Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
Guerrière et Amazone
Publicité
Guerrière et Amazone
  • Vous trouverez ici des Fans Fictions francophones et des traductions tournant autour de la série Xena la Guerrière. Consultez la rubrique "Marche à suivre" sur la gauche pour mieux utiliser le site :O) Bonne lecture !!
  • Accueil du blog
  • Créer un blog avec CanalBlog
Guerrière et Amazone
Derniers commentaires
7 février 2023

La noirceur du matin chapitre 12

La noirceur du matin – Tome 13 – Melissa Good

 

Xena et Gabrielle se sont installées à Amphipolis et profitent de leur nouvelle fille, Doriana.

Mais est-ce bien le cas ? La vie est, comme Gabrielle le sait bien, une série de compromis. Pour obtenir une chose, il faut souvent renoncer à une autre.

 

Chapitre 12

Le temps s'était dégradé, alors qu'ils approchaient de la vallée. Xena se dégagea de sa position en tête de colonne et s’écarta sur le côté tandis qu'elle passait en revue le reste du groupe. Dori était endormie dans son sac, les poings du bébé serrés contre sa nuque, et la guerrière espérait qu'elle le resterait jusqu'à ce qu'elles arrivent à destination.

Gabrielle lui en serait reconnaissante... le bébé avait découvert les arbres à noix suspendus lors de leur chemin et avait adoré les arracher et les lancer sur la barde, les faisant rebondir sur des endroits inattendus avec une précision étrange.

"On y est presque." Elle fit tourner son cheval et le rapprocha de sa compagne, puis elle sortit une poignée de noix de son sac et en offrit à Gabrielle.

"Merci." Lui répondit la barde en les acceptant. "Nous aurons beaucoup de travail à faire quand nous arriverons là-bas... juste pour rendre les choses vivables." Fit- elle remarquer. "La nuit va être longue."

"Mmm." Xena serra son poing, cassa une noix puis jeta la coquille avant de croquer la noix. "Ouais... est-ce que tu pourrais prendre les Amazones avec toi et installer un camp de base, le temps que je m’occupe de déployer la garde et de mettre en place des avant-postes ?"

Gabrielle hocha la tête. "Ça me paraît bien... Je vais leur faire déballer la cache d'armes que tu as stockées là... elles pourront vérifier tout ça."

"Bien." Approuva Xena. "Elles en sauront plus que la milice." Elle entendit des bruits de sabots derrière elle et se retourna à moitié. "Prends Gran aussi... tu pourras la mettre en charge de ça."

Gabrielle se retint de répondre alors que Granella les rattrapait et s'installait de l’autre côté de la guerrière. "Comment ça se passe ?" demanda-t-elle à sa belle-sœur.

"Ça fait du bien d'être dehors." Admit l'ex-Amazone, leur provocant à toutes les deux un sourire en coin. "Les enfants sont avec Toris, à l'arrière du chariot. Il n'a pas l'habitude de parcourir de longues distances à cheval."

Xena renifla. "Je sais... il monte à cheval depuis aussi longtemps que moi et il reste assis en selle comme un foutu sac de navets".

"Eh bien." Sourit Granella. "Il dit que les garçons ont un désavantage naturel."

Elles échangèrent un regard avant de ricaner. "Oh ouais." Répondit Xena d’une voix traînante. "Quelqu'un a apporté de la pommade ?"

Deux des Amazones qui chevauchaient à proximité l’entendirent et se mirent à rire. "Vous avez entendu parler de l’histoire du gars qui va acheter une selle avec un pommeau de huit pouces de long ?" demanda Granella, avec un sourire coquin.

"C'est celle qui se termine en faisant croire que c'était pour sécher ses chaussettes ?" demanda Xena, en se détendant un peu sur sa selle.

"C'est ça... sauf qu'ils lui vendent une fiole d'huile avec."

Gabrielle fixa sa propre selle d'un air perplexe, puis elle jeta un coup d'œil à son âme sœur. Elle s’apprêta à demander une explication, mais l’expression sur son visage lui fit fermer les yeux et elle devint brusquement rouge brique. "Oh... c'est dégoûtant."

Xena gloussa, puis se leva un peu de la selle et regarda devant elle. "On peut voir l’ouverture qui mène à la vallée maintenant." Elle décrocha soigneusement le sac de Dori et le tendit à Gabrielle. " Tiens-là moi une minute... Je vais aller vérifier que tout va bien."

"Uh huh... et tu emmènes Gran avec toi, n'est-ce pas ?" Gabrielle vérifia la forme endormie de sa fille. "Juste au cas où ?"

Granella gloussa à l'expression de la guerrière, mais elle remonta sur ses rênes et poussa sa monture au galop pour suivre Xena qui s'éloignait déjà.

Xena ralentit lorsqu'elles approchèrent de l'entrée et fit signe à Granella de se déplacer d'un côté tandis qu'elle allait de l'autre. Elles s’arrêtèrent finalement et la guerrière ferma les yeux, se concentrant sur tous les bruits qui n'étaient pas normaux.

Des grillons.

Des oiseaux.

Les clapotis de l'eau.

Des écureuils.

Xena leva la tête et regarda Granella, qui était à moitié debout sur ses étriers et observait tout de son côté. L'ancienne Amazone croisa son regard et secoua la tête, faisant un signe de la main à la guerrière.

C'était bon. Xena guida Iolaus à travers l'ouverture de la vallée, un espace d'environ 30 mètres. Elle passa l'ouverture, grimpa la petite colline, puis s'arrêta et regarda la vallée.

C'était un endroit magnifique. Xena apprécia un moment la vue qu’elle avait oubliée au fil des ans. La vallée était protégée de chaque côté par de hautes montagnes, laissant l’espace herbeux au centre dégagé et traversé par un ruisseau qui semblait sain. Plusieurs arbres s'élevaient sur les pentes des deux côtés et l'extrémité de la vallée en était également remplie.

L’espace était inhabité, ce qui n'était pas surprenant vu son éloignement. Au-delà de la vallée s'élevaient les hautes montagnes, une barrière efficace à l'ambition de tout seigneur de guerre. A l’époque, pendant cette période sombre qu’elle avait traversé, elle avait souhaité en faire sa dernière position, le plus près de chez elle possible, lorsque sa maison ne lui était plus ouverte.

Elle fit un signe de la main à Granella, puis elle se dressa sur ses étriers et lâcha un cri. Elle attendit un moment avant d’entendre le bruit des chevaux qui se rapprochaient. Granella trotta et regarda l'intérieur de la vallée.

"Joli."

"Mmm."

Le reste du groupe se rapprocha et les entoura, admirant à leur tour leur futur refuge.

Xena prit une profonde inspiration. Les choses allaient changé à partir d’ici. Ici, il y avait une ligne, invisible mais bien présente, et c’est avec une intention délibérée qu’elle la franchit. "Très bien." Elle pointa l’ouverture de la vallée du doigt. "J'ai besoin que vingt d'entre vous restent ici. Sortez vos scies et vos haches. Nous avons besoin d'une porte." Elle fit une pause, alors que certains descendaient de cheval. "Toris, prends dix personnes, va à l'autre entrée et trouve un moyen de la sécuriser."

Son frère hocha la tête calmement et fit signe à dix miliciens de le suivre.

"Gabrielle, emmène ton groupe et commence à installer le camp." Dit la guerrière à sa compagne. "Je vais rester ici et faire en sorte que cette porte soit vite mise en place." Elle fit une pause. "Il y a un système de grottes à l'arrière de cette falaise... soyez prudentes. Envoyez d'abord une torche - je ne m'inquiète pas des gens qui pourraient s’y trouver, mais plutôt des ours." Elle claqua des doigts. "Ares, va avec Gabrielle."

"Bien." La barde réajusta ses rênes après avoir installé Dori en toute sécurité sur son dos. Le bébé s'était réveillé et regardait maintenant autour d’elle d’un air concentré. "Allons-y les filles... nous avons beaucoup de travail à faire." Elle fit avancer son cheval et baissa les yeux lorsque le loup la rejoignit, bondissant dans l'herbe avec empressement.

Xena regarda les chariots et les Amazones disparaitre dans la vallée, puis elle se retourna et inspecta l'entrée. "Chaque chose en son temps". Elle dégagea ses bottes des étriers et mit pied à terre. "Ces arbres doivent être abattus." Elle détacha sa hache de son tapis de selle et en choisit un au hasard.

************************************************

"Ugh." Gabrielle soupira alors qu'elle levait la torche et regardait la caverne irrégulière autour d’elle. "J'avais oublié à quel point je détestais l'odeur de la poussière de roche."

"Bck." Se plaignit Dori en tirant sur ses cheveux.

"Oui, je sais, chérie... C'est sale ici, hein ?"  La barde soupira en écoutant le bruit des chariots en train d'être déchargés dans la plus grande caverne derrière elle. "De l'eau... J'entends de l'eau." Elle continua à explorer la grotte, se faufilant dans une fissure d'environ deux fois la largeur de son corps et tendit la torche en sentant l'humidité devant elle. "Voyons-voir... qu'est-ce qu’on a là ? Est-ce que c’est de la lumière, Dori ?"

Le bébé gazouilla.

Gabrielle traversa le petit couloir dans la roche et se dirigea vers la faible lueur devant elle, découvrant une autre ouverture, plus grande, par laquelle elle passa la tête. "Ahh..."  La pièce suivante était manifestement un collecteur de pluie. Elle présentait une énorme fissure dans la roche, au sommet, qui laissait entrer une grande tranche de lumière du soleil, ainsi qu'une piscine naturelle qui semblait profonde et froide. En se retournant, elle vit un renflement dans le mur, qui s'incurvait et montait en pente, menant presque à une plate-forme nichée dans la roche. "Tu sais quoi, Dori ?"

"Maman ?"

"On va choisir celle-là, d'accord ? Tu me promets que tu ne sauteras pas dans l'eau, hein ?"

"Bck."

"Non, chérie, s'il te plaît... promets-moi... Je veux vraiment installer Boo ici, où il y a un peu de lumière. Ça sera moins dur pour elle comme ça, tu comprends ?"

"Boo !" s’exclama Dori en tirant sur ses cheveux et en rebondissant dans son sac en reconnaissant le nom de sa compagne de jeu adorée.

"Oui, ma chérie... tu veux aider ta Boo, pas vrai ?"  Gabrielle s'appuya pensivement sur son bâton, son pouce caressant le bois usé. "On va essayer de faire quelque chose de cet endroit... elle sera tellement plus à l’aise ici." Elle planta sa torche dans une fissure du mur et reprit son chemin par l'ouverture vers la plus petite chambre, qui était maintenant explorée par Granella. "Ok... Je vais prendre la pièce du fond pour nous."

L'ex-Amazone leva les yeux vers elle et hocha la tête. "Ok... J'ai choisi un endroit de l'autre côté... cette caverne y est reliée par cette ouverture arrière. " Elle montra le chemin du doigt. "Nous avons les fournitures dans la grande salle et ils ont trouvé un endroit où nous pouvons mettre un feu de cuisson, si nous faisons attention à la fumée."

"Bien." Gabrielle hocha la tête. "De l'autre côté de la grande caverne, il y en a une plus petite, avec toutes les armes dedans, et juste après, il y a une longue salle étroite dans laquelle on peut faire un hôpital, je suppose... il y a de l'eau là-bas en plus."

"Parfait." Granella mit ses mains sur ses hanches. "Ça va être dur ici, après avoir vécu à Amphipolis." Admit-elle en jetant un regard ironique à la barde. "Je n'arrive pas à croire à quel point je suis endolorie après cette satanée balade... c'est embarrassant."

