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4 juillet 2022

Cible mouvante, chapitre 26

Cible Mouvante

(Moving Target)

Chapitre 26

Ecrit par : Missy Good (2013)

Traduction : Fryda (2022)

************************

Malgré la puanteur toujours présente et l’amas d’outils et de matériels partout, Dar trouvait le navire bien plus attrayant sans tous les ouvriers. Maintenant que le crépuscule était présent, la chaleur oppressante s’était dissipée et tandis qu’elle empruntait l’atrium central elle pouvait voir des signes que tout le travail avait eu un effet tout de même.

Les sols avaient été pratiquement refaits et des morceaux de tapis pimpants étaient posés entre les cercles de marbre nouvellement polis. Les rambardes avaient été recouvertes d’une nouvelle couche de cuivre et le bureau incurvé de la réception montrait de belles couches de tek.

Dar commença à monter l’escalier central, se sentant un peu mieux au sujet du projet. Leurs systèmes étaient installés, l’équipe travaillait bien, tout ce dont elle avait besoin, c’était de garder cet élan. Elle regarda autour d’elle en montant et ne vit qu’un ou deux des travailleurs qui se dirigeaient tranquillement dans l’autre direction.

Au moment où elle atteignit le niveau où se trouvait le pont, elle était quasiment seule. Tout le martèlement et le bruit de la construction s’étaient arrêtés et tandis qu’elle longeait le tapis recouvert de plastique, Dar pouvait voir un placage lent et difficile de modernité qui sortait des surfaces usages.

C’était comme une femme de quatre-vingts ans avec un lifting radical.

Cela envoya l’esprit de Dar vers une piste différente et elle y réfléchit tandis qu’elle longeait le long couloir qui l’amènerait à l’avant du navire et le pont. Eléanor leur avait révélé à tous à leur dernière réunion qu’elle prenait quelques semaines de congés pour « s’occuper d’elle ».

Tout le monde l’avait accepté et l’avait félicitée, sauf Dar, qui avait été un peu intriguée de pourquoi cette femme dépenserait dix ou quinze mille dollars pour avoir une chirurgie invasive juste pour ressembler à quelqu’un à qui on aurait étiré un film rétractable sur le visage.

Elle ne comprenait simplement pas. Alors, Eléanor lui avait rappelé, avec une acrimonie agacée et justifiée, qu’en tant que personne la plus jeune dans la pièce, elle était priée de la fermer jusqu’à ce que ce soit son tour d’être âgée.

Cela lui avait amené la pensée de ce qu’elle ferait quand elle serait âgée. Est-ce qu’elle suivrait le chemin d’Eléanor pour « s’occuper d’elle » ? A part son rire immédiat à cette pensée, elle avait eu une touche d’insécurité en se demandant si Kerry voudrait qu’elle le fasse… qu’elle voudrait que toutes les deux restent accrochées à la jeunesse avec des griffes tenaces jusqu’à ce qu’elle soit qualifiée pour le Medicare (NdlT : système de « sécurité sociale » américain)

Logiquement, elle ne le pensait pas. Dar continua son chemin dans le couloir, jetant un coup d’œil en avant là où les cloisons se rétrécissaient alors qu’elle approchait de l’avant du navire. Mais on ne savait jamais, vraiment, comment les gens changeraient au fil du temps. Peut-être que les pensées de Kerry changeraient. Peut-être les siennes.

Dar plissa le nez de déplaisir.

Elle ne pensait pas vraiment que ses pensées changeraient. La simple idée de la réaction de ses parents si elle faisait un lifting suffisait à la faire courir dans l’autre direction, en hurlant comme une banshee. Mais, décida-t-elle, alors qu’elle arrivait au bout du couloir et faisait face à la porte du pont, si Kerry décidait qu’elle voulait qu’elle fasse quelque chose comme ça et que c’était important pour elle…

Et bien, alors, elle y réfléchirait au moins.

Dar testa la poignée de porte qui s’avéra verrouillée. Elle cogna légèrement, grattant ses phalanges sur le métal.

Espérons qu’aucune d’elles ne deviendrait une harpie vaniteuse en vieillissant. Dar soupira et frappa à nouveau. Espérons qu’elles savoureraient juste une longue vie ensemble et prendraient les changements de la vie comme ils venaient.

La porte s’ouvrit et elle se retrouva face à un homme en uniforme blanc empesé et une perruque très malheureuse. « Oui ? » Demanda-t-il d’un air grognon.

« J’aimerais parler au capitaine s’il vous plait. » Dar décida de faire attention à ses manières, du moins pour l’instant.

L’homme lui jeta un bref regard noir puis, étonnamment, il recula et ouvrit la porte en grand. « Entrez. »

Dar s’y autorisa et entra. La passerelle était relativement petite mais faisait probablement vingt degrés de moins que le couloir et il y avait plusieurs hommes à l’intérieur qui savouraient cet état de fait. Ils se retournèrent et la regardèrent tandis qu’elle entrait, l’observant avec curiosité.

Dar leur rendit leur attention, repérant le gars le plus âgé avec le plus de trucs sur ses manches et elle alla vers lui. « Capitaine ? »

Il avait peut-être soixante ans, des cheveux gris argenté et des yeux rusés. « Oui ? » Répondit-il poliment. « Que puis-je pour vous, madame ? »

Madame ? « J’aimerais discuter avec vous de vos plans pour ce soir », dit Dar.

Plusieurs hommes ricanèrent tandis que le capitaine plissait le front. « Je suis désolée, madame, est-ce que je vous connais ? » Demanda-t-il. « Je ne crois pas qu’on se soit rencontrés. »

« C’est le cas. » Dar se tourna et pointa la clim. « Mais ceci m’appartient. »

Les sourires disparurent des visages des officiers pour être remplacés par de l’appréhension.

« On peut parler donc ? » Dar se tourna à nouveau vers le capitaine. En sortant ses mots avec un sourire. « J’ai résolu un problème pour vous, peut-être que vous pouvez faire la même chose pour moi. »

Le capitaine eut un air de doute mais il se leva et fit signe vers un petit bureau à l’arrière de la passerelle. « Bien entendu. » Il attendit qu’elle le précède. « Mais il faudra que ce soit rapide parce que nous prévoyons de retirer la passerelle d’embarquement et vous devez quitter le navire. »

La porte vers la passerelle s’ouvrit tandis qu’ils sortaient vers le bureau, et le capitaine en charge de l’équipage entra. Il eut un regard vers Dar et ses yeux se mirent à lancer  des étincelles, mais il les dépassa et le capitaine ferma la porte du bureau avant qu’il ne puisse parler.

Ce qui était probablement une bonne chose. Dar se retrouva dans un cabinet plus petit que celui du Dixie. Le capitaine s’assit derrière son bureau et elle prit la chaise de guingois en face de lui, la faisant tourner pour s’y asseoir avec les deux bras sur le dossier.

Ils se regardèrent en silence un moment. Le capitaine mit ses doigts en toit d’église. « Madame, je ne sais pas ce que vous pensez que je peux faire pour vous, mais s’il vous plait, soyez rapide », dit-il « Nous avons peu de temps. »

Dar regarda autour d’elle. « C’est nous qui avons peu de temps, Capitaine. Vous en avez autant que vous voulez, vu que vous n’allez nulle part. »

Un léger sourire passa sur son visage. « Mais vous avez tort. Nous allons quelque part. Nous partons vérifier les lignes et nous quittons ce port.

Dar cligna des yeux. « Maintenant ? »

« Exactement, maintenant », dit l’homme en hochant la tête. « Alors comme vous pouvez le voir, nous ne pouvons pas vraiment vous aider. J’aimerais… » Il s’éclaircit la voix. « vous remercier de tout mon cœur pour le prêt de vos machines. Cela nous a fait du bien aujourd’hui. »

« Je pensais que vous ne partiez pas avant vendredi ? » Dar tapota ses pouces sur la chaise. « Alors c’est fini ? Les rénovations ? »

La capitaine leva la main. « Pas exactement. Nous partons oui », admit-il. « Mais nous allons revenir, c’est juste que les gens du gouvernement, ils… » Il s’éclaircit à nouveau la voix. « Ils insistent pour que nous bougions pour qu’ils puissent examiner l’eau. Les dommages ou du moins c’est ce qu’ils disent. »

« Ah. »

« C’est tout ? » Demanda le capitaine. « J’ai vraiment beaucoup de choses à faire. »

Merde, merde, merde. Dar réfléchit vite. « Qu’est-ce que ça vous ferait de nous emmener avec vous ? » Demanda-t-elle. « Mon équipe. »

L’homme cligna des yeux. « C’est impossible. »

« Pourquoi ? »

« Vous n’êtes pas autorisés à naviguer sur ce vaisseau », bafouilla le capitaine. « Je ne peux pas être responsable d’autant de gens que vous sur le navire… c’est de la folie. »

Dar se pencha un peu en avant, plissant légèrement les yeux et la partie de sa personnalité la plus féroce serrant les pattes et étirant des griffes acérées juste un peu. « Qu’est-ce que ça ferait, Capitaine. » Elle soutint son regard. « Donnez votre tarif. »

Pendant un instant, il se contenta de la regarder. « Vous m’insultez, Madame », répondit-il brusquement, puis il hésita juste assez. « Je ne sais même pas qui vous êtes. »

Dar sortit son portefeuille, l’ouvrit et en sortit une de ses cartes de visite. Elle la jeta sur le bureau. « Voilà qui je suis. » Elle fouilla dans le portefeuille et en sortit autre chose. « Et je ne suis pas étrangère à la mer. » Elle jeta un petit carré de carton bien usé, sa licence de capitaine avec sa date de fin de validité étonnamment lointaine.

