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  • Vous trouverez ici des Fans Fictions francophones et des traductions tournant autour de la série Xena la Guerrière. Consultez la rubrique "Marche à suivre" sur la gauche pour mieux utiliser le site :O) Bonne lecture !!
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4 juillet 2022

La noirceur du matin chapitre 5

La noirceur du matin – Tome 13 – Melissa Good

 

Xena et Gabrielle se sont installées à Amphipolis et profitent de leur nouvelle fille, Doriana.

Mais est-ce bien le cas ? La vie est, comme Gabrielle le sait bien, une série de compromis. Pour obtenir une chose, il faut souvent renoncer à une autre.

 

Chapitre 5

Gabrielle remua légèrement le minuscule feu pour qu'il reprenne vie, heureuse que Xena ait trouvé un peu de bois la nuit précédente, parce qu'il n'y avait sûrement rien d’autre qui puisse brûler maintenant que tout était trempé. Elle s'installa près du feu, laissant la douce lueur réchauffer son visage et ses mains, heureuse de la fourrure qui entourait ses épaules.

Un léger bruit attira son attention et elle leva les yeux pour voir Devon assis, hébété, ses yeux parcourant la caverne avant de se poser finalement sur elle.

Et de s’écarquiller brusquement. "Oh." Il passa une main dans ses cheveux noirs, désordonnés. "Ce n'était pas un rêve, hein ?" Son ton était interrogatif. "Vous êtes vraiment ici, n'est-ce pas ?"

Gabrielle, assise sur un rocher, ses bottes croisées aux chevilles, et se sentant particulièrement solide et réelle en ce moment, hocha la tête pour le confirmer. "Mmmm."  Elle tira son sac et sortit un gros bol, le remplissant d'eau à partir d'une gourde avant de le mettre près du feu pour le chauffer.

Devon se leva et s'approcha, s'asseyant sur un rocher en face d'elle et il la regarda avec fascination. "Tu es vraiment Gabrielle la barde."

Un sourcil blond se leva. "La dernière fois que je me suis regardée dans le miroir, oui." Gabrielle sortit du thé de son sac et récupéra quelques tasses dans leur matériel de cuisine. Elle repoussa ses cheveux derrière une oreille et cligna des yeux vers lui. "Est-ce si surprenant ?"

Il remonta ses genoux et les entoura de ses bras. "Eh bien... c'est un peu comme rencontrer Aphrodite ou quelque chose comme ça." Admit-il. "Je veux dire... Je ne m'attendais pas à... hum..." Il fit un signe de la main. "Vous voir en personne."

"Ah." C'était le sentiment le plus curieux qu'elle n’ait jamais eu et maintenant, enfin, elle comprenait la réaction déconcertée, et légèrement frustrée, que Xena avait souvent face à sa notoriété. "Eh bien, je ne suis pas Aphrodite, et malheureusement, nous sommes ici, alors..." Elle fixa le contenu des tasses. "Essaye de ne pas être trop bizarre, d'accord ?"

Devon reposa son menton sur son bras. " Tu parles tellement de Xena dans tes histoires... et presque jamais de toi-même... c'est tellement étrange. J'ai lu toutes tes histoires. Je pensais que je te connaissais bien... mais tu es si différente de ce que j'imaginais."

Les mouvements de la barde ralentirent alors qu'elle terminait sa tâche et levait les yeux avec curiosité. "Vraiment ?"

Il hocha la tête. "Ouais." Ses doigts bougèrent, un geste nerveux, pensa la barde. "Tu ne te décris même pas."

Gabrielle réfléchit un moment. "Non... je suppose que je ne le fais pas... ça ne m'est jamais venu à l'esprit de le faire". Elle prit le bol fumant et versa de l'eau sur les herbes qu'elle avait préparées. "Ce n'était pas important pour les histoires... pas comme les choses qui se sont réellement passées."

"Hmm." Il la regarda timidement. "Tu décris souvent Xena, pourtant."

La barde remua lentement les tasses. "Bien sûr... c'est l'héroïne des histoires." Expliqua-t-elle avec un sourire. "Et c'est toujours plus facile de décrire quelqu'un d'autre... après tout, on le voit." Continua-t-elle raisonnablement, en lui tendant une tasse. "Tiens."

Devon cligna des yeux, puis s'approcha timidement, pour finalement la prendre dans sa main avant de reculer. "Merci."  Il s'assit de nouveau et sirota le breuvage avec précaution, puis sourit. "Mmm."

Gabrielle avait posé son menton dans une main et le regardait avec un léger amusement, les coins de ses yeux se plissant alors qu'elle réfrénait un sourire. "Je ne mords pas." Fit-elle remarquer avec désinvolture. "Xena non plus."

Il eut l'air dubitatif à ce sujet et son regard parcouru la grotte. "Hum..."

La barde se leva et s'étira, roulant un peu la tête pour remettre son cou en place. "Elle est juste partie...mmm... vérifier l'endroit. " Elle fit un signe de la main vers les recoins de la grotte. "Elle déteste les surprises... et après quelques années avec elle, je ne les aime pas non plus." Lui dit Gabrielle alors qu'elle se dirigeait vers leur équipement et fouillait pour trouver quelques barres aux céréales, avant de mettre la main dessus dans un murmure satisfait. Elle avait décidé de ne rien prendre la nuit dernière, à part quelques carottes égarées et son corps protestait avec indignation, ne se calmant qu'à contrecœur lorsqu'elle commença à en mâcher une.

"Tiens." Elle en donna une à Devon. "C'est froid, mais ce n’est pas empoisonné au moins... et ça doit être mieux que ce qu'ils te donnaient là-bas…. Tu veux une chemise pour te changer ? Celle-là est en lambeaux."

Devon prit timidement la barre et l'examina, puis en grignota un bout. "Hé... c'est pas mal." Il lui envoya un sourire timide. "Et je ne sais pas pour la nourriture à l'intérieur... Je n'en ai pas mangé." Il prit une bouchée de la barre et la mâcha, se détendant visiblement un peu. "J'essayais de trouver un moyen de sortir de cet endroit quand tu es entrée la première fois".

Gabrielle avait attrapé une sacoche et en fouillait le contenu. "Ça a dû être difficile." Commenta-t-elle en trouvant ce qu'elle cherchait et en le tirant du sac. "Tiens... pas la peine que tu attrapes froid après tout ça." Elle lui lança une chemise en lin pliée, puis retourna vers son rocher et s'assit, mordant dans sa propre barre aux céréales avec enthousiasme.

L'homme mit son petit-déjeuner dans sa bouche et secoua le vêtement, le regardant, puis la regardant, ses yeux s'écarquillant sensiblement. "Hum...c’est à...hum.."

"Non... c'est à moi." Lui assura Gabrielle, le regardant soupirer de soulagement et glisser la chemise sur sa tête. "Je l'ai volée à Xena." Ajouta-t-elle, avec un soupçon de malice, alors qu'il s'arrêtait en plein mouvement. Elle rigola à l'expression de son visage, qui passait alors de l'alarme à l'appréhension.

"Tu veux bien te détendre ?"

Il retira la barre de sa bouche et se racla la gorge. "Tu as un sens de l'humour tordu, Gabrielle." lui dit-il avec ironie. "On te l'a déjà dit ?"

La barde rit doucement. "Je ne peux pas m'en empêcher... c'est tellement drôle... Je n'ai jamais vu quelqu'un réagir à nous comme ça avant." Ses yeux pétillaient. "Je veux dire. ... d'habitude, ils n'ont aucune idée de qui je suis et ils ont une peur bleue de Xena." Conclut-elle en prenant une gorgée de son thé.

"Eh bien..." Devon fit de même. "Elle est intimidante, tu sais."

"Xena ? Non." Répondit la barde en secouant la tête. "Elle est adorable... elle n'est pas du tout la personne sauvage que tout le monde pense qu'elle est".

"Hé." La guerrière choisit ce moment précis pour entrer dans le cercle de lumière du feu, son corps dégoulinant d'eau froide. Elle se secoua vigoureusement, envoyant des gouttelettes partout, puis leur sourit, ses cheveux humides recouvrant sa tête et son cou comme une crinière de lion.

Gabrielle soupira et lança un regard affectueux à sa compagne. "Et elle a le talent unique de me faire passer pour une idiote quand je dis ça d'elle". Elle secoua la tête en direction de la guerrière. "Xena, qu'est-ce que tu as fait ? Tu es toute mouillée !"

Devon s'était réfugié à l'arrière de son rocher et tenait sa tasse à deux mains, les yeux rivés sur la femme en cuir mouillée.

"Il pleut." Expliqua Xena placidement.

"Chérie, nous sommes à l'intérieur d'une grotte. Il n'y a pas de pluie ici." Objecta Gabrielle en lui tendant une tasse de thé chaud. "Tiens... tu me fais frissonner rien qu'en te regardant."

Xena s'assit sur le sol aux pieds de Gabrielle et prit la tasse, posant ses coudes sur ses genoux et elle le sirota doucement. Le goût chaud de la camomille et du miel glissa dans sa gorge et elle regarda leur jeune rescapé d'un œil amusé. "Hé !" Elle aboya le mot et il sursauta.

Gabrielle lui donna une claque. "Arrête ça." Gronda-t-elle sa compagne, un peu surprise par la bonne humeur évidente qu'elle sentait se dégager d'elle.

Les yeux bleus scintillèrent de façon malicieuse. "Détends-toi." Lui dit-elle. "J'ai trouvé un moyen de sortir d'ici." Elle continua d'une voix vive. "C'est un peu délicat pour les chevaux, mais ça nous mènera sur le plateau en haut et nous devrions pouvoir passer ce col et descendre dans la vallée inférieure suivante sans trop de problèmes."  Elle leva les yeux lorsque Gabrielle commença à la sécher avec un linge qu'elle avait récupéré dans son sac. "Nous allons attendre que le temps s'éclaircisse un peu d'abord, par contre."

"Pour que tu ne sois pas mouillée ?" s'enquit la barde avec ironie, séchant une oreille de guerrière bronzée, qui bougea lorsque Xena sourit. Gabrielle sourit à son tour, se délectant de la sensation de proximité qu'elle pouvait ressentir entre elles, oubliant presque Devon alors qu'elle traçait les sourcils sombres de Xena avec son tissu.

Elle s'attendait à moitié à ce que Xena se retire, pour reprendre sa personnalité publique plus froide et plus distante, mais la guerrière resta immobile, ses yeux bleus errant sur le visage de la barde tandis qu'un doux soupir lui échappait, apparemment aussi inconsciente de leur invité que l'était la barde. "Va te changer." Dit-elle à sa compagne d'une voix douce. "Tu sais que tu ne supportes pas d'être malade."

Xena posa doucement sa tête contre le genou de la barde, puis se leva d'un seul mouvement fluide et se dirigea vers leurs sacoches, sortant son autre paire de cuirs et de bottes, ainsi qu'une paire de sous-vêtements et de chaussettes propres. Elle se retourna et fit un clin d'œil à la barde, puis s'enfonça dans l'obscurité de la caverne, les ombres engloutissant sa forme comme si elle en faisait partie.

**************************************

Ils décidèrent d'explorer les grottes en attendant que la pluie se calme et Xena les conduisit prudemment dans la première d'entre elles. "Faites attention où vous marchez." Les prévient la guerrière. Elle menait Iolaus, devant Gabrielle qui s’occupait de diriger Hercule, Devon fermant la marche. Le conteur s'était un peu détendu et regardait autour de lui avec intérêt maintenant qu'il s'était remis d'avoir rencontré ses héros personnels.

"Wow." Gabrielle posa ses bottes avec précaution, regardant autour d'elle les stalactites phosphorescentes, reflétant la lumière de leurs torches et cette lueur fantomatique qui leur était propre, d'une beauté naturelle. "C'est merveilleux." Elle donna ses rênes à Xena et entra dans la caverne, laissant la lumière des torches derrière elle et se laissa entourer par la brume fraîche et fantomatique.

L'eau ruisselait sous et sur ses bottes et elle pouvait sentir le parfum minéral fort des roches en dissolution alors qu'elle avançait, tendant une main pour toucher la stalactite glissante avec des doigts curieux.

Xena s'appuya contre la paroi humide, regardant son âme sœur explorer la grotte avec une expression satisfaite. Elle n'était pas pressée, puisque le temps était encore exécrable, et elle était heureuse d'avoir trouvé quelque chose pour éveiller l'intérêt bardique de sa compagne. Elle remua ses orteils dans ses bottes confortablement sèches et soupira de satisfaction.

"Qu'est-ce qu'elle fait ?" demanda Devon, hésitant, toujours apparemment intimidé par la grande guerrière aux cheveux noirs.

Xena se demanda un moment si elle allait s'amuser avec lui, puis elle croisa ses jambes au niveau des chevilles et décida autrement. "Elle vit." Répondit-elle calmement, en observant l'exploration minutieuse de Gabrielle.

Les sourcils de Devon se froncèrent et il se tourna vers la barde. "Je ne comprends pas." Admit-il alors que la barde s'agenouillait et ramassait quelque chose, l'examinant avant de le déposer dans une pochette qu'elle portait à sa ceinture.

"Je n'ai pas compris non plus pendant longtemps." Lui répondit Xena alors que la barde les rejoignait. "Joli, hein ?"

"C'est fantastique." s'enthousiasma Gabrielle. "Tu as vu les multicolores, là-bas ? Si tu les regardes de côté, ça ressemble à une cascade." Elle pointa un autre mur du doigt. "Et celles-là, là-bas... elles sont toutes jaunes et violettes. Regarde !"

