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Guerrière et Amazone
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Guerrière et Amazone
  • Vous trouverez ici des Fans Fictions francophones et des traductions tournant autour de la série Xena la Guerrière. Consultez la rubrique "Marche à suivre" sur la gauche pour mieux utiliser le site :O) Bonne lecture !!
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Guerrière et Amazone
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20 février 2011

Conflit, de Akilihan

 ''Conflit''

 

 

Disclaimers : Les personnages de Xena et Gabrielle (et tout autre personnage de la série qui interviendra dans cette histoire) ne m’appartiennent pas et sont le pur produit de MCA Universal et Renaissance Pictures.

Violence : Certaines scènes de violence sont présentes mais rien de très graphique.

Sexe : Cette histoire parle d'un amour entre 2 personnes du même sexe, en l’occurrence 2 femmes. Si cette idée vous déplait où que vous être mineurs et qu’il est interdit de lire ce genre de chose dans votre pays, passez votre chemin sans vous retourner.

Remerciements : Merci à ma relectrice.

 

 

 *******************************************************************

 

Chapitre 1:

 

 

 _ Arrête! Ne fais pas ça!

 

Gabrielle supplie alors qu'elle est portée, avec une facilité déconcertante, en direction de l'étang par sa compagne.

 

 _ Sinon quoi? Questionne la brune souriante.

 _ Sinon je retourne chez ma mère.

 

Après quelques secondes où Xena mime de réfléchir, Gabrielle hurle à pleins poumons, son corps, vêtu d'une longue robe bleu et or, traverse l'air pour atterrir dans l'eau chauffée par le soleil.

Lorsqu'elle refait surface, c'est pour voir sa femme, les mains sur les hanches, rire aux éclats.

 _ Toi! Tu vas me le payer! Fait la barde en passant ses mains sur son visage.

Quand la guerrière voit la petite femme sortir du lac, l'air furieux, elle se doute qu'elle va avoir des problèmes.

 

 _ L'eau est bonne, tu devrais aller voir. Fait la conteuse avec un sourire malicieux.

 _ Ne fais pas ça, mon ange, le cuir est dur à sécher.

 _ Je m'en fiche.

 

Comme un prédateur près à sauter sur sa proie, la blonde s'approche de sa future victime. Lorsqu'elle est assez proche pour l'attraper, Xena se redresse, regarde un point derrière elle.

 En premier lieu, la conteuse pense à une ruse, mais le sérieux sur le visage de son amante et la façon dont ses yeux se plissent, sème le doute et l'a force a se retourner. C'était une erreur, la brune profite de cette inattention pour bondir et soulever le petit être, la tenant dans ses bras.

 

 _ Xena! S'exclame la princesse vexée de s'être fait avoir.

 _ Je te remets à l'eau?

 _ Non. C'est bon. Mais tes cuirs sont quand même mouillés. Triomphe-t-elle.

 

La conquérante ne peut pas résister au petit air enfantin arboré par sa compagne, même s'il est différent aujourd'hui.

Avec lenteur elle lâche les jambes, afin que Gabrielle se remette debout. Depuis son retour d'Égypte, elle est surprise de voir à quel point sa compagne a changé.

Ce qu'elle a vécu l'explique, le fait de devenir mère l'a fait mûrir, ses traits n'ont plus rien de juvénile, son visage s'est durci. Elle est toujours la même, la barde innocente et pure qui l'a sauvée il y a trois années, pourtant il y a quelque chose de différent. Elle a connu la haine.

Ce petit être doux, tendre, aimant a désormais des cicatrices à l'âme, de la noirceur dans le cœur, par sa faute.

Perdue dans ses pensées tristes, elle n'a pas réalisé que son épouse s'est dévêtue, ce n'est que lorsque la petite main se pose sur son épaule qu'elle revient à la réalité.

 

 _ Ça ne va pas?

 _ Si, je réfléchissais. Tu fais sécher ta robe?

 _ Oui, et l'eau est vraiment bonne, tu devrais venir te baigner avec moi. Propose la conteuse en retournant dans l'eau.

 

La guerrière se déshabille en regardant son ange plonger pour resurgir plus loin. Nue,elle se jette à son tour à l'eau avec toute la grâce féline qui la caractérise.

 

Gabrielle fixe la surface lisse. Soudain elle se sent tirée vers le bas par une poigne qui lui entoure la taille. C'est avec un cri strident qu'elle disparaît sous les flots.

Xena est la première à briser la surface suivie de la blonde.

 

 _ Ça t'amuse? S'exclame cette dernière.

 _ Oui. Répond-t-elle, en riant.

 

La blonde se met à rire à son tour.

Ce n'est que quelques minutes plus tard, les rires cessant, que Gabrielle prend la parole.

 

 _ A quoi tu pensais qui te rendait si triste tout à l'heure?

_Tu ne crois pas que tout aurait été plus simple si tu serais resté à Potédaïa, enfin tu n'aurais pas vécu... tu vois?

_Oui, j'aurais eu une vie calme et platonique avec un mari et un enfant, je n'aurais pas connu l'aventure, ni le bonheur, j'aurais toujours eu l'impression qu'il me manque quelque chose. Je n'aurais jamais été heureuse.

_Mais tu n'aurais pas connu la souffrance. Rétorque la Conquérante tristement.

_C'est vrai mais si la vie serait toujours enjouée, on ne saurait pas apprécie le bonheur.

Avec cette explication, Gabrielle caresse tendrement la joue de sa bien-aimée.

_Je ne regrette rien de tout ce que j'ai vécu depuis notre rencontre parce qu'avec toi je me sent entière. Explique la blonde.

_Tu as pleuré par ma faute.

_Non, j'ai souffert et pleuré pour toi, ce n'est pas pareil. Et si ça serait à refaire, je le referais juste pour la joie et le bonheur que la vie à tes côtés m'apporte.

 

Xena sourit à ces mots, puis embrasse sa femme avec tout l'amour et la tendresse qu'elle ressent pour elle.

Ce simple baiser les conduits, comme d'habitude, à un moment de plaisir, une extase à l'état pur qu'elles ne peuvent obtenir qu'ensemble

.

 

Après un laps de temps assez long pour que la robe de la princesse puisse entièrement sécher, les deux femmes sortent de l'eau et entreprennent de s'habiller.

 

 _ Xena, on est obligées de rentrer déjà?

 _ Non, pourquoi?

 _ Je n'ai pas envie de retourner au palais, il fait beau, il fait chaud, je ne veux pas m'énerver en voyant ces lèche-bottes qui ont toujours quelque chose à demander, et qui sont tout le temps collés derrière tes fesses.

 _ Toi aussi tu as tes pots de colle je te signale, et ça ne te dérange pas. Fait la brune en souriant.

 _ Ce qui me dérange, c'est qu'ils te regardent pas dans les yeux. Rétorque-t-elle en ajustant sa robe.

 _ Je te rappelle que je suis la "Destructrice des Nations" et qu'ils ont passé des années à craindre mon courroux, ils ne peuvent pas changer leurs habitudes du jour au lendemain.

La guerrière sourit, prenant sa barde par les épaules pour la retourner afin de l'aider à fermer son vêtement.

 _ Ce qui m'énerve, c'est qu'ils ont trop peur de te regarder dans les yeux, mais pas assez pour s'abstenir de contempler ton derrière.

 

L'habit fermé, la blonde aux yeux pers se retourne, la moue qu'elle affiche fait rire la brune qui la prend dans ses bras en déposant un chaste baiser sur les lèvres boudeuses, ce qui ramène un sourire sur le visage de la princesse qui entreprend de fermer la veste de son amie. Pour ce faire, elle s'écarte de son âme sœur qui croise les mains derrière la nuque cachée par de longs cheveux d'or.

 

 _ Tu es tellement occupée à surveiller le regard de ceux qui me parlent, que tu ne remarques pas comment les hommes bavent dès que tu entres dans leur champ de vision.

Cette phrase arrache un petit rire à la consœur qui donne un coup, du revers de la main, dans l'abdomen musclé caché sous le cuir noir.

 _ Je t'imagine bien taper un grand coup sur la table en foudroyant du regard, un fauteur et crier: "Qu'est-ce que tu regardes, toi?"

 _ Moque-toi de moi. Rétorque Gabrielle en s'éloignant souriante.

 _ Je suis sérieuse, je te trouve très mignonne quand tu uses de ton rang de princesse.

Sur ces mots, la guerrière se rapproche de sa compagne, passe ses bras autour de la fine taille et posant son menton sur l'épaule.

 _ Alors, à part retourner chez ta mère, tu veux faire quoi cet après-midi?

La blonde sourit en caressant le bras qui la maintient.

 _ Eh bien...

 

Elle ne peut finir de s'exprimer, la guerrière pose sa main sur sa bouche, la blonde sent le corps derrière elle se tendre. Intriguée, elle regarde sa compagne avant de suivre son regard.

Doucement, le bruit reconnaissable de sabots de cheval se fait entendre.

Sur la défensive, Xena lâche son amie, ignorant qui s'approche. Dans le doute, elle préfère se tenir prête à combattre.

Gabrielle, quant à elle, se retire derrière la brune. Elle a appris par expérience, que beaucoup de gens souhaiteraient voir la Conquérante morte. De plus, elles deux, toutes seules au bord de ce lac, sont des proies faciles pour un groupe d'hommes armé.

 

La guerrière se détend, tandis que Gabrielle réprime un hoquet lorsque l'animal et son cavalier entrent dans leur champ de vision.

 

 

Poussée par l'inquiétude, la princesse s'approche de la monture, suivie de son amie. Cette dernière tient les rênes pendant que Gabrielle écarte les cheveux qui couvrent le visage inerte, là elle voit du sang couler le long de la tempe de la cavalière.

 

 _ Xena, elle saigne. Il faut la ramener au palais pour que le guérisseur la soigne.

 _ D'après sa tenue, c'est certainement une Amazone, on ferait mieux de la ramener dans son village.

 _ Le palais est plus près.

 _ Cette tribu me connaît et ne m'apprécie pas, je doute qu'elle aimerait que je ramène une d'entre elles dans ma demeure.

 _ OK, je vois le genre.

 _ Allons-y.

 

La brune tire le cheval, désirant l'amener à l'endroit où les leurs sont attachés à un arbre. Sa compagne la suit, inquiète pour la jeune femme évanouie.

 

Une fois l'endroit atteint, Gabrielle détache les deux montures qui patientaient, puis elles les enfourchent, prenant la direction des terres Amazone.

 

 _ Xena, est-ce que c'est loin?

 _ Non, à peine deux heures de marche.

La blonde sent, malgré la distance entre elles, la tension qui émane de la guerrière.

 _Qu'est-ce qui ne va pas?

 _ Je te l'ai dit, je ne suis pas en bons termes avec cette nation.

 _ Pourtant elles vivent, si l'on peut dire, sur le territoire de la terrible "Destructrice des Nations", et je n'ai pas souvenir qu'il y a eu des problèmes.

 _ On a un commun accord, je les laisse en paix et elles ne s'approchent pas d'Athènes.

 _ Pourquoi?

 _ Parce qu'elles sont fortes et de redoutables adversaires, je pensais qu'il valait mieux ne pas me les mettre à dos. On ne s'aime pas mais on ne s'attaque pas non plus.

 _ C'est simple. Et maintenant, tu penses toujours pareil?

 

La femme aux cheveux de jais réfléchit quelques instants avant de hocher la tête avec une affirmation.

 

 

A peine le trio a-t-il atteint les terres amazones que le comité d'accueil arrive. Trois femmes vêtues de cuir, portant de lourds masques et munies d'épées, tombent des arbres, atterrissant avec douceur mais dans une pose menaçante.

Cette arrivée inattendue surprend la princesse qui ne peut s'empêcher de sursauter.

 

 _ Xena, tu sais que tu n'es pas la bienvenue ici. Exprime avec froideur l'une d'elles.

 _ Je ne cherche pas la confrontation. Répond la Conquérante, chaque muscle tendu.

 _ Écoutez, on a trouvé votre amie blessée, on la ramène afin qu'elle soit soignée. Dit Gabrielle.

 

La blonde aux cheveux frisés, qui sent les poils de sa nuque se hérisser, tant l'air est électrique, tente d'éviter un combat inutile, qui risque d'éclater d'un instant à l'autre, en faisant signe à ces sœurs de baisser leurs armes.

Lorsque les trois Amazones se dirigent vers le corps inerte, Xena place instinctivement sa main sur son épée.

 

 _ Lâche les rênes, Conquérante.

Cet ordre exécuté, l'une des Amazones les prend, guidant le cheval vers le milieu des terres.

 _ Qu'est-ce que tu lui as fait?

 _ Rien, ce n'est pas elle, on l'a trouvé blessée. S'insurge la princesse.

 _ Qui es-tu?

 

La brune aux yeux bleus resserre sa prise sur son arme, certaine que si tout dégénère ce sera maintenant. Soit elles considèrent Gabrielle comme sa catin, soit comme son égale et donc en danger. Elle retient son souffle tandis que sa compagne se présente.

 

 _ Je suis Gabrielle de Potédaïa, épouse de la Conquérante et Princesse des terres conquises.

La blonde se tient droite sur sa monture la tête haute, elle n'ose plus respirer jusqu'à ce qu'une Amazone prenne la parole.

 _ Nous avons entendu parler de toi. Tu es une personne droite et honnête si ta réputation ne ment pas. Affirmes-tu que ce n'est pas elle qui a attaqué notre sœur?

 _ Je te donne ma parole.

 _ Viens avec nous. Toi seule.

 _ Il en est hors de question.

La voix basse et grave de Xena ne laisse aucune possibilité de refus.

 _ Il ne lui sera fait aucun mal tu as notre parole. Tout ce que nous voulons, c'est avoir la certitude que tu n'as pas agressé notre sœur et remercier ton amie d'avoir porté secours à l'une d'entre nous.  

La tension est palpable, chacune des guerrières se jaugeant du regard, prête à riposter au moindre signe de menace.

 _ C'est bon, Xena, je vais avec elles.

 _ Je t'attends ici.

 

Les guerrières, suivies de de la princesse, prennent la direction du village sous le regard inquiet de la Conquérante, qui n'hésitera pas à pénétrer dans la zone qui lui est interdite, au moindre problème.

 

 ************************************************************

 

Tout est paisible dans le village, chacune des habitantes vaquant à ses occupations en cette fin d'après-midi, lorsque le cortège ramenant la blessée arrive, attirant immédiatement l'attention.

C'est dans l'agitation générale que Gabrielle descend de sa monture alors que la femme blessée est emmenée pour être soigner.

 

 _ Princesse, suis-moi. Ordonne l'amazone blonde.

 

La conteuse s'exécute, fixant les cheveux frisés de sa guide afin d'éviter les yeux curieux et inquisiteurs des femmes sur leur passage.

Elles approchent d'une femme brune au regard froid et suspicieux.

 

 _ Voici notre Reine.

 _ Je suis...

 _ Je sais qui tu es, Gabrielle. Que s'est-il passé?

 

Le ton froid glace le sang de la blonde, qui, malgré la panique qui fait battre son cœur, raconte comment elle et Xena ont trouvé la jeune blessée.

Ceci fait, la reine invite Gabrielle à la suivre à l' intérieur d'une hutte où repose l'amazone, dont les blessures ont été pansées.

Lentement, la reine caresse le front de la jeune femme allongée.

 

 _ Je te remercie d'avoir ramené ma sœur au village.

 _ En fait...

 _ Qu'est-ce qu'une belle femme comme toi fait au côté de Xena?

 _ Comment ça? Questionne la blonde méfiante.

 _ Tu es tout le contraire d'elle. Alors comment peux-tu l'aimer?

 _ J'ai vu autre chose chez elle, l'autre face de sa personnalité.

 _ Sais-tu ce qu'elle a fait?

 _ Oui, mais elle a changé, beaucoup changé.

 _ C'est ce qu'on raconte. Mais pour combien de temps?

 

La blonde sursaute, elle s'apprête à prendre la défense de sa compagne, quand un gémissement l'en empêche.

La jeune femme blessée ouvre les yeux difficilement, elle regarde sa sœur puis la barde qui se tient en retrait. Elle fronce les sourcils.

 

 _ C'est Gabrielle, elle t'a ramené au village. Explique la reine.

 

Lentement la blessée tend le bras en direction de la visiteuse qui s'approche pour prendre la main tendue, le regard plongé dans celui délavé de la mourante.

 

 _ Tu respires la bonté, merci. Articule-t-elle avec peine.

 _ C'est normal voyons, n'importe qui aurait fait pareil. Sourit la blonde.

 _ Je veux te donner mes droits de caste.

 _ Non. Fulmine la reine.

 

Doucement, la jeune Amazone ferme les yeux, tous ses muscles se détendent dans un dernier souffle, tandis que la mort emporte son âme vers des lieux inconnu.

Interdite, la conteuse repose la main sans vie sur le torse immobile. Elle ne peut que regarder tristement la brune pleurer sa jeune sœur. Elle voudrait l'aider, la soulager de la douleur provoquée par cette perte brutale mais elle ne peut pas la consoler. Avec un soupir, elle regarde le sol, puis se dirige vers la sortie, décidée à laisser la reine faire son deuil en paix.

 

 _ Attends.

 

Ce simple mot prononcé d'une voix tremblante,surprend la princesse qui stoppe sa progression, elle se retourne pour voir la reine faire de même. La peine visible dans les yeux de l' amazone brise le cœur de la jeune femme aux yeux pers, qui ne peut retenir une larme.

 

 _ Je suis désolée pour ce malheur.

 _ Ma sœur t'a donné son droit de caste, nous la pleurerons cette nuit et demain nous célèbrerons ta venue dans notre tribu.

Gabrielle est estomaquée par cette déclaration qu'elle n'est pas très sûre de comprendre.

 _ Quoi? Qu'est-ce que tu dis?

 _ Tu fais partie de notre tribu maintenant.

_ Je ne sais pas quoi dire. Balbutie t-elle incrédule.

 _ Laisse-moi avec ma sœur maintenant.

 

Sans un mot de plus, Gabrielle quitte la pièce.

 

 

Dehors, le village entier attend. La blonde qui l'a accueilli s'approche de la princesse, le regard inquiet. L'expression arborée par la femme aux yeux verts donne à tous, la réponse à la question qu'aucune n'ose formuler.

 

 _ Dis-moi une chose s'il te plait. Fait la conteuse.

 _ Ephiny. Je m'appelle Ephiny.

 _ Ephiny, qu'est-ce que les droits de caste?

 _ Pourquoi? Questionne l'amazone suspicieuse.

 _ Avant de mourir, votre sœur m'a donné ses droits de caste.

 

Gabrielle a l'étrange sensation d'avoir dit une horreur en voyant les femmes la regarder avec leurs yeux horrifiés et exorbités.

Le temps lui-même arrête son cours. Tout est silencieux.

Cette question, c'est comme une bombe qui vient d'éclater.

 

 _ Suis-moi, je vais t'expliquer.

 

Ainsi, c'est sous les murmures qu'Ephiny entraîne Gabrielle loin du groupe afin de lui expliquer ce que ce droit reçu en héritage engendre.

 

 

Cela fait maintenant plusieurs heures que Xena attend. Sa patience, déjà courte, arrive à bout. Alors qu'elle prend la décision d'investir la zone interdite pour retrouver son amante, elle aperçoit deux cavalières se diriger vers elle. La guerrière pousse un soupir de soulagement en reconnaissant la blonde qui lui sourit.

 

 _ Vous en avez mis du temps.

 _ Désolée d'avoir été si longue, Xena, mais... elle est morte. Répond tristement Gabrielle.

 _ Je suis navrée.

Le ton de la Conquérante est dur, son visage reste impassible, rien ne montre qu'elle est sincère.

Ephiny plisse les yeux dans le doute.

 _ Xena, je vais rester deux jours ici. Annonce Gabrielle.

 _ Quoi? Et pourquoi donc? S'étonne celle-ci.

 _ Eh bien, avant de mourir, elle m'a donné son droit de caste. Je suis une princesse amazone maintenant.

 

La brune aux yeux clairs ne peut pas le croire, elle regarde son âme sœur espérant y déceler une preuve que ce n'est qu'une blague de mauvais goût. Mais tout ce qu'elle voit, c'est du sérieux et de la sincérité. Son cœur se met à battre trop vite dans sa poitrine.

 

 _ Tu ne peux pas accepter ça!

 _ Cet honneur ne se refuse pas. S'insurge l'Amazone.

 _ Toi, on t'as pas sonné. Fait Xena en la pointant du doigt.

 _ Je t'interdis de t'adresser à moi sur ce ton. S'énerve Ephiny.

 

Les deux guerrières se toisent du regard, prêtes à se sauter au cou au moindre mouvement de l'adversaire.

La tension est palpable, la princesse prend les devants, dans l'espoir d'éviter un combat qui serait inutile et qui, de plus, ne ferait qu'envenimer les choses.

 

 _ Arrêtez! Xena, calme-toi, je t'en prie. Dit-elle en posant sa main sur le bras de sa femme.

 _ Viens, on rentre.

 _ Je ne peux pas, je dois rester pour la cérémonie qui aura lieu demain.

 

Brusquement, la guerrière quitte du regard la jeune Amazone, pour poser ses yeux remplis de fureur sur sa compagne.

 

 _ Tu ne vas pas accepter de devenir une des leurs? Tu rentres avec moi. S'énerve-t-elle.

 _ Non. Je reste ici et je vais accepter l'honneur que j'ai reçu. Je ne compte pas aller contre la dernière volonté de cette femme que avons tentée de sauver. S'emporte la princesse.

 _ Tu es devenue folle? Tu ne connais rien à leurs us et coutumes.

 _ Je ne suis pas folle, ni inconsciente, et je suis assez grande pour faire ce que je veux.

 

La Conquérante ne peut qu'abdiquer. Sa femme a raison, elle ne peut l'empêcher de faire ce qu'elle veut. Elle sent la rage bouillir en son sein. Elle n'a qu'une certitude, elle doit partir avant de faire une chose qu'elle regrettera.

 

La blonde aux yeux pers garde la tête haute et le regard dur, même si au fond d'elle, sa peur grandit face à l'expression de colère sur les traits anguleux de Xena.

Les deux opales bleu azur ne sont plus que deux fines fentes par lesquelles un feu est visible, intense et cruel.

Sans un mot de plus, les mâchoires serrées à en craquer, Xena enfourche sa monture, lançant Argo au galop en direction d'Athènes.

 

Ce n'est que lorsque la brune est hors de vue que Gabrielle relâche la respiration qu'elle avait retenue sans même s'en rendre compte.

 

Sans se retourner, Xena s'éloigne au galop, imitée peu de temps après par sa compagne, qui elle, part dans la direction opposée, suivie de son escorte.

Chacune des deux moitiés d'une même âme se séparent, l' une poussée par la colère, l' autre envahie par la tristesse.

 

 

 

Chapitre 2:

 

 

Le soir arrive déjà lorsque Gabrielle revient au village amazone.

Là, au centre du village, un buché funéraire est en cours de construction afin de rendre un dernier hommage à la guerrière défunte.

 

 _ Gabrielle, suis-moi. Ordonne Ephiny.

 

Cette dernière l'escorte jusqu'à la hutte de la jeune femme décédée qui désormais, comme tout ce qui se trouve à l' intérieur, appartient à la princesse.

 

 _ Qu'est-ce qui va se passer maintenant? Questionne la blonde intriguée.

 _ Cette nuit nous pleurerons notre sœur et demain, tu subira le rite d'entrée dans la tribu.

 _ Je sais ça. Enfin, je veux dire que votre reine me l'a expliqué. Ce que je voudrais savoir, c'est ce que j'aurais à faire, ou dire.

 _ Tout te sera expliqué en temps voulu. S'impatiente Ephiny.

 

Les deux blondes arrivent à leur destination, chacune exaspérée par l'autre.

 

 _ Voici, tout ceci est à toi maintenant.

 _ Mais... Je ne peux pas accepter. Fait Gabrielle interloquée.

 _ Tu ne peux pas refuser.

 

Le ton dur et le regard froid intimident la femme aux yeux pers qui ne peut qu'opiner de la tête, avant de suivre sa nouvelle camarade à l' intérieur de la demeure.

 

 

Pendant que Gabrielle patiente, à la fois inquiète et excitée de ce qui l'attend le lendemain, Xena, quant à elle arrive à Athènes.

 

Elle traverse la ville au galop. Les villageois qui la croisent et la voient passer aussi vite que sa monture le lui permet, se doutent qu'il se passe quelque chose d'anormal. Ceux qui peuvent apercevoir son visage aux traits fermés sentent la peur leurs hérisser le poils.

 

Lorsqu'elle arrive au palais, les gardes postés aux lourdes portes d'enceinte sont pris au dépourvu. Ils ont juste le temps d'ouvrir pour laisser entrer leur dirigeante.

Malgré sa course effrénée, la colère brûle toujours ses entrailles. La brune aux yeux azur stoppe sa monture devant l'escalier menant à l'immense édifice, ses mains tremblantes tirant sur les rênes d'un coup sec forçant l'animal à stopper net dans la poussière.

 

Le feu visible dans ses yeux clairs informe est un présage, celui que les foudres de la Conquérante sont prêtes à éclater à tout instant.

 

Un jeune guerrier, engagé dans l'armée de la Destructrice des Nations peu de temps après son retour d'Égypte, sent la crainte lui couler le long de l'échine. Il connait la réputation de sa chef, mais c'est la première fois qu'il observe la rage sur le visage anguleux. Désireux de bien faire, il se précipite vers sa chef qui descend de l'animal et prend les rênes.

 

 _ Je m'occupe de votre cheval. Dit-il tout content.

Prenant son courage à deux mains, il l'interpelle tandis qu'elle s'éloigne déjà.

 _ Majesté! La princesse Gabrielle n'est pas avec vous?

 

Xena qui avait commencé à se diriger vers le palais, fait volte face dans un mouvement fluide, s'approche du jeune homme tétanisé devant la colère qui déforme ses traits. Avec une rapidité déconcertante, la Conquérante attrape le freluquet par la gorge, serrant au point de l'empêcher de respirer, et amène son visage horrifié à quelques centimètres du sien.

 

 _ De quel droit nommes-tu la princesse par son prénom? Murmure entre ses dents la brune, exprimant la rage qui bout en elle.

 _ Je... Je suis désolé... Toutes mes excuses... Majesté. Bégaie-t-il tant la poigne sur son cou l'entrave.

 _ Tu n'es rien d'autre qu'une larve qui vit simplement parce que je le veux bien. Tu n'as aucun droit de prononcer son nom. C'est bien clair?

 _ Oui... Oui... Majesté

 

Le malheureux étouffe, son visage devient livide, des étoiles commencent à apparaître devant ses yeux tant l'air lui manque. Bizarrement il ne pense pas au fait qu'il va peut-être mourir dans la seconde, mais à la peur que l'expression arborée par son bourreau lui inculque. Il ne va pas être tué par une guerrière, mais par un monstre sorti tout droit des enfers. Il ferme les yeux pour ne plus voir cette vision d'horreur, il sent uniquement sa trachée se serrer et le souffle chaud et rauque sur son visage.

 

 _ Majesté, vous êtes de retour!

La voix est une providence, car juste après qu'elle a résonné, la prise se relâche.

 _ Hors de ma vue, toi.

 

Les jambes tremblantes, le souffle court, le cœur battant trop vite, à la limite de l'évanouissement, le soldat exécute l'ordre donné. L'air lui brûlant les poumons, il conduit Argo aux écuries d'un pas mal assuré.