"Mmm." La barde soupira et étira son dos avec une grimace. "Je ne m'y suis jamais habituée... et crois-moi, il m'a fallu plusieurs jours pour ne plus m'endormir sur l'épaule de Xena lorsque nous avons recommencé à voyager le mois dernier."

"Mmm." Granella n'eut pas l'air totalement convaincue, mais elle sembla soulagée. "Hé... si tu cherches une partenaire d’entrainement…" Elle fit un signe de tête vers le bâton de la barde. "… je pourrais être intéressée."

"Bien sûr." Sourit Gabrielle. "Je pense que Xena va être un peu occupée."  Elle désigna le chemin vers la caverne principale. "Allons-y... plus tôt on commencera, mieux ce sera... on pourra peut-être finir l’installation de base avant la nuit."

****************************************************

"C'est bon ?" Une voix fatiguée résonna dans l'obscurité éclairée par les torches. "Je crois que c'est le dernier."

Xena fit un pas en arrière et observa la structure robuste qui se détachait dans la faible lumière. Elle laissa ses bras endoloris retomber sur les côtés. "Oui." Souffla-t-elle avant de grimacer en sentant la morsure de plusieurs échardes dans ses mains. "Ça fera l'affaire."

Un coup d'œil vers le ciel lui montra que la lune était sur le point de se coucher, lui indiquant que minuit était passé depuis longtemps. Mais la porte était terminée et elle sentait qu'elle pouvait se diriger vers les cavernes et se reposer l’esprit tranquille, enfin.

"Très bien... allons-y." Elle s'approcha et ramassa sa hache, la hissa sur son épaule et traversa la porte tout juste bâtie, puis attendit que le reste de son équipe la rejoigne. Elle observa la porte se fermer, les portes s'inclinant vers l'extérieur pour suivre la forme des murs et rendre ainsi difficile, voire impossible, de les casser vers l'intérieur. "Bon travail." Dit-elle doucement, en voyant les visages épuisés autour d'elle. "Heureusement qu'on ne doit faire ça qu'une fois."

De faibles murmures de soulagement lui parvinrent en retour avant qu’elle n’ouvre la voie vers la caverne, où l'on pouvait voir des torches brûler à l'extérieur de l'entrée.

La lumière vacillait et Xena posa une main sur la pierre dure, avant de prendre une profonde inspiration et de se glisser à l'intérieur, laissant son regard parcourir l'intérieur tandis qu'elle s'avançait, clignant un peu des yeux tant la caverne était étonnamment lumineuse.

"Wow." Murmura-t-elle, honnêtement impressionnée. Le contenu des chariots avait été déchargé et un habitat fonctionnel avait été installé, y compris un feu de cuisson où une marmite bouillonnait, et des zones de travail pour les artisans qui les rejoindraient. Une présence familière se fit sentir sur sa droite et elle se retourna, heureuse de voir Gabrielle se diriger vers eux.

"Hé."

Gabrielle jeta un coup d'œil à sa compagne et retint quelques jurons, puis posa une main douce sur le bras de la guerrière. Xena était couverte de terre et de morceaux d'arbres, et elle pouvait voir plusieurs longues éraflures à moitié cachées sous la sève et la boue qui transformaient le bronzage de son âme sœur en une terne nuance de rouille. "Viens avec moi."

"Tu as fait un excellent travail ici." Déclara Xena, résistant à la traction tout en continuant à regarder autour d'elle. "Bravo, Gabrielle." Complimenta-t-elle la barde.

"Xena."

"Hum ?" La guerrière se rapprocha en entendant sa compagne baisser la voix.

"Tu vas venir avec moi et me laisser m'occuper de toi, tout de suite." Chuchota la barde. "D'accord ?"

Xena pencha la tête vers elle, perplexe. "Gabrielle... merci, mais je vais bien. J'ai juste quelques échardes... c'est tout". " Elle fit une pause en voyant le regard de son âme sœur. "Honnêtement."

Gabrielle sourit en faisant un petit signe de la main au groupe de miliciens qui passait par là. "Fais-moi plaisir." Elle reporta son attention sur la guerrière. "Hum ?"

Conciliante, Xena haussa les épaules. "Bien sûr." Elle se laissa guider à travers la grande caverne, puis par une ouverture à l'arrière. "Hé... bonne idée." Elle approuva l'utilisation de l'étroite chambre pour contenir de solides barils de vivres. "Où allons-nous ?"

"Viens." Gabrielle la conduisit à travers un autre tunnel qui se termina vers la chambre qu'elle avait choisie pour elles.

"Je ne vois pas où... " Xena entra dans la pièce, puis se redressa et regarda autour d'elle. "Mmm." Murmura-t-elle, agréablement surprise. Gabrielle avait apporté leurs affaires à l'intérieur et avait installé un double couchage sur une pente surélevée vers le fond de la chambre. Des torches installées dans des appliques murales, fraîchement martelées dans la roche, illuminaient la pièce et la fumée voyageait vers le haut et à travers une large fissure qui laissait apercevoir une bande de ciel étoilé dans la grotte.

La vue du ciel l'apaisa et elle sentit la faible anxiété qu'elle ressentait toujours sous terre se dissiper. Elle tourna la tête vers son âme sœur, qui l'observait avec un doux sourire. "Merci."

"Je pensais bien que tu apprécierais." répondit Gabrielle. "L'eau aussi. Pourquoi ne pas jeter un coup d'œil à ton apparence tant que tu y es ?"

Xena lui renvoya un regard perplexe, mais s'exécuta, se dirigeant vers la piscine naturelle avant de se mettre à genoux et de regarder son reflet dans la surface. Il y eut un moment de silence, puis la guerrière s'éclaircit la gorge. "Ah." Maintenant elle comprenait pourquoi Gabrielle l'avait traînée ici. "Wow... c'est effrayant."

La barde se leva après avoir bordé les couvertures autour de Dori un peu plus confortablement et donné une douce caresse sur la tête d'Arès. "Pourquoi ne pas te laver et me laisser enlever ces échardes, tigresse."

"Bonne idée." Admit Xena avec un soupir fatigué. Elle se leva et retira sa tunique puis délaça ses cuirs et les passa par-dessus sa tête. Elle baissa les yeux et tendit les bras, riant presque du contraste entre sa peau couverte de terre et les parties qui avaient été protégées par les vêtements. "Contente qu'on ait fini ça."

"Moi aussi." Répondit Gabrielle, en retirant le kit de guérison de leurs sacs.

Xena s'assit et délaça ses bottes couvertes de boue, les retira, puis elle marcha jusqu'à la piscine et la testa d'un orteil prudent. "Oh bon sang." S'endurcissant, elle entra dans l’eau, sentant le froid se répandre comme une onde de choc dans tout son corps, mais elle continua à avancer jusqu'à ce qu'elle soit presque entièrement immergée dans l'eau froide. Avec précaution, elle se frotta les bras et le visage, puis elle plongea sous l'eau et nettoya ses cheveux de l'écorce et de la boue qui les avaient plâtrés sur sa tête.

Elle remonta à la surface brusquement, se secoua la tête pour enlever le plus gros de l’eau,  puis sortit pour être accueillie au bord avec un morceau de linge chaud. Gabrielle la sécha doucement et alors qu'elle penchait la tête pour permettre à la barde de lui sécher les cheveux, elle sentit une vague d'épuisement la submerger presque totalement. "Tout le monde est bien installé ?" demanda-t-elle, en repoussant la fatigue, alors qu'elle suivait Gabrielle vers l’emplacement légèrement surélevé où se trouvait leur couchette. "La porte et l'avant-poste sont tous les deux terminés... nous avons une garde ce soir. Demain, je veux vérifier le périmètre et voir quelles ressources nous avons ici."

"Nous avons pratiquement fini d’installer le campement." Gabrielle la poussa doucement pour qu’elle s’allonge sur la couchette. "Nous aurons besoin d'un peu de lumière du jour pour finir demain... mais ça va." Elle s’assit de l'autre côté du lit et remonta ses jambes sous elle,  avant de prendre la main de Xena et de la poser sur son genou. "Granella s’est occupée d’examiner les armes que tu avais laissées... elle a dit que le boyau est parti sur beaucoup d'entre elles, mais que sinon elles ne sont pas en mauvaise état."

"Bien." Xena hocha la tête. Ses yeux se fermèrent et elle se força à les rouvrir. "Je vais aller les voir..." Elle commença à se redresser, mais rencontra une main puissante sur son épaule, qui la repoussa en arrière. "Gabrielle."

La barde lui envoya un regard direct. " Écoute... ces gars que tu as renvoyés aujourd'hui... à minuit parce qu'ils ne pouvaient plus tenir debout m'ont dit que tu faisais la plupart du travail là-bas toi-même. "

La guerrière la regarda en silence un moment. "C'était important, Gabrielle... ça devait être fait."

Gabrielle leva une main et la posa sur sa joue. "Tu ne peux pas faire ça toute seule." lui dit-elle doucement. "Je sais que tu te sens responsable de tout ça, Xena."

"C'était important."  Répéta la guerrière avec insistance.

"TU es importante." Répondit son âme sœur. "Tu es celle qui maintient tout cela ensemble... Si quelque chose t'arrive... Si tu es blessée ou si tu tombes malade, nous aurons de gros problèmes."

Leurs regards se croisèrent en silence. Finalement, Xena baissa son regard sur la couchette en signe d'abandon, sachant que Gabrielle avait raison. Elle souffla puis étudia la main sur laquelle Gabrielle avait recommencé à travailler. "Je vais le faire correctement cette fois, Gabrielle." Murmura-t-elle. "Je ne vais pas les laisser tomber. Pas à nouveau."

La barde serra les lèvres en signe de sympathie, alors qu'elle retirait une vilaine écharde. "Je sais que tu ne le feras pas." Elle caressa la peau rouge du bout du doigt. "Ton travail est de nous aider à traverser cette épreuve. Mon travail est de t’aider à traverser ça. "Elle retira une autre écharde. "Alors allonge-toi et laisse-moi faire mon travail."

La guerrière laissa retomber sa tête sur l'oreiller sans quitter la barde des yeux. "Merci."

La barde la regarda en retour avec tendresse. "De rien."  Elle termina une main et s’attaqua à l'autre. Lorsqu’elle eut fini d’enlever toutes les échardes, elle caressa pendant quelques instants la peau rougie puis elle leva les yeux pour regarder son âme-sœur. La guerrière avait les yeux fermés et sa respiration s’était faite lente et régulière depuis un moment.

La barde posa doucement la main qu'elle tenait avant de sentir les doigts de Xena se crisper sur les siens et de voir son front se plisser.  Les cils s'agitèrent et la guerrière ouvrit difficilement les yeux, à moitié endormie.

"C'est bon... Je suis là." La rassura Gabrielle en appliquant doucement de la pommade sur les longues écorchures du cou de sa compagne. "Allez... ferme les yeux." Elle remonta la chemise de la guerrière et tamponna la méchante coupure sur sa hanche. "Chérie, tu dois être plus prudente."

"Ungh." Marmonna la guerrière. "C'était moi ou l'arbre... je n'allais pas laisser l'arbre gagner."

Très bien. Gabrielle secoua la tête en caressant doucement la peau fraîche du bout des doigts, fronçant un peu les sourcils en apercevant les côtes proéminentes sous ses mains. La dernière chose dont sa compagne s'occupait, quand il se passait des choses, c'était d'elle-même, et la barde se fit la promesse de garder un œil sur elle et de s'assurer qu'elle n'oublierait pas des choses mineures comme manger ou dormir. "Eh bien, tu as gagné, championne."

"Mmm." Les yeux de Xena s'étaient refermés et sa respiration s'était calmée.

