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17 mai 2014

Indiscrétions, saison 3, épisode 12

INDISCRETIONS

Créé, produit et écrit par

Fanatic et TNovan

 

Traduit par Fryda

Episode Douze : L’Esprit est Fort (The Spirit Is Willing)

Je me réveille bien consciente de l’endroit où je me trouve. J’ai finalement été réadmise dans notre chambre après deux longues et solitaires nuits et demie sur le canapé. Je resserre mes bras autour de Kels et je la prends contre moi. Pour avoir dérangé leur sommeil, je suis récompensée par un bon coup de pied de l’un des jumeaux.

Pas de bol, gamin. Je n’ai pas dormi pendant deux nuits. Tu peux bien accepter un peu de bousculade.

Kels passe les mains sur mes avant-bras, puis joue avec mes doigts, les tirant légèrement puis les laissant retomber sur son estomac. « Au dodo », murmure-t-elle.

Je me blottis contre elle autant que possible. « Tu me parles à moi ou aux enfants ? »

« Les deux. » Elle tend la main et relève la couverture sur son estomac.

Je me mets sur mon coude gauche et je regarde ma compagne.

« Tabloïde », dit-elle d’un ton endormi.

« Oui ? »

« Quelque chose te tarabuste ? »

« Pourquoi es-tu venue me chercher sur le canapé hier ? » J’étais extrêmement reconnaissante mais plutôt surprise. Kels a trainé dans l’appartement autour de minuit, m’a tapoté l’épaule, m’a tendu la main puis m’a emmenée jusqu’à notre lit.

« Tu as envoyé de très belles fleurs hier après-midi. »

Je ris. « J’espérais que tu les aimes. » Je me penche et je lui embrasse la joue. « Alors tout ça à cause de fleurs sauvages ? »

« Il y a aussi eu ton expression dépitée pendant ces deux jours. »

« J’espérais que cela finirait par attiser ta sympathie. »

Elle ouvre un œil et m’étudie. « C’est la seule chose que ça a attisé, alors ne te fais pas d’illusions, Tabloïde. »

« Je suis juste heureuse d’être ici, avec ma famille. » Je joue avec ses cheveux ce qui provoque un léger soupir chez ma compagne. « Vous trois, vous êtes mon monde. Je suis si contente de faire partie de votre vie. Merci de me laisser y venir. »

« Tu es la bienvenue, Tabloïde. » Elle m’attire contre elle et se bottit dans mes bras. « Je t’aime », réussit-elle à prononcer en bâillant. « J’ai juste besoin de me reposer. »

« Détends-toi. Je suis là. » Je mets le nez dans sa nuque, humant l’odeur de son shampoing, de son parfum et de sa peau. C’est un mélange entêtant.

« Hmmm, je sais. C’est la meilleure partie. »

 

* * *

 

Nous sommes en route vers un petit Bed & Breakfast dans lequel Matt envisage d’investir. Non seulement, ce sera un endroit sympa où Kels et moi, nous pourrons nous échapper, mais aussi parfait pour le premier sujet de Frankie. Tout l’intérêt de cet endroit c’est qu’il est supposé être hanté.

Ça devrait être marrant.

Je regarde dans mon rétroviseur. Kels somnole, la tête posée sur un oreiller, enroulée dans notre couverture de mariage depuis le ventre. Kam a posé la tête sur ses cuisses. Ce qui en reste en tous cas.

Je jette un coup d’œil à Brian qui joue les navigateurs. Il lit un livre. Je ne sais pas comment les gens peuvent faire ça en voiture, moi ça me rend nauséeuse. « Brian ? »

« Ouais, l’Etalon ? »

Je me retiens de rouler les yeux. « Kels et toi vous vous parlez beaucoup, pas vrai ? »

« Oui, depuis qu’on est aussi souvent ensemble, on se parle beaucoup. »

« Tu peux répondre honnêtement à une question ? Pas de connerie ? »

Il prend une profonde inspiration. « Tant que ça ne me demande pas de trahir une confidence, bien sûr. »

Je le regarde. Je ne suis pas sûre de savoir comment prendre ça.  Est-ce que Kels a des secrets pour moi ? Ou bien est-ce que c’est un tellement bon assistant journaliste qu’il connait toutes les ficelles du métier ?

« D’accord. C’est juste. » Je prends le temps avant de le dire. « Comment va Kels ? J’ai l’impression que parfois elle prend sur elle et …

Je m’arrête en notant qu’il secoue la tête. « Elle va bien, Harper. Elle est juste un peu stressée. » Il s’arrête et me sourit. « Et totalement furieuse d’avoir eu à abandonner ses tickets pour les Matches. Elle se plaint toujours du fait que Barbara Walters va aller voir les jeux et elle non. » (NdlT : Barbara Walters est une journaliste célèbre aux USA)

Comme s’il avait besoin de me le dire. Seigneur, on pourrait penser que le monde va exploser parce que Kels ne peut pas aller au Championnat du monde de Baseball. Je pense que j’ai failli me retrouver de nouveau sur le canapé pour ne pas avoir compris combien ces Subway Series sont colossales. (NdlT : les Subway Series sont des matches entre les Mets et les Yankees, une rivalité très connue aux USA). Le stress des deux premiers jeux a failli mettre mon aimée en pré-travail. « Autre chose ? A part la tragédie de l’année 2 000 entre les Mets et les Yankees ? »

Il hausse les épaules. « Ce sont les dernières semaines avant l’arrivée des bébés. Elle a peur. »

« Peur ? »

« Oui. » Il se tortille dans son siège pour vérifier qu’elle est toujours endormie. Satisfait, il se retourne. « Elle semble penser que quelque chose ne va pas aller. Elle a eu deux ou trois rendez-vous avec son avocate pour s’assurer que tout est en ordre. »

« Bon sang. » Je tapote le volant. « Oui, je connais le truc avec Beth mais de quoi est-elle inquiète en fait ? »

« Elle dit qu’elle n’arrive pas à deviner ce que c’est. Elle a un pressentiment. Je pense que c’est une réaction normale au fait de devenir parent pour la première fois. En plus, elle marche sur un territoire vraiment inconnu. »

« C’est pareil pour moi. »

« Mais pas autant parce que tu viens d’une grande famille. En plus, ce n’est pas toi qui accouches. Je sais que tu as prévu d’être là », dit-il rapidement pour devancer mon objection.  « Vois les choses en face, Harper, C’est Kels qui va avoir mal et c’est elle qui est totalement engagée dans le fait d’avoir les bébés. Ça doit être totalement effrayant. »

Hmm, bien vu, Brian. Je regarde ma belle endormie dans le rétroviseur. Elle a l’air si jeune quand elle est endormie. J’aimerais pouvoir être là derrière et me blottir contre elle.