 

 _ Qu'est-ce que tu veux, Légendrios? Fait-elle en reprenant la direction du palais.

 _ Vous empêcher de tuer vos meilleurs hommes.

 

Certain qu'il y a un problème, il suit sa souveraine. Cela fait combien de temps qu'il ne l'a pas vu ainsi? Presque trois années, depuis que la jeune conteuse est entrée dans sa vie, prenant la meilleure place dans la vie et le cœur de la guerrière.

 

 _ Ta position de lieutenant ne te permet pas de me dire ce que j'ai à faire ou pas faire.

 

Il suit sa chef qui a ses poings serrés, la marche rapide, ses cheveux d'ébène dans le vent jusqu'à la salle du trône où elle se verse un verre de vin, posé sur la table immense. Le lieutenant s'approche d'elle, regarde ses yeux d'où émane une flamme intense et dévastatrice qu'il connait bien, ses mâchoires se contractent, lui prouvant que le même feu brûle en elle que naguère.

 

Durant toutes ses années de service, il a vu et essuyé la colère de la femme aux yeux couleur d'océan, pourtant, même si plusieurs fois il a cru mourir de son courroux, il a toujours été là. Autant quand tous la croyaient morte que quand les changements ont opéré en elle. Ce qui le différencie des autres, c'est qu'il a essayé de comprendre cette femme, il a réussi. Pour lui, elle n'est pas un monstre, et c'est ce qui le pousse à braver l'aura de pure rage qui plane dans le sillage de sa souveraine pour savoir ce qui se passe.

 

 _ Vous avez raison. Ce n'est pas le soldat, mais l'ami qui s'adresse à vous. Il fait une pause. Qu'est-ce qu'il y a? Où est la princesse?

 

Le temps se fige. L'un est incertain de la réaction de son interlocutrice, l'autre encaisse ce qu'elle vient d'entendre.

 

 

La Conquérante retient son souffle inconsciemment, une simple phrase prononcée par une personne qu'elle a failli tuer plusieurs fois, l'estomaque. Un mot définissant une chose qu'elle croyait ne pas avoir, ne pas mériter, prononcé avec sincérité résonne dans son esprit. Aussi insensé que ça puisse paraître, elle a bien entendu son officier dire "ami".

La tête lui tourne, lentement, elle laisse échapper l'air retenu dans ses poumons, baisse les yeux vers le sol, pose le verre sur la table avant d'en faire de même avec ses mains.

Elle baisse ses paupières tandis qu'elle accepte cette déclaration qui agit comme un baume apaisant sur l'incendie qui dévore ses entrailles.

 

 _ Gabrielle sera une princesse amazone à partir de demain.

 _ Quoi? Mais comment ça?

 

C'est au tour de l'officier d'être incrédule. Les deux amantes sont parties se promener en forêt, profiter du beau temps et d'un peu d'intimité et au final, la blonde devient membre d'une tribu qui ne pourra jamais s'accorder avec la Destructrice des Nations.

 

C'est alors que Xena lui raconte tout ce qui s'est passé.

 

 _ La princesse est incroyable. Plaisante-t-il.

 

Lorsque la Conquérante entend le rire dans la voix, surprise, elle lève la tête pour voir son gradé, les bras croisés sur sa poitrine, tout souriant.

 

 _ Qu'est-ce qui te fait rire? Demande t-elle vexée en se servant un autre verre.

 _ Dans le monde entier il n'y a qu'une femme capable de braver un seigneur romain pour sauver une personne détestée par tous ceux qui la connaissent, retourner la terre entière pour la retrouver et devenir une princesse amazone juste en allant se promener. Je comprends mieux comment elle a fait pour ravir votre cœur.

 

 _ Elle pouvait devenir la reine de tout ce qu'elle voulait et il a fallu qu'elle rejoigne cette fichue tribu.

 

Sur cette phrase, la rage resurgit, coule dans les veines de la brune, comme de la lave en fusion. Surprenant son compagnon, elle envoie son verre se fracasser contre le mur derrière elle

Xena s'est retournée et a jeté l'objet si vite que Légendrios n'a pas pu s'empêcher de sursauter, comme son cœur l'a fait dans sa poitrine sous le coup de la surprise.

 

 _ Majesté, je sais que vous détestez ces femmes parce que c'est la seule armée qui a réussi à vous repousser, mais regardez les choses autrement. S'il y a une personne qui puisse faire changer d'avis ces guerrières, vis à vis de vous, c'est bien la princesse.

 _ Qui te dis que je veux faire la paix avec elle.

 _ Je ne pense pas que vous voulez vous fâcher avec la princesse à cause de ça.

 

Lit-il dans ses pensées ou la connait-il mieux qu'elle ne pense? Se pourrait-il qu'au fil des années passées à son service, sans qu'elle s'en rende compte, il l'a écouté, observé et compris?

Pour Xena cela est impossible, depuis tout ce temps, elle a pris soin de cacher au plus profond de son être, sa douleur. A chaque fois que sa peine était trop présente, elle s'arrangeait pour rester seule, là ou personne ne pourrait apercevoir la tristesse qui débordait de la carapace dans laquelle elle l'avait enfermée. C'est impossible qu'il ait entendu ou encore moins vu ses accès de rage qui la poussaient à démolir, objets ou hommes,qui étaient sur son passage quand l'alcool ne la calmait pas.

 

 _ Tu me connais trop bien, je vais devoir te tuer.

 _ Faites-le si ça vous arrange.

 _ Qu'est-ce que tu cherches? Pourquoi es-tu ici?

 _ Pour vous aider. Je ne veux pas que vous vous sépariez de la seule personne qui a réussi à atteindre votre cœur et vous changer pour une histoire aussi stupide.

 

"Vous changer n'est pas le mot, plutôt révéler ce que vous êtes" pense le lieutenant.

 

 _ Ma femme se lie à mes ennemies et je n'ai pas le droit d'être énervée! S'écrie la guerrière en frappant sur la table.

 _ Elles ne sont pas vos ennemies. Elles vous en veulent parce que vous avez tenté de les anéantir et vous les détestez car c'est votre seul échec. C'est juste une question de fierté.

 

Lentement, la brune plisse les yeux en deux fines lames couleur azur,, son regard transperce l'officier, qui sent la peur l'irradier. Peut-être que cette fois il a été trop loin.

Non, elle ne le tuera pas, elle sait qu'il a raison, pourtant, ses battements cardiaques s'accélèrent quand la guerrière se redresse et s'approche de lui, le visage si près du sien qu'il peut sentir la chaleur qui se dégage du corps de la femme.

Malgré la crainte qui fait trembler ses mains, il ne baisse pas les yeux, soutenant celui trop froid, trop dur de la Conquérante.

 

 _ Tu as raison, c'est de la fierté. Mais un petit conseil, fais attention à la façon dont tu me parles.

 

La guerrière quitte la pièce d'un pas rapide et décidé.

 

Légendrios, quant à lui, soupire de soulagement en écoutant le pas pressé de la femme s'éloigner. Il sait qu'elle sait qu'il a raison. La vérité est parfois dure à entendre, mais cette fois ça en valait la peine.

Si sa chef refuse de s'asseoir sur sa fierté, ce n'est pas uniquement une guerre que ça risque de créer, mais également briser un couple, déchirer deux âmes qui ne peuvent être séparées. Cette seule raison vaut la peine de jouer sa vie entre les mains de la Destructrice des Nations.

Il ne laissera pas la princesse perdre sa raison de vivre, ni détruire tout ce qu'elle a fait en arrivant dans la vie de Xena.

Il quitte, à son tour, la salle du trône décidé à trouver quelqu'un sur qui se défouler.

 

 

Ce qui a vexé la guerrière, ce n'est pas tant les propos tenus par son officier, mais le fait qu'il a dit tout haut ce qu'elle pensait tout bas.

En même temps, le gradé n'a pas tort, elle ne peut pas et ne veut pas se disputer avec Gabrielle à cause de ça. Ce qu'elle ne veut surtout pas, c'est que ces Amazones, qui lors de sa conquête de la Grèce, lui ont donné sa première et unique défaite, détruisent sa relation avec son ange.

Elle doit faire une chose qu'elle n'a jamais faite auparavant, tenter une réconciliation.

Sur cette certitude, elle soupire en arpentant les couloirs qui semblent si austères dès que la blonde quitte l'endroit, comme si à elle seule, elle illuminait la demeure entière.

Soudain Xena prend conscience d'une chose, Gabrielle a le même effet sur sa personne, son âme se ternit dès que la princesse n'est pas là.

C'est avec le refus de la perdre que la Conquérante se dirige vers ses appartements.

Lors de son avancée, elle croise une servante qui fait une révérence sur son passage.

 

 _ Apporte-moi du vin. Ordonne-t-elle sur un ton autoritaire sans s'arrêter.

 _ Bien, Majesté.

 

Avant d'atteindre sa chambre, elle bifurque vers la porte qui mène à la chambre du fils de sa bien-aimée.

Doucement, elle ouvre la porte pour voir l'héritier de son trône jouer, assis par terre, avec sa nourrice.

Étrangement, voir ce petit être, si fragile, au regard brillant d'innocence rire, étouffe la colère qui bouillait en son sein.

Inconsciemment, un sourire se dessine sur les lèvres de la brune quand les petits yeux identiques aux siens se lèvent dans sa direction.

 

Soudainement consciente de la présence imposante derrière elle, la nourrice se lève, faisant une révérence.

 

 _ Majesté.

 

Xena ne prête aucune attention à la marque de respect donnée, son sourire s'agrandit quand Mikos tend ses petits bras vers elle, en geignant.

Elle sent son cœur fondre de tendresse, elle ne peut résister à cet être qui possède le même sang que sa femme.

Souriante, elle s'approche et le prend dans ses bras avec toute la douceur dont elle est capable.

 

 _ Laisse-nous.

 _ Bien, Majesté.

 

Silencieusement, la domestique quitte la pièce, heureuse d'avoir pu assister à une scène que, si elle la raconterai, personne n'y croirait.

Comme toutes les personnes qui ont vu ce bébé âgé d'à peine une année, elle est toujours surprise par le fait que cet enfant ressemble autant à sa mère qu'à la Conquérante.

Un mélange de deux femmes sublimes ne peut donner qu'un être d'une beauté unique.

 _ Ce petit est vraiment un cadeau des dieux. Se dit-elle en s'éloignant.

Pendant qu'elle retourne à ses quartiers, Xena, qui joue avec son fils, sent une impression étrange l'envahir. Son souffle s'accélère, la peur l'envahit sans raison.

 

 _ Gabrielle!

 

 

Pendant ce temps, sur les terres amazones, la princesse aux yeux pers encaisse avec difficulté ce qu'elle vient d'entendre. Son esprit refuse d'accepter les paroles prononcées par Ephiny.

Avec lenteur, elle s'approche de l'interlocutrice.

 

 _ Xena n'a pas pu faire ça!

 _ Si, elle l'a fait. Elle a sympathisé, elle faisait presque partie de notre nation lorsqu'elle a trahi notre tribu, tuant presque toutes nos sœurs, juste pour obtenir le pouvoir.

Gabrielle baisse la tête, elle réfléchit à toute vitesse mais ne trouve rien à dire.

Son cœur bat trop vite.

 

 _ Elle est revenue par la suite, lors de sa conquête de la Grèce, et elle nous a attaqué avec ses troupes.

 _ Vous l'avez vaincue. Souffle la blonde aux yeux verts.

 _ Oui. La majorité de ses hommes a péri, pour sauver sa propre vie, elle a du accepter de nous laisser vivre en paix sur nos terres.

 _ Ça fait longtemps qu'elle a pris Athènes. Une dizaine d'années il me semble.

 _ C'est peu après qu'elle nous a attaquées et a perdu. Depuis nous vivons sans se préoccuper d'elle et inversement.

 _ Je... J'ignorais tout ça.

 _ Il y a beaucoup de choses que Xena ne t'a pas racontées. Qu'est-ce qu'il y a? Demande-t-elle, voyant l'air triste de la princesse.

 _ C'est que je suis blessée que Xena ne m'en ai pas parlé.

 _ C'est certain qu'elle ne doit pas se vanter d'avoir essuyé une défaite. Ironise l'Amazone.

 

Gabrielle ne l'entend pas, son esprit se torture, partagé entre peine et colère. D'un côté, elle en veut à Xena de ne pas lui avoir révélé ce qui s'est passé avec cette tribu, d'un autre côté, elle est triste pour son âme sœur, car soudainement elle réalise une chose flagrante à laquelle elle n'avait jamais réfléchi. Si Xena est devenue la Conquérante, il y a sûrement une raison. Elle n'a pas pu naître ainsi. Elle a brusquement envie de tout quitter, prendre son cheval et retourner à Athènes pour retrouver sa femme, lui parler. Comprendre ce qui lui est arrivée.

Subitement, la princesse est ramenée à la réalité par la voix dure de la reine de cette nation.

 

 _ Ephiny, aide la princesse à se vêtir pour la cérémonie.

 _ Bien. Puis à Gabrielle. Suis-moi.

 

Ensemble, les deux femmes entrent dans la hutte de la défunte afin que la princesse s'habille pour participer à la cérémonie des funérailles. Également pour que l'Amazone confirmée puisse expliquer ce qui va se passer. La cérémonie de deuil ainsi que celle qui célèbrera la venue de la blonde dans la nation.

 

 _ Gabrielle, que trouves-tu en Xena?

 _ J'ai vu l'autre côté de sa personnalité, celui qu'elle cache.

 _ Il est bien caché, alors. Tu sais, on raconte que c'est toi qui l'a adoucie.

 _ C'est faux. Je n'ai rien fait, si ce n'est l'aimer et crois moi, elle me le rend au centuple.

 

La princesse se demande si elle doit, et peut tout expliquer à cette femme, qui, assurément déteste son épouse. Comment convaincre quelqu'un de penser l'inverse de ce qu'il a vu? Le temps peut-être.

Par la suite, c'est dans le silence que la blonde aux yeux pers observe l'intérieur de la hutte. La décoration est sobre, il n'y a que le strict nécessaire.

Elle s'approche des armes exposées, passe doucement la main dessus, et là une réalité la frappe. Elle ne possède pas seulement les biens d'une défunte, elle ne fera pas uniquement partie d'une grande famille, mais elle va devenir, ou plutôt devra devenir une guerrière.

La peur la pénètre, si elle doit choisir entre la tribu et sa vie au palais, que choisir? Serait-il possible d'allier les deux?

C'est avec crainte qu'elle entreprend de se changer, écoutant les explications de sa compagne.

 

Le corps sera brûlé, l'âme de leur consœur quittera ce monde accompagnée de leurs pleurs, puis demain matin, Gabrielle deviendra un membre à part entière de la nations amazone devant toute les femmes qui font partie de cette tribu.

Elle devra prendre par à la cérémonie en chantant et dansant en compagnie de sa nouvelle famille qui se réjouira. Par la suite, si elle le décide, elle pourra retourner au près de Xena.

 

 

 

Chapitre 3:

 

 

La cérémonie de deuil a été aussi triste que le couronnement de Gabrielle a été enjoué.

L'un a été aussi sombre et terne que la noirceur de la nuit, qui l'a accompagnée, l'autre aussi clair et frais que le matin d'été qui l'a escortée.

 

La blonde aux yeux pers n'arrive pas à saisir comment ses nouvelles sœurs peuvent faire la fête juste après le décès de l'une d'elles.

Malgré les explications fournies, la jeune princesse ne comprend pas.

En ce début d'après-midi elle marche, rempli de joie et l'esprit plein des souvenirs de danses, de chants et de congratulations de la matinée qui vient de s'écouler, en compagnie de sa nouvelle amie Ephiny, qui s'est proposée de la raccompagner pour plus de sûreté.

 

Pourtant une ombre plane, une crainte indéfinissable couve au plus profond de ses entrailles, elle est là et pourtant irréelle, comme si elle appartenait à quelqu'un d'autre.

Gabrielle, inconsciemment, sait que ce sentiment n'est pas le sien, mais celui de la femme qui l'attend, car son âme se reflète dans la sienne comme dans un miroir.

 Même si c'est une chose incompréhensible et encore moins explicable, elle sait que leurs âmes sont liées et sent ce que ressent sa compagne.

La princesse, sûre d'avoir droit à une scène en rentrant, chevauche en sifflotant un chant entendu quelques heures plutôt, lorsque la voix de son accompagnatrice se fait entendre.

 

 _ Te voilà arrivée.

Au pied de la colline s'étend Athènes, le palais de la Destructrice des Nations dominant, par sa hauteur et sa splendeur, toute la ville.

 _ Merci de m'avoir raccompagnée.

 _ De rien. Je peux te poser une question? Quand tu as rencontré la Conquérante pour la première fois, tu n'as pas eu peur?

 _ J'étais morte de trouille. Sourit la blonde.

 _ Alors comment as-tu fait pour entrer dans sa vie?

 _ C'est une longue histoire, mais en résumé, la première fois que je l'ai vue, je suis tombée sous son charme, la deuxième fois j'ai failli mourir de sa main et la troisième fois je l'ai vue comme un être humain et non comme le monstre que tous décrivent. Tu sais, elle a un cœur, il suffit d'apprendre à la connaître pour s'en rendre compte.

 _ Si tu le dis. Fait la guerrière en haussant un sourcil dédaigneux.

 _ Je le dis, je le pense et je le revendique. Répond la princesse avec conviction.

 _ Bon. Je te laisse ici, rentre bien. Explique l'Amazone en stoppant sa monture.

 _ Merci... pour tout. Rétorque la blonde en imitant sa nouvelle sœur.

 _ Tu es la bienvenue au village, viens quand bon te semble.

 _ Merci.

 

Suite à un au revoir digne d'Amazone confirmée, Gabrielle part au galop en direction de la ville, fière de ce qu'elle est devenue et pressée de revoir la brune aux yeux azur qui n'a pas quittée ses pensées depuis leur séparation la veille.

La conteuse est certaine d'avoir droit à une discussion en rentrant, mais l'appréhension ne l'empêche pas d'être heureuse à l'idée d'être à nouveau près de sa femme.

 

Dans son empressement à rejoindre le palais, son cheval manque de peu de heurter une vieille femme cachée sous un long manteau qui traverse le chemin difficilement.

Effrayée, sa monture hennit et se cabre. Gabrielle tente tant bien que mal de maîtriser l'animal auquel elle s'accroche pour ne pas être désarçonnée.

Après quelques ruades, il se calme enfin.

 

La scène a attiré l'attention des badauds présents aux alentours, seul l'un d'entre eux approche de la

princesse et entreprend de tenir les rênes de l'animal apeuré, tandis que sa cavalière en descend.

Le cœur battant sous la panique, Gabrielle s'approche de la forme prostrée et effrayée au sol.

 

 _ Est-ce que ça va? Vous n'êtes pas blessée? Questionne-t-elle en posant une main sur l'épaule de la malheureuse.

 

Ce n'est qu'après ce geste que le corps entièrement caché sous un manteau noir, se redresse le visage toujours caché sous la capuche.

Gabrielle aide la vieille femme en la soulevant par le bras, des murmures résonnant tout autour d'eux.

 

 _ Oui. Je vais bien. Merci. Répond l'ancêtre à la voix cassée et au visage dissimulé.

 _ Vous n'avez rien de cassé?

 _ Non . Répond la vieille femme en levant la tête.

 

Lorsque la blonde aperçoit le visage marqué par le temps et les yeux verts délavés, elle ne peut ni bouger ni parler, une chose l'empêche de quitter du regard la personne qui lui fait face. Une aura divine semble l'entourer. Malgré ses traits ridés elle dégage une jeunesse et une force incroyables.

Doucement, une main décharnée et ridée apparait et vient se poser sur les bras de la conteuse. Lentement les deux femmes se rapprochent jusqu'à ce que les lèvres de la vieille femme se retrouvent à quelques centimètres de l'oreille de la princesse.

 

Personne n'entend le murmure, ni ne peut comprendre ce qui se dit.

Mais l'expression d'étonnement et de doute arborée par la jeune barde laisse présager un malheur.

 

Sans qu'un seul mot ne soit échangé à voix haute, la femme voûtée s'éloigne, prenant la fuite dans une ruelle toute proche.

 

Après le choc de la révélation qui vient d'avoir lieu, Gabrielle reprend pied avec la réalité, elle cligne des yeux cherchant la personne qui vient de lui parler. Elle la repère qui s'engouffre dans une ruelle déserte et décide de la rattraper.

 

Gabrielle n'atteindra pas son but. Lorsqu'elle arrive au bout de la rue qui se termine en cul de sac, il n'y a personne.

Estomaquée et suspicieuse, certaine que ce n'était pas un rêve, elle rebrousse chemin.

 

Dans la rue principale où les villageois ont commencé à reprendre leur occupation, sa monture toujours tenue par le jeune paysan l'attend.

 

 _ Majesté. Vous allez bien?

 _ Oui. Tu connais cette vieille femme?

 _ Non, Majesté. Je ne sais pas qui elle est.

 _ Merci.

 

Sans un regard en arrière, la blonde monte sur le dos de l'animal, sous le regard énamouré du jeune homme, et part au galop en direction du château.

Son esprit est perturbé autant à cause de la soudaine disparition de la femme âgée, que par la phrase qu'elle lui a murmurée à l'oreille.

Quelques mots soufflés annonçant un malheur, qui résonnent comme un écho empêchant toute autres pensées.

Un présage offert par les dieux ou paroles d'une vieille folle, là est la question. La peur envahit le cœur de la blonde pendant que les mots tournent en boucle dans sa tête.

" Ce soir au coucher du soleil, quelqu'un tentera d'enlever ton fils, si cela se produit, ça provoquera la destruction du monde."

 

C'est ainsi troublée que la princesse arrivée aux portes du palais, une voix lointaine se fait entendre.

 

 _ Ouvrez les portes!

 

Ceci fait, la blonde, les cheveux dans le vent, pénètre dans l'enceinte du palais de la Conquérante en ralentissant graduellement sa monture.

Puis sous les regards circonspects et interrogateurs, elle s'arrête devant la demeure, descend de cheval et monte les marches sans se préoccuper des soldats qui l'observent, encore moins de celui qui emmène son destrier aux écuries.

D'un pas rapide elle arpente le long couloir désert, désireuse de trouver son amante et lui raconter ce qui vient de lui arriver.

Lorsqu'elle passe devant la petite véranda qui mène aux jardins où Xena et elle aiment traîner quand elles ont besoin de tranquillité, quelque chose la pousse à y aller.

 

Sans un bruit, elle passe la porte pour voir une femme, vêtue de ses cuirs noirs assise de dos,sur un banc de pierre. Des babillements lui parviennent et lui apprennent que son enfant se trouve dans les bras puissants où elle-même se sent bien. Un sourire étire ses lèvres, cette vue lui insuffle une bouffée de bonheur pur.

 

Xena regarde l'enfant sur ses genoux qui s'amuse avec une petite figurine. Soudain, mue par une impulsion puissante, la brune se retourne pour voir sa compagne debout dans l'encadrement de la porte. Un soulagement intense la fait lâcher un soupir, le soulagement de voir sa moitié de retour sans encombre et en parfaite santé, même heureuse.

Elle baisse les yeux puis revient rapidement sur l'océan vert dans lequel elle aime se noyer.

 

 _ Salut. Tente la guerrière avec un faible sourire.

 _ Salut. Répond la blonde en s'approchant.

 _ Comment ça s'est passé? Questionne la brune sans la quitter du regard.

 _ Bien. Comme tu le vois. Il ne m'est rien arrivé.

 

Sans parler, Gabrielle s'assoit aux côtés de sa compagne qui lui a tant manquée.

Mikos lâche son jouet et tend les bras vers sa mère, un sourire enfantin rendant ses yeux bleus encore plus lumineux.

Sans une parole, la brune prend le petit être collé à elle sous les bras et le pose délicatement sur les cuisses de sa mère.

 

 _ Alors, il a été sage? Demande la blonde en déposant un baiser sur le front de son fils.

 _ Oui. Tu lui as manqué. Comme à moi. Répond la Conquérante en baissant la tête, intimidée.

 _ Vous m'avez manqué aussi. Xena, pourquoi ça te dérange autant que je rejoigne les Amazones? Est-ce parce qu'elles t'ont vaincue?

 

La brune espérait pouvoir repousser ce moment, profiter du calme et de la sérénité qui règnent en son for intérieur lorsqu'elle a pour seule compagnie celle qu'elle a en cet instant.

Mais il y a un abcès et plus vite il sera percé, plus vite elles pourront retrouver leur vie d'avant l'incident d'hier, à moins que tout son monde s'écroule. Tout dépendra de ce que lui dira sa compagne.

 

 _ Non. Enfin en partie. Gabrielle, c'est une tribu composée de guerrières et tu n'en es pas une.

 _ Je sais, mais je peux en devenir une. Je peux apprendre.

 _ Je ne le veux pas. Tu as déjà perdu une part de ton innocence à cause de moi, je en veux pas que tu perdes ce qui te reste en faisant couler le sang.

 _ Apprendre à se battre ne signifie pas tuer. Rétorque la princesse qui se sent craquer devant l'expression de compassion sur les traits anguleux de Xena.

 _ Elles ont beaucoup d'ennemis, pour leurs terres ou simplement parce que ce sont des femmes. Tu vois ce que je veux dire.

 _ Oui, je comprends. Tu sais, quand tu as été enlevé, j'ai regretté de ne pas avoir été capable de te protéger. Si j'aurais...

 _ Non! Non, Gabrielle, ce que j'aime chez toi, c'est ta douceur, ta bonté, je ne souhaite pas te voir te battre. Te protéger est mon devoir.

 

La guerrière lève le regard timidement.

Gabrielle ne peut résister, elle sourit puis passe une main dans le dos de sa bien-aimée, avec tendresse elle se penche vers l'oreille cachée sous les mèches noires.

 _ Je t'aime, mon ange gardien. Murmure la blonde.

La princesse pose sa joue sur l'épaule musclée, appréciant l'odeur de cuir mêlée à celle de la peau hâlée qui se trouve dessous.

 

Xena met sa joue sur la tête blonde, la joie qui l'envahit réchauffe son corps et son âme.

 

 _ Xena. Il m'est arrivé une chose étrange lors de mon retour. Fait-elle en portant son attention sur son fils.

 _ Ah oui?

 _ Je galopais pour te retrouver et j'ai manqué de heurter une vieille femme. Et quand je l'ai aidée à se relever, elle dégageait quelque chose de bizarre, une sorte de force impressionnante. Elle m'a dit qu'au coucher du soleil, on essayera d'enlever Mikos et ensuite elle a disparu.

 _ Hum Hum. C'était une vieille folle. Plaisante la brune.

 _ Peut-être. Mais elle était toute voûtée et je ne l'ai pas rattrapée, comme si elle s'était volatilisée. Explique t-elle, perplexe.

 _ Okey elle est peut-être entrée dans une masure.

 _ Ou elle a peut-être entendu parler des personnes de leur projet. Tu as beaucoup d'ennemis toi aussi.

 _ Très bien, je fais doubler la garde ce soir si ça peut te rassurer. Fait la Conquérante en passant sa main le long du dos de la blonde.

 _ Merci. Tu es gentille. Sourit-elle.

 

Les deux amantes regardent le petit être blotti dans les bras de sa mère, entrain de sombrer dans un sommeil protégé par ces deux femmes qui l'entourent de leur amour.

 

 _ Tu sais, je n'oublierai jamais cette nuit où il est né. Il était si petit, si fragile et il était ton fils.