Xena sourit, alors qu'elle se détachait du mur pour se préparer à avancer. "Et celui qui est allé ici ?" Elle tapota la pochette de la barde. "C'est pour ta collection ?"

Gabrielle reprit les rênes d'Hercule et sourit. "MA collection ?» demanda-t-elle d'une voix innocente. "Il me semble que d'une manière ou d'une autre, ça finit par devenir TA collection."

Ils se remirent en route, restant près du mur. "Seulement parce que tu les mets dans mes pochettes". Objecta Xena légèrement, se souvenant avec un sourire de certaines petites surprises, de minuscules morceaux de parchemin avec des notes et des poèmes que son âme sœur avait tendance à glisser dans des endroits inattendus.

 

Cela lui fit penser au temps qui s'était écoulé depuis qu'elle n'en avait pas reçu et ses sourcils se froncèrent, alors qu'elle réalisait à quel point ils lui manquaient. Ils étaient d'un grand réconfort lorsqu'elle partait en voyage ou lorsqu'elle les trouvait éparpillés un peu partout. Xena soupira doucement. Je suppose que nous étions trop occupées pour ça aussi, hein ?

Bon sang. Ça fait vraiment mal. Ses bottes s'éraflaient contre les rochers alors qu'elle ouvrait la voie vers la deuxième caverne. Allez Xena... prends sur toi et oublie ça... ne fais pas le bébé, se gronda-t-elle sévèrement.

Gabrielle sentit le changement d'humeur de sa compagne et elle se rapprocha un peu plus, se demandant ce qui la tracassait. Le chemin était trop étroit pour qu'elles puissent marcher côte à côte, alors elle dût se contenter de garder un œil sur Xena et d'essayer de comprendre quel était le problème.

Elle allait bien, oui... elles avaient juste parlé des jolis glaçons, puis des rochers, puis de sa collection mais...

Les yeux vert pâle se tournèrent vers le dos couvert de cuir en continuant de spéculer. Non, ça ne peut pas être ça, n'est-ce pas ? Je sais que je n'ai pas fait ça depuis un moment mais...

Mais. Gabrielle se souvint soudain d'une petite pochette remplie de petits bouts de parchemin pliés, et de la façon dont son âme sœur les avait jalousement gardés, des petits cadeaux qu'elle avait offerts de gaieté de cœur, mais qui avaient manifestement signifié plus qu'elle ne l'avait imaginé pour la guerrière parfois énigmatique.

C'était si étrange qu'une personne aussi logique et directe que Xena convoite ses jeux de mots et ses poèmes parfois stupides. Gabrielle regarda le dos fort en s'excusant silencieusement, puis se mit en devoir de trouver de jolis cailloux, ronds avec une belle forme.

*********************************

Ils s'installèrent à la sortie de la grotte pour attendre que le temps se calme, baignant dans les faibles embruns de la pluie battante à l'extérieur, le plus loin possible de la cascade bruyante. Xena s'était adossée à la paroi rocheuse, grignotant une poignée de noix pendant que son âme sœur s'affairait sur un parchemin. Son corps étroitement appuyé contre celui de la guerrière, elle mâchonnait sa plume d’un air concentré.

Devon était assis en tailleur à côté d'elle, jouant avec quelques copeaux de schiste tout en faisant bouger sa mâchoire encore gonflée d'un air pensif. "Combien de temps encore, vous pensez ?"  Demanda-t-il d’une voix hésitante. "J'aimerais bien sortir de cet endroit... ça me donne la chair de poule."

Xena regarda le temps et réfléchit à la question. "Une chandelle, peut-être deux... et nous devrions pouvoir partir." Estima-t-elle. "Je ne suis jamais passée par là... Je ne suis pas sûre de ce que nous trouverons en passant par ce col."  Elle leva une main et emmêla oisivement ses doigts dans les cheveux de Gabrielle qui frôlaient sa hanche.

"Eh bien." Devon croisa ses jambes et se pencha en avant. "Je suis venu ici deux fois... la première fois, je n'ai pas vu grand-chose, la deuxième fois, j'ai cru entendre des gens bouger, mais je n'ai jamais trouvé personne."

La guerrière hocha la tête, absorbant l'information. "Comment t’es-tu fait prendre ? » demanda-t-elle avec curiosité.

Gabrielle leva également les yeux, grignotant sa plume avec un plaisir évident. "Je savais qu'il y avait quelque chose que je voulais te demander".

Il soupira. "Malchance." Ses doigts jouèrent avec un petit bâton. "J'étais dans un petit village des contreforts... J'y étais déjà venu une douzaine de fois et je faisais les choses habituelles..." Il envoya à Gabrielle un regard timide. « Je racontais des histoires, je veux dire...hum… et il se trouve que l'un des hommes de main d'Andreas rendait visite à sa mère." Il haussa les épaules. "La seule chose dont je me souvienne après, c'est que j'ai été ligoté et jeté sur le dos d'un cheval, puis..." Une main se leva. "Ils m'ont emmené dans un autre village, où trois autres fauteurs de troubles attendaient et ils nous ont chargés dans cet horrible chariot."  Ses sourcils touffus se rassemblèrent. "Comment avez-vous su que j'étais là-bas ?"

"Nous t'avons vu." Expliqua Gabrielle en s'adossant contre le corps chaud derrière elle. "Nous étions à l'auberge quand le chariot est passé et nous avons entendu des gardes dire qui tu étais".

Devon eut l'air encore plus perplexe. "Pourquoi est-ce que cela vous intéressait ?"

La barde ne répondit pas pendant un moment, mais elle sentit Xena glousser, un son bas et profond derrière elle et elle se retourna pour taper sur le genou de la guerrière. "Ne commence pas." Elle se déplaça un peu, puis se ressaisit. "Eh bien, nous avons entendu dire que quelqu'un racontait des histoires sur Xena ici, alors nous étions curieuses."

"Nous ?" gronda la guerrière doucement.

"Xena." Un œil vert se fixa sur elle, avec un sourcil blond froncé.

La guerrière se calma, mais pas sans un clin d'œil.

"Oh." Devon rougit un peu. "Je ne voulais pas faire de mal... J'essayais juste... d'égayer les gens, vous voyez ?" Il leur lança un regard penaud. "Je ne m'attendais pas à vous rencontrer."

"Pourquoi nous ?" demanda Xena sans ambages. "Pourquoi pas Hercule ?"

Devon se racla la gorge et fixa la pluie pendant un moment, puis il jeta un coup d'œil en arrière sur le couple qui attendait patiemment et qui semblait particulièrement désireux d’entendre sa réponse. "Hum..." Il fit un petit sourire à Gabrielle. "Tu as de bien meilleures histoires."

Xena donna à la barde une petite tape sur les fesses et secoua la tête, tandis que Gabrielle se raclait la gorge, légèrement embarrassée.

"De plus, cela fait longtemps que nous ne l'avons pas vu par ici... J'ai entendu dire qu'il était parti à l'étranger." ajouta Devon.

Les yeux bleus et vert sable échangèrent un regard. "C'est vrai." Commenta Xena tranquillement. "Mais nous allons lui envoyer un mot... nous allons avoir besoin de toute l'aide possible."

Le conteur s’anima soudainement, se rapprochant d'elles avec une curiosité évidente. "Donc... vous allez faire quelque chose... n'est-ce pas ?"

"Bien sûr." Répondit Gabrielle, presque sans réfléchir. "Ça ne va pas être facile... mais nous ne pouvons pas laisser ce type se déchaîner, n'est-ce pas Xena ?"

La guerrière acquiesça solennellement.

Devon les regarda, ses yeux voyageant de l'une à l'autre. "Um ... il a quelques milliers de gars là-bas."

"Mmhmm." Gabrielle approuva. "Nous savons."

Un autre regard. "Vous n'êtes que... euh... deux... trois, si vous me comptez, ce que vous pouvez faire, vous savez, je peux faire des trucs comme leur jeter des pierres… mais je ne suis pas très bon aux épées."

"C'est pas grave. Moi non plus." lui dit Gabrielle, d'un air imperturbable.

Devon absorba cette information, puis ses yeux allèrent vers le visage ombragé de Xena et s’écarquillèrent lentement, ses pensées se lisant facilement sur son visage.

"Tu sais... c'est comme ça que tout commence." Se plaignit Xena. "Attends un peu... et dans une lune, on entendra partout que je vais tenir tête à trois mille types avec toi et ton tas de pierres."

Gabrielle regarda son âme sœur par-dessus son épaule. "Et ?"

"Et Gabrielle." Les sourcils noirs se froncèrent en signe de désapprobation.

La barde rit doucement, puis se tourna vers Devon. "Nous ne ferons pas cela seuls, Devon... mais il faudra du temps pour tout mettre en place." Elle soupira en pensant à l'ampleur de la tâche et à ce qui allait suivre. Réunir une force d'une telle diversité n'allait pas être facile.

C'était à la limite de l'impossible... malgré ses talents de négociatrice. Elle savait que la seule chose qu'elle avait en sa faveur était la réputation de Xena et le danger réel que représentait Andreas.

Elle pouvait imaginer la tête d'Ephiny quand elle lui dirait.

Ce qui lui fit penser. "Xena... nous allons devoir trouver un endroit sûr pour envoyer les gens."

Xena hocha la tête. "Je sais." Ses yeux tournèrent en direction de la pluie, la lueur taquine qui s’y reflétait il y a encore quelques instants avait complètement disparu.

******************************************

Il était plus près de trois chandelles que de deux lorsqu'ils se frayèrent un chemin sur l'étroit sentier, Xena en tête, plaçant ses bottes avec soin et testant le sentier avant de permettre aux chevaux ou à ses deux compagnons d'avancer.

La pluie avait laissé les rochers très glissants, avec des écoulements d'eau et de la mousse et Xena n'avait pas l'intention de dégringoler, elle ou ses compagnons, sur le flanc de la montagne si elle pouvait l'éviter. "Doucement, mon garçon. " murmura-t-elle à Iolaus, regardant ses oreilles bouger d'avant en arrière tandis que l'étalon écoutait sa voix. "C’est bientôt fini."

Elle regarda devant elle, là où le chemin se stabilisait et s'élargissait avec soulagement, grimaçant en exerçant une pression sur sa jambe blessée qui tenait néanmoins sous son poids. Le bandage que Gabrielle avait enroulé autour était bien fixé, mais si elle regardait en bas, elle savait qu'elle verrait du sang le tacher.

Elles auraient le temps de s'en occuper une fois qu'ils seraient dans la forêt, et loin de la route, conclut-elle, en continuant à descendre prudemment. Un coup d'œil derrière elle montra le visage sérieux de Gabrielle, qui suivait ses pas aussi près que possible, sa main fermement enroulée sur les rênes d'Hercule. Comme si elle avait senti les yeux de Xena, Gabrielle leva les siens et un sourire se dessina sur son visage dans une réaction inconsciente.

Xena se sentit sourire en retour, alors qu'elle se retournait et reprenait sa progression, heureuse lorsque la fine corniche se stabilisa enfin et qu'ils purent faire une pause, sentant un sol solide, parsemé de feuilles, sous leurs pieds. "Ok." La guerrière regarda derrière elle vers le long chemin escarpé, pratiquement impraticable et elle hocha la tête de satisfaction. Personne ne devinerait qu'ils avaient traversé ce chemin et encore moins avec deux chevaux. "Devon, tu as dit que tu étais déjà venu par ici ... tu as un chemin à nous recommander ?"

Le conteur la regarda fixement, manifestement sans voix. "Euh." Il regarda le sol boueux et terne. "Je hum..."

Gabrielle lui tapota doucement le dos. "Droit devant semble être une bonne idée, non ?"

Xena roula des yeux, puis commença à avancer, ouvrant la voie dans la forêt ombragée, laissant les feuilles fraîches et douces se refermer sur eux.

C'était calme ici, juste une brise douce et irrégulière qui soufflait à travers les arbres, faisant bruisser le feuillage et frôlant leur peau. Xena resserra un peu plus sa cape autour d'elle, ressentant un léger frisson qu'elle soupçonnait à moitié de ne pas être dû au temps et soupira un court instant. Ce n'est pas le moment, se dit-elle, de tomber malade.

Gabrielle regardait autour d'elle, appréciant le calme de l'endroit, et s'arrêta pour contempler un joli oiseau rouge qui volait au-dessus de sa tête. Sa couleur tranchait sur le vert de la canopée et cela lui amena un sourire tranquille qu'elle garda jusqu'à ce qu'elle reprenne son rythme et rejoigne son âme sœur sur le chemin sous les arbres, heureuse qu'il soit assez large pour qu'elle puisse le faire. "Hey."

Les yeux bleus pâles la regardèrent. "Hé."

Gabrielle avança à la même allure qu'elle et emmêla instinctivement ses doigts avec ceux de la guerrière alors qu'elles poursuivaient leur marche. Les mains de Xena étaient chaudes, comme d'habitude, et elle sentit une légère prise se resserrer lorsque la guerrière sentit son contact.

Maintenant, ce n'était pas grand-chose, mais elle se souvenait de la première fois qu'elles l'avaient fait en public, et cela lui arracha un sourire.

C'était dans un petit village de commerçants, juste à l'extérieur de Potadeia, qu'elles avaient vu sur leur chemin vers Cirron. Elle avait trouvé un marché, comme d'habitude, et Xena avait levé les yeux au ciel, comme d'habitude, et elle avait promis de la retrouver à l'auberge dès qu’elle aurait fini ses achats.