Le mobile de la camionnette sonne et j’appuie sur le bouton mains libres. Il n’y a rien que je déteste plus que les gens qui essaient de conduire en tenant un mobile. « Kingsley. »

« Harper, c’est Frankie. »

« Salut mon gars. Qu’est-ce qui se passe. »

« Nous sommes prêts à quitter le studio et à vous retrouver là-bas mais quelqu’un des costumes a laissé un mot dans votre bureau en demandant s’ils devaient m’habiller pour l’occasion. »

« Nan, tu as des vêtements sympas prêts, non ? »

Il rit. « Comme d’hab’, non ? » C’est vrai qu’il a toujours belle allure même habillé ordinaire.

« Ça ira pour ce sujet. N’en fais pas trop. Et s’il se trouve qu’on a besoin de quelque chose une fois là-bas, je te montrerai comment utiliser le compte professionnel. »

« Génial. » Il fait une courte pause. « Hum, est-ce que Kelsey est avec vous ? »

« Oui. » Je souris. Je peux l’entendre rougir.

« Vous pensez que si je suis coincé elle me donnera quelques tuyaux ? »

Je regarde ma femme endormie. « Essaie de l’en empêcher. »

 

* * *

 

C’est vraiment un petit endroit charmant. Si papa n’investit pas là-dedans, je pourrais bien le faire. Si nous n’avions pas notre maison à la Nouvelle-Orléans, c’est le genre d’endroit que j’aimerais pour nous : dans la campagne, beaucoup d’arbres, de l’air frais et un lac tout près.

Kam court partout et fait ami-ami avec tous les arbres. Il a l’air d’un chiot vraiment heureux. Harper et Brian déballent nos bagages et j’essaie de trouver un moyen de stopper mon mal de dos. Je sais ce qui va le faire. Accoucher, ouaip, c’est ça le truc.

Je remarque que Frank et l’équipe ne sont pas encore arrivés. L’équipe de parapsychologues n’est pas là non plus. Bon, peut-être qu’Harper, Brian, Kam et moi allons devoir passer la nuit seuls dans cette vieille maison lugubre. Mais je commets l’erreur d’en parler à mon assistant.

Brian s’arrête à la porte principale et pose les sacs qu’il portait. Il se retourne avec grâce et vient vers moi. « Les mecs homos ne restent pas dans les maisons qui leur parlent. C’est écrit dans notre manuel. »

« Les Contes de Fées ? » Crie Harper depuis la Range Rover.

« Oh, ha ha ha », réplique-t-il en souriant d’un air supérieur. Il est tout simplement furieux de n’avoir pas trouvé la blague lui-même. « Quand les murs commenceront à saigner, ne cours pas dans mes bras, l’Etalon. »

« Oui, tu allais être ma première ligne de défense. »

Il montre sa langue et revient au pas militaire vers la maison avant d’ouvrir la porte d’un air dramatique. Je ne savais pas que c’était possible mais ça l’est. Je décide de jouer un peu avec mon épouse et je crie, « Brian, si tu as trop peur, tu peux toujours venir dormir entre Harper et moi. »

« Hé ! » J’obtiens la réponse que j’attendais.

« Oh, génial ! Dormir avec Maman et Papa ! » Brian tape dans ses mains d’un air excité. « J’apporte le popcorn. »

Je fais de mon mieux pour ne pas rire.

J’échoue.

« Heureusement que je t’aime, Kels. » Elle prend le reste des bagages et entre.

Je pars derrière elle. L’endroit est vraiment charmant. Très rustique. Le dossier dit que c’est fait pour être une retraite. La maison n’a que six chambres. Un petit groupe peut louer toute la maison et avoir un service de chambre et de cuisine, ou ils peuvent choisir de le faire eux-même. Ça dépend de leurs envies.

Il y a de l’électricité mais pas de télévision, ni radio, ni téléphone, ni connexion informatique, rien. On vient ici pour se détendre et communier avec la nature et – selon la légende – au moins six fantômes.

Pas besoin de dire que… nous sommes livrés à nous-mêmes.

 

* * *

 

Harper et moi prenons la suite parentale au rez-de-chaussée. Très sympa. Une jolie chambre avec un décor du dix-huitième siècle. Le lit est une reconstitution de grand baldaquin, les autres meubles à l’avenant. Le fait que la chambre à coucher ait été refaite pour inclure une énorme baie vitrée vers un ponton qui surplombe le lac ne nuit en rien. Je remarque une énorme cheminée à bois sur le mur du fond. Très sympa en effet.

Je vais pour attrape mon sac de voyage posé au sol mais je suis arrêtée par un coup sur ma main de ma tendre épouse. Je lui souris tandis qu’elle le pose sur le lit pour moi. « Merci, Tabloïde. »

« Je ne suis pas encore sûre de comprendre pourquoi tu déballes tes affaires quand nous faisons ces trucs. »

« Je déteste vivre avec mes affaires dans une valise », lui dis-je tandis que je sors mes affaires du sac pour les mettre dans l’armoire.

« Tu as certainement bien choisi ton métier pour ce petit désagrément particulier », me taquine-t-elle. Elle ouvre sa valise sur un support de bagage et c’est là qu’avec toutes ses affaires, elle va rester le temps qu’on sera ici.

« Je ne dépends pas de ça. » Je lui montre l’armoire. « Tu vois ? Elle est là et je suis ici. »

« C’est de la sémantique. »

« Hmm hmm. » Je hoche la tête et je m’approche d’elle pour l’enlacer. « Je t’ai dit récemment que je t’aime ? »

Elle regarde sa montre d’un air théâtral. « Pas depuis sept heures et quart ce matin. »

« Qu’est-ce que j’ai moi ? » Je me penche et je lui donne un long baiser profond. « Je t’aime. »

« Je t’aime aussi. »

« Tu veux sortir ta nana préférée pour une balade au lac ? »

« Absolumment. » Elle retire mes bras de sa taille et va vers la porte de notre chambre. « Brian, tu veux aller te balader près du lac ? » Crie-t-elle dans le couloir.

Je n’attends pas qu’il lui réponde. « Oh, très drôle, Tabloïde. » Je sors sur le ponton et je prends une inspiration de l’air frais et vif. Il ne se passe pas longtemps avant que je sente ses bras se glisser autour de moi. « Tu te contente du meilleur second choix ? »

« J’en ai bien peur », son commentaire est tempéré par une étincelle dans son regard bleu. « En plus, Brian est occupé à planter des croix, tailler des pieux en bois, mettre de l’eau bénite partout… »

« Tu lui as dit qu’on cherchait des fantômes, pas des vampires ? » Je ris en massant les mains posées sur mon ventre.