 _Oui, ce que moi je n'oublierais pas c'est la larme que tu as versé en le voyant. Tu sais, c'est cette nuit là que j'ai réalisé que tu avais raison, je ne peux pas le détester.

Gabrielle baille doucement.

 _ Tu es fatiguée, tu devrai aller te reposer.

 _ Oui, je vais y aller. Tu viens avec moi?

Ensemble, elles se lèvent et entrent dans le palais.

 _ Va t'allonger, je vais trouver Légendrios et doubler la garde ensuite je te rejoins.

 _ D'accord, merci.

La princesse dépose un baiser sur la joue tendre puis prend la direction de leur appartement sous le regard attendri de sa bien aimée.

 

 

 

 

Chapitre 4:

 

 

Le soir est là, présage de la nuit. Chacun s'occupe de sa vie de tous les jours, sans se soucier de ce qui peut se passer chez son voisin, comme dans la salle de réception du palais royal où a lieu une fête organisée par la princesse.

 

Tous les seigneurs les plus riches qui vivent sur les terres conquises sont présent, fiers d'avoir l'honneur de participer à cette soirée. Les invités, hommes ou femmes, profitent des plats succulents et des boissons alcoolisées qui foisonnent à volonté et des spectacles qui s'enchaînent.

 

La bonne humeur et la joie règnent, sauf pour une personne, la maîtresse des lieux. En effet, Xena n'a pas le cœur à faire la fête. Trop de choses occupent son esprit. Sa femme est devenue une Amazone, peut-être deviendra t-elle aussi une guerrière. Ou rejoindra t-elle sa nouvelle tribu? Est-ce que quelqu'un va vraiment essayer de kidnapper son héritier?

Debout dans un coin de la pièce, un verre de vin à la main, elle balaie du regard la salle.

 

Soudain, ses réflexions sont interrompues par un homme.

 

 _ Majesté. Je vous remercie de m'avoir convié à cette soirée, j'en suis très honoré.

 _ Bien. Fait-elle avec un sourire forcé.

 _ Je voulais m'entretenir avec vous au sujet de...

 _ Plus tard.

 

Agacée, avec un geste vague de la main, elle quitte son coin laissant son quidam interloqué. Bien entendu, même s'il est vexé, il ne dira rien.

 

La brune évolue au milieu des seigneurs vantards et les femmes vénales qui les accompagnent, offrant de brefs sourires forcés par moment.

Arrivée au buffet, elle remplit son verre, puis reporte son attention sur la foule. Une vision de bonheur qui adoucit son cœur, éloignant son irritation lui parvient. A quelques mètres d'elle, se tient sa femme, riante qui discute avec des invités, apparemment heureuse.

 

Lentement, Gabrielle semble sentir un regard chaleureux posé sur elle et instinctivement, la blonde tourne la tête pour croiser le regard bleu acier de la personne qui partage sa vie. Elle lui sourit brièvement avant de reprendre sa discussion.

 

La guerrière remarque très bien le regard lubrique porté sur son épouse, mais elle ne dira rien, car elle fait confiance à la jeune conteuse. C'est en elle-même qu'elle n'a pas confiance. Avant c'était simple, si elle faisait une erreur qui aurait fait partir la conteuse, elle aurait toujours pu aller la trouver et essayer de se faire pardonner. Mais maintenant, si par malheur ça arrive, Gabrielle ira chez les Amazones. Elle ne pourra pas aller s'excuser sans déclencher une guerre. Pire, la jeune femme pourrait devenir une ennemie.

 

Xena est attristée par cette pensée.

Le cœur lourd, la brune quitte la pièce et prend la direction de la cour située derrière le palais, afin de profiter d'un peu de solitude.

 

Arrivée à l'endroit désiré, la Conquérante se promène dans l'herbe, las mains dans les poches en laissant échapper un soupir.

 

Brusquement, son instinct lui indique une présence malsaine. Rapidement, elle fait volte-face pour voir un éclair bleuté dans lequel apparaît un homme musclé vêtu de cuir. Machinalement, la brune balance son bras dans un direct du droit qui atterrit sur le nez de l'intrus.

 

Après s'être remis le nez en place, le guerrier dégaine son épée, magnifiquement travaillée.

 

 _ Personne ne frappe le dieu de la guerre.

 

Estomaquée, Xena recule et esquive le premier coup porté par son adversaire. Le deuxième coup est évité, lui aussi avec adresse.

 

Malgré les difficultés qu'elle a pour comprendre ce qui se passe réellement, la femme aux cheveux de jais réalise que sa seule chance, c'est de se défendre.

 

La Conquérante fait un bond en arrière afin de parer la lame froide qui fonce sur elle. Seulement, une brûlure vrille sa joue. Un liquide chaud coule le long de sa peau pendant qu'elle sort son arme du fourreau accroché à sa ceinture.

La colère bout dans ses veines, chauffant son esprit. Avec rapidité et dextérité, la Destructrice des Nations attaque en portant des coups si violents que des étincelles jaillissent au contact du métal. Le dieu se retrouve contraint de reculer, acculé par la pluie de coups.

Puis avec une feinte, il réussit à s'approcher suffisamment pour faire couler un léger filait de sang le long de la joue de la femme.

 

 _ Personne n'attaque la Conquérante sur son territoire. Siffle la brune.

 

La force et la violence du combat redoublent, aucun n'arrivant à prendre le dessus, ce qui énerve la femme aux yeux azur. Sa rage augmente au même rythme que la puissance donnée à ses coups.

 

 _ Oui, c'est ça que j'aime, cette lueur dans tes beaux yeux bleus. C'est ça que je veux. Sourit-il.

 

Les deux lames se croisent, chacun des deux protagonistes priant pour ne pas perdre son arme.

 

 _ Qu'est-ce que tu veux? Questionne-t-elle essoufflée.

 _ Retrouver ma princesse guerrière.

 

Avec un frottement métallique, le dieu baisse son épée et rapproche son visage de celui de son adversaire.

 

 _ Je veux revoir la Destructrice des Nations pleine de rage, fougueuse, cruelle.

 

Xena lui assène un coup de poing monumental dans la mâchoire, le forçant à détourner la tête. Elle recule de deux pas en faisant tournoyer son épée.

 

 _ De quoi tu parles?

 _ De toi. Tu étais ma meilleure guerrière, celle dont j'étais le plus fier jusqu'à ce que tu perdes ta hargne. Je peux te la rendre, redonner vie au monstre que tous connaissent.

 _ Et si je refuse?

 _ Dans ce cas, je trouverai quelqu'un pour te remplacer, une personne digne de toi qui pourra prendre ta place. Explique-t-il en se frottant la mâchoire.

 _ Alors vas chercher ailleurs.

 _ Ta petite blondasse fait de toi une lavette.

 

Le bruit d'un individu courant dans leur direction provient du palais, les prévenant d'une visite importune.

Xena regarde la porte qui mène sur le lieu du combat pour voir sa femme arriver, toute apeurée. Puis elle tourne la tête vers l'endroit où se trouvait son adversaire tantôt, mais il a disparu.

 

Tout se bouscule dans sa tête. Elle vient de rencontrer et se battre contre Arès en personne. Partagée entre surprise et incrédulité, choquée la guerrière range son épée.

 

 _ Xena, ça va?

 _ Oui, pourquoi?

 _ Qu'est-il arrivé?

 _ Je ne sais trop. Le dieu de la guerre lui-même est venu me voir. On s'est battu et tout ça pour me dire qu'il voulait que je redevienne le succube que j'étais avant. Tu imagines?

 _ Non pas trop. C'est assez dingue comme histoire. Tu es sûre que ce n'est pas une illusion? Demande la conteuse en posant une main sur l'épaule musclée.

 _ Non, c''était bien réel. S'agace la brune en tournant la tête exposant sa griffure.

 _ Mon dieu! S'exclame la blonde en touchant la blessure.

 

Doucement, Xena attrape la main qui appuie sur sa joue et la baisse.

 

 _ C'est dingue quand-même, tu as été blessée par un dieu en personne. Tu n'as rien d'autre?

 

Gabrielle étudie le corps de sa compagne à la recherche d'autres traces de sang, en vain.

 

 _ Non, ça va. Mais pourquoi es-tu venue au fait? Tu avais l'air effrayée, tu as un problème?

 _ Je ne sais pas exactement. Je parlais avec des invités et soudain j'ai eu une impression bizarre. C'est comme si j'avais senti que tu étais en danger. Je sais, c'est stupide.

 _ Non, pas du tout.

 

Durant un instant les deux femmes se regardent sans prononcer un mot, chacune réfléchissant de son côté. Gabrielle se souvient de la douleur qui lui a traversé la poitrine lorsque son amante avait été tuée par César. Il y a quelques minutes, cette même sensation était revenue, moins forte mais toute aussi troublante.

 

Xena repense à ce qui lui est arrivé la veille quand elle jouait avec son héritier. Se pourrait-il qu'elles ont une connexion spirituelle qui leur permet de ressentir le danger de l'une à l'autre en cas de péril?

 

Perturbée par tous ces évènements étranges, la brune baisse la tête et décide qu'y réfléchir ne sert à rien. Il vaut mieux accepter les choses telles qu'elles sont.

 

 _ Bon, si on retournait à l'intérieur. Nettoyer ce sang.

 _ Tu as raison. Répond la Conquérante en passant un bras autour des épaules de sa compagne.

 

La souveraine et sa princesse retournent à la fête où leur absence a été remarquée.

C'est donc sous les regards des invités qu'elles entrent dans la salle sans se lâcher. La femme ornée de bijoux les plus tape-à-l'œil , comme son maquillage, et une forte corpulence avec laquelle Gabrielle discutait, s'approche des arrivantes.

 

 _ Princesse, tout va bien? Vous êtes partie si précipitamment. Fait-elle d'un ton hautain.

 _ Oui.

 _ Vous avez eu un malaise? Je comprend, moi aussi ça m'arrive.

 _ Gabrielle n'a pas de malaise, elle est jeune et en bonne santé, elle. Intervient Xena, souriante.

 

Sans même un regard de plus, les deux compagnes s'éloignent, laissant en plan la convive dépitée.

 

 _ J'adore comme tu l'as rembarrée. Si tu n'étais pas la Conquérante, je suis sûre qu'elle t'aurait expliqué que personne n'a le droit de lui parler ainsi.

 _ Elle m'énerve avec ses niaiseries et ses « je suis mieux que n'importe qui ».

 _ C'est sûr, madame j'exhibe mes bijoux, avec tout ça si elle se penche, elle tombe. Plaisante la conteuse.

 _ Si tu veux, je t'en fait faire sur mesures, plus gros, plus ornés et plus impressionnants que les siens. Rit Xena de bon cœur.

 _ Juste pour lui clouer le bec? Cela me plaît bien.

 

C'est en riant qu'elles se joignent aux convives.

 

 

La fête a duré jusque tard dans la nuit, même après que les deux amantes se soient éclipsées pour aller voir Mikos avant de rejoindre leurs appartements. Petit à petit, les invités sont partis.

 

A présent, les seules âmes encore éveillées dans l'immense demeure, sont les guerriers à qui il a été ordonné de garder les yeux ouverts.

Certains se demandent pourquoi la surveillance est doublée cette nuit de pleine lune, mais aucun n'ose demander la raison.

Même le lieutenant de l'armée de la Conquérante ne comprend pas pourquoi cette vigilance extrême. Toutefois, il ne doute pas de sa reine et donc il a obéi aux ordres. Lui-même fait une ronde quand un de ses hommes l'interpelle.

 

 _ Hé Lieutenant! Pourquoi est-on de garde ce soir?

 _ Parce que ce sont les ordres.

 _ Oui mais je veux dire... Il se passe quelque chose?

 _ Je n'en sais rien, si la Conquérante a dit de doubler la garde, c'est qu'elle a une raison. C'est tout.

 _ Hum hum. Faudrait franchement être dingue pour attaquer le palais, surtout sous la pleine lune.

 _ Tu discutes les ordres, maintenant? S'énerve Légendrios.

 _ Non. Non, Lieutenant.

 _ Alors retourne à ton poste et tu ouvres l'œil.

 

Le silence règne à nouveau. Dans la chaleur de la nuit, des hommes tentent de rester éveillés pour certains, d'autres s'ennuient, tandis qu'à l'intérieur les domestiques dorment du sommeil du juste comme les deux femmes enlacées. Dans la pièce à côté de celle des âmes sœurs, un petit être est également dans les bras de Morphée.

 

Une seule personne est éveillée, étrangère et malsaine, elle apparaît dans une lumière bleue tout près du petit lit blanc.

 

 _ Tu as refusé mon offre, Xena, tant pis pour toi. Murmure t-il.

 

Puis doucement, le dieu pose une main sur le ventre de Mikos. Tous deux disparaissent dans un flash.

 

 

 

Le lendemain matin, la brune aux yeux azur admire la jeune femme endormie dans ses bras, lovée contre elle comme si sa vie en dépendait. Les rayons de lumière qui pénètrent par la fenêtre, se reflètent dans ses mèches d'or. Xena écoute la respiration lente, quand des coups à la porte brisent sa tranquillité.

 

 _ Laisse-nous. Ordonne la Conquérante en regardant sa compagne s'étirer.

 _ Majesté, je suis désolée, mais il y a un problème. Rétorque une voix féminine.

 

Le ton paniqué de la nurse intrigue Xena qui se lève, enfile une robe de soie rouge et va ouvrir.

 

 _ Qu'est-ce qu'il y a? Marmonne la conteuse en se frottant les yeux.

 _ Je l'ignore. Répond t-elle en se dirigeant vers la porte.

 

Quand elle ouvre, Xena voit la nurse trépigner, terrifiée.

 

 _ Quoi?

 _ Majesté, je... C'est le bébé, il a...

 

La vieille femme ne peut finir sa phrase, la Conquérante l'écartant du passage, court vers la chambre de Mikos et y entre en trombe.

Juste derrière elle, la blonde arrive, couverte du drap de soie et toutes deux regardent, atterrées et incrédules, le petit lit vide. La nurse s'amène à son tour.

 

 _ Quand j'ai pris mon service ce matin, il... Il avait disparu.

 _ Comment ça, disparu! Crie Gabrielle en s'avançant vers le lit.

 

Le cœur de la blonde explose, son univers vole en éclats, sa respiration devient suffocante.

 

Xena ne peut prononcer un mot, la tête lui tourne et elle a l'impression étrange que tout cela n'est qu'un rêve. Seulement, ce n'est pas le cas, le petit être qu'elle aime comme son fils, qu'elle devait protéger a vraiment été enlevé. Son âme se déchire sous la peur, celle qu'il lui soit fait du mal, qu'il soit blessé ou qu'il soit mort.

Des images atroces traversent son esprit. Machinalement, elle pose sa main sur sa poitrine, là où une douleur commence à naître. Ce sont les cris de sa compagne qui l'a ramènent à la réalité.

 

 _ Comment a t-il pu être enlevé! Tes hommes n'ont rien vu? Tu n'as rien entendu? Hurle la princesse.

 _ Calme-toi, s'il te plaît.

 _ Quelqu'un est entré ici, à quelques pas de l'endroit où nous dormions, a emmené mon fils sans être repéré et je dois rester calme! Ce que je veux, c'est que tu retrouves le chien qui a fait ça! Fulmine Gabrielle.

 

Sans un mot de plus, elle quitte la pièce d'un pas rapide.

Ce qui l'énerve au plus haut point, c'est qu'un crime a eu lieu durant la nuit alors que son épouse lui a certifié avoir doublé les soldats censés surveiller les alentours. Au fond d'elle, Gabrielle craint pour la vie de son enfant, elle a peur.

Mais pour l'instant c'est la colère qui domine son âme et son corps. Sans oublier la frustration de ne pas pouvoir faire grand chose, ni savoir où chercher, ni qui accuser.

C'est ainsi qu'elle part s'habiller, laissant derrière elle la nurse terrifiée et Xena incrédule.

 

C'est à peine si la Conquérante a pris conscience qu'elle a failli se retrouver au sol lorsque Gabrielle l'a heurtée en partant. Son esprit est ailleurs et son cerveau n'arrive plus à analyser les évènements qui se produisent.

 

Depuis longtemps maintenant, elle vivait en craignant de commettre une erreur qui ferait fuir la princesse, mais jamais elle n'aurait songé que son fils adoptif pourrait lui être enlevé. Certes, la guerrière savait que des ennemis pourraient vouloir s'en prendre à lui, seulement cette possibilité était impossible. Son palais est très bien gardé, ses soldats très bien entraînés et sa réputation trop connue.

 

Pourtant, malgré son sommeil léger et son instinct sur développé, l'improbable est arrivé.

Des larmes envahissent ses yeux, son paradis terrestre se transforme en enfer. Si troublée, la brune ne remarque pas le départ de la vieille femme. Elle se retrouve seule face au petit lit froid qui contenait son bonheur, aussi vide que son cœur douloureux. Lentement, elle tombe à genoux, ses jambes tremblantes ne peuvent plus la porter.

 

Habillée d'une longue robe bleue, la conteuse quitte sa chambre, la colère et la frustration la dévore, il lui faut une échappatoire. Elle ne peut pas s'en prendre au responsable, donc quiconque se présentera subira ses foudres.

 

Coïncidence ou malchance, cette personne se trouve être la nurse qui attend, terrifiée devant la chambre de l'héritier du trône.

 

 _ Majesté. Tente-t-elle timidement.

 _ Tu es renvoyée. Pars immédiatement ou ce sera les pieds devant que tu le feras. Siffle la barde entre ses dents serrées.

 

Horrifiée par les étincelles qui brûlent les yeux pers, la bonne femme prend la fuite, tête baissée et d'un pas rapide. Jamais auparavant elle n'avait vu la princesse aussi énervée, comme jamais elle n'aurait cru voir de la colère noire sur le visage si doux.

 

Les poings serrés, ses ongles enfoncés dans sa peau, tous les muscles de son corps tendus, consumée par un élan sentimental pratiquement ingérable, mais qui ne demande qu'à être libéré, elle évolue dans les couloirs du palais encore déserts.

 

Puis un hurlement terrible, rauque, dur et puissant, rempli de douleur résonne dans la demeure royale, forçant la blonde à stopper net sa course.

 

Des frissons lui parcourent l'échine sous la violence du son qui trouve un écho morbide.

 

Après un moment d'hésitation, la princesse décide de continuer son chemin, malgré la petite voix intérieure qui lui dicte de faire demi-tour et d'aller trouver la personne responsable de ce cri lugubre. Pourtant même si elle a entendu Xena libérer sa rage elle n'ira pas la voir, ni la réconforter, Gabrielle en est incapable pour l'instant.

 

Soudain, dans le battement assourdissant de son sang à ses oreilles, un cliquets de métal lui parvient, juste avant que le lieutenant n'apparaisse à sa vue, courant dans sa direction, une main sur son épée.

 

Si un regard pourrait tuer, il serait mort sur le champ. Face à la blonde, dans ce couloir, elle ne l'aurait pas raté, c'est sûr.

Le cri d'angoisse qui l'a conduit ici, ajouté à l'expression de rage pure arborée par la jeune femme, lui indique qu'un malheur est arrivé. Sa peur grandit, faisant battre son cœur à une vitesse folle.

 

 _ Majesté! Qu'est-ce qui se passe? Questionne-t-il, incertain d'avoir une réponse.

 _ Toi! Toi et tes hommes vous n'êtes qu'une bande de bons à rien. Comme votre souveraine! Crie Gabrielle.

 

Stupéfié, le gradé s'arrête et regarde la petite boule de nerfs passer à côté de lui, interdit. La seule fois où il l'a vu aussi énervée, c'était quand Xena avait été enlevée.

Il prend son courage à deux mains et suit sa reine par alliance.

 

 _ Qu'est-ce qu'il y a? Qu'est-ce qui vous arrive? Où est la Conquérante? Demande t-il inquiet.

 _ Certainement pas là où elle doit être. Hurle la blonde.

 _ Gabrielle. S'exclame t-il.

 

Entendre son prénom prononcé par un simple soldat l'énerve encore plus. Elle s'arrête et se retourne en manquant de rentrer dans le guerrier.

 

Le visage dur, les deux émeraudes qui ne dégageaient que joie et bonté, ne sont plus que deux fentes meurtrières, les traits si doux sont fermés dans une expression féroce. Effrayé par cette vision, Légendrios ne baisse pas pour autant les yeux. Son cœur est prêt à sortir de sa poitrine, mais il sait que s'il ne tient pas tête à la blonde, il perdra toute chance de l'aider. La peur lui noue l'estomac et une sueur froide coule le long de son dos, pourtant il ne bouge pas.

 

 _ Je t'interdis de m'appeler ainsi. Est-ce clair? Fait-elle sur un ton bas et rauque entre ses dents.

 _ Oui Majesté. Avec tout le respect que je vous dois, je suis votre officier et s'il est arrivé quelque chose, je désirerais le savoir afin d'agir en conséquence. Rétorque t-il en cachant sa peur.

 _ Ce qui est arrivé? Une personne a pu s'infiltrer dans le château le mieux gardé par des hommes soi-disant surentraînés, et kidnapper mon fils.

 _ Quoi? C'est impossible. Fait-il ahuri.

 _ Si, c'est possible puisque c'est arrivé! La réputation de l'invincible armée de la terrible Destructrice des Nations n'est que foutaises. Vous vous en servez pour faire peur parce que vous n'êtes qu'une bande de pleutres comme votre chef. Crie t-elle.

 _ Majesté...

 _ Ses pseudo sens sur développés, son instinct légendaire ne l'ont pas empêchée de dormir alors que dans la chambre adjacente mon enfant se faisait enlever. Hurle la princesse. 

 _ Nous allons le retrouver, Majesté.

 _ Je l'espère bien si vous tenez à vos misérables vies.

 

Sans un mot de plus, la conteuse fait volte-face et s'éloigne.

 

Seul dans ce couloir soudain redevenu austère, l'officier soupire de soulagement. Durant ses années de service auprès de la Conquérante et ses nombreuses batailles, il a souvent eu peur, pour sa vie, pour ses amis, pour Xena, mais jamais il n'aurait pensé craindre, comme il vient de le faire, une petite blonde.

 

Remis de ses émotions, il se dirige vers les appartements de la Conquérante.

Ce qui semble le plus urgent, c'est de retrouver l'héritier du trône. Trouver un indice afin de savoir où chercher.

 

Comment quelqu'un a pu pénétrer dans le palais passe au second plan. Car il sait pertinemment que s'il arrive malheur à ce petit être innocent, ce sera la fin de tout, la paix, le calme, leur couple, tout.

 

Quand il arrive devant la porte qui mène à la chambre du disparu, le gradé est certain que la femme qu'il cherche s'y trouve.

Doucement il lève les yeux. Son cœur se brise, écrasé par la peine. Devant lui, à genoux la brune de dos, fixe un point lointain. La femme qu'il a toujours vu fière et droite quelle que soit la situation, même celle qui semblait les plus désespérée, est là prostrée, les épaules affaissées, voûtée comme si elle portait tout le poids du monde, les mains cachant son visage.

Tandis que Légendrios s'approche, un souvenir remonte à la surface, c'est le visage souriant de Xena lors de la cérémonie qui l'a unie à Gabrielle par le mariage.

 

 _ Majesté.

 

L'officier ne reçoit aucune réponse. Il s'approche et s'accroupit à côté de la femme agenouillée. Le profil qui s'offre à ses yeux l'attriste encore plus.

 

 _ Xena, écoutez-moi. Nous allons retrouver votre fils et punir ce crime.

 _ C'est de ma faute, je n'ai rien entendu.

 _ C'est la faute de tous alors puisque personne n'a donné l'alerte.

 _ Je dormais à côté, j'aurais dû...

 _ Vous n'avez rien à vous reprocher. Maintenant, il faut vous lever et prendre les choses en mains. On va le retrouver, je vous le promets.

 

Timidement, le lieutenant pose une main sur l'épaule de la femme.

 

 _ Aujourd'hui plus que jamais on a besoin de la Destructrice des Nations. On a besoin de votre force, votre courage, votre volonté. Mikos en a besoin.

 

La Conquérante, perdue, incapable de savoir quoi faire si ce n'est subir la souffrance qui brûle ses entrailles, écoute les paroles exprimées. La culpabilité envahit ses pensées. Pourquoi sent-elle une arme venir dans son dos mais que son héritier n'est pas en danger?

Elle est persuadée que ce malheur est advenu par sa faute, parce que son instinct ne l'a pas prévenue, parce qu'elle dormait, parce que sa soif de pouvoir lui a donné trop d'ennemis.

 

Elle relève la tête vers son interlocuteur. Il a raison, l'enfant est en danger par sa faute, c'est à elle de le sauver. Pourtant ce qui va la décider à bouger, c'est la phrase qui va être prononcée par la suite.

 

 _ La princesse a besoin de vous pour surmonter cette terrible épreuve.

 

Le gradé sait que ce n'est que la moitié de la vérité. Face au regard bleu azur débordant de tristesse, rempli de larmes qui refusent de couler, il ne peut rien faire si ce n'est tenter de la motiver.

Légendrios ignore comment expliquer à la princesse qu'elle doit ravaler sa colère, car Xena aussi a besoin d'elle.

 

Brusquement, tout sentiment disparaît, les saphirs redeviennent de glace tandis que leur propriétaire se relève suivie de son officier.

 

 _ Offre une très forte récompense à quiconque aura des informations et la mort pour les profiteurs. Renseigne-toi si tes hommes ont vu ou entendu quelque chose d'anormal. S'il y a un traître parmi mes troupes, trouve-le. Même si tu dois utiliser la force pour avoir des réponses. Si certains ont dormi durant leur garde, punis-les comme exemple. Lance des recherches partout.

 _ Bien, Majesté.

 

Il la regarde s'en aller. D'un côté, seule la rage de la Conquérante permettra de retrouver l'enfant grâce à sa détermination et la peur qu'elle inculque. D'un autre côté, ce n'est peut-être pas une bonne chose, la colère de la princesse opposée à la Destructrice risque d'être dangereuse.

 

Légendrios s'en va exécuter les ordres, sûr d'avoir pris la bonne décision, le plus urgent étant, pour l'instant de retrouver l'enfant.

 

 

Dans la ville d'Athènes, la vie s'éveille à un rythme lent. Chacun vaquant à ses occupations matinales. Personne ne se doute du drame qui a eu lieu, ni les foudres qui couvent dans deux cœurs déchirés.

 

Rien ne semble capable de prévenir la noirceur gluante et sévère qui envahit ces deux âmes que rien ne paraissait pouvoir séparer.

 

Seul le soleil qui emprunte le même chemin depuis la nuit des temps, est en berne. Ses rayons chauds et pourtant ternes, sont les prémices d'un avenir qui va s'assombrir si les erreurs ne sont pas réparées, comme l'avait prédit la vieille femme à la princesse.

 

Tel un volcan invisible prêt à exploser, le malheur et la destruction sont en ébullition dans le cœur de deux êtres unis par l'amour.

 

 

Deux personnes discutent ensemble, l'une acceptant les mots prononcés par le seul homme qui lui a toujours été fidèle, l'autre regrettant que la sympathie qu'il lui porte soit bloquée par leurs rangs hiérarchiques différents. Ensemble, ils entreprennent de sauver un innocent qui risque de pâtir pour les crimes commis par le passé. Lorsqu'ils arrivent aux portes du palais, le galop d'un cheval parvient à leurs oreilles, attirant leurs regards sur la monture et son cavalier qui quittent l'enceinte.