Avec un soupir, Gabrielle se glissa sous les fourrures et les remonta, repliant les bords autour d'elle et de sa compagne avant de poser sa tête sur la large épaule de la guerrière et de laisser la vue des étoiles l'emporter vers le sommeil.

*********************************************

Granella se glissa dans la caverne silencieuse, jetant un coup d'œil vers l'extérieur où une douce lumière grise indiquait l'aube à venir. Elle vérifia le feu principal, puis passa la tête dehors pour regarder les nuages qui se profilaient à l’horizon.

C'est une sacrée bonne chose qu'ils aient terminé cette porte hier, se dit-elle en sentant la pluie dans l'air. Même si Xena avait dû pousser tout le monde dans ses retranchements pour le faire... au moins, ils pouvaient surveiller la porte principale et la porte secondaire depuis de confortables abris en bois, et ils avaient rangé toutes leurs affaires à l'abri des intempéries.

La femme aux cheveux noirs inspira une grande bouffée d'air, puis retourna à l'intérieur et se dirigea vers la zone de stockage de la nourriture et commença à bouger quelques objets en étouffant un bâillement. Toris dormait encore, ainsi que leurs fils, et elle était heureuse de ce moment de calme matinal pour réfléchir et faire la liste des choses qu'ils devaient encore faire.

Comme déballer ces armes et commencer à les remettre en état. Granella sourit un peu, heureuse d'avoir été choisie pour superviser cela. Cela faisait du bien de se remettre dans le bain, et elle s'était surprise à apprécier les efforts de la veille et à travailler aux côtés d’une Gabrielle déterminée.

Elle avait constaté que son respect pour la barde grandissait de plus en plus à mesure du temps qu’elle passait avec elle ...  Elle n’avait jamais vraiment eu la chance de la voir accomplir les tâches organisationnelles et diplomatiques pour lesquelles elle était reconnue parce que la barde n'avait pas vraiment eu à les utiliser à Amphipolis. Elle arrivait à faire travailler les gens ensemble, à leur faire faire des choses et elle le faisait d'une telle manière que cela vous rendait heureux de lui rendre service.

Intéressant. Elle avait toujours aimé Gabrielle et elles avaient passé pas mal de temps ensemble quand elles avaient été toutes les deux enceintes, mais c'était une autre facette de la femme qu’elle découvrait et elle commençait à voir comment le binôme improbable entre la barde et la guerrière fonctionnait vraiment. Ca l'avait toujours rendu perplexe. Elle n'avait jamais douté qu'elles s'aimaient, c'était évident même pour un aveugle et un sourd à deux villes de là, mais elle se demandait souvent comment elles arrivaient à travailler ensemble sans se rendre folles.

Granella gloussa, puis elle posa une miche de pain et deux grosses poires sur une assiette en bois et se glissa à travers la zone de stockage vers la chambre que Gabrielle avait choisie, où elle passa doucement la tête. La lumière de l'extérieur filtrait, se reflétant sur le bassin de pluie, les murs de granit et deux yeux bleus aiguisés qui l'épinglèrent dès qu’elle franchit l'ouverture.

La guerrière était toujours pelotonnée dans le lit avec Gabrielle, mais elle leva un sourcil vers elle en signe de question. Sourcil qui s'abaissa lorsque Granella lui montra le plateau avant de le poser sur un rocher juste à l'entrée. Elle lui fit un signe silencieux et Xena répondit par un sourire, puis elle s'esquiva.

Wow. Granella se doutait que si elle avait été un soldat ennemi, elle serait probablement occupée maintenant à compter le nombre de parties manquantes de son corps. "Il faut vraiment que je me souvienne de ne jamais essayer de la surprendre." Marmonna-t-elle en secouant la tête alors qu’elle retournait dans la caverne principale.

***********************************************

Xena leva la tête et observa la caverne, son corps contracté comme une planche. Puis elle laissa son corps se relâcher à nouveau et se reposa sur leur couchage. Oh bon sang. Elle fléchit ses mains et grimaça. Aïe. Elle tourna la tête vers la gauche et jeta un coup d'œil vers le berceau de Dori, reconnaissante que le bébé dorme encore, ce qui lui donnait le temps de s'étirer un peu avant de devoir se lever et s'occuper d'elle.

Gabrielle va me faire la morale mais bon. La guerrière soupira. Peut-être que je peux juste détendre ...

"Si tu te retournes, je te ferai un massage du dos." La voix endormie de la barde gronda derrière elle.

Xena leva les yeux vers le plafond et soupira.

"Allez." Gabrielle s'éloigna d'elle et lui tira l'épaule. "Essaye de te détendre."

La guerrière abandonna et s'exécuta, étouffant un gémissement au passage. La barde bailla alors qu'elle faisait glisser la chemise de sa compagne vers le haut et commençait à la masser. "Bon sang, chérie." Elle se pencha en avant, exerçant une pression sur les muscles douloureusement tendus qu'elle pouvait sentir dans le dos et les épaules de sa compagne.

"Ungh." Xena laissa échapper une douce plainte. "Je n’ai vraiment pas fait grand-chose... Je ne sais pas ce qui cloche chez moi." 

Heureusement, elle ne pouvait pas voir la tête que Gabrielle faisait à ce moment. "Eh bien... si tu me demandes, tigresse... " Elle chatouilla légèrement les côtes de la guerrière. "Ton corps va bien... c'est ta mémoire qui m'inquiète."

"Huh ?" Xena releva un sourcil en signe d’interrogation.

"Apparemment, tu as complètement oublié tous les arbres que tu as transportés la nuit dernière, ainsi que la porte que tu as apparemment construite pratiquement toi-même, ni toute la terre pour les fondations de la porte que tu as ramenée de la rivière."

Un silence suivit ses paroles.

"Ça n'avait pas l'air d'être grand-chose." Grommela Xena.

Gabrielle fit une autre grimace, tirant la langue au dos lisse et bronzé qu'elle massait. "C'est mieux ?"

"Mmm." Xena étira ses bras, remettant ses épaules en place dans un bruit désagréable.

"Ugh... tu sais que je déteste ce son." Grimaça Gabrielle.

"Désolée." Répondit la guerrière avec douceur. "Et oui... ça va beaucoup mieux... merci."

La barde frotta légèrement le bout de ses doigts sur la zone qui avait craqué, puis elle se pencha et embrassa la tache de naissance sur le dos de son âme sœur avant de remettre la chemise et de se rouler sur le côté. "Je pourrais en arriver à penser que tu fais ça exprès". Taquina-t-elle gentiment la guerrière en lui donnant une tape sur le bras.

Xena croisa les bras sous sa tête et regarda la femme aux cheveux clairs d'un air pensif. "Tu sais à quel point j'aime tes massages du dos."

"Alors... tu pourrais simplement demander." Gabrielle rigola un peu. "Je te le demande quand j'en veux un."

"Mmph." Xena souffla et balança sa tête d'avant en arrière. "Je sais... les vieilles habitudes, je suppose." Admit-elle. "Tu te souviens de ce qu'il avait fallu pour que je te le demande la première fois ?"

"Oh... par les Dieux, oui." Gabrielle enfouit son visage dans ses mains alors que les souvenirs refaisaient surface.

*********************************

Ça aurait vraiment dû être un truc rapide. Entrer, éliminer les méchants, sortir et repartir. Tout avait bien commencé, elles étaient entrées dans la ville à cheval et avaient affronté les pillards, qui s'étaient battus un moment, puis avaient pris peur et s'étaient enfuis.

Xena s'était contentée de les laisser partir. Il pleuvait, il faisait froid et elles avaient fait ce qu'elles étaient venues faire. Elle s'était éloignée pour s'assurer qu'ils étaient partis, puis elle était revenue et...

Xena elle-même n'était pas sûre de ce qui s'était passé. Tout allait bien et l’instant suivant, les pieds d'Argo se dérobaient sous elle et la jument était tombée brusquement, faisant sursauter sa cavalière qui n'avait tout simplement pas eu le temps de retirer ses pieds des étriers et de sauter.

Argo avait atterri durement et roulé, piégeant Xena sous elle pendant une fraction de seconde, puis la jument s'était redressée, laissant la guerrière immobile pendant un moment qui lui avait semblé particulièrement long et terrifiant, avant qu'elle ne se relève à son tour.

Gabrielle s'était précipitée vers elle et s'était arrêtée à quelques mètres, son cœur battant si vite qu'elle avait été surprise que la guerrière ne l'ait pas entendu. "Par les Dieux... tu vas bien ?"

Le visage de Xena était blanc comme un linge et les mouvements de la guerrière étaient très hésitants alors qu'elle s’était dirigée vers Argo, et l’avait examinée avec des mains visiblement tremblantes. "Ouais... Je vais bien." Avait-elle murmuré. "Hé ma fille... ça va ?"

La barde s'était approchée davantage, car elle avait vu la prise de Xena se refermer sur la selle d'Argo et s'y accrocher, les jointures blanchissant sous l'effort. "Xena ?"

"Je reprends juste mon souffle." Avait expliqué rudement la guerrière, le visage tendu alors qu'elle était restée immobile pendant quelques minutes, puis elle avait finalement hoché la tête et pris plusieurs inspirations profondes. "Elle est tombée..." Lentement, Xena s'était retournée et avait examiné le chemin, ses yeux fouillant autour d’elle pour comprendre ce qui avait fait tomber Argo.

"Là." Gabrielle avait pointé du doigt un endroit sur la route. "Il y a un trou là... tu vois ? L'eau le cache."

La guerrière avait hoché la tête. "Ouais." Elle s'était tue, comme si elle réfléchissait à ce qu'elle devait faire, ses mains ne quittant pas la selle et Gabrielle avait réalisé par les muscles tendus de ses bras qu'elle essayait de rester droite.

"Hé... ." La barde avait caressé doucement l'épaule d'Argo. "Ils nous ont offert le gîte et le couvert pour la nuit... on devrait peut-être rester."

Xena s'était contentée de hocher la tête, puis elle avait pris les rênes d'une main et s'était retournée, marchant lentement aux côtés d'Argo alors qu'elles reprenaient le chemin du village. "Je vais installer Argo... Va voir pour la chambre, d'accord ?"

"Bien sûr." Gabrielle avait hoché la tête. "Laisse-moi juste récupérer nos affaires."

Elle était partie devant et s’était arrangée avec l’aubergiste, puis elle avait mis leurs affaires dans la chambre. Elle s’était retournée lorsqu'elle avait entendu Xena arriver dans la chambre. Un regard au visage de Xena lui avait dit que quelque chose n'allait vraiment pas. Cette guerrière qui pouvait rester impassible alors qu'une flèche lui transperçait la poitrine souffrait de façon si évidente, que Gabrielle avait dû lutter pour ne pas se précipiter vers elle et la saisir.

"Xena..." avait-elle dit à la place, avant de se taire lorsque la guerrière l’avait regardée.

"J'ai besoin que tu fasses quelque chose pour moi." Avait dit la guerrière très calmement.

"N'importe quoi." Avait répondu Gabrielle immédiatement, en la rejoignant. "Qu'est-ce qui ne va pas ?"

"Je me suis crispée quand elle a roulé sur moi." Xena avait semblé à moitié en colère, à moitié gênée. "Les muscles de mon dos sont trop contractés... je ne peux pas les atteindre... pourrais-tu... si je m'allongeais...".

"Xena... tu es blanche comme un linge... laisse-moi aller chercher le guérisseur." Gabrielle avait commencé à la dépasser, seulement pour être arrêtée par une main sur son bras.

"Non... il ne peut rien faire de plus que toi... et je préfère que tu le fasses." avait murmuré Xena.