C’est drôle de voir comme je deviens consciente de chaque sensation. Je sens les petits poils sur le dessus des mains d’Harper. Je jure que je peux entendre son cœur battre à six mètres. J’ai constamment quelque chose sur moi ou près de moi qui contient son essence pour que je puisse simplement prendre une profonde inspiration et l’avoir près de moi. Même quand elle n’est pas là. Et l’embrasser maintenant est aussi sucré que le miel que je mets dans mon thé. Je pense que c’est principalement parce qu’en ce moment je ne me sens pas particulièrement sexy et qu’il ne nous reste que les câlins.

Nous savions toutes les deux que cela finirait par arriver alors nous nous arrangeons au mieux.  Harper est un vrai soldat là-dessus. Elle me prend dans ses bras et utilise ce fichu stylo-lampe pour jouer avec les bébés. On parle des jumeaux et de toutes les choses qu’on veut faire avec eux. J’aime bien regarder ses mains tout simplement, jouer avec ses doigts et l’écouter.

« Alors tu va me faire un feu dans cette cheminée avant que je n’aille me coucher ? » Je la pousse un peu. « Puisque tu vas devoir faire le tour à la recherche de fantômes. »

« Tout ce que tu veux. »

« Là maintenant, je veux faire une balade au lac. »

« Allons-y. » Elle sort du ponton en sautant par-dessus la rambarde. Puis elle me tend la main du bas des marches.

« Je peux utiliser l’escalier, pas vrai ? »

« Je préfèrerais, en fait. »

« Bien. Moi aussi. Je ne me sens pas l’âme d’un écureuil volant à l’instant. »

Harper rit en serrant ma main. « Voilà une jolie image mentale. Je parie que tu ferais un écureuil tout mignon. » Elle me pince la joue et je manque de la taper. « Mon petit Rocky à moi. » (NdlT : c’est un personnage de bande dessinée, un écureuil volant)

« Mon petit Bullwinkle à moi. » (NdlT : le compagnon de scène de Rocky, un élan)

 

* * *

 

Une fois que le reste de l’équipe de production est arrivée, je laisse Harper faire son boulot, installer tout le monde et donner les feuilles de réalisation à l’équipe pour les deux nuits à venir.

J’ai l’impression que tout le monde va bien s’amuser avec ce sujet. Je devine que Frank meurt d’envie de commencer. Je me souviens avoir eu de l’énergie et de l’enthousiasme comme ça autrefois.

Puis je suis tombée enceinte. Maintenant je suis une limace. Une grosse limace.

J’attrape la laisse de Kam et je fais savoir à Harper qu’on va faire une petite balade et qu’on sera de retour dans environ une demi-heure. Elle lève la main pour me dire qu’elle a entendu sans interrompre son travail avec l’équipe. Je prends une profonde inspiration ravie. J’adore la regarder travailler mais je n’ai pas le droit, alors je vais me balader.

Tandis que je sors, une autre voiture arrive. Deux femmes et un homme en sortent et Kam est immédiatement en alerte. Je sais que ce chien est capable de mettre un homme en pièce mais je dois admettre qu’il est plutôt mignon quand il prend son air protecteur et que le poil sur sa nuque se redresse. Je lui fais une petitie tape et je le gratouille. « Doucement, mon gars, tout va bien. »

Une des femmes s’approche  en gardant un œil attentif sur mon chiot. Je tends la main. « C’est bon, il ne mord pas. Je suis… »

« Kelsey Stanton. Je sais. Je suis une grande fan en fait. » Elle prend ma main et me fait un sourire très charmant. C’est encore bizarre d’entendre quelqu’un me dire qu’il est fan. Ça envoie aussi un frisson le long de ma colonne vertébrale. « Merci. Et vous êtes ? »

« Pardon. Je suis le Dr Andrea Silverman. Je suis votre parapsychologue, autrement dit votre chasseuse de fantômes. » Elle hausse les épaules. Puis elle me lance un bon regard direct. « Croyez-vous au monde spirituel, mademoiselle Stanton ? »

Oooh, je voudrais bien corriger ces paroles mais je ne le peux pas. C’est vraiment frustrant.

« Oui, oui, j’y crois. » Je repense au sujet que j’ai fait une fois avec Indiscrétions. « Et bien, je suis contente que vous soyez là mais je ne suis pas ici officiellement ce week-end. J’apprécie juste la campagne. La personne qu’il vous faut est à l’intérieur. C’est la réalisatrice du sujet, Harper Kingsley. Vous ne pouvez pas la rater. »

Bon sang, c’est bien vrai en plus.

« Génial. Merci. J’espère que nous pourrons parler plus tard ? » Elle relâche ma main très lentement.

« Bien sûr, je serai dans le coin. J’emmène juste mon petit gars faire une balade. » Je gratte Kam une fois encore et il me lèche la main.

« Super. J’ai hâte. » Elle me fait un sourire et un petit clin d’œil avant de se tourner, de donner des ordres à sa propre équipe et de se diriger à l’intérieur pour trouver Harper. Je regarde mon chiot. « Elle ne flirtait pas avec moi, si ? »

Kam penche la tête et semble lever le sourcil comme pour dire ‘Et ben, euh si’. Oh bon sang, je n’ai vraiment pas besoin de ça. Note pour moi-même : rester loin du Dr Silverman. Je ne voudrais pas qu’Harper tue l’expert de Frank avant même qu’il ait une chance de faire son premier sujet.

En plus, à quoi elle pense donc ? Je suis visiblement très enceinte. Je passe la main sous le maillot d’Harper et je fais pendre mon alliance sur le devant pour que le monde entier la voie. Et voilà, madame, maintenant à vous de comprendre.

 

* * *

 

Frank est avec les chasseurs de fantômes et les regarde câbler la maison avec tout leur équipement. Je les ai examinés pendant qu’ils déballaient. Ils ont des jouets vraiments sympas. Si j’abandonne la télévision, il se pourrait que je me mette à la chasse aux fantômes rien que pour jouer avec tous ces trucs sympas.

Mon équipe est prête et se trouve dans la cuisine à préparer le repas alors je suis partie à la recherche de ma nana. Il faut que je fasse une sieste pour rester éveillée ce soir et aider Frankie à démarrer. Naturellement, je veux voir si je peux convaincre ma femme de venir se blottir avec moi. Je parie que je peux, lire et faire la sieste sont ses deux passe-temps ces temps-ci.