 

 _ Gabrielle! S'égosille la guerrière.

 

Quand elle voit que sa compagne ne s'arrête pas, ne détourne même pas la tête, Xena veut la suivre, la rattraper, seulement une poigne de fer sur son avant-bras la retient.

 

 _ Laissez-la. Elle a besoin de se calmer.

 

Face à l'incertitude de sa souveraine, il se sent contraint de rajouter le fond de sa pensée.

 

 _ La princesse reviendra d'elle-même.

 _ Rassemble les hommes. Ordonne t-elle sur un ton froid.

 

Légendrios lâche le bras et part exécuter les ordres.

 

 

Pendant que la peur envahit les soldats réunis au centre de la cour principale, promis à de terribles souffrances s'ils mentent, dans la ville les badauds qui se trouvent dans les rues, sont étonnés de voir leur princesse. Ce qui les surprend le plus, c'est le fait qu'elle passe à toute allure, les cheveux au vent et éperonnant son cheval comme si elle avait Hadès en personne à ses trousses.

 

La conteuse a parfaitement reconnu la voix de sa compagne en quittant sa demeure, ce qui n'a fait qu'augmenter sa colère.

 

Sa course folle à travers Athènes ne l'aide en rien. Ses mains sont si serrées sur les rênes de sa monture que ses doigts en blanchissent. C'est dans un nuage de poussière que la conteuse stoppe son cheval devant une masure modeste, descend rapidement et attache les rênes autour du pilier sur lequel repose le toit.

S'approchant de l'entrée, après un moment d'hésitation elle frappe.

La propriétaire des lieux ouvre assez rapidement.

 

 _ Je peux te parler? Questionne la princesse.

 

La vieille femme s'écarte laissant ainsi le passage libre à sa visiteuse.

 

 

 _ Assieds-toi Gabrielle. Propose Hélène en refermant la porte.

 

Quand elle a entendu frapper à une heure aussi matinale, elle s'est étonnée. Puis lorsque la vue de son amie s'est offerte à ses yeux, le visage rivé dans un mélange de colère et de peine, l'inquiétude s'est emparée d'elle.

 

Craignant la confession qui va certainement suivre, Hélène va s'asseoir à la table où son amie est appuyée.

 

 _ Gabrielle. Assieds-toi.

 _ Mikos a été enlevé. Fait la jeune femme en s'asseyant.

 

Effarée, Hélène ne sait quoi répondre. Une sensation étrange lui brise les entrailles et inconsciemment, elle joint les mains comme pour prier.

 

La blonde lève les yeux vers sa vielle amie, et tout ce qu'elle y voit c'est de la peine, de la surprise et de la compassion Regarder ces traits usés par le temps se tirer encore plus, c'est comme un baume apaisant sur la fureur qui couve en elle.

 

 _ Ce matin quand la nurse a pris son service, mon fils avait disparu. Xena et moi, nous sommes allées voir en espérant que c'était une blague, mais...

 

Sur la fin de sa phrase, les larmes retenues coulent enfin, emportant avec elles la peur que Gabrielle a reniée jusqu'à maintenant.

 

La vieille femme, ne sachant toujours pas quoi dire, se lève en apercevant la souffrance sur le visage familier. Puis avec toute la douceur que lui permet son expérience, elle prend sa jeune amie dans ses bras. Cette dernière laisse libre cours au soulagement qu'elle ressent malgré ses sanglots.

 

La princesse est submergée par une vague d'émotions telle un raz-de-marée qu'elle ne peut contenir. La main douce qui lui caresse le dos lui offre un minimum de réconfort, tout comme l'épaule qui lui sert de reposoir.

 

 _ Gabrielle, c'est terrible.

 

Le silence qui règne dans la demeure est juste brisé par les plaintes de la jeune femme pendant un long moment.

 

Lorsque les sanglots s'estompent, Hélène, rongée par l'effroi et la curiosité, lâche sa jeune amie et soulève son menton afin d'apercevoir ses yeux rougis par les pleurs.

 

 _ Tu as une idée de qui a pu faire ça? Questionne-t-elle à voix basse.

 _ Xena a beaucoup d'ennemis.

 _ Et elle fait quoi?

 _ Quand je suis partie, rien. Soupire la blonde en se frottant les yeux.

 _ Je suis sûre qu'elle va tout mettre en œuvre pour le retrouver.

 _ Elle s'en contrefiche.

 _ C'est faux! Je l'ai vue avec ton enfant, elle l'aime comme si c'était le sien. S'insurge la vieille femme en posant une main sur l'épaule de la conteuse.

 _ Ah oui? Alors pourquoi elle n'est pas...

 _ Gabrielle, arrête de délirer, s'il te plaît. Ne dis pas des choses que tu pourrais regretter. Xena fera tout ce qui est possible pour...

 _ De toute manière tout est de sa faute. Crie la femme aux yeux pers en frappant sur la table.

 

Elle est choquée par cette affirmation. Voir sa jeune amie qu'elle a toujours considérée comme sa fille ainsi, lui brise le cœur. Hélène se souvient du visage radieux de la jeune femme lors de son mariage, le sourire qui naissait sur ses lèvres dès que la Conquérante arrivait, le bonheur qui se dégageait d'elle. Et là, c'est totalement l'opposé, l'enfant venu de Potédaïa pour devenir barde n'existe plus. Elle est devenue une femme, une conteuse et une princesse. Elle a connu la joie, le bonheur et aussi la colère et la douleur.

 

Hélène se demande pourquoi cette âme si pure doit souffrir à chaque fois qu'elle est heureuse. Pourquoi le destin s'acharne sur cette personne qui n'est que bonté.

 

 _ Tu devrai aller voir Xena.

 _ Non. Je n'ai pas envie de lui parler, pas maintenant. Sanglote la princesse.

 _ Très bien. Je vais préparer du thé.

 

La boisson n'est qu'un prétexte pour ne plus regarder la forme secouée de pleurs qui lui font très mal. La femme aux mèches grises désire soulager sa compagne, mais ignore comment s'y prendre, ce qui augmente encore sa peine.

 

La jeune conteuse ne prête plus attention a ce qui l'entour un murmure prononcée par une inconnue, alors qu'elle a failli la tuer lui reviens.

'' Ce soir quelqu'un tentera d'enlever ton fils, si cela ce produit ça provoquera la destruction du monde.''

 

 

 

 

Chapitre 5:

 

 

Le temps passe inexorablement. La panique envahit Athènes tandis que la nouvelle de l'enlèvement se répand comme une traînée de poudre.

 

Certains sont surpris, d'autres effrayés. Tous redoutent ce qui risque d'arriver si l'héritier au trône de la Conquérante n'est pas retrouvé. Les murmures et les suppositions vont bon train. Des rumeurs disent qu'un ennemi de la Destructrice des Nations a réussi cet acte invraisemblable, que ce sont les dieux qui ont repris le cadeau qu'ils avaient fait à la souveraine car elle ne le mérite pas, ou encore que c'est la Conquérante elle-même qui s'est débarrassée du petit être dans un moment de folie.

 

Dans les esprits, l'agitation est forte, entre ceux qui désirent voir ou entendre quelque chose afin de pouvoir réclamer la récompense promise pour tout renseignement et ceux qui accusent leur voisin.

 

A l'intérieur des murs immenses qui entourent le palais, le tumulte règne aussi. Les hommes sont terrifiés à l'idée d'être torturés parce qu'ils n'ont rien vu, les domestiques craignent de passer pour des traîtres.

 

Dans la salle du trône, l'incertitude est dominée par la colère et l'angoisse.

 

 _ Ce n'est pas vrai! Hurle Xena en envoyant son verre se fracasser contre un mur à l'autre bout de la pièce.

 _ Majesté, c'est pourtant exact. Aucun de vos hommes n'a vu ni entendu quoi que ce soit, personne ne rôdait aux alentours, pas de bruit suspect.

 _ Ces lâches dormaient et n'osent pas le dire.

 _ Non, j'ai fait des rondes toute la nuit, je suis convaincu qu'ils sont tous resté éveillés. Promet le lieutenant.

 _ Et si quelqu'un aurait trouvé le passage secret?

 _ Je ne pense pas. J'ai été vérifier, il n'a pas été utilisé depuis des années.

 _ C'est insensé! S'exclame la brune en s'approchant de la fenêtre.

 _ L'ennui c'est que l'on ignore où chercher.

 

Dépitée de ne pas pouvoir agir, agacée de devoir attendre sans rien faire, elle regarde la lumière rose à l'horizon. Une autre chose préoccupe son esprit incapable de réfléchir correctement, c'est le fait que Gabrielle n'est toujours pas revenue.

 

Toute la journée, la brune aux yeux azur a eu une boule dans la gorge que même l'alcool ne lui a pas enlevé. Des questions sans réponses tournent sans relâche dans sa tête. Qui? Pourquoi? Comment? Et bien sûr où est la princesse?

 

Xena s'est toujours fait un point d'honneur de protéger sa femme et son fils, hélas elle a échoué. De plus, son échec risque de lui faire perdre ce qu'elle a de plus précieux, les deux personnes qui comptent le plus à ses yeux.

 

 _ Majesté, il n'y a qu'une chose que vous pouvez faire dans l'immédiat. C'est parler à la princesse. Explique Légendrios dans l'espoir d'aider sa souveraine à régler déjà un problème.

 _ Comment? Je ne sais pas où elle est.

 _ Vous pourriez commencer par aller voir chez ses amies. Elle est peut-être allée se réfugier chez Hélène, ou Philomène. Ou... chez les Amazones.

 

La Conquérante fait volte-face, portant son regard sur son officier.

Pourquoi n'y a t-elle pas pensé? S'il y a une personne en qui Gabrielle a une confiance aveugle, c'est bien la vieille femme qui l'a toujours épaulée.

Xena s'approche de son lieutenant.

 

 _ S'il y a du nouveau...

 _ Je viens vous chercher tout de suite. Alors allez-y. Fait-il avec un sourire.

 

Légendrios regarde sa chef s'éloigner d'un pas rapide. L'espoir qu'il a vu dans l'océan bleu lui insuffle une nouvelle conviction. C'est qu'il doit tout mettre en œuvre pour que le havre de sérénité qui régissait Athènes revienne. Pour cela, il n'y a pas cinquante solutions, l'enfant doit être retrouvé et la princesse doit revenir. Cette dernière condition ne peut être remplie que par la Conquérante.

 

 _ Pourvu qu'elle puisse lui parler et qu'elle en trouve le courage. Se dit-il angoissé.

 

Déterminé à être productif, il décide d'aller voir si des informations ont été rapportées par des gens intéressés par la récompense.

 

Depuis ce matin un grand nombre de paysans est venu, accusant leurs voisins. Mais tout était faux, des menteurs attirés par l'argent promis.

 

Dans l'obscurité qui tombe sur la ville, la Conquérante arpente les rues sur le dos d'Argo, sa fidèle monture avec l'espoir que son officier a raison et que la princesse acceptera de lui parler.

 

Comment lui dire qu'elle a besoin d'elle? Lui faire comprendre que ce qui est arrivé la blesse aussi? Lui dire qu'il faut qu'elle reste à ses côtés?

Xena n'a jamais été douée pour exprimer ses sentiments. Même avouer son amour à la conteuse est une déclaration qui a eu lieu sans son accord.

Quelques mots prononcés involontairement ont changé sa vie, et maintenant, elle doit trouver les mots et le courage de les dire.

 

Anxieuse, elle stoppe son destrier à quelques pas de la monture de la princesse, toujours attaché au pilier de la maison. 

La brune met pied à terre, prend les rênes d'Argo et l'attache au même endroit. Puis doucement, elle s'approche de la porte, hésite un instant avant de frapper.

 

Le temps que met Hélène pour ouvrir lui paraît interminable. Quand la porte s'ouvre enfin, la raison de la guerrière perd pied, comme si elle était incapable de penser, face au visage ridé emprunt de tristesse. Xena ouvre la bouche mais aucun son n'en sort.

 

 _ Majesté. Entrez, je vous prie. Fait Hélène en libérant le passage.

 

La vieille femme se déplace, offrant au regard craintif l'objet de sa quête assis à la table, une tasse fumante entre les mains.

 

 _ Gabrielle. Souffle-t-elle en entrant.

 

Le cœur battant la chamade, la femme aux cheveux noirs avance vers la seule personne capable de la faire aller de l'avant. Sa volonté est décuplée, mais les mots qu'elle a tourné et retourné tout le long du chemin, se volatilisent.

 

Alors qu'elle tombe à genoux devant son âme sœur, cette dernière est partagée entre le bonheur de voir son épouse et la colère qui remonte en flèche.

 

Aucun des deux êtres aux sentiments différents, mais unis par leur douleur, ne remarque la propriétaire des lieux s'éclipser en silence. 

 

Une fois dehors, Hélène soupire et prie les dieux pour que sa jeune amie trouve le courage et la force de ravaler sa colère et accepte l'aide de la Conquérante, ainsi que de la soutenir.

Elle sait que Gabrielle a toujours cru que l'amour pouvait sauver le monde. Ses convictions n'ont jamais été ébranlées jusqu'à aujourd'hui. Elle espère que la jeune blonde croira suffisamment en la force de l'amour pour sauver leur couple.

 

 _ Qu'est-ce que tu veux? Questionne froidement la conteuse.

 _ Je... Je viens pour te ramener au palais. Répond la guerrière apeurée.

 _ Et si je ne veux pas te suivre, tu m'y traîneras de force?

 _ Non, bien sûr que non. C'est que...

 _ Que quoi? Tu ne veux pas que l'on sache que ta princesse est partie? Tu as peur que l'on apprenne pourquoi je suis partie? Tu es venue parce que tu as retrouvé Mikos?

 

La dernière question est posée avec une voix tremblante, une crainte évidente est palpable dans le ton.

 

 _ Non, mais les hommes cherchent des indices et j'ai offert une forte récompense à quiconque aura des informations.

 

La blonde ne sait pas quoi répondre, l'océan azur d'habitude si dur est, à cet instant, rempli de peur et d'espoir en même temps. La Destructrice des Nations est là, à genoux devant elle, le regard plein d'un sentiment puissant d'espérance, alors Gabrielle ne sait plus quoi penser.

Il est certain que sa compagne souffre, pourtant elle n'est pas sûre de vouloir la soulager. Des larmes picotent les yeux de la conteuse et elle tourne la tête afin de les cacher.

 

 _ S'il te plaît, rentre avec moi.

 _ Pourquoi?

 _ Parce que... Parce que j'ai besoin de toi. Murmure la brune.

 _ La Conquérante vient supplier aux pieds d'une vulgaire paysanne. Qui me croira? Ironise-t-elle.

 _ Gabrielle...

 _ Mon fils a été enlevé et toi tu viens geindre! Je ne rentre pas. Parce que tout ça c'est de ta faute. C'est toi qui t'es fait des ennemis, toi qui est détestée. C'est pour te faire du mal que mon fils a été kidnappé. Tout est de ta faute. Crie la conteuse en se levant.

 

Que répondre à une vérité aussi flagrante. La jeune femme a raison, Xena le sait bien, mais elle se voile la face. La claque qu'elle vient de recevoir brise encore plus son cœur déjà trop lourd. Tout ce que la guerrière peut faire pour l'instant, c'est d'accepter ces propos douloureux. Brusquement, le plancher a plus d'intérêt que la personne furibonde qui s'éloigne de la table.

 

 _ Je te donne ma parole que je le retrouverai.

 _ S'il lui arrive quoi que ce soit, je ne te le pardonnerais jamais.

 

La menace plane dans l'atmosphère saturée de la pièce comme une épée de Damoclès entre les deux personnages de cette scène sans spectateurs.

Ce silence pesant est rompu par la brune, qui en se relevant fait craquer sa nuque.

 

 _ Tu reviendras? Demande-t-elle.

 _ Je l'ignore.

 

Déçue, la grande femme aux cheveux couleur corbeau, quitte la demeure en lançant un dernier regard sur son âme sœur qui lui tourne le dos. Ce qu'elle ne sait pas, c'est que Gabrielle cache ses larmes, tiraillée entre la colère et l'envie de se blottir dans les bras puissants qui l'ont toujours protégé et réconforté. Néanmoins, elle ne se retournera point, la rage étant la plus forte.

 

Un bruit de loquet retentit et Hélène se retourne pour voir la grande souveraine, habituellement si fière, voûtée sous le poids de sa détresse.

L'aura de puissance qui se dégageait d'elle a disparu, laissant à la place une expression de solitude intense.

La vieille femme est triste de voir ce qu'elle n'aurait jamais cru possible. La Destructrice des Nations est en position de faiblesse.

 

Quand la guerrière passe à côté d'elle pour rejoindre sa monture, Hélène prend son courage à deux mains et stoppe la femme en l'a hélant.

 

 _ Majesté. Laissez-lui le temps de se calmer. Elle vous reviendra.

 _ Prends soin d'elle.

 

Avec cette recommandation pleine de crainte, Xena remonte sur son cheval et s'éloigne au galop.

 

Lorsqu'elle a vu la compassion sur le visage ridé par le temps, une certitude s'est emparée d'elle. Celle que Gabrielle est en sécurité chez son amie.

Le seul soulagement à ses yeux, c'est au moins de savoir où se trouve son épouse.

 

Combien de temps devra attendre Xena pour obtenir le soutien de sa femme? Que faut-il faire pour retrouver Mikos? Ces questions lui trottent dans la tête.

Seule, perdue, c'est ainsi rentre pour aller se coucher dans un lit trop grand, vide et froid.

 

Dans deux lieux différents, si proches et pourtant si éloignés, deux êtres qui ont été réunis par la force de leurs sentiments, laissent libre cours à leur peine, seules dans le silence de la nuit. Chacune des deux femmes éprouve la même chose, leur pensées sont tournées vers le même innocent qui subit les foudres d'un individu qui cherche quoi au juste? Pouvoir, gloire, vengeance? Ni la Conquérante, ni Gabrielle ne le savent, mais toutes les deux sont persuadées que c'est entièrement la faute de la brune.

 

Les murmures se propagent, les esprits sont prisonniers de la crainte, envahis de suspicion. Pourtant, les seuls témoins de la rage, la peur et la douleur qui font saigner ces deux âmes, sont les ténèbres de la nuit qui cachent leurs larmes dans leur noirceur.

 

Loin de là, loin des regards humains, sur le mont Olympe, un conflit a lieu.

 

 _ Tu n'as pas le droit de faire ça! J'ai fait de cet enfant conçu d'un viol le leur, le fruit de leur amour, il est une partie de chacune d'elles, tu sais ce qui va ce passer? Fulmine la déesse de l'amour.

 _ Chère petite sœur, je fais ce que je veux, ce n'est pas à toi de me dicter ce que je dois ou ne dois pas faire.

 _ En prenant leur fils, tu détruis leur relation. Tu n'as pas le droit.

 _ Pourquoi. Parce que tu as sauvé Xena en dissimulant son corps? Parce que leur amour est si puissant qu'il est digne de ta grandeur? Ma guerrière préférée est devenue un guimauve à cause de toi et je n'ai pas fait un esclandre. S'énerve le dieu de la guerre.

 _ Ça suffit! Crie une voix féminine.

 _ Artémis, tu tombes bien. Dit à ta copine de s'occuper de ses oignons. Rétorque le dieu de la guerre en s'éloignant.

 _ Arès, reste ici!

 _ Tu vas t'y mettre aussi?

 _ Gabrielle est devenue une princesse Amazone, désormais elle est sous ma protection. Tu lui rends son enfant ou tu auras affaire à moi. Je suis bien claire?

 

Face aux deux déesses au comble de l'énervement, Arès décide de se rétracter, il est capable d'affronter des armées, des monstres, mais pas sa famille.

Certain qu'il aura des problèmes si Zeus ou Héra s'en mêlent, il lève les mains en signe de reddition.

 

 _ D'accord, je pose un ultimatum à Xena et selon sa réponse, la petite blonde récupérera son fils. Ou peut-être pas.

 _ Tu...

 

Aphrodite ne finit pas sa phrase, son frère ayant déjà disparu.

 

 _ Il prépare un coup foireux. Siffle Artémis suspicieuse.

 _ Oui. Il faut agir. S'inquiète la déesse de l'amour.

 _ Bien, j'ai fait tout ce qui était en mon pouvoir.

 _ Comment ça? Qu'as-tu fait?

 _ J'ai prévenu Gabrielle de ce qui risquait d'arriver. Seulement, je pensais qu'il enverrait quelqu'un faire le travail à sa place comme il l'a toujours fait. Je ne croyais pas qu'il le ferai lui-même.

 _ Tu savais ce qu'il comptait en faire? Questionne Aphrodite.

 _ Oui, je l'ai entendu parler tout seul. Il observait la Conquérante jouer avec l'enfant. Se croyant seul, il disait à haute voix que... Qu'elle devait en profiter parce que bientôt il ne sera plus là. Explique la déesse de la chasse.

 _ Et tu n'as rien fait! S'irrite l'autre.

 _ Je t'ai dit que j'ai prévenu Gabrielle.

 _ Je ne sais pas ce qu'il mijote, mais j'espère que Xena prendra la bonne décision. Geint la blonde vêtue de rose.

 _ Moi aussi.

 

 

 

Depuis la veille, l'angoisse et le doute planent comme des nuages annonçant une violente tempête, qui grossit et s'étend et dont l'épicentre se situe juste au-dessus de la résidence princière, dans laquelle l'agitation ne s'est point calmée.

 

Tous les habitants courent de tout côté, doutant de leurs voisins et voient des traîtres même dans leurs amis. Chacun espionne son collègue, souhaitant être témoin d'un aveu afin de toucher la récompense promise.

 

Xena ne se rend pas compte de la cohue qui règne, profitant d'un peu de répit pour réfléchir.

 

Assise sur son trône, les coudes sur ses genoux et les mains cachant son visage, elle soupire. L'angoisse qui l'a envahie la veille, ne la quitte plus, au contraire elle prend de l'ampleur, lui coupant la faim et le sommeil.

Xena ne sait pas ce qui est pire, l'attente qui n'en finit pas ou les différentes possibilités, plus horribles les unes que les autres, qui traversent son esprit torturé.

Brusquement, une voix douce la ramène à la réalité. Un timbre doux qu'elle connaît et aime écouter, une volupté qu'elle craignait ne plus entendre.

 

 _ Des nouvelles?

 

Une question toute simple, mais qui fait bondir son cœur de joie et d'un soulagement partiel. La brune lève la tête pour croiser deux émeraudes brillantes, pleines de doute.

Lentement elle se redresse, tandis que son ange s'approche d'un pas feutré.

 

 _ Gabrielle! Je suis si heureuse de te revoir.

 _ Réponds-moi.

 _ Aucune. Murmure la guerrière en portant son regard sur le sol.

 

Doucement, la blonde relâche son souffle qu'elle ne s'était même pas rendu compte avoir retenu.

 

 _ Gabrielle, je te jure que j'ai tout mis en œuvre pour le retrouver. Tu as ma parole.

 _ C'est bon, je te crois. Fait la princesse.

 

Avec une boule au creux de l'estomac, son rythme cardiaque s'accélérant, la Conquérante s'approche, hésitante, de sa compagne. C'est la peur au ventre et craignant un refus, qu'elle lève les bras avec l'intention de serrer contre son corps musclé la personne qui lui a tellement manqué, la seule dont elle a besoin pour l'instant.

Ne constatant aucune réaction de la part de la jeune femme aux yeux pers, Xena continue son approche, retient son souffle, puis passe doucement ses mains sur les épaules cachées par la soie bleue de la robe. Tout en expirant l'air contenu dans ses poumons, fébrilement, la brune franchit l'espace qui la sépare de son épouse et la serre contre elle, le menton posé sur l'épaule apaisante.

Un bien-être immense pénètre chaque partie de son corps, des frissons lui parcourent la peau, la faisant trembler de bonheur.

 

Néanmoins, Gabrielle ne rend pas l'étreinte. Elle aussi éprouve un sentiment intense qui lui fait tourner la tête. Ses yeux verts disparaissent derrière ses paupières, tandis qu'un tremblement l'anime. Elle a retrouvé la place qui lui était prédestinée, celle où elle se sent bien et en sécurité, celle qu'elle n'aurait jamais du quitter.

 

Mais la blonde ne bouge pas d'un poil. Son cœur, son corps et son âme lui conseillent de rendre l'étreinte, mais son esprit lui rappelle que tout est de la faute de cette femme. La même qui l'a toujours soutenue, épaulée, protégée et qui, aujourd'hui est responsable de la douleur lancinante qui vrille sa poitrine.

 

Cet instant de bonheur, souvenir d'un passé récent, est interrompu par une main douce mais ferme, qui s'appuie sur l'abdomen puissant caché par le cuir.

Déçue, la guerrière lâche prise et recule pour croiser le regard de sa bien-aimée.

 

 _ Xena, je... J'ai besoin de temps. Chuchote-t-elle.

 _ Bien sûr, je comprends.

 

Gênée, la Conquérante cherche à occuper ses mains qui pendent le long de son corps, soit en tripotant ses habits ou en croisant les bras.

 

 _ Je vais prendre un bain. Annonce Gabrielle.

 _ Vas-y, je t'en prie.

 

La grande femme sourit à sa tentative d'humour qui n'a pas déridé sa compagne et qui se retourne en commençant à s'éloigner. Elle regarde son épouse quitter la salle du trône. Xena prend conscience que, maintenant plus que jamais, leur couple est sur un fil tranchant. La moindre erreur de sa part brisera tout ce qu'il y a entre elles. Xena va devoir peser chaque mot, jauger chaque acte pour éviter que son paradis, déjà entravé, ne finisse de voler en éclats. Son cœur ferait pareil, elle le sait.

Brusquement, la porte se referme derrière la princesse avec fracas. Le claquement résonne entre les murs comme dans le vide immense qui investit la brune.

 

Soudain une impression étrange lui hérisse la peau du dos, la même sensation qu'elle ressent lorsque son instinct la prévient d'un danger imminent l'anime. Suspicieuse, la Conquérante pivote sur elle-même, les sourcils froncés à la recherche de la chose ou de la personne qui provoque ce malaise.

 

Puis d'un coup dans son dos, une lumière apparaît avant de dévoiler un homme vêtu de cuir noir.

A une vitesse fulgurante, sans pour autant perdre sa grâce féline, la guerrière se retourne et fait face au dieu de la guerre.

Tous les muscles de son corps sont tendus comme un arc, prêts à réagir au premier signe d'agressivité.

 

 _ Qu'est-ce que tu veux? Siffle la guerrière entre ses dents serrées.

 _ Ce que j'ai perdu contre ce que toi tu as perdu. Ricane Arès sans perdre son assurance.

 _ Quoi?

 

Intriguée, un sourcil sombre remontant, Xena toujours sur la défensive, s'approche de l'homme.

 

 _ Tu veux ton héritier et moi je veux retrouver la Destructrice des Nations.

 

La brune croit comprendre de quoi il parle. Son cœur menace de sauter hors de sa poitrine, tant il bat fort. Elle relâche son souffle d'un seul coup.

Deux possibilités s'offrent à elle, l'une lui redonne l'espoir, l'autre réveille ses démons enfermés au plus profond d'elle et qui ne réclament que d'être libérés. Soit il peut l'aider à retrouver Mikos, soit c'est lui le responsable de ce crime. Dans l'expectative, la guerrière décide de l'écouter.

 

 _ Explique-toi. Grogne-t-elle.