Et c'est ce qu'elle avait fait. Elle avait aidé la guerrière à ôter son armure et prit la pommade à l'odeur âcre que Xena lui avait dit de prendre dans son kit avant d’en mettre une bonne couche sur ses mains. Xena s'était allongée et elle avait commencé à masser le dos musclé, observant la prise de la main de son amie sur la tête de lit se détendre lentement tandis qu'elle réussissait à soulager les crampes douloureuses qu'elle voyait se contracter tout le long du long dos de la guerrière. "Wow... ça doit vraiment faire mal."

"Ça arrive parfois." Avait répondu la guerrière d'un ton bourru.

"Mmm" Gabrielle avait continué, ressentant secrètement un plaisir coupable de pouvoir toucher sa compagne de voyage habituellement inaccessible. "Est-ce que je fais ça bien ?"

"Oui." Avait répondu Xena doucement. "Tu te débrouilles très bien, Gabrielle."

"Et bien..." La barde avait alors commencé à parler pour combler le silence. "Ce n'est pas comme si j'avais beaucoup d'expérience... Je veux dire, Potadeia est surtout connue pour sa tonte des moutons, et leurs viandes et... bien, beaucoup de choses ordinaires comme ça... mais tu sais, ce n'est pas vraiment si difficile, je veux dire, c'est un peu comme... on peut voir où sont les problèmes, surtout sur toi, donc ça...".

"Gabrielle."

"Désolée... Je suis en train de t’assommer de paroles, n’est-ce pas?"

"Ne t’inquiète pas pour ça... Je n'ai jamais... Je n'ai pas l'habitude de faire confiance aux gens pour être si proches de moi, donc quoi que tu fasses, c'est bien. C'est parfait."

"Oh." Gabrielle avait réfléchi un moment à ce que Xena venait de lui dire. "Alors qu'est-ce que tu fais quand ça arrive ?"

Un léger haussement d'épaule qui en disait long lui répondit. "Je vis avec."

Vivre avec ? Gabrielle avait été choquée, se souvenant du regard d'agonie sur le visage de son amie. Comment quelqu'un pouvait-il vivre avec ça ? Puis elle avait réalisé que dans la position dans laquelle elle se trouvait, Xena était presque totalement sans défense. Même Gabrielle, qui pouvait à peine harponner un poisson, tenait la vie de la guerrière entre ses mains, si elle le voulait vraiment.

C'était une pensée qui donnait à réfléchir.

"Et bien." Avait-elle finalement dit. "Tu n'auras pas à le faire tant que je serai là." Elle avait tapoté la large épaule. "Tu me demandes quand tu veux, d'accord ?"

Et cela avait enfin fait sourire Xena.

Ce même sourire lui faisait face maintenant, alors que la guerrière s'étirait à nouveau avant de bailler.  "Granella a laissé un petit-déjeuner." Commenta Xena, en penchant la tête sur le côté quand le tonnerre retentit. "Nous pouvons nous occuper à l'intérieur aujourd'hui... il y a pas mal de choses à faire."

Gabrielle acquiesça, se leva du lit et récupéra le plateau avant de glousser. "Ce n'est pas un petit déjeuner." Elle fouilla dans leurs sacs à dos pour en sortir des noix et des baies, ainsi qu'une barre de céréales pour chacune, avant de revenir.

Xena se retourna et s'assit, puis elle jeta un coup d'œil dans le berceau, où Dori venait d'ouvrir les yeux, encore un peu endormie. "Bonjour."

Dori fit une petite moue.

"Ouais... c'est exactement ce que je ressentais aussi." Lui dit Xena en se penchant vers elle pour la prendre dans ses bras, avant de se lever et de se diriger vers l'endroit où Gabrielle avait posé leur bassine d’eau et les couches du bébé. "Pas pour la même raison, par contre."

La barde gloussa. "Quelle image... mais je ne sais pas... tu serais plutôt mignonne dans une couche."

Xena la regarde alors fixement avec sérieux. "Ne va pas par-là, Gabrielle." l'avertit Xena, puis elle fit demi-tour et termina sa tâche, chatouillant le ventre potelé de Dori, laquelle lui répondit en donnant des petits coups de pied en signe d'indignation. "Tu as faim ?"

"Boo.." Le bébé tendit ses petits poings vers elle.

"C'est moi." Acquiesça Xena en la prenant dans ses bras et en la ramenant sur le lit, où Gabrielle écrasait laborieusement une partie de la poire. "Si tu ajoutes un peu de miel à ça, elle aimera mieux."

Gabrielle lui lança un regard en coin. "Uh huh... et comment l'as-tu découvert ?"

Xena posa le bébé et sourit. "Un accident... elle m'a envoyé son bol quand j'en mettais sur mes biscuits."

Dori rampa sur le lit et attrapa des morceaux de poire avant de les fourrer dans sa bouche. "Mmm." Elle en prit une autre poignée et la jeta sur Gabrielle, qui commença à rire en repoussant les morceaux.

"Dori... arrête ça."

Le bébé tendit le bras vers elle. "Um !"

"Tu peux dire s'il te plaît ?" La barde tenait les baies en l'air.

Dori fit la moue. "Maman..."

" Oh... Dieux... pas ce regard... si tu lui as appris ça... " Gabrielle lança un regard noir à sa compagne. "Xena, arrête de rire. Ce n'est pas drôle."

"Mammmammma..." Dori commença à faire la moue et regarda les baies avec une expression désespérée.

"Xeeeennnaaa.... "

La guerrière ne tint plus, elle explosa de rire en se tenant le ventre tellement elle rit.

"Tu vas me le payer, princesse guerrière..." Gabrielle abandonna les baies en soufflant fortement avant de braquer un doigt vers son âme sœur. "Ce n'est pas drôle !" Elle ramassa une baie et visa la tête de Xena.

La guerrière l’attrapa en plein vol et tenta d’arrêter de rigoler. "Désolée...". Elle mit la baie dans sa bouche et la mâcha. Elle partagea la miche avec la barde et étala un peu du beurre que Granella avait laissé sur le plateau, arracha un petit morceau tendre et le tendit à Dori.

Le bébé regarda l'offrande, puis la saisit et la fourra dans sa bouche avec les baies. "Mphf." Elle retourna chercher d'autres morceaux de poire et les mâcha avec application.

"Bon sang." La barde observa sa fille, tout en attrapant quelques baies à son tour pour les croquer. "Où met-elle tout ça ?"

Xena lui lança un regard moqueur. "De qui est-elle la fille déjà ?" demanda Xena, d'un ton taquin.

Gabrielle lui tira la langue en retour.

******************************************

"Ok... ça a l'air bien." Gabrielle s'appuya sur ses coudes en passant en revue la liste des fournitures que Granella lui avait apportée. "Wow... ça fait beaucoup de choses... et tu as dit que la plupart sont en bon état ?"

L'ex-Amazone acquiesça. "J'ai été un peu surprise... en dehors des tendons, ce n'est pas mauvais. Les boucliers et les arcs sont en très bon état."

"Qu'est-ce que c'est ?" La barde traça une ligne du bout d'un doigt.

"Hum." Granella hésita. "Juste... des trucs, je suppose... des outils... des bouts de harnais... Je crois avoir vu un kit de fabrication d'armure là-bas." Elle détourna le regard, semblant soudain trouver quelque chose de passionnant sur la paroi rocheuse.

Gabrielle la regarda, évaluant les mots qu’elle venait de dire et ceux qu’elle taisait. "Quoi d'autre ?"

Le silence envahit la pièce un moment, puis finalement la femme aux cheveux noirs lui répondit. "Juste... des trucs que les seigneurs de la guerre ont, Gabrielle."

La barde cligna des yeux. "Quelle partie du passé de Xena penses-tu me cacher exactement ?" demanda Gabrielle, avec perspicacité.

Son amie lui jeta un bref regard coupable. "C'est facile d'oublier ça, tu sais".

La barde soupira. "Je sais... mais ça ne veut pas dire que je ne comprends pas ce qu'est ce passé, et qui était Xena." le rappela-t-elle gentiment à Granella. "Alors qu'est-ce que c'est ?"

"Des entraves... des chaînes." Répondit l'ex-Amazone calmement. "Des fouets... ce genre de choses."

Gabrielle se frotta la mâchoire. "Allons jeter un coup d'œil."  Elle se leva et sortit, se dirigeant vers la grotte de stockage.

"Fils de bacchantes." Granella frotta ses cheveux noirs d'une main. "J'aurais dû leur demander de jeter ces trucs." Elle souffla, puis se leva et suivit la barde d'un pas déterminé.

La zone de stockage était un peu chaotique, remplie de personnes triant des boîtes et essayant d’étiqueter et de compter les choses. Gabrielle repéra un groupe de caisses sur un côté, ostensiblement isolé et elle s'y dirigea, consciente des regards effarouchés et rapidement détournés qui la suivaient à l'intérieur de la pièce.

La première caisse avait été ouverte et le dessus avait été légèrement recloué. Gabrielle l'enleva et jeta un coup d'œil à l'intérieur, détournant brusquement la tête lorsqu'une forte odeur de fer, de rouille, de vieux cuir et de ce que son esprit identifia comme étant du sang s'en échappa.

Après un moment, elle y mit la main et en sortit le premier objet, un jeu de menottes rouillées, avec un jeu de clés attaché à un maillon par une torsion de métal. Elle les étudia, puis les laissa tomber sur le sol et replongea sa main dans la caisse. Cette fois, elle en sortit un harnais en cuir, raide de sang, manifestement destiné à maintenir une personne immobile.

Elle examina quelques autres objets, puis arriva à un collier avec des pointes rouillées à l'intérieur et elle ressentit un profond malaise retourner ses tripes. Elle garda le collier et remit le reste en place, puis elle referma la caisse et quitta la caverne, laissant un silence gênant derrière elle.

**********************************************************************************

Xena fit un détour dans la pièce des réserves pour récupérer du pain et du fromage, puis elle continua en passant devant la caverne principale très fréquentée pour se rendre dans la petite zone qu'ils avaient aménagée en nurserie. Là, deux des femmes plus âgées qui les avaient accompagnés veillaient sur Dori et les jumeaux et elles lui sourirent en la voyant.

"Hé... ça vous dérange si je vous l’emprunte un moment ?" demanda Xena en souriant aux bébés qui, pour une fois, jouaient tranquillement.

Dori leva les yeux à sa voix et laissa tomber la balle qu'elle tenait, agitant un poing vers la guerrière à la place. "Boo !"

"Viens là, chérie." La guerrière s'agenouilla, la prit dans ses bras et la berça contre sa tunique, souriant lorsque Dori s'accrocha aux lacets qui maintenaient sa chemise fermée. Elle passa les barrières qu'ils avaient mises en place pour garder les bébés à l'intérieur, traversa l'espace de stockage et se dirigea vers la pièce où se trouvait leur chambre. "Regarde ça !"

Dori regarda, fascinée. La pluie dehors avait trouvé son chemin en bas de la montagne et à travers la fissure de leur chambre et se déversait en une nappe ondulante dans la piscine naturelle, scintillant dans la lumière et envoyant une brume fantomatique sur les rochers.

Xena s'assit sur le lit et se contenta de regarder, sentant la brise souffler légèrement et transporter une petite partie de l'humidité vers elle, tandis que la lumière entrait, dispersant des arcs-en-ciel sur l'eau. "C'est joli, hein ?"

"Beau !"

"Beau, hein ?" Xena berça sa fille dans le creux de son bras et l'admira, passant ses doigts dans les épais cheveux noirs qui couvraient la tête de Dori. "Bon sang, tu grandis tellement vite." Murmura-t-elle, observant un petit bras se tendre alors que de petits doigts s’agrippaient à son poignet.