Je m’arrête à la cuisine pour regarder mon équipe, qui consiste en quatre gars du studio, dévorer des sandwiches à la viande comme s’ils n’avaient pas mangé depuis des jours. On dirait Mama qui nourrit les garçons. J’ouvre le frigo et je me penche pour prendre de l’eau et du jus avant d’aller chercher Kels. Soudain, je me redresse en sursaut et je me cogne la tête contre la porte.

Oh, ça ne vient pas d’arriver, si ?

Je me retourne lentement en essayant de contenir ma colère pour ne pas tuer le mauvais. « D’accord, c’est qui le gros malin ? » Ils s’arrêtent tous de manger et me regardent comme si j’étais cinglée. Je me lèche lentement les lèvres puis je serre les dents avant de continuer. « Lequel de vous m’a pincé les fesses ? »

Leurs yeux s’agrandissent et ils nient tous, posant même les sandwiches pour pouvoir faire des gestes futiles d’innocence.

Je leur lance un regard noir. « Recommencez et vous mourrez. » Je prends mes affaires et je sors lentement de la cuisine.

Une fois dehors, je trouve Kels qui joue avec Kam. Elle lui jette son jouet préféré. C’est ce gros jouet dur à mâchouiller qui ressemble à un bonhomme de neige et qu’on appelle Kong. On a dû commencer à lui en acheter parce qu’il mâchait tous ses autres jouets en un rien de temps. Il a de méchantes dents dans sa caboche. Il aime bien celui-là parce qu’il rebondit comme une balle. Alors Kels le fait rebondir et il saute pour l’attraper, puis il revient en courant et le pose aux pieds de Kels. Quand elle ne se penche pas pour le prendre, il l’attrape et pousse sur sa main jusqu’à ce qu’elle le prenne.

Kam adore sa maman.

« Hé, ma belle. » J’avance doucement sur leur terrain de jeu et j’offre le jus à Kels. « Tu veux faire une sieste avec moi ? »

« On parle d’une vraie sieste et pas le genre de sieste que prennent tes parents, c’est ça ? »

« Oooh, Kels. » Je fais la grimace et je sirote mon eau. « Est-ce que tu avais besoin de dire ça ? »

Elle sourit et plisse nez, puis elle relance le jouet de Kam. « Je pourrais me laisser persuader. »

Je prends son alliance entre mes doigts et je tire doucement sur la chaine. « C’est quoi ça ? Tu devrais la porter sous ton polo pour ne pas la perdre. »

Je commence à la remettre quand Kels me prend la main. « Laisse ça, Tabloïde. » Elle dépose un petit baiser sur ma main. « Tu as dit quelque chose à propos d’une sieste ? »

« Oui, et ensuite tu as mentionné mes parents. Merci. »

« Désolée. »

Kam rapporte son joujou et le laisse tomber, puis il me pousse les fesses. Qu’est-ce qui se passe avec mon derrière aujourd’hui ? Je me penche et je prends son jouet, puis je l’envoie au bord de la forêt. « Alors, tu as aimé ta petite excursion ? »

« Oui. C’était sympa. Viens que je te montre quelque chose. »

Elle me prend la main et m’entraine derrière la maison dans une vieille écurie. Il n’y a pas de chevaux en ce moment mais on y conserve le matériel de jardinage et de la paille fraîche. Le tas semble déjà avoir accueilli une certaine épouse et son chien.

« C’est comme l’écurie que Pa avait quand j’étais enfant », me dit-elle tandis que nous allons vers le tas de foin. « Bien sûr, quand j’étais enfant », elle s’abaisse dans le tas et m’invite à la rejoindre, « je grimpais dans le grenier. J’ai eu mon premier baiser dans un grenier à foin. » Elle me fait un petit sourire.

« Ah oui ? » Je me laisse tomber près d’elle et elle se blottit automatiquement et nous nous mettons à l’aise. « Et qui était l’heureuse destinataire de ton premier baiser ? »

Kam entre en trottinant. Il nous regarde, se rend compte que le jeu est fini et il s’allonge à l’entrée de l’écurie pour monter la garde.

Je pousse légèrement ma compagne. « Avoue, qui as-tu bécoté en premier ? »

« En fait, c’était ma meilleure amie, Rebecca. Elle vivait dans le ranch d’à côté et on avait l’habitude de monter à cheval ensemble. Un jour, après qu’on avait brossé nos chevaux, on a grimpé dans le grenier… »

« Hé, je pensais que Beth… »

« Beth a été ma première si on parle de sexe. Ça c’était juste un baiser. Tu sais le premier baiser d’enfance genre ‘je ne l’ai jamais fait, ça ressemble à quoi’. Seigneur, Harper, je pense que je devais avoir dix ou onze ans à l’époque. Ne me dis pas que tu n’en as pas eu toi aussi. »

« Non, j’avais quinze ou seize ans et je suis allée directement au festin. » Je prends une gorgée de mon eau et je me rends compte qu’on est vraiment confortable, blotties dans la paille.

« Vraiment ? Raconte. »

« Il n’y a pas grand-chose à raconter. J’étais capitaine de l’équipe de softball… »

« Bien sûr. » Elle roule les yeux et joue avec les boutons de ma chemise.

« Tu veux entendre l’histoire ou pas ? »

« Désolée. »

« Un soir après un jeu tardif, je suis sortie avec des amies et on a croisé les pompom girls de l’équipe adverse. Et bien, leur capitaine et moi… »

« Tu n’as honte de rien ? » Elle rit en déboutonnant les trois premiers boutons de ma chemise pour permettre à sa main d’entrer en douce.

« Autant que toi. » Je regarde sa main.

« Je suis ta femme. C’était la capitaine des pompom girls de l’équipe adverse. Alors, qu’est-ce qui s’est passé ? »

« Et bien, disons juste que mon équipe a gagné deux fois ce soir-là. »

 

* * *

 

Bon, il est presque dix heures du soir, Kels est profondément endormie et la chasse aux fantômes a commencé. L’équipe de recherche a surveillé la maison toute la journée, observant les changements de température ou du champ électromagnétique. Je regarde la rangée de moniteurs et je remarque pour la première fois qu’il y a une caméra dans notre chambre.

Oh, merde. Il faut que je m’assure qu’il n’y a pas d’enregistrement du baiser que j’ai donné à Kels quand je l’ai bordée. Bon, il fallait bien que je la remercie pour ce qu’elle a fait pour moi dans l’écurie. C’est bon d’aimer une femme qui se souvient que j’ai des besoins et qui s’en occupe de manière si charmante.