L’homme prit les deux et les examina.

« Ecoutez », dit Dar. « Cette explosion hier nous a mis en retard. J’ai juste besoin de temps pour rattraper. Mes ouvriers doivent apporter des choses sur ce navire, les mettre en place et s’assurer que ça marche. C’est mieux pour nous de le faire sans le reste du cirque à bord et je suis prête à payer pour ce privilège. »

Le capitaine tapota les deux cartes sur son bureau. « Très bien », dit-il. « J’accepte votre offre mais voilà que je veux. » Il frappa le bureau de sa main. « Vous ne pouvez pas m’acheter, mâme. Je ne suis pas à vendre. »

Dar attendit.

« Mais mes gens sur ce navire, ils ont été trompés par ces gens. Nous n’avons eu que des ordures en boite depuis que nous sommes ici. » Il se leva. « Vous apportez de la nourriture sur ce navire, de bonnes boissons, du confort pour l’équipage, vous pouvez rester. »

C’était absurde. Dar se sentit sur le point de pleurer. C’était comme de trouver un endroit propre au milieu d’une pile d’ordures. « Pas de problème », réussit-elle à dire. « Donnez-moi une heure. »

« Une heure ? »

« Une heure. » Dar se leva à son tour et tendit la main. « Conclu ? »

Le capitaine prit sa main et la serra puissamment. « Nous avons un marché », dit-il. « Combien de personnes ? »

« Trente… et une. » Dar compta mentalement. « Et vous ? »

« Deux cents. »

« Conclu. » Dar relâcha sa main. « On se voit dans une heure. » Elle se retourna et ouvrit la porte, la tira en arrière et lui fit un geste gracieux pour qu’il passe devant. Puis elle le suivit dehors et se dirigea vers la porte, sans oublier de faire un sourire au capitaine d’équipage en passant.

***************************************

« On va faire quoi ? » Kerry fixa le dos de Dar tandis qu’elle commençait à monter l’escalier. « Dar ! » Elle se retourna et fonça derrière sa compagne, la rattrapant et lui agrippant l’arrière de son jean. « Ouaouh ! »

Dar s’arrêta et se retourna. « Ouiii ? » Ses yeux luisaient d’espièglerie. « Allons, Ker. Tu voulais une balade sur ce truc, nan ? »

« Tu es sérieuse ? » Demanda Kerry. « Le navire part vraiment ? »

Dar hocha la tête. « Le service de l’environnement leur demande de bouger pour qu’ils puissent vérifier l’eau », expliqua-t-elle. « Alors ils lèvent l’ancre, c’est pour ça qu’ils ont viré tout le monde. » Elle tira sur la boucle de la ceinture de Kerry et reprit sa descente des marches. « J’ai pu obtenir l’accord du capitaine pour qu’on reste à bord, mais on a une tonne de préparatifs et une seule heure pour ça. »

« Alors on part. »

Dar lui lança un regard en coin. « On part. »

« Sur le navire. »

Dar s’arrêta. « Ker, tu as besoin d’une tasse de café fort ? » Demanda-telle d’un ton curieux. « Tu n’es pas aussi lente d’habitude. »

Kerry la poussa dans les côtes. « C’est TOI qui m’as pourchassée sur ce truc le premier jour et qui voulait me porter sur ton épaule parce que tu avais peur qu’il coule. Et maintenant tu veux naviguer là-dessus ? »

Elle avait fait ça ? Dar fronça les sourcils puis plissa le front. Ben oui. « Et ben, ils ont eu du temps pour enfoncer du truc à la con dans les trous. » Elle fit une pause. « En plus, ils ne vont pas si loin. »

Elles commencèrent à descendre en même temps. « Toute l’équipe ? » Demanda Kerry.

« Ouaip. » Dar hocha à nouveau la tête. « Mais le prix à payer c’est que je fasse venir les types de la restauration pour nourrir l’équipage. » Elle sortit son téléphone. « J’espère qu’ils sont prêts pour ça. »

« L’équipage ? »

« Le service de restauration. » Dar tapa un numéro. « Dis à nos hommes d’être prêts à monter tout ce qui est en vue sur ce navire. Qu’ils les mettent dans la réserve et on s’en occupera plus tard. »

« Hm. » Kerry glissa sur quelques pas pour rester au niveau des foulées puissantes de Dar. « Tu penses que ton père voudra venir ? Je pense qu’il peut porter plusieurs ordis dans chaque main. »

« Il se pourrait qu’il soit déjà parti. »

Elles arrivèrent au bas des marches et entrèrent dans la réserve, s’arrêtant en voyant Andrew assis sur une caisse et qui la cognait de ses talons. « Je pense que non », dit Dar. « Salut, Pa. »

« Salut, Dardar. » Andrew l’accueillit avec amabilité. « Qu’est-ce que vous faites ? »

« Salut, Pa. » Kerry alla droit vers lui et mit les mains sur ses genoux. « Devine quoi ? »

« Ben. » Andy réfléchit. « Je présume que ce navire se prépare à partir », dit-il. « Je les ai entendu balancer les câbles. » Il montra de son pouce par-dessus son épaule. « Je pensais qu’ils restaient jusqu’à vendredi. »

« On les fait partir pour vérifier la fuite d’huile », expliqua Dar.

« Ah. » Son père hocha la tête. « J’me disais bien. »

« C’était aussi l’idée de maman ? »

Andrew se gratta la mâchoire et eut un regard légèrement penaud pour sa fille. « J’crois pas qu’elle ait à voir avec ça cette fois-ci », dit-il. « Alors vous rentrez à la maison ? »

« Nan. » Kerry sourit. « On part sur le navire. »

Andrew la fixa puis regarda Dar qui s’appuyait à la cloison. « Vous m’faites marcher. »

Dar secoua la tête. « Non. On est en retard sur les autres. C’était le seul moyen de rattraper. On part tous. » Elle regarda son père. « Tu veux venir avec nous ? »

« Bon sang que oui », ricana Andrew. « Si tu penses que je vais vous laisser vous débrouiller avec ces caisses, vous avez perdu l’esprit, gamines. »

Kerry se pencha en avant et l’embrassa sur la joue. « Tu es tellement gentil. » Elle sourit puis se dirigea vers la passerelle. « Je vais prévenir les gars, Dar. Je suis contente qu’ils aient tous apporté du change aujourd’hui. »

Le téléphone de Dar sonna et elle répondit. « Steven ? » Elle écouta. « Ouais, c’est Dar Roberts. Ecoutez, j’ai un très gros boulot pour vous. Je paye un max mais il faut que ce soit fait en moins d’une heure. » Elle écouta à nouveau. « Je suis cinglée mais je le veux de toutes façons. »

Andrew prit son téléphone à son tour et l’étudia, puis il choisit une séquence de numéros avec une précision étudiée.