"Que vas-tu faire ?" avait-elle demandé, hésitante.

Xena avait haussé les épaules. "Trouver une tasse froide de quelque chose... peut-être acheter une boucle pour ma botte... pourquoi ?"

Et Gabrielle avait presque voulu la supplier de l’accompagner. Presque... parce qu'elle voulait se promener dans le marché avec sa nouvelle compagne et partager ce qu'elle trouvait avec elle, tout en sachant que Xena n'aimait pas ce genre de choses.

Mais elle ne l'avait pas fait... elle avait juste hoché la tête. "Ok." Et elle s'était éloignée, s'enfonçant dans la foule et laissant la grande femme à ses propres activités. Elle savait que Xena allait vaquer à ses occupations et qu'elle l'attendrait à son retour, assise tranquillement dans un coin avec sa chope de bière, et regardant oisivement la foule passer.

Elle avait regardé les jeunes couples passer, main dans la main, riant et parlant comme de jeunes amoureux, ce qui lui avait fait réaliser qu'il y avait certaines choses dans la vie qu'elle ne pourrait probablement jamais expérimenter.

Ça l'avait un peu déprimée. Ce n'était pas qu'elle n'était pas heureuse qu'elles se soient enfin avouées leur amour, et ce n'était pas qu'elle n'appréciait pas les innombrables facettes de la personnalité de sa nouvelle compagne... elle devait simplement se faire à l'idée que Xena était ce qu'elle était et qu'elle n'aurait jamais l'occasion de marcher main dans la main d'un pas léger sur une place de marché avec elle.

Un des jeunes couples lui avait jeté un coup d'œil et la fille lui avait lancé un petit regard de pitié en glissant une main possessive autour du bras de son petit ami, se réjouissant du regard indulgent qu'il lui avait lancé en retour.

Gabrielle avait soupiré, puis reporté son attention sur la première boutique, touchant les ceintures tissées à vendre avant d’ouvrir la bouche pour demander leur prix.

Elle ne s’était sûrement pas attendue à recevoir un raisin directement à l’intérieur ! Elle avait mordu par réflexe, faisant exploser le jus sucré, et s'était retournée, pour voir un sourire paresseux et des yeux bleu pâle la regarder d'un air ironique. "Oh." Avait-elle bafouillé." D'où viens-tu ?"

Un sourcil sombre s'était levé. "Amphipolis." Avait répondu Xena sur un ton bourru. " Et toi ?"

"Très drôle." Avait répondu Gabrielle en s'essuyant la bouche. "Je pensais que tu allais regarder pour tes boucles de bottes avant de partir te saouler."

"J'ai changé d'avis."  Avait simplement répondu la guerrière. "J'ai entendu dire qu'il y avait des moineaux sauvages et vicieux sur cette place de marché... Je dois m'assurer que tu sois en sécurité." Xena avait jeté un coup d'œil autour d'elle, rencontrant les yeux du jeune couple qui fixait sa grande forme en armure avec une crainte visible. "Un problème ?" leur avait-elle dit en leur grognant dessus.

Ils s'étaient éloignés rapidement et Xena s'était tournée vers elle, lui tendant la main avec une timide assurance. "Tu te promènes avec moi ?"

Aucun rêve n'aurait pu être plus doux et Gabrielle s'était sentie follement heureuse d'accepter, mettant sa main dans celle de la guerrière avant de sentir les doigts chauds se refermer sur les siens.

La lumière du soleil de ce jour-là avait éclairé sa grande compagne par derrière et fait ressortir les reflets acajou de ses cheveux, et Gabrielle avait senti son cœur presque exploser de fierté alors qu'elles marchaient main dans la main à travers le marché.

A ce jour, elle n'avait absolument aucune idée de ce qu'elle avait vu là-bas.

Elle avait été trop occupée à marcher sur des nuages.    

Les doigts se resserrèrent brusquement sur les siens et elle sentit Xena ralentir, puis s'arrêter et se figer soudainement. Gabrielle fit s'arrêter Hercule et regarda le visage bronzé se crisper, les yeux parcourant les arbres autour d’eux alors que le bout de ses oreilles tressaillait.

"Qu'est-ce qui se passe ?" demanda Devon, la heurtant presque.

"Chut." La barde leva une main, pour lui faire signe d’attendre. "Des ennuis ?"

Les narines de Xena se dilatèrent. "Nous avons de la compagnie."  Son odorat décela de la tension et de la peur et ses oreilles sensibles perçurent des cordes d'arc tendues. "Et ils ne sont pas amicaux."

"Ok." Gabrielle se rapprocha instinctivement de son âme sœur et se plaça légèrement derrière son bras droit, dégageant ainsi l'espace et permettant à Xena de bouger. Elle resserra sa prise sur son bâton et poussa Devon doucement à côté de la forme volumineuse d'Hercule. "Reste tranquille. "lui dit-elle doucement.

"Pas d’inquiétude." Répondit Devon dans un chuchotement rauque, les yeux rivés sur la forme tendue de Xena.

Xena laissa ses yeux parcourir la forêt environnante, repérant un doux éclair de lumière sur une pointe de flèche et une lueur de soleil qui scintillait sur une peau nue. Son nez tressaillit. Des Amazones ? "Gabrielle. Fais le signe de paix."

La barde cligna des yeux, mais obéit, laissant son bâton reposer contre son épaule tandis qu'elle levait les deux bras au-dessus de sa tête et serrait ses poignets.

Un silence de mort s'installa pendant de longs battements de cœur alors que Xena sentait ses muscles se tendre pour se préparer. Puis il y eut un léger bruissement et une silhouette grande et légère tomba de l'arbre le plus proche, se secoua et avança vers le petit groupe.

Elle s'arrêta devant la barde, qui baissa les mains et elle la regarda avec un manque d'amabilité marqué. "Qui fait le signe de paix ?"  demanda la femme d'une voix basse et mélodieuse. Elle avait à peu près l'âge de Xena, supposait Gabrielle, et possédait de longs cheveux châtain clair tressés en arrière, exposant un visage à l'ossature fine d'une beauté saisissante. "Et de quel droit ?"

"Mon nom est Gabrielle." Répondit la barde tranquillement. "Je suis un membre de la Nation Amazone."

Un sourcil châtain se leva tandis que la femme l'étudiait, puis les yeux noisette pâle se déplacèrent et examinèrent la forme calme et vigilante de Xena. "Et toi ? Et de quel village venez-vous alors ?"

"Au sud... dans la grande chaîne de montagnes." répondit Gabrielle.

La femme hocha la tête. "Très bien. Et vous veniez de la ville ?"

La barde expira. "Oui... nous venons juste de la quitter."

"Venez avec moi." Ordonna l’Amazone rapidement. "Nous allons mettre vos chevaux en sécurité et votre ami pourra attendre avec eux." Elle tourna les talons et s'en alla, son allure indiquant qu'elle s'attendait à ce que la barde et la guerrière la suivent.

"Bien. "Gabrielle soupira. "Nous devons bien commencer quelque part, non ?" Elle jeta un regard ironique à son âme sœur. "Elle ne te rappelle pas Melosa ?"

"Mm." La guerrière grogna son accord, se souvenant de la Reine Amazone qui avait été à la fois une amie et une ennemie, et l'une des meilleures guerrières de la Nation. "Je ne savais pas qu'il y avait des Amazones ici." Elle se tourna vers Devon. "Reste avec les chevaux... on ne te fera pas de mal."

"Qui... les chevaux ou les Amazones ?" demanda le conteur ironiquement, en enroulant ses mains dans les rênes d'Hercule. "Franchement... Je me sens plus en sécurité avec elles que sur cette montagne glacée."

"Mm." Dit à nouveau Xena, tirant sa cape un peu plus près avant de commencer à suivre leur hôte réticente, la barde suivant ses pas.

Elles étaient entourées de guerrières silencieuses et compétentes alors qu'elles passaient sur le chemin parsemé de feuilles. Des combattantes expérimentées et sinistres en excellente condition qui portaient leurs armes avec une expertise négligente. Gabrielle s'approcha un peu plus de sa compagne et les étudia du coin de l'œil, se rappelant avec force sa réaction lorsqu'elle avait rencontré les Amazones pour la première fois.

Elles semblaient si fortes, si sûres d'elles... si semblables à son amie Xena, mais un peu plus ouvertes... un peu plus compréhensibles.

Et puis elle était devenue l'une d'entre elles, dans un tourbillon de cérémonies qui lui avait fait tourner la tête et lui avait laissé un cœur confus, déchiré entre l'exploration de sa nouvelle famille instantanée et la poursuite de son voyage avec Xena. Elle se demandait parfois ce qui se serait passé si elle était restée un peu avec les Amazones.

Serait-elle devenue plus comme elles ? Aurait-elle absorbé leurs attitudes... Melosa serait-elle encore en vie, si elle avait été là pour arrêter les machinations politiques de Velaska ?

Ses yeux se posèrent sur le profil pensif de la femme qui marchait à côté d'elle. Elle ne serait pas ici, si elle l'avait fait. Elle n'aurait jamais connu les joies et les peines de ces dernières années. Elle n'aurait jamais connu le plus grand amour de sa vie, parce que Xena aurait continué, sans elle. Elle aurait affronté la mort, sans elle.

Elle n'aurait jamais vu Xena revenir du Tartare, ni affronté le contact de Dahak, ni vécu la mort de Solan.

Il n'y aurait pas eu de sauvetage de dernière minute sous la pluie, dans un village de centaures.

Elle n'aurait jamais connu Hope.

Ou Dori.

Ou la joie simple de l'amour inconditionnel, venant d'un cœur si grand qu'il pouvait contenir tous ses rêves et avoir encore de la place.

Gabrielle tendit la main et entremêla ses doigts avec ceux de Xena, sentant les yeux bleus se tourner vers elle en signe d’interrogation. Elle s'arrêta un moment, puis leva les yeux et lui sourit simplement.

La guerrière sembla un peu perplexe, mais sourit en retour, puis fit un clin d'œil. 

Elles regardèrent toutes les deux devant elles, les mains toujours unies, la tête haute.

Des âmes sœurs.

La femme les conduisit à travers un environnement épais et feuillu et s'arrêta sous un grand arbre, frappant le tronc avec le bâton qu'elle portait. Au bout d'un moment, une échelle de corde descendit et elle fit un pas en arrière, avant de leur faire un signe de la tête. "Grimpez."

Aucune d'entre elles ne bougea pendant un moment, puis Gabrielle relâcha sa compagne et s'avança, ignorant l'échelle et tendit une main. " Je suis désolée... Je n'ai pas compris ton nom ?"

La chef Amazone lui jeta un regard glacial. "Je ne l'ai pas donné."

"Eh bien... J'ai ce petit problème alors..." La barde s'appuya sur son bâton. "Tu vois... Je ne grimpe dans l'arbre de personne si je ne connais pas son nom."

Xena cacha un sourire. Gabrielle avait vraiment une façon de faire unique.  Il est vrai que cela l'obligeait souvent à les sortir toutes les deux du pétrin dans lequel elle les avait mises, mais c'était certainement amusant de la regarder faire.

La femme l'étudia lentement, s'appuyant sur son propre bâton pour juger la petite femme aux cheveux clairs qui lui faisait face. Les guerrières qui les entouraient attendaient dans une discipline patiente, leurs yeux observant leurs deux invitées.

Finalement, la chef Amazone haussa les épaules. "Je suis Jonae."

"Merci." Répondit la barde joyeusement, en rangeant son bâton sous un bras avant de tendre la main vers l'échelle. Puis elle changea d'avis et jeta le bâton à sa compagne. "Lance-le moi, d'accord ?"

Xena attrapa le bâton, puis laissa son regard se porter sur les Amazones qui l'observaient, notant leurs expressions légèrement arrogantes. "Pas de problème." Répondit-elle à son âme sœur, attendant qu’elle soit à mi-chemin de l'échelle. Puis elle étudia les environs et jeta un coup d'œil en l'air, jugeant des distances.

"Très bien... vas-y. " lui ordonna Jonae brusquement. "Fais vite... on a des choses à faire."

"Pas de problème." Répéta-t-elle, avant de se lancer dans deux longues enjambées, consciente des mouvements de surprise autour d'elle. Elle sourit en s’élançant du sol, dépassant sa compagne avant d’enchainer sur un saut périlleux en arrivant au niveau de la première longue branche, puis d’atterrir dessus, juste à temps pour donner son bâton à Gabrielle alors que la barde finissait de grimper.

Elle épousseta sa manche nonchalamment et réprima une grimace quand sa jambe protesta de l'action qu’elle venait de faire. Gabrielle passa par-dessus le point de fixation de l'échelle et récupéra son bâton en jetant un regard amusé à sa compagne. "Frimeuse." Chuchota-t-elle.

"Trop lente". Répondit Xena en chuchotant. Elles se retournèrent toutes deux lorsque deux guerrières Amazones arrivèrent derrière elles, les mains sur leurs couteaux de ceinture, le visage fermé et suspicieux. Xena se plaça devant la barde, juste au cas où, ses défenses se hérissant lorsque Jonae enjamba le bord de l'échelle et se rapprocha d'elles. Oh, allez... si l'une de nous tombe d'ici, ça va faire mal.

Mais Jonae, après avoir jeté un long regard spéculatif à Xena, leur fit simplement signe de continuer. Elles avancèrent sur la structure de l'arbre, les planchers faits de branches fendues et attachées en place leur assuraient un pied sûr.

