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8 décembre 2019

Cible mouvante, chapitre 19

Cible Mouvante (Moving Target)

Chapitre 19

Ecrit par : Missy Good (2013)

Traduction : Fryda (2019)

*************************************

« Allez, Chi… entre. » Dar tint la porte du chalet ouverte, laissant entrer le reste de la famille avant de passer le seuil et de les suivre à l’intérieur.

Il faisait sombre, près de vingt-deux heures, et plus tard qu’elles ne s’y étaient attendues à cause du trafic et d’un arrêt à un tiki hut. Mais le trajet avait été sympa malgré ça et Dar ne le regrettait pas tandis qu’elle déviait pour aller vers les interrupteurs sur le mur.

Ah. Elle alluma les lampes et regarda autour d’elle d’un air appréciateur. Ça vaut vraiment le voyage.

Kerry posa son sac de voyage sur le canapé tout en se dirigeant vers la cuisine du chalet, et elle posa les sacs qu’elle portait sur le comptoir en pierre juste près de la porte. Elle siffla entre ses dents en rangeant les provisions qu’elles avaient achetées, écoutant Dar qui s’affairait à allumer la climatisation et les lumières.

C’était vraiment bon d’être là. Kerry ouvrit le placard après avoir terminé, prit un filtre à café et se mit à la tâche de leur préparer un petit café après le long voyage. Le chalet était maintenant terminé et elle s’appuya contre le comptoir tandis que la boisson chaude passait, regardant l’intérieur avec un sentiment de plaisir.

Le séjour comportait un long canapé contre le mur, le bout s’arrondissant pour faire un énorme puits pour s’asseoir en face d’un meuble de télévision en bois. Les meubles étaient volumineux et confortables, le cuir soyeux de couleur verte se mêlait aux planchers en pierre et aux murs en bois.

Il y avait des tapis richement colorés un peu partout, et dans un coin, un grand coussin rond pour chien que Chino était affairée à gratter et à renifler. Sur les murs, on trouvait quelques tableaux, une œuvre de la mère de Dar et quelques-unes des photos de Kerry.

Partout, l’impression était celle d’un pavillon de chasse richement meublé bien que très petit, sauf qu’il n’y avait aucune tête d’animal kitsch sur le mur et une absence distincte de testostérone.

Kerry se retourna dans la pièce où elle se trouvait. La cuisine comportait des comptoirs en pierre, un granite poli et froid, qui entouraient la gazinière et effleuraient un réfrigérateur en inox ; des volets bleus fermaient la fenêtre au-dessus de l’évier.

Rustique. Sauf qu’il y avait des points d’accès sans-fil montés sur les murs près du plafond, le téléviseur avait un écran plasma plat et tout le chalet était connecté à un système de domotique qui lui permettait de lancer l’air conditionné et le café depuis la voiture en venant si elle avait vraiment voulu s’y intéresser.

Mais elle ne l’avait pas fait. Kerry sourit quand Dar apparut depuis la chambre à coucher, ayant déjà échangé son jean et le chemisier en coton pour un short et un vieux tee-shirt râpé. « Tu sais quoi ? »

Dar s’avança et s’appuya de l’autre côté du comptoir en face d’elle. « Tu es contente d’être ici », dit-elle. « Moi aussi. »

Oui, elle était contente. Kerry soupira joyeusement. C’était si calme et paisible ici dans le chalet, avec le son de l’océan audible à travers les baies vitrées qui s’ouvraient sur leur grand porche. Ce qui était un peu drôle parce que leur condo sur l’île était également calme et avait également une relation proche avec l’océan et pourtant elle se sentait toujours différente quand elle était ici. « Je suis très heureuse d’être ici, oui », dit-elle. « Mais ce que j’allais dire, c’est que penses-tu d’un bol de popcorn et d’un film ? »

« Pas besoin de me le dire deux fois », répondit Dar instantanément. « Voilà ce qu’on va faire. Je m’occupe du café pendant que tu te changes.”

« Pas besoin de me le dire deux fois », répéta Kerry qui fit une petite danse en sortant de la cuisine, tapant les hanches de Dar en chemin vers la chambre à coucher. « Choisis quelque chose d’horrible. »

« Seulement si tu promets de ne pas utiliser ce truc rouge de pomme sur le popcorn. » Dar prit sa place dans la cuisine, saisit deux mugs et les posa sur le comptoir. « Ça m’a donné des cauchemars la dernière fois. »

Kerry eut un rire en entrant dans leur chambre, souriant en passant près du lit à eau bien fait et des commodes en acajou dans lesquelles se trouvaient maintenant les vêtements qu’elles laissaient dans le chalet tout le temps. Elles avaient choisi des couleurs océanes pour la chambre, des bleus et des verts, avec des couleurs qui tranchaient, de l’orange et du rouge ardents, comme si un poisson tropical avait fait une apparition surprise. Sur les portes fenêtres des deux côtés il y avait des vitraux, qui envoyaient des barres chaleureuses de couleur quand le soleil entrait.

Elle adorait cette pièce. Kerry déboutonna son jean et l’enleva, le pliant avec soin avant de le mettre sur l’étagère dans le placard. Elle posa ses bottes de randonnée à côté et ensuite elle retira sa chemise, qu’elle suspendit avant de l’échanger pour une des chemises de Dar, qui lui arrivait à mi-chemin de ses rotules.

Chino trottina pour la rejoindre, sa queue remuant quand elle repéra Kerry et elle se précipita pour lui cogner les genoux. « Salut, ma douce… est-ce que maman Dar t’a envoyée me chercher ? »

« Growf. »

« D’accord, alors me voilà. » Kerry tapota la tête de la chienne. « Toi aussi tu es contente qu’on soit là ? »

Chino secoua la queue encore plus fort. Le Labrador appréciait le chalet au moins autant que ses propriétaires, son activité préférée étant de chasser les crabes sur la plage juste devant.

Kerry gratta une fois de plus les oreilles soyeuses et se redirigea vers le séjour. Dar émergeait justement de la cuisine avec les tasses de café et elle s’arrêta pour les poser sur le comptoir tandis que Kerry passait près d’elle. « Ker ? »

Obligeamment, Kerry fit un détour, se retournant pour se retrouver nez à nez avec sa compagne. « Oui ? »

Dar se pencha en avant et l’embrassa doucement sur les lèvres. Puis elle frotta son nez contre le sien. « Je t’aime. » Elle posa son front contre celui de Kerry. « Ça t’ennuierait qu’il pleuve demain ? »

« Bon sang que non. »

« Moi non plus. »

Kerry se pencha pour un autre baiser ensuite elle recula à contrecœur et passa dans la cuisine. « Qu’est-ce que tu penses de chocolat au lait et caramel ? » Demanda-t-elle en sortant un paquet de popcorn à réchauffer du réfrigérateur.

Dar remua un sourcil. « Lâche le maïs, petite », dit-elle d’un ton traînant de sa voix la plus sexy.

Kerry se mit à rire.

« Ce n’était pas la réaction que j’attendais », se plaignit Dar.

« Je sais. » La jeune femme blonde mit le maïs dans la machine à pop-corn. « Mais j’imaginais juste le bazar géant. »

« Harumpf. » Dar prit une gorgée de son café.

Kerry la regarda puis laissa son popcorn réchauffer tout en grimpant sur le comptoir pour s’y appuyer, capturant les lèvres de Dar juste quand celle-ci commençait à avaler. « Tu peux me recouvrir quand tu veux, mon amour. » Elle se rapprocha pour murmurer dans l’oreille de Dar. « Mais le caramel durcit dans des endroits vraiment, vraiment délicats. »

Ce fut le tour de Dar de rire, ce qui lui fit presque recracher son café.

Satisfaite de la réaction, Kerry descendit du comptoir et prit les petits conteneurs de douceur pour les placer dans le micro-ondes pour les chauffer tandis que le maïs commençait à partir dans tous les sens dans la machine. « Tu sais quoi, j’adorerais qu’il pleuve demain. J’adorerais absolument d’avoir une journée juste pour traîner partout comme un clochard accompli. »

« Tu peux le faire même s’il fait beau. » Dar fit le tour du comptoir pour tendre son café à Kerry.

« Nan. S’il fait beau, je veux juste être dehors à traînailler sur la plage ou dans l’eau, ou encore sur la moto… » Contra-t-elle. « Je me sens tellement coupable de lézarder quand il fait si bon dehors. »

« Eh. » Dar n’avait pas ce problème, ayant appris à mener une vie de paresseux quand elle le pouvait. « Et bien s’il fait beau dehors, je vais pêcher pour le dîner. Qu’en penses-tu ? »

Hm. Kerry sortit le popcorn de la machine et la mit dans un énorme bol rond acheté spécifiquement pour cet usage. Elle le saupoudra avec les douceurs et remua le popcorn. « Je pense que c’est magnifique. » Elle regarda Dar par-dessus son épaule et sourit.

Dar sourit en retour. Elles prirent le popcorn et le café et se blottirent sur le canapé. Kerry s’appuya en arrière et sentit l’agacement de la semaine se dissoudre tandis que Dar l’entourait de ses bras. Même la tension du navire, où le câblage avait pris du retard, s’installa dans cet endroit qu’elle réservait pour les choses sur lesquelles elle avait un contrôle limité.

John allait aussi vite qu’il pouvait. Les conditions sur le navire étaient impossibles, le courant était intermittent, pas d’air conditionné et même Dar était sortie du vaisseau en secouant la tête.

Kerry ne pouvait pas changer les conditions. Tout ce qu’elle pouvait faire c’était presser John pour qu’il tienne son engagement, parce que le temps était compté et elle-même avait une échéance.

Voilà, elle pouvait relâcher tout ça, le mettre de côté jusqu’à lundi. Même dans le condo, c’était difficile à faire parce qu’il lui suffisait de sortir et elle voyait le navire de là. Dans le chalet, il n’y avait que de la paix, l’océan et la chaleur du corps de Dar pressé contre le sien.

Elle prit un popcorn et le tendit à Dar, qui l’accepta, léchant le chocolat sur ses doigts tout en le prenant entre ses dents. « Je peux te poser une question ? » Elle détourna son regard du générique du film de tueur à la tronçonneuse que Dar avait choisi et elle regarda par-dessus son épaule.

« Bien sûr. » Dar ouvrit la bouche et passa la langue, en regardant le bol d’un air interrogateur.

Kerry mit un autre morceau sur l’appendice rose et le regarda disparaître. « J’étais bien plus énervée sur la bouse de taureau de conversation au bureau que tu ne l’étais. »

« C’était une question ? »

« Erm… non. Je présume que je… » Kerry fit une pause. « Je présume que tu es juste plus habituée à ça, hein ? »

Dar resserra sa prise. « Non. » Elle regarda d’un air pensif par-dessus l’épaule de Kerry. « Je savais juste que rien de tout ça n’était vrai alors je m’en fichais. »

Kerry fronça les sourcils.