Dori la regardait avec fascination, en agitant les jambes d’excitation. Xena saisit un pied et le posa contre sa paume, sentant la force de l'enfant qui poussait contre elle. Elle faisait déjà une tête de plus que ses cousins et un quart de leur poids en plus. Dori avait également appris à marcher plus tôt, et son vocabulaire, bien que limité, était plus varié que le leur.

Xena essayait de ne pas le faire remarquer trop souvent, du moins pas à son frère ou à sa femme, mais elle ne pouvait pas empêcher les autres de faire des commentaires à ce sujet, et tout le monde semblait s’accorder pour dire que sa fille était à la fois très intelligente et très précoce pour son âge.

Tout comme elle l'avait été, d'après Cyrene.

Elle posa un doigt sur le nez retroussé de Dori et le bébé s'agrippa à sa main, lui adressant une petite grimace. Xena lui sourit et le bébé lui rendit son sourire, gloussant lorsque la guerrière lui chatouilla un peu le ventre.

Sa fille. Xena respira doucement. "Tu aimes ces arcs-en-ciel, Dori ?"

"Bck."

"Tu crois qu'il y a du poisson dans ce lac ? Et si on allait voir... Je parie que ta maman aimerait du poisson pour le dîner, hein ?"

"Maman."

"Ouais... elle aime le poisson tout comme toi." Lui dit Xena avec un sourire. "Tu crois qu'on peut en trouver ?"

Dori agita ses poings avec enthousiasme.

Gabrielle s’était posée contre le mur, dans l'embrasure de la porte, observant tranquillement sa compagne et leur fille. Elle pouvait voir le profil de Xena et entendre la joie tranquille dans sa voix lorsqu'elle parlait à l'enfant et jouait avec elle.

Après un long moment de réflexion, elle soupira et entra dans la pièce. "Salut."

Xena leva les yeux, surprise. "Salut..." Un sourire traversa son visage. "Je pensais que tu étais occupée... Je t'aurais aussi apporté ton déjeuner." Elle fit un signe de tête à Dori, qui mâchonnait assidûment un morceau de pain de mie.

La barde s'assit et rassembla ses pensées, jetant un coup d'œil pour voir le visage de son âme sœur se crisper alors qu'elle captait l'humeur de Gabrielle. "Nous étions en train de fouiller dans ces caisses."

"Bien." La réponse de Xena était calme mais elle attendait clairement la suite.

Gabrielle leva sa main, celle qui tenait le collier et le tint devant elle, là où Xena pouvait le voir. "On a trouvé un tas de ces trucs."  Elle l'étudia pendant une seconde, puis elle leva les yeux vers le visage de Xena.

Elle n'avait aucune idée de ce à quoi elle s'attendait. Des regrets... de la gêne... Mais Xena la surprit en penchant simplement la tête sur le côté et en émettant un grognement spéculatif. "Tu sais ce que c'est ?"

"Bien sûr." La guerrière tendit la main et toucha le cuir du bout du doigt. "Je ne savais pas que nous l’avions gardé par contre... il a dû être rangé avec ce tas de fournitures dont personne ne savait vraiment quoi faire."

"Boo..." Dori tira sur sa chemise avec impatience. "Moo !"

La guerrière jeta un coup d'œil vers le bas, puis arracha un peu plus de pain et étala un tout petit peu de fromage dessus. "Désolée chérie... voilà." Elle tendit le morceau au bébé et la regarda le mâcher. "Bonne fille." Puis elle reporta son attention sur la barde. "Nous avions mis à sac une assez grande ville à l'est d'ici environ six mois avant que je ne m'installe ici."

"Mmm."  Gabrielle étudia son visage sérieusement.

"Nous avons récupéré pas mal de choses... Je me suis débarrassée de la plupart, mais il y avait un tas de choses que je n'ai jamais pu examiner... qui devaient se trouver là-dedans." Xena plissa le nez en la regardant. "Dégoutant."

"Ah... donc tu..." Gabrielle hésita. " Ce n'était pas.... um... " Elle se rendit compte, soudainement, de l'immobilité du corps à côté d'elle et elle leva la tête, pour voir les yeux de Xena fixés sur le collier.  Puis le regard de la guerrière se leva lentement vers elle, et dans un élan de compréhension, elle pâlit en réalisant ce que la barde demandait.

Puis elle baissa le regard vers le sol rocheux. "Non."  Répondit-elle calmement.

Oh par les Dieux. Gabrielle grimaça intérieurement. Je crois que je viens de faire une grosse erreur. Elle posa tranquillement le collier et plaça une main sur le dos de Xena à la place. "Bien... on peut juste s'en débarrasser alors... la plupart sont des trucs rouillés, rien à garder, je pense."

La guerrière acquiesça en silence.

Elle n'avait même pas besoin de lire ses émotions à travers leur lien. La douleur et la déception étaient inscrites sur le visage de sa compagne si clairement que n'importe qui aurait pu le voir. Gabrielle souffla doucement puis prit la guerrière dans ses bras. "Chérie ?"

"Mm ?"

"Je suis désolée. Je n'aurais pas dû faire cette supposition."

L'épaule sous sa main bougea alors que la guerrière haussait les épaules. "Et pourquoi pas ?" La voix de Xena prit une teinte amère. "Je suis sûre que tous les autres l'ont fait."

Dori s'agita un peu et s'agrippa à la chemise de Xena pour attraper le pain. "Bck !"  La guerrière lui donna un morceau en silence, regardant le visage du bébé avec une expression indéchiffrable. "Je me demande combien de temps il me reste avant qu'elle ne commence à entendre des histoires."

Gabrielle eu l'impression d'avoir reçu un coup dans le ventre. "Xena... tu sais que ce n'est pas... "

Le regard de la guerrière l’épingla. "Si la personne qui me connaît le mieux au monde pense cela, qu'y a-t-il de plus à dire, Gabrielle ?".

La barde prit quelques instants pour respirer, souffrant pour toutes les deux.

Xena détourna le regard et secoua la tête. "Par Hadès, pourquoi est-ce que je te crie dessus ? C'est mon passé... Ce n'est pas ta faute si tu dois vivre avec ça." Elle baissa les yeux lorsque Dori tira à nouveau sa manche, exigeant impérieusement plus à manger.

"Parce que tu as le droit d'attendre mieux de moi." Lui répondit Gabrielle calmement. "Tu as le droit d'attendre de moi que je me souvienne de qui tu es maintenant et que je ne présume pas des conneries absolues comme je viens de le faire."

La guerrière affichait une expression perdue. "Qui sait ? Si j'avais su qu'elles étaient là, je les aurais peut-être utilisées."  Brusquement, la guerrière se redressa et remit Dori à la barde. "Tiens." Elle se leva et se dirigea vers l'eau, s'asseyant au bord, pour laisser les gouttes d’eau la frapper.

Le visage de Dori se fronça de mécontentement alors que Gabrielle la berçait, le bébé réclamant visiblement sa compagne de jeu. "Boo !"

Gabrielle regarda sa fille un moment, puis elle se tourna vers la forme silencieuse et assise. "Xena."  Elle prit une inspiration. "S'il te plaît, reviens par ici."  Elle attendit, voyant l'affaissement des épaules de son âme sœur avant que celle-ci ne se relève et revienne vers elle doucement.

"Quoi ?"

"Assieds-toi." Gabrielle lui désigna d’un mouvement de la tête, la place à côté d'elle.

Xena la regarda en silence pendant un long moment, avant qu’elle ne soupire et ne fasse ce qu'on lui demandait, s'asseyant à côté de sa compagne en étendant ses jambes bottées le long du sol rocheux.

Gabrielle relâcha Dori, qui grimpa immédiatement sur les genoux de sa compagne et commença à se hisser en tirant sur la chemise de Xena. Par réflexe, la guerrière entoura le bébé de ses bras et regarda Dori roucouler en mâchouillant les lacets de sa chemise.

"Boo."

Xena soupira.

Gabrielle rassembla soigneusement ses pensées. "Tu m'as beaucoup parlé de ce que tu étais avant notre rencontre". Elle hésita. "En fait, tu m'as dit des choses bien pires sur toi que tout ce que j'ai pu entendre de la part de quelqu'un d'autre... tu n’es pas d’accord ?".

Xena réfléchit en silence, puis acquiesça.

"Ce que je t'ai demandé était-il une pensée totalement déplacée sur la personne que tu étais ?"

Un seul et lent mouvement de tête lui répondit.

"Crois-tu que si je pensais que tu étais toujours cette personne, je serais ici en ce moment ?" Son regard se tourna vers Dori. "Que j'aurais accepté de passer ma vie avec toi... d'élever un enfant avec toi... de me battre, et s'il le faut, de mourir à tes côtés ?".

Xena se contenta de la regarder avec des yeux écarquillés, une expression insondable sur le visage.

Gabrielle leva doucement une main et la pressa contre la joue de son âme sœur. "Je suis désolée de t'avoir blessée en te demandant ça... et je suis très heureuse qu'il se soit avéré que ce n'était pas à toi.". Elle avait l'impression, à cet instant, que leurs positions avaient été inversées, et qu'elle était la partenaire plus âgée et plus sage, conseillant gentiment la plus jeune.

Et elle réalisa que, d'une certaine manière, c'était cette Xena beaucoup plus jeune qu'elle voyait au fond de ses yeux bleus. C'était peut-être à cette Xena qu'elle parlait.

La guerrière cligna des yeux et son expression changea, alors qu’un sentiment de gratitude l’envahissait. "Merci." Le regard de Xena se posa sur l'enfant qui se tortillait dans ses bras et qui la regardait en serrant un lacet. "Tu as raison, Gabrielle... j'ai juste été prise au dépourvu". "Elle releva la tête. "Savoir que je vais me remettre dans tout ça... Je crois que ça me rend un peu trop à cran."

Je n'avais pas pensé à ça, réalisa Gabrielle. Tous ces rappels... ça doit être un peu dur pour elle.  "J'aurais dû réaliser... c'est dur, je sais."  Elle ramassa le collier et l'examina. "Si j'avais mieux réfléchi, j'aurais compris que ce n'était pas quelque chose que tu avais utilisé."

"Pourquoi ?" demanda doucement Xena.

La barde le brandit pour lui montrer l'intérieur. "Je te connais depuis quoi... cinq ans maintenant ?" Elle pointa du doigt la rouille et les taches. "Tu ne laisserais jamais quelque chose dans cet état."

C'était absurdement logique. Xena cligna des yeux en observant le collier. Et c'était aussi complètement vrai. Elle était méticuleuse dans l'entretien de tout leur équipement et Gabrielle le savait, l'ayant taquinée plus d'une fois sur son nettoyage obsessionnel qui allait jusqu’aux pièces de rechange de la sellerie d'Argo pendant qu'elles étaient sur la route.

"Duh." Gabrielle se frappa le front en pointant cette évidence.

Xena passa un bras autour des épaules de la barde et la rapprocha, avant d’embrasser sa tête. Gabrielle l’entoura de ses bras, en incluant Dori dans la douce étreinte.

Dori gloussa, puis elle passa ses bras autour de Xena du mieux qu'elle put et l'étreignit aussi. "Booboobooboooo.."

Gabrielle leva les yeux, pour voir un sourire se frayer un chemin sur le visage de son âme sœur. "Nous t'aimons." Lui dit-elle doucement.

"Je vous aime aussi toutes les deux." Répondit Xena en fermant les yeux.

Elles restèrent ainsi un moment, puis le bruit de pas de course les fit se redresser et se regarder. "Eh bien... c’est une sacrée matinée." Commenta Xena avec ironie.

"Et maintenant ?" Gabrielle soupira et se tourna vers la porte lorsque Toris apparut dans l'embrasure. "Hé..."