Les branches avaient été tissées en murs et les arbres avaient été reliés par des ponts de lianes, qu'elles traversèrent en silence, la douce brise soufflant sur elles et le feuillage envahissant. Il n'y avait aucun chemin en bas, seulement un sol rocheux et broussailleux, donc aucune raison pour que quelqu'un marche et regarde en haut. C'était un camouflage parfait et Xena admira discrètement les habitations et les zones de stockage soignées qu'elles croisaient. Finalement, leur escorte s'arrêta devant une porte en bois tressé et l'ouvrit, leur faisant signe d'avancer. Gabrielle se faufila dans la pièce, jetant un coup d'œil à l’espace, petit mais confortable et elle s'écarta du chemin pour que Xena puisse la suivre.

Jonae les rejoignit, fermant la porte derrière elle et la verrouilla. "Vous avez été dans la ville." Commença-t-elle en faisant les cent pas.

"Merci, j'aimerais bien m'asseoir." lui répondit Gabrielle, choisissant une chaise en bois et s'y perchant. Elle jeta un coup d'œil à sa compagne, qui avait choisi de traverser la pièce d'un pas traînant et de regarder par la fenêtre, ignorant manifestement l'Amazone. Ah. C'est mon arène, n'est-ce pas, Xe ? La barde se mordilla la lèvre et fit le point sur ses stratégies possibles. "Vous avez eu des problèmes avec Andreas ?"

Jonae jeta un regard agacé vers la grande guerrière qui semblait l’ignorer, puis se concentra sur la barde. "Ce sont mes questions." Répondit-elle sans ambages. "Et tu vas y répondre."

"Pourquoi ?" La barde se leva et s'approcha d'elle. "Comment peut-on savoir que vous ne travaillez pas pour Andreas ?" répliqua-t-elle. "Pourquoi devrais-je répondre à quoi que ce soit ?"

Jonae se retourna lentement et la regarda. "Parce que je suis une Reine Amazone et que je le commande." Déclara-t-elle de façon impressionnante.

"Quelle coïncidence." Répondit Gabrielle sur un ton léger. "Moi aussi." Elle entendit, du coin de l'oreille, un petit son quelque part entre un grognement et un gloussement venant de la fenêtre. "Alors pouvons-nous nous passer de l'interrogatoire et simplement parler ?"

L’Amazone la regarda fixement. "Toi ? Tu es une Reine Amazone ?" dit-elle d’une voix forte et remplie de doute.

"Ouaip." Confirma Gabrielle sur un ton joyeux. "Depuis environ... oh... deux ans maintenant." Elle s'appuya sur son bâton. "Il ne faut pas juger un parchemin par sa couverture, tu sais." Ses yeux verts pétillaient doucement.

Jonae l'étudia les bras croisés. "Tu n'es pas une guerrière."

"Mm... pas en tant que telle, non." Admit la barde. "Mais je pense que tu peux être un bon leader sans avoir à être un combattant".

L'Amazone secoua la tête. "Pas chez les Amazones." Elle regarda Gabrielle d'un œil blasé. "Que fais-tu dans un défi... tu les assommes de paroles ?"

 Gabrielle jeta un coup d'œil vers la fenêtre. "Non... je laisse ma championne s'occuper de tout ça." Fit-elle remarquer avec désinvolture. "Elle n'aime pas trop parler."

La barde et la guerrière échangèrent des regards ironiques, alors que Xena se tournait et s'appuyait contre le mur, sa cape s'ouvrant négligemment, exposant son armure dans un flash de cuir sombre et de laiton.

Jonae resta silencieuse pendant un moment, absorbant tout. Son visage intrigué afficha alors un soupçon de curiosité ironique. "Je suis désolée... Je n'ai pas compris ton nom ?" Elle s'adressa à Xena pour la première fois, imitant consciemment la déclaration de la barde plus tôt.

La guerrière laissa son visage se détendre en un sourire de loup. "Je ne l'ai pas donné."

Gabrielle roula des yeux. "Les guerrières." Soupira-t-elle. "Jonae, voici ma compagne, Xena d'Amphipolis."

La première réaction de Jonae fut un haussement de sourcils, tandis qu'elle jetait un coup d'œil de la petite femme à la grande forme appuyée contre le mur. "Ah." Murmura-t-elle finalement. "Tu es CETTE Gabrielle." Elle soupira. "J'aurais dû faire le rapprochement plus tôt, mais ces deux jours ont été longs."

La barde s'assist, heureuse que la confrontation soit terminée. "Pour nous aussi." Admit-elle.

La Chef Amazone s'assit lentement sur son bureau et posa ses mains sur ses cuisses. Son visage devint plus expressif, affichant son inquiétude et sa fatigue. Elle se concentra sur Gabrielle, mais ses yeux ne cessaient de se promener sur Xena qui l'observait tranquillement, avec un regard presque incrédule. "Tu as dit que vous étiez en ville ? Je suppose qu'ils ne savaient pas qui vous étiez ? "

Gabrielle secoua la tête. "Je ne pense pas... en tout cas, pas moi." Elle se retourna en signe d'interrogation. "Xena ?"

La guerrière se poussa du mur et avança vers elle, prenant place sur le bras de la chaise de la barde. "Je lui ai donné le faux nom que tu as trouvé... mais il y a de fortes chances qu'il ait deviné maintenant." Dit-elle à son âme sœur. "Si quelqu'un d'autre ne m'a pas reconnue là-bas."

Jonae se leva et commença à faire les cent pas. "Lui... tu as vu Andreas ?" demanda-t-elle sèchement.

"Oh oui." Répondirent-elles toutes les deux en même temps. "Il m'a engagée pour entrainer ses chevaux". Continua Xena avec un sourire en coin. "Mais ça n'a pas marché."

Gabrielle vit le regard d'horreur et de confusion sur le visage de Jonae et leva une main. "Xena et moi avons entendu dire qu'il levait une armée... nous avons décidé de vérifier, et de voir si les choses étaient aussi mauvaises qu'on l'avait entendu dire... donc nous avons dû entrer dans la ville."

Le regard se transforma en respect. "Vous avez réussi."

La barde hocha la tête. "Nous l'avons fait... et nous avons découvert beaucoup de choses." Ses yeux croisèrent ceux de Xena. "Rien de très bon."

Jonae s'assit derrière son bureau, lourdement. "C'est ce que nous craignions." Murmura-t-elle. " Nous ne sommes pas là depuis longtemps... peut-être un an... un peu moins. Nous sommes venues du nord, où notre village a été décimé par deux seigneurs de la guerre. ... la plupart d'entre nous étaient en expédition de chasse à l'époque, et ils étaient... " Elle fit une pause, puis soupira. "Elles ont essayé, Artémis le sait... elles ont emmené beaucoup d'entre eux avec elles aux soins d'Hadès, mais..." Elle laissa ses mots s'échapper, puis elle leva les yeux vers elles. "On va de nouveau devoir bouger, je suppose."

"Bien." Gabrielle croisa ses mains. " C'est assez décourageant, c'est vrai... mais nous allons trouver un moyen de le combattre. "

L'Amazone secoua la tête. "Vous ne pouvez pas le combattre. C'est un démon."

"C'est un homme." Répliqua Xena, exprimant son désaccord. "Il est sous l'influence de quelque chose..." La guerrière hésita. "Quelque chose de très mauvais, mais c'est toujours un homme."  Elle se leva et fit les cent pas, sa cape tourbillonnant autour d'elle dans le vent de son mouvement. "Il lève une armée qui va raser le pays, Jonae... il n'y aura aucun endroit où se cacher si nous ne l'arrêtons pas." Xena se retourna et les regarda, la lumière filtrée du soleil soulignant sa forme musclée dans une ombre bordée d'or et d’éclats acajou.

Gabrielle retint son souffle, sentant l'émergence de la face cachée de son âme sœur, le Chef de guerre dont le charisme avait attiré les guerriers comme une abeille vers le trèfle. C'était sombrement irrésistible, et elle se sentait répondre à cela, un frisson profond et viscéral dans ses tripes qui la surprenait.

Ou peut-être pas. "Xena a raison." Dit-elle doucement. "La violence n'est jamais mon premier choix... et parfois pas mon second. Mais nous devons le combattre."

"Avec quoi ?"répondit l'Amazone. "Il n'y a pas une seule force importante dans le pays qui puisse l'affronter... pas même des troupes régionales, même si vous pouviez obtenir que les cités s'unissent." Elle se leva et fit les cent pas. "Vous ne pouvez pas vous battre avec des guerriers fantômes."

"Non... nous allons devoir rassembler tous ceux que nous pouvons." Gabrielle s'était levée également pour couper les aller/retour de Jonae. "Mes Amazones.... La milice de Xena à Amphipolis...des ressources que nous pouvons toutes les deux appeler dans d'autres endroits... "Elle fit face à la grande femme sans détour. "Chaque personne compte."

Jonae la regarda fixement pendant un moment. "Pas mon peuple." Répliqua-t-elle. " Vous êtes toutes les deux folles si vous pensez que vous pouvez rassembler quelques guerriers et affronter cette armée. Je ne mettrai pas mes Amazones dans la ligne de mire pour ça." Elle alla à la porte et passa la tête dehors. "Préparez une chambre." Elle revint vers elle. "Eleste va vous emmener vous reposer. Vous pourrez déjeuner avec nous, puis nous vous escorterons à travers notre territoire ". Elle fit une pause. "Et nous vous suivrons hors d'ici... hors de ces montagnes et hors de ce pays."

Gabrielle rassembla ses arguments, mais elle sentit une main se refermer sur son bras et elle se retourna pour voir les yeux de Xena sur elle, un sourcil se soulevant légèrement. Elle connaissait ce regard.

"Allez, Gabrielle... si leur cœur n'y est pas, ça ne sert à rien." La guerrière la poussa doucement vers la porte. "Ne gaspille pas ta salive."

Elle voulait riposter. Tous ses instincts la poussaient à argumenter... à essayer de convaincre l'Amazone de l'importance de cette situation et de la nécessité de les aider... elle était un peu énervée contre son âme sœur pour l'avoir tenté de l’en empêcher. Mais la main sur son dos se transforma en un doux frottement et elle retint sa langue, permettant à la guerrière de la guider hors de la hutte de la Reine, pour suivre un nouveau chemin de lianes.

Une Amazone au visage sévère leur fit signe de la suivre, ce qu'elles firent, jusqu'à une petite chambre non décorée à l'extrémité du village arboricole. Elles entrèrent et leur guide referma la porte derrière elles, les laissant seules dans le silence vert.

Gabrielle se retourna et posa ses mains sur ses hanches, en lançant à Xena un regard irrité.

La guerrière sourit légèrement, posa un doigt sur ses lèvres, puis leva sa main pour lui dire d’attendre. Attendre comme un chasseur qui attend tranquillement sa proie, la tête penchée sur le côté et les yeux attentifs.

La barde soupira, mais laissa un petit sourire apparaitre sur ses lèvres. Elle baissa alors les mains,  avant de les lever en signe de concession. Elle fit un geste du doigt à la grande femme, puis se rapprocha d'elle et lui donna une tape, l'embrassant finalement lorsque Xena l'entoura de ses bras et la serra contre elle. "Qu'est-ce que tu fais ?" chuchota-t-elle, d’une voix à peine audible.

"Je pêche." Murmura la guerrière en réponse.

"Tu aurais pu me laisser essayer de la convaincre." Ne put s'empêcher de marmonner Gabrielle.

"Chut." Xena la poussa vers le petit lit nu et s'assit, s'appuyant contre le mur avec un soupir. Elle ferma les yeux et résista à l'envie de frotter ses tempes douloureuses, un désagrément qui s'était ajouté à sa jambe lancinante depuis quelque temps. "Finissons-en avec ça et partons d'ici." Dit-elle un peu plus fort. "Elles ne seraient pas d'une grande aide de toute façon."

Gabrielle s'assit à côté d'elle, observant le visage calme dans la lumière verte. Elle pouvait voir le léger écartement des narines de la guerrière quand elle respirait et les petits mouvements des muscles juste sous sa peau alors qu’elle écoutait le monde qui les entourait. Elle détecta une légère pâleur sous le bronzage habituel de sa compagne et elle leva doucement une main pour toucher son visage, puis posa sa paume sur le front de Xena pour sentir la chaleur. "Xe ?"

Un œil bleu apparut. "Oui, je sais." Marmonna la guerrière avec dégoût. "Quand on récupèrera nos affaires, je prendrai quelque chose."

"Comment va ta jambe ?" demanda la barde.

"Douloureuse." Répondit-elle sèchement.

Gabrielle soupira et laissa sa tête reposer contre l'épaule de sa compagne, frottant son bras en guise de réconfort inutile. "La prochaine fois, pas de jeux dans les flaques de boue pour toi, mon amour."

Un sourire apparut sur le visage de la guerrière. "Awww..." Xena reposa sa tête contre celle de la barde, heureuse de sa présence tranquille. "Je me demande comment va Dori ?" murmura-t-elle soudainement. "Tu crois qu'elle donne du fil à retordre à maman ?"

Gabrielle regarda autour d'elle, vers les murs de l’étrange village Amazones, vers les montagnes au-dessus d'une ville assiégée, vers son âme sœur blessée et malade, et enfin, vers sa propre apparence débraillée, avec son bras douloureux. "Notre enfant ? Qui cause des problèmes ? Jamais." Dit-elle à Xena avec une expression très sérieuse.

Xena la regarda puis elle gloussa doucement.  "Tu crois que maman nous pardonnera un jour ?"

"Non." Répondit la barde avant de lever les yeux au moment où la porte s'ouvrait pour révéler l'énigmatique Eleste.

"Venez." Ordonna la femme d’un ton brusque. "Nous sommes prêtes."

Xena se leva et redressa sa cape, puis soupira quand Gabrielle la rejoignit. "Allons-y." Elle s'avança vers la porte, où elle surplomba leur guide qui bloqua le passage un instant de trop, avec juste une pointe d'insolence.

"Elles disent que tu es la Princesse Guerrière." Déclara la femme.

Xena la regarda froidement. "On m'a déjà appelée comme ça." Répondit-elle. "Pourquoi ?"

Mais la femme se contenta de hocher la tête et se retourna en leur faisant signe de la suivre.

"C'était un reproche ?" chuchota la barde.

"Je ne sais pas." répondit Xena. "Je suppose que nous allons le découvrir."

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Elles suivirent leur guide silencieuse à travers les arbres, Gabrielle derrière elle et Xena à l'arrière. Le chemin était vide et le vent, qui s'était levé un peu, ébouriffait les cheveux bruns et clairs alors qu'elles marchaient. Seules les feuilles et le doux frottement de leurs bottes contre l'écorce brisaient le silence.

En marchant, elles passèrent plusieurs chemins latéraux, où des lianes menaient d'un arbre à l'autre, vers de petites chambres semblables à celle dans laquelle elles s’étaient trouvées. Gabrielle devina qu'il s'agissait de quartiers individuels et elle se trouva charmée par le village et sa configuration unique.

Arrivée sur une nouvelle plateforme, leur guide ouvrit une porte en treillis et s'effaça, leur faisant signe d'entrer d'un geste sec. Gabrielle lui fit un sourire et passa devant, consciente de la présence de son âme sœur alors qu'elles entraient dans la salle ronde qui servait de lieu de rassemblement pour ces Amazones.

C'était une pièce très intéressante, pensa la barde, une zone au centre d'un énorme arbre, où les branches avaient poussé tout autour, puis s'étaient entrelacées vers le centre de l'arbre pour former une chambre irrégulière. Des bancs en bois avaient été installés dans les racines pour former des chaises et de longues planches aux formes grossières servaient de tables.

A cet instant, la pièce était surtout remplie d'Amazones silencieuses, à la limite de l'hostilité, qui les fixaient intensément et faisaient dresser tous les poils de Xena, si bien qu’elle s’étonnait de pas voir apparaître une crête au-dessus de sa tête comme l’aurait eu Ares.

Même Gabrielle le sentit, elle le savait, car la barde ralentit instinctivement et elle réduisit la distance entre elles, jusqu'à ce qu’elle n'ait qu'à lever la main et que la courbe de l'omoplate de la barde s'adapte parfaitement à elle. Elle sentit le mouvement alors que Gabrielle prenait une profonde inspiration, puis elles jetèrent toutes deux un regard à Jonae.

"Nous avons des invitées aujourd'hui." La Reine Amazone parla brièvement. "Voici Gabrielle, Reine d'une tribu sœur Amazone et sa compagne, Xena."

Gabrielle jeta un rapide coup d'œil par-dessus son épaule pour vérifier la réaction de son âme sœur. Xena restait sur ses gardes en conservant un visage sans expression, bien qu'elle ait noté un petit pli au coin d'une lèvre et qu'elle ait senti une pression presque imperceptible contre la peau de son dos. "Merci." Elle répondit cordialement à Jonae et s'avança, rejoignant la grande Amazone à sa table. Elle entendit des pas désinvoltes derrière elle et se retourna pour voir Xena s'avancer, prenant son temps, les yeux bleu pâle analysant chaque centimètre de la pièce.

Et chacune de ses occupantes. Les Amazones silencieuses avaient voulu être intimidantes, réalisa la barde, mais sa compagne leur rendait la monnaie de leur pièce. Leurs regards se détournaient, incapables de soutenir l'intensité du regard de Xena qui s'arrêtait et pivotait sur chacune d’entre-elles.

Puis elle émit un petit son moqueur et secoua la tête, rejoignant Gabrielle à la table et lui faisant poliment signe de s'asseoir.  Elle s’assit à la droite de sa compagne et leva un genou, posant ses coudes dessus en continuant de parcourir la salle des yeux.

Gabrielle dut presque se couvrir la bouche pour s'empêcher de rire, à la gêne perceptible que son âme sœur bien-aimée provoquait. Au lieu de cela, elle se tourna vers Jonae. "Nous apprécions la courtoisie." Fit-elle remarquer. "C'est une très belle salle... J'adore les oiseaux." Elle regarda les deux Amazones à côté de la reine. "Salut..." Elle leur tendit la main. "

Les deux femmes la dévisagèrent, puis à contrecœur, la plus proche prit son bras, le saisissant rapidement puis le relâcha. "Lenore." Murmura-t-elle.

"Bonjour Lenore." Répondit Gabrielle poliment avant de jeter un coup d'œil à sa voisine de table, une grande femme plus âgée, aux cheveux bruns argentés et aux yeux gris et froids. "Bonjour."

L'Amazone se contenta de la fixer, puis se détourna, ignorant son bras tendu.

Gabrielle soupira sans bruit et elle était sur le point d'essayer une autre approche quand une ombre se drapa sur son épaule et passa par-dessus la table, projetant l'Amazone plus âgée dans l'obscurité. La femme leva les yeux, surprise, pour découvrir Xena la dominant dans un silence menaçant, toute trace d'humour ayant disparu de son visage et son corps bourdonnant presque de tension.

Le temps sembla s'arrêter alors que deux volontés s'affrontaient au-dessus de la table pendant un moment qui sembla interminable. Puis l'Amazone se leva et fit face à la guerrière. Xena sentit ses muscles se tendre et elle inspira, tandis que ses défenses se levaient, un peu surprise de sa propre réaction tumultueuse à la rebuffade de son âme sœur par cette femme, mais prête à encaisser tout ce que l'Amazone pensait pouvoir lui infliger.

Puis la femme se tourna simplement, et s'en alla, quittant la table et la pièce en claquant la porte en treillis derrière elle.

Intéressant pensa Gabrielle, alors que Xena reprenait son siège, un petit sillon marquant son front bronzé. "Je crois que je vois quel est le problème. " fit-elle remarquer à Jonae, qui était restée sans expression.

"Vraiment ? Et qu'est-ce que c'est ?" L’'interrogea brièvement la Reine Amazone.

"Tu dois nourrir ces filles avec plus de respect, ou trouver un moyen de les occuper ailleurs lorsque les circonstances l’exigent." Lui expliqua la barde sérieusement. "Si l'une des miennes traitait un invité de la sorte, je la mettrais aux ordures si vite que ses plumes en tomberaient."

Xena se mordit presque la lèvre intérieurement, en étouffant un sourire, regardant le visage de Jonae passer par plusieurs nuances de cramoisi. Elle glissa discrètement sa main dans le bas du dos de Gabrielle, sentant la tension sous le bout de ses doigts, et gratta doucement sa peau.

"Tu dois comprendre que nous ne sommes pas comme les Amazones que tu connais". Répondit Jonae sur un ton raide. "Nous avons de nombreux problèmes à régler avec elles, et n'aimons pas que des étrangers traversent notre territoire".

"Jonae, nous ne sommes pas des étrangers." Gabrielle se pencha en avant. "Ecoute... tu nous as dit que vous ne vouliez pas faire partie de nos plans... c'est très bien. Nous nous contentons de dire bonjour et de repartir."

La porte se rouvrit en claquant et l'Amazone trapue entra, les armes à la main. "Nous allons voir qui est la meilleure, maintenant !" Elle dégaina son épée et la pointa sur Xena. "Debout, Amazone."

"Fais attention à qui tu traites d'Amazone, tête de plume." Xena se leva, rejetant sa cape en arrière et exposant son armure et son épée, ainsi que le chakram rond et brillant, et elle libéra son bras droit, ses coupures et ses éraflures, ainsi que le bandage sur sa jambe qui ressortait sur sa peau bronzée. "Tu veux te battre ? Pas de problème."

Gabrielle se leva et posa une main sur son poignet. "Attends."  Elle se retourna et fit face à l'Amazone en colère. "Attendez une minute, bon sang... Personne ne se bat contre personne ici. Qu'est-ce qui ne va pas chez vous ? Nous sommes des Amazones, tout comme vous... Ce n'est pas assez grave que vous ayez une armée qui se forme en bas, que nous devions nous battre entre nous ?"

L'Amazone pointa du doigt. "Elle m'a défiée, ne le nie pas !"  L'épée visait le cœur de Xena. "Elle nous a toutes insultées !"

"Hé !" s’exclama Gabrielle en se rapprochant de Xena pour l’empêcher d’avance. "Tu me défies ?" demanda-t-elle alors que la pièce devenait silencieuse. "Parce que si c'est le cas, ce n'est pas un jeu." Elle relâcha Xena et fit le tour de la table, attirant leur attention en se rapprochant de la femme corpulente. "J'ai besoin de le savoir avant de laisser ma championne se retrouver impliquée dans un jeu stupide et insensé, juste après avoir tenu tête à trois mille hommes hier pour nous permettre de nous échapper de cet Enfer." La voix de la barde augmentait au fur et à mesure qu'elle parlait, jusqu'à ce que les derniers mots soient criés, sur un ton profond et sonore qui démangea les oreilles de Xena.

 Les regards se déplacèrent d'elle à Xena, avant de se fixer sur cette dernière. Jonae se leva et étudia la guerrière. "Tu as repoussé son armée ?" Le ton de l'Amazone était incrédule. "Pendant combien de temps ?"

"Assez longtemps pour que nous puissions nous échapper." Répondit calmement Gabrielle. "Alors maintenant..." Elle se retourna et regarda l'Amazone trapue qui se tenait devant d'elle. "Tu veux toujours la défier ? Tu ne vas pas gagner, crois-moi." Elle pointa un doigt vers elle. "Tu finiras vraiment blessée, ou peut-être même morte, et pour quoi ?"

"Aucune personne ne peut repousser une foutue armée... tu mens." Déclara Jonae sans ambages. "Et je ne vais pas vous laisser insulter mon peuple ici. Gardes !"

Xena jura doucement en trois langues, puis sauta par-dessus la table, dégainant son épée en se rapprochant de sa compagne, tandis qu'elle balayait la pièce d'un regard dangereux.

"Attendez !" Une voix calme s'éleva de l'embrasure de la porte. Les yeux se tournèrent pour voir une petite femme à l'air ébouriffé, aux cheveux blonds pâles et à l'ossature fine, qui se tenait là. "C'est vrai... ils en parlent tous." Elle regarda Xena. "Il a mis ta tête à prix... dix mille dinars."

Un sourcil se leva. "Hmph." Murmura Xena. "C'est une première."

"Il a perdu cent hommes... et cinq cents chevaux." Continua la femme. "Je pense qu'il est plus énervé de la perte des chevaux." Elle soupira et s'appuya contre le poteau de bois, regardant la guerrière et la barde avec des yeux fatigués, mais respectueux. "Vous faites beaucoup d'ennuis pour seulement deux personnes".

Gabrielle la regarda. "Tu travaillais dans cette cuisine."

Elle hocha la tête. "Aye...je ne savais pas qui tu étais... j'aurais aimé." Un sourire fatigué se dessina sur ses lèvres. "Bien que j'aurais pu deviner quand tu as éliminé ces gardes avec un balai."

Maintenant les yeux se tournaient vers Gabrielle, qui se racla la gorge avant de se reprendre. "Alors." Elle regarda la femme à côté d'elle. "Qu'est-ce qu’on fait maintenant ?"  Elle était douloureusement consciente de la présence sombre et bouillonnante dans son dos et de l'odeur d'acier de l'épée posée sur l'épaule de Xena.

La femme les étudia lentement, son visage témoignant des émotions qui la traversaient, un mélange de colère, d'incrédulité et d'une pointe de peur sincère. Pendant un moment, elle hésita, puis elle soupira et remit son épée dans son fourreau. "Un autre jour."

Gabrielle hocha la tête, puis tourna le dos à la femme et retourna à la table haute, heurtant doucement son âme sœur alors qu'elle reprenait son siège. "On peut parler maintenant ?" demanda-t-elle à Jonae, d'un ton direct.  L'hostilité autour d'elle lui faisait mal à la tête et elle souhaitait pouvoir en déterminer la raison.

La Reine Amazone regarda la table, puis leva les yeux. "Cinte, viens ici, et assieds-toi." Dit-elle à la femme corpulente. Puis elle regarda ses mains qui se tordaient l'une contre l'autre. "Toutes mes excuses, Reine Gabrielle.... c'était... un comportement inapproprié."

Xena attendit que l'Amazone s'assoie avant de le faire, reconnaissante de soulager sa jambe. Elle étouffa un petit sourire quand la main de la barde s'enroula autour de son genou immédiatement, le pouce effleurant sa peau en cercles sans but.

"Ecoute... "Gabrielle fit un geste de la main. "Je peux dire que nous ne sommes pas les bienvenues ici... pourquoi ne pas simplement nous donner une escorte pour sortir de votre territoire et nous laisser partir ?"

Jonae secoua légèrement la tête et jeta un regard à la barde. "Vous pensez vraiment que vous pouvez faire la différence ? Que vas-tu faire maintenant... avec un prix sur ta tête ?"

"J'en ai déjà eu un." Fit remarquer Xena d'un ton léger. "Et ils doivent d'abord me trouver." Elle expira. "Gabrielle a raison... nous devons bouger... vous tous hum..." Elle s'éclaircit la gorge. "Prenez soin de vous."

Elle se leva et posa ses mains sur les épaules de Gabrielle, jetant un coup d'œil autour d'elle et voyant les points de vue changer doucement, alors que l'hostilité s'atténuait, se transformant en une incertitude pensive. "Viens, Gabrielle."

Elle appliqua une légère pression sur une épaule, qui signifiait "Suis-moi". Gabrielle se leva et hocha la tête. "Ok."

Elles arrivèrent à la porte, alors que le silence battait autour d'elles et la guide recula d'un pas incertain à leur approche.

"Reine Gabrielle." La voix de Jonae brisa le silence et elles se retournèrent. "Que penses-tu espérer accomplir ?" Elle leva une main. "Il a une armée."

Gabrielle haussa les épaules et sourit. "Et j'ai Xena." Ses yeux verts scintillèrent gravement. "C'est du pareil au même, en ce qui me concerne." La barde sentit un petit frisson d'excitation traverser la pièce à ses mots et elle poursuivit. "Nous aurons de l'aide. Chaque personne qui se joint à nous compte" Elle balaya la pièce d'un regard évaluateur. " Même une seule personne peut faire toute la différence. "

Elles se retournèrent et sortirent, foulant le chemin ombragé, leur guide les suivant, jusqu'à ce qu'elles atteignent l'échelle de descente. Xena y jeta un coup d'œil, puis jeta un coup d'œil aux visages furtifs qui les observaient depuis le mur tordu de la salle, avant de tendre un bras à son âme sœur. "Viens là."

Uh oh. La barde soupira, mais obtempéra, se glissant le long du corps de Xena et enroula un bras autour d'elle. La guerrière la serra fermement dans ses bras, puis jeta un coup d'œil à la guide.

"Désolée pour le dérangement."

Gabrielle ferma les yeux lorsque des jambes puissantes les projetèrent dans le vide et son estomac se creusa lorsque l'air siffla près d'elle en chute libre. Elle s'arrêta soudainement lorsque Xena s'agrippa à une vigne et changea leur mouvement vertical en un mouvement de balancier, les feuilles passant de chaque côté d’elles, laissant une odeur verte et crue sur leur passage.

Une autre chute libre, lorsque la guerrière lâcha prise à la fin du mouvement de balancier et bascula dans les airs, entraînant la barde avec elle, la tête en bas.

"Yaaaaaa ! !!" cria Gabrielle, en sentant le sol arriver, puis son monde se redressa et elles atterrirent avec un bruit sourd, après quelques vrilles supplémentaires qui les amenèrent debout près de l'endroit où elles avaient quitté le sol en premier lieu.

Xena la relâcha et s'épousseta, redressant sa cape là où elle s'était enroulée autour de son corps. "Du poisson pour le dîner, ça te va ?" demanda-t-elle à sa compagne.

"Oh oui." Gabrielle acquiesça, levant la tête et repérant les rangées de visages aux yeux écarquillés. "Tu as réussi ce coup-là..." Elle glissa une main autour du coude de sa compagne. "Viens... sortons d'ici et allons soigner ta jambe." Elle fit une pause, pour laisser leur guide les rattraper, une femme plus jeune, avec trois autres personnes qui la suivaient le long de l'échelle. "Tu étais obligée de faire ce saut dans le vide, n'est-ce pas ?" Elle soupira en se frottant les yeux. "Tu sais que ça me donne le vertige."

Xena sourit d'un air las et se pencha vers elle pour lui embrasser la tête. "Désolée." Grimaça-t-elle. "Mais après ton petit discours... "

Une autre Amazone s'approcha, menant Hercule et Iolaus, avec un Devon à l'air timide derrière eux, et en quelques instants ils étaient partis, se dirigeant plus profondément dans la forêt au milieu des ombres d'un crépuscule naissant qui s'allongeaient.

*****************************

Il faisait déjà nuit lorsqu’ils sortirent du territoire des Amazones et qu'ils trouvèrent un endroit où camper pour la nuit. Xena aurait été plus heureuse dans une grotte ou un autre endroit défendable, mais elle se contenta d'une cavité abritée, entourée d'un épais maquis épineux presque impénétrable, avec en son centre une minuscule source à l'odeur minérale.

Elle installa les chevaux et laissa ses bras reposer sur le dos de Iolaus, tout en regardant Gabrielle vaquer à ses occupations habituelles, donnant à Devon des instructions discrètes tandis qu'elle allumait un petit feu de camp et mettait leurs affaires en place.

Xena était reconnaissante pour cela. Sa jambe l'avait gênée pendant toute leur marche et la fièvre, faible et ennuyeuse, avait empiré à la tombée de la nuit, rendant son corps douloureux et glacé. Elle s'appuya contre l'étalon pendant un moment, puis se redressa, passant en revue ce qu'elle avait encore à faire.

Chasser. Bien... un dîner chaud était une bonne idée pour tout le monde, décida-t-elle, maintenant qu'ils étaient suffisamment cachés par le feuillage et qu’elle était plutôt sûre qu'ils n’avaient plus de poursuivants. "Je reviens tout de suite." Dit-elle à Gabrielle alors qu'elle sortait un arc court des sacoches bien rangées près des chevaux.

"Sois prudente." Les yeux de Gabrielle prirent la légère lueur du feu qu’elle venait de faire quand elle la regarda.

La guerrière hocha la tête et s'aventura dans les broussailles, s'éloignant du camp jusqu'à ce que les sons soient inaudibles. Puis elle s'arrêta et resta silencieuse, écoutant le monde nocturne qui l'entourait.

Elle avait mal à la tête et cela empêchait ses sens de capter l'étendue habituelle de son environnement, alors Xena ferma les yeux, repoussant fermement la gêne tout en essayant de se concentrer.  Cela prit plusieurs minutes, bien plus longtemps que d'habitude, mais finalement les choses se mirent en place et elle put se concentrer sur sa tâche.

Un léger bruissement, juste à sa droite, attira son attention et elle pencha la tête, écoutant un moment avant d'identifier l'auteur comme étant un cerf, une cible trop grande pour ses simples besoins. Un autre son, plus proche, fût celui d'une chouette qui bruissait au-dessus de sa tête, un animal qu'elle ne chercherait pas à atteindre de toutes façons.

Son nez tressaillit en sentant l'odeur d'un sanglier et elle s'amusa brièvement à l'idée d'amener l'un de ces animaux difficiles et dangereux pour que Gabrielle s'en occupe, avec sa peau épineuse et tout le reste. Non... pas ce soir, bien que la barde appréciait les rôtis occasionnels, où elle farcissait l'animal de pommes et le laissait cuire pendant des heures.

Habituellement, soupira Xena, elle aimait ça aussi, mais en ce moment, rien que l'idée lui donnait la nausée. Avec un petit mouvement de tête, elle avança, effleurant les feuilles sans faire de bruit. Après quelques minutes, elle entendit un bruit sourd, qui la figea sur place, puis elle tourna sur elle-même, jusqu'à ce que le bruit se fasse entendre à nouveau et qu'elle puisse déterminer l'endroit.

Un lapin. Xena ajusta sa flèche et attendit, observant les ombres sous les broussailles tandis que la lumière de la lune filtrait à travers les arbres. Son bras s’étira lentement et resta immobile alors que les herbes bruissaient et qu'une tête duveteuse de bonne taille en sortait. Bon sang. Les sourcils de Xena se levèrent, alors qu'elle attendait que le corps se dégage des buissons. Le lapin était très gros, et ses oreilles faisaient la moitié de la longueur de ses avant-bras.

Un autre saut et elle lâcha la flèche, qui toucha l'animal en plein cœur, le stoppant net dans son élan avec un soupir de surprise.  Xena s'agenouilla à ses côtés, retira la flèche puis se mit à dépecer et préparer sa prise avec des mouvements rapides et efficaces. Bien. Bon et rapide, pas de longues poursuites, pas de problèmes. Elle donnerait ceci à Gabrielle, puis fouillerait dans son kit de guérison pour trouver quelque chose pour tuer la fièvre qui la rendait si mal à l’aise.

Elle fouilla dans sa pochette de ceinture pour prendre sa plus petite lame, avant d’arrêter son mouvement quand ses doigts touchèrent un petit objet rond et froid au fond du sac. Curieuse, elle le sortit et l'observa, un sourire timide se dessina sur ses lèvres lorsqu'elle reconnut ce que c'était. "Hé." Le murmure lui échappa. "Qu'est-ce qu'on a là ?"

Avec un bruit sourd, elle s'assit sur la terre fraîche, ses jambes bottées chevauchant le lapin et elle posa son couteau, portant son attention sur ce cadeau inattendu. Bon sang. Xena posa ses coudes sur ses genoux et déballa le parchemin, laissant une petite pierre d'obsidienne noire tomber dans sa main. Elle jongla un moment avec, puis la rangea dans sa pochette et examina le morceau de parchemin, dont les deux faces étaient écrites à l'encre noire violette profonde et distinctive, d’une main aussi familière que la sienne.

Pendant un moment, elle savoura simplement le sentiment qu'il éveillait en elle, tandis qu'elle retournait le parchemin dans ses doigts, pour finalement le poser sur son genou et le lisser sur sa peau.

Hé !

Je sais ce que tu penses... oh non, pas encore ces petits cailloux, hein ? J'étais assise sous un arbre l'autre jour et j'ai réalisé à quel point cela me manquait de les fabriquer pour toi, alors j'ai décidé qu'il était temps de me bouger les fesses et de recommencer, j'espère que cela ne te dérange pas.

J'ai beaucoup appris au cours de ce voyage, surtout sur toutes les petites choses pour lesquelles j'avais à peine réalisé qu’elles me manquaient jusqu'à ce que j'y pense, et je me demandais si tu ressentais la même chose.

Je sais que tu penses... ne t’embête pas avec ces petites choses, Gabrielle... mais tu sais... aujourd'hui, j'avais envie de m’embêter.

G

Xena regarda le parchemin avec un petit sourire mélancolique, puis elle le retourna et se pencha un peu plus près, pour lire les lignes au dos.

 

Le soleil se couche, les étoiles se lèvent,

Les vents s'élancent sur une mer sans fin.

 

Le monde est grand et le ciel est plus grand,

Couvrant le passé et le futur à venir.

 

Mais mon regard se tourne vers l'intérieur, à la recherche de quelque chose de plus petit.

 

Pas la lumière du soleil, mais la lueur de notre feu,

Pas l'étendue du ciel, mais le bleu de tes yeux,

Qui rend mon monde extraordinaire.

 

Awww. Xena sentit un sourire stupide envahir son visage, alors qu'elle relisait le poème. C'était agréable, presque ridicule, d'avoir trouvé cette babiole, parce que l’idée derrière tout ça ressemblait tellement à Gabrielle, ce qui la rassurait sur le fait que l'œil rêveur de son âme sœur était toujours fermement fixé sur elle.  Elle se pencha en arrière, se laissant perdre dans le souvenir du premier poème qu'elle avait lu de la barde, dans des circonstances moins qu'idéales.

 

Elle avait été si frustrée. Cela faisait des mois qu'elle avait quitté l'armée et qu'elle s'était lancée dans ce qui lui avait semblé être une action stupide et insensée, errant dans la campagne en frappant des bandits accompagnée de ce qui devait être, sûrement, la personne la plus ennuyeuse de ce côté de Rome.

Gabrielle leur attirait constamment des ennuis, causait constamment des problèmes à Xena, parlait beaucoup trop, posait beaucoup trop de questions, n'avait pas la moindre idée de comment prendre soin d'elle...

Elle avait sorti son épée et avait décidé de faire des exercices jusqu'à ce qu'elle se fatigue, jetant un coup d'œil à la jeune fille assise en face d'elle, de l'autre côté du feu. Qui était occupée, bien sûr, à écrire, bien sûr, les gribouillages qu'elle gardait cachés dans son sac et sur lesquels elle se penchait à chaque occasion.

Xena avait soupiré. Y avait-il une personne sur terre avec qui elle avait moins en commun ? Elle doutait de pouvoir en trouver une, même si elle passait la moitié de sa vie à essayer. Elle n'avait même pas eu quelque chose à dire à la fille de toute la journée et elle n'avait aucune raison de penser que cela allait changer de sitôt.

Pourquoi est-ce que cela changerait ? Gabrielle n'avait rien en commun avec elle et ce serait toujours le cas... elle ne comprenait pas ce que c'était que d'être une guerrière et Xena n'avait pas l'intention de lui en faire découvrir les secrets.

Elle s’était entrainée encore et encore, puis s'était finalement arrêtée pour voir la jeune fille en train de griffonner, ses yeux pâles fixés sur le parchemin, complètement absorbée par son écriture.

Xena avait soupiré et rengainé son épée, puis elle s'était retournée en entendant quelque chose arriver et avait bondi à la rencontre des pillards qui avaient décidé d'attaquer leur campement.

Normalement, cela aurait été facile, mais elle était épuisée par son entraînement et cela s’était ressenti dans ses mouvements et dans la lenteur avec laquelle son corps avait réagi.

Au moins Gabrielle s'était cachée sous un tronc d'arbre, comme on le lui avait appris, et s'était écartée du danger pendant que Xena s'était battue avec courage, esquivant les coups de massue et d’épées.