« La dernière fois que j’ai entendu ce genre de truc, c’était vrai », clarifia calmement sa compagne. « Et la fois d’avant, et encore, etc. » Ses épaules bougèrent dans un léger haussement d’épaules. « Tout ce que je ressentais c’était ce sentiment de soulagement. Tant qu’on connait la vérité, rien d’autre n’importe. »

Il y eut une légère lueur dans la profondeur des yeux de Dar. Kerry oublia le film et le popcorn et elle se tourna à demi pour poser sa main sur la joue de Dar. « Rien d’autre n’a d’importance », dit-elle. « Je n’y ai jamais pensé, tu vois ? A comment c’était avant pour toi. »

« Mm. » Dar cligna paisiblement des yeux. « Ça craignait », dit-elle. « Surtout la dernière fois. Tout le monde a pris… » Elle fit une petite pause. « Un certain plaisir à notre rupture très, très publique. »

Kerry frotta son pouce contre la peau de Dar. « Et bien, si j’avais été là… »

« Si tu avais été là, ça n’aurait pas eu lieu d’être. »

« D’accord, bon, si j’avais été là et que nous n’étions pas ensemble… »

« Tu penses que c’est plausible ? »

Kerry bougea sa main pour couvrir la bouche de Dar. « Laisse-moi finir ma déclaration exagérée, s’il te plait. » Elle fronça les sourcils. « Si j’avais été là et nous n’ayons pas été ensemble, que nous étions juste des amies, j’aurais pris le plus gros maillet que j’aurais pu trouver et j’aurais cogné tous ces salauds sur la tête comme des taupes. » Elle retira sa main et se rapprocha. « Tu me crois ? »

« Oh oui », acquiesça Dar instantanément. « Tu as rendu le personnel bleu de trouille. Ils préfèrent balancer des trucs à moi que d’oser t’en parler à toi. »

Kerry haussa un sourcil. « Vraiment ? »

« Vraiment. » Dar l’embrassa. « Alors, oui, Kerrison, je le crois de tout mon cœur. »

« Ooh. » Kerry mordilla un popcorn. « Je me sens tellement mercenaire. » Elle posa sa tête contre celle de sa compagne. « Grr. Tu fais ressortir la bête en moi. »

Dar la regarda, un sourire apparaissant immédiatement. « Je te croirais plus vite si tu n’avais pas ce joli sourire, Ker. »

Kerry tira solennellement la langue puis elle lécha le nez de Dar.

Celle-ci se sentait bien dans leur proximité, ressentant une joie simple pas seulement parce qu’elle avait Kerry dans ses bras, mais d’être ici dans cet endroit qui faisait tellement partie d’elles. Les ennuis au travail remuaient à la périphérie de sa conscience mais elle les ignora, laissant ce sujet potentiel jusqu’à la journée.

Ce soir n’appartenait pas au travail, il leur appartenait. Dar passa la langue pour un autre popcorn et elles s’installèrent pour regarder le carnage.

**********************************

Comme les choses arrivent, il plut le lendemain. Kerry était dans toute sa gloire, paressant en pyjama sur le canapé à regarder des dessins animés affreusement violents, bien que curieusement agréables. Dar était allongée en face d’elle, la longueur du meuble prévue de manière explicite pour qu’elles puissent s’y détendre toutes les deux.

« Mm. » Kerry remua les orteils contre ceux de sa compagne, souriant quand Dar répondit. Bien que d’acheter des meubles en cuir n’intégrait pas habituellement de mesurer les petons, dans leur cas elles avaient décidé de faire les choses dans le chalet de manière à ce que tout s’adapte à elles.

Même les fauteuils dehors sur le porche le faisaient. Le sien était un peu plus petit avec un siège plus court et celui de Dar avait une longueur qui s’adaptait à ses longues jambes à la perfection. Cher peut-être et un peu prétentieux mais comme Dar l’avait dit à un moment, elles pouvaient se le permettre et ça durait plus longtemps qu’un cornet de glace.

Au moins elles n’avaient pas de serviettes brodées avec Elle et Elle. « Tu as trouvé quelque chose ? » Demanda Kerry.

« Non. » Dar avait posé son ordinateur sur ses cuisses. « Jusqu’ici, nada. Ce routeur MCI existe mais ils jurent que rien de là-dedans a notre adresse IP. »

« Oui oui. » Kerry posa sa tête sur le bras en cuir moelleux du canapé. « Tu penses qu’ils dissimulent quelque chose ou ils sont simplement sans idée ? »

« Eh. Je vais menacer plus de gens. Je te le dirai. »

Ça semblait être une bonne idée à Kerry. Elle réfréna un bâillement tandis qu’elle regardait les personnages animés se mettre une raclée et se frayer un chemin en dansant sur l’écran, ce qui lui rappela soudainement son petit copain Ecureuil Dar. « Tu te bagarres toujours beaucoup avec ce programme ? »

Dar cessa tout mouvement et elle regarda vers Kerry par-dessus le haut de l’écran de son ordinateur. « Ce programme », répéta-t-elle. « Tu veux dire… » Elle fit une grimace et un bruit avec sa bouche.

« Oui. »

Dar continua à taper un moment en silence, réfléchissant à la question.

« Je pensais que peut-être tu commençais à t’ennuyer », suggéra Kerry. « Alors tu l’utilisais pour maintenir ton intérêt. »

« Non. » Sa compagne secoua la tête. « En fait, je pense que j’ai juste été solitaire. »

Kerry roula sur le côté et la regarda avec surprise.

« C’est ma façon de traîner avec toi quand nous sommes occupées toutes les deux. » Dar était très concentrée sur son écran et inconsciente de l’attention captivée de Kerry. « Assise dans mon bureau… allez, salopards… dans cette réunion téléphonique stupide et sans intérêt espérant plutôt être avec toi sur le bateau, et tout à coup, une nouvelle idée pour ce fichu truc m’apparaissait. Un nouveau tee-shirt, une nouvelle danse… j’ai réussi à faire fonctionner le programme vocal l’autre jour… »

« J’ai remarqué », répondit Kerry tranquillement, comprenant maintenant le sens du message reçu.

« Bref, c’est plus intéressant que d’écouter des gens se chicaner sur leurs budgets. »

Kerry étudia le visage anguleux de sa compagne, observant les yeux clairs balayer l’écran avec une énergie nerveuse. « Dar ? »

« Hm ? » Dar leva les yeux.

« Est-ce que tu… n’aimes pas ce que tu fais en ce moment ? »

Dar plissa le front. Elle réfléchit un moment, puis s’éclaircit un peu la voix. « Je ne sais pas, vraiment. Ce n’est pas si mal la plupart du temps. »

Kerry se mit à genoux et se tortilla pour avancer, s’allongeant sur les jambes de Dar pour se rapprocher d’elle. « Mais tu aimais ce que tu faisais avant, pas vrai ? »

Dar haussa les épaules. « Oui, je pense. »

« Je t’ai pris ton job. »

La femme brune eut un rire. « Non, ce n’est pas vrai, j’ai dû te dompter pour te mettre sur ce poste malgré tes protestations, si je me souviens bien. » Elle posa l’ordinateur. « En plus, tu le fais mieux que moi. »

Kerry rampa plus haut. « Là n’est pas la question, Dar », objecta-t-elle. « Pas si tu n’es pas heureuse à cause de ça. »

« Heureuse ? » Dar l’attrapa et l’amena encore plus haut, jusqu’à ce qu’elle soit à moitié allongée sur elle, leurs membres emmêlés dans un bazar chaleureux. « Je n’ai jamais été aussi heureuse de ma vie. »

Kerry posa son menton sur l’épaule de Dar. « Ce n’est pas ce que je… »

« Je sais. Mais c’est la vérité. » Dar mit le nez dans ses cheveux.

Perplexe, Kerry garda le silence, pas vraiment sûre de savoir quoi dire après ça de toutes les façons. Peut-être comme Dar l’avait deviné, était-il temps pour elle de changer et de passer à autre chose. La pensée la rendit anxieuse cependant, et elle dut admettre, pour elle-même, que la dernière chose qu’elle voulait, d’un point de vue professionnel c’était que Dar quitte la compagnie.

Peut-être qu’elles devraient partir toutes les deux. Kerry préférait cette idée. Elles avaient discuté de l’idée de former leur propre société depuis longtemps, peut-être était-ce le bon moment de se bouger les fesses et de faire quelque chose.

Elle mit son bras sur l’estomac de Dar et se tortilla entre elle et le canapé, aimant cette vue bien mieux en fait. Elle réfléchit un instant à son propre job et si elle l’aimait ou pas autant que quand elle avait démarré.

C’était bon, finit-elle par décider. Le seul gros problème avec ça c’était qu’il ne permettait pas vraiment un sentiment de complétude. C’était toujours une situation après l’autre, et encore, et encore. Il n’y avait pas vraiment de moment où elle pouvait se poser et se sentir satisfaite de où, elle, et par extension, la compagnie, se trouvaient.

Est-ce que ça changerait jamais ? Kerry en douta. Elle allait mentionner sa révélation à Dar quand son téléphone sonna comme s’il ponctuait ses pensées avec une précision angoissante. Avec un soupir, elle prit l’appareil que Dar lui tendait et l’ouvrit. « Allô ? »

« Ms Stuart ? »

Vous m’appelez sur mon mobile. Qui vous attendiez-vous à entendre répondre, mon chien ? « Oui ? »

« Ici Justin des opérations, madame », répondit la voix. « Je suis désolé de vous ennuyer pendant le weekend mais j’ai remarqué quelque chose dans le log au sujet d’un transfert de fichier sur les lignes financières. »

Kerry regarda Dar qui écoutait maintenant. « Oui. Ça recommence ? »

« Et bien, je n’en suis pas sûr, madame. Je vois juste beaucoup de trafic sur cette ligne et c’est plutôt inhabituel pour un samedi, vous voyez ? »

Dar prit son ordinateur tandis que Kerry se redressait pour lui laisser de la place.

« Oui, je comprends », dit Kerry. « Bien, on va regarder ça, Justin. Merci de m’avoir appelée. Est-ce que quelqu’un de la banque vous a contacté ? »

Le technicien sembla surpris par la question. « Un samedi ? Non, madame, sûrement pas », dit-il. « J’ai averti mon chef et il vérifie aussi mais il pensait que vous seriez aussi intéressée de savoir. »

Dar sortit du programme qu’elle utilisait et ouvrit son système de réseau à la place. « Je l’ai. »

« Il a bien raison », dit Kerry au technicien. « Merci de m’avoir appelée et faites-moi savoir si quelque chose change, d’accord ? »

« Oui, madame, je le ferai », promit Justin.