"Des cavaliers sont aux portes, Xena." Déclara le grand homme en respirant difficilement. "Ils exigent qu'on leur ouvre."

Bien. Xena embrassa la petite tête blottie contre sa poitrine. Ça commence. "Très bien." Elle se leva en tenant toujours Dori dans ses bras. "J'ai besoin d'une douzaine de miliciens... avec des bâtons et des faux. Rien de professionnel." Elle berça le bébé qui gloussa. "Allons-y."

Gabrielle la suivit jusqu'à la porte, attrapant son bâton au passage.

**********************************************

 Il pleuvait sans discontinuer alors qu'ils se dirigeaient vers les portes, leurs manteaux claquant par intermittence dans le vent qui leur envoyait l'eau froide au visage. "Je ne pensais pas qu'il y aurait du monde dehors par ce temps."  Commenta Xena en resserrant son col.

"Peut-être qu'ils aiment la boue." Répondit Gabrielle, en déplaçant un peu sa prise sur son bâton et en l'écartant de son chemin.

"Gabrielle, personne n'aime la boue." Répondit la guerrière, un brin provocatrice, alors qu'elle évitait un petit affleurement de rochers et prenait un chemin à travers une série de flaques d'eau, envoyant des taches brunes partout, y compris sur elle-même sans même y prêter attention.

"Mm." La barde leva la main et se gratta le nez, mais ne répondit pas.

La porte se leva et l'une des sentinelles sortit en courant pour aller à leur rencontre, protégeant son visage de la pluie. "Environ une douzaine... ils veulent savoir ce qu’on fait ici."

"Oh, vraiment ?" Xena renifla, alors qu'elle sautait sur la plateforme qui leur permettait de surveiller l’extérieur. "Très bien... viens ici, Toris."  Elle jeta un coup d'œil par la fente de surveillance et repéra le groupe, une douzaine de guerriers à cheval, avec des armures et des armes en bon état.

L'homme en tête était affalé sur la selle avec l'air de quelqu'un habitué à monter et il tenait négligemment une arbalète armée contre sa cuisse. Le groupe entier semblait plutôt serein et détendu, comme s’ils avaient l’habitude de ce type de confrontation.

Son frère monta à côté d'elle. "Quoi ?"

Xena le poussa vers le devant de la plateforme. " Va leur parler... demande-leur qui ils sont et ce qu'ils veulent. "

"Moi ?" protesta Toris. "Pourquoi moi ?"

Sa sœur se contenta de le regarder, ses cheveux noirs plaqués par la pluie lui donnant une expression encore plus dure.

« D’accord, d’accord.. ». Il s'avança jusqu'au bord de la plateforme et regarda le groupe armé. "Qui êtes-vous et que voulez-vous ?"

Xena leva les yeux au ciel et se tapa la tête, marmonnant dans une langue obscure tandis que Gabrielle se glissait près d’elle, posant une main sur son genou tout en regardant à son tour à travers la fente. 

"Ce sont pas tes affaires". Répondit une voix forte et ferme. "Nous avons des affaires dans cette vallée. Ouvrez ces portes ou nous les détruirons."

"Sympa." Marmonna Gabrielle. "Xena, pourquoi tous ces types doivent-ils porter du noir et sentir le vieux cuir ?"

La guerrière se redressa et regarda de nouveau par la fente. "Gabrielle... Je porte pratiquement toujours du noir et je sens le vieux cuir." Le rappela-t-elle à son âme sœur, alors qu'elle regardait les soldats se tenir sur leur garde à l'extérieur.

"Oui, mais le noir te va bien et tu sens le cuir très sexy et un peu épicé." Murmura Gabrielle en réponse.

Toris jeta un coup d'œil à sa sœur. "Qu'est-ce que je leur réponds ?" murmura-t-il.

 "Dis leur non." Murmura Xena en retour

"Non ? Juste non ?" demanda son frère d'un air dubitatif.

"Dis-le." Cingla la guerrière en tapant sa jambe.

"Très bien... très bien." Il se redressa et s'éclaircit la gorge. "Non." Prononça-t-il d’une à voix forte. 

Une flèche se planta dans le bois à côté de sa tête et il esquiva par réflexe, lançant à Xena un regard outré. "Hé ! Je ne peux pas les attraper moi... pourquoi c’est pas toi qui monte ici pour leur expliquer ?"

"Vous n’aurez qu’un seul avertissement." Continua la voix. "Vous avez soixante secondes pour ouvrir ces portes ou nous commençons à les démolir, et quand nous serons à l'intérieur, nous vous tuerons tous."

Parfois, soupira-t-elle, il faut faire les choses soi-même. Xena secoua la tête et inspira profondément. "Allez voir Hadès, bande de bouseux de crottes de centaures !" cria-t-elle avec dérision. "Vous ne pouvez même pas baisser votre propre pantalon !"

"Joli." Gabrielle se rapprocha un peu plus de la guerrière. "Et maintenant ? Ils vont essayer d'entrer, Xena."

"Ouaip." Acquiesça la guerrière avant de sauter de la plateforme qui trembla lorsqu’un coup sur la porte se répercuta. "C'est sûr." Elle repoussa les miliciens, blottis près des murs et posa ses mains sur le bois, sentant les coups le traverser, assortis de cris de colère et de grognements des hommes de l'autre côté. "Vous appelez ça démolir ? Quelle bande de femmelettes ! !"

"Hé !" La barde leva un sourcil. "Tu es une fille aussi, tu te souviens ?" Elle descendit de la plateforme et s’en éloigna lorsqu'un lourd bruit sourd secoua les liens des troncs tout juste assemblés.

Le visage de Xena était attentif et concentré. Elle inclina la tête sur le côté, pour écouter. Les impacts redoublèrent et elle entendit le son distinct d'une hache coupant le bois.

"Est-ce qu'on va juste rester là ? Ils seront bientôt là Xena... et ils ont des arbalètes !" protesta Toris avec colère. "Nous ne sommes pas tous imperméables à ça, tu te souviens ?" 

"Amenez les chevaux." Xena fit signe à deux hommes qui se tenaient à proximité. "Et l'attelage d’une charrue." Ils partirent en courant et elle attira deux des miliciens qui se trouvaient à côté d’elle. "Très bien... écoutez bien." Ils se rassemblèrent autour d'elle, Toris et Gabrielle à l'arrière du groupe. Des bruits de hachage entrecoupaient ses paroles, mais la guerrière ne semblait pas les entendre.

"Deux lignes, la moitié d'entre vous d'un côté, l'autre moitié de l'autre... quand nous ouvrirons les portes, je veux que vous sortiez et que vous attaquiez."

Plusieurs regards s’échangèrent. "Xena..." Toris regarda autour de lui. "Ce sont des hommes armés, en armure et à cheval, là-bas... nous sommes en tunique, avec des bâtons." Il s'éclaircit la gorge. "Tu l’as bien remarqué, n'est-ce pas ?"

"Bien sûr." L’ex-chef de guerre sourit. "Tenez-vous prêt." Elle se retourna alors que les hommes revenaient avec les chevaux et elle les aida à leur mettre le harnais qui les relierait à la charrue. Elle attrapa deux rouleaux de corde et les lança aux hommes qui surveillaient la porte. "Il y a deux anneaux de fer dans les portes, attachez-les à eux."

Ils s'exécutèrent sans commentaire.

"Oh..." Gabrielle regarda les cordes. "Je vois..."

"Prêts ?" les questionna Xena doucement.

Les hommes s’alignèrent de chaque côté et l'observèrent nerveusement.

"Gabrielle... reste en arrière de ce côté." La prévint Xena avant de sauter sur l'attelage et de prendre les rênes. "Eeehhaa ! !!" Elle fit claquer les rênes contre les croupes des deux chevaux et ils s'élancèrent, s'enfonçant dans la boue avant de s'élancer en entrainant l’attelage avec eux.

Avec un craquement énorme, les portes s'ouvrirent brusquement, déstabilisant complètement le groupe d’homme de l’autre côté.

Avec un cri, la milice se déversa par l'ouverture, agitant leurs bâtons et effrayant les chevaux laissés seuls par leurs cavaliers à pied aux portes. Les deux hommes encore à cheval regardèrent les hommes qui s’élançaient vers eux en hurlant et firent tourner leurs chevaux, enfonçant leurs éperons pour fuir sur la route, loin des portes.

Xena arrêta les chevaux et sauta à terre, avant de s'élancer vers les portes à grandes enjambées. Elle les atteignit au moment où les hommes stupéfaits tentaient de les repousser faiblement. Elle se dirigea vers l'une des portes, bondit et l'ouvrit en grand d'un coup de pied en poussant un cri sauvage.

Puis elle franchit l’ouverture et s’avança vers les hommes, sortant son épée de son fourreau avec un grognement bas et mauvais. "Qui veut mourir, bande de bouseux ???"  Elle attrapa le capitaine du raid et le projeta contre le mur, lui faisant lâcher sa hache et tituber en arrière. Derrière elle, elle pouvait entendre le bruit de la milice qui engageait le combat avec le reste des pillards hébétés, alors elle se concentra sur le capitaine.

L'homme était grand, bien musclé, avec des cheveux noirs et une armure bien entretenue. Xena bondit en avant et lui asséna un coup de poing à l'oreille avant qu'il ne puisse se rétablir et il leva une main tout en trébuchant sur le côté. Elle maintint son avantage et l'attrapa, évitant ses mains pour le plaquer de nouveau contre les rochers "Maintenant... écoute-moi, sac à merde".

Il haleta, ses mains tirant sur ses avant-bras alors qu'elle le maintenait en place.

"Vous n’avez pas à venir ici. Vous n’avez rien à faire ici. Tu prends tes morceaux de crottins de cheval suceur d'écume et tu t'en vas si loin que je ne pourrais pas te sentir par une brise nocturne à moins de cinquante lieues d'ici, tu m'as compris ?"

"Tu n'as pas..."

"J'ai tout le droit dont j'ai besoin juste ici." Xena relâcha une main et dégaina son épée, la pressant contre son cou avec un grognement sourd. "Et la seule raison pour laquelle je n'utilise pas ta tête comme décoration sur mon portail est que je veux que tu dises à tous ceux que tu croiseras que c'est chez moi ici et qu'ils feraient mieux de s'en éloigner." Elle enfonça la lame, perçant la peau. "Tu me comprends, ordure ?"

Du coin de l’œil, elle pouvait voir le danger qui approchait derrière elle et sur sa droite, mais elle garda son regard rivé sur le capitaine, regardant ses yeux se rétrécir sur elle. "Tu ne sais pas ce que tu fais, sac à merde." Lui dit-il en ricanant.

"Je ne sais pas ?" L’attitude de Xena se refroidit soudainement lorsqu’elle entendit l'homme derrière elle se rapprocher et le léger sifflement lorsqu'il leva son arme et la dirigea dans sa direction. "Vraiment ?"

Le capitaine sourit méchamment.

Boum.

Xena entendit un grognement doux, très distinctif, puis un autre impact et le bruit de quelqu’un qui tombe au sol. Le visage du capitaine se dégrisa. "Maintenant, dégage d'ici." Lui dit la guerrière d’une voix froide. "Avant que je ne te mette à poil et te fouette comme un chien." Elle le poussa des deux bras et l'envoya trébucher sur le chemin, vers le groupe de pillards surveillé par un cercle de miliciens boueux.

La guerrière se dirigea vers les portes et posa ses mains sur ses hanches, laissant la pluie fouetter sa cape et dessiner sa forme distinctive. "Ne revenez pas... la prochaine fois, nous ne serons pas aussi amicaux."  Elle fit un signe de tête à la milice. "Escortez-les hors de la vallée."