« D’accord, voilà de quoi il s’agit », dit Dar. « J’ai besoin d’un dîner de classe A, le personnel, de l’alcool, le tout pour deux cent cinquante personnes, livré au quai. »

« Cec ? » Andy parla au téléphone. « Tu vas pas le croire. »

« Steven, ne me livrez pas de conneries. Soit vous pouvez le faire soit je trouve quelqu’un qui peut. » Dar était parfaitement consciente du fait qu’elle ne pourrait pas trouver un service de repas en moins d’une heure et elle savait que leur type régulier le savait aussi. « Bon sang, je vais appeler un traiteur si vous ne pouvez pas. Il est tout près et je parie que leur personnel est plus mignon que le vôtre. »

« Ouaip, je le suis… » Andrew écoutait à demi Dar. « Y a pas moyen… hein ? »

« D’accord. » Dar se sentit soulagée. « Ne lésinez pas, Steve. Certains de ces gars ont vécu avec des rations pendant trois semaines. Ils le méritent. »

« Cec… »

« M’en parlez pas. J’ai botté les fesses de l’horloge toute la semaine », discuta Dar. « Ecoutez… »

« Bon, tu restes en ligne une minute, madame ! » Andrew semblait agacé. « Je ne… »

« Bar à volonté. Pas cette piquette que vous avez apportée au bureau. »

« Céci, tu peux pas juste venir ici. »

« Le mien ? Je ne… attendez… ouais, assurez-vous que vous avez de la bière Corona et une caisse de citrons verts. On est d’accord ? »

« Oui, madame, je serai là. » Andrew soupira et referma son téléphone.

« Merci. » Dar referma son téléphone en même temps que son père. Ils se regardèrent. « Ça va être le bazar. On va finir avec des Kentucky Fried Chicken et un tonneau de Budweiser. »

« Ta maman vient par ici », dit Andrew. « Alors j’espère que le poulet arrive avec ces petits cartons de coleslaw ou elle va mourir de faim. »

Dar rit d’un air las, boitant jusqu’à la caisse pour venir s’asseoir près de son père. « Je me demande quand l’ours va venir danser. » Kerry pouvait tout à fait gérer les troupes, se raisonna-t-elle. Pas besoin qu’elle remue les ennuis toutes les deux.

Andrew rit doucement. « Tu penses que tout va être installé d'ici ce soir ? »

Dar soupira. « Et bien, on ira plus loin que si on n’avait pas essayé », admit-elle. « Il y a encore bien trop de travail que c’est difficile de dire jusqu’où on va aller mais…hé. Fallait essayer. »

« Sans équivoque », acquiesça son père. (NdlT : en fait là il y a une allusion intraduisible en l’état sur le mot « straight »)

« Parle pour toi », répondit Dar pince-sans-rire.

Andrew la regarda puis il ricana de nouveau. « Comment va ce pied ? » Il poussa le mollet de Dar.

« Eh. » Dar regarda son extrémité enchâssée dans une basket. « Je pense que ça s’arrange. Ça fait moins mal. » Elle regarda par la porte de la passerelle ouverte d’où elle pouvait voir un groupe de gens et de caisses qui venaient dans leur direction à grandes enjambées. « Mais tu croirais pas les histoires tordues que ces gens ont inventées pour dire comment ça s’est passé. »

« Ah oui ? »

« Mm. » Dar secoua la tête. « J’ai dit à une personne que j’ai été mordue par un poisson qui fonçait après un frisbee dans le chalet et c’est devenu que j’ai sauvé Kerry d’un requin. »

Andrew se mit à rire. « Téléphone arabe. Ça fait toujours ça. »

« Seigneur. »

Kerry monta vers la passerelle en courant et arriva dans la réserve. « D’accord, tout le monde a le programme. », annonça-t-elle. « Et tu le croiras pas, Dar ? Ils sont tous excités comme des gamins. » Elle vint vers eux. « Je leur ai dit qu’ils allaient travailler toute la nuit et partir sur cette baignoire et c’était comme si je leur annonçais des bonus de fin d’année. » Elle posa les mains sur les cuisses de Dar. « C’est bizarre. »

« Pour eux c’est une aventure », dit Dar en souriant.

« Pour nous aussi c’est une aventure », répliqua Kerry. « Dar, tu sais la somme de travail qui nous attend ce soir ? »

Dar hocha la tête. « Je sais. » Elle enserra la taille de Kerry de son bras gauche.

« J’peux aider », proposa Andrew. « J’ai pris des bouquins sur tous ces trucs que vous avez apportés. »

« Sur notre équipement ? » Demanda Kerry.

« Ouaip. »

« Et tu les as lus ?? » Dar regarda son père. « Seigneur, papa… six pages et je m’endors avec ces satanés trucs. »

Andrew remua sa main et réussit à faire un sourire en coin.

« Et bien, c’est probablement plus d’expérience que certaines gens qu’on a embauchées. » Kerry se dirigea vers la passerelle alors que le premier chargement commençait à monter. « Allez les gars… on ne veut pas que le navire parte sans nous, pas vrai ? »

« Vrai. » Un chœur de voix lui répondit.

Dar se rassit et regarda la ligne de gens et de caisses qui commençaient à affluer sur le navire. Les regards allèrent dans sa direction et elle vit des sourires hésitants apparaitre avant que les techniciens ne posent leurs boites près de la cloison du fond et repartent pour le chargement suivant. « Vous êtes prêts pour ça, les gars ? » Demanda-t-elle.

« J’te veux, madame », répondit Carlos avec un grand sourire. « Ça va être cool. »

Oh oui. Dar sourit à son tour presque inconsciemment. Cool. Ça allait être un foutoir. Ça allait être ennuyeux, agaçant et frustrant…

« J’crois bien qu’ce gars a raison », commenta son père. « J’adore réparer ce genre de foutoir. »

Et très possiblement son angle de succès. « Comme tu dis. » Dar se leva et rassembla son énergie. « Allons faire ce truc. » Elle marcha jusqu’au bord de la passerelle et regarda, penchant la tête pour observer le navire dont Télégénics s’occupait.

Elle repéra Michelle et Shari sur le quai, qui parlaient avec Quest. Shari bougeait beaucoup les bras et même de sa position, Dar pouvait sentir la nature enflammée de la discussion.

Est-ce qu’ils remarqueraient le flot régulier de matériel qui venait vers son navire ? Dar se mit à descendre la passerelle. « Je reviens », cria-t-elle par-dessus son épaule.

« Où tu vas ? » Cria Kerry.

« Mettre le bazar », répondit Dar, sautant à bas de la rampe pour se diriger vers le quai. « Garde-moi ma caisse au chaud ! »

« Oh oh. » Kerry pianota contre la plaque d’acier rouillée. Prise entre deux feux, elle se tourna à demi quand l’un des techniciens l’appela, lui posant une question. Elle le fixa puis leva un doigt. « Garde ça en tête. »

« Madame ? » Demanda le technicien, regardant sa cheffe disparaître le long de la rampe à grandes foulées. « Hé… où elle va ? »

« Là où est sa place. » Andrew se leva et alla vers lui. « Tiens, mets ça ici et cette autre caisse de biais, fiston. Pas moyen que ça tienne autrement. »

« Heu… »

Andrew haussa un sourcil « Tu vas pas m’énerver, non ? »

« Non, monsieur. » Le technicien se dépêcha de faire ce qu’on lui disait. 

« Pas d’équivoque. » Andrew s’appuya contre la cloison avec une expression satisfaite.

**********************************************

« Dar ! » Kerry descendit tant bien que mal de la passerelle alors qu’un autre groupe de techniciens l’atteignait. Elle leur montra le haut puis courut après la grande femme brune, la rattrapant en quelques foulées sur le trottoir. « Hé. »

« Hé », répondit Dar. « Je pensais t’avoir dit de me garder ma caisse au chaud. »

« Tu pensais sérieusement que j’allais rester là-bas ? » Demanda Kerry d’un ton incrédule.

« Pas vraiment, non », admit Dar.

« Alors c’est bon. » Kerry s’installa près d’elle et elles marchèrent le long du quai vers leurs anciens ennemis. Elle avait commencé à mettre Quest dans cette catégorie ces derniers temps et vu le regard noir qu’il leur lança alors qu’elles approchaient, elle soupçonnait qu’elle avait fichtrement raison. « B’soir », les salua-t-elle cordialement.

« Ms Stuart », répondit Quest d’un ton bref.

Dar les contourna et s’arrêta sur leur gauche, les forçant à se retourner pour la maintenir en vue. » Un autre défi que vous nous lancez, M. Quest ? » Demanda-t-elle. « A ce rythme je m’attends à voir débarquer la brigade anti-mines. »

Etonnamment, Michelle s’invita d’une voix flûtée. « C’est exactement ce que je disais. Vous ne pouvez pas continuer à changer les règles et nous le faire payer. »

« Tout à fait », dit Shari.

« Ce ne sont pas mes règles ! » Quest leva les mains. « Je ne peux rien contre ces foutus agents du gouvernement ! Je vous l’ai dit. »

« Alors, qu’est-ce qu’on est censées faire ? » Demanda Shari, montrant Dar et Kerry autant que Michelle et elle. « Vous vous mettez dans les ennuis avec le gouvernement et c’est nous qui payons ? Au diable que non. »

Dar et Kerry échangèrent un regard plutôt intrigué.

Derrière eux tous, les techniciens avaient commencé à transporter des caisses en carton d’écrans, de terminaux et des boites des divers équipements requis par les ordinateurs.

« Ah… c’est vrai. » Kerry prit la parole. « M. Quest, on ne peut pas vraiment s’attendre à être pénalisés à cause de tous ces facteurs externes. Ce n’est pas juste. »

« Exact », approuva Michelle.

N’ayant rien à ajouter à la conversation, Dar décida de simplement croiser les bras sur sa poitrine et d’écouter.

« Et bien, je ne peux pas non plus être tenu pour responsable », argumenta Quest. « Un marché est un marché. Vous voulez les contrats ? Alors remplissez votre part du marché. »

Il se retourna et partit, se dirigeant vers le portail dans la palissade qui l’amènerait hors de la zone des quais. Derrière les barbelés, trois hommes attendaient et tandis que Dar les regardait, l’un d’eux se retourna et déclencha presque un sentiment de familiarité chez elle.

« Bon », dit Michelle en soupirant. « Autant pour ça. » Elle regarda Dar et Kerry. « Pas que cela vous aurait aidées quoi qu’il en soit. Pas de chance, hein ? »

Dar haussa une épaule. « Ça arrive. »

Shari la regarda. « C’est quoi ton médoc aujourd’hui ? »

Kerry se sentit frémir et elle se demanda si la réaction était visible. Est-ce que ses cheveux se soulevaient comme les poils d’un chat, peut-être ? Michelle s’écarta d’elle alors quelque chose devait se voir.

« Médocs ? » Demanda Dar. « De la tétracycline, pourquoi ? » Elle décroisa ses bras et mit les mains dans ses poches. Curieusement, le sarcasme de Shari ne la dérangeait même pas.

« Parce que pour quelqu’un qui va perdre lourdement, tu es trop foutument détendue », dit Shari brusquement. « Tu abandonnes déjà ? Tu fais semblant, Dar ? »

Du coin de l’œil, Dar regarda Mark conduire un groupe de six techniciens hors du terminal, conduisant un énorme camion à plateau rempli de matériel. « Ouais, peut-être », dit-elle d’une voix trainante. « On peut pas lutter sans arrêt contre le destin, pas vrai ? »

Kerry lui tapota le bras en réconfort.

« Et bien. « Michelle se passa une main dans les cheveux. « Ce n’est pas comme si on pouvait ajouter quelque chose à ce moment non plus. Je ne peux pas croire qu’ils nous font arrêter de travailler. Ce n’est pas juste. »

Shari ricana. « Au moins on sait qu’aucun d’entre nous n’aura d’avantage. » Elle regarda fixement Dar.

Dar produisit un de ses meilleurs sourires innocents, tandis que le reste de l’équipement passait derrière leur dos pour monter la passerelle ? « Nan. »

« Ça ne t’inquiète pas ? » Persista Shari. « De ne pas avoir d’angle ? »

Michelle prit Shari par le bras et se contenta de se retourner et de commencer à marcher. « Viens. Je ne vais pas écouter cette merde à nouveau. » Elle semblait en colère. « J’en ai déjà bien assez. »

« Hé ! » Protesta Shari en tirant sur sa main.

« Soit tu viens avec moi soit tu restes ici et tu te comportes comme une bécasse, de nouveau. » Michelle se retourna et lui cracha les mots. « Choisis. » Elle relâcha le bras de Shari et reprit son chemin vers le portail.

Shari la regarda puis elle se retourna et regarda Dar et Kerry.

Dar n’était pas quelqu’un à ne pas profiter d’un avantage donné, elle mit le bras sur les épaules de Kerry et l’embrassa sur la tête. Elle fit un clin d’œil à Shari et sourit.

Sans un mot, Shari se retourna et suivit Michelle.

« Mm. » Kerry grogna d’aise. « Sympa. »

« Ouais. » Dar les fit se retourner toutes les deux et pointa du doigt. « Joli timing. Je ne pense pas qu’elles aient remarqué qu’on embarquait la moitié de notre inventaire de Computers R Us. »

« Je me fichais complètement de cette partie. » Kerry mit un bras autour de la taille de Dar et l’étreignit.

Intriguée mais pas mécontente, Dar lui rendit l’étreinte. « Tu veux qu’on aille chercher nos sacs ? » Demanda-t-elle. « On ferait aussi bien d’embarquer et de s’assurer que tout va au bon endroit. »

« Bien sûr. » Kerry la relâcha et lui tapota le côté. « Je vais demander à la sécurité de libérer le passage pour le traiteur aussi. Je parie qu’ils vont arriver en faisant crisser les pneus. »

« Sûr que tu as raison. » Dar leva la main et fit un signe tandis que Kerry se dirigeait vers le terminal. Elle regarda affectueusement sa compagne marcher de son pas chaloupé et déterminé, puis elle retourna à la passerelle d’embarquement et monta, notant que l’angle avait un peu augmenté tandis que la marée montait.

Le soleil était sorti aussi et il se préparait à leur offrir un coucher plutôt photogénique. Dar le regarda avec bienveillance tandis qu’elle entrait dans la réserve pour voir son père organiser les troupes. Autour d’eux, l’équipage du navire vaquait à ses tâches, lançant des regards sceptiques aux techniciens, tout en restant hors de leur chemin tandis qu’ils évitaient les écoutilles et préparaient le navire pour gagner l’océan.

Dar connaissait ces sons. Elle avait navigué une ou deux fois sur les navires d’Andy, des aventures illicites où l’équipage la cachait quand ils sortaient pour une croisière d’une journée, ou quand le navire se positionnait d’un quai à l’autre. L’odeur de gasoil était la même et les bruits des portes en métal qu’on faisait rouler pour les fermer et les verrouiller étaient les mêmes.

Elle se demanda si son père éprouvait de la nostalgie.

« Hé. Toi là. » Andy éleva soudain la voix. « Sors cette caisse de devant cette sortie, fils. Les portes vont se fermer et les aplatir comme des crêpes. »

« Oui, monsieur. » Le technicien concerné commença à tirer la caisse hors du chemin. « Désolé, je pensais que c’était un espace libre ici. »

« Y a pas d’espace libre sur un navire », dit Andy. « Chaque petit pouce a son propriétaire. »

Dar s’avança et le rejoignit, regardant la rangée de caisses contre la paroi du fond. « Il y a beaucoup de choses. »

« Si c’est pas la vérité », acquiesça son père. « Tu sais, je me rappelle le temps où le truc le plus technologique sur ces navires, c’était une fontaine à eau. » Il s’en souvint. « Et c’était un miracle de six jours quand ils en mettaient une. »

« Je me souviens », se rappela Dar avec surprise. « Je t’avais apporté un sac de chemises de la part de maman ce jour-là. Je me souviens m’être demandée pourquoi tout le monde fixait cette foutue fontaine comme si c’était un téléviseur. »

Andrew se mit à rire. « Parce que laper ça depuis l’évier n’était pas la joie, Dardar », lui rappela-t-il. « Tout le monde n’aimait pas boire un coup avec le tuyau comme tu l’as fait. »

Dar se lécha les lèvres en souvenir et eut un sourire. « Je t’ai déjà raconté la première fois que Kerry a bu depuis un tuyau ? »

« Hé. » Andrew jeta un coup d’œil à la réserve bondée du navire. « Tu sais quoi, Dar ? »

« Quoi ? »

« C’est bien mieux d’être le skipper du foutu navire », dit-il. « Je referais pas ça si on me payait tout l’argent de la Navy. »

« Hm. » Dar se souvint de ces marins solides qui toléraient les endroits étroits et partageaient leurs barres de céréales avec la gamine débraillée qu’elle était. « Je suis foutument contente pour toi de ne plus avoir à le faire. »

Andrew la regarda. Puis il rit. « C’est fichtrement bien que tu te sois occupée de ces ordinateurs, n’est-ce pas ? Ou bien on aurait tous des biscuits et du beurre de cacahuètes en ragoût ici à Pilotis-ville. » Il lui tapota l’épaule. « Tu as tout ce qu’il te faut ? »

Dar hocha la tête.

« T’as un pyjama ? »

« On n’en porte pas », répondit Dar d’un air absent, puis elle lança un regard à son père tandis que le silence durait. « Hé, c’est toi qui as demandé. »

Andrew pointa les techniciens. « T’as des pilules pour ces gars-là ? »

Dar les regarda. « Papa, on va juste en mer. »

Andrew haussa ses sourcils grisonnants.