Kerry raccrocha et se tortilla pour pouvoir voir l’écran du portable. « Je commence à être vraiment foutument agacée par toutes ces conneries, Dar. »

« Mm. Désolée. » Dar tapait rapidement. « Une faute stupide de ma part. » Elle accéda au circuit en question et le passa en revue. « Bon sang, il a raison. » Elle soupira. « Les mêmes conneries qu’avant… je vais juste le déconnecter. »

« Tu ne préfères pas essayer de le tracer ? »

Dar hésita les doigts levés. « Je pense qu’on ne peut pas prendre le risque », admit-elle. « Je ne sais pas ce que c’est, Ker. C’est trop dangereux sur les lignes de la banque. » Elle tapa une autre commande. « Je vais ramasser ce que je peux et je vais virer la connexion. »

Kerry la regarda finir l’action en silence et l’activité sur les moniteurs revint à des niveaux normaux. « Pourquoi Mark ne l’a pas fait ? » Demanda-t-elle, curieuse. « Est-ce qu’il essayait de le pister ? »

Bonne question. Dar appela son programme de messages et tapa une question, puis elle l’envoya. Elle repassa en revue les logs du routeur, vérifiant les adresses sources qui se trouvaient toujours dans la mémoire. « Hm. » Elle fronça les sourcils et les repassa en revue, puis elle les copia et les colla sur son bureau. « Ker ? »

« Oui ? » Kerry regarda. La liste des adresses ne présentait aucun intérêt pour elle en général, à part une. « Est-ce que c’est une de nos adresses ? La tienne… ou bien celle de Mark qui revient ? »

Dar vérifia la configuration du portable. « Nan… pas moi. » Elle testa un peu plus. « Je ne pense pas que ce soit Mark. »

« Un autre imitateur ? » Kerry se pencha un peu plus. « Mais attends, c’est de… »

« L’intérieur de notre réseau. » Dar finit la phrase d’un ton désolé. « Maintenant j’espère que c’est Mark… c’est déjà parti. » Elle chercha mais ne trouva aucune trace de la station délinquante. Sa machine bipa et une réponse lui parvint de Mark.

J’essayais de capter quelque chose. J’en ai une partie.

Dar retapa une question.

Non, ce n’est pas moi, je suis sur la zone protégée, tapa Mark en retour. C’est l’une de nos adjonctions.

« Merde. » Dar soupira à nouveau. Elle tapa. Alors il faut qu’on trouve pourquoi une de ces adresses était dans le routeur. Parce que c’est l’une des sources de cette analyse de données.

L’écran resta brièvement silencieux. Ça craint.

« Sans blague. » Kerry sentit comme un coup dans ses entrailles. « Quelqu’un fait ça de l’intérieur de la compagnie ? Est-ce que c’est ce que nous voyons, Dar ? »

« Peut-être. »

Et bien, les intentions cachées ne se montraient habituellement pas sur les vérifications de sécurité. Kerry repensa aux recrutements récents dans leur division. « Dar, nous n’avons recruté personne depuis trois mois. Est-ce que tu es en train de dire que quelqu’un aurait pu être là pendant tout ce temps à faire profil bas ? »

« J’en doute. » Dar mit une série de contrôles en place. « Si c’est un groupe, il se peut qu’il ne soit pas de notre secteur. » Elle débattit un moment puis soupira. « Je vais mettre mon programme dans tous les routeurs de bordure. »

Kerry tressaillit. « Il est prêt ? »

« Non. Mais c’est mieux que rien. » Dar appela l’application et commença à la transférer depuis son portable vers les objets distants. « Le pire qui peut arriver c’est qu’il crashe tout le réseau. »

« Dar… »

« Je sais, chérie, mais on n’a pas vraiment d’options », répondit doucement Dar. « Je vais en prendre la responsabilité. »

« Ce n’est pas la question », protesta Kerry. « C’est juste vraiment difficile de comprendre qu’il faut expliquer à un milliard d’utilisateurs qu’ils sont HS parce que tu nous as crashés. »

Dar rit sans humour. « Je prendrai les appels si ça arrive. » Elle finit de transférer le programme vers le premier routeur puis elle l’activa. « J’ai construit le réseau, je peux le saccager, je pense. »

Kerry enfouit son visage dans la chemise de Dar. « Tu peux le programmer pour qu’il hurle s’il se crashe ? Au moins on aura un avertissement… »

« Avec un peu de chance… » Dar finit son travail. « Bon, c’est dans la paire numéro un. » Elle mit les objets distants sur écran avec un peu d’anxiété malgré la confiance qu’elle avait dans ses compétences. On ne savait jamais comment quelque chose qu’on n’avait pas anticipé interagirait avec un programme et enverrait le tout en enfer. « Je pense que c’est bon. »

Kerry regarda l’écran. Les jauges étaient régulières mais avec le même flottement qu’elle avait vu la dernière fois que le programme de Dar avait fonctionné. « Tu peux lâcher les avertissements ici ? »

Dar pianota. « Ouais, je ferais mieux. Les opés n’ont rien pour les recevoir. » Elle entra les changements de programme avec soin. « D’accord… je vais les installer sur les autres. »

Dar !

« Oups… j’aurais dû le prévenir. » Dar regarda le message. Désolée. J’entre mon nouveau code.

Hé, cette adresse était à l’intérieur du bureau ! Le serveur l’a localisé à quatorze heures. J’appelle la sécurité pour savoir qui c’est.

Kerry tendit le bras sur les avant-bras de Dar pour taper sur le clavier. Je veux voir cette liste. KS

Dar la regarda, un sourire aux lèvres. « Je dois prendre le maillet ? »

« Ce n’est pas drôle », gronda Kerry. « Dar, si quelqu’un de l’intérieur du bureau est responsable de ça, il faut qu’on appelle la police. »

« Je sais », répondit Dar. « Voyons donc ce qui se passe vraiment avant de sauter aux conclusions. » Elle tapa. « Pas qu’il y ait une raison légitime pour quiconque d’être dans ce routeur, mais j’aime avoir des faits. »

« Grr. »

« Ensuite on les cognera. »

Kerry posa la tête sur l’épaule de Dar pour attendre, regardant l’écran avec des yeux impatients. Quelqu’un de l’intérieur. Elle plissa les yeux. Ça craignait un max.

**********************

Andrew posa le pied de biche qu’il venait d’utiliser et souleva le couvercle de la caisse devant lui. La cale du navire était peuplée d’ouvriers malgré le fait qu’on était un weekend et il posa avec soin le couvercle contre la cloison hors du chemin.

Il faisait chaud dans la cale et il dut s’arrêter pour essuyer la sueur de son front, content d’avoir pris un maillot sans manches pour travailler. Le ciel se couvrait et la brise était tombée, promettant de la pluie plus tard mais sans effet sur l’humidité.

Il ne s’était pas attendu à être appelé aujourd’hui. Le superviseur était un peu en colère contre lui pour être parti la veille et Andy s’était à moitié attendu à ce que l’homme le punisse en lui donnant quelques jours non payés.

Ça aurait été juste, de son point de vue. Il y avait un grand océan sympa sur lequel naviguer et être assis au gouvernail de leur bateau était plus sympa à imaginer que de déballer des caisses dans une vieille boite à sauna en métal.

Mais le superviseur avait reçu un appel et tout le monde avait été appelé pour venir le lendemain. Alors il était là. Un coup d’œil rapide par-dessus le côté du navire lui avait confirmé que celui-ci fuitait toujours de l’huile et il s’était demandé ce qu’il allait faire après que Céci eut presque fichu la trouille aux poissons quand elle l’avait appris.

Parfois, il oubliait que sa femme faisait partie de ces gens de l’écologie. Andrew se gratta la mâchoire, puis il secoua la tête, envoyant des gouttelettes de sueur sur la caisse. Ah bon. Il trouverait bien quelque chose.

Avec un sifflement bas et silencieux, il prit une facture de transit et ensuite regarda dans la caisse, jetant un coup d’œil à la feuille pour confirmation. La boite était censée contenir des boites pour des caisses enregistreuses et alors qu’il écartait un épais morceau de papier kraft, le coin de boites grises alignées fut révélé. « Ouais. »

Un cri hors du navire lui fit lever les yeux et il entendit le bruit de freins pneumatiques qui se relâchaient et embrayaient juste dehors. « C’est quoi ça ? » Marmonna-t-il, en allant vers l’écoutille pour regarder dehors.

Un camion 18 roues était garé dehors, son chauffeur discutant avec l’un des gardes. Andrew jeta un coup d’œil à l’intérieur, pour voir l’équipage autour de lui se masser près de la cafetière pour une pause. Il monta plutôt sur la passerelle et alla vers la route pour écouter.

Le camionneur était un homme bien bâti, grand, portant des bottes de cowboy et une ceinture avec une grosse boucle et un chapeau assorti, un stéréotype comme Andrew en avait vu récemment dans le coin. Le type avait même des lunettes de soleil de patrouille de l’autoroute.

« Ecoute mon gars. » Le chauffeur routier pointait au-delà du garde. « Il n’y a pas de porte assez grande pour aller garer cet engin. Il faut juste que je passe ici alors sors de mon chemin, d’accord ? »

Le garde secoua la tête. « Désolé, l’ami. Mon chef m’a dit que personne ne passait ici pour aller à ce ponton, point final. »

« C’est quoi le truc ?  C’est juste une fichue route. »

« Pas vers ce ponton. Ils ne veulent voir personne passer à travers ce ponton, vers ce ponton, pour des livraisons. Oublie. » Le garde le renvoya. « Alors fiche le camp. »

« Ce truc demande une livraison expresse ! »

Le garde, un homme jeune dans la moitié de la vingtaine, eut un sourire supérieur. « Oh. Je présume qu’ils n’ont pas de chance », dit-il. « Express ? Oublie. Je m’en fiche », dit le garde. « Mon chef a dit personne, ça veut dire personne. »

Pas de livraison pour le navire de Dar, hein ? Andrew se rapprocha et s’appuya contre un pilier en pierre près du camion. « Bon, ça n’a pas de sens », dit-il d’une voix traînante. « Ce type veut juste traverser. »

Le garde le regarda. « Ferme-là, vieux. Et retourne travailler. Personne ne t’a demandé ton avis. »

Personne, et encore moins Andrew, ne s’attendit à ce qui s’ensuivit. Le chauffeur, qui se tenait à longueur de bras du garde, posa son presse-papier et devint violent, frappant l’homme au visage d’un poing ganté et l’envoyant au sol. « Tu sais ce que je déteste plus qu’un petit vaurien pisseux ? » Gronda l’homme. « C’est un petit vaurien pisseux qui ne respecte pas les gens. »

Andrew ricana, se couvrant la bouche d’une main.

Le camionneur repartit d’un pas lourd vers son engin, attrapant son presse-papier au passage, secouant la tête et marmonnant en marchant. « Pas les tripes de m’empêcher d’aller où je veux, c’est foutument sûr. »

Le garde se releva et essuya un peu de mélange de sang et de salive sur son visage, ensuite il retira le bâton à sa ceinture et partit derrière le routier. « Fils de… »

« D’ac, maintenant. » Andrew se recula du pylône en pierre et intercepta le garde en deux longues foulées, l’attrapant par le bras et le faisant se retourner. « Fils, fais pas l’idiot. »

« Lâchez-moi, bordel ! » Hurla le garde en balançant son bâton vers Andrew. « Je vais vous botter les fesses. »

« Mon gars, fais pas ça », l’avertit Andrew, réagissant avec des instincts peaufinés pendant de nombreuses années d’expérience.

Le routier se retourna pour voir son assaillant plié comme un bretzel lorsqu’Andrew lui fit une prise ferme et le souleva de terre. Il mit les mains sur ses hanches et se contenta de regarder tandis que l’homme en uniforme était secoué comme un rat, des morceaux de son accoutrement de garde rebondissant sur le pavé avant de rouler sous le camion.

« J’avais dit d’pas faire l’idiot », lui dit Andrew fermement. « C’type-là va te rouler d’ssus avec son camion et t’aplatir comme une crêpe. »

« Lâchez-moi ! » L’homme lutta, sans succès.

Andrew alla vers le bord de l’eau avec lui et le soutint d’un air menaçant au-dessus du bord du ponton. « T’aimes le sel ? » Demanda-t-il. « Non ? Alors ferme juste ta grande gueule. » Il regarda vers le routier qui était monté dans sa cabine et avait démarré le moteur. « Bon, roule pas trop vite sur ce quai, jeune homme », avisa-t-il le chauffeur, et il reçut un sourire en retour.

Le routier klaxonna avec grand bruit, appréciant la situation et levant un pouce vers Andrew tandis qu’il passait près du navire pour aller vers le ponton suivant.

Andy attendit que le camion soit parti puis il relâcha le garde, le poussant rudement sur le quai pour empêcher toute stupidité hasardeuse.

Le garde reprit son équilibre et se retourna, recommençant à marcher vers Andrew avec une expression de colère sur le visage. « T’es sérieusement dans le pétrin, mon vieux. »

« J’suis pas dans l’pétrin, fils. » Andrew se contenta de s’asseoir sur le pylône et l’attendit, détendu et calme. Il croisa le regard du garde et le soutint tandis que l’homme avançait sur lui, des années passées à affronter le danger posant une feuille de glace sur son attitude. « Mais tu vas l’être sûrement », ajouta-t-il d’un ton léger.

Le garde ralentit en approchant et ensuite s’arrêta, incertain. Puis il recula, remettant son bâton à sa place dans sa ceinture. « Je ne vais pas m’embêter avec toi. »

Andrew sourit.

« Je vais juste aller chercher mon chef pour qu’il te vire. » Le garde rassembla les lambeaux de sa dignité et partit vers la petite maison des gardes, laissant Andrew tranquille sur le côté du quai.

Le tonnerre roula au-dessus de lui, le faisant lever les yeux vers le ciel. « J’pense que j’aime les ennuis », remarqua-t-il. « Le Seigneur sait qu’ma gamine a reçu ça d’quèque part, après tout. » Après un bref moment, l’ex marine se leva et repartit vers la passerelle, riant doucement entre ses dents.

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Dar prit sa tasse de café et en but une gorgée avant de la tendre à Kerry. Elles étaient toujours serrées sur le canapé, après une heure de travail intense sur le portable qui leur avait au moins donné une mesure de sécurité sur la situation.

« Combien de temps faut-il à la sécurité pour savoir qui est dans ce bâtiment ? » Grogna Kerry, en repassant la tasse après avoir pris une gorgée. « Qu’est-ce qu’ils ont fait, ils ont appelé les chiens pour renifler les pièces de stockage Xerox ? »

Dar regarda ses jauges, ses doigts remuant au-dessus des touches. « C’est un grand bâtiment. »

« Pas si grand que ça. » Kerry écouta le tonnerre et elle reposa sa tête sur l’épaule de Dar. « Tu sais quoi, c’est dommage qu’on ne puisse pas travailler comme ça tout le temps. »

« Depuis le chalet ou depuis ce canapé toutes les deux ? », demanda Dar.

« Oui. »

« J’ai un canapé dans mon bureau. »

« Il n’est pas aussi confortable que celui-ci », objecta Kerry en tendant la main pour taper quelques lignes puis la touche entrée. « Et je ne pourrais assurément pas porter mon pyjama là-bas, Dar. »

Dar pencha la tête et regarda le vêtement de Kerry qui affichait d’adorables petits porcelets qui faisaient des pirouettes partout. Il consistait en une chemise de nuit qui était à peine légale, mais aussi un bas que Kerry portait rarement. « Je pourrais envoyer un changement dans le règlement intérieur juste pour toi. »

« Oui oui. Je peux m’imaginer animant des réunions habillée comme ça. »

Dar rit. « Rien ne serait fait », dit-elle. « Ah. Voilà. Très bien… là ça se présente mieux. » Elle était enfin satisfaite de la manière dont son programme se comportait. « D’accord, je pense que ça ne va pas crasher maintenant. »

« Pfiou. »

Dar passa à sa messagerie, cliquant sur le dernier mail arrivé. « Voici la trace que Mark a reçue. » Elle passa les résultats en revue. « C’est crypté. »

« Tu peux le dé-crypter ? » Demanda Kerry. « Je ne peux même pas lire l’en-tête. »

« Hm. » Sa compagne pianota sur le clavier. « Pas sans la… » Elle hésita. « Attendons de voir si Mark trouve la machine d’où ça vient. Ce sera plus facile avec la clé. Je pourrais réussir à cracker le code mais ça me prendrait une éternité. »

Kerry tapa sur le clavier. Mark – qu’est-ce qui prend si longtemps pour le rapport de la sécurité ?

Dar glissa un bras autour des épaules de Kerry et lui massa doucement le dos. « Ça va être un gros coup. Je ferais mieux d’alerter Alistair. »

Toutes les unités de ventes et de marketing sont foutument là ! Répondit Mark bruissant de dégoût. Tout le foutu étage en est rempli et ils ont pompé des adresses dhcp toute la matinée.

« Oh, merde. » Kerry soupira. « Ça craint. »

Dar regarda l’écran. « Peut-être… peut-être pas », dit-elle lentement. « Je me demande combien de nouveaux ils ont reçus ce dernier mois. »

« Ils ont un turnover de… » Kerry commença à parler, puis sa voix traîna. « Mais Dar, qui que ce soit qui a fait ça était techniquement doué. »

« Oui oui. Où les cacher mieux que dans notre compagnie, hm ? Le dernier endroit où je chercherais un nerd c’est dans ces groups. » le ton de Dar était grimaçant. « Et tu sais quoi encore ? »

Kerry fixa l’écran puis Dar. « Ils sont tous autour des salles de démonstration. »

« Exactement. »

Exactement.

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Kerry lança le moteur de sa moto, regarda des deux côtés avant de s’élancer sur la route toujours mouillée pour se diriger vers le sud. Le soleil s’était montré à contrecœur dans son voyage vers l’ouest et elle avait décidé que c’était le bon moment pour aller au marché et prendre quelque chose pour le dîner.

Les routes étaient toujours mouillées et elle gardait prudemment une vitesse basse. Elle ne souhaitait pas expérimenter une chute sur les fesses, même si Dar lui avait patiemment appris comment redresser la moto si elle était renversée.

Ce n’était pas facile, même si elle était plus forte que la plupart des femmes de sa taille. Kerry changea de vitesse et passa un feu vert, l’un des rares arrêts de trafic dans le coin. La nature paisible de la ville était l’une des choses qu’elle aimait le plus et même maintenant pour le weekend, il y avait peu de trafic pour gêner son passage.

Le marché était juste à main droite, un bâtiment bas en bois avec une peinture passée sous le soleil et des chemins couverts de coquillages écrasés qui menaient au petit parking. Kerry se gara sur un endroit ombragé près de la porte et coupa le moteur de la moto, passant une jambe par-dessus la selle avant de retirer son casque.

Elle mit le frein de sécurité et se dirigea vers les portes, la brise toujours humide effleurant ses épaules nues. Elle poussa la porte de gauche et entra dans la fraîcheur plaisante de la clim avant de retirer ses lunettes de soleil et de les accrocher par une branche dans une boucle de sa ceinture. « Salut, Bill. »

L’homme derrière le comptoir leva les yeux puis lui fit signe. « Salut, voisine. » Il accueillit Kerry avec amabilité. « Je ne savais pas que vous étiez dans le coin ce weekend… je pensais que la pluie garderait tout le monde au nord. »

« On est arrivées vendredi soir. » Kerry prit un panier et commença à arpenter les allées. « Mais on dirait bien que ça s’éclaircit. Comment va Martha ? »

« Oh elle va bien », dit le gérant du magasin. « Hé dites, je viens de recevoir du mérou frais… vous en voulez deux ? »

Du mérou. Kerry pencha légèrement la tête. Dar et elle appréciaient le poisson frais et un filet joliment bouilli lui semblait plutôt bien. « Bien sûr », acquiesça-t-elle en faisant un détour vers la section des légumes pour choisir quelques pommes de terre dorées du Yukon et des haricots verts, ainsi que deux maïs blancs.

Réfléchissant, elle ajouta également un quart de fraises et porta le tout au comptoir. Elle aurait pu acheter des trucs pour le lendemain aussi mais elle préférait faire des achats spontanés plutôt que de planifier trop longtemps à l’avance. « Ouaouh, ça a l’air sympa », complimenta-t-elle le poisson.

« Un cuisinier le sait. » Le gérant rit. « Et je sais que vous êtes la cuisinière dans cette maison. »

Kerry accepta le paquet enveloppé de kraft avec un léger sourire. « Je présume que le fait que Dar n’achète que de la glace, du lait, des barres de chocolat et des bananes vous a renseigné, pas vrai ? » Elle tendit sa carte de crédit. « Mais j’aime bien cuisiner. Je m’amuse. »

« Moi aussi. » Bill poussa le reçu de carte de crédit pour sa signature. « Mais les garçons se moquent de moi là-dessus. Vous savez comment c’est. »

Kerry signa son nom d’une écriture soignée et lui rendit le reçu. « Et bien, pas vraiment », admit-elle. « En général, on s’attend à ce que les filles sachent comment cuisiner et aimer ça. » Elle plissa le visage dans un sourire. « Je n’ai jamais reçu de regards en coin pour ça. Pour d’autres choses… » Elle remua la main.

« Comme ce joli tatouage ? » Demanda Bill avec un sourire à son tour. « C’est nouveau, non ? »

« Oui. » Kerry regarda vers la marque à demi visible et qui ressortait de sa bretelle de haut sans manches. « Je l’ai depuis quelques semaines. Vous aimez ? »

Bill se pencha un peu plus, soulevant ses lunettes légèrement pour mieux voir. « Joli travail. » Il la complimenta. « J’ai moi-même deux dauphins, mais je mourrais avant de porter des bermudas pour les montrer au monde. »

Kerry se mit à rire. « C’était mon second choix pour l’emplacement. » Elle prit ses paquets et les clés de sa moto. « Mais je pense que je voulais vraiment que les gens le voient. » Son regard alla vers la marque et les lettres du nom de Dar visibles pour un moment, avant de se retourner et de se diriger à nouveau vers les portes. « Belle journée, Bill. »

« A vous aussi, Kerry », répondit le gérant, reprenant sa place sur son tabouret. « Roulez avec prudence, c’est mouillé là-dehors. »

Kerry leva la main pour acquiesce tandis qu’elle sortait, attrapant rapidement ses lunettes de soleil tandis que la lumière crue la faisait cligner des yeux.

« Excusez-moi… êtes-vous Kerry Stuart ? »

Kerry s’arrêta brusquement et se tourna pour se retrouver dans la ligne de vue d’une femme de couleur bien habillée et d’un homme avec une caméra. La femme n’avait pas l’air hostile mais la lumière de la caméra était allumée et Kerry n’avait pas grandi sous les projecteurs pour rien. « Oui », répondit-elle lentement. « Je peux vous demander pourquoi vous posez cette question ? »

« Génial. On vous a trouvée. » La femme sourit. « Nous filmons dans le cadre de l’émission spéciale sur le projet de croisière American Cruise et j’aimerais vous poser quelques questions. »

Kerry carra les épaules, passant ses paquets avec prudence sur un seul bras. « Notre bureau est à Miami. Y a-t-il une raison pour que vous soyez venus me chercher ici ? » Elle gardait sa voix neutre mais avec un peu de chaleur tout de même.

La journaliste la regarda avec circonspection. « Et bien, quelqu’un m’a dit en off que vous pourriez être ici… alors j’ai pensé tenter ma chance. Vu que l’autre équipe est au port en train de travailler, cela semblait un peu… inhabituel… que vous quittiez la ville. »

La colère commença à monter dans l’estomac de Kerry. « Et bien, je présume que vous venez de gâcher un voyage alors. Je n’ai rien à dire en ce moment. Je suis en congé. » Elle se retourna et alla vers sa moto, son ouïe saisissant le gémissement de la caméra derrière elle.

« Attendez… » La journaliste la suivit. « Ms Roberts nous a parlé. »

Kerry mit les paquets dans le caisson à l’arrière de la moto et enfourcha l’engin, se mettant au centre pour équilibrer et remontant le kick. « Au bureau. » Elle démarra le moteur et tourna la poignée d’accélérateur, le rugissement bas et rauque rendant toute discussion momentanément impossible.

« Vous ne pensez pas que ça donne un indice sur votre compagnie que vous soyez ici en vacances pendant que tout le monde travaille ? » Demanda la journaliste. « Peut-être que ma source avait raison après tout. »

Kerry mit son casque. « La seule chose que ça dit sur notre compagnie c’est que nous avons confiance dans nos équipes pour faire ce pour quoi nous les payons. » Elle recula la moto et se prépara à quitter le parking. « Excusez-moi. » Elle essaya de ne pas regarder directement la caméra, l’œil gris neutre suivant chacun de ses mouvements.

« Est-ce que Ms Roberts est ici aussi ? Peut-être que je peux lui parler », insista la journaliste. « Peut-être qu’elle pourra m’expliquer vu que vous ne le voulez pas. »

Répondre ne lui sembla pas sage. Kerry passa une vitesse et se dirigea vers la route, passant de la première à la deuxième tandis qu’elle regardait derrière elle pour voir si la femme suivait. Elle était prise entre l’outrage et l’inquiétude, se demandant brièvement si elle aurait dû jouer le jeu de la journaliste et simplement lui parler quelques minutes.

Dar l’avait fait, avait-elle noté.

Ah bon. Kerry passa la troisième et prit de la vitesse, anxieuse de rentrer au chalet et de mettre la moto à l’abri avant que la femme ne trouve où elles vivaient. Est-ce qu’elle taperait à la porte ? La pensée la mettait en colère et elle se sentit un peu envahie par l’idée.

C’était un refuge pour elles. Que la journaliste vienne ici et s’installe dans cette partie de son monde ennuyait Kerry plus qu’elle ne voulait le reconnaître et elle en éprouvait beaucoup de ressentiment. Elle se pencha au virage qui l’emmènerait vers la maison et elle ressentit un moment d’intense panique tandis que la moto commençait à glisser sous elle.

Son corps réagit avec incertitude, peu habitué au mouvement et elle se pencha de l’autre côté par pur instinct. Pendant une seconde, l’engin passa la ligne, le pneu glissant sur la chaussée humide pendant une éternité avant que la traction ne le reprenne et qu’elle mette la moto sous contrôle.

« Seigneur. » Kerry sentait son cœur battre fort dans sa poitrine tandis qu’elle ralentissait, prête à prendre le tournant dans leur entrée. A sa surprise, Dar était dans la cour en direction de la route et elle sauta par-dessus la barrière tandis que Kerry se garait dans le gravier léger. « Hé. »

« Hé. » Dar la rejoignit, posant une main sur son bras. « Qu’est-ce qui se passe? Tu vas bien ? »

« Oui. J’ai failli faire tomber la moto », admit Kerry. « Allons dans le hangar. J’ai eu une rencontre très déplaisante au magasin avec ton amie des gens qui filment. »

Dar cligna des yeux. « Mon amie ? »

« La journaliste ? » Kerry descendit de moto et commença à la pousser vers le hangar.

« Comment elle t’a trouvée ici ? » Dar l’aida en mettant ses mains au milieu de celles de Kerry. « Qu’est-ce qu’elle voulait, bon sang ? » Sa voix s’était durcie.

Kerry ouvrit la porte du hangar et elles poussèrent la moto à l’intérieur. Elle referma la porte juste au moment où le bruit de pneus sur la route résonnait fort dans leurs oreilles. Elles restèrent ensemble à écouter tandis que la voiture ralentissait dehors, puis, après un long moment de silence, repartit. « Purée. »

Dar serra la mâchoire. « Ils t’ont filmée ? » Demanda-t-elle tandis que Kerry bougeait pour prendre les sacs à l’arrière de la moto.

« Oui. » Kerry se retourna, laissant ses lunettes de soleil glisser un peu pour regarder Dar par-dessus. « Mais ne t’inquiète pas. Il n’y a aucun moyen qu’on croit que la fille de Roger Stuart roule en moto dans la campagne avec un tatouage sur la poitrine. Je dirai juste que quelqu’un jouait mon rôle. »

Dar pinça les lèvres puis se détendit dans un léger sourire.

« Qu’est-ce qu’on va faire si elle se pointe ici ? » Continua Kerry avec une grimace. « Ça ne demandera pas beaucoup de travail, Dar. Nous sommes dans l’annuaire local. Tout ce qu’elle a à faire, c’est de regarder et elle aura l’adresse. »

« Sans mentionner ma voiture dehors », fit remarquer Dar d’un ton sec. « Inquiétons-nous de ça quand ça arrivera. Elle a dit quel angle elle cherchait ? »

« Oh oui. » Kerry prit le paquet et poussa Dar vers la porte. « Les paresseuses et prétentieuses employées d’ILS se la coulent douce pendant que leurs larbins font tout le travail. » Elle soupira. « Et j’ai blagué là-dessus mais je pense que j’ai juste fichu un grand coup à mon image. »

« Qu’ils aillent au diable. » Dar la dirigea vers le chalet. « S’ils se pointent ici, je les jetterai dans le sel. En plus, on travaille. » Elle regarda dans un des sacs. « Mm… des fraises. »

Kerry se laissa distraire tandis qu’elles revenaient à leur chalet et se glissaient à l’intérieur. Mais elle avait un sentiment que la journaliste n’allait pas abandonner aussi facilement ou être dissuadée même par le rejet de Dar.

Sans mentionner ce que ça représenterait pour ceux qui regarderaient le film.

Kerry soupira. Espèce de sales rats.

*******************************

Elles furent surprises que le reste de l’après-midi s’avère paisible et sans journaliste. Kerry se replia dans la cuisine pour faire le dîner tandis que Dar cocoonait avec son portable, obsédée par les résultats de son programme.

« Hé, à propos de ce film. » Kerry positionna les filets de vivaneaux sur la poêle au gril, les saupoudrant avec son mélange jalousement gardé d’épices. « Ils ne doivent pas avoir notre autorisation avant d’en montrer même un bout ? Ce n’est pas un programme d’infos, pas vrai ? »

Dar s’étira, levant les bras au-dessus de sa tête, faisant claquer les articulations de ses épaules. « Bonne question », dit-elle. « Je devrais probablement envoyer une note au service juridique pour leur poser la question, non ? »

« Ce serait une bonne idée. » Kerry aspergea finalement le poisson d’huile végétale et se prépara à le mettre sur le gril. Elle leva les yeux quand Dar entra dans la cuisine, faisant le tour dans son dos pour l’enserrer à la taille et l’observer préparer le dîner.

« Mm. » Kerry s’appuya un peu en arrière, savourant la chaleur solide du corps de sa compagne. Elle sentit Dar mettre son menton sur le dessus de sa tête et elles restèrent simplement ainsi, ensemble, pendant un moment de silence, ondulant légèrement au son d’une musique lointaine que seules elles pouvaient entendre.

« Keeeeeeeerrrrrrry », gazouilla Dar d’une voix aigüe qui imitait celle de son écureuil. « Je t’aiiiiiiimmmmmeee. »

Kerry crut qu’elle allait se dissoudre dans une flaque blonde. Elle se demanda brièvement si son tatouage flotterait au-dessus ou la colorerait simplement. Lentement, elle se retourna dans le cercle des bras de Dar et la regarda. « Je peux te dire quelque chose ? »

« Et comment je t’en empêcherai ? » Dar se pencha un peu en avant pour frotter son nez sur le sien.

Kerry pencha la tête et elles s’embrassèrent, tandis que ses bras glissaient vers le haut pour entourer la nuque de Dar. Elle saisit la lèvre inférieure de Dar entre ses dents et puis la relâcha avec un léger rire. « Et bien, Paladar, en fait, oui, tu pourrais », dit-elle lentement d’une voix traînante. « Juste comme ça, en fait. »

Dar rit avec elle, levant une main pour effleurer sa joue. « C’est tellement facile de te distraire parfois. »

Kerry s’appuya au contact, pressant son corps contre celui de sa compagne. « Ça dépend de la distraction. » Elle sourit. « Mais ce que j’allais dire avant d’être si plaisamment détournée, c’était que… » Son regard s’adoucit et se réchauffa. « Tu es la meilleure partie de ma vie. »

« Ah oui ? » Un air charmé apparut sur le visage de la grande femme. « Encore plus que la crème glacée ? »

« Bien plus. »

« Ah. » Dar enserra Kerry et mit sa tête contre son épaule avant de la presser contre elle. « Pareil, ma chérie. »

Kerry ferma les yeux et soupira, accueillant la douce affection dans le ton de Dar. Après tout le chaos du travail et l’agacement de la rencontre avec la journaliste, elle le voulait.

En avait besoin. Elle glissa ses bras autour de la taille de Dar et lui rendit son étreinte, puis elle passa ses mains le long de la colonne de sa compagne pour lui faire un massage léger. « Je t’aiiiiime aussi », gazouilla-t-elle doucement. « Mon petit écureuil. »

Dar ricana.

Elles allèrent vers le séjour en se tenant par la taille et, à mi-chemin, elles entendirent un coup frappé à la porte. Après avoir échangé un regard sévère, Dar la libéra et se frotta les mains. « Je vais m’occuper de ça. Reste ici. »

Kerry réfléchit brièvement et ensuite obéit à contre-courant, se laissant tomber sur le canapé avant d’étirer ses jambes sur toute la longueur tandis qu’elle regardait Dar avancer vers la porte arrière.

Elle n’enviait pas la journaliste si c’était elle. Dar pouvait, et était souvent, brusque et désagréable quand elle en ressentait le besoin, et être en face d’elle n’était vraiment pas drôle. Pas que Kerry elle-même l’ait expérimenté – même quand elle et sa compagne n’étaient pas d’accord. Dar n’était jamais rude avec elle.

En fait, Kerry savait qu’elle avait été la plus désagréable d’elles deux quand elles s’étaient rencontrées. Elle remua les orteils en se souvenant, ses oreilles penchées tandis que Dar ouvrait la porte.

« Oui ? » Dar sortit dans le soleil de la fin d’après-midi, son corps bloquant la porte ouverte au niveau de ses épaules.

« Et bien, bonjour, Ms Roberts. Vous vous souvenez de moi ? » La journaliste lui sourit.

« Oui », répondit Dar. « Vous avez besoin d’autre chose ? Non ? » Elle commença à refermer la porte.

« Attendez… attendez. Je dois vraiment vous parler. » La femme tendit la main pour l’empêcher de fermer la porte. « S’il vous plaît ? »

Dar la fixa. « Je ne suis pas en service. » Elle laissa son regard passer au-delà de la femme mais la caméra et son cadreur n’étaient pas en vue. Après un moment, elle se reconcentra sur l’intruse.

« Et bien non… mais je suis là et vous êtes là, alors… » Insista la journaliste. « Ça ne vous prendra que quelques minutes, vraiment. »

Cela paraissait raisonnable. Malheureusement, Dar ne se sentait pas très raisonnable à ce moment. « Non », dit-elle. « Je n’apprécie pas les gens qui envahissent ma vie privée. Alors j’enlèverais ma main de la porte si j’étais vous, à moins que vous ne vouliez finir avec un poignet cassé. »

La femme recula. « Pourtant, je n’ai pas vraiment l’impression d’être envahissante... »

« Est-ce que je vous ai donné mon adresse ici ? » Demanda Dar acerbe.

« Et bien, non, mais… »

« Avez-vous demandé si vous pouviez faire une interview en dehors des heures de travail ? »

« Ce n’est pas le sujet… »

« C’est exactement le sujet. » Dar commença à refermer la porte. « Et c’est fichument anti professionnel si vous me le demandez. Je pense que je vais passer un coup de fil à votre bureau de production lundi. »

La journaliste releva la main. « Eh… eh… attendez un peu, êtes-vous la même personne que celle que j’ai interviewée il y a quelques jours ? Qu’est-ce qui s’est passé ? »

« Vous avez merdé. » Dar recula la tête et ferma la porte, mettant tout son poids derrière juste au cas où la journaliste aurait l’idée stupide de l’arrêter. « Connasse. » Elle se remit à marcher, mais s’arrêta quand un coup fut de nouveau frappé à la porte.

Elle mit les mains sur ses hanches et regarda Kerry. Celle-ci haussa les épaules d’un air penaud. Dar plissa les yeux et se retourna pour aller de nouveau à la porte pour l’ouvrir brusquement. Elle mit sa main près de son oreille et enroula ses doigts dans un poing, le penchant d’un air significatif. « Je ne joue pas avec vous. »

La journaliste s’interrompit au milieu de sa déclaration et cligna de surprise vers Dar. « Vous allez me frapper ? » Demanda-t-elle d’un ton incrédule.

« Oui », dit Dar.

« Vous êtes folle. »

« Non, c’est juste que mon intimité est envahie et que ça me contrarie. » Dar plissa les yeux.

« Je ne comprends pas. Vous étiez des plus aimables dans votre bureau. Qu’est-ce qui se passe ? » Dit la femme.

« Je ne suis pas dans mon bureau. »

Kerry se leva et s’avança pour se tenir derrière la porte hors de vue avec le dos pressé contre tandis qu’elle écoutait.

« D’accord, alors en quoi c’est pénible de me parler quelques minutes ? » Dit la journaliste. « C’est quoi le sujet ? On a déjeuné ensemble, vous vous souvenez ? Allons. »

« Si vous voulez parler de quelque chose, appelez-moi pendant les heures de travail. » Dar restait patiente au prix de gros efforts.

« Ou bien est-ce parce que vous êtes avec votre petite amie en ce moment ? »

Dar se contenta de se reculer de la porte et permit à Kerry de la fermer brutalement pour elle. Elle mit bruyamment la chaine puis tourna le dos attendant que Kerry la rejoigne avant qu’elles ne repartent vers le canapé.

« Si elle frappe encore, je vais la jouer Républicaine », dit Kerry. « Tu as vraiment déjeuné avec cette personne ? »

« C’est ce qui se passe quand tu me laisses me débrouiller toute seule avec mon déjeuner. » Dar fit une pause et jeta un coup d’œil par-dessus son épaule. « Maintenant je ferais fichtrement bien d’envoyer une note au service juridique. Je peux voir comment on va se retrouver au milieu de leur petit script. »

Beuh. Kerry repartit pesamment vers la cuisine. « Est-ce qu’on aurait dû être moins brutales ? » Demanda-t-elle.

Dar prit son ordinateur et l’apporta au comptoir, le posa et s’assit sur un des tabourets en bois. Elle posa sa tête sur un poing et étudia l’écran. « Qu’elle aille au diable. »

Kerry alluma un des brûleurs et posa une poêle dessus, ajoutant un peu d’huile d’arachide et du beurre au fond. Tandis que ça cuisait, elle retira une passoire avec des haricots verts de l’évier et la posa près d’elle, attrapant sa grande cuillère en bois tout en écoutant Dar taper.

« Elle était bien plus agréable à ce déjeuner. »

« Oui oui. » Les haricots verts furent sacrifiés dans la poêle, relâchant une odeur d’épices et d’ail tandis qu’elle les remuait. « Comme si elle était de ton côté ? »

Les yeux bleu clair la regardèrent par-dessus l’écran d’ordinateur. « Oui. »

Kerry courba les lèvres légèrement.

« Je me suis fait arnaquer ? »

Kerry remua les haricots dans la poêle avec expertise, se souvenant des cours de son enfance. La presse, lui avait-on enseigné, n’est jamais, jamais votre amie et elle n’est jamais de votre côté. « Et bien… » Elle hésita, ne voulant pas insulter sa compagne. « Dar, je suis sûre qu’elle est très rusée. Elle m’aurait probablement trompée aussi. »

Dar soupira. « Je pensais qu’elle était sympa », admit-elle. « Elle a dit beaucoup de choses… bon bref, je présume que je l’ai jugée sur son apparence. » Elle vit arriver un mail et cliqua dessus.

Salut cheffe -

J’ai la liste, voilà, mais tout le monde et sa mère est dessus. Tu veux que je leur retire leur habilitation ? Je les ai sortis par date de recrutement, mais il n’y a personne qui ait moins de trois mois. Je ne sais pas ce qu’il se passe, bon sang.

Mark

« Je ne sais pas non plus », admit Dar avec un soupir. « Tu sais quoi, Ker ? Je ne sais foutument pas ce qui se passe. Je perds mes réflexes. »

Prudemment, Kerry se contenta de murmurer sa sympathie tandis qu’elle finissait avec les haricots et éteignait le feu. Elle prépara deux assiettes, ouvrit le four et retira les filets de vivaneau. « Je ne suis pas sûre de savoir moi non plus », dit-elle, en glissant un filet sur une des assiettes et ajoutant des haricots avec une pomme de terre et un demi épi de maïs.

Dar resta assise à remuer les jambes une minute et puis elle se leva et vint dans la cuisine, contournant Kerry pour attraper les assiettes. « Mmm. »

Elles allèrent dans le séjour et s’assirent l’une près de l’autre sur le canapé tandis que Dar posait les assiettes sur la table basse en acajou solide. Genou contre genou, elles se mirent à détruire la nourriture. « Oh attends. » Kerry posa son assiette et se releva, retournant dans la cuisine pour leur prendre des boissons.

Dar utilisa sa fourchette pour couper un morceau de poisson et le goûta. « Mm. » Elle attendit que Kerry revienne et se rassoit. « C’est bon. »

Kerry mit son épaule contre celle de Dar. Elles mangèrent tranquillement, toutes les deux apparemment plongées dans leurs pensées.

**********************************

Andrew fit passer sa ceinture d’outils sur une large épaule et quitta le navire. Le soleil était masqué par des nuages sombres et il y avait une senteur de pluie dans l’air ; même les eaux habituellement calmes s’agitaient un peu contre les coques des navires alignés le long du ponton.

Il était à mi-chemin de l’espace ouvert quand la porte de la hutte des gardes s’ouvrit et qu’un homme en émergea pour venir dans sa direction avec un air volontaire. Etant donné le mauvais goût de l’homme en matière vestimentaire et le badge qui pendait à sa ceinture, Andrew se dit que ça devait être le chef de son ami le garde, mais il attendit que l’homme le croise visiblement avant de tourner la tête et de faire un contact visuel.

« Vous, attendez. » L’homme leva la main. « C’est vous Roberts ? »

Andy ralentit et s’arrêta à la hauteur de l’homme. « Ouaip. »

L’homme avait des cheveux noirs épais et plaqués en arrière et une moustache bien taillée, un mauvais teint et des yeux gris opaques. Qui étaient maintenant fixés sur le visage d’Andrew avec une lueur froide et sévère. « Je crois comprendre de mon agent que vous avez causé des ennuis aujourd’hui, monsieur. »

Derrière lui, Andrew pouvait voir le garde vaurien, qui regardait à travers les stores de la petite guérite des gardes. Il fit passer son regard vers l’homme devant lui. « J’ai l’air d’un type qui cause des ennuis ? »

Le responsable de la sécurité le toisa. « Ce n’est pas une réponse. »

« L’jeune gars allait s’faire rouler d’ssus par un camion », dit Andrew. « J’l’ai juste arrêté. »

L’autre homme regarda le long du ponton vers l’endroit où se trouvait le navire de Dar puis il revint sur Andrew. « J’ai des ordres de ne laisser aucun camion passer par-là. Comment voulez-vous que j’explique que l’un d’eux est passé ? On ne me mettra pas ça sur le dos, mon gars. Je vais vous faire virer. »

Andrew haussa les épaules. « Ça faisait pas de sens pour moi. C’est quoi la différence si le camion passe par-là ? » Il se dit qu’il allait être viré quoi qu’il arrive, il ferait aussi bien de récupérer le maximum d’informations avant.

« Ça n’a pas besoin d’avoir du sens pour vous. J’ai mes ordres… « L’homme se retourna quand un cri retentit vers les quais. « Merde. Voilà de qui je tiens mes ordres. Vous restez là, je vais voir ce qu’ils vont faire de vous. »

Andrew regarda par-dessus l’épaule de l’homme pour voir approcher Shari, un air coléreux sur le visage. « Bon. » Il soupira. « Ben voyons. C’te femme cause plus de problèmes que des hémorroïdes dans un seau. »

L’homme se retourna et lança un regard étonné à Andrew, un demi-sourire recourbant ses lèvres. Puis il alla intercepter sa visiteuse indésirable.

Andrew hésita puis il le suivit à grands pas, le rattrapant quand ils rejoignirent Shari à mi-chemin sur le quai.

« Je viens d’avoir l’information que vous avez laissé passer une livraison. J’ai dit pas de camion ! Qu’est-ce qui ne va pas chez vous, vous êtes stupide ? » Cria Shari sur l’homme.

« Attendez une minute, madame… » Le chef de la sécurité leva une main.

« Je n’attends rien du tout. J’ai donné un ordre direct. » Shari l’interrompit. « Je veux les noms de vos chefs, maintenant. Je ne vais pas supporter plus longtemps cette merde. » Elle sortit son téléphone. « Donnez-moi son numéro. »

« Attendez une minute. » Le chef de la sécurité regarda vers Andrew qui bougeait. « Roberts, je vous ai dit de rester derrière », dit-il. « Bon sang ! » Il retourna son attention vers Shari. « Bon, madame. Ce n’était pas de ma faute. Ce type-là s’est mis en travers du chemin de mon gars qui faisait son boulot et… madame ? »

 

Shari s’était arrêtée à mi-chemin et regardait Andrew avec une expression soudain soupçonneuse. Elle ferma son téléphone. « Roberts ? » Demanda-t-elle en serrant les dents.

Ah bon. Découvert. Andrew eut un sourire méchant.

Le chef de la sécurité les regarda tour à tour. « Vous connaissez ce type ? » Demanda-t-il à Shari. « C’est lui qui a distrait mon gars et a laissé passer le camion. »

« J’te veux qu’il l’a fait. » Shari plissa les yeux.

« Monsieur ! » Le jeune garde criait depuis le portail. Un groupe d’hommes et de femmes se tenaient là, l’air impatient. « Monsieur, il faut que vous veniez, s’il vous plait, monsieur ! »

Le chef eut l’air soulagé. Il passa près de Shari et se dirigea vers le portail, avec une excuse marmonnée en les laissant se faire face.

« Je ne m’étais pas rendue compte que Dar avait un frère », ricana Shari d’un ton dégoûté. « Mais ça a du sens maintenant. Je vais parler à ce foutu stupide superviseur et vous faire virer. »

Andrew haussa un de ses sourcils grisonnants. « Elle en a pas », dit-il d’une voix rauque. « Economisez vot’ souffle, je pars. » Il fit passer sa ceinture d’outils sur l’autre épaule et commença à contourner Shari.

« Oh non, vous ne vous en tirerez pas en partant comme ça. J’appelle la police. » Shari tendit le bras pour le saisir. « Je vais vous faire arrêter… » Shari s’interrompit tandis qu’une main plus large que la sienne se refermait autour de son poignet et elle retira sa prise. « Lâchez-moi. »

Andy la fixa. « Si vous aviez de la jugeote, femme, vous pourriez vous estimer chanceuse de juste tourner les talons et partir d’ici. » Sa voix était douce mais ferme. « Ma fille est vraiment spéciale pour moi et je suis pas gentil avec les gens qui lui cherchent des noises. »

« F… » Shari ouvrit grand les yeux. « Oh merde. »

Andrew sourit à nouveau en plissant les yeux.

« Capitaine ! Capitaine ! Venez par ici », cria Shari paniquée. « A l’aide ! »

Andrew regarda par-dessus son épaule et vit les gardes pleinement occupés avec les nouveaux visiteurs, qui se frayaient un chemin en poussant sur le ponton et repoussaient les deux gardes. Il relâcha son bras et se brossa les doigts sur son jean tandis que Shari s’éloignait de lui.

Elle tourna sur elle-même et repéra les gardes occupés au portail et elle se dirigea vers la guérite laissant Andrew derrière elle sans même un regard vers lui.

« Bonne journée », dit Andrew d’un ton traînant en se dirigeant vers les portes. Tandis qu’il se rapprochait, il entendit les gens qui discutaient avec les gardes et les mots ‘fuite d’huile’ sortirent du blablabla. « Oh oh. » Il contourna avec précaution l’homme qui se trouvait devant, un grand gaillard aux cheveux gris et plein d’indignation et il s’échappa vers l’avant du ponton.

Une camionnette l’attendait, bienvenue. Il ouvrit la portière et jeta sa ceinture d’outils derrière le siège, se glissant près de Céci avant de fermer la portière. « Je viens d’être viré. »

« Vraiment ? » Demanda sa femme.

« Ouaip. Cette femme a fini par trouver d’où elle me connaissait à la fin », dit Andy. « Mais j’pense qu’ces gens-là vont amener plus d’ennuis que moi. »

Céci regarda derrière lui. « Ah. L’agence de protection environnementale. » Elle hocha solennellement la tête.

« T’as deviné ? »

« Je les renifle. » Cécilia lança un regard suprêmement satisfait au chaos tandis qu’elle passait une vitesse. « Allez, matelot. Maintenant qu’on a causé des soucis, allons peindre la ville en rouge. C’est samedi soir. »

Andrew étira son bras sur le siège et se renfonça tandis qu’ils quittaient le port. Il n’était pas sûr que Dar aimerait les résultats de la journée mais il savait aussi que parfois on devait juste prendre ce qu’on avait.

La vie vous donnait des citrons des fois. Les mecs futés apprenaient à en faire de la limonade.

************************************

Au moment où les derniers rayons de soleil passaient la fenêtre, des fraises étaient à portée de main et les problèmes mis de côté pour le lendemain. Kerry était installée sur la balancelle pour deux avec Dar et poussait doucement le poteau du porche, les faisant aller d’avant en arrière.

La surface de l’eau clapotait de manière aguicheuse devant elles, leur apportant un doux ronronnement et le léger cliquetis des coquillages remués par les vagues. « Tu veux qu’on aille nager ce soir ? »

Dar souffla doucement dans son oreille puis elle se pencha et en mordilla le bord. « Bien sûr », souffla-t-elle, à peine audible. « On peut aussi faire ça. »

Kerry lâcha un rire bas et rauque en connaisseuse.

L’air était presque bleu du crépuscule, chaud, riche et humide mais il était vidé de la chaleur oppressante de la journée. Des mouettes tournaient en rond paresseusement au-dessus de l’eau, plusieurs atterrissant sur le quai qui abritait habituellement le Dixieland Yankee quand elles arrivaient par la mer.

Tout était calme et très paisible. Kerry s’appuya contre Dar, acceptant la baie que sa compagne tenait devant ses lèvres. « Il fait beau finalement ce soir. »

« Mmhmm. » Dar posa le bol de fruits sur ses cuisses et étendit les bras autour des épaules de Kerry. Il y avait toujours des nuages à l’horizon mais ils rendaient le coucher de soleil encore plus glorieux. Il faisait beau en effet et maintenant encore plus quand elle pensait à la façon dont leur relation lui avait ouvert les yeux sur la beauté du monde autour d’elle.

Elle avait toujours trouvé l’océan plaisant et elle aimait être à la plage dans la brise salée. Mais elle ne s’était jamais vraiment assise pour regarder un coucher de soleil jusqu’à ce que Kerry entre dans sa vie.

Le bureau était calme, la plupart de ses occupants déjà rentrés chez eux pour la journée. Dar avait rangé son portable et se préparait à partir elle aussi, hésitant sans vraiment savoir pourquoi après avoir mis sa mallette sur son bureau.

Encore un autre jour, pas vrai ? Rien qui justifie de rester plus longtemps.

Dar avait pianoté sur son bureau puis elle s’était rendue à l’inévitable et dirigée vers le couloir arrière, avec l’idée de simplement dire au revoir à sa nouvelle adjointe. C’était la chose à faire après tout et Kerry passait la tête chaque matin pour la saluer.

Elle avait emprunté le couloir et s’était arrêtée devant la porte du bureau de Kerry, consciente du léger chatouillis dans son estomac. Ça faisait longtemps qu’elle n’avait pas ressenti cela et l’accélération des battements de son cœur quand elle pensait à ces yeux verts doux tournés vers elle.

Elle avait frappé mais sans réponse. Dar avait ressenti une immense déception, surprise de se sentir blessée que Kerry soit partie sans dire bonsoir.

Vexée, elle avait quand même ouvert la porte, son humeur remontant quand elle avait repéré la mallette de Kerry sur sa chaise. Elle était entrée et avait contourné le bureau, son sens de l’odorat élevé repérant l’odeur du parfum de Kerry facilement.

Il y avait une tasse sur le bureau et tandis qu’elle effleurait le côté, elle l’avait sentie encore chaude de thé au quart. Alors Kerry ne pouvait pas être loin, pas vrai ? Dar s’était dirigée vers la porte principale et était sortie, regardant de chaque côté du couloir vide.

Droite ? Gauche ? Dar était partie à gauche puis avait tourné à gauche à l’intersection principale qui menait aux ascenseurs, les dépassant pour aller de l’autre côté du bâtiment. Puis elle s’était arrêtée et avait réfléchi. D’un côté se trouvait le marketing, de l’autre la comptabilité.

Une femme de ménage tirait une poubelle près d’elle, lançant un sourire poli à Dar tandis qu’elle se trouvait au milieu du couloir. « Jefa. »

Dar s’était concentrée sur elle. « Est-ce que vous venez d’arriver à cet étage ? » Avait-elle demandé en espagnol.