Un mouvement lui parvint dans sa vision périphérique et elle se retourna à moitié, trop tard, pour voir un corps inattendu s'élancer vers elle, avec une masse d'acier se déplaçant trop rapidement pour qu'elle puisse la dévier.  Elle s'était tendue pour absorber le coup, mais il n'était jamais venu, bloqué par une petite forme aux cheveux clairs qui avait fait trébucher le pillard et avait pris le coup pour elle, fracassant sa tête contre un rocher alors qu'elle était projetée sur le côté.

La rage lui avait donné de la force et de la vitesse, et elle s'était jetée sur la forme affaissée de Gabrielle pour la protéger et elle avait massacré les attaquants, les envoyant courir au loin devant la férocité de sa défense après avoir cassé deux bras et brisé un cou comme s’il n’était qu’une brindille.

Puis le silence s'était installé alors qu'elle s'agenouillait aux côtés de la jeune fille et avec une douceur qu'elle n'aurait jamais montrée à Gabrielle si la jeune fille avait été éveillée, elle avait examiné l'hématome et la bosse qui saignait sur le côté de sa tête. "Espèce d'enfant stupide." Avait chuchoté Xena. "Pourquoi tu as voulu faire ça, hein ? "

La guerrière avait soulevé sa protégée et l'avait allongée sous ses fourrures, puis elle s'était doucement occupée de la blessure, avant de border la gamine. Elle était alors restée à ses côtés, occupée à lisser les cheveux pâles, ne reculant que lorsque Gabrielle avait remué et cligné des yeux, la regardant avec confusion.

"Ne bouge pas... tu as été frappée à la tête." lui avait dit Xena d'un ton bourru. "Qu'est-ce que tu croyais faire ?"

Les yeux verts l'avaient regardée, dorés dans la lumière du feu. "Euh.. J'étais juste... il y avait ce gars et il se dirigeait vers toi et je..."

"Je peux prendre soin de moi, Gabrielle." Lui avait-elle répondit sèchement. "La prochaine fois, reste à terre, ok ?"

Déçue, la jeune fille avait baissé les yeux. "Je suis désolée."

Sa conscience l'avait giflé. Tu n'es qu'une merde, parfois. ... laisse la pauvre enfant tranquille.  Elle se reprit et lui parla d’une voix plus calme. "Mais... hum... merci."

La fille avait levé les yeux vers elle, un espoir timide remplaçant le découragement et elle s'était alors levée brusquement, utilisant l'action pour couvrir sa gêne en se mettant à ranger leur campement.

Y compris un petit bout de parchemin sur lequel la jeune fille avait écrit, qui avait volé à travers le campement et se trouvait à présent sur la sacoche de Xena. Avec un soupir, elle l'avait ramassé et y avait jeté un coup d'œil rapide.

Elle s'était retrouvée à lire un poème qui, bien que grossier, semblait révéler les profondeurs de l’âme de la jeune fille, tant les images étaient vivantes, décrivant une scène de beauté, de vitalité et de force qui avait sûrement été inventée de toutes pièces par l'imagination fertile de Gabrielle.

Elle avait relevé la tête, pour voir de grands yeux verts qui la regardaient avec une horreur embarrassée. "De quoi s'agit-il ?" avait-elle demandé, brusquement, l'impatience déguisant la confusion.

Gabrielle avait rougi d'un rouge profond, faisant ressortir ses cils clairs de manière éclatante. "De toi." Avait-elle chuchoté.

Moi ? ??? Elle l’avait relu, puis avait regardé la fille, puis lu à nouveau, et regardé une nouvelle fois la jeune fille avant de secouer la tête. Elle s'était alors approchée, agenouillée et avait rendu le papier. "Tu as beaucoup d'imagination, Gabrielle."

La jeune fille s’était redressée, hébétée et épuisée, en la regardant avec un appel silencieux et ouvert. "J'ai juste écrit ce que j'ai vu..." avait-elle objecté de manière étouffée. Puis, lentement, timidement, elle lui avait rendu le parchemin, un cadeau pour franchir un fossé si large qu'elle ne s'attendait pas à le combler.

Xena l'avait pris et après que la gamine se fut rendormie, elle l'avait lu encore et encore, essayant de réconcilier la réalité de ce qu'elle savait être, avec le tableau que cette fille avait peint, s'interrogeant sur la vision derrière ces yeux verts et clairs.

Comprenant qu'à un certain niveau, Gabrielle la comprenait. Et en regardant la fille endormie, qui avait à nouveau tout risqué pour elle, elle avait su qu'à un certain niveau, elle comprenait Gabrielle.

Peut-être y avait-il de l'espoir pour elles après tout.

 

Xena gloussa doucement, puis étouffant une toux, elle essuya sa lame sur l'herbe et se leva, avec le lapin dépecé et reprit le chemin du retour, longeant l'épais sentier richement jonché entre les arbres.

Puis elle s'arrêta, ses sens s'éveillant par pur instinct animal, et elle tourna la tête, ses yeux scrutant le clair de lune à la recherche de ce qui avait déclenché son instinct.  Elle se concentra, penchant la tête alors que ses oreilles percevaient le moindre souffle.

Un homme ? Un animal ? Son cœur commença à battre plus fort. Trop bas pour être un humain, à moins qu'il ne soit allongé sur le ventre, ce qui était peu probable. Xena se retrouva dans la situation inhabituelle d'être la proie et elle recula un peu, mettant un grand arbre derrière elle et laissa tomber le lapin. Elle étendit sa main et dégaina sa dague instinctivement.

La forêt se figea et elle put sentir le mouvement humide de l'air sur sa peau soudainement refroidie, puis le monde explosa dans une ruée de dents et de griffes et une forme tachetée se précipita vers elle, lui sautant à la gorge avec une vitesse écœurante.

Xena se déplaça sur le côté, attrapant le gros félin d'une main tandis que ses bras glissaient au-delà des griffes qui laissaient des traces de feu sur sa peau. Elle se repoussa de l'arbre et entraîna l'animal avec elle, se tordant dans les airs avant d’atterrir sur lui dans un craquement. Le félin se retourna, ses griffes lui transperçant la peau des cuisses alors qu'elle se battait pour le retenir.

Elle appuya alors un coude sur sa gorge et appuya fortement, le sentant convulser sous elle avec un long grognement sifflant.

Le silence revint alors qu'il s'affaiblissait et elle resta assise un long moment, reprenant son souffle, avant de se mettre à genoux et d'examiner son agresseur. C'était un félin tacheté de taille moyenne, de la longueur de son propre torse, avec des touffes de chaque côté de la tête et de longs crocs méchamment incurvés. Xena l'examina d'un air maussade, puis le hissa sur ses épaules et se leva, déplaçant l'équilibre de la créature jusqu'à ce qu'elle se drape uniformément sur elle. Les Dieux seuls savent ce qui serait arrivé si je n’avais pas été attentive...  se dit-elle alors qu'elle allait récupérer ses morceaux de lapin avant de se remettre en route vers leur camp.

Elle fit à peine trois pas et faillit entrer en collision avec un objet aux cheveux pâles qui se déplaçait rapidement et qui s'arrêta en la voyant, avec un soupir de soulagement.

"Par les Dieux... tu es là." Les yeux de Gabrielle fouillèrent son visage avec anxiété. "Que s'est-il passé ?"

"Je suis là." Confirma Xena avec un sourire en coin. "Je suis tombée sur le nouveau tapis d'âtre que tu as commandé."

Les yeux de la barde passèrent de son visage à la créature drapée sur ses épaules et s’élargirent alors que sa mâchoire se décrochait. "Crottins de centaure, Xena... tu vas bien ?"

La guerrière fléchit sa main et hocha la tête. "Ouais... quelques égratignures... allez, on rentre, maintenant. Je n’ai pas envie de savoir ce qu'il y a d'autre par ici."  Elle tendit sa prise à la barde. "Tiens... j'ai trouvé un lapin avant qu'il ne me trouve... ou peut-être que c'était ce que ce grand chat chassait."

Gabrielle accepta le paquet taché de sang et marcha à côté d'elle. "Tu m'as fait une peur bleue... Je suis sûre que Devon pense que j'ai perdu la tête, puisque j'étais en train de chercher de l'eau pour le dîner... et que j'ai jeté la casserole, l'eau et tout sur lui."

"Désolée." Répondit Xena, secrètement touchée que leur connexion se manifeste si fortement, que même cette secousse momentanée ait fait accourir la barde. Elles marchèrent tranquillement pendant quelques pas, puis Xena jeta un coup d'œil à son âme sœur et lui donna un petit coup de coude. "Hé."

"Mm ?" Les yeux verts la regardèrent, chaleureux et inquisiteurs.

"Merci pour le mot." Lui dit la guerrière. "Belle surprise."

Le clair de lune scintillait alors que Gabrielle baissait la tête, cachant un sourire gêné. "Oh... Je suppose que tu l'as trouvé alors, hein ?" murmura-t-elle avant de se frapper la tête. "Duh, Gabrielle... bien sûr qu'elle l'a trouvé... contente que tu l'aies aimé." Elle leva les yeux et leurs regards se croisèrent. "Ça m'a manqué de te donner des petits morceaux de moi comme ça... même si je sais que c'est un peu stupide."

"Stupide ?" Xena aspira une bouffée d'air, puis jeta un coup d'œil à son visage. "Regarde dans ma poche là... tout en bas."

Gabrielle hésita, puis s'exécuta, détachant soigneusement la poche et elle fouilla à l'intérieur, jusqu'à ce qu'elle arrive tout en bas. "Ok."

"Tu sens un morceau de parchemin plié à plat ?" demanda Xena.

"Mm."

"Prends-le."

Gabrielle le sortit soigneusement et l'examina. C’était un morceau de parchemin plié faisant peut-être 20 cm de large. "Ok...je dois l'ouvrir ?" Elle leva les yeux vers son âme sœur. "Xena... si c'est quelque chose que tu veux garder privé, je n'ai pas à le voir".

La guerrière gloussa doucement. "Ce n'est rien que tu n'aies déjà vu auparavant." Lui assura-t-elle. "Allez, ouvre-le."

Gabrielle le déplia avec soin, les bords effilochés et tachés frottant contre sa peau. Il y avait un léger soupçon de fumée sur le parchemin et elle dût le tenir à la lumière de la lune pour distinguer les mots, écrits de sa propre main.

"Oh." Souffla-t-elle. "Wow... Je ne savais pas que tu l’avais gardé." Gabrielle leva les yeux, en pliant à nouveau le papier. "J'ai l'impression d'avoir écrit ça dans une autre vie." Elle soupira. "Mais tu sais quoi ?"

"Hmm ?" Xena avançait doucement, surveillant ses pas alors qu'elle équilibrait le poids sur ses épaules.

Gabrielle rangea le morceau de parchemin en lambeaux et accrocha son bras à celui de son âme sœur. "A l'intérieur de moi, il y a toujours cette gamine aux yeux écarquillés qui te regarde et se dit... wow." Répondit-elle. "Et ce poème exprime toujours ce sentiment pour moi."

 

Des ombres d'argent qui brillent de mille feux

"C'est... très romantique", commenta Xena en se raclant la gorge.

Comme un feu dansant dans la nuit.

"Pas du tout." Objecta la barde.

 La force et la beauté, à parts égales

"Gabrielle, sérieusement." Rit la guerrière.

Debout comme un trésor de bataille.

"C'est très factuel." Insista Gabrielle.

Des yeux d'aigle et le cœur d’une lionne

"Pas du tout." La guerrière déplaça sa charge. "Allez, Gabrielle.."

Pour défendre le monde contre les ténèbres.

Gabrielle se contenta de sourire et se rapprocha un peu plus, jetant un regard ironique à la forme affaissée du félin tacheté. "Comme tu veux, tigresse."

*********************************************

Devon était assis sur un tronc d'arbre, serrant son bol contre sa poitrine quand elles revinrent. Il les regarda avec des yeux ronds lorsque Gabrielle avança nonchalamment, rangeant son bâton près de son lit de fortune, tandis que Xena s'agenouillait et déchargeait le chat sauvage de ses épaules.

"Uh." Il cligna des yeux en regardant le félin. "Je... Je veux dire, ne te méprend pas, Xena... Je suis reconnaissant pour tout ce que vous deux avez fait pour moi, d'accord, mais... je hum... je ne pense pas que cette chose-là se mange."

Xena lui jeta un regard, avant de retourner à la carcasse et de retirer la peau, enterrant soigneusement le corps avant de tremper la peau dans le ruissellement du ruisseau.

Gabrielle récupéra sa marmite avec un air d'excuse et la remplit, puis elle y mit le lapin, avec quelques trucs secs qu'elle avait et elle commença à faire un ragoût. "Désolée pour ça... je hum... pensais avoir entendu quelque chose dans la forêt... tu sais comment c'est."  Elle mélangea le ragoût puis alla fouiller dans son sac et sortit le kit de guérison de Xena, vérifiant qu'il n'y avait pas de pommade avant de le poser à côté du feu.

"Cela va prendre un moment... tu devrais t'asseoir là-bas et te détendre." lui dit-elle alors qu'elle récupérait plusieurs sachets d'herbes et les mélangeait dans une tasse, avant de récupérer le petit bol qu'elle avait posé sur le feu précédemment pour verser l'eau fumante dans la tasse.

"Ok." Acquiesça Devon, avant de trébucher maladroitement en s'installant sur sa fourrure d'emprunt.