 _ Bien. Je sais où est ton fils, je pourrais te le dire, mais tu n'as aucun moyen d'y aller. Seuls les dieux le peuvent. Sourit Arès.

 _ C'est toi qui l'a enlevé? S'exclame la Conquérante en ouvrant la porte à une rage folle.

 _ Tu ne peux pas me tuer, tu le sais, alors laisse-moi finir.

 

Xena sent sa rage bouillir, gonfler et l'envahir. Il lui faut un effort surhumain pour ne pas laisser l'implosion de fureur qui menace se produire.

Les poings serrés, comme ses mâchoires, sont prêts à frapper. Sa respiration saccadée ne permet aucun doute sur ses sentiments, ni son corps parcouru de tremblements.

 

 _ Quand tu es morte, puis ressuscitée, ça m'a affligé, je t'assure, tu as perdu une chose au Tartare, ou plutôt tu as perdu tout court.

 _ Viens-en au fait. Siffle-t-elle entre ses dents.

 _ Inconsciemment, tu as gardé le souvenir des souffrances, de la terreur et des monstruosités que ton âme a vues là-bas. C'était pire que tout ce que tu as ou aurais pu faire. Je suis sûr que ça t'a même fait mal. Je me trompe?

 _ Arès! Fait-elle de plus en plus énervée.

 _ La violence dont ton âme a été le témoin a subjugué tes démons. Je te les rends, tu redeviens ma princesse guerrière et je te rends ton héritier.

 _ Tu te moques de moi! Crie la brune exaspérée.

 _ Je veux que tu redeviennes celle que tu étais avant, celle dont j'étais le plus fier. Je veux retrouver la Destructrice des Nations, cruelle, sans pitié, crainte par tous et qui ferait n'importe quoi pour arriver à ses fins.

 

Sur cette explication, il s'approche de son interlocutrice, lui tournant autour souriant, triomphant. Il est certain que la Conquérante qui se tient face à lui, ne laissera pas mourir un innocent, surtout pas celui-là.

 

 _ Et si je refuse? Questionne-t-elle sur la défensive.

 _ Je me chargerai moi-même de l'emmener au Tartare, il y mourra corps et âme. Rétorque-t-il d'un air suffisant en diffusant une lumière douce au-dessus de la tête brune.

 

Cette menace éclate comme une bombe. Toute la noirceur froide et dévorante qui crispait son être se volatilise, remplacée par un sentiment intense qui lui fait mal. Tous ses muscles se détendent dans l'immédiat tandis que les mots trouvent leur écho dans le cerveau de la guerrière.

Seul un murmure parvient à passer la barrière de ses lèvres.

 

 _ Non.

 _ Tu es pâle, ça ne va pas?

 

Un bourdonnement naît aux oreilles incrédules de Xena qui ne réagit pas à la phrase prononcée avec ironie.

 

 _ Je te laisse un jour pour y réfléchir. Demain matin je veux ta réponse.

 

Puis, savourant l'effet produit, le dieu disparaît avec un regard pervers sur le corps musclé.

 

Xena n'arrive plus à se concentrer, elle peine à penser et respirer lui brûle les poumons. Désabusée, elle se laisse tomber à genoux. Des images sanglantes de torture au milieu d'un paysage lugubre et ténébreux lui parviennent. Des souvenirs d'horreur d'un autre monde, d'une autre réalité, des flash-back courts d'une autre vie, de son passage au Tartare. Un endroit où, sans s'en souvenir jusqu'à maintenant, la guerrière a connu une souffrance inhumaine sans aucune issue, où ses yeux ont vu des crimes qu'elle n'aurait jamais imaginés, des cris qui brisent une âme.

 

Xena est toujours à genoux, tétanisée par des images irréelles. Elle tente de faire cesser ces hurlements en se bouchant les oreilles, seulement, ce geste ne sert à rien puisque tout est dans sa tête.

 

Pendant que cette discussion a lieu, traumatisant la Conquérante, la princesse se prélassait dans un bain chaud. En temps normal, elle aurait apprécié ce moment de détente, mais là ce n'était pas le cas. Son esprit est trop préoccupé par les évènements des deux derniers jours.

 

L'eau fumante ne détend point les nœuds qui font souffrir tous ses muscles.

Soudain, sa respiration se bloque, son rythme cardiaque s'accélère et elle se redresse dans l'eau. Ceci n'a duré que quelques secondes, mais malgré ça, la blonde est certaine que ce n'était pas un simple malaise. La douleur violente ressentie dans sa poitrine ainsi que le mal-être qui l'habite a un rapport avec son épouse.

 

Le souffle court, surprise, la jeune femme aux yeux pers saute hors de l'eau, couvre son corps d'un peignoir vert et sort dans le couloir en courant.

 

Sa course cumulée avec sa respiration forte augmente la douleur lancinante dans son thorax, ses poumons sont en feu, néanmoins elle continue d'avancer. La peur qui lui dévore les entrailles et la crainte qu'il soit arrivé malheur à Xena sont plus fort que sa volonté. La conteuse se dirige vers la salle du trône, une force inconnue l'y pousse.

 

Arrivée à l'entrée, les deux gardes sont surpris de la voir haleter ainsi. Peu vêtue, mouillée et surtout effrayée. Indécis de ce qu'ils doivent faire, aucun des deux ne bouge.

 

Sans leur porter la moindre attention, la princesse entre dans la pièce avec fracas. Là, devant elle dans un mouvement de va-et-vient, prostrée, Xena est toujours à genoux les paupières serrées et les mains sur les oreilles.

Dès que la barde aperçoit sa compagne ainsi, son cœur explose. Son esprit lui dit que ceci n'est pas possible, hélas ce n'est que la vérité. Effarée, elle se jette à genoux à quelques centimètres de la femme aux cheveux de jais et pose les mains sur ses poignets.

 

 _ Xena! Réponds-moi! S'écrie-t-elle.

 

Le manque de réaction de sa compagne qui se bouche les oreilles, ses traits anguleux fermés dans une douleur évidente, ne fait qu'accroître la panique de la blonde.

 

 _ Xena! S'affole la conteuse.

 _ Majesté. Fait une voix masculine craintive.

 

Gabrielle relève la tête pour voir les deux guerriers à quelques mètres.

 

 _ Mais qu'est-ce que vous attendez! Allez chercher le guérisseur. Leur crie-t-elle.

 

Paniqués, ils repartent en courant exécuter l'ordre.

La blonde reporte son attention sur sa femme, essayant en vain d'éloigner les mains de sa tête.

 

 _ Xena, regarde-moi. Qu'est-ce qui t'arrive? S'égosille-t-elle.

 

Ne recevant toujours aucune réponse, comme si elle était invisible, la jeune femme se penche, pose son front sur celui de la blessée, passe une main dans les mèches noires et l'autre sur l'épaule musclée. Des larmes coulent de ses yeux verts.

 

 _ Xena j'ai peur. Reviens-moi. Murmure-t-elle.

 

 

Dans l'esprit rongé par les ténèbres de la brune, les images noires qui défilent à une vitesse que nul être humain ne pourrait supporter sans devenir fou, une lumière couleur émeraude apparaît, d'abord floue, après toute claire. Un visage rempli de douceur, synonyme d'amour et de bonheur malgré la tristesse qu'il affiche.

Cette seule vision semble capable éloigner la terreur.

 

Tendrement, une voix douce se fait entendre, un souhait sincère venu d'un cœur pur, la réclamation d'un retour. Une phrase simple qui donne le courage à la guerrière d'ouvrir les yeux.

Lorsqu'elle les ouvre, la vision se transforme et devient réelle, mais aussi plus proche et plus triste. Les vilenies continuent à défiler, moins vite, moins présentes, comme sublimées par la vue des traits fins à quelques centimètres de son visage.

 

La brune lâche sa tête, toute tremblante et passe ses bras autour de la taille mince de sa femme, la serrant contre elle aussi fort qu'elle peut et cachant son visage dans le creux de la gorge chaude.

 

Ce mouvement soudain sort Gabrielle de sa torpeur. Elle ouvre les yeux quand elle sent des bras puissants s'enrouler autour d'elle, ce qui la fait se rapprocher de la chaleur émanant de sa compagne. Une chaleur trop forte, une fièvre qui se dégage de tout le corps tendu. Heureuse de voir une réaction, la conteuse enlace cet être grelottant et lui caresse doucement les cheveux dans un geste qui se veut réconfortant.

L'étreinte lui fait mal, pourtant la jeune femme ne dit rien, mais murmure des mots tendres à son oreille afin de la calmer comme le ferait une mère à son enfant.

 

Dans l'incompréhension totale, tout ce que peut faire la conteuse, c'est tenter d'apaiser cette âme en peine.

Étrangement, son cœur saigne, lui aussi, comme si elle ressentait le même mal qui ronge sa compagne, tout en ignorant la cause.

Une boule se forme dans sa gorge en l'empêchant de déglutir, sa poitrine est écrasée par un poids invisible.

 

Ce sont des pas pressés dans le couloir attirent son regard vers l'ouverture de la pièce. Les deux gardes reviennent, après une durée qui a semblé une éternité, avec le guérisseur. Les trois quidams s'approchent, le plus vieux s'agenouille aux côtés des deux femmes prostrées et enlacées.

 

 _ Majesté. Qu'est-ce qui vous arrive? Demande-t-il effaré.

 _ Je ne sais pas. Je l'ai trouvée ainsi, comme en transe. Elle ne réagit plus, comme si elle souffrait intensément. L'informe Gabrielle.

 

L'homme pose une main dans le dos tremblant. Ce geste ne fait que raffermir la prise de Xena sur le petit corps, comme si sa vie en dépendait.

Surprise, la conteuse regarde les mèches noires, toute apeurée.

 

 _ Je ne peux rien faire.

 _ Si! Tu le peux. Supplie-t-elle larmoyante.

 _ Majesté, il faut d'abord qu'elle vous lâche. Rétorque t-il tristement.

 

Les larmes aux yeux, la princesse pose une main sur l'épaule de sa compagne.

 

 _ Xena. Xena regarde-moi. S'il te plaît. Quémande-t-elle d'une voix chevrotante.

 

L'étreinte qui la bloque se desserre légèrement. Gabrielle chuchote à l'oreille de la brune.

 

 _ Mon amour, ouvre les yeux et regarde-moi. Je t'en prie.

 

Cette voix si douce parvient à la brune comme une prière. Elle est convaincue que cet écho est le seul chemin qui la mènera hors de ce cauchemar, qui la conduira vers l'unique personne pouvant la sauver. Bizarrement,la femme aux yeux azur décide d'affronter les ténèbres, pour en sortir et retrouver son ange de douceur dont la voix est remplie de douleur et de peur.

Son âme sœur souffre, elle doit la soulager.

 

Lentement, la guerrière ouvre les yeux et respire l'odeur agréable qui émane de sa compagne. Derrière les flammes brûlantes de son regard, une image indistincte lui apparaît, celle d'un lieu qu'elle connaît bien.

 

La brune se dégage un peu, mais reste à une distance suffisante pour garder le contact avec la taille fine de la femme agenouillée, enfin elle porte son regard sur les deux émeraudes pers.

 

La princesse remarque l'éclat azur devenu terne, empli de crainte, de souffrance muette, mais aussi d'espoir, pareil à un appel au secours silencieux.

La terreur visible sur le visage anguleux lui déchire le cœur, tranche son esprit tel un coup de poignard. Sa main quitte l'épaule pour rejoindre la joue tendue.

 

 _ Mon dieu Xena, qu'est-ce qui t'arrive? Chuchote-t-elle.

 _ Gabrielle...

 

Ce prénom murmuré par des lèvres tremblantes blesse la conteuse qui voudrait l'aider, sans savoir comment. Elle est hypnotisée par le regard bleu, à tel point qu'elle ne se rend pas compte que le vieillard fouille dans sa sacoche et s'affaire à réaliser une décoction à base de plantes.

 

 _ Toi, apporte-moi de l'eau.

 

Sitôt l'ordre du guérisseur prononcé, un des soldats présents s'en va vers une petite table près des fenêtres, sachant que des boissons y sont constamment posés pour assouvir les désirs des souveraines.

 

Après avoir reniflé plusieurs récipients, il trouve ce qu'il cherchait et l'apporte au médecin qui prend immédiatement la cruche remplie d'eau.

 

 _ Qu'est-ce que tu fais? Demande la conteuse avec un regard rapide vers la potion.

 _ Un somnifère. Elle est en état de transe, c'est tout ce qui est en ma possibilité pour la calmer.

 

La conteuse s'aperçoit que sa compagne s'apprête à re sombrer dans la démence qui la hante.

 

 _ Non. Reste avec moi, regarde-moi.

 

Xena regarde à nouveau les traits fins et tendus. Cette voix douce est le seul son qui parvient à transpercer les hurlements qui résonnent dans sa tête. La seule chose qui la relie à la réalité. Tout est flou, sauf ce visage compatissant qui l'empêche de couler.

 

 _ Majesté, faites-lui boire ceci.

 

Gabrielle prend le verre, pose une main sur la nuque cachée par les mèches noires afin de la retenir.

 

 _ Xena, tu m'écoutes? Il faut que tu avales ça. Tu iras mieux après.

 

La princesse porte le gobelet aux lèvres de la Conquérante et verse doucement le liquide, dont une partie s'écoule le long du menton.

S'étant exécutée, la blonde pose le verre vide au sol, puis essuie du pouce une larme.

 

 _ Cela va faire effet très vite. Explique le vieil homme.

 

Dans l'esprit de la brune, les flammes cessent de foisonner, son monde tourne et disparaît petit à petit. Un voile velouté l'enveloppe, son corps se détend.

Elle se laisse tomber dans les bras de son épouse, inconsciente.

 

La blonde observe le corps se décontracter et s'affaler contre le sien. Effrayée, la jeune femme aux yeux pers regarde le guérisseur.

 

 _ Elle va dormir un bon moment.

 

La princesse dépose un baiser sur la tête appuyée sur son épaule tout en caressant le dos de la femme inerte. La peur et l'incompréhension lui broient les entrailles. Son désir, pour l'instant, c'est de saisir ce qui est arrivé. Seulement, la principale personne qui pourrait l'aider est plongée dans un sommeil profond.

 

Les bienfaits de l'inconscience font effet sur l'esprit de Xena depuis la veille qu'elle a ingurgité la décoction.

 

Toute la journée, ainsi que la nuit précédente, la princesse n'a plus fermé l'œil, veillant sa compagne endormie depuis qu'elle a été transportée dans leur chambre. Dans le silence qui règne, Gabrielle réfléchit, son monde est entrain de s'effondrer. Le paradis qu'elle a construit, la vie qu'elle cherchait et a trouvé en rencontrant Xena, le bonheur qu'elle a connu en apprenant à l'aimer, son enfant, tout éclate en morceaux, tout part dans les ténèbres.

Elle a obtenu tout ce qu'elle désirait et maintenant elle perd tout.

 

La brune quitte l'état de torpeur lentement, une chaleur douce et agréable réchauffe son visage, son corps entier est enveloppé d'un confort soyeux et chaud.

Un mouvement de va-et-vient se fait sentir sur le dos de sa main.

Malgré son envie de rester dans ce cocon de pur plaisir, Xena ouvre les yeux pour voir son ange préféré. Cette vision réchauffe encore plus son corps et son âme.

 

Gabrielle, assise sur le bord du lit, caresse machinalement, de son pouce, la peau hâlée, admirant les traits détendus et reposés.

Aussitôt, son angoisse disparaît, remplacée par la joie de voir les deux orbes couleur océan apparaître. Sans s'en rendre compte, elle sourit, puis retient son souffle, appréhendant la réaction que va avoir son épouse.

 

 _ Comment ça va ce matin? Tente-t-elle fébrilement.

 

En réponse à sa question, la femme aux cheveux de jais hoche la tête. Un timide sourire étire ses lèvres lorsqu'elle sent son cœur fondre quand la petite femme en face d'elle lâche un soupir dans un rire discret. Durant un court laps de temps, il lui a semblé retrouver la beauté juvénile qu'elle a rencontré il y a quelques années, avant qu'elle connaissait la haine.

 

Des souvenirs d'heureux moments passés lui reviennent en tête, rapportant avec eux ceux d'un présent bien différent. Celui-ci fait disparaître son sourire ainsi que celui de sa compagne.

 

 _ Qu'y a t-il? Demande la conteuse craintive.

 _ J'ai juste une sacrée migraine.

 _ Oh! Tu peux me raconter ce qui t'es arrivé. Tu étais tétanisée.

 _ C'est... Je ne sais pas. Des images d'horreur me sont parvenues, des cris de douleur, c'était vraiment réel, ça me faisait mal.

 _ Et ça venait d'où? Questionne la princesse suspicieuse.

 _ Je l'ignore. Ce qui est plus important, c'est que je sais où est Mikos.

 

Cette révélation s'avère être un choc brutal pour la blonde, une nouvelle à couper le souffle.

Haletante, elle n'arrive pas à émettre un mot.

 

 _ Arès l'a enlevé, ça explique pourquoi on n'a pas trouvé d'indices.

 _ C'est insensé! Réussit à dire Gabrielle.

 _ Il ne nous le rendra qu'à condition que j'accepte de redevenir celle que j'étais auparavant.

 _ La Destructrice des Nations?

 _ Oui, c'est ça. Tu as deviné.

 _ Alors accepte. Fait froidement la blonde.

 

Durant un instant, les deux femmes se fixent. L'une tente de réfléchir malgré sa migraine, l'autre observe, bien déterminée.

 

 _ Gabrielle, te rends-tu compte de ce que ça veut dire? Questionne-t-elle en fronçant les sourcils.

 _ Oui, je ne sais pas comment tu vas faire, mais tu vas réussir.

 _ Si j'accepte je ne serais plus celle que tu connais, je redeviendrais celle que tu as rencontrée.

 _ Tu serais prête à sacrifier un enfant pour ton royaume?

 _ Non bien sûr que non. C'est que ce n'est pas si simple.

 _ Alors accepte. Rétorque la princesse sèchement.

 

Avec une grimace, Xena se lève et se dirige vers la fenêtre.

 

 _ Si je retrouve mes démons, j'aurais à nouveau la rage qui me dévorait, c'est risqué. Il faut que j'imagine un autre moyen de sauver notre fils.

 _ Mon fils!

 

Le terme crié par la conteuse furibonde surprend la guerrière qui se retourne pour la voir fondre sur elle comme une furie.

Stupéfaite, elle se redresse, craignant un choc. Les flammes qui brûlent dans les yeux pers l'effraient, jamais Xena n'avait vu une telle colère chez sa femme.

 

 _ Tu vas redevenir la Destructrice des Nations pour sauver mon fils!

 

Que répondre à une femme qui protège sa descendance si ce n'est oui?

Incapable de parler, Xena hoche la tête lentement. Pour la première fois depuis qu'elles se sont rencontrées, la conteuse lui fait peur. Jamais elle n'aurait, ne serait-ce qu'imaginé, cru voir les traits fins se fermer, les deux opales brûler d'une telle intensité. Jamais la brune n'aurait cru voir cette aura sombre et malsaine émaner de la seule personne encore apte à croire en la paix dans le monde.

Elle a l'impression qu'un serpent rampe à l'intérieur de son être sournoisement, s'enroule autour de son cœur déjà trop lourd et serre encore et encore.

 

La guerrière n'a qu'une envie, c'est la prendre dans ses bras, offrir à la barde le réconfort dont elle a besoin. A moins que ce soit celui que sa propre âme réclame?

 

Avant même que la femme aux yeux azur ne puisse tenter de le découvrir, sa compagne fait volte-face et quitte la pièce en claquant la porte.

 

Xena a du mal à réfléchir, le martèlement dans sa tête ne lui aide nullement. Elle a la conviction que tout est perdu. Pour sauver son héritier, elle doit redevenir un monstre, si elle refuse son épouse ne le lui pardonnera jamais. Gabrielle n'est plus l'ange de douceur qui a libéré son cœur de la prison de glace dans laquelle il était enfermé. Tout son monde de bonheur s'effondre.

 

Une seule certitude la hante, celle que les dieux sont cruels. Ils lui ont fait miroiter le paradis en mettant sur sa route la jeune conteuse, ils lui ont donné un héritier, créant ainsi une vie parfaite remplie de joie pour tout lui reprendre. Une pensée qui avait disparue ressurgit brutalement. Elle n'a aucun droit au bonheur.

 

Xena va s'asseoir au bord du lit, cachant son visage de ses mains.

Ce que la brune ignore, c'est qu'elle n'est pas la seule à être perdue, sa compagne l'est aussi.

 

La conteuse arpente le couloir d'un pas rapide, les flammes qui dévorent ses entrailles ne demandent qu'à être libérées. Frapper, hurler relâcher la tension qui réside dans tous les nerfs qui parcourent son corps.

 

La jeune princesse pensait vraiment que l'enlèvement était dû à la Conquérante. Qu'un de ses ennemis avait commis ce crime pour se venger d'elle, mais pas que ce serait le dieu de la guerre lui-même qui s'en prendrait à son fils, juste pour récupérer sa plus cruelle guerrière.

 

La femme aux yeux émeraude ne sait pas contre qui sa rage est la plus forte. Xena pour ne point avoir pu empêcher que ça arrive et refusé de redevenir celle qu'elle était, Arès pour s'en prendre à un innocent qui n'a rien à voir dans cette histoire ou contre elle-même de diriger sa colère sur les autres, de ne pas trouver le courage d'avouer sa peine, de ne pas avoir songé un instant que cela pourrait advenir.

 

Elle a toujours voulu une autre vie que celle que ses parents lui offraient. Autre chose qu'une existence monotone avec un mari et des enfants. La jeune femme rêvait d'aventures, de trouver l'amour. Elle a eu les deux, obtenu ce qu'elle désirait et aujourd'hui elle perd tout en un claquement de doigts.

 

La barde se rappelle cette nuit calme où elle regardait les étoiles, la conversation avec sa sœur, son départ dans l'obscurité nocturne pour une autre vie.

Le choix qui se posait cette nuit-là revient à la charge comme une promesse de bonheur rompu. Accepter le mariage avec Perdicas ou fuir afin de devenir barde. Une vie terne et calme, sans souffrances ou un rêve réalisé, mais connaître la rage et la douleur.

Décidément non, il n'y a rien à regretter entre une existence dans laquelle elle aurait une impression de vide, de manque et une vie où elle se sent entière et accomplie.

 

Lorsqu'elle arrive aux lourdes portes qui mènent à l'enceinte, une présence familière s'offre à ses yeux. Rapidement, le lieutenant de la garde royale monte les marches. Quand il aperçoit la mine de la princesse, il s'arrête et se frappe la poitrine.

 

 _ Majesté.

 _ Viens! Ordonne la blonde sur un ton glacial.

 

Interloqué, il suit son chef par alliance à l'intérieur de l'édifice. S'étant éloignée assez loin pour que les gardes postés aux portes ne les entendent pas, Gabrielle se retourne, faisant face à l'officier qui ôte son casque. Il est surpris, car son visage a perdu toute trace de colère. Aurait-il eu une hallucination?

 

 _ Rappelle tous les hommes.

 _ Puis-je vous demander pourquoi? Questionne t-il indécis.

 _ Nous savons où se trouve mon fils.

 _ Majesté, dites-moi où, je vais le chercher et faire payer le...

 _ Non. Tu rappelles tes hommes, tu cesses les recherches, un point c'est tout.

 _ Mon devoir est de vous protéger, j'accompagnerai la Conquérante...

 _ Non. Crie la conteuse.

 _ Majesté...

 _ Je sais, écoute, tu ne peux rien faire cette fois. D'accord?

 

Sidéré, Légendrios s'obstine, mais la princesse lui coupe la parole avant qu'il n'ait le temps de dire quoi que ce soit.

La conteuse sait qu'il ne la lâchera pas tant qu'il ne saura pas tout. Alors autant lui raconter de suite.

 

 _ Arès a enlevé Mikos, il ne le ramènera qu'à l'unique condition qui Xena redevienne le monstre qu'elle était.

 _ Mais... C'est... C'est incroyable! Fait-il affolé.

 _ C'est pourtant la vérité. Elle va accepter et tout rentrera dans l'ordre. Explique-t-elle tristement.

 _ Princesse, vous vous rendez compte que plus rien ne sera pareil? Elle recommencera à tuer.

 _ Je sais, mais ça me permettra de retrouver mon fils.

 _ Je suis d'accord, pourtant pensez plus loin. Vous l'avez changée. Je l'ai connue avant votre arrivée, ses démons la rongeaient et la détruisaient, et voilà que ça recommencera.

 _ Xena les a combattu durant des lustres, elle continuera. Tu peux disposer.

 

Vexée de se faire faire la morale par un soldat à sa botte, Gabrielle s'éloigne.

 

Légendrios sent la crainte l'envahir en regardant partir la jeune femme.

 

 _ J'espère qu'elle y arrivera, pour vous trois. Se dit-il.

 

L'officier se détourne afin d'obéir aux ordres de la princesse. Comment et surtout pourquoi le dieu Arès aurait-il kidnappé leur enfant? Mais que ce soit Gabrielle ou sa souveraine, elles n'inventeraient pas une telle histoire.

Pourtant l'idée qu'un dieu puisse apparaître à un mortel lui semble assez saugrenue. Il y a du vrai dans ces dires sûrement, car depuis les années qu'il est au service de la Conquérante il a vu des choses étranges qui paraissaient impossible, comme l'arrivée de la jeune barde.

 

Quoi qu'il en soit, Légendrios doit obéir avec sa confiance placée en la Conquérante. Une petite voix en son for intérieur lui dit de se méfier.

Peu avant que César ne s'empare du trône, croyant Xena morte, il l'avait vu s'autodétruire. Se lasser de cette vie, se rider, pour rien au monde Légendrios voudrait revoir la brune dans cet état, pire encore, sombrer dans la déchéance.

 

Si cela arrive, qui sait si la princesse pourra l'aider?

 

 

L'après-midi du même jour, alors que les soldats cessent les recherches et rentrent au palais, La Conquérante calme et sereine s'apprête à disparaître.

Habillée de ses cuirs noirs, son épée et son chakram à la ceinture, elle entre dans la salle du trône d'un pas déterminé.

 

 _ Partez. Ordonne-t-elle aux deux gardes.

 _ Majesté...

 _ Dégagez et ne revenez pas sans mon autorisation. Fait-elle en haussant le ton.

 

Sans demander leur reste, ils se frappent la poitrine et s'exécutent apeurés. Avec violence, la guerrière ferme les lourdes portes derrière elle. Rapidement, la femme aux cheveux de jais avance au centre de la pièce.

 

 _ Arès! Crie-t-elle.

 

De son regard aussi clair que perçant, elle tourne sur elle-même à la recherche d'une apparition divine.

Rien.

 

 _ Arès! Montre-toi, je sais que tu es là! Hurle la guerrière.

 

Soudainement, un rire grave et moqueur résonne, juste avant que l'homme attendu n'apparaisse.

 

 _ Ton instinct est hors norme, c'est pour cela que tu es ma préférée.

 _ Non, c'est ta puanteur qui m'a indiquée ta présence. Crache-t-elle.

 _ Cessons les politesses. Est-ce que tu acceptes ma proposition? Demande le dieu vexé en s'approchant.

 _ A condition que tu me donnes ta parole de me rendre mon fils.

 _ Je te donne ma parole. Sourit-il.

 

Lentement, il fait le tour de la brune qui sent sa colère monter d'un cran.