« Non. » La femme avait secoué la tête. « Je viens de finir ce côté. Vous voulez que je fasse quelque chose ? »

Dar avait regardé autour d’elle avec prudence, baissant un peu la voix. « Avez-vous vu une jeune femme blonde de cette taille environ… » Elle mit sa main à hauteur de son épaule. « Dans le coin ? »

La femme avait aussi regardé autour d’elle avant de répondre. « Si, elle est sur le patio par-là, mais elle m’a dit de ne rien dire. »

Ah. « Merci. » Dar avait repris le couloir pour arriver aux lourdes portes de verre et de métal qui bloquaient la plate-forme de l’ouest. En regardant à travers, elle avait repéré Kerry tout de suite, appuyée contre la rambarde, se contentant de regarder dans le vide. « Qu’est-ce qu’elle peut bien faire ? »

Elle avait mis son nez contre le verre et avait regardé la brise repousser les cheveux clairs de Kerry et plaquer son chemisier en soie contre son corps. Le chatouillis dans ses tripes était devenu une brûlure et elle s’était sentie un peu à court de souffle tandis qu’elle poussait la porte pour l’ouvrir contre le vent et émerger sur le patio. « Salut. »

Kerry s’était retournée. Son expression était passée de la surprise à un ravissement silencieux en un instant et elle avait souri tandis que Dar s’approchait d’elle. « Oh, salut. »

« Qu’est-ce que tu fais ? » Dar s’était appuyée sur la rambarde près d’elle. Son regard avait nonchalamment croisé celui de Kerry et s’y était arrêté, tandis que le coucher de soleil entourait son profil d’or.

« Heu… pas grand-chose. » Kerry s’était mise à rire doucement. « Je regarde juste le soleil se coucher. » Elle avait montré l’orbe orangé qui peignait le ciel de l’ouest de toutes les couleurs de sorbet imaginables. « C’est tellement beau d’ici, pas vrai ? »

« Absolument », avait dit Dar, un instant avant de détourner son regard du visage de Kerry pour regarder l’horizon. A sa surprise, la vue était bien plus intéressante qu’elle ne l’avait imaginé et elle se tint là en silence tandis que les rayons mouvants changeaient constamment ce qu’elles regardaient.

Kerry s’était appuyée contre la rampe près d’elle, leurs épaules se touchant presque.

Dar s’était demandée, si elle criait assez fort, le monde arrêterait-il de tourner pour qu’elle puisse savourer le moment un petit peu plus longtemps ? C’était assurément cent fois mieux que le retour à la maison en voiture, calme et solitaire.

« Heu… est-ce que tu… avais besoin de moi ? » Avait soudain demandé Kerry, hésitant avec ses mots. « Je… je veux dire, tu me cherchais ou euh… tu voulais juste… »

Oh oh. Dar s’était sentie totalement perdue. Dire un mensonge ? Ne pas répondre ? Donner une réponse désinvolte ? Sauter par-dessus la rampe ? « Je voulais juste. » Finit-elle par dire, serrant la mâchoire après ça avec un claquement audible.

Kerry l’avait regardée, un sourire prudent apparaissant tandis qu’elle retournait son regard vers le soleil. Elle s’était éclairci la voix après un moment. « Tu sais, le pré-enregistrement pour la convention sur les réseaux ouvre ce soir. Je pensais y aller tôt pour remplir les formulaires. » Son regard était revenu sur Dar. « Tu es intéressée ? » 

Un sourire s’était formé sur le visage de Dar tandis que le soleil glissait à contrecœur sous l’horizon. « Absolument. »

Ah, les couchers de soleil. Dar sourit au souvenir, se demandant pourquoi il lui avait fallu tant de temps pour les apprécier.

Possiblement parce que le soleil ne se couchait jamais sur l’eau là où elle avait vécu. Elles avaient délibérément choisi la côte ouest de l’île quand elles avaient acheté le chalet. Kerry adorait les couchers de soleil sur l’eau et bien que c’était plus difficile de rejoindre le chalet vu qu’elle devait contourner les « keys », ça en valait la peine.

La brise leur apportait un léger fumet de citronnelle depuis la bougie qui brûlait près du poteau et pendant un bref instant, Dar se mit à souhaiter intensément que chaque journée se termine comme celle-ci.

C’était grotesque, elle le savait et elle soupira et reprit une autre fraise. En plus, si elles étaient toutes comme celle-ci, comment certains moments seraient-ils spéciaux ? Elle posa sa tête contre celle de Kerry.

« Tu sais quoi ? » Kerry continuait à doucement les bercer. « Quand j’étais enfant, j’allais régulièrement au lac près de ma maison et je m’asseyais simplement là, à regarder le soleil se coucher. Ce n’était pas aussi beau qu’ici mais il y avait toujours ce moment paisible où toute chose devenait quasiment immobile. »

« Mm. »

« Je me suis longtemps demandée si je n’aurais jamais quelqu’un avec qui le partager », continua Kerry d’une voix douce. « J’étais complètement seule, entourée par tous ces gens et ma famille. »

Peu sûre de quoi répondre à cela, Dar utilisa un compromis prudent et prit la main de Kerry dans la sienne, emmêlant ses doigts avec ceux de sa compagne.

Kerry soupira, secouant légèrement la tête. « Je suis tellement chanceuse. »

Dar absorba les mots, les trouvant même plus chaleureux que le soleil restant. « Nous », corrigea-t-elle légèrement. « Sommes tellement chanceuses. »

« Mm. » Kerry choisit une baie et la mordit. « Nous le sommes en effet », acquiesça-t-elle.

Elles partagèrent encore quelques fraises et Dar en jeta même une à une mouette assez audacieuse pour traverser l’espace entre le quai et leur porche. L’oiseau l’étudia avec suspicion puis fonça dessus avec un cri rauque. « Tout le monde a quelque chose à dire », commenta la femme brune.

« Je ne pense pas qu’elles mangent des baies habituellement, si ? Je pensais qu’elles mangeaient quoi ? Du poisson mort et des bébés tortues, des trucs comme ça. » Kerry coupa une grande fraise en deux et en tendit un morceau à Dar, souriant quand celle-ci le prit sur ses doigts et que du jus coula à cet égard. « Tu sais ce que je veux faire ce soir ? »

Ah. Une question facile. Dar bougea et se tourna à demi, passant un bras autour de Kerry puis l’embrassant sur les lèvres, goûtant le doux piquant des fraises tandis que leurs langues se trouvaient. « Oui. »

« Hm… j’aurais pu vouloir dire jouer au scrabble », murmura Kerry, ses doigts traçant le côté du visage de Dar d’un doux toucher.

« Ou jouer au Twister », la taquina Dar en l’embrassant à nouveau.

« On pourrait combiner les deux et je pourrais coller des lettres sur toi avec du beurre de cacahuètes. »

« Oooohhh… quel romantisme. » Dar se glissa hors du banc et se mit debout, tendant une main à Kerry. « Mélange ça avec du caramel et on pourrait transgresser le brevet de Reese. » (Ndlt : vendeur de friandises telles que beurre de cacahuète et bonbons divers)

« Ooh. » L’imita Kerry. « Là ça sonne sexy. » Elle se leva et mit sa main dans celle de Dar, réfrénant un rire quand elle se retrouva enveloppée dans deux longs bras et entraînée vers les portes du chalet. « Chérie, tu peux transgresser mon brevet quand tu veux. »

Dar maintint la porte ouverte et elles passèrent près de Chino, échangeant la chaleur languide contre la fraîcheur plaisante de l’intérieur. Elle posa le bol de fraises et se concentra sur Kerry, passant ses pouces le long de sa clavicule avant d’entrelacer ses doigts derrière sa nuque.

Kerry se rapprocha, passant ses mains sous le tee-shirt de Dar et le faisant glisser vers le haut pour exposer une grande partie de son torse. Elle pencha la tête et mordilla la courbure d’un sein, tandis qu’elle détachait le soutien-gorge de sa compagne.

Dar les emmena lentement dans un arc de cercle, se dirigeant vers la chambre à coucher. Elle déboutonna le short de Kerry et elles se mirent à rire toutes les deux doucement tandis que le tissu tombait sur les chevilles de la jeune femme blonde, la faisant presque trébucher.

Kerry se sortit du tissu tandis que Dar soulevait sa chemise pour la passer par-dessus sa tête et l’envoyer par-dessus le short, puis elle pencha la tête tandis que Kerry lui retirait son tee-shirt et le lançait encore plus loin.

Elles passèrent la porte de la chambre en s’étreignant, Kerry dépendante des talents de navigatrice de Dar pour les garder sur le bon chemin tandis qu’elle se perdait dans un moment passionné. Elle se concentra plutôt sur la peau chaude sous ses lèvres et ses doigts.

Dar fit un bon travail pour les diriger et un moment plus tard, elles tombaient sur le lit à vagues. Elle roula sur le dos et sentit la cuisse de Kerry se glisser entre les siennes, leurs corps se pressant l’un contre l’autre. La surface bougea sous elles tandis que Dar passait les mains le long des côtés de Kerry et qu’elle glissait ses doigts entre elles pour prendre les seins de sa compagne.

« Grrrwow », répondit Kerry, en mordillant le lobe de son oreille. Elle fit de même sur son point de pouls, ensuite elle remonta vers la courbure de sa mâchoire jusqu’à ses lèvres. Elle se laissa aller dans un baiser nonchalant tandis qu’elle caressait légèrement le torse de Dar, traçant les monts et les rides d’os et de muscles qui bougeaient sous son toucher.

Le meilleur, avait toujours pensé Dar, c’était l’expression dans les yeux de Kerry quand elles devenaient intimes. Il y avait un tel mélange de désir et de joie, d’amour passionné, ça donnait une douce confirmation à l’acte d’amour. Elle laissa une de ses mains tomber sur la hanche nue de Kerry, son pouce passant sur la ligne de son pelvis avant de glisser plus bas pour chatouiller l’intérieur de sa cuisse.

Les lèvres qui exploraient les siennes se séparèrent légèrement, un souffle s’échappant tandis que Kerry soupirait, puis inspirait plus vite et plus profondément. Son corps bougea tandis que Dar la chatouillait à nouveau, et elles roulèrent sur le côté en glissant l’une sur l’autre.

Allongée, le désavantage lié à sa taille n’importait plus. Kerry sentit ses tripes s’enflammer tandis que Dar explorait et attisait et elle lui rendit en descendant le long du corps de son amante tandis que Dar plaçait une série de petites morsures sur sa nuque.

Elle sentit des chatouillis partout.

Ses mains allaient partout sur Dar.

Tandis qu’elle sentait la chaleur du souffle réchauffer la peau de son nombril, le reste du monde aurait pu se séparer et changer d’orbite, qu’elle n’en aurait eu cure.

******************************************

A suivre chapitre 20

 

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Commentaires
F
Ben oui, j avance doucement mais sûrement :-)
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G
Bonjour, j’ai une petite question. Combien reste-t-il de chapitre dans « Cible mouvante « ?
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C
Trop contente de lire la suite de Cible mouvante ! Hâte de lire la suite ! Merci Fryda pour la traduction 😉
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A
Il faudra un jours que je relise tout ça. Les Dar et Kerry.<br /> <br /> Je dois avoir au moins un "livre" ou deux de retards.<br /> <br /> Tiens, je crois que ce sera ma bonne résolution pour le nouvel an à venir. Et puis celle-ci aura des chances d'être tenue ! :)<br /> <br /> Merci (encore et toujours ^^) pour le travail de traduction, Fryda. :)
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