Je regarde Frankie suivre l’équipe de chasseurs de goules tandis qu’ils prennent des mesures dans la maison pour tenter de trouver l’un des six fantômes qui sont réputés vivre ici. J’espère qu’ils trouveront quelque chose autrement le pauvre gamin va être dévasté. Il ne comprend pas que je peux faire un sujet avec rien. J’ai  une grande expérience de travail avec Bruce.

J’écoute et je regarde avec un peu d’amusement tandis qu’ils s’arrêtent et prennent des photos, trouvent des endroits dans la maison qui sont supposés être plus frais que d’autres. Ben, sans déc’, cette maison a plus de cent ans. Il doit bien y avoir des endroits froids.

Je veux voir un type descendre l’escalier avec sa tête dans ses mains. Encore une chose qui sonne sale mais ne l’est pas, parce que je me réfère à celle qui devrait être sur sa tête. Ah, je pense qu’il est temps de prendre une bière. Je laisse l’équipe de recherche faire ses trucs et je me dirige vers la cuisine.

Le Dr Silverman est assise à la table de cuisine et examine des données qu’ils ont collectées. « Comment va, Doc ? » Elle me fait un sourire et retourne à ses papiers. Je tourne la capsule de ma bière et je m’asseois sur un tabouret près de l’un des comptoirs. « Vous trouvez des trucs intéressants par ici ? »

« Quelques petites choses. Il y a assurément une activité inhabituelle dans la maison. Nous en saurons plus au matin. »

« Génial. Vous pouvez faire une interview avec Frankie demain ? »

« Absolumment. » Elle lève les yeux et prend quelques gorgées de son café. « C’est quoi le truc avec Kelsey Stanton ? »

« Pardon ? » Je manque m’étouffer avec ma bière.

« Kelsey Stanton, vous savez bien, la jolie blonde ? J’ai entendu dire qu’il n’y avait pas d’homme dans sa vie. Je me disais que vous pourriez peut-être me dire quel est le truc. C’est une femme plutôt attirante. »

« Elle est aussi plutôt du genre discret. Je la laisserais tranquille si j’étais vous. »

« Oui, et bien, elle peut être discrète. Je suis discrète et vous n’êtes pas moi. Merci. C’est tout ce que j’avais besoin de savoir. »

« Non, ce n’est pas tout ce que vous avez besoin de savoir. Restez loin d’elle. »

Elle lève les yeux de ses papiers. « Vous avez un intérêt caché à l’égard de la bonne Ms Stanton, j’ai l’impression, non ? C’est sérieux ? »

Je me force à ne pas grogner. « Elle s’appelle Kingsley. Ce sont mes enfants qu’elle porte. Mon alliance est – eh bien, actuellement – autour de son cou. Oui, je pense que c’est sérieux. »

Elle hoche lentement la tête. « Compris. Désolée. Je ne me rendais pas compte. » Elle ferme son dossier. « Je suis vraiment désolée. Je vais aller ramper sous une pierre maintenant. » Elle rit doucement en se dirigeant vers la porte.

Bien. Et restes-y.

 

* * *

 

J’entends une voix qui appelle mon nom et je roule sur le dos, en me disant qu’Harper me réveille pour une quelconque raison. J’ai le souffle coupé quand je le vois.

« Erik ? » Je m’assieds et je me frotte les yeux. Je dois être en train de rêver. Mais même lorsque je me secoue la tête et que je suis sûre d’être éveillée, il est toujours près de la baie vitrée à me regarder.

« Salut, Kels. » Il me fait un petit signe intimidé.

« Je… je… je… » Je bascule les jambes au bord du lit et il me fait signe de ne pas bouger.

« Ne te lève pas. Tu as besoin de repos. » Il traverse la pièce et s’agenouille devant moi. Ses mains vont à mon ventre. Ses mains sont chaudes, ce qui me surprend. « Collin, hein ? » Un sourire passe sur ses lèvres. « Je suis honoré. »

« Tu me manques. » Je veux pleurer. Je me rends compte que ça doit être un rêve mais je ne semble pas pouvoir me réveiller. Je passe la main dans ses cheveux. Oui, ça doit être un rêve. Les fantômes ne sont pas aussi consistants, non ?

« Il ne faut pas que je te manque, Kels. Je suis toujours tout près et je garde un œil sur tout. »

« Je suis tellement dés… »

« Oh non, mon cœur, ne t’excuse pas. J’ai fait ce que j’avais à faire. Je ne le regrette pas. » Ses yeux ont toujours cette douce teinte de bleu. « Je suis content que tu soies heureuse et que tu aies trouvé tout ce que tu as toujours voulu. Souviens-toi, je t’avais dit qu’un de ces jours, tu trouverais l’élue. » Il rit. « Je ne pensais pas que ce serait Harper Kingsley, mais hé, ça marche. Ne répare pas ce qui n’est pas cassé. »

« Je l’aime, Erik. »

« Ouais, nous savons. » Il hoche la tête.

« Nous ? »

« Ah, nous sommes quelques-uns à garder un œil sur toi. Nous sommes contents que tu aies fini par trouver le bonheur, Kels. Ta grand-mère voulait que je te dise qu’elle pense que Grace est un prénom parfait pour ta petite fille. »

Je souris. « Oui, je parie. Dis-lui que je l’aime, tu veux ? »

Il se lève et recule d’un pas. « Elle le sait, Kels. Nous le savons tous. » Il me fait un petit geste. « Ne t’inquiète de rien. Tout va parfaitement se passer. »

Je le regarde tandis qu’il disparait doucement. 

D’accord, je ne mentionnerai ceci à personne où on va penser que j’ai complètement déjanté.

Il me faut du thé. Ou un bon psychiâtre. Contente d’en connaîter quelques-uns.

 

* * *

 

Il est près de quatre heures du matin. Ma compagne ne pouvait encore une fois pas dormir et nous sommes réveillées ensemble. La famille qui ne dort pas… est grognonne ensemble, ou un truc comme ça.

Kels est si mal à l’aise ces temps-ci. Elle est énorme, je ne trouve pas de meilleur mot. C’est ce que ça vous fait de porter des jumeaux, je suppose. On dirait que ces derniers temps, elle n’est à l’aise nulle part dans aucune position. Un des deux mômes semble être assis sur sa vessie, l’autre dans le creux de son dos, ou une autre combinaison douloureuse. Ils semblent aussi aimer pratiquer le karaté entre eux.

J’essaie d’être une partenaire qui la soutient. Alors, quand Kels est debout et mal à l’aise, je suis debout et j’essaie de lui apporter du confort. C’est pour ça que nous sommes assises dehors, près du lac, enveloppées dans une tonne de couvertures, à boire du chocolat chaud et à regarder l’eau. Kels est dans mes bras, appuyée contre moi. Elle me permet même de poser ma tasse sur son estomac. Un des jumeaux lui donne un coup de pied, bien sûr, aussi je prends soin de le boire pour qu’il n’aille pas se renverser sur Kels.