Puis avec un sourire sadique, il passe une main sur le côté droit de sa victime, tend l'autre et là, une boule de flamme intense se matérialise. Réalité ou effet d'optique, elle n'en sait rien, mais ses yeux ne peuvent quitter les visages haineux que semble agiter la forme volubile. Xena est comme hypnotisée par la violence palpable qui en émane, si bien qu'elle ne voit pas Arès la contourner pour lui faire face.

 

 _ Regarde ta haine, ta souffrance, ce qui te rendait cruelle. Ce qui faisait de toi la femme que tu étais. Ce qui te permettait de vaincre même quand tout était perdu. Ce qui t'empêchait de sentir la fatigue et la douleur. Ce qui décuplait tes forces lors des batailles. Ce qui te donnait la volonté, le courage de conquérir. Le contraire de ta princesse que tu as oubliée au Tartare.

 

Devant l'objet condescendant, la guerrière a l'impression d'être attirée, comme si c'était une partie d'elle qui voulait reprendre sa place.

 

 _ Redeviens ma princesse! Crie le dieu en lançant la boule de feu dans l'abdomen de la reine, l'envoyant voler en arrière.

 

La brune n'a aucune envie d'éviter l'impact, elle reçoit la boule puissante qui l'enveloppe. Ses pieds quittent le sol et son corps est projeté en l'air avant de retomber violemment sur le sol.

 

Des flammes rouges l'entourent complètement, elle pénètrent par chaque pore de la peau hâlée, chaque muscle, chaque organe, diffusant une puissante chaleur et, bizarrement, jouissive.

Le souffle court, la Conquérante savoure la sensation qui paraît lui procurer force, détermination et courage.

 

Arès souriant, observe la femme qui se met à quatre pattes, l'aura disparaissant à l'intérieur du corps prostré.

 

Lentement, ses mèches noires s'écartent, révélant son visage toujours identique. Puis la femme se relève, se tient droite. Doucement elle ouvre les yeux.

Ses orbes bleu acier ne sont plus les mêmes qu'avant. Une froideur brillante, une fureur haineuse les habitent.

La Destructrice des Nations est de retour!

 

Devant le regard rageur, le dieu pervers ricane, ravi de revoir les ténèbres dans les yeux de glace. Fier de lui, de sa réussite et du tour joué à Xena, il s'approche de sa victime;

 

 _ Voilà la Xena que j'aime!

 _ N'oublie pas ta part du marché. Siffle-t-elle.

 

Des frissons lui parcourent le corps, tandis que ses démons reprennent possession des dernières parties de son être.

 

 

Pendant que la Conquérante récupère ce qui lui avait été ôté, Gabrielle est assise dans le petit jardin où elle, sa femme et son fils ont passé tant de temps ensemble. A savourer la chaleur du soleil ou admirer les diamants qui luisent dans l'obscurité soir après soir.

 

Elle ignore ce qui est entrain de se jouer dans sa demeure.

Soudain une sensation dérangeante l'envahit comme le présage d'un malheur.

Convaincue que cela est dû aux évènements des derniers jours, elle n'y prête pas attention.

 

Pourtant quelques instants plus tard, cette impression augmente lui donnant la chair de poule.

 

Le fait qu'elle ne l'a pas entendu approcher ne l'étonne pas. Sa compagne est réputée pour venir ou partir sans se faire remarquer.

Ce qui la trouble c'est la frayeur qu'elle vient de ressentir.

 

C'est avec le cœur battant la chamade qu'elle relève la tête, sans en comprendre la raison, elle se retourne pour tomber nez-à-nez avec son épouse.

 

Gabrielle baisse les yeux vers l'objet que la brune tient dans ses bras. Son cœur rate un battement en voyant la petite couverture blanche.

Indécise, craintive, la conteuse se lève et fait les trois pas qui la séparent de sa compagne. Puis avec douceur elle écarte le tissu pour dévoiler le visage enfantin de son fils. Un hoquet lui échappe.

 

De ses doigts agiles, la princesse écarte les pans de l'étoffe, dévoilant le petit visage. Les deux yeux bleus limpides si lumineux se tournent vers elle. Un sourire étire ses lèvres minuscules.

 

Gabrielle ne peut s'empêcher de verser des larmes de joie en prenant son enfant dans ses bras, le serrant très fort contre elle. Tendrement, la blonde pose sa joue sur la tête de son fils qui joue avec une mèche d'or et le berce avec douceur.

 

Le bonheur ressenti lui arrache un sourire de joie retrouvée. Ce bébé qu'elle craignait ne pas être capable d'aimer est tout pour elle.

Le soulagement qui la pénètre lui envoie des décharges électriques à travers tout le corps. Elle a envie de hurler sa joie au monde entier.

 

Sans s'en rendre compte réellement, la conteuse se rapproche légèrement de son épouse qui n'a pas bougé d'un pouce.

A ce moment, un malaise indéfinissable surgit, étrangement elle ressent une chaleur intense qui semble venir du corps musclé à proximité. La barde a l'habitude de sentir la chaleur corporelle de sa compagne, mais celle-ci est différente.

 

Gabrielle lève ses yeux remplis de larmes de bonheur vers les saphirs qu'elle connaît bien, cherchant la protection et l'amour qu'elle sait y trouver. Sauf que cette fois le regard bleu acier n'est plus le même.

Le sourire de la jeune femme blonde disparaît, il est remplacé par la déception.

 

Pendant ce court laps de temps, la princesse a eu la sensation d'avoir fait un bond dans le passé, d'être revenue à sa vie d'antan avant que les deux femmes se rencontrent.

 

Malgré le froid glacial, la rage qui bouillonne dans les yeux de la guerrière, Gabrielle sait qu'elle est toujours dans le présent. La preuve, c'est ce petit enfant dans ses bras, ainsi que la touche de douceur qui règne dans les iris de la grande femme.

 

Quand Xena a vu les larmes couler des deux émeraudes de la conteuse en prenant l'enfant, la puissance terrifiante dans ses veines s'est amoindrie.

 

La scène qui se déroule devant ses yeux la touche droit au cœur.

C'est la sensation d'être observée qui la ramène à la réalité.

Se retournant, elle croise le regard inquiet de son âme sœur.

Durant quelques secondes, la femme aux cheveux de jais se demande si retrouver son côté sombre est une bonne chose. La seule réponse que lui dicte son esprit est négative. La joie sur les traits fins de sa compagne, le bonheur de voir la mère et le fils à nouveau réunis valent largement la douleur provoquée par la volonté de devoir refouler ses démons.

 

Tout à coup elle se rappelle ce que lui a dit la conteuse. <Tout est de ta faute>. Un reproche réel et violent.

 

 _ Je suis désolée pour tout ça. Murmure la brune en se détournant.

 _ Attends! S'exclame la blonde en attrapant l'avant-bras musclé.

 

La guerrière s'arrête, non pour écouter ce que sa princesse va lui dire, mais par peur qu'en faisant un geste brusque pour se libérer, elle blesse la jeune blonde.

 

 _ Xena, je m'excuse, je n'aurais jamais dû te parler comme je l'ai fait.

 

La reine sait bien à quoi fait référence son amie, comme si leurs pensées étaient reliées.

Ce qui la surprend, c'est le manque de réaction de la guerrière.

 

 _ Xena, je m'excuse sincèrement.

 

Brusquement, la guerrière dégage son bras, se retourne, son regard devenu glacial et mou se rapproche du visage tendre de la barde.

 

 _ Pourquoi tu t'excuses? Il a failli mourir par ma faute. Tu devrais me détester. Crache-t-elle.

 _ Non! Non! Tu n'y es pour rien. J'ai dit ça sous le coup de l'énervement.

 _ Arès s'est servi de Mikos pour m'atteindre, tu avais raison, tout est de ma faute. Crie la guerrière furibonde.

 _ Tu sais au moins pourquoi! S'énerve la conteuse en rapprochant son visage fermé de son amie.

 _ Quoi?

 _ Pourquoi Mikos? Pourquoi pas moi?

 

Ce cri plein de rage sonne comme le glas. La Destructrice n'a pas songé une seconde à ça. Seulement, elle ne peut pas répondre, des pleurs se font entendre qui attirent l'attention des deux protagonistes.

 

En vitesse la princesse se détourne en berçant l'enfant en pleurs. Un doute s'empare d'elle, tant de questions se bousculent dans son cerveau.

Qu'est-ce qu'Arès lui a fait? Comment a t-elle pu changer aussi vite? Se ment-elle en prétendant que Xena n'est pas responsable? Tout ce qu'elle sait c'est que la façon dont elle vient de lui parler l'a blessée.

 

Lorsqu'elle avait conseillé à sa compagne d'accéder à la requête du dieu de la guerre, elle était certaine de pouvoir gérer la situation. Sauf qu'à cet instant la blonde n'en est plus si sûre.

 

La femme aux yeux azur n'est plus sûre de rien non plus. La rage qui ne demande qu'à s'exprimer est attisée par un autre sentiment, prélat d'un autre monde. La guerrière regarde le dos qu'elle a si souvent caressé en admirant sa propriétaire plongée dans les bras de Morphée.

Un souffle puissant la parcoure, celui du regret.

 

Son envie de prendre l'être aimé dans ses bras en demandant pardon est balayée comme une simple poussière.

 

Vexée qu'une personne a osé hausser le ton avec elle, dégoutée d'avoir eu l'intention de donner de l'affection, la grande femme fait volte-face et quitte le jardin.

 

Avant, cet endroit était leur exutoire, leur jardin d'Éden où régnaient tranquillité et amour, là où elles se réfugiaient lorsqu'elles avaient besoin de se retrouver ensemble, maintenant il n'a plus de raison d'exister.

 

Les deux amantes le savent, les moments de bonheur, les rires, les secrets qu'elles ont échangés ici font désormais parties du passé. Elles ne passeront plus de soirées à observer les astres scintillants qui déchirent le voile de la nuit. La Destructrice des Nations est revenue, la jeune conteuse douce et innocente n'existe plus.

Le pouvoir et un enfant, le mal et le bien, deux choses aussi opposées que le sont ces deux femmes dont leurs âmes n'en font qu'une, et qui pourtant ont fait voler en éclats la promesse d'une vie heureuse.

 

Les éléments eux-même semblent s'en rendre compte. Un vent violent se lève subitement, emportant dans son sillage les mèches d'or de la princesse qui, en regardant le ciel, peut voir s'amonceler des nuages noirs. Le soleil disparu, tout est devenu austère.

 

Gabrielle se retourne, elle est toute seule. Un frisson d'origine inconnue lui parcoure l'échine.

 

 _ On rentre, je crois qu'il va avoir un orage. Fait-elle à son fils en se mettant à avancer.

 

A l'intérieur du palais, tout est sombre et vide, la princesse prend peur sana en connaître la cause.

Elle repense à la scène qui vient d'avoir lieu. La conteuse regrette d'avoir accusé sa compagne injustement et en même temps, elle est déçue. Jamais Gabrielle n'aurait cru que Xena crierait sur elle. C'est pour cette raison qu'elle n'ira pas s'excuser.

 

 _ J'espère que tout s'arrangera. Dit-elle à voix basse.

 

Doucement la barde dépose un baiser sur la petite tête blottie contre sa poitrine.

 

Pendant qu'une mère veille sur son fils retrouvé, sa concubine arrive aux casernes où elle sait trouver la majeure partie de ses troupes qui viennent de rentrer.

 

Arrivée au lieu voulu, Xena créée la surprise en entrant avec fracas. Les hommes qui se reposaient sautent de leurs couches se mettant au garde-à-vous. D'autres qui jouaient au de la zara font de même.

 

La souveraine inspecte la grande pièce de son regard perçant, cherchant un retardataire qu'elle pourrait incendier. Objectif non atteint.

 

 _ Je veux vous voir tous armés dans la cour dans deux minutes. Crie-t-elle hargneuse.

 

Sitôt la Conquérante partie, les chuchotements commencent. Ce genre d'intrusion dans les quartiers des soldats, ne s'était plus produit depuis l'arrivée de la princesse.

Rapidement ils se préparent, en peu de temps, l'épée au poing, les hommes rejoignent le lieu que leur a indiqué leur chef.

Seule sur place Xena attend, le vent se lève, le ciel s'assombrit, de longues mèches noires flottent portées par le courant d'air invisible. Le feu brûlant qui coule dans ses veines a besoin de trouver une échappatoire.

 

 _ Attaquez! Hurle-t-elle en dégainant son arme.

 

Quelques uns n'hésitent pas et se jettent sur la brune. Ils n'ont pas l'occasion de la toucher. Xena esquive avec souplesse les lames froides qui s'abattent sur elle. Sans se démettre de sa grâce féline, la femme porte des coups dont la puissance fait frémir les armes entre les mains des malheureux. La fureur qui gonfle les nerfs de la souveraine ne connaît aucune limite et décuple ses forces. Tous les hommes, pourtant très bien entraînés tombent dans la poussière sous la violence de leur adversaire.

 

La grande femme savoure le sentiment d'invincibilité qui provient du plus profond de son for intérieur. Aveuglée par la rage qui la dévore, tout ce qu'elle peut entendre, ce sont les cris stridents des visages hideux qui forment les flammes mouvantes dans la main du dieu de la guerre.

Pendant son combat, Xena a la sensation de les sentir bouger, tourner en elle, lui donnant la volonté et le courage de massacrer sans aucun motif.

 

La guerrière couche les soldats les uns après les autres à coups d'épée, de pieds ou de poings. Elle ne se rend pas compte de la pluie qui tombe, lavant la sueur de son visage défiguré par la colère.

Même ses cuirs alourdis par l'eau qui continue de tomber ne ralentissent pas ses gestes.

 

L'averse se transforme en déluge, le ciel est zébré d'éclairs, le sol n'est déjà plus qu'un amas de boue, des ruisseaux d'eau terreuse s'écoulent sous les corps inertes des soldats.

Les hommes rescapés, gênés par leur armure trempée s'approchent pour être aussitôt rejetés avec violence.

 

Entretemps à l'intérieur de la demeure princière, la jeune conteuse portant son enfant retrouvé dans ses bras, écoute le clapotis de la pluie qui augmente rapidement pour devenir torrentielle.

Au détour d'un couloir, Gabrielle manque de heurter un domestique.

 

 _ Sais-tu où est Xena?

 _ Je l'ai vu sortir du palais il y a peu de temps, Majesté. Répond-t-il surpris.

 _ Merci. Fait-elle en s'éloignant.

 

Quand elle atteint les portes d'enceinte, la conteuse reste figée à côté du garde posté à l'intérieur afin d'éviter l'intempérie.

 

Dehors, un spectacle inattendu s'étale à ses yeux.

Sous les trombes d'eau de pluie, la quasi totalité de l'armée aux armures rouges et noires est étendue, des corps inconscients ou gémissants sont éparpillés dans l'immense cour centrale.

Au milieu de ce désordre, la Conquérante se tient debout toute essoufflée.

Soudain, la guerrière lève la tête vers le ciel aussi gris que ses yeux et pousse un cri rauque, perçant plein de rage et de désespoir.

Ce hurlement venu du plus profond de son être se répercute, glaçant le sang de quiconque l'entend.

 

La barde est émue et apeurée par le son émis, les poils de sa nuque se hérissent. Une pensée étrange lui vient à l'esprit, celle que dès qu'elle verra le visage de la femme, ce dernier sera t-il semblable à ce cri, sauvage, haineux , déformé?

Son cœur manque de s'arrêter lorsque, à bout de souffle la guerrière cesse de hurler et se retourne lentement.

Les traits anguleux sont tendus mais toujours identiques. La jeune blonde relâche l'air qu'elle n'avait pas réalisé avoir retenu.

 

Doucement, la femme aux cheveux de jais marche dans la boue vers sa demeure. Apercevant sa compagne effrayée, ses démons sont supprimés, à nouveau enfermés derrière les portes qui entravent le seul endroit de son être où personne, pas même la princesse ne peut accéder.

 

Ses yeux reprennent leur couleur habituelle en se posant sur le petit être gazouillant dans les bras de sa génitrice.

Ce n'est qu'à ce moment qu'elle réalise qu'une pluie diluvienne s'abat sur Athènes, que le froid pénètre son corps, lui donnant par la même occasion, la chair de poule.

Sans un mot de plus, Xena s'en va sous les regards effarés des deux témoins de sa fureur.

 

Gabrielle examine son épouse s'avancer, l'eau dégoulinant de ses vêtements, de ses mains, de son épée toujours tenue par une poigne de fer, ses cheveux collés à son visage et ses cuirs trempés. Pas sûre de prendre la bonne décision, la blonde suit son amante.

 

Seulement, ce que tous ignorent, c'est qu'un spectateur caché sur un balcon du grand palais a assisté à toute la scène.

Avec un soupir de tristesse, le lieutenant quitte son poste d'observation, persuadé que le temps du chaos est revenu. La question qu'il se pose est: est-ce que leur couple y survivra?

 

Dans une autre partie de la demeure, les deux femmes marchent en direction de leurs appartements. Soudain, la Conquérante s'arrête pile, tous ses sens en alerte.

 

La blonde connaît cette réaction qui signifie un danger. Machinalement, elle pose une main fébrile sur la petite tête blonde endormie blottie contre sa poitrine.

 

Brusquement, la brune ouvre la porte qui donne sur les cuisines.

 

A l'intérieur, une femme âgée et un jeune garçon à peine sorti de l'adolescence se tournent vers l'intruse, effrayés. Certains d'avoir des problèmes, ils ne bougent pas, ne cherchent même pas à cacher la nourriture qu'ils tiennent entre leurs mains.

 

 _ Qu'est-ce que vous faites? Siffle la Destructrice des Nations.

 _ Majesté, je peux tout vous expliquer.

 _ Vous me volez!

 _ Non! S'exclame la domestique.

 _ La vérité ou je vous fais écarteler avant de vous jeter aux charognards.

 _ Majesté, ma mère n'y est pour rien. Tente le jeune homme apeuré.

 

Xena s'avance, ses yeux ne sont plus que deux fentes menaçantes, sa bouche déformée dans une colère naissante.

 

 _ C'est moi, Majesté. Mon fils a perdu son travail. Je voulais l'aider. Explique vivement la femme terrifiée.

 _ Alors tu me voles pour nourrir ce pleutre. Siffle la guerrière.

 _ Xena!

 _ Ne te mêles pas de ça, Gabrielle.

 _ Tu ne vas pas les tuer pour un peu de nourriture! S'insurge la princesse.

 

La Conquérante s'arrête, mine de réfléchir un instant.

 

 _ Très bien, maintenant tu fais partie de mes troupes. Mais que je ne te revois jamais à l'intérieur du palais.

 _ Non! Pas ça! Par pitié Majesté, punissez-moi mais laissez-le. Supplie la servante en se jetant aux pieds de sa souveraine.

 _ La ferme! Hurle la guerrière énervée.

 _ Xena! Dit la princesse dans un reproche.

 _ Toi tu vas rejoindre mes hommes. Tout de suite!

 

Effaré, l'adolescent fuit le courroux de la Conquérante.

Quant à Gabrielle, elle recule effrayée, elle refuse de voir ce qu'elle craint que Xena va faire à la pauvre femme terrorisée.

La panique envahit la blonde, elle s'éloigne décidée à aller coucher son fils. En réalité ce n'est qu'une excuse pour ne pas regarder la femme qu'elle aime maltraiter la malheureuse.

 

Dans les cuisines l'air est pesant. La guerrière domine sa victime de toute sa stature.

 

 _ Pitié Majesté, punissez-moi mais laissez-le partir.

 _ Tu veux être punie? Eh bien ça me convient.

 

Un sourire sadique étire les lèvres de la Conquérante tandis que son bras prolongé de la lame froide, se lève.

 

Horrifiée, la vieille femme a juste le temps d'apercevoir l'éclat du métal avant que sa tête ne roule sur le sol dans une giclée de sang.

La décapitation s'est déroulée si vite que la victime n'a pas eu le temps de crier. L'expression de terreur gravée sur les traits usés par le travail est la seule preuve de la peur qu'elle a ressentie avant de rendre son dernier souffle.

 

L'odeur de sang frais qui flotte dans l'air enivre les sens de Xena qui rit en regardant la mare rouge se répandre et couler dans les jointures des dalles.

Soudain, un cri de surprise résonne dans son dos. La guerrière se retourne pour voir une domestique effrayée, les yeux exorbités à la vue de la scène d'horreur.

 

 _ Mon dieu! S'écrie-t-elle sidérée.

 _ Nettoie-moi ça au lieu de jouer à la sainte Nitouche. Ordonne la souveraine en remettant son épée dans son fourreau.

 _ Oui... Oui... Bien Majesté.

 

Ravie de son effet, la brune quitte la pièce sous le regard horrifié de la servante.

Comme si de rien n'était, elle fait demi-tour, enjambe le corps sans vie, prend une carafe posée sur une étagère et repart sans perdre son air hautain et fier.

 

Restée seule, la domestique se retient au chambranle de la porte en mettant une main tremblante sur sa bouche prête à crier.

Cela fait maintenant trois ans que la paix régnait, qu'elle et toutes les autres personnes qui travaillent au palais, ne craignaient plus les foudres de la Conquérante. Trois ans pendant lesquels où, casser une assiette ne donnait plus la mort au responsable. Apparemment, le temps révolu est de retour.

 

Déçue et écœurée, elle sort de la pièce à la recherche d'hommes qui pourront l'aider à transporter le corps de la défunte.

Bien qu'elle ne la connaissait pas beaucoup, la femme est triste pour la cuisinière car tout le monde ne peut pas être insensible comme la Conquérante.

 

Alors que la dépouille est ramassée afin de lui donner une sépulture décente, Xena se dirige vers ses appartements où elle est sûre de trouver son épouse.

 

La guerrière boit l'alcool au goulot. Quand elle passe devant le salon privé où tout le confort possible est présent, son attention est attirée par une forme mince.

Reconnaissant la femme blonde, Xena bifurque et s'approche d'elle.

 

 _ Tu l'as tuée?

 _ Oui. Et ça te pose une problème? Questionne la guerrière en la contournant pour lui faire face.

 _ Qu'est-ce qui t'arrive? Avant tu n'aurais pas massacré une femme juste parce qu'elle voulait aider son fils. Crache la blonde avec dégoût.

 _ Et après quoi? Je laisse passer ça puis tout et n'importe quoi. Je perds le contrôle que j'ai sur mon peuple parce qu'il pensera que je suis une lavette? S'insurge-t-elle.

 

La conteuse prend peur lorsque son amante écarte les bras dans un geste menaçant. Les yeux azur exorbités lui glacent le sang.

 

 _ Je ne te reconnais plus. Murmure la blonde tristement.

 _ Je suis celle que j'ai toujours été. J'étais aveuglée, mais maintenant je me suis retrouvée. Tu n'y changera rien, toi ni personne.

 

Dépitée, Gabrielle se lève en baissant les yeux vers le sol et tourne le dos à sa compagne. Elle ne comprend pas ce qui se trame, pourquoi Xena est redevenue sauvage. A la fois triste et déçue, elle s'éloigne lentement.

 

Soudain une décharge électrique lui traverse l'échine, un courant d'air glacial la fait frissonner, puis sans qu'elle a eu le temps de réagir, une poigne brûlante s'abat sur son épaule. Avec un hoquet de surprise, la barde se sent retournée pour se retrouver nez-à-nez avec un visage transpirant la colère.

Inconsciemment, elle tente de reculer, sauf qu'une main puissante attrape son bras libre, l'empêchant de bouger d'un poil.

 

 _ Ne me tourne pas le dos! Siffle-t-elle entre ses dents serrées.

 _ Lâche-moi! Tu me fais mal. Supplie la princesse terrifiée.

 

Quand Xena a vu la petite blonde lui tourner le dos, un souffle de colère a implosé en elle. Sans réfléchir, la brune s'est jetée sur celle qui a osé défier sa grandeur. Elle tremble sous la tension qui vrille ses nerfs, lui donnant l'envie de serrer encore plus fort.

 

Malgré tout, la supplication lui est douloureuse, la guerrière retrouve un semblant de lucidité. Elle regarde ses membres aux articulations blanches qui se referment sur la chair tendre. Lentement elle lâche prise et ses bras retombent mollement le long de son corps.

 

Libérée de cet étau, Gabrielle dépasse sa compagne, prend rapidement son fils assis sur des coussins posés au sol. Malgré son jeune âge qui ne doit guère lui permettre de comprendre ce qui vient de se produire, l'enfant arbore une expression de crainte, un air grave. Ses yeux couleur saphir remplis de larmes sont portés sur sa mère qui se penche sur lui.

 

Grâce à la vue périphérique, Xena sait sans même regarder, que la princesse s'empare du petit être. Son cerveau se déconnecte de la réalité, une accusation tourne et retourne dans un écho lancinant, celle qu'elle a agressé la femme qu'elle aime. Elle ne voit point son âme sœur quitter la pièce d'un pas rapide<<<<; tout ce qu'elle ressent c'est la solitude qui l'entoure, qui la pénètre en entier

 

 

Chapitre 6:

 

 

Deux jours ont passé depuis l'incident, deux jours durant lesquels la tension était ressentie par tous au sein du palais. Le temps a passé inexorablement, fidèle à son habitude, insouciant des sentiments, de la douleur, de la joie qu'il sème sur son passage.

Comme le doute qui règne dans l'esprit perturbé de la populace qui se demande qui avait enlevé l'héritier du trône, pourquoi et comment a t-il été retrouvé. Mais aussi le doute qui hante l'esprit de la princesse.

En effet, elle n'a pas revu son épouse depuis leur dispute. La moitié des troupes sont manquantes, ce qui lui indique que la guerrière est partie en campagne, mais où?

 

Depuis deux jours, la jeune blonde est dans l'introspective, partagée entre le soulagement de l'absence et la crainte du retour, la déception de sa vie passée et l'appréhension du futur.

 

C'est en pensant à ce dilemme qu'elle s'habille, seule dans sa chambre.

Ce soir une réception est organisée pour célébrer le troisième anniversaire de Mikos.

 

Au départ, la jeune femme avait décidé de porter une robe sana manches avec un décolleté plongeant, seulement les bleus sur ses bras l'en ont dissuadé. C'est ainsi qu'elle quitte la chambre vêtue d'une longue robe vert émeraude ornée d'une ceinture argentée.

 

Lorsqu'elle arrive à la salle de réception où un grand nombre d'invités sont déjà présents, tous les bruits cessent et tous les regards se posent sur elle.

Les femmes sont partagées entre la jalousie et la joie de la revoir, les hommes entre le désir et l'envie de la posséder. Mais tous sont unanimes sur un point, c'est que la princesse est d'une beauté qui n'a d'égale que celle d'une autre femme qui brille par son absence.

 

Gabrielle balaie la salle de son regard inquisiteur et c'est, déçue de ne pas la voir qu'elle avance, tandis que les palabres reprennent.

Brusquement une main douce se pose sur son épaule attirant son attention. Elle tourne la tête pour se trouver en face d'un jeune guerrier à peine sorti de l'adolescence qui lui fait une révérence, puis se penche désireux de lui chuchoter à l'oreille.

 

La princesse écoute son interlocuteur qui lui annonce que la Conquérante est de retour et que son lieutenant lui a ordonné de la prévenir.

 

 _ Où est-elle? Murmure la femme blonde.

 _ Je l'ignore Majesté. Chuchote-t-il.

 

D'un geste vague, la conteuse renvoie le messager lorsqu'une femme brune et souriante attire son regard. D'un pas pressé, Lila s'approche de sa sœur qu'elle n'a pas vue depuis plusieurs lunes.

 

 _ Gabrielle! Comment vas-tu? Fait-elle joyeusement en prenant sa sœur dans ses bras.

 _ Bien, très bien. Et toi? Et nos parents? Sourit la barde en rendant l'étreinte.

 _ Assez bien. Ils n'ont pas pu venir, c'est l'époque de la récolte tu le sais. Où est Xena?

 _ Elle ne va pas tarder. Père n'est pas trop fâché que tu sois venue à Athènes au lieu de l'aider aux champs? Ironise la blonde.

 _ Cela lui passera. Rit la jeune femme en posant sa main sur le bras de sa sœur.

 _ Attends, je vais chercher Xena, je reviens vite.

 _ D'accord.

 

La princesse accepte la bise fraternelle, puis quitte la pièce bondée d'invités. Elle redoute le moment de se retrouver face à la guerrière, mais craint aussi de découvrir où elle était et ce qu'elle a fait.

 

Un soldat pénétrant dans le palais surprend la princesse au détour d'un couloir. Un tressaillement lui échappe quand elle réalise que son armure est couverte de sang. La conteuse l'observe de la tête aux pieds sans se rendre compte de la révérence qui lui est faite.

 

 _ Majesté.

 _ Où est Xena? Questionne-t-elle intriguée.

 _ Aux écuries Majesté. Répond-il sans lever la tête.

 

Avec une boule en travers de la gorge, Gabrielle se dirige vers l'endroit indiqué par le guerrier.

 

Tout est sombre et calme au-dehors, une brise légère emporte les cheveux couleur des blés mûrs, l'air frais qui caresse le visage tendre lui donne des frissons. Arrivée devant les portes qui ouvrent l'accès aux écuries, la conteuse soupire, puis entre avec la peur au ventre.

 

Un grincement parvient aux oreilles de la femme aux cheveux d'ébène, suivi d'un bruissement léger de pas sur la paille. Pourtant elle ne se retourne pas et continue de brosser Argo. Bizarrement elle ne ressent aucun danger, au contraire elle sait parfaitement qui s'amène. C'est une chose que Xena n'a jamais comprise, elle ressent la présence de sa compagne, sent sa douleur.

Il lui a fallu du temps pour accepter cette situation, mais à présent elle ne cherche plus et comprend cette espèce de connexion qui les unit.

 

 _ Xena! Tu vas bien?

 _ Oui. Répond la guerrière sans se retourner.

 _Tu étais où? Questionne la blonde en s'appuyant contre la barrière du box.

 _ Me débarrasser d'un seigneur trop riche et trop puissant. Rétorque-t-elle sans cesser de brosser l'animal.

 _ Tu l'as tué?

 _ Non, je lui ai pris tout ce qu'il avait.

 _ Y compris sa vie.

 _ Oui.

 _ Tu sais qu'il y a une fête ce soir pour...

 _ Alors qu'est-ce que tu fais ici? Va rejoindre tes invités.

 _ Nos invités Xena. Alors tu viens?

 _ Non. Débrouille-toi.

 _ C'est l'anniversaire de Mikos aujourd'hui. S'emporte la princesse.

 _ Et alors? Je n'ai pas que ça à faire. S'énerve la Conquérante.

 _ Xena...

 _ Quoi? Je me fiche de cette fête, de lui, comme de toi!

 

Face à l'expression ébahie de sa compagne, la guerrière ajoute encore à la douleur qu'elle a fait naître dans le cœur juvénile.

 

 _ Mikos et toi vous n'êtes que des boulets accrochés à mes chevilles. Crie Xena en se retournant enfin.

 

Estomaquée par les propos de son épouse, Gabrielle ne peut répondre. La douleur qui torture sa poitrine l'empêche de respirer. Une larme coule le long de sa joue.

 

 _ Arrête de pleurer et va-t-en à ta petite fête. Hurle la guerrière.

 

Partagée entre la peur et l'incrédulité, la princesse quitte les écuries en courant, la vue brouillée par des larmes amères.

Avec un air véhément, la Conquérante regarde son épouse s'enfuir. Une petite voix lui souffle de la rattraper, pourtant elle reprend son activité d'un geste régulier. Fière de son effet elle sourit mais un tout nouveau sentiment l'envahit, s'enracinant au plus profond de son être.

 

Une sensation dérangeante occupe son esprit entier, la culpabilité.

Celle d'avoir trahi son âme sœur, de l'avoir agressée, d'avoir dit une chose qu'elle ne pensait pas.

 

Malgré tout, Xena ne la rattrapera pas car elle est la Destructrice des Nations et en tant que telle, elle ne s'excusera pas.

 

De son côté, Gabrielle rentre dans le palais. Sans porter la moindre attention aux gardes, elle leur ordonne de mettre un terme à la fête immédiatement, et sans arrêter sa course, la princesse va s'enfermer dans ses appartements.

 

Interloqués, les deux hommes se regardent, ensuite ils s'empressent d'exécuter l'ordre reçu.

D'un pas lourd, ils arrivent à la salle de réception sous les regards surpris des invités.

 

 _ Sur ordre de sa Majesté vous êtes priés de quitter les lieux sur le champ. Crie le plus âgé des deux.

 

C'est dans les chuchotements d'étonnement que les convives s'apprêtent à obéir.

Dans la cohue, Lila s'inquiétant, profite d'être logée au palais pour partir à la recherche de sa sœur. Mais une voix grave l'interpelle alors qu'elle s'éloigne de la pièce.

 

 _ Eh toi! Où est-ce que tu vas? Questionne froidement un soldat.

 

Surprise, la brune se retourne.

 

 _ Oh! Excusez-moi, je ne vous avais pas reconnue. Fait-il gêné.

 

Suite à un sourire compatissant, elle reprend son chemin. Quelque chose se passe et elle est bien décidée à connaître la vérité.

 

Lorsqu'elle atteint la porte qui la sépare du refuge de la princesse, un bruit reconnaissable de sanglots lui parvient aux oreilles. Doucement, le cœur battant la chamade, Lila tire le loquet et passe la tête pour voir sa sœur allongée sur le l'immense lit secouée de pleurs.

 

Partagée entre crainte et tristesse, la jeune brune s'approche, s'assoit sur la soie rouge et caresse la tête blonde du bout de ses doigts.

 

 _ Gabrielle, dis-moi ce qui ne va pas. Murmure Lila.

 _ Xena ne veut plus de moi. Pleure la conteuse.

 _ Qui t'a dit ça?

 _ Elle-même.

 _ Tu as mal interprété ses dires,Xena t'aime, je...

 _ Elle m'a dit que je ne suis qu'un boulet, mon fils également. Explique la blonde en se redressant.

 

Estomaquée, la jeune sœur ne sait quoi répondre. Elle n'a qu'une seule pensée, identique à celle de la princesse, l'impensable est arrivé. L'unique chose qui ne paraissait pas réalisable s'est produit, la Conquérante s'est lassée de la conteuse!

 

L'obscurité et le silence règnent sur Athènes, hantée par les songes irréels qui traversent les âmes endormies.

Dans le palais de la Destructrice des Nations, le calme nocturne est brisé par un émoi de murmures incertains. Les domestiques nettoient la salle où aurait du avoir lieu la grande fête d'anniversaire, chacun allant de ses interprétations sur les raisons de ce revirement de situation.

 

Dans une autre partie de la résidence, une autre personne s'active.

Après des heures durant lesquelles des larmes amères ont coulé le long des joues tendres, et des sanglots qui ont secoué le corps frêle, la jeune blonde se calme enfin.

 

Les paroles prononcées plus tôt dans la soirée par son épouse résonnent dans sa tête, la torturant. Ces mots émis par la seule personne en qui elle a une confiance aveugle, la seule à qui elle aurait confié sa vie et celle de son fils, vient de lui dire qu'elle n'est qu'un boulet! Que Mikos et elle ne sont qu'une entrave!

Parmi les répercussions douloureuses qui parcourent son être, la phrase de sa sœur prononcée auparavant lui revient en mémoire:

« Elle a dit ça parce qu'elle était énervée, laisse-lui un peu de temps ».

 

Cette tirade émise par la première personne qui a soutenu son départ de Potédaïa pour trouver le bonheur, se répercute, lui donnant la solution. La seule chose à faire, c'est justement ce que la jeune brune lui avait conseillé un peu plus tôt.

Doucement, la princesse se redresse, s'assoit sur le lit en essuyant ses yeux tout délavés par les larmes et soupire.

 

 _ Tu as raison Lila, la meilleure chose à faire, c'est de lui laisser du temps. Elle l'aura, mais seule.

 

Avec un soupir, elle se lève et commence à rassembler le peu d'affaires qu'elle possédait avant son arrivée ici. Puis, après un regard sur ce qui était son univers, elle ferme la porte s'en allant en direction de la chambre de son fils.

 

Tristement, la blonde regarde son enfant endormi et s'approche du lit.

Elle se souvient des moments heureux qui font maintenant partie du passé. Ces instants de bonheur avec Mikos et Xena qui ont réchauffé son cœur et son corps sont relayés dorénavant à l'état de souvenirs.

 

Délicatement, Gabrielle soulève le petit garçon, l'enveloppe dans la couverture qui le recouvre et le serre contre elle.

 

Sans le moindre bruit, la mère et l'enfant quittent le palais le plus discrètement possible.

Dans le trouble sulfureux qui l'habite, la conteuse n'a qu'une certitude, c'est qu'à cette heure tardive elle a peu de chance de croiser âme qui vive. Lasse, dépitée et triste, elle quitte Athènes vers une destination qu'elle est la seule à connaître.

 

 

 

Le soleil se lève, avec pour unique spectateur une grande brune vêtue de cuir noir, qui n'a pas fermé l'œil de la nuit. Au lieu de dormir, Xena a bu, elle ne compte plus le nombre de verres d'alcool qu'elle a ingurgité.

Appuyée à l'immense rempart qui entoure sa demeure, la coupant du reste du monde et des badauds, elle observe l'astre diffuser ses différentes couleurs au-dessus de l'horizon lointain.

 

Toute la nuit, la Conquérante a réfléchi, pensé à la façon dont elle a parlé à son épouse, surtout pourquoi elle lui a dit ces méchancetés mensongères.

Hélas, la brune n'a trouvé aucune réponse, aucune excuse. Bizarrement, son esprit est partagé entre demander pardon ou ne rien faire pour se réconcilier.

 

Debout, seule sur le rempart qui la sépare du reste de la population, elle écoute le vent siffler, présage d'un malheur qui ne va pas tarder à venir, même si pour l'instant, Xena l'ignore.

 

Un raclement de gorge brise le silence, la forçant à se retourner hâtivement.

 

 _ Qu'est-ce que tu veux? Questionne la Conquérante froidement.

 _ Savoir pourquoi la princesse a interrompu la fête d'anniversaire hier soir. Et aussi si vous y étiez. Fait Légendrios.

 _ Quoi? Gabrielle a mis tous les invités dehors? S'exclame-t-elle.

 _ Eh bien...

 

Le gradé n'a pas la possibilité de répondre, d'un bond, la brune saute en-bas du mur pour partir d'un pas rapide sans se préoccuper de ce qui l'entoure. Xena est furibonde; comment la conteuse a-t-elle pu se permettre de chasser des hauts dignitaires de son palais?

Irritée au plus haut point, elle n'a qu'un désir, trouver la princesse et lui expliquer son point de vue.

 

Lorsqu'elle approche de la chambre de Mikos, l'entrée de la pièce est ouverte, rapidement la Destructrice des Nations y pénètre pour tomber nez-à-nez avec la nounou.

 

 _ Où est la princesse? Demande-t-elle sèchement.

 _ Je l'ignore Majesté, la princesse a dû aller se promener avec son enfant. Répond la nurse terrifiée par la colère qui se dégage de sa souveraine.

 

Avec un soupir, la brune ferme ses paupières, faisant appel à toute sa volonté pour ne pas éclater et tout casser sur le champ.

Quand la Conquérante rouvre ses yeux azur, une sensation inconnue s'empare de son être, semblable à une vague déferlante.

Tout est pareil et pourtant tout est différent.

La guerrière prend conscience que son palais est redevenu ce qu'il était auparavant, froid, sombre, austère.

La chaleur qui embaumait les lieux a disparu.

Xena est décontenancée mais n'en montre rien.

 

 _ Je veux que le palais soit fouillé de fond en comble. Je veux voir Gabrielle. Hurle-t-elle.

 _ Bien Majesté.

 

Effrayée, la nourrice s'enfuit pour faire exécuter l'ordre crié par la guerrière en furie.

Enfin seule, la Destructrice regarde le sol en méditant.

 

 _ Se pourrait-il... Qu'elle soit partie? S'interroge la brune.

 

 

Le château situé au centre d'Athènes est parcouru en tous sens par des hommes et des femmes terrifiés par la rage de Xena qui menace d'exploser à chaque moment.

Seulement, aucun d'eux ne trouve la moindre trace de la princesse disparue.

L'émoi qui règne au palais n'est pas connu des habitants, y compris Hélène qui vaque à ses tâches ménagères. La vieille femme regrette déjà de ne pas avoir accepté l'invitation à la réception de la veille parce que ses os usés par l'âge se sont rappelés à leur bon souvenir.

Ce qu'elle ne sait pas non plus, c'est que la personne qui frappe à sa porte est un messager porteur de mauvaises nouvelles.

 

L'inquiétude s'immisce dans la tête de la femme quand un soldat, arborant l'armure noire et rouge, apparaît devant ses yeux.

 

 _ madame, avez-vous vu la princesse? Questionne-t-il sèchement.

 _ Non, pourquoi? Y a-t-il un problème?

 _ Merci madame.

 

Sans demander son reste, l'homme se retourne, enfourche sa monture et disparaît au galop, laissant Hélène toute confuse et étonnée.

Doucement, elle referme la porte et s'appuie contre cette dernière.

 

De nombreuses questions se bousculent dans sa tête.

Est-il arrivé malheur? Pourquoi cherche-t-il Gabrielle? Lui est-il arrivée quelque chose? Peut-être qu'elle peut se renseigner auprès de la Conquérante?

 

Non, cette démarche est impossible. La dernière fois qu'elle a vu la princesse, celle-ci lui avait confiée les changements intervenus dans le comportement de la brune. De plus, son amitié avec la blonde ne l'autorise pas de se rendre au château quémander des explications à la souveraine des terres connues.

Il ne lui reste plus qu'une solution afin d'obtenir des renseignements.

 

Rapidement la vieille femme prend son châle posé sur une chaise et quitte sa maison.

 

 

Pendant ce temps, Xena fulmine dans l'enceinte du palais.

Brusquement, une forte lumière éclaire son chemin. Le personnage qui apparaît accroît sa colère.

 

 _ Alors ma chère, tu as un problème?

 _ Qu'est-ce que tu veux, Arès?

 _ Savoir ce qui te met dans une telle fureur! Sourit le dieu.

 _ Toi, pardi!

 _ D'accord! Dis-moi une chose, ta petite blonde brille par son absence, non?

 _ Qu'est-ce que tu racontes? Questionne-t-elle avec un regard suspicieux.

 _ Tu es plus perspicace d'habitude, la vie en couple t'a ramollie?

 

Sur ces mots, la guerrière lui assène un formidable coup de poing en pleine mâchoire, ce qui le force à tourner la tête sous l'impact.

Puis il reporte son regard sur son adversaire en se massant la partie de son visage endolori.

 

 _ Okey, je retire ce que je viens de dire. Mais maintenant qu'elle est partie, tu auras plus de temps pour penser à conquérir les terres que tu n'as pas encore sous ton contrôle.

 _ Que sais-tu à propos de Gabrielle? Parle!

 _ J'ai réveillé ta curiosité? Ricane-t-il.

 

La brune aux yeux océan n'a pas besoin d'ordonner, l'expression sur ses traits anguleux oblige le dieu à s'expliquer.

 

 _ Okey, elle et son rejeton sont allés chez les Amazones. Apparemment, tu as réussi à la blesser avec tes mots. Mais je croyais que c'était son art...

 _ Quoi? Le coupe la guerrière estomaquée.

 _ Tu as bien compris, tu l'as mise dehors, elle va se réfugier chez tes ennemies.

 _ La petite...

 _ Réfléchis Xena! Elles t'ont vaincue par le passé, là tu as une excuse pour te venger.

 

Devant le manque de réaction de la guerrière, il s'explique.

 

 _ Tu sais que si tu vas là-bas chercher ta dulcinée, elles ne te laisseront pas passer. Donc tu as une raison de les attaquer.

 

Xena lui tourne le dos et réfléchit.

Arès s'approche d'elle et murmure à son oreille.

 

 _ Venge-toi et détruit leur nation!

 

Sournoisement, un sourire étire ses lèvres.

 

 _ Oui, tu as raison, je le ferai.

 

Le rire grave du dieu se fait entendre, puis il disparaît laissant la brune seule avec ses rêves de victoire.

 

Excitée par l'idée proposée d'Arès, la Conquérante se décide à rejoindre la caserne pou rassembler ses troupes.

Contrairement à ses habitudes, elle compte lancer une attaque directement sur le territoire ennemi, sans plan, sans tactique, juste une confrontation.

 

 

 

Chapitre 7 :

 

 

Le soleil est à son zénith, la paix règne sur le village peuplé de femmes. Là Gabrielle écrit, assise au pied d'un arbre. D'un coup, la lumière lui est entravée par une forme en mouvement. La conteuse lève la tête pour croiser le regard d'Ephiny.

Cette femme l'intimide mais la fierté empêche la conteuse de le montrer.

 

 _ Salut.

 _ Je peux m'asseoir?

 _ Bien sûr, ce n'est pas mon arbre. Ironise la blonde.

 _ C'est vrai!

 

L'amazone sourit en prononçant cette phrase espérant ainsi détendre l'atmosphère, avant de s'asseoir.

Le silence s'installe durant quelques minutes, puis Ephiny prend la parole.

 

 _ Alors, la Conquérante est redevenue le monstre que tous connaissaient?

 _ Non, mais elle a des problèmes en ce moment. Pourquoi me demandes-tu ça? Interroge la barde méfiante.

 _ Ici les rumeurs vont vite, tu sais.

 

Gabrielle s'apprête à rétorquer, mais le bruit reconnaissable de chevaux lancés au galop attire l'attention de toutes les femmes présentes, y compris l'Amazone blonde qui se lève.

 

 _ Elles sont pressées, on dirait. Fait Gabrielle.

 _ Ce sont les sentinelles. Explique Ephiny en s'éloignant.

 

Le ton inquiet de sa quidam change les préoccupations de la jeune blonde qui étaient, jusqu'à maintenant, Xena.

Intriguée, elle se redresse et s'approche des cavalières, à peine arrêtées, déjà entourées d'autres femmes de la tribu.

Des murmures lui parviennent, qui deviennent des mots audibles au fur et à mesure qu'elle avance.

Des paroles se propagent, cheminent jusqu'à ses oreilles, faisant battre son cœur à un rythme fou.

Le nom de la personne qui hante son être résonne dans son esprit au point que sa tête lui tourne.

Le souffle court, il lui faut un instant pour reprendre pied. C'est une voix familière qui l'y force.

 

 _ Gabrielle! Gabrielle!

 _ Oui. Répond-elle presque machinalement.

 _ Suis-moi dans la hutte! Ordonne sèchement la reine de la tribu.

 _ Bien.

 

Une fois entre les quatre murs, à l'abri des oreilles indiscrètes, Mélossa porte un regard froid sur la princesse.

 

 _ Qu'est-ce qui pousse la Conquérante à marcher sur nos terres?

 _ Moi. Répond timidement Gabrielle.

 _ Maintenant, il faut que tu me dises pourquoi tu es venue ici.

 _ Xena m'a... Elle m'a plus ou moins jetée, je pense qu'elle vient me rechercher.

 _ Tu lui as dit que tu étais chez nous?

 _ Non! J'ignore comment elle l'a su. Je te donne ma parole.

 _ Si elle t'a jetée, pourquoi vient-elle?

 _ Verbalement elle m'a jetée, mais je suis partie de mon plein gré, je n'imaginais pas qu'elle viendrait. Fait la conteuse avec espoir.

 _ D'accord, je te fais confiance. Alors nous devons défendre nos terres.

 Mais je ne sais pas me battre!

 _ Je ne te le demande pas, tu es notre sœur, nous allons te protéger si c'est ce que tu veux.

 _ Oui. Répond la blonde après un moment de réflexion.

 _ Bien.

 

Sur cet accord, la reine quitte la hutte laissant la princesse avec ses doutes.

Xena est-elle revenue pour elle ou par vanité? Regrette-t-elle ce qu'elle a dit ou désire-t-elle conquérir ce territoire?

De tout ce qu'elle est sûre, c'est qu'il risque d'y avoir une bataille qui causera un grand nombre de morts inutiles.

 

Un énorme brouhaha règne sur la tribu, des ordres ont été donnés, chaque guerrière court, prend ses armes et se prépare au combat. En peu de temps, les femmes sont parées, prêtes à se défendre.

Sous le contrôle de leur reine, elles se dirigent vers la frontière où la Conquérante a été aperçue.

 

Gabrielle, restée seule au camp, regarde la troupe s'éloigner. Elle ressent de l'angoisse, de l'anxiété, car certaines ne reviendront pas, elles le savent parfaitement.

 

Les troupes de Xena qui avancent en contre-sens sont dans l'incertitude. Chaque homme qui galope se pose la même question. Pourquoi attaquer les Amazones aujourd'hui? Et de plus sans aucune stratégie?

D'autres soldats, ceux qui ont survécu au premier combat qui a eu lieu avec cette tribu, longtemps auparavant, savent qu'ils courent à une mort certaine.

Pourquoi y vont-ils? Parce que la punition pour désertion est pire qu'une flèche en pleine poitrine.

 

En tête du cortège funeste, la Destructrice sent l'euphorie s'emparer de son corps. L'odeur de sang, qui ne va pas tarder à se faire sentir, revient comme un parfum enivrant, vestige d'un passé sanglant.

Soudain, un mouvement à l'orée du bois attire son attention. Un rictus étire ses lèvres. Tout en regardant les Amazones s'aligner, elle lève son épée vers le ciel.

 

 _ A l'attaque! Hurle Xena en éperonnant Argo.

 

En écho, à sa suite, ses guerriers crient leur désir de tuer.

 

Enivrée par ses démons qui se libèrent et extasiée par la colère qui la ronge, la brune fonce droit dans un combat dont l'issue ne laisse aucun doute pour ses hommes. Pourtant ils la suivent, fidèles pour les plus âgés, stupides ou inconscients de ce qui les attend pour les nouveaux enrôlés.

 

A cet instant, Légendrios qui suit sa chef de près, comprend le piège tendu et décide de protéger Xena, quoi qu'il arrivera. Depuis que la conteuse est venue habiter au palais, après l'avoir côtoyée dans les mauvais moments, après avoir senti son être se réchauffer en la voyant dans les bons moments, il a appris une chose. C'est que l'amour ne peut pas sauver le monde, mais il vaut la peine que l'on essaie.

Avec cette maxime, Légendrios sort son épée, car il a la conviction que Gabrielle ne lui pardonnera pas la mort de Xena.

 

De leur côté, les Amazones anxieuses sentent le tremblement provoqué par les sabots sous leurs pieds. Leurs mains se resserrent sur leur épée. Le seul point commun des hommes et elles, c'est la peur qui fait battre leur cœur.

Sans broncher, immobiles telles des statues, elles regardent l'ennemi s'approcher rapidement.

 

Brusquement, la reine pousse un cri qui sonne comme le glas pour les envahisseurs.

 

Tout se passe trop vite, aucun des soldats arborant le rouge et le noir n'a le temps de voir venir les flèches tirées de nulle part qui fendent l'air dans un sifflement strident. Quelques uns réalisent juste le choc qui précède la douleur dans leurs chairs.

 

La panique s'installe dans les rangs des assaillants, les hommes voient ceux qui étaient leurs compagnons, leurs amis tomber de leur monture sans un cri et sans vie.

Quelques enrôlés volontairement et trop impétueux comprennent qu'ils n'ont aucune chance de s'en sortir vivant face à un ennemi invisible.

Les plus anciens ne comprennent pas non plus que la Conquérante a pu se faire avoir aussi facilement, mais à l'inverse des jeunes, ils continuent d'avancer.

 

Xena hurle de rage. Elle connaît les Amazones pourtant, elle aurait dû se douter qu'il y avait une raison pour qu'elles restent à l'orée du bois à attendre l'attaque. Pourquoi n'a-t-elle pas pensé aux archers cachés dans les arbres? Elle n'en sait rien. De tout ce que la guerrière est sûre, c'est que si elle doit mener ses troupes à leur perte, des Amazones iront aussi au Tartare.

C'est avec cette pensée que la Destructrice des Nations franchit le mur de femmes, tranchant les chairs sur son passage, suivie de près par ses hommes encore vivants.

 

Des lambeaux de chair jonchent le sol, le sang gicle des corps qui s'effondrent sans vie.

 

Les soldats se rendent compte qu'ils ont perdu la bataille quand des Amazones descendent des arbres, armes à la main, et les encerclent.

 

Xena, dans sa folie meurtrière, ne voit, ni n'entend plus rien à part son envie incontrôlable de prendre le dernier souffle des femmes qu'elle déchiquette et démembre avec son épée.

 

Ces personnes, qui, il y a quelques heures à peine, respiraient, vivaient, espéraient, ne sont plus que des amas de viande d'où le sang bouillonnant s'écoule encore en une rivière rouge, emportant os, chair ou cerveau.

 

A bout de force ou de volonté, les soldats tombent après s'être battus vaillamment pour une femme qui ne les pleurera pas. Mais tous sont, dans leur malheur, heureux de mourir comme ils ont vécu, en guerrier.

 

La Conquérante ne ressent pas la fatigue.

Un cri surpasse les battements à ses oreilles. Une voix qu'elle connaît trop bien, qu'elle aime et qui lui manque tellement.

 

 _ Non! Hurle Gabrielle à quelques mètres des premiers cadavres.

 

Assise sur sa monture, effrayée par la scène qui se déroule sous ses yeux, la blonde aux yeux pers créée la stupeur.

Tous les regards se tournent vers la nouvelle venue; mais elle ne les voit point, une seule personne la préoccupe en cet instant.

 

Xena ressent une vague de joie immense la transpercer en voyant la jeune femme qui hante ses jours et ses nuits. Obnubilée par les deux émeraudes, Xena réalise que ce regard apeuré ne lui est pas destiné.

Dans le temps qui semble ralentir sa course, parmi la chair de poule que lui donne cette vision angélique, un frisson parcoure son corps entier.

Instinctivement, la brune suit le regard de son épouse. Ses mèches couleur corbeau dans le vent, elle se retourne pour voir la reine des Amazones foncer sur elle. Xena n'a pas le temps d'esquiver le coup, c'est sûr.

 

Ce qu'elle ne sait pas, ni Mélossa, c'est Légendrios qui s'amène dans leur direction en courant.

 

La reine, qui avait profité d'un instant où la Conquérante lui tournait le dos pour tenter sa chance, est stoppée dans son élan par une lame froide qui la transperce de part en part.

 

Les guerriers sont incapables de bouger face à la scène irréelle qui vient de se jouer, épatés par la rapidité de réaction du lieutenant, surtout ébahis de voir leur princesse dans le camp ennemi.

 

Les femmes quant à elles ressentent la colère, le désespoir, la tristesse et l'envie de vengeance s'emparer de leur être. Leur reine meurt sous leurs yeux sans avoir combattu. Poussées par cette vision d'horreur, elles reprennent l'attaque, frappant, transperçant et déchirant les corps avec toute la force et la volonté dont elles sont capables.