Gabrielle attendit que les herbes soient infusées et le regarda. "Tu es plutôt effrayé par tout ça, n'est-ce pas ?"

"Qui... moi ?" L'homme leva une main désinvolte. "Non non... pourquoi dis-tu ça ? Juste parce que j'ai rencontré un couple de légendes, que je me suis fait embusquer par des Amazones et que j'ai vu des gens se promener ici avec des léopards sur le dos ?".

La barde rit doucement.

"Votre vie est-elle toujours comme ça, Gabrielle ?"

"Oui." La voix plus grave de Xena lui répondit, alors qu'elle passait près d’eux en s'essuyant les mains sur un morceau de tissu. "Elle attire les problèmes comme les fleurs les abeilles."

Un sourcil blond se leva. "Ça explique ta présence, je suppose." Répondit Gabrielle, avec un sourire malicieux.

"Mm." La guerrière gloussa doucement en passant devant eux pour se diriger vers le coin où Gabrielle avait installé leurs fourrures ; elle s'y laissa tomber et retira ses bottes avec une légère grimace.

Gabrielle versa une bonne cuillère de miel dans la tasse et la remua, puis elle ramassa le kit de guérison et se leva, marchant vers la guerrière assise et elle lui tendit la tasse. "Tiens, Problème. Bois ça."

Xena accepta la tasse et la renifla, puis jeta un regard à sa compagne avant de prendre une gorgée. "Mm... tu crois que tu as mis assez de miel là-dedans ?" commenta-t-elle, laissant la douce chaleur glisser dans sa gorge avec un sentiment de soulagement.

"Je connais mon public." La barde s'assit en croisant les jambes et déballa le kit de guérison, tapotant la cuisse musclée à côté d'elle. "Laisse-moi..." Elle passa la main sous le genou de Xena et détacha son armure de jambe, puis la souleva et la mit de côté. "Wow." Elle passa ses doigts sur l'ecchymose sombre qu’elle découvrit sous l'armure.

"Uh huh." Xena était occupée avec sa tasse et elle leva brièvement ses yeux bleus pour étudier la blessure. "C'était un cheval." Se rappela-t-elle. "Quand je suis sortie de là." Un de ceux qui s’enfuyaient, paniqué, lui avait donné un coup de sabot accidentel, alors qu'elle s'accrochait à l'étalon de tête, un coup à peine ressenti dans l'excitation. "J'aurais aimé porter toute mon armure."

Gabrielle secoua la tête et retira le bandage qu'elle avait mis sur la longue coupure, maintenant en lambeaux et sale, et elle grimaça en voyant la blessure à vif et gonflée sous le bandage. "Ow." Elle rapprocha la bassine d'eau chaude qu'elle avait apportée et commença à nettoyer la plaie, essuyant la peau doucement et essayant de ne pas blesser sa compagne plus que nécessaire. "Tu penses que je dois retirer des points ?"

La jambe bougea sous elle. "Probablement." répondit Xena calmement. "Tu pourras retirer un peu de cette saleté de la coupure." Elle sortit son petit couteau de sa pochette et lui tendit. "Tiens... ça devrait le faire."

La barde prit sur elle, puis coupa soigneusement les points de suture, laissant échapper un flot de rouge et de jaune alors que la plaie s'ouvrait. Xena ne bougeait pas, et Gabrielle savait que si elle levait les yeux, elle verrait une expression de désintérêt stoïque sur le visage de son âme sœur pour cacher la douleur qu'elle savait lui causer.

Elle leva les yeux. Les yeux bleus, patients, regardaient par-dessus le bord de la tasse en bois, foncés par la lumière du feu jusqu'à devenir presque violets. "Presque fini." Elle retourna à sa tâche, rinçant la coupure à l'eau chaude, puis la saupoudra d'herbes, avant de remettre quelques points de suture pour la maintenir fermée. "Voilà." Elle leva à nouveau les yeux, voyant les ombres se déplacer alors que Xena décrispait les muscles de sa mâchoire, seul signe visible de son inconfort.

Gabrielle appliqua une légère couche de pommade sur la coupure et la recouvrit, lissant ses doigts sur la peau douce autour de la blessure, puis elle se pencha impulsivement et embrassa la blessure.

"Je suis guérie maintenant." Dit la guerrière, un soupçon d'amusement dans sa voix. "Merci, maman."

La barde tira la langue puis se redressa, remontant le long du corps de sa compagne avec son nettoyant et son chiffon pour nettoyer les griffures du félin. "Dori est comme toi." Commenta-t-elle. "Tu t'en es rendue compte, n’est-ce-pas ?"

"Mm...tu veux dire quand elle est tombée dans l'écurie et qu'elle a atterri sur la tête ?" demanda Xena.

"Uh huh... trois écorchures et cette vilaine coupure... et pas une plainte de sa part." acquiesça la barde en secouant la tête. "Je l'ai regardée et je me suis dit... 'oh non... pas une autre.'" Elle rit doucement, tout en finissant son nettoyage. "Coriace... tout comme sa mère... je me demande ce qu'elle fait ?"

"Elle s’attire probablement des ennuis." Répondit Xena. "Comme sa mère." Elle donna à la barde un coup dans les côtes et elles rirent toutes deux.

Gabrielle termina de nettoyer les griffures puis s’assit à côté de sa compagne. Elle leva la main et la posa sur son front. "Est-ce que ça empire ?" lui demanda-t-elle en lui envoyant un regard inquiet.

Est-ce que c’était le cas ? Xena avala son thé avec un soupir, sentant une lourdeur inquiétante dans sa poitrine. "Je ne sais pas." Admit-elle, jetant un regard vers Devon, avant de se déplacer un peu. "Je suppose que je suis tombée malade."

La barde la regarda. "Mal à la gorge ?"

"Un peu." Elle sentit une toux arriver et ne put l’arrêter.

"Uh oh." Gabrielle posa sa tête sur la poitrine recouverte de cuir de sa compagne. "Respire."

Xena hésita, puis obtempéra, ressentant l’encombrement de ses bronches avant même que la barde ne relève la tête et tourne vers elle des yeux inquiets. "Oui, je sais." Elle envoya à Gabrielle ce qu'elle espérait être un sourire rassurant. "Mais je me débarrasse de ces trucs plus facilement que toi, tu te souviens ?"

Eh bien, c'était vrai. La barde se mordit l'intérieur de la lèvre, voyant le regard glacé des yeux bleus de son âme sœur et la pâleur inhabituelle sous son bronzage. "Ok... tu t'allonges." Ordonna-t-elle finalement. "Je vais repréparer un peu plus de ceci, récupérer ce que tu utilises sur moi et t'apporter de la soupe. Pas de discussion, Xena."

Un petit mouvement passa sur ses lèvres, ce presque sourire mais pas tout à fait. "D'accord... mais seulement si tu m'apportes ma sacoche pour que je puisse nettoyer cette fichue armure."

Compromis. Gabrielle lui tapota le bras et se leva, passant ses doigts dans ses cheveux pâles avant d'enjamber les racines saillantes de la cavité et de se diriger vers leur équipement.

Avec un soupir, Xena la regarda s'éloigner, puis commença à détacher le reste de son armure, mettant les pièces métalliques de côté et bougeant sa jambe avec précaution, heureuse que les soins soient terminés. Elle empila son équipement sur le côté, puis s'adossa, finissant le thé dans sa tasse et goûtant les herbes sur le bout de la langue.

Ses pensées dérivèrent un peu, puis une main chaude toucha son épaule et elle leva les yeux pour trouver Gabrielle accroupie à côté d'elle, avec sa lourde cape drapée sur un bras et une tasse fraîche dans l'autre main. Xena lui prit la tasse, la renifla, puis en prit une gorgée tandis que la barde repliait sa cape autour d'elle.

Des doigts doux décrochèrent ses cuirs et le parfum vif et agréable de la pommade qu'elle avait mélangée pour les potentielles crises de toux de Gabrielle lui parvint, tandis que la barde l'étalait sur sa poitrine, la couvrant du sternum aux épaules. "Mm... je suppose que je n'aurais aucune chance de te convaincre de rester loin de moi, hein ?"

Des yeux verts la regardèrent de derrière des cils couleur feu. "N'y pense même pas." Murmura Gabrielle. "Comme si je pouvais le faire... ou toi d'ailleurs." Elle enroula une longueur de tissu doux autour du cou de sa compagne. "Tu te souviens quand j'ai eu ce mal de ventre cette fois-là ?"

"Ungh." Xena roula les yeux en se souvenant de ce qui s'était passé. "Oh ouais."

"Mm... d'accord, alors tu t'assieds et tu bois cette tasse, ok ? J'ai un peu de bouillon ici pour toi." conclut la barde en posant un bol fumant.

"Gabrielle... Je ne suis pas une invalide." Répondit son âme sœur, un peu durement.

"Oh... et ta gorge est assez bonne pour avaler de gros morceaux de légumes alors ?" répliqua Gabrielle en posant un doigt sur le bout du nez bien dessiné de Xena.

La guerrière grommela quelque chose d'inintelligible et reprit une gorgée de son thé.

"Tu es vraiment une gamine." La barde se pencha vers elle et lui donna un baiser sur la tête. "Tiens... prends ton bol... Je vais installer Devon, puis je reviendrai te tenir compagnie."

Xena remplaça sa tasse par le bol et remonta ses genoux, posant ses coudes dessus et but à même le bord du récipient en bois. Le bouillon chaud et riche avait un goût merveilleux et elle respira la vapeur parfumée avec un sentiment de plaisir tranquille.

Ses pensées se tournèrent vers les problèmes auxquels elles étaient confrontées, d'abord pour rentrer chez elles, et ensuite, pour la tâche presque impossible de lever une défense... non... Xena se déplaça un peu. Pas une défense, une force capable de vaincre Andreas. Leur première tentative de recrutement semblait avoir été un échec cuisant, mais Xena savait qu'elles en auraient.

Il y aurait des gens qui s'enfuiraient et d'autres qui choisiraient de rejoindre Andreas, pensant que c'était le côté gagnant. Il y aurait ceux qui les trahiraient et ceux qui rejoindraient son camp de manière inattendue.

Tout cela, elle le savait. Elle savait aussi que ce ne serait pas facile et qu'elle se mettait, ainsi que Gabrielle, en grand danger, tout comme le reste de leur famille.  Andreas savait maintenant qui elle était et d'où elle venait, et elle ne le laisserait pas s'en prendre directement à son village natal s'il ne la trouvait pas rapidement.

Donc. Elle devait soit l'attirer, soit évacuer Amphipolis, et pour l'attirer, elle avait besoin d'une petite force.

Des Amazones ? Mm... peut-être, puisque les Amazones de Gabrielle qu'elle connaissait, au moins, la suivraient. Peut-être un groupe combiné... quelques Amazones et quelques miliciens...

"Hé."

Une paume lui réchauffa la joue et elle sortit de ses pensées, ouvrant les yeux pour regarder Gabrielle. "Désolée... J'étais juste en train de réfléchir."  Elle prit une gorgée de soupe et l'avala. "C'est très bon, au fait."

Gabrielle s'était installée à côté d'elle sur les fourrures et dévorait le contenu de son bol. "Merci." Répondit-elle après avoir avalé une bouchée rapidement. "Dieux.. Je suis affamée."

"Oh... c'est nouveau." La taquina la guerrière en envoyant à Devon un regard ironique. Il lui rendit un sourire timide, tout en mangeant une racine cuite.

"Hah hah." La barde mordit un morceau de lapin en deux et le mâcha. "Tu sais à quel point c'était dégoûtant dans cette cuisine, Xena ? Et ce n'est pas comme si nous étions restées déjeuner avec les Amazones."

"C'est vrai." Acquiesça la guerrière. "Tu marques un point." Elle sirota son bouillon et calfeutra un peu plus sa cape. Puis elle posa à nouveau ses yeux sur le visage de Devon et l'homme se figea. "Quels sont tes plans ?"

"Euh." Il essuya hâtivement sa bouche. "Je um...j'allais...um..."

"Xena." Gabrielle la poussa. "Il va voyager avec nous à travers la forêt, jusqu'à ce que nous atteignions le carrefour, puis il se dirigera vers l'ouest." Elle le regarda fixement. "C'est bien ça ?"

Il hocha la tête. "Ouais... J'allais descendre la rivière, et voir si je pouvais... hum... continuer à faire passer le mot, pour ainsi dire."

La barde et la guerrière échangèrent un regard. "Ok." Soupira Xena. « Ça ne peut pas faire de mal." Elle termina son bol et le posa, s'adossant au rondin avec un gémissement à peine audible. Les herbes faisaient de l'effet cependant et elle sentit une vague de somnolence faire battre ses paupières.

Était-ce dangereux ? Xena regarda la forêt environnante d'un air pensif. Ils étaient plutôt bien cachés, mais à ce stade, elle n'était pas sûre d'avoir le choix. Le sommeil et la capacité de son corps à s'auto-guérir étaient sa meilleure chance de guérir rapidement et elle ne pouvait pas faire cela et monter la garde en même temps.

Elle s'installa et sentit Gabrielle tirer sa cape un peu plus près et elle tourna la tête pour remercier la barde avec un sourire. Les yeux verts scintillèrent en retour, dans une communication qui dépassait les mots, c'était presque effrayant.

Peut-être qu'elles finiraient par être capables de lire dans les pensées de l'autre après tout, conclut la guerrière dans le flou.

 

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A suivre de la partie 6

 

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