« Tu... tu ne m'as pas
laissée un seul instant, n'est-ce pas ? » Avait murmuré Cass.
« Je ne pouvais
pas », avait répondu la jeune femme blonde. « J'avais l'impression
que si je te laissais, tu... » Elle avait regardé leurs deux mains, les
doigts entrelacés. Elle avait amené la main de Cass à son visage pour la poser
sur sa joue. « J'avais l'impression que tu disparaîtrais. »
Cass avait secoué la tête
doucement.
« Je n'aurais jamais pu te
quitter, Lissy », avait-elle murmuré.
La jeune blonde avait fermé les
yeux face à la soudaine montée d'émotions dans sa poitrine. Oh Cassie, tu as toujours su
quoi dire. Elle avait ouvert les yeux et souri à son ex-amante. « Je
suis contente », avait-elle répondu doucement. L'aimer est la plus belle
chose qui me soit jamais arrivée, avait-elle réalisé.
« Merci », avait dit
Cass en produisant un petit sourire.
« Je n'ai rien fait
d'autre que de tenir bon jusqu'à ce que nous soyons de retour ici », avait
objecté Lis.
« Merci de me laisser
t'aimer. »
Lis s'était penchée jusqu'à
être presque nez à nez avec Cass. Elle avait senti la main de la grande chef de
la sécurité lâcher la sienne et venir sur sa hanche, où elle s'était installée
tranquillement. Cass avait essayé de sentir l'odeur familière de l'autre mais
l'effort avait causé une douleur lancinante dans le côté gauche de sa poitrine,
la faisant tressaillir. Lis avait pris son visage dans ses mains et l'avait
apaisée avec de douces caresses de ses pouces sur ses joues.
« Chhh, ma douce. »
Elle s'était arrêtée lorsqu’elle avait pu voir que la vague de douleur avait
diminué. « Il faut que tu t'autorises à aimer quelqu'un d'autre,
Cassie », avait-elle dit, en pensant à Tina Roberts. « Tu ne peux pas
passer toute ta vie à m'attendre. Ce n'est pas juste pour toi. »
Le regard bleu acéré s'était
posé sur elle. « Ne me renvoie pas encore une fois », avait murmuré
Cass d'une voix rauque.
« Non, non, ce n'est pas
ce que je fais, mon amour », l'avait rapidement rassurée Lis. « Je
veux juste dire que tu dois laisser quelqu'un d'autre entrer dans ta vie.
Donne-toi une chance de connaître le bonheur. Tu le mérites. »
Les yeux de Cass s'étaient
emplis de larmes. « J'attendrai celle avec laquelle je suis censée
être », avait-elle dit doucement.
Ses protestations s’étaient
étiolées en voyant l'expression déterminée sur le visage pâle de son ex-amante.
Tu ne peux pas
discuter, avait-elle pensé. Tu sais qu'elle a raison. Tu peux le
ressentir, tu l'as toujours fait. Au lieu de ça, elle s'était penchée un peu
plus et avait déposé le plus tendre des baisers au coin de la bouche de Cass.
« Fais ce qui est juste pour toi », avait-elle murmuré.
« C'est ce que je
fais. »
Lis arriva devant les portes
fermées du Holodeck Deux. Se souvenir de cette conversation et savoir qu'elle allait
revoir Cass lui faisaient battre le cœur de manière déconcertante. Reprends-toi,
Conseillère, pensa-t-elle. Tu es ici pour le boulot. « Ouais,
c'est ça », marmonna-t-elle en tapant le code d'ouverture avant d'entrer
lorsque les lourdes portes s'ouvrirent en glissant.
Elle s'était attendue à tout
dans les programmes de Cass, aussi la vue de la grande chef de la sécurité qui
se hissait en haut d'une haute structure en bois dans un filet de cordes ne la
surprit pas.
Cass se laissa tomber
lourdement au sol et s'arrêta en entendant les portes du holodeck s'ouvrir.
Elle avait conscience de respirer bien trop fort et que ses poumons brûlaient,
surtout sur son côté gauche. Son épaule était douloureuse de manière
persistante et franchement, elle aurait dû manger quelque chose avant de
démarrer ceci. Globalement, je me sens merdeuse, songea-t-elle en
regardant la petite blonde s'avancer dans la pièce. Elle se redressa de toute
sa hauteur et se tint avec une grâce aisée qui démentait son inconfort. Bon
sang que c'est bon de la voir, pensa-t-elle, un sourire aux lèvres.
Lis observa attentivement la
grande femme. Elle souffre, se rendit-elle compte. Mais elle le cache
bien. Elle nota le vêtement sommaire, les longues jambes dénudées, les bras
musclés mais élancés et le reflet d'une fine couche de sueur durement gagnée
sur la peau de Cass. Oh bon sang, pensa-t-elle. Elle se sentit rougir
lorsque le chef de la sécurité saisit son regard sur elle et lui dégaina l'un
de ses sourires estampillés 1000-watts. Personne ne m'a jamais émue comme
elle le fait.
« On dirait que vous allez
mieux, Lt », dit Lis d'un ton ironique, en avançant vers la grande femme.
Cass haussa les épaules,
tressaillant quand le mouvement réveilla la douleur lancinante. « Je vais
être honnête avec toi », répliqua-t-elle. « J'ai horriblement
mal. » Elle respirait toujours difficilement et tandis que Lis
s'approchait, elle put voir des signes plus subtils que Cass se retenait plutôt
pas mal.
« Tu ne pouvais pas juste
retourner dans tes quartiers et lire un livre ? Ou bien dormir un peu, pour
l'amour du ciel ? » Demanda-t-elle avec un sourire.
« Vous me connaissez,
Conseillère », répliqua Cass tout en se penchant en avant, les mains sur
les genoux, essayant de reprendre son souffle. « Il faut toujours que je
vérifie mes limites. »
Lis tendit la main et la posa
doucement sur le front de Cass. « Je sais », dit-elle doucement.
« Mais pour une fois tu aurais pu croire le Docteur quand il te les as
énoncées. »
Cass se redressa, cette fois un
peu trop vite, et une vague d'étourdissement la fit vaciller. Rapidement, Lis
se rapprocha et prit le bras gauche de l'Australienne, supportant partiellement
son poids tandis qu'elle retrouvait son équilibre.
« Ouah », grogna
Cass. Elle posa son bras blessé sur l'épaule de Lis, heureuse d'avoir le bras
de la petite femme autour de sa taille pour la maintenir debout. « Oh la la.
Qui a fait bouger le pont ? »
« Tu me fais un peu peur,
Cassie », murmura la jeune femme blonde en essayant de ne pas être trop
alarmée par le visage soudain pâle au-dessus d'elle.
« J'vais bien »,
marmonna son ex-amante. « Je me suis juste redressée trop vite. »
« Oui oui. Et il date de
quand le dernier repas, Lt ? »
Un sourire embarrassé fut la
seule réponse avant que le bruit des portes du holodeck qui s'ouvraient à
nouveau les interrompe. Soudain consciente qu'elle se tenait bien à l'intérieur
de l'espace personnel du chef de la sécurité habituellement distante, Lis
recula rapidement.
« Bonjour Tina », dit
Cass qui était face aux portes.
Bon sang, pensa Lis. Juste ce qu'elle
n'avait pas besoin de voir. Elle se retourna pour saluer la jeune enseigne
qui se tenait avec incertitude juste sur le seuil. « Enseigne. »
Tina Roberts hocha brièvement
la tête à l'attention de la conseillère. Personne ne se tient aussi près de
Cass si elle ne le veut pas, songea-t-elle. Encore une autre pièce du
puzzle.
« Et bien, Lt », dit
Lis rapidement en se reculant encore plus de la femme aux cheveux noirs.
« Je suis juste venue vous dire qu'il faut que nous organisions bientôt
une session. Ce sont les règles de Starfleet quand quelqu'un est blessé en
mission d'exploration. »
Cass hocha gravement la tête.
« Compris,
Conseillère », répondit-elle. « Et, heu... merci pour... m'avoir
retenue, juste là. »
« Pas de problème.
Faites-moi connaître votre planning une fois que vous serez de retour au
travail. » Avec un demi-sourire final vers Cass, elle se tourna et quitta
le holodeck, laissant les deux compagnes seules.
Cass prit une inspiration
profonde, sachant que la conversation à venir n'allait pas être facile.
Quelques instants de silence embarrassé passèrent entre les deux femmes tandis
qu'elles se jaugeaient.
« C'est bon de te revoir
sur pieds », dit tranquillement Tina en avançant lentement vers le
lieutenant.
« C'est bon d'être
sur pieds », répliqua Cass en souriant.
Tina jeta un coup d'œil au
holoprogramme. « Il y a un endroit où on peut s'asseoir et parler ? »
Demanda-t-elle.
« Bien sûr », dit
Cass. « Ordinateur, amène-nous à la cascade. » Le paysage s'estompa
et tourna, l'ordinateur les 'amenant' à un autre endroit du programme. Elles se
tinrent bientôt au bord d'une source au bas d'une cascade. Cass montra un
endroit où elles pouvaient s'asseoir sur un rocher chauffé par le soleil. Elles
restèrent assises côte à côte pendant quelques minutes de silence, se
contentant de savourer la paix et la chaleur.
Tina glissa sa main dans celle
de Cass et sentit la grande femme hésiter avant d'enrouler ses doigts autour
des siens et de presser doucement.
« Il faut qu'on
parle », dit doucement l'enseigne.
« Je sais », répondit
Cass. « Quelle semaine, hein ? »
Tina hocha lentement la tête.
« Pour ça oui. » Elle s'interrompit, se demandant comment faire. Dieu
seul sait que j'ai pourtant répété tout ça, pensa-t-elle. « J'en ais appris beaucoup
sur toi cette semaine, Cassie », dit-elle finalement. « Des choses
que peut-être j'aurais apprécié d'apprendre de toi il y a un moment déjà
pendant les deux années passées, plutôt que de les découvrir pendant que tu
perdais ton sang dans toute l'infirmerie. » Elle prit une inspiration
tremblante et sentit Cass se figer près d'elle. « Bon sang, je suis
désolée », dit-elle. « Je ne voulais pas que ça sorte comme
ça. »
« C'est bon »,
murmura Cass en fixant leurs deux mains posées sur sa cuisse. C'est si
injuste pour elle. « Je suis désolée que ça ait été si dur pour
toi. » Elle sentit que Tina la regardait et elle se tourna pour croiser
son regard noisette.
« Rends ça plus facile
maintenant », demanda Tina. « Raconte-moi tout à ton sujet et celui
du Dr Dayton. »
Oh bon sang. Tu lui dois
tellement ça, Cass. « D'accord », acquiesça-t-elle.
************************
Une heure plus tard les deux
femmes étaient assises face à face les jambes croisées, leurs genoux se
touchant. Cass avait tout raconté à Tina sur sa relation avec Lis, sachant
qu'elle pouvait faire confiance à l'enseigne pour le garder pour elle.
J'espère que Lis n'y verra pas
d'objection,
pensa Cass fugitivement tandis qu'elle et Tina étaient tranquillement assises. Mais
il n'y avait aucun moyen d'éviter ça.
Elle leva les yeux vers un
regard triste.
« Tu l'aimes
toujours. » C'était plus une affirmation qu'une question.
Cass hocha la tête sans un mot.
« Tu crois... que tu
peux... m'aimer, moi ? »
Cass prit une profonde
inspiration. » « Je t'aime Tina. Mais... » Elle était à
court d'explication.
« Mais tu ne peux pas me
laisser être aussi proche de toi qu'elle l'est », devina l'enseigne.
« Je suis désolée »,
dit Cass doucement.
« Il faut que je sache où
nous allons, Cassie. J'ai besoin de plus que ce que nous avions. » Tina se
pencha en avant et prit les mains du chef de la sécurité. « Même si nous
sommes si peu sur ce vaisseau... je ne peux pas être avec toi juste pour faire
en sorte que nous ne soyons seules ni l'une ni l'autre. Je ne veux pas de ce
genre de relation. »
« Ce n'est pas uniquement
ce que tu es pour moi », protesta Cass. Mais elle a raison. Je ne peux
pas lui donner ce dont elle a besoin. « Je ne... je ne sais pas quoi
dire. »
Tina sourit tristement et
déposa un léger baiser sur les lèvres de la jeune femme brune. « C'est
bon. » Elle effleura de ses doigts les mèches de cheveux sur les tempes de
Cass « On s'est bien amusées, non ? »
Cass prit la main de la jeune
femme et embrassa doucement le bout de ses doigts. « Oui, c'est
vrai. »
« J'espère que tu auras la
femme qu'il te faut », murmura Tina. Elle ramena ses pieds sous elle et se
releva. Une fois debout, elle se pencha à nouveau et déposa un baiser sur le
dessus du crâne de Cass. « A tout à l'heure au travail, Lt »,
dit-elle doucement avant de se retourner et de partir vers l'entrée du
holodeck.
« Enseigne »,
l'appela Cass. Elle attendit que Tina se retourne et la regarde par-dessus son
épaule. « Soyez heureuse. »
Le jeune officier sourit.
« Vous aussi », répondit-elle et elle sortit.
Cass s'adossa au rocher chaud
et ferma les yeux face au soleil. Est-ce que j'aurai jamais la femme qu'il
me faut, se demanda-t-elle. Je présume que tout ce que j'ai à faire,
c'est attendre de voir.
A suivre – Chapitre 4