 

Les soldats déjà en position de faiblesse, se font assassiner les uns après les autres

 

Après un bref regard pour celui qui vient de lui sauver la vie, Xena reprend le combat, l'effet de surprise provoqué par la conteuse s'étant estompé. Elle sent le regard de sa bien-aimée posé sur elle, mais la Destructrice ne le lui rend pas, tant les Amazones les acculent.

Ce n'est qu'à ce moment qu'elle réalise que ses troupes sont décimées.

Dos à dos avec son officier, la Conquérante sait qu'elle a perdu la bataille. Doucement, elle cesse de se battre, entourée des guerrières elle ne peut plus rien.

 

 _ Légendrios! Arrête! Ordonne-t-elle.

 _ Tu as perdu une fois de plus, Conquérante. Tes hommes sont morts et vous allez les rejoindre. Triomphe Ephiny en s'avançant vers les prisonniers.

 

Lentement, elle lève les yeux du masque à plumes pour croiser le regard triste de la barde qui n'a pas bougé d'un pouce.

Les deux femmes aussi opposées que le jour et la nuit semblent communiquer, se parler sans mots, un langage qu'elles seules comprennent.

La dernière image que Xena enregistre avant de sombrer dans les ténèbres, c'est le visage si doux sur lequel coulent des larmes amères.

 

En cette fin d'après-midi, les cris de rage et de douleur, les bruits des armes qui s'entrechoquent ont cessé. Plus un son ne provient du lieu de la bataille, seuls les amas de viande et les rigoles de sang montrent l'endroit où s'est déroulé le carnage.

 

Les vainqueurs s'en retournent avec leurs deux prisonniers inanimés, sans éprouver la joie de la victoire. Les Amazones ont perdu un grand nombre de leurs sœurs mais également leur reine.

Ephiny retrouve Gabrielle, restée en arrière du cortège.

 

 _ Est-ce que ça va? Demande doucement la guerrière.

 _ Oui, c'est juste que tout s'est passé si vite. Répond la barde perturbée.

 _ Gabrielle, je sais que ce n'est pas le moment de parler de ça, mais il faut que tu le sache. Notre reine Mélossa est morte donc... C'est à toi que revient son trône.

 _ Quoi? S'étonne la princesse.

 _ Quand tu as reçu tes droits de caste, tu es devenue princesse de notre tribu, alors...

 _ C'est bon, j'ai compris.

 

Surprise par le ton froid, la blonde s'arrête et regarde la jeune conteuse s'éloigner au galop.

C'est le encore plus lourd qu'elle reprend son avancée. Au départ, elle voyait Gabrielle comme une enfant qui prenait tout pour un jeu, mais en l'observant, Ephiny s'est redue compte que ce n'est pas le cas. La lueur de peine qui brise ses yeux couleur émeraude lui a prouvé que la princesse connaît le malheur, peut-être même plus qu'elle le devrait.

 

 

 

 

Chapitre 8 :

 

 

La jeune conteuse arrête sa monture, les picotent ses yeux. Arrivée en haut d'une colline, elle met pied à terre.

 

En allant sur le champ de bataille, elle espérait pouvoir empêcher des morts inutiles, savoir pourquoi Xena était venue et surtout essayer de la raisonner. Au lieu de cela, elle a failli la faire tuer.

 

Gabrielle tente de réfléchir, mais une seule chose hante son esprit torturé, le regard de la femme qu'elle a épousée. Malgré les flammes noires et glaciales qui obscurcissaient ses yeux azur, elle a vu ce qu'elle était en droit de voir: le ravissement. Durant le laps de temps où elles se sont toisées, la conteuse a compris ce que Xena avait tenté de lui dire, un simple mot qui, prononcé plus tôt aurait pu empêcher ce massacre: Pardon! 

 

D'un revers de la main, la jeune femme essuie les larmes qui menacent de couler, elle se laisse tomber sur son séant, son monde s'écroule complètement. L'extase éternelle qu'elle avait trouvée à Athènes a volé en éclats. La personne qui la lui avait donnée a disparu.

Soudain, une voix délicate et apaisante arrive à ses oreilles et qui la surprend. La blonde se retourne pour faire face à une Amazone.

 

 _ Est-ce que ça va Gabrielle?

 _ Je ne t'ai pas entendu arriver. Fait-elle en reprenant sa position initiale.

 

Un sentiment étrange qui émane de la guerrière la trouble, c'est la même aura qu'elle a ressenti lorsqu'elle a failli tuer la vieille femme.

 

Sans un bruit, l'arrivante se porte à la hauteur de la princesse en regardant l'horizon.

 

Tout en apparence donne l'impression que la nouvelle venue n'est autre qu'Ephiny, à la seule différence qu'elle a, dans l'attitude et la voix, une douceur que Gabrielle ne lui connaissait pas.

 

 _ Que fais-tu toute seule ici?

 _ Je réfléchis.

 _ Tu te dis que ces morts sont de ta faute, que si Xena a attaqué cette tribu c'est à cause de toi, parce que tu l'as quittée!

 _ Ephiny, tu ne peux pas me dire le contraire?

 _ Non, car c'est la vérité.

 

Un moment de silence s'installe avant que la guerrière masquée reprenne la parole.

 

 _ Que ressens-tu pour Xena aujourd'hui?

 _ Je la hais. Répond la princesse agressive.

 _ Pourquoi?

 

Là, les deux femmes se tournent l'une vers l'autre. Gabrielle observe le masque. La jeune Amazone fixe les deux émeraudes qui lancent des étincelles de rage. Pourtant, en plongeant son regard profondément dans celui de sa camarade, elle y voit autre chose. Un sentiment bien englouti dans les méandres de peine, d'angoisse et de violence qui habite cet être: de l'amour.

 

 _ Elle a tué avec la sauvagerie qui la caractérise nos sœurs et tu me demandes pourquoi? S'énerve la barde.

 _ Tu ne connaissais pas la moitié des Amazones décédées en ce jour. Alors je veux bien croire que tu es triste pour elles, que tu te sentes coupable, mais pas que tu en veuilles à la Conquérante juste pour ça.

 _ Mikos a failli mourir par sa faute. Répond Gabrielle dans un souffle.

 _ Et puis?

 

Hésitante, la conteuse fronce les sourcils avec un léger mouvement de la tête. Face à l'incompréhension la guerrière s'explique.

 

 _ Ton fils a été enlevé, elle t'a jetée et tué pour te retrouver, mais Xena ne t'a pas seulement fait souffrir, je me trompe?

 

La conteuse baisse la tête et soupire. Sa collègue a raison.

 

 _ Xena m'a tout donné, joie, protection, elle a assouvie mes moindres désirs, elle m'a donné plus que j'avais espéré, pour tout me reprendre.

 _ Grâce à elle tu as connu le bonheur, mais il y a une chose qui en fait partie et que jamais elle ne pourra te prendre. Ton fils!

 

Le poids des paroles est un coup de semonce pour la princesse.

C'est vrai que jamais elle ne laissera quiconque lui voler son enfant, ce petit garçon qui est la seule preuve que son passé n'est pas une chimère. Néanmoins, il est également le souvenir vivant des douleurs qu'elle a subies. Cet être, pur et innocent est sans le savoir, l'unique vestige des rires et des plaies qui ont habité deux âmes sœurs.

 

L'esprit de Gabrielle dérive entre réalité et songe, réel et irréel.

Une seule conclusion s'impose. Sans souffrances Mikos ne serait pas là, sans Xena elle ne l'aimerait pas.

 

 _ C'est un cercle vicieux. Xena m'a offert une existence heureuse, une raison de vivre. Je lui dois les meilleurs années de ma vie de femme et en même temps, elle m'a brisée le cœur. Malgré ça j'ai ce que je n'aurais jamais pensé obtenir, l'amour d'un enfant. Seulement, cela ne suffira pas à éliminer ma colère.

 _ Tu ne peux pas apprécier le bonheur si tu ignores ce qu'est son contraire.

 _ Je le sais.

 _ Gabrielle, raconte-moi ton meilleur souvenir avec la Conquérante.

 

Surprise, la conteuse regarde son interlocutrice qui n'a pas bougé.

Ressentant sa lassitude, la blonde s'assoit à même le sol, immédiatement imitée par sa quidam.

 

 _ Je me rappelle le jour de notre mariage. J'étais nerveuse et quand je suis arrivée dans la salle immense remplie de convives, je n'ai pu voir qu'elle. Xena était majestueuse avec ses cuirs rutilants. Elle était aussi stressée que moi, je le sais parce qu'elle ne savait pas quoi faire de ses mains.

Gabrielle sourit à cette pensée.

 _ Puis elle a levé les yeux sur moi et j'étais incapable de bouger. L'expression sur son visage, l'éclat dans ses yeux, Xena n'était plus la terrible guerrière crainte de tous ses sujets, mais une femme pleine d'une tendresse incroyable. Dans son regard rivé sur moi, j'ai vu l'amour qu'elle me portait. Quand j'ai repris mes facultés, je me suis avancée sans qu'elle me quitte des yeux. Tu imagines, la Destructrice des Nations subjuguée par une paysanne?

 _ C'est dur à imaginer. Tu as l'air persuadé que Xena n'est pas un monstre.

 _ Non, c'est une âme meurtrie. Je l'ai vue comme personne d'autre ne peut s'en vanter. Je l'ai vue douce, tendre, attentionnée et prévenante. Quand elle a vu Mikos pour la première fois, Xena l'a pris délicatement dans ses bras, comme si elle avait peur de lui faire mal et un sourire s'est dessiné sur son visage.

 

Ce souvenir émouvant provoque une montée de larmes à la conteuse qui essuie , de la paume de la main, la première s'écoulant sur sa joue.

 

 _ Tu sais qu'elle t'aime, ainsi que Mikos, elle a fait des erreurs, et aussi qu'elle peut faire n'importe quoi pour toi. Alors tu vas la haïr jusqu'à la fin de ta vie?

 _ Je ne sais plus quoi penser. Murmure la blonde.

 _ C'est un animal sauvage que tu as réussi à dompter, elle s'est emballée, il suffit que tu réussisses à la calmer. Ton paradis n'est pas perdu, tu l'as seulement fui.

 

La femme a raison. Xena a ressorti ses démons pour sauver son enfant, malheureusement, les contrôler s'avère être plus difficile à faire que ce qu'elle croyait. Comment une personne peut être les deux opposés en même temps, le bien et le mal, le jour et la nuit?

 

 _ Gabrielle, tu devrais lui parler avant qu'il soit trop tard.

 _ Je ne sais pas si...

 _ Allez, vas-y.

 

Suspicieuse, la princesse tourne la tête vers son vis-à-vis. Brusquement, alors qu'elle fixe le masque immobile, ses paupières deviennent lourdes, trop pour qu'elle puisse garder les yeux ouverts. La blonde lutte en vain, tout devient flou et doucement, Morphée l'accueille.

La conteuse qui sombre dans un sommeil sans rêve ne perçoit pas la main qui se pose sous sa tête, empêchant cette dernière de heurter violemment le sol dur.

 

Gabrielle étant allongée dans l'herbe, son amie se lève et ôte son masque.

 

 _ Trouve la force de lui pardonner.

 

Lorsqu'elle parle, son visage se transforme ainsi que sa tenue d'amazone. Les traits deviennent plus fermes, le cuir se transforme en soie, le masque de plumes devient un casque d'or juste avant qu'elle ne disparaisse dans un flash de lumière.

 

 

 

 

Épilogue :

 

 

Gabrielle émerge de la brume, une brise fraîche fait frissonner sa peau. Ouvrant les yeux, la surprise l'envahit et elle se souvient de la discussion qu'elle a eue. Ce que son cerveau ne comprend pas, c'est comment elle a pu s'endormir ainsi.

Doucement, elle s'assoit, se frotte le visage et observe l'horizon. Une question lui traverse l'esprit. Que va-t-il arriver à Xena?

 

Décidée à trouver la réponse à cette question, la blonde se lève et prend la direction du village.

 

 

Pendant que la princesse s'empresse de rentrer, au village dans une hutte, Ephiny se tient droite face à sa prisonnière.

 

 _ Pourquoi tu nous a attaquées?

 _ Je ne parlerai qu'à...

 

Elle ne peut finir sa phrase, un bâton s'abat sur ses côtes.

 

 _ Je sais. Tu ne parleras qu'à Gabrielle. Mais elle n'est pas là et elle ne veut pas te voir. Hurle l'Amazone furibonde.

 

La Conquérante est là, attachée par des chaînes, sous une pluie de coups portés par une guerrière, qui pourrait finir chez Hadès en quelques secondes si la brune aux yeux azur le déciderait.

Désormais, il n'y aura plus de combat, plus de sang versé, il y en a eu déjà trop aujourd'hui, et pourquoi? Parce que sa colère l'a poussée à dire des choses qu'elle regrette. Parce que sa fierté l'a empêchée de s'excuser. Parce que sa vanité a entravé ses capacités de réflexion. Parce que sa peine lui souffle qu'elle a tout perdu

 

Lorsque les coups s'arrêtent, Xena ouvre l'unique œil encore valide, un rire d'aliénée résonne.

 

 _ La grande Destructrice des Nations sans défense face à des Amazones! Jamais je n'aurai cru voir ça un jour. Ironise Ephiny.

 _ Tu te trompes.

 

La voix mélodieuse et dure surprend les deux adversaires. L'une lève la tête, l'autre se retourne vivement.

 

 _ Gabrielle! S'exclame la prisonnière d'une voix rauque.

 _ Tu oses appeler notre reine par son prénom? S'énerve la guerrière prête à frapper de nouveau.

 _ Non! S'écrie la conteuse.

 _ Elle est à notre merci. Tu ne veux pas lui faire payer ce qu'elle t'a fait? Questionne l'Amazone ahurie.

 _ Les blessures physiques s'oublient lorsqu'elles sont guéries, les mentales restent malgré le temps. Maintenant laisse-nous.

 

La blonde n'a pas quitté le pas de la porte. La discussion qu'elle a eue peu avant avec sa camarade lui a révélé que l'amour que lui porte Xena est aussi vrai que le sien pour la brune, seulement elle lui a fait mal et il faudra certainement du temps pour passer au-delà.

 

 _ Gabrielle...

 _ Je te signale que si Xena aurait voulu, il y a longtemps qu'elle se serait enfuie après avoir écrasé quelques têtes. Rétorque la princesse.

 

Incrédule et furieuse, l'Amazone s'approche de sa reine afin de lui parler à l'oreille.

 

 _ Non, je te remercie pour la discussion que l'on a eue, mais c'est à moi de gérer cette situation, je suis votre souveraine. Murmure la conteuse.

 _ Mais... Tout cela te fais perdre la tête, je ne t'ai pas parlé depuis ce matin. Chuchote la guerrière étonnée.

 

Gabrielle quitte l'océan bleu que ses yeux fixaient depuis son arrivée pour se poser sur sa sœur. Si ce n'était pas elle qui lui a parlé, alors c'était qui? Ephiny a-t-elle un sosie parmi la tribu? Une sœur jumelle? Non elle le saurait, se persuade-t-elle en fronçant les sourcils.

 

 _ Je t'ai ordonné de nous laisser. Fait-elle sur un ton autoritaire.

 _ Bien reine Gabrielle. Se résigne l'Amazone avant de sortir.

 

Durant un instant, la princesse fixe le sol et tergiverse mentalement. La seule possibilité qui lui vient , c'est qu'elle a rêvé cette discussion. C'est une voix basse qui la ramène à la réalité.

 

 _ Gabrielle. Supplie presque la prisonnière.

 _ Pourquoi ce massacre? Questionne la blonde en la regardant.

 _ Par vengeance. Par fierté. Par désir, je ne sais plus.

 _ Toi, la Conquérante, attaque une nation qui t'a vaincue par le passé, sans plan, sans ruse. Tu connais cette tribu, tu sais qu'elle se cache dans les arbres alors pourquoi avoir foncé tête baissée vers la défaite?

 _ Pour toi. Murmure la brune.

 _ Pour moi? Tu ne pensais pas que mener toutes ces âmes à la mort me ferait revenir vers toi? Je n'aime pas les sacrifices! Crie la princesse.

 _ Je ne sais pas, je ne sais plus. Je voulais te parler pour...

 _ Pour me ramener à Athènes? Pour que l'on ignore que je suis partie? S'insurge-t-elle furibonde.

 

Incapable de répondre, Xena baisse la tête dépitée.

Dehors, les cris d'un homme se font entendre, emplis de crainte, non pas pour lui, mais pour la personne qu'il veut voir à tout prix, Xena.

 

 _ Légendrios! S'exclame la brune en essayant de se lever.

 _ C'est lui qui a tué la reine Mélossa, le châtiment est la mort.

 _ Gabrielle, ne fais pas un mort de plus. Tu peux me haïr, me frapper, me tuer mais laisse-le partir. S'il te plaît. Supplie la prisonnière.

 

Brusquement, la conteuse aperçoit dans l'œil, un mélange de sentiments qui lui transperce le cœur. De la compassion, de l'espoir et aussi de la résignation. Se pourrait-il que, contrairement à ce que Xena veut faire croire, elle apprécie son officier comme il le fait à son égard? Qu'elle le considère également comme son ami? Le seul qui lui reste?

 

Sans un mot, la blonde aux yeux couleur émeraude fait volte-face et quitte la hutte.

 

Au détour d'un abri, elle entrevoit l'homme menotté, encadré de deux gardiennes, debout une guerrière lui faisant face.

 

 _ Où est Xena? Que lui avez-vous fait?

 _ Tu la retrouveras au royaume d'Hadès. Crie une Amazone.

 _ Cela suffit! Ordonne la princesse en avançant vers le groupe.

 _ Princesse! S'exclame le gradé.

 

Rapidement, l'officier se trouve contraint de s'agenouiller, un violent coup de pied derrière un genou l'y obligeant.

 

 _ Reine Gabrielle! Un assassin comme toi ne mérite même pas le droit de prononcer ce titre? Explose Eponie.

 Gabrielle arrive à leur hauteur, regarde cette scène, contourne les protagonistes et se place face aux personnes qui lèvent les yeux sur la nouvelle venue.

 

 _ Baisse la tête monstre. Commande Ephiny.

 

Suite à cet ordre, la blonde s'apprête à frapper le malheureux, mais une petite main douce se pose brutalement sur son estomac pour l'en empêcher.

 

 _ Qu'il soit libéré.

 

Des murmures d'incompréhension se propagent dans les rangs.

 

 _ Mais...

 _ C'est un ordre.

 

Aucunes des femmes présentes ne bronche, toutes sont dans l'incertitude.

 

 _ Ce mécréant a tué Mélossa pour sauver sa souveraine. Si la situation aurait été inversée, chacune d'entre vous aurait fait pareil.

 _ Oui mais ce n'est pas cette garce de Conquérante qui est morte. S'insurge une Amazone.

 _ C'est vrai, il doit mourir. Affirme une autre.

 _ J'ai dit non! Certes, il a tué notre reine Mélossa, mais il m'a sauvée moi, il y a de cela plusieurs années. Par deux fois je lui dois la vie.

Puis s'adressant à Légendrios :

 _ Je t'ai payé ma dette. Va-t-en, mais ne remets plus jamais les pieds sur le territoire amazone. Fait sèchement Gabrielle.

 

A contre-cœur, une des deux gardiennes sort une dague de sa ceinture et coupe les liens qui entravaient les poignets du soldat.

Hésitant, il se relève sans quitte des yeux la jeune conteuse qui,à cet instant, ressemble plus à la Conquérante qu'à une princesse compatissante.

 

 _ Pars. Ordonne Gabrielle.

 

Après trois secondes d'hésitation, il s'éloigne sous les regards haineux des guerrières et celui froid de la reine.

Tout à coup, il sent son regard perçant dans son dos, une force qui lui donne des frissons et qu'il connaît bien. Machinalement il s'arrête, tourne la tête pour voir sa chef, le visage en sang, se faire escortée vers l'endroit où il se trouvait il y a peu de temps. L'océan azur qui le fixe n'est plus ce qu'il était avant. Le regard glacial est presque chaleureux, il a perdu sa détermination. La volonté qui y brûlait s'est éteinte. Le bruit d'une épée que l'on sort d'un fourreau attire sa curiosité.

 

 _ La reine Gabrielle t'a ordonné de partir. Fais-le avant que je ne brave sa clémence. Siffle une Amazone l'épée à la main.

 

Déçu l'officier reprend son chemin. Tout est fini; il l'a su en voyant dans les yeux de sa reine, la résignation de la défaite. Xena abandonne et il ne peut rien y faire, il est impuissant face à l'amour.

 

Quant à Xena, elle est escortée vers son destin. Vivre ou mourir, cela va se décider dans quelques minutes. Bizarrement, elle n'a pas envie de s'excuser pour tous ses meurtres, ni expier ses crimes, juste dire à la princesse ce qu'elle ressent.

 

 _ Reine Gabrielle, la sentence pour cette criminelle...

 _ Ephiny, je connais la sentence. La coupe-t-elle. Puis à Xena :

 _ As-tu une dernière chose à dire?

 

Le temps se fige dans un silence lourd et pesant. Le monde disparaît autour des deux amantes, comme une connexion intime qu'elles seules peuvent sentir. Nul besoin de mots pour qu'elles se comprennent. Mais hélas, cette communication muette ne peut suffire. Leurs deux existences se trouvent au bord d'un gouffre sans fond et sans issue.

 

C'est le cœur battant la chamade que la brune se décide enfin à prononcer les seuls mots qui les empêcheront de tomber.

 

 _ J'ai été ignoble avec toi. J'ai fait et dit des choses que je ne pensais pas. Je t'ai blessée alors que tu m'as redonnée la vie. Je ne peux pas te demander de m'excuser car ce n'est pas pardonnable. Mais je désire que tu saches que... Que je t'aime et que je passerai l'éternité à regretter.

 

L'incrédulité s'installe, là devant la nation amazone entière, la Conquérante laisse couler ses larmes qui étaient enfouies sous la cruauté qui bout en elle. Face à ses pires ennemies, Xena se jette à genoux aux pieds de la seule personne ayant réussi à passer au travers des remparts qui enfermaient son cœur.

 

 _ Je n'ai pas su contrôler cette violence obscure en moi et je le payerai toute ma vie par ton absence. Même le Tartare ne saurait être pire. Dit la brune en pleurs.

 _ Les palabres font plus mal que les coups, tu t'en rends enfin compte. Répond la barde.

 

Doucement, la guerrière en larmes baisse la tête et cache son visage contre le ventre de sa bien-aimée. Cette dernière pose une main sur la chevelure couleur ébène, tentant en vain de retenir ses larmes.

 

 _ Ne reviens plus jamais ici, Xena. Décrète la princesse d'une voix cassée.

 

Gabrielle recule et sa main quitte la tête pour retomber mollement le long de son corps tendu. Ses yeux ne peuvent se détourner de la forme prostrée en pleurs qui, jadis, était une femme forte redoutée de tous.

Les Amazones, estomaquées de voir leur ennemie ainsi, ne contredisent pas l'ordre de la libérer.

 

 _ Qu'on l'escorte jusqu'aux limites de nos terres. Fait Ephiny en contemplant sa reine en pleurs.

 

Les deux guerrières qui encadrent la brune, la prennent sous les bras pour la relever et l'accompagner au lieu désigné.

 

Gabrielle se retourne, elle ne veut point voir la femme énergique qu'elle connaissait se faire traîner dans la poussière.

 

 _ Gabrielle ça va? Questionne Ephiny.

 _ Oui. Je ne pouvais pas la mettre à mort. Elle a fait de moi ce que je suis aujourd'hui. Elle m'a rendue heureuse. Répond-elle avec des sanglots dans la voix.

 _ Tu n'as pas besoin de t'expliquer, j'ai compris ce que tu as vu en elle. Ce que tous nous ignorons. Rétorque Ephiny.

 _ Bien.

 

Le soleil paraît être en berne alors qu'il continue sa route à l'horizon. Bientôt il aura disparu, laissant la place à la lune, deux astres témoins de la douleur qui habite ces deux âmes sœurs partant chacune de son côté.

 

Les souvenirs d'un passé heureux brisé par la vanité et la fierté seront toujours présents dans ces deux cœurs qui ont commencés à vivre lorsqu'ils se sont rencontrés.

 

Toute notre vie, nos chemins en croisent d'autres, des personnes restent, d'autres partent. Nos routes sont faites de croisements, de choix à faire qui nous conduisent à d'autres destination. Notre destin part d'un point à un autre, mais contrairement aux astres, il n'est pas en ligne droite.

C'est peut-être pour cette raison que la route qui menait ces deux âmes côte à côte s'est séparée, les déchirant comme l'on déchire une vulgaire feuille de papier. Une moitié se tourne vers une nouvelle vie, une nouvelle famille, l'autre vers les vestiges d'une grandeur perdue.

Tout vouloir et perdre ce que l'on a de plus précieux, ou ne rien vouloir et subir le choix des autres, c'est une question qui n'aura peut-être jamais de réponse.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 FIN

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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Commentaires
P
salut j'ai aimé ton histoire (conflit)mais tu ne peux pas laissé xena et Gabrielle comme ça pas après ce quelle ont vécu s'il te plait met une suite et une fin a cette belle histoire je te remercie et bravo pour les histoires et le travail que ça représente gros bisous brigitte
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V
Ohhh :( j'ai essuyé quelques larmes à la fin...
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C
Que dire, mis à part que la fin me rend triste :(...<br /> Il y aura t-il une suite???<br /> En tout les cas, j'aime lire vos écrits!!! Grâce à autant de détails dans l'histoire, nous pouvons nous représenter le physique des personnages, les lieux mais surtout ressentir les émotions des protagonistes. Cela est plaisant de pouvoir faire marcher notre imagination et de ce fait rêver :-)<br /> <br /> Alors merci à une belle plume :) qui je l'espère nous fera encore vagabonder vers d'autres aventures, avec nos héroïnes préférées
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T
Ayant lu le premier volet de cette fiction que j'ai énormément aimée, j'avoue être totalement perturbée après la lecture de cette suite bien plus noire, fataliste et ... fiou ... juste totalement dérangeante...<br /> <br /> Le style et le don d'écriture de l'auteur ne sont plus à démontré, mais je me permettrais quand même quelques réflexions sur le scénario exposé.<br /> <br /> Gabrielle y apparait totalement froide et ne semble pas se rendre compte que c'est pour elle que Xena accepte le marché destructeur d'Ares, mettant par là le monde en danger. Ca me semble difficile de concevoir que notre barde adoré puisse être aussi insensible et aussi catégorique dans son choix pour le fiston par rapport aux autres.<br /> <br /> On y a également une apparition d'Artémis et d'Aphrodite pour-parlant avec leur frère pour finalement rien entreprendre, du coup je me demande pourquoi les avoir intégré à l'histoire???<br /> <br /> Si vraiment une guerre Conquérante-Amazones devait survenir, Gabrielle n'aurait pas attendu pour se présenter avant Xena avant que cela ne dégénère, et rien dans cet écrit m'a fait pensé le contraire.<br /> <br /> J'imagine que l'auteur nous offre intentionnellement une FIN tragique, mais mon pauvre cœur de fleur bleu n'y survit pas, désolée. Mais puisque c'était le but, j'avoue qu'il est atteint par une plume plaisante à lire et très sure d'elle.<br /> <br /> PS: A quand un 3ème volet???
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