« Comment crois-tu qu’ils seront ? » Je demande en embrassant Kels sur la joue et en lui mordillant doucement l’oreille.

Elle s’appuie un peu plus sur moi. « Hmm… je parie que Brennan va prendre de toi. »

« Oh vraiment ? Et pourquoi donc ? »

« Elle t’aime déjà. Je pense que tu es sa préférée. »

Je ris doucement. « A peine, mon cœur. En plus j’espère qu’elle est exactement comme toi. » C’est vrai. Je veux qu’elle ait des cheveux blonds et des yeux verts et le sourire le plus mignon du monde. Je veux qu’elle soit parfaite comme sa Maman, pour qu’un autre homme ou une femme chanceux puisse apprécier la même joie que moi.

« Elle sait assurément quand tu lui parles. La petite peste fait des sauts quand tu es dans le coin. »

« Tu penses vraiment que c’est elle ? Comment peux-tu en être sûre ? Ce n’est pas comme si tu avais une petite fenêtre ici. » Je chatouille son ventre. « Ou bien si ? »

Elle attrape ma main et presse mes doigts. « Non, le toit n’a pas encore été installé. Mais si ça dure encore longtemps, je le ferai peut-être poser. »

« Non, tu les gardes encore un peu, chér. Mais, vraiment, tu peux faire la différence entre les deux ? » Ce serait stupéfiant qu’elle le puisse.

« Je n’en suis pas sûre. Mais quand j’utilise leurs prénoms, je pense que Brennan est à droite et Collin à gauche. Je peux me tromper complètement mais… c’est ce que je ressens. Il faudra voir si Dougie peut nous le dire cette semaine ; Je parie qu’il peut. Ce n’est pas comme s’ils avaient plein de place pour bouger partout. »

« Soit c’est ça, soit nous allons avoir deux enfants complètement désorientés dans quelques semaines. »

Nous restons en silence, à simplement apprécier d’être ensemble. Je me demande si on pourra encore le faire quand les jumeaux seront là. Bien que la simple pensée de tenir Kels comme elle porte nos enfants m’envoie des rafales de joie dans le corps comme je ne l’avais encore jamais ressenti.

Je pose ma joue contre celle de Kels et je laisse mon esprit divaguer. Je regarde le lac et la lune qui éclaire l’eau comme de milliers de diamants. J’entends le doux clapotis de l’eau contre la terrasse et, plutôt étrangement, ce qui ressemble à un coup de rame rythmé dans l’eau.

« Harper », dit Kels dans un léger souffle en tirant ma main.

Je suis son regard vers le centre du lac. « Oh », c’est tout ce que j’arrive à répondre. Sortant de la brume, glissant sur l’eau, un canoë. Il est emmené par un jeune guerrier Indien. Assis en face de lui se trouve sa femme, enveloppée dans des vêtements dont le dessin est similaire à notre couverture de mariage.

« Tu le vois, pas vrai ? » Demande Kels.

« Oh oui que je le vois », je réponds en essayant de me souvenir s’il y a des réserves indiennes dans le coin. Et je souhaite qu’il y en ait.

Nous regardons le jeune couple traverser le lac et disparaître dans la brume de l’autre côté.

« Ça te dit de rentrer ? » J’espère que je vais avoir la bonne réponse.

« Je pense que ce serait bien. »

Grand merci.

 

* * *

 

Je quitte une Harper endormie et je sors du lit tant bien que mal. Il est très tôt mais j’entends des gens qui bougent dans le coin. Ou devrais-je dire, j’entends Brian dans la cuisine et qui chante. Ah, c’est samedi aujourd’hui. Il me fait toujours une merveilleuse omelette western le samedi matin. J’enfile ma robe de chambre et je me dirige vers la cuisine. En plus, il me faut du temps pour réfléchir au fait que je suis apparemment la seule qui voit des choses ici.

Mon assistant fidèle est penché pour attraper une poêle de dessous le placard. Je sais que je ne devrais pas mais je ne peux pas résister. Je m’approche du mieux que je l’ose et…

« Bouh ! »

Il hurle et saute en arrière puis il glisse avant de tomber sur les fesses. Je l’enjambe et je me verse un jus de fruits.

« Oh la garce ! » Il répond rapidement tout en se tortillant sur le sol. « Tu as de la chance que je t’aime. »

« Tu hurles comme une fille », lui dis-je, en le regardant frotter son arrière-train tout en se levant.

« Tu t’attendais à autre chose ? Bien sûr que je hurle comme une fille. C’est écrit dans le manuel aussi. »

« Pourquoi tu as un manuel, à propos ? »

« Parce que les lesbiennes ont des grille-pain. »

« Mignon. » Je m’asseois à la table du petit déjeuner. « Qu’est-ce que tu as préparé ? »

« Tu ne mérites pas de déjeuner après cette petite plaisanterie. » Il met les mains sur ses hanches et tapote du pied d’un air impatient.

Je montre mon ventre. « Tu veux leur dire ou je le fais ? »

« C’est du chantage. »

« Ouais, cool non ? » Je le taquine. « C’est la seule chose qui va me manquer de la grossesse. »

Avant que Brian ne puisse dire un mot, Frank arrive en bondissant dans la cuisine. Douché, rasé, habillé et prêt à partir. Apparemment il ne semble pas savoir que les homos sont supposés passer la première partie de la matinée dans un tee-shirt gris sale et des caleçons courts ou longs. Quand même, est-ce que ce garçon ne regarde jamais Will et Grace ? 

« Bonjour. » Il prend un siège près de moi. « Heu, Kels… je me demandais si vous pourriez m’aider un peu plus tard avec les questions pour mon interview ? »

« Tu les prépares et je jette un œil. Je peux t’offrir des suggestions mais à la fin c’est ton émission. Tu dois prendre la responsabilité pour son contenu, bon, mauvais ou indifférent. Et je n’attends pas que tu laisses mes commentaires influencer ce que tu veux faire ou que tu as prévu de faire. Si tu fais ça, alors tu es déjà en train de te compromettre et un grand journaliste ne le fait jamais sous aucune circonstance. »

« Oui, madame. »

« Seigneur, Kels, on dirait sa mère », gazouille Brian depuis le comptoir.

« Ça vient avec la fonction. Mais il faut que tu obtiennes un manuel pour cet homme. Regarde-le, il est bien trop chic pour cette heure de la matinée. »

« Quel manuel ? » Frank nous regarde comme si nous avions perdu l’esprit. Je pense que c’est peut-être le cas. Je crois que c’est une bonne chose qu’Harper nous ait emmenés à la campagne. On avait besoin d’air frais.

Les autres arrivent et la cuisine se remplit plutôt vite. Nous nous amusons tous jusqu’à ce que Tabloïde arrive, en nous lançant de sales regards.

« Ooh, laissez-moi vous installer une intraveineuse de caféine, Chef. »

Harper met simplement son bras sous le nez de Brian. « Perfuse-moi. »

 

* * *

 

Je regarde quelques minutes Frank qui se prépare pour l’enregistrement de son intervention. Puis je me rends compte que ma présence le rend nerveux. Je décide de faire une autre balade. Seigneur, cet endroit va me manquer. Pour un endroit supposé être hanté, je ressens de la paix ici.

Kam et moi nous dirigeons vers le lac et je reste là à me demander ce qu’Harper a vu hier soir. Je sais ce que nous pensons avoir vu mais nous n’en avons pas parlé avant.

C’était un peu flippant. D’accord, qui est-ce que j’essaie de tromper là ? C’était très flippant. Et puis, c’était quoi le truc avec Erik ?

Je ne deviens pas cinglé.

Je ne deviens pas cinglé.

Tandis que nous tournons pour aller vers l’écurie, je vois un monsieur âgé qui ouvre la porte. Ça doit être Jim, le gardien. Le propriétaire nous a dit qu’il serait là.

« S’il vous plait ! » Je crie tout en m’avançant vers lui.

Il se retourne et me sourit.

Je ne peux m’empêcher de sourire. Etant donné son âge et ma condition, il va automatiquement penser que je suis mariée.

« Salut », lui dis-je en tendant la main qu’il accepte, et  en me faisant un très gentil accueil en retour. « Je me demandais si je pouvais vous poser une question ? »

« Bien sûr, madame. J’espère que j’aurai une réponse. »

« Connaissez-vous les légendes locales ? »

« La plupart d’entre elles. J’ai passé toute ma vie par ici. »

« Vous savez des choses sur le lac ? »

Il hoche la tête. « Il existe une histoire sur deux indiens dans un canoë ; C’est celle-là ? »

« Oui, monsieur. Qu’est-ce que vous savez sur cette histoire ? »

« La légende locale dit que ce couple de jeunes mariés indiens retournait à sa tribu après un jour passé dehors. Avant qu’ils puissent y arriver, ils ont été pris en embuscade par un groupe d’hommes blancs qui voyageaient dans le coin. Ils ont été tués tous les deux et jetés dans le lac. La légende dit aussi que seuls les couples appelés à vivre ensemble pour l’éternité peuvent les voir. La tribu locale dit que c’est un signe de chance pour les couples qui les voient. »

« Vous les avez déjà vus ? »

« Oh non, madame. »

« Vous aimeriez les voir ? »

« Non madame. » Sa réponse est ferme.

« Pourquoi pas ? »

« Vous n’avez jamais rencontré ma femme. »

Je ris. « Merci, Jim, j’apprécie cette information. »

« A votre service, madame mais je ne suis pas Jim. Je suis Harold. Jim est malade aujourd’hui. »

« Et bien, merci quand même. Si vous le souhaitez, vous pouvez venir nous voir à la maison et vous joindre à nous pour le déjeuner. »

« Merci, madame. Si je finis tout mon travail, je ferai comme ça. »

 

* * *

 

Apparemment, je ne vais pas pouvoir dormir ici.

Scooby Doo et Sammy m’ont tirée du lit pour chercher des fantômes. Tout ce qu’on a réussi  à trouver, c’est nous. Quand je vais trouver celui qui passe son temps à me pincer les fesses, je vais lui botter les siennes.

Aussi, une heure inutile plus tard, nous sommes blottis dans la cuisine, assis sur des tabourets autour du bloc de découpe. Pourquoi est-ce que le terme ‘bloc de découpe’ me semble aussi inquiétant soudain ?

Nous faisons du café et du popcorn et Frankie décide que ce que nous devons faire, c’est raconter des histoires de fantômes. Ouais, c’est ça qui nous manque. Pourquoi bon sang je suis ici alors que je pourrais être allongée avec ma femme si belle ? Je suis sur le point de m’excuser quand Brian commence à raconter une autre pauvre version de ‘la Femme en Blanc’, une histoire de fantôme. Je veux dire, combien de fois les gens peuvent-ils emmener une autostoppeuse habillée en blanc, la lâcher dans un cimetière et ne pas se rendre compte que la nana est morte depuis cinquante ans ?

Je veux dire, vraiment.

Je souffre de l’entendre en réfrénant un bâillement. Brian me lance un regard les sourcils arqués. « Tu penses que tu peux mieux faire, mademoiselle La Chose ? »

Je présume qu’il me parle et pas à Frankie. « Penser ? Merde, je sais. »

« Ah oui ? » Brian prend une gorgée de son café et se penche en avant. « Raconte alors, l’Etalon. »

Ah bon, autant pour le câlin avec ma chérie. Je m’installe sur le tabouret et me mets à l’aise. « Très bien, mais je ne vais pas raconter d’histoire de fantômes. C’est une histoire vraie. Je le sais parce que ça fait partie de l’histoire de la Nouvelle Orléans. Quand tu viendras pour la naissance des jumeaux, je t’emmènerai rue Royale et tu pourras voir l’endroit dont je vais parler. »

« Je pourrai venir vous voir ? » Demande Frank, le jeune homme de dix-sept ans non censuré.

Je souris. « J’insiste. Bon, la Nouvelle Orléans vivait un terrible été en mille huit cents trente deux. Les étés de la Nouvelle Orléans sont toujours très chauds, humide et impossiblement longs, mais celui-là était particulièrement féroce. En plus, il y avait une épidémie de choléra dans toute la ville, et beaucoup d’habitants mouraient dans les rues chaque jour. »

« Bien sûr, le docteur Louis LaLaurie, sa femme Delphine et leurs deux filles, n’étaient pas affectés par tout ça. Leurs filles étaient emmenées en diligence jusqu’à l’école catholique locale et elles portaient les meilleurs habits en provenance de la France. Le docteur et madame LaLaurie donnaient des bals chez eux rue Royale. L’architecture de leur maison était exquise et les meubles venaient directement de la campagne. En plus, ils avaient un personnel nombreux d’esclaves qui préparaient des festins élaborés de poissons et de pâtisseries fraîchement cuites. 

« Mais quelques petites choses ne tournaient pas rond dans la maison ; Parfois, pendant ces fêtes, on entendait des gémissements qui semblaient venir de nulle part. Et les invités remarquaient aussi que les esclaves qui servaient n’étaient jamais les mêmes. C’était inhabituel. Il était plutôt commun de voir un esclave rester dans une famille toute sa vie. Lorsque quelqu’un était assez grossier pour s’enquérir de cette situation, Madame Delphine répliquait toujours que l’esclave s’était sauvé ou bien qu’il s’était suicidé. Bien que tendancieuses, personne n’osait jamais remettre ses réponses en question. 

« Un jour, Madame Delphine avait chassé une jeune esclave dans toute la maison. Elle avait prévu de la punir avec un fouet à neuf bandes pour une infraction mineure. La jeune esclave, essayant de s’enfuir, monta sur le balcon du deuxième étage. Malheureusement, il avait plu ce jour-là et le bord du balcon était glissant. La jeune fille glissa et se retint au bord d’une seule main, ses petits doigts s’agrippant sur le marbre lisse. 

« Une fois, deux fois, Madame Delphine frappa les phalanges nues de la fillette avec le fouet. Avec un cri, la jeune fille lâcha et mourut après sa chute sur les pavés en bas, avant que ses phalanges aient la moindre chance de saigner. 

« Un de leurs voisins vit cet acte terrible et prévint les autorités. La police vint et saisit les autres esclaves parce que la Nouvelle Orléans avait une loi interdisant les traitements cruels. 

« Mais, à la Nouvelle Orléans, les riches et les puissants peuvent s’en sortir avec pratiquement tout et le font régulièrement. Madame LaLaurie comparut en justice pour le meurtre de la jeune esclave et fut considérée coupable. Sa sentence ? De ne plus avoir le droit d’avoir d’autres esclaves. Et les esclaves qui avaient été emmenés loin de la maison ? Les LaLaurie avaient des amis et de la famille qui les racheta et ils revinrent à la maison. 

« La vie revint à la normale.

Deux ans passèrent avant qu’un feu ne se déclare dans la maison. La cuisine était séparée de la partie principale mais le feu s’étendit rapidement. Les pompiers trouvèrent la cuisinière enchainée aux fourneaux. Elle était hystérique mais marmonnait au sujet du toit. Ils la relâchèrent et se précipitèrent pour sauver la maison. Les pompiers foncèrent à travers celle-ci et finirent par monter au grenier. Là ils se trouvèrent face à une terriblement mauvaise odeur. Ils attaquèrent la porte du grenier avec leurs haches et elle finit par céder.

« Ce qu’ils y virent les rendit tous malades. Dans le petit grenier serré et chaud, il y avait sept esclaves, certains en morceaux, tous faisant partie d’une expérience médicale qui avaient mal tourné. Certains étaient attachés à des engins de torture, d’autres mis dans des cages tels des animaux. Deux d’entre eux avaient les yeux et la bouche cousue. Une fille avait les bras et les jambes brisés et remis à des angles bizarres, comme pour ressembler à un crabe. Un autre avait ses entrailles posées devant lui pour que les LaLaurie puissent voir la physiologie au travail. Un autre encore avait un changement de sexe primitif. Un autre avait été lobotomisé.

« Les pompiers les sauvèrent tous les sept mais ils moururent quelques jours après leur libération.

« Quand la ville entendit ce qui s’était passé, les gens formèrent une foule et allèrent à la maison, avec l’intention d’amener les LaLaurie devant la justice. Mais ils découvrirent après avoir saccagé leur maison que la famille s’était sauvée. Certains disent qu’ils étaient allés de l’autre côté du Lac Pontchartrain. Mais la plupart disaient qu’ils étaient repartis en France.

« La rumeur continua avec la mort de Delphine quelques années après être retournée en France. Apparemment elle était tombée de son cheval. On ne savait pas clairement ce qui avait effrayé la jument mais plusieurs témoins rapportèrent avoir vu une petite fille noire courir au-devant de la bête, ce qui l’effraya. Bien sûr personne ne revit l’enfant après ça, et elle n’était pas connue pour habiter le voisinage.

« Dans les années qui suivirent, la maison avait été occupée par pas mal de gens différents. Au début, on la laissa aux sans-abri de la Nouvelle Orléans. Certains vagabonds entrèrent dans la maison et on ne les revit jamais. D’autres disaient avoir entendu des hurlements dans la maison le soir.

« Puis un nouveau propriétaire ouvrit une école de filles dans le vieux manoir. Mais les inscriptions s’arrêtèrent quand les fillettes racontèrent s’être fait poursuivre dans les couloirs par une femme portant un fouet.

« Plus tard encore, la maison fut organisée en appartements. Un homme dit avoir été reçu à la porte de son appartement par un homme noir, ses mains enchainées portant sa tête coupée.

« Elle devint un magasin de meubles pendant un moment. Mais le propriétaire venait souvent travailler le matin et trouvait les meubles recouverts d’une sorte de liquide rance et putride. Un autre ouvrit un « Salon Hanté ». Mais les affaires ne marchèrent jamais vraiment bien.

« Aujourd’hui, un avocat aisé a remodelé la maison. Ce faisant, les crânes de plusieurs esclaves furent trouvés dans les murs, encore plus de victimes des LaLaurie. Le nouveau propriétaire dit que la seule chose peu ordinaire est l’odeur de parfum français dans la chambre à coucher principale. »

Je prends une dernière gorgée de mon café et je fais un petit sourire aux garçons. « Bonne nuit. » Quelqu’un m’attend dans mon lit. Je ne veux pas la décevoir.

 

* * *

 

L’un dans l’autre, ce fut un week-end réussi. Harper et Frank ont un bon sujet et j’ai eu des bonnes sensations pour contrecarrer les mauvaises. Je prends le mobile et je compose le numéro de mon père.

« Résidence Stanton. » C’est Amanda. J’adore le fait qu’elle réponde à son propre téléphone.

« Amanda, c’est Kels. Est-ce que Papa est à la maison ? »

« Non Kels, désolée. Il a été appelé au Moyen Orient pour une urgence. Il sera parti environ deux semaines. Je peux faire quelque chose ? »

« Je voulais lui donner des informations sur l’auberge. Si l’intérêt de l’endroit, c’est qu’il est supposé être hanté, il se passe bien quelque chose ici. Il devrait conclure l’affaire. »

Elle rit doucement. « Je le lui dirai. Alors qu’avez-vous pensé de Jim ? C’est un sacré personnage, non ? »

« Je n’ai pas rencontré Jim. Il était malade. Le gardien de cette semaine, c’était Harold. »

« Harold ? Kels, Harold était le père de Jim. Il est mort depuis treize ans. »

Oh bon sang.

 

< fondu au noir >

 

A suivre chapitre 13

 

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