Toris sortit son épée et poussa l'homme le plus proche. "Allez... vous avez entendu la dame. Bougez-vous."

Le groupe se mit en marche, après avoir lancé à Xena des regards sombres et furieux, mais la pluie qui s’abattait fortement leur bloqua la vue après une douzaine de pas.

Xena soupira et passa sa main dans ses cheveux mouillés. "Merci." Elle tourna la tête à moitié pour voir son âme sœur se tenir là, les mains calées sur son bâton.

"Ce type était assez proche, Xena... Je n’étais pas sûre que tu l'aies entendu." Expliqua la barde d’une voix basse en se rapprochant.

La guerrière gloussa doucement. "Non... Je l'ai bien entendu... Je savais juste que tu étais là."  Elle tourna la tête et regarda leurs agresseurs disparaître au loin. "Tu fais les plus beaux petits bruits quand tu te bats." 

"Ils vont revenir Xena... ce n'est pas fini.... tu les as vraiment énervés."

Un sourire froid se dessina sur les lèvres de Xena. "Je sais." Elle se retourna et passa son bras autour de sa compagne, la poussant vers les cavernes. "C'est ce que j'espère... Je veux que leur attention soit concentrée ici, et sur moi."

Gabrielle fit quelques pas de plus, sondant le sol pensivement avec son bâton. "Pour qu’ils laissent tous les autres tranquilles ?" Elle réfléchit doucement. "Tu veux qu'Andreas sache où tu es, n'est-ce pas ?"

Les yeux bleus scintillèrent doucement sous la pluie. "Je veux être la seule chose à laquelle il pense. Je veux qu'il sache que je suis là... à préparer quelque chose... à le défier."

La barde se mordilla la lèvre. "Mais Xena... nous avons moins de deux douzaines de personnes ici... s'il vient maintenant, nous ne serons pas capables de l'arrêter."

"Mais ça il l’ignore." lui rappela Xena. "Et il ne viendra pas ici sans le savoir... il est trop intelligent pour ça."

Gabrielle souffla tout en regardant sa compagne avec inquiétude. "C'est un jeu dangereux, Xena."

Un autre sourire lui répondit. "C'est ce qui le rend encore meilleur."

**********************************************

Le bruit du marteau résonnait dans la vallée, alors que Gabrielle s'y promenait. L’herbe qui lui arrivait à mi- mollets fouettait ses bottes et les jambières qu'elle portait contre le froid. Elle jeta un coup d'œil autour d'elle, évaluant les progrès et dût admettre que son âme sœur savait comment faire avancer les choses.

Déjà, six des cavernes avaient été transformées en lieux de stockage et d'habitation, avec des lits de camp rudimentaires mais utilisables, construits à partir de branches dépouillées et des tables et des chaises construites à partir des caisses d'emballage qu’ils avaient récupérées de la cache.

En seulement cinq jours, le groupe avait aménagé un coin cuisine, récolté des herbes et des racines pour compléter la chasse qu'ils pratiquaient, monté un enclos et assemblé des formes d'entraînement et d'autres objets que Xena avait conçus, sa silhouette infatigable se déplaçant d'un endroit à l'autre pour diriger les projets.

Incroyable. La barde secoua la tête. Bien sûr, elle ne s'était pas laissée aller non plus, dirigeant l'organisation des zones de ravitaillement et approvisionnant l'hôpital. Mais cela lui montrait une autre facette de sa compagne, car Xena prenait les choses en main, très consciente de ses responsabilités dans l'installation du camp.

A Amphipolis, la guerrière avait tendance à se tenir à l'écart. Elle travaillait seule, ou avec une ou deux autres personnes avec les chevaux, et elle ne se socialisait pas en dehors des repas de famille et des marchés occasionnels auxquels elles se rendaient. Non pas qu'elle soit inamicale, non... Gabrielle repéra la silhouette de sa grande compagne et accéléra le pas … mais elle n'avait pas l'habitude d'interagir avec beaucoup de gens.

Cela avait dû changer ici. Elle devait instruire, superviser, évaluer et s'impliquer avec la milice et les partisans qui étaient venus dans la vallée avec eux, et Gabrielle était un peu surprise de la facilité avec laquelle son âme sœur, habituellement taciturne, s'adaptait à son nouveau rôle.

C'était comme voir une toute nouvelle facette de Xena. Gabrielle s’arrêta alors qu’elle se rapprochait du petit groupe qui se tenait près de l'entrée de la grotte, en entendant sa compagne parler.

"Très bien... voilà ce que je veux que vous fassiez." Xena avait un morceau de craie dans une main et elle se tourna vers le mur de granit. "Vous voyez là où la vallée se rétrécit ici ? "Elle dessina l'arrière de leur nouvelle maison. " J'ai vu cinq ou six chevaux sauvages là-bas... J'aimerais essayer de les capturer. " Elle dessina un cône. "Si on étire les cordes de l’enclos de cette façon, ici et ici... " Elle les regarda, puis se retourna vers le mur. "… et qu’on passe derrière eux en faisant du bruit, ils se jetteront dans le paddock."

"Oui." Un des hommes de la milice hocha la tête. "Ça ne devrait pas être long... et j'ai cru voir des buissons de mûres là derrière... on pourra en profiter pour en récupérer en même temps."

"Bien." Xena hocha la tête et lui tapa sur l'épaule. "Parfait... si vous avez besoin d'un coup de main, dites-le-moi."

"On le fera, chef." Déclara l’une des jeunes femmes du groupe puis ils firent tous demi-tour et partirent.

La guerrière jongla avec sa craie, puis tourna son regard vers son âme sœur qui attendait. "Tu es un plaisir pour les yeux."

Gabrielle cligna des yeux, légèrement surprise. "Eh bien... merci." Elle rit un peu. "Comment ça se passe ici ? On a presque fini à l'intérieur."

"Plutôt bien." Xena souffla de satisfaction. "Ils ont fini les peaux... et est-ce que je t'ai montré les quartiers des Amazones ?"

La barde secoua la tête. "Non... tu as dit que tu travaillais dessus, mais..."

"Viens." Xena entoura ses épaules d'un bras. "Je veux avoir ton approbation... La dernière chose dont nous avons besoin, c'est qu'elles se mettent en colère."

"Bien sûr." Répondit Gabrielle aimablement, en se laissant guider le long du mur, au-delà de l'ouverture de la caverne principale, vers la deuxième série de cavernes qu'elles avaient explorées ces derniers jours.

Xena s'arrêta devant l'entrée d'un rocher et se tint en retrait, faisant signe à la barde de la précéder.

Avec un sourire, Gabrielle s'exécuta, sentant une main chaude toucher son dos alors que sa compagne la suivait à l'intérieur. Elle se redressa en franchissant le tunnel et regarda autour d'elle avec intérêt. "Humm."

C'était une longue caverne, d'une largeur décente et d'une hauteur modérée. Les ouvriers de Xena avaient construit des couchettes simples, mais solides, le long des deux murs, assez larges pour accueillir un seul occupant et hautes de deux couches, pour maximiser l'espace. Ce sera exigu mais vivable, décida-t-elle, mais elle avait un souci. "Xena... nous ne pouvons pas les mettre toutes ensemble ici."

La guerrière se mordilla la lèvre. "Non ?"

"Uh uh." La barde secoua la tête. "Pas toutes les Nations... tu sais comment elles sont." Elle se dirigea vers une ouverture irrégulière et jeta un coup d'œil à l'intérieur. "A quoi sert celle-là ?"

"Stockage... J'ai pensé qu'elles pourraient garder des armes... faire des trucs de groupe là-dedans." Xena s'appuya sur le mur à côté d'elle et regarda à l'intérieur. "Il y a un chemin qui descend vers une caverne qui possède un lac souterrain... je pensais qu'elles aimeraient ça."

Gabrielle mit ses mains sur ses hanches, puis soupira. "Chérie... Je t'aime, mais ça ne va pas marcher." Elle regarda par-dessus son épaule son âme sœur découragée. "Aw." Elle s'approcha et s'appuya contre elle. "Ne t’inquiète pas... Je vais m'en occuper... J'ai vécu avec elles pendant un mois... Je peux faire en sorte que ça fonctionne."

Xena secoua la tête. "C'est comme ça que j'ai installé les baraquements pour le reste des hommes... Je ne voulais pas être accusée de favoritisme."

Gabrielle lui donna une petite tape amicale sur le ventre. "Relax... donne-moi juste un jour ou deux, et je vais arranger ça." Elle regarda les cavernes et commença mentalement à les réarranger. "Tu ne peux pas mettre les aînées au même endroit que les enfants déjà ... et les Reines devront avoir une grotte séparée..."

Xena releva un sourcil. "Gabrielle... c'est un arrangement militaire temporaire." Lui rappela la guerrière. "Je ne vais pas les dorloter."

La barde soupira. "Xena..." Elle redressa le col de la tunique de travail poussiéreuse que la guerrière portait. "Il ne s’agit pas de ça... pas exactement... Je ne veux simplement pas qu'il y ait des chamailleries alors que nous devons tous travailler ensemble."

La guerrière fit la grimace. "Ces Amazones." Murmura-t-elle en soufflant exagérément. "Très bien... je te laisse arranger ça."

Gabrielle l'enlaça doucement. "Merci... quelle est la prochaine étape de ta liste ?"

Elles marchèrent lentement jusqu'à l'entrée et se retrouvèrent à l'air frais. "Et bien... renforcer les portes, puis disposer les armes et calculer combien de boyau nous aurons besoin pour les réparer, après je dois aller vérifier l'avant-poste arrière et avec un peu de chance d'ici là, ces chevaux seront là.... J'aimerais commencer à m'occuper d'eux... " Xena énuméra sa liste sur ses doigts.

Gabrielle en attrapa un. "Déjeuner."

"Hum ?" La guerrière la regarda avec confusion.

"Le déjeuner..." répéta la barde. "As-tu déjà mangé quelque chose aujourd'hui en dehors de cette pomme que je t'ai vu attraper dans la cuisine ce matin ?"

Un silence lui répondit, seulement brisé par le bruit de leurs pas crissant légèrement contre la roche et l'herbe clairsemée. "Hum..."  Xena posa une main hésitante sur son estomac, qui grogna ostensiblement.

"C’est donc un non." Soupira Gabrielle. "Suis-moi."

"Gabrielle... J'ai une tonne de choses à faire..." protesta la guerrière. "Je pourrais prendre quelque chose plus tard..." Sa voix s'éteignit lorsqu’elle croisa le regard de la barde. "Mais..."

Des doigts s’enroulèrent autour des siens, la tenant fermement. "Tu as travaillé sans relâche pendant cinq jours... J'aimerais avoir quelques minutes pour déjeuner avec toi, si c'est possible."

Elle a raison, se dit Xena en reconnaissant silencieusement qu'à part dormir dans le même lit, elle n'avait guère vu sa compagne depuis des jours. "Désolée... J'étais juste..."

"Je sais." Gabrielle resserra son étreinte. "Mais te rendre malade ne va pas t'aider... et tu m'as manqué."

Xena baissa les yeux pendant un moment, puis les releva. "Viens... allons préparer quelques sandwichs... J'ai trouvé un endroit qui devrait te plaire."

******************************************

Gabrielle étendit ses jambes, appréciant le contraste entre la chaleur du soleil et la fraîcheur de la brise qui agitait l'herbe autour d'elle. Elle était assise sur une petite pente, surplombant l'étang qui se situait à l'extrémité de la vallée, et regardait les canards flotter.

Xena était allongée à côté d'elle, un poing soutenant sa tête alors qu'elle finissait de prendre une gorgée de la gourde que la barde avait apportée avec elles. "Belle journée."