« Je vais en chercher. » Dar soupira et se dirigea vers la passerelle. « Ce serait idiot de gâcher du bon rosbif. »

********************************************

Kerry devait admettre qu’elle se sentait un peu excitée. Elle se tenait à l’extérieur du terminal et elle vérifia sa montre tout en faisant des petits sauts d’un pied à l’autre en attendant le service traiteur. On était près du moment où ils étaient censés partir et elle ne voulait manquer ni le navire ni le dîner. « Allez… allez… »

De l’endroit où elle se trouvait, elle pouvait voir le pont qui connectait le port au reste de Miami. A cette heure de la nuit, à cette époque de l’année, c’était probablement la seule route importante dans le coin qui soit dénuée de trafic. Mais cela aidait à l’état mental de Kerry parce qu’elle savait qu’elle verrait le grand camion du traiteur avant qu’il ne se trouve à proximité du terminal.

Si elle regardait derrière elle, elle pouvait maintenant voir le navire qui s’éclairait. Dar avait leurs sacs à l’intérieur et elle avait entendu dire qu’on allait leur assigner des cabines. De ce qu’elle avait en mémoire des dernières semaines, Kerry était plutôt sûre de préférer dormir sur le pont. L’odeur d’humidité et l’intérieur miteux ne lui avaient pas paru attrayants à tout le moins mais elle appréciait l’effort du navire pour ce qui était de l’hospitalité.

Ah. Son regard saisit un camion blanc qui montait la côte et se dirigeait vers elle. Malheureusement, sa vision périphérique lui montrait aussi Michelle Graver qui approchait avec l’intention évidente de lui parler. « Pets de cochons. » Elle composa son expression et se tourna à demi en lançant un regard interrogateur à la femme qui arrivait. « Rebonjour. »

« Salut. » Michelle monta les deux marches basses vers le palier où se tenait Kerry et s’approcha d’elle. « Ecoutez, on peut parler ? »

Kerry regarda le camion du coin de l’œil. « Euh… oui… nous étions sur le point de tout ranger ici mais… » Elle prit une inspiration. « J’ai une minute. »

Michelle lui fit face. « Ecoutez, vous êtes fichues. »

Le camion se gara pile en face de l’endroit où elles se tenaient et les portières s’ouvrirent brusquement, laissant deux hommes en sueur sauter à bas et aller à l’arrière. « Qu’est-ce que vous voulez dire ? » Demanda Kerry en se penchant légèrement de façon que Michelle doive complètement tourner le dos au camion pour lui parler.

« Allons, Kerry. Vous n’êtes pas stupide. Vous aviez un jour de retard et maintenant avec ceci… il n’y a aucune garantie de quand ils laisseront les navires revenir au port », dit Michelle.

Kerry regarda ce qui semblait être une équipe de football au complet se déverser du camion, tirant des chariots et un tas d’autres choses derrière eux. « Et ? » Elle pencha légèrement la tête. « Pardon Michelle, mais vous ne devriez pas boire une bière pour fêter ça ? Pourquoi venir m’en parler ? »

Michelle soupira. « Ecoutez. » Elle se passa les doigts dans les cheveux. « Aucun des autres soumissionnaires ne sont vos amis. »

« Ah… et vous si ? » Kerry haussa ses deux sourcils blonds.

« Non. Mais eux non plus. Vous ne tirerez rien d’eux si vous avez le contrat », dit Michelle. « D’un autre côté, si nous l’avons et que vous nous aidez à l’avoir, peut-être que vous en tirerez quelque chose. »

Le vent soufflait heureusement dans le bon sens. Il portait les bruits des hommes du traiteur qui s’installaient et les laissait toutes les deux dans un vide sonore. C’était probablement une bonne chose si on considérait que Kerry avait l’impression que son sens moral outragé feulait de tous ses poumons imaginaires.

« Qu’est-ce que vous proposez exactement ? » Demanda Kerry prudemment.

« Ceci n’a pas besoin d’être une perte pour vous », dit sa rivale. « Vous savez que vous ne pouvez pas gagner l’appel d’offres, bon sang, je parie que vous ne pourrez même pas mettre tous vos systèmes en marche d’ici vendredi. Ce n’est pas votre faute. »

« Michelle, s’il vous plait venez-en au fait. » Kerry repéra une ligne de traiteurs en sueur qui se dirigeaient vers elle, en poussant des chariots de provisions. « Qu’est-ce que vous attendez de moi exactement ? »

« Rejoignez-nous », dit Michelle. « Vous et Dar et votre équipe. Aidez-nous à gagner le contrat et nous passerons un marché avec vous. Il y a assez de travail sur ce compte pour nous deux. »

Kerry regarda vers les navires puis Michelle. « De la part de ce type ? Allons Michelle. Nous savons toutes les deux qu’il y a un loup dans tout ce truc. »

« Pas de lui. » Michelle s’approcha. « Du reste de l’industrie. Nous savons toutes les deux qui nous observe. »

Ah. Kerry recula de quelques pas et saisit la poignée de porte, l’ouvrit tandis que les premiers chariots cliquetaient sur la montée pour handicapés. Elle se tourna à demi pour regarder Michelle à nouveau. « Vous êtes sérieuse ? »

Encouragée, Michelle se rapprocha d’elle, lançant un regard bref aux chariots. « Aussi sérieuse qu’une crise cardiaque. Vous avez fait vos preuves. Vous êtes une adversaire coriace, tout le monde le sait, ils l’ont même filmé. Et en plus, j’ai vérifié le colis et il a été livré par un camionneur écervelé. Alors merci. »

« Attention. » Kerry avertit un homme qui courait. « Par-là, oui. Par cette porte. » Elle montra l’arrière du terminal.

« Qu’est-ce que vous en dites, Kerry ? » Demanda Michelle.

« Oups. » Kerry tendit une main et retint une des femmes qui lui fit un bref signe de tête de remerciement. « Je vais en parler à Dar », répondit-elle finalement à Michelle. « Je lui dirai ce que vous avez dit et nous verrons ce qu’elle en pense. »

« Vous ne pouvez pas décider seule ? » Michelle faillit en rire. « C’est marrant, je ne vous avais pas cataloguée comme la fille du bas. »

Kerry plissa le front un instant. « Dar est ma cheffe », dit-elle. « C’est sa décision, Michelle. Vous vous rendez compte qu’un CIO est au-dessus d’un VP, n’est-ce pas ? »

Michelle se contenta de secouer la tête.

« Bref, j’ai des choses à faire alors je vous souhaite une bonne nuit. » Kerry se prépara à suivre la cavalcade de chariots du traiteur. « Savourez votre congé. »

Michelle alla à la porte. « C’est quoi tout ce truc avec la nourriture ? » Demanda-t-elle vu que Kerry semblait ne pas du tout apprécier ses remarques.

« Dar a faim. » Kerry haussa les épaules et sourit. « Il faut que j’y aille. » Elle ferma la porte et la verrouilla puis elle remua les doigts vers Michelle avant de se retourner et de se diriger vers la porte du fond.

Et bien, elle parlerait à Dar et elle lui dirait ce que Michelle lui avait dit. Et ensuite, probablement, elles riraient bien et partageraient peut-être une bière.

D’accord, peut-être pas une seule. Kerry aimait sa bière et si elle ne se trompait pas, le dernier gros chariot qu’ils avaient apporté avait un tintement distinctif de bouteilles. Elle vérifia rapidement son bureau et le trouva vide. Elle verrouilla la porte et alla à l’arrière, où elle pouvait maintenant voir les ouvriers des docks qui préparaient le navire pour le libérer de ses amarres. « Oh oh… pas sans moi, non. »

Elle poussa la porte de l’arrière et se dirigea vers la passerelle d’embarquement. Tout en haut elle vit les derniers chariots qui disparaissaient et derrière eux elle repéra Andrew qui faisait le trafic.

Juste au moment où elle se précipitait sur le quai, elle entendit un bruit à la barrière derrière elle. En se retournant, elle vit Céci de l’autre côté du portail fermé. « Hé ! »

« Laisse-moi entrer ! » Cria sa belle-mère.

Kerry se dépêcha et arriva au portail, repérant deux grands gardes de sécurité qui se dirigeaient vers eux. Elle releva rapidement le verrou et ouvrit, laissant Céci entrer tandis que les hommes se mettaient à crier. « Oh oh… »

« Oh, s’il vous plait, j’ai vu plus de choses dangereuses que ces gamins qui nageaient près du bateau ce matin », répliqua Céci un peu rudement. « C’est quoi cette ineptie de vous voir tous partir sur cette chose ? »

Kerry lui prit le bras et se dirigea vers le navire. « On peut en discuter à bord ? Je ne veux pas m’emmêler avec ces types peu importe s’ils n’ont pas l’air dangereux. »

« Hé ! Vous là ! Arrêtez-vous ! » Le garde se mit à courir. « Attendez ! »

Kerry se mit aussi à courir avec Céci juste derrière elle. Il y avait une allée pavée plutôt longue mais elles avaient moins de distance que les gardes et un meilleur angle vers le navire.

« C’est tout à fait comme ça que je voulais que ma soirée commence », cria Céci.

Kerry inspira une longue goulée de l’air humide et se contenta de courir plus vite. Elle pouvait entendre le bruit sourd des pas des gardes qui se rapprochaient d’elles et elle tira Céci par le bras et la poussa vers l’avant, vers le navire. « Vite vite ! »

Elles atteignirent la passerelle et foncèrent dessus tandis qu’Andrew arrivait près de l’ouverture et regardait dehors. « C’est quoi tout ce bruit ? »

« Nous. » Kerry le dépassa tant bien que mal, tirant Céci avec elle. « La police de pacotille nous poursuit. »

« Hé ! » Le garde le plus proche du navire cria. « Stop ! »Il les pointa du doigt. « C’est une intrusion illégale ! Stop ! » Il glissa avant de s’arrêter tandis qu’Andrew détachait la passerelle qui balança. « Hé ! Remettez ça en place ! Attendez ! Je vous avertis ! »

« Tout va bien, relax ! » Andrew déroula une corde pour attacher la passerelle à une caisse qui pendait à côté. Il mit ses doigts entre ses dents et laissa passer un sifflement aigu, et après ça personne ne pouvait plus rien entendre parce que la caisse commença à monter et à soulever la passerelle loin du navire.

« Hé ! » Le garde remua les bras. « Stop ! Stop ! Je vais appeler la police ! ! »

Andrew lui fit un signe aimable puis il recula et libéra l’entrée. « Très bien, les gars.  Allez fermer ce truc. » Il montra l’écoutille.

Céci recula contre la cloison et Kerry la rejoignit, pour rester hors du chemin. « Tu sais quoi ? »

« Quoi ? » Demanda Kerry en essuyant la sueur sur son front. Son cœur battait fort et elle se sentait secouée après la poursuite inattendue, même si elle ne pensait pas vraiment que les gardes représentaient un danger pour elles.

« Je n’ai jamais vu ça de ce côté. »

Les hommes d’équipage obéirent sans surprise, œuvrant sur les roues et les leviers tandis qu’une porte en acier faisant office de contrebalancier bougeait lentement et se mettait rudement en place avec un tremblement grinçant.

Kerry sentit ses oreilles se déboucher, juste un peu. Maintenant que l’extérieur était loin, elle pouvait sentir le gasoil et l’huile encore plus fort et tandis qu’elle regardait l’homme d’équipage murmurer quelque chose dans un vieux téléphone, elle sentit le grondement des moteurs qui se mettaient en route. « Alors… qu’en penses-tu ? »

« Je déteste. » Céci alla vers Andrew et mit la main sur son bras. « Salut matelot. »

Kerry plissa le nez et elle se frotta le front à nouveau. « Ouais, moi aussi. » Elle soupira. « Je vais chercher Dar. » Elle regarda les hommes du traiteur affairés. « Je pense que… attendez. » Elle se retourna et trouva un des hommes d’équipage qui passait près d’elle. « Excusez-moi. »

L’homme la regarda prudemment. « Oui ? »

« Tout ça c’est pour l’équipage. Où peuvent-ils le poser ? Y a-t-il une cuisine près de la salle à manger principale… euh… » Kerry fut perplexe en voyant qu’ils étaient environnés instantanément par l’équipage. « Pour qu’ils puissent le garder au chaud ? »

« Pour nous ? » Demanda l’homme. « Vous blaguez hein ? »

Les hommes d’équipage commencèrent à regarder les plateaux sur le chariot, murmurant entre eux avec une excitation muette.

« Euh… non. » Kerry secoua la tête. « Alors, il y a un endroit ? »

« Bien sûr », dit l’homme. « Venez, on va les emmener à l’ascenseur. » Il fit signe aux gens du traiteur de le suivre. « Taki taki… allons-y. »

« Un ascenseur ? » Demanda Kerry. « On nous a dit qu’il ne fonctionnait pas. »

« Sauf pour l’équipage », expliqua joyeusement l’homme. « Désolé ! » Il partit en emmenant les chariots avec une nuée d’assistants volontaires. « Hé ! C’est de l’alcool ? » Il gratta le plus grand des chariots. « Super ! »

Kerry mit les mains sur ses hanches puis elle regarda Andrew. Le grand ex-marine haussa les épaules et sourit à demi. « Vous savez quoi, c’est pas fichûment drôle », dit-elle. « Des gens à moi ont porté des commutateurs de cinquante kilos dans ces escaliers. »

Andrew cligna des yeux de surprise. L’homme d’équipage se tourna également et la regarda.

« J’ai... » Kerry pointa sa poitrine. « payé pour tout ça. Alors vous pouvez prendre votre règle de ‘sauf l’équipage’ et le fourrer où je pense, mon pote. » Elle montra le marin dont les yeux s’écarquillèrent. « Vous feriez mieux de revoir cette attitude là maintenant ! »

« Hé… hé… relax, d’accord ? Ce n’est pas ma règle ! » Balbutia l’homme en reculant. « Vous pouvez prendre l’ascenseur, d’accord ? Calmez-vous. »

Kerry lui lança un regard noir puis elle saisit un mouvement sur le côté et tourna la tête pour voir Dar qui montait les dernières marches de l’escalier. « Salut. »

Dar traversa la foule, s’attendant à ce qu’elle s’écarte. ? Ce qui fut le cas. « Qu’est-ce qui se passe ? » Demanda-t-elle en lançant un sale regard à tout le monde. « Est-ce que toute la nourriture est là ? »

Un homme du traiteur s’avança vers elle. « Oui, madame », dit l’homme en lui tendant une liste. « Ça n’a pas été facile, Ms Roberts. »

« Ni bon marché. » Dar examina la facture puis la tendit à Kerry. « Pourquoi criais-tu ? »

« Tu savais qu’il y avait un ascenseur ? » Demanda Kerry. « Qui fonctionne ? »

« Non. » Dar regarda le marin le plus proche. « C’est vrai ? »

L’homme hocha la tête.

« Alors montez tout ce truc », leur intima Dar. « Et faites savoir à nos gens où il se trouve pour qu’ils puissent mettre en place le reste de vos nouveaux ordinateurs. »

L’homme hocha à nouveau la tête.

« Filez. » Kerry le poussa. Ils regardèrent l’équipage se disperser et le marin réprimandé montra un double jeu de portes au bout de la réserve. « Seigneur. »

Andrew s’éclaircit la voix. « Je pense pas que c’était voulu. »

« Oh, s’il te plait, Andy. Bien sûr que si. Je vous connais les marins, si vous n’avez pas vingt voyages à votre actif, vous n’êtes pas digne d’être dans la Navy », dit Céci en ricanant. « S’il te plait ! »

Andrew réussit à prendre un air relativement penaud.

« Toi ça va ? » Dar saisit l’occasion de traiter des affaires plus importantes. « Notre cabine est prête. Tu veux la voir ? » Elle lança un regard à ses parents. « Il y a une chambre pour vous aussi. »

« Plus grande qu'un rack d’un mètre carré ? » Demanda ironiquement Céci. « Oh mon cœur, calme-toi. Je pensais qu’on allait camper sur la proue. » Elle montra l’escalier. « Allons regarder ce truc essayer de sortir du chenal. Ça pourrait être aussi amusant que de voir Jerry Springer passer devant le tribunal du Juge Judy. »

Kerry carra les épaules et laissa la tension couler tandis qu’elle suivait Dar vers la porte. Il y aurait le temps, plus tard, elle l’espérait, où elle pourrait s’asseoir et parler à sa compagne de ce que Michelle avait dit. Pour l’instant, la seule pensée de changer de vêtements et de se détendre un peu, était très attirante.

« Tu vas bien ? » Demanda Dar à nouveau en baissant la voix.

Kerry soupira. « Oui. » Elle mit la main sur le dos de Dar. « Je pense que j’ai juste besoin d’une barre de protéines. »

« Et pourquoi pas un sandwich au roastbeef ? »

« Ça le fera. » Kerry sentit le bras de Dar sur ses épaules, apportant un réconfort très bienvenu malgré l’air humide. « En fait, oui, montons sur le pont. Je veux faire un signe. »

« Au port ? » demanda Dar, intriguée.

Kerry se contenta de rire et continua à monter.

****************************************

L’atrium était un bazar total. Dar et Kerry stoppèrent alors qu’elles passaient la porte de l’escalier, observant tout leur groupe qui piétinait pour essayer de distribuer l’équipement informatique avec un peu d’ordre.

Tout le monde transpirait. L’air à l’intérieur s’était mis à bouger lentement et à l’odeur forte de la moisissure musquée et humide, Kerry déduisit que la clim était rallumée après une absence prolongée. Ce qui n’aidait en rien cependant.

Mark les vit et s’avança, son polo taché de sueur et de poussière. « Ouaouh, tu as réussi, hein ? Je vous ai vues courir avec la boustifaille. » Il sourit d’un air las.

« Tu me connais, moi et la boustifaille », reconnut Kerry avec un rire affecté à son tour. « Tout le monde va bien ? »

« Epuisés mais ça va », dit Mark. « On va s’occuper de trier ce truc ensuite chacun va faire une pause et s’effondrer pour une demi-heure environ. John a trainé le frigo de son père en même temps que l’équipement. » Il montra. « Il y a de la glace et des boissons là-dedans. »

« Bonne idée », le complimenta Dar. « J’ai commandé pour soit cinq cents personnes normales soit deux cent cinquante marins et nous », dit-elle. « Ils emmènent tout ça dans les grandes salles à manger. Allons nous préparer, que tout le monde se détende et peut-être prenne une douche, ensuite on dîne. »

Mark hocha la tête. »

« Tout le monde devrait avoir une cabine », intervint Kerry.

« Sauf toi et moi. Nous partageons », lui rappela Dar.

« Beuh. » Kerry lui lança un regard qui disait affectueusement ‘hein’ puis elle retourna son attention vers Mark. « Que tout le monde se rafraîchisse et mange. On peut planifier de commencer après. »

« Bien. » Mark tira sur son polo sale. « Autant pour cette réputation de col bleu qu’ont les informaticiens », fit-il remarquer.

« Ce n’est pas non plus ce qu’on nous racontait pendant mes études. » Kerry prit la main de Dar et elles firent le tour de l’atrium, passant les portes pour se retrouver sur le pont. Une brise les saisit, bienvenue malgré son humidité tandis qu’elles longeaient la rambarde et elles s’arrêtèrent, côte à côte, pour regarder le quai qui s’éloignait lentement.

Le soleil se couchait. Aussi loin de l’autoroute, on ne ressentait pas le remue-ménage frénétique que ça aurait été de rentrer à la maison, et par-dessus le bruit des moteurs elles entendaient les cris des mouettes qui invitaient à les suivre, loin de la terre vers l’océan.

Kerry regarda le quai où le navire de Michelle et Shari bougeait également, se préparant à les suivre le long du chenal. Il y avait un grand groupe de personnes sur le quai et elle se demanda si les gardes qui les avaient pourchassées en faisaient partie.

Est-ce qu’elles auraient des ennuis pour avoir laissé monter Céci ? Kerry se dit qu’elles n’auraient pas plus d’ennuis que le fait qu’elles étaient à bord avec le reste de leurs équipes. « On va avoir un beau soleil couchant. »

« Oui. » Dar s’appuya sur la rambarde après l’avoir secouée avec précautions pour tester sa résistance. « Ah. Voici nos petites copines », dit-elle d’un ton songeur. « Shari et Michelle. En rade comme d’habitude. »

Kerry regarda le chemin pavé. « Fais leur signe, chérie. » Elle leva la main et la remua.

Dar lui lança un regard mais obéit. « Pourquoi ? »

Kerry regarda avec intention et sourit en voyant que Michelle les montrait, attrapant le bras de Shari et la tournant vers le navire. « Salut, petits tas de crottin », fredonna-t-elle. « Hasta la vista, cucarachas. »

Dar ricana. « Ne te retiens pas, Ker. Ça pourrait te donner des hémorroïdes. »

Shari se libéra et courut vers le navire, le montrant et se retournant pour crier au groupe derrière elle. D’aussi loin, tout ce qu’elles pouvaient voir c’était le mouvement et la frustration dans les gestes de la femme.

Dar se redressa pour être sûre d’être reconnaissable. Elle leva un bras et les salua à nouveau, puis elle posa son coude sur l’épaule de Kerry. « Je pense qu’elles sont un peu perturbées, Ker. »

Shari se tourna et vit Quest dans la foule. Elle le montra du doigt puis cria quelque chose, se tourna à nouveau et montra le navire de Dar.

Quest fit un geste de la main puis il tourna le dos à Shari et commença à avancer vers le portail où un groupe s’était rassemblé.

« Je pense qu’elles chient des stalactites, chérie », répondit Kerry. « Michelle vient d’essayer de nous faire abandonner l’appel d’offres pour les aider à le gagner. »

« Quoi ? »

L’équipe de tournage sortit de la foule et se précipita vers Michelle et Shari, Cruickshank en tête. Shari se retourna et la repoussa, puis elle prit une barre de quai en acier et la lança vers le navire qui s’éloignait.

« Mmhm. » Kerry s’appuya sur la rambarde, souriant presque quand elle sentit la main de Dar se poser immédiatement sur son dos, le pouce retenant l’arrière de sa ceinture pour la maintenir. Elle dit qu’on ne peut pas gagner alors pourquoi ne pas les aider et elles nous balanceraient quelques os après ça. »

Dar eut un reniflement.

« Je lui ai dit que je t’en parlerai et qu’on verrait ce que tu en dis », continua Kerry. « Elle m’a accusée d’être la fille du bas. »

Dar se mit à rire et finit par glisser le long de la rambarde pour s’asseoir sur le pont, les mains sur l’estomac tandis qu’elle continuait à rire à gorge déployée. « Bwahahahahahahahh ! »

« Dar lève-toi. » Kerry tira sur sa manche, étouffant un rire de son côté. « Oh, vite… je pense que… regarde ! »

Dar agrippa la rambarde et se releva, se retournant pour regarder le port. Elle pouvait voir Shari se tourner et faire face à Michelle, la montrant avec des mouvements acérés et méchants, la rougeur de son visage visible même de là où elle se trouvait.

« Je me demande ce qui se passe ? » Kerry s’appuya sur la rambarde près d’elle, leurs épaules se touchant.

Dar se contentait de regarder, une expression un peu perplexe sur le visage. « Tu penses que sa tête va exploser ? » Demanda-t-elle.

« Oh, je l’espère bien », répondit Kerry. « Tu savais qu’ils ne sont pas sûrs du moment où ils vont laisser les bateaux rentrer au port ? »

« Vraiment ? » Dit Dar. « Non, je n’ai rien entendu de tel… je pensais qu’ils allaient juste venir… oh, attends. Ils ne pouvaient pas. » Ses pensées changèrent. « L’administration ne travaille pas la nuit. Ils ont besoin de temps le matin. »

« Oui. »

« Alors on les a tous dépassés. » Dar rit. « Fils de… Tout ce que je voulais, c’était rattraper le temps perdu… on pourrait finir par être en tête du jeu. »

« Ouaip. » Kerry posa la tête sur l’épaule de Dar. « Oh… regarde ! » Elle montra quelque chose.

Dar tourna le cou vers l’endroit où les gens qui entouraient Shari convulsèrent soudainement et que le chaos s’ensuivit. « Je pense que sa tête a explosé », observa-t-elle. « Soit ça, soit elle a commencé à agacer ces gardes. Ou Michelle. »

« Mm. Bien. Comme ça ils nous oublient », dit Kerry. « Je pense que je lui dois un merci. »

« Ne va pas trop vite », l’avertit Dar. « Elle est probablement en train de leur dire que nous sommes des terroristes. »

Kerry ricana doucement. « Ce serait bien si elle pouvait s’en prendre à Michelle, non ? Parfois je pense que… tu sais, je pense qu’elle projette sur toi toute la crasse qu’elle a en elle, Dar. »

Dar garda le silence, son regard allant du quai vers le profil de sa compagne.

« Les gens font ça, tu sais », ajouta tranquillement Kerry.

Il y eut un autre long moment de silence et ensuite, Dar bougea, se pencha et embrassa Kerry sur la joue. « Oui ils le font, n’est-ce pas ? »

« Oui », approuva Kerry. « Allons. Montre-moi notre campement pour la nuit. » Elle mêla son bras à celui de Dar mais elles restèrent à regarder le dock s’éloigner et le chaos avec lui. « On n’a pas à faire ça sur notre bateau », fit-elle observer, emmenant la conversation un peu en aval.

« Non, je dois piloter, cela demande de regarder vers l’avant », acquiesça Dar. « J’adorerais regarder le soleil se coucher avec toi quand nous sortons mais nous écraser dans des yachts d’un milliard de dollars ruinerait ma journée. »

« Mmm… c’est vrai. Mais c’est plutôt sympa. » Kerry sourit. « La vue, je veux dire. »

Dar absorba le soleil rougissant tout en regardant la lueur faire ressortir les bâtiments à l’horizon. « En quelque sorte. »

Kerry regarda l’eau agitée en bas, maintenant d’une couleur de soupe au pois effrayante due aux moteurs. « Beuh. » Elle regarda le quai, repérant un groupe d’hommes qui portaient des coupe-vent sombres identiques et se dirigeaient vers le bord avec des gens en civil qui portaient ce qui ressemblait à de l’équipement. « Ce sont les gens du gouvernement ? »

« Je le pense. »

« Est-ce que Maman les a vraiment appelés ? » Demanda Kerry.

« Oui oui. » Dar se retourna et fit signe vers la porte. « Nous pouvons probablement voir le reste du coucher de soleil depuis notre cabine. »

« Nous avons une fenêtre ? » Kerry était surprise. « Je veux dire un hublot ? »

Dar sourit. « Viens. »

« Cool. » Kerry la suivit volontiers à l’intérieur pour traverser l’atrium vers l’escalier. « Je suis encore agacée par cette histoire d’ascenseurs. »

« Je sais. Viens. » Dar commença à monter. « Vois ça comme ça… au moins on en a tiré de l’entraînement. »

« Hm. » Kerry jeta un coup d’œil derrière elle, satisfaite des progrès que l’équipe avait apparemment faits dans l’organisation. « Je n’ai jamais dit combien je déteste le step ? »

Dar rit et continua à grimper.

************************************************

Le téléphone de Dar sonna alors qu’elles ouvraient la porte de la cabine qu’on leur avait assignée. Elle se mit de côté pour laisser Kerry entrer et répondit. « Oui ? »

« Ms Roberts ? »

Ah, le Hérald. « Oui ? » Dit Dar d’une voix traînante. « Que puis-je pour vous ? »

« Vous êtes sur le navire. » La journaliste faillit se mettre à rire. « N’est-ce pas ? »

« C’est ça », confirma Dar en entrant dans la cabine avant de refermer la porte derrière elle. « Avec notre équipe, notre matériel et on a bien avancé. Je suis plutôt satisfaite d’un point de vue professionnel. » Elle sourit. « Autre chose ? »

« Beaucoup de gens sont fichûment en rogne contre vous », dit la journaliste. « Ils disent des trucs tordus sur vous. »

« Des trucs tordus ? » Dar plissa le front. « Qu’est-ce qu’il y a de tordu à ce sujet ? J’ai négocié avec le capitaine du navire et j’ai eu ce que je voulais. Ce n’est pas de ma faute s’ils n’ont rien eu. »

« Quest leur a dit qu’ils ne pouvaient pas ! »

Dar se mit à rire. « Je ne lui ai jamais demandé si je pouvais. »

Un autre rire. « Bon sang, vous auriez dû me prendre avec vous », répliqua la journaliste. « Quel sujet. On se voit à votre retour. »

Dar ferma le téléphone et se tint près de la porte, regardant Kerry explorer leur cabine.

C’était assurément vieux. L’endroit semblait être un hôtel patricien, bien qu’ancien et plutôt usé. Les tissus étaient passés, le sol taché d’eau avait besoin de remise à neuf, et les cloisons portaient du papier peint qui se détachait en détritus dans la pièce.

Et pourtant, cela avait un charme canaille. Il y avait un lit de taille raisonnable avec des draps propres et râpés ainsi qu’une zone avec deux chaises et une table basse.

Une salle de bains étroite se trouvait près de la porte mais près du fond, il y avait des panneaux en verre glissants qui menaient à ce que Dar considérait être ce qui sauvait le tout. Un balcon avec une vue vers de larges espaces ouverts et la promesse d’un air remuant si pas autre chose.

Kerry l’avait découvert et elle ouvrit les portes, passant la tête dehors avec un grognement d’approbation. Elle revint à l’intérieur et fit face à Dar. « Ce n’est pas aussi mauvais que je le pensais », admit-elle. « Je pensais qu’on devrait peut-être dormir sur le sol et je n’avais pas hâte d’y être. »

« Moi non plus. » Dar s’assit sur le lit et tapota près d’elle. Kerry s’approcha et s’assit volontairement et elles restèrent ainsi un moment, absorbant le grondement des moteurs du navire et le mouvement qui était différent de celui de leur bateau.

« Le navire bouge », nota Kerry.

« Oui », ajouta Dar.

La brise marine entra par les portes du balcon et rafraîchit l’air vicié à l’intérieur. Kerry s’allongea sur le dos dans le lit et mit les mains sur les côtés. C’était bon d’être tranquille un moment après la longue journée et malgré le fait que la nuit promettait d’être encore plus longue, elle était contente d’être là. « On va le faire, Dar. »

Dar s’allongea près d’elle et plia les mains sur son estomac. « On va le faire », confirma-t-elle. « Que la mer soit basse ou haute, on va le faire. »

« On va raconter des histoires là-dessus au bureau pour les vingt années qui viennent, tu t’en rends compte. » Kerry croisa les chevilles, notant les taches humides sur le plafond.

« Ouais. » Dar la regarda. « Et en parlant de ça, tu as entendu la dernière sur moi ? »

Kerry plissa ses yeux verts et tourna la tête vers Dar. « Non. Quoi ? » Grogna-t-elle. « Je te dis, Dar, un de ces jours, je vais attraper un de ceux qui diffusent toute cette merde et je… »

Dar mit la main sur la bouche de Kerry. « Je t’ai sauvé la vie face à un requin mangeur de jolies blondes. »

« Murph ? » Kerry eut l’air vraiment surpris.

« Oui. » Dar retira sa main. « Alors, maintenant… je me demande, Kerrison… vu que je n’ai dit qu’à Mariana ce qui s’est passé et je lui ai dit la vérité, le frisbee et tout ça… comment ils ont pu avoir cette idée au bureau. » Elle roula et mit la tête sur une main, en regardant Kerry d’un air inquisiteur.

Après avoir brièvement mordillé l’intérieur de sa lèvre, Kerry traça doucement les contours de la mâchoire de Dar du bout du doigt. « Je n’ai rien dit à propos d’un requin. »

Le regard bleu étincela et cela donna une douceur distinctive à l’expression de Dar. « Canaille. »

Kerry sourit d’un air espiègle. « Hé, qui est la mieux placée pour raconter des histoires sur toi que moi ? » Dit-elle. « Elle pinça le nez de Dar. « Ce n’est pas agréable d’entendre des choses agréables pour changer ? »

Dar sourit. « Oui », dit-elle. « Ça m’a fichtrement choquée mais oui, c’était agréable. Même si c’était un mensonge de première. »

« Eeet bien. » Kerry remua la main. « Ça aurait pu être vrai. » Elle passa ses doigts dans les cheveux de Dar. « Est-ce que cette mini-salle de bains a une douche ? »

« Oui oui. »

« Assez grande pour nous deux ? »

« Non. »

« Tu veux quand même essayer ? »

Dar tendit la main et attira Kerry dans une étreinte, roulant pour qu’elles finissent en tas au milieu du lit. « J’adorerais. » Elle embrassa Kerry sur les lèvres, goûtant le sel de l’océan. « Tu sais quoi d’autre nous ne ferons jamais pendant le voyage ? »

Kerry gloussa, un son profond et riche depuis ses tripes qui dégageait de la sensualité. Puis elle resta silencieuse pensivement. « Quelle est l’épaisseur de ces cloisons ? »

Dar l’embrassa à nouveau. « Je m’en fiche. » Elle passa la main sous la chemise de Kerry et lui prit le sein. « Au moins ça les empêchera de penser aux requins. »

Trop vrai. Kerry se rendit à la passion attrayante, la tension en elle changeant pour prendre une place bien plus plaisante. Le côté délabré de la pièce n’eut plus d’importance tandis qu’elle se concentrait plutôt sur la douceur chaude de la peau de Dar et le doux toucher qui glissait sur son corps.

Alors peu importe si elles devaient travailler toute la nuit si la nuit commençait comme ça ? »

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A suivre chapitre 27

 

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Commentaires
F
Un petit coucou à toutes les lectrices. Le chapitre 27 est en bonne voie :-)
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H
Encore merci pour ces suites qui nous revient.<br /> <br /> Merci aux traductrices qui prennent de leur temps pour nous permettre d'accéder aux suites de Missy good.<br /> <br /> Encore un grand merci.
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