"Mmm." Acquiesça la barde tranquillement. "J'aime cet endroit... c'est vraiment joli." Elle passa ses doigts dans les cheveux de sa compagne et gratta doucement sa nuque. "C'est ici que tu as trouvé ces chevaux ?"

Xena hocha la tête. "Oui..." Elle arqua son cou pour savourer davantage le contact de la barde. "J'ai parcouru la vallée une douzaine de fois... Je voulais m'assurer que nous n’avions rien manqué... et vérifier qu'il n’y avait pas un moyen d'entrer que je n'avais pas pris en compte. " Elle prit une autre gorgée de cidre et le fit tourner dans sa bouche avant de le laisser glisser dans sa gorge.

Gabrielle se rapprocha et enroula son corps autour de celui de sa compagne, souriant un peu lorsque Xena se déplaça inconsciemment pour se blottir contre elle. "C'était incroyable de te regarder."

"Hmm ? Vraiment ?" La guerrière s'appuya contre elle et soupira de contentement.

"Ouais... c'est comme si tu étais partout." Lui expliqua la barde, en continuant à caresser ses cheveux doucement. "Je me fatiguais juste en essayant de te suivre !"

Xena resta silencieuse pendant un moment, les petits muscles de son visage se contractant visiblement alors qu'elle réfléchissait. "Je n'ai pas..." Elle commença, puis s'arrêta. "Il y a tellement de choses à faire." Elle prit une grande inspiration. "C'est étrange de penser à nouveau de cette façon."

"On ne dirait pas que ça te dérange." Lança Gabrielle calmement.

Xena regarda l'horizon. "Quand je dirigeais des armées avant, c'était pour moi."  La voix de la guerrière était lointaine. "Les seules attentes étaient les miennes... si je n'étais pas à la hauteur, c'était juste entre mon ego et moi."

Gabrielle regarda les muscles se tendre sur la mâchoire de sa compagne. "C'est différent."

"Mmm... c'est sûr." Les coins de la bouche de l'ancien seigneur de guerre tressaillirent. "Je pensais que c'était compliqué lorsqu’on a dû convaincre les Amazones, mais... Gabrielle, presque tout dans cette histoire dépend de moi."

La barde laissa sa main se poser sur l'épaule de sa compagne. "Ce n'est pas nécessaire.  Quand les Amazones et les autres seront là, tu auras beaucoup de personnes expérimentées autour de toi... tu pourras utiliser leurs connaissances."  Elle regarda les petits muscles autour des yeux de Xena bouger. "Tu ne peux pas ?"

Xena tourna la tête vers elle et leurs regards se rencontrèrent. "Je peux t'avouer quelque chose ?"

Gabrielle cligna des yeux, légèrement surprise. "Bien sûr."

Xena pencha la tête un tout petit peu. "Je ne joue pas bien avec les autres." Déclara-t-elle sans ambages. "Je ne peux pas diriger une guerre en comité."

"Ah." La barde réfléchit en silence un moment. "Cela pourrait être un problème... il y a des fortes têtes qui nous rejoindront."

"Oui, j’y ai déjà pensé." La guerrière arracha une tige d'herbe et la mâchouilla. "Des suggestions ?"

Gabrielle la regarda. "Tu me demandes mon avis ?"

Xena haussa les épaules. "Tu es ma meilleure amie... à qui d'autre pourrais-je demander ?"déclara-t-elle simplement. "En plus... tu es douée pour faire travailler les gens ensemble." Elle examina la tige, puis la mâcha encore un peu, le goût piquant était agréable après le gros déjeuner qu'elles venaient de manger.

Une partie d'elle s'inquiétait de toutes les choses qu'il restait à faire et l'incitait à se lever pour aller les faire, mais une autre partie était satisfaite de rester où elle était, appréciant simplement la présence de Gabrielle ici, au soleil. Elle était nerveuse, incertaine de sa capacité à bien reprendre les rênes du commandement, mais elle était aussi nerveuse de retomber dans ses vieux travers.

"Gabrielle ?"

"Hmm ? Je réfléchissais juste... à ce que tu as demandé." Répondit la barde doucement. "Je n'ai pas trouvé de bonnes réponses pour le moment."

Xena hocha la tête. "C'est bon... écoute... je...hum." Elle se redressa et fit face à sa compagne. "Il y a des moments pas très agréables qui arrivent."  Elle plongea son regard dans celui de la barde. "Et je sais que je vais... faire des choses que tu ne vas pas aimer."

Gabrielle la regarda sérieusement.  "Alors tu sais que je serais là en retour pour te le dire."

La guerrière baissa les yeux, étudiant le sol pendant un long moment. "Oui, je..." Xena prit une inspiration. "Je sais."

La barde fronça les sourcils en retour. "Tu ne veux pas que je fasse ça ?"

" Non, c'est... j'y tiens, Gabrielle... tu sais que je fais confiance à ton cœur bien plus qu'au mien. " La guerrière hésita, essayant de trouver les mots justes pour expliquer ce qui la préoccupait. "Et j'écouterai toujours... mais parfois... je pourrais avoir à faire quelque chose de toute façon."

"Je sais."

Elles se turent toutes les deux, se rappelant le long voyage vers un port maritime, quand Xena avait confessé une partie de son passé et que la barde avait été.....

Dégoûtée.

"Il n'y a rien de noble dans la guerre, Gabrielle... il n'y a pas de bons choix... il faut juste survivre, et je pourrais avoir à prendre des décisions très laides pour m'assurer que nous ne ferons pas que survivre à ça, mais que nous gagnerons."

Gabrielle resta silencieuse un long moment.

"Il y a beaucoup de choses en jeu ici.... nous le savons toutes les deux."

Un hochement de tête lui répondit.

"Je comprends l'intérêt général et je sais que toi aussi."

Elles se regardèrent en silence.

"S'il y a la moindre chance que gagner signifie te perdre, je ne le ferai pas." La voix de Xena était calme et presque douce. "J'arrête tout, tout de suite."

Gabrielle prit une grande inspiration. "Et condamner le reste de ces gens à cette torture ?"

"Oui."

"Pour une personne ?"

"Pour l'autre moitié de mon âme, oui." Vint la réponse chuchotée. "Je n'y renoncerai pas."

Qu'est-ce que l’on peut répondre, se demanda Gabrielle, quand on te dit que tu es plus importante que l’intérêt de tous ? Elle savait que Xena le pensait... elle savait qu'elles avaient atteint cette limite et que de sa décision dépendrait beaucoup de choses, que si elle disait qu'elle ne pouvait pas vivre avec ce qu'elle savait qui pourrait arriver, alors Xena s'en irait simplement avec elle.

Elle se souvint de la douleur dans les yeux de sa compagne l'autre jour, alors que son passé faisait ressurgir un spectre pour la hanter.

Elle savait que c'était ce côté de Xena qui avait creusé le fossé entre elles la dernière fois.

Un écureuil apparut dans l'arbre devant elles et elle le regarda courir sur les branches. Finalement, elle se retourna et regarda son amie, qui attendait patiemment, les yeux fixés sur un point vague que seule la guerrière semblait voir. "Je ne suis plus la même personne qu'avant la Chine." Elle réfléchit à ses mots. "Je ne vois plus les choses en noir et blanc désormais…." Gabrielle s'approcha et posa le dos de sa main sur la joue de la guerrière, frottant doucement la peau. Elle sentit en retour la pression exercée par Xena qui se penchait pour plus de contact. " Et toi, mon amie... tu as plus de nuances de gris que toute autre personne que j'ai connue... ou que je ne connaîtrai jamais. "

Xena la regarda.

"Quel que soit le chemin que tu emprunteras, je serai là."  Déclara Gabrielle doucement, sentant les muscles se contracter et se détendre sous ses doigts. "Peu importe la distance, ou le temps, ou la difficulté, ou l'endroit où nous finirons, je serai toujours là, à tes côtés." Elle fit une pause. "Je te le promets."

La guerrière souffla, son corps entier se détendit comme si elle avait retenu sa respiration. Ce qui, Gabrielle le réalisa, avait été le cas.

Cependant... La barde inspira nerveusement. C'était le bon moment pour aborder tous les autres sujets sérieux. "Tu te sens mieux ?"

Xena hocha la tête. "Oui... ça me travaillait."

Affectueusement, la barde lui ébouriffa les cheveux, puis elle se dégrisa. "Puisqu’on parle de tout ça."

L'ancien seigneur de guerre releva les yeux brusquement.

"Il y a quelque chose que je dois te demander."

"N'importe qu..." La barde l’interrompit en posant deux doigts sur ses lèvres.

"Je vais mener les Amazones au combat." Lui dit Gabrielle fermement. "Et je veux que tu m'apprennes les bases pour que je sache me servir d'une épée."

**********************************************************************************

Gabrielle s'appuya sur son bâton pendant un long moment, observant l'avant-poste, avant de continuer à marcher vers lui, un léger sac sur le dos. Elle laissa ses bottes crisser ostensiblement contre le gravier et sourit lorsque le garde posté là se retourna pour voir qui approchait.

"Bonsoir M’dame". La salua respectueusement le jeune homme, en prenant une meilleure prise sur son bâton. C'était l'un des meilleurs élèves de Xena en fait et il passait généralement ses soirées de garde sur l'avant-poste fluvial à l'extérieur d'Amphipolis.

"Salut Jeris." La barde le rejoignit dans la lumière projetée par une torche accrochée derrière le poste de garde. "C'est une belle nuit, n'est-ce pas ?"

"C'est certain." Il frotta d’une main ses cheveux blonds courts. "Vous êtes venue regarder les étoiles ? Je sais que vous le faites parfois… Je vous ai vue près du pont."

Gabrielle soupira doucement. "En fait... Je suis ici pour te remplacer... Rentre et va dîner." Elle tapota son bâton et lui lança un regard rassurant. "Il y a une très grosse marmite de ragoût de poisson sur le feu."

Jeris cligna des yeux. "Vous êtes sûre, M’dame ?" Il regarde autour de lui. "C'est terriblement solitaire ici."

La barde sortit un parchemin relié de son sac. "J'ai un peu d'écriture à faire... c'est plus facile pour moi là où c'est calme."

Il se gratta la tête. "D’accord..."

Gabrielle prit sa place près de la torche lorsqu'il s’éloigna, attendant que ses pas s'estompent avant de s'installer sur le siège en bois et de regarder à travers la petite meurtrière.

Elle laissa ses yeux s'habituer à l'obscurité extérieure et passa quelques minutes à scruter la zone, ne voyant rien d'extraordinaire sur cette pente de montagne au milieu de la nuit. Une chauve-souris traversa son champ de vision et elle la regarda, la lumière de la lune se reflétant sur ses ailes alors qu'elle esquivait un obstacle invisible et se posait sur une branche à proximité.

Puis elle souffla, se pencha en arrière et ouvrit son journal avant de le poser sur ses genoux.

Eh bien. Si j'y avais réfléchi, j'aurais trouvé une meilleure façon d'aborder le sujet. Je veux dire... à quoi est-ce que je pensais ? Xena venait de tout remettre en jeu pour moi et moi je lui envoie une boule de boue dans la figure.

Elle est en colère.

Bon sang, elle est toujours en colère... mais c'est le genre de colère que j'aime voir en elle. Elle crie, elle bouge ses mains dans tous les sens, elle est bruyante et exaspérée.

Je peux vivre avec ce genre de colère.

C'est le genre calme et froid que je ne peux pas supporter... plus maintenant. Quand elle me tourne le dos et fait comme si je n'existais pas... ou que je n'obtiens que des grognements, au mieux. C'est le genre de colère que j'ai dû affronter après que les Furies l'ont rendu folle et je déteste ça. Je déteste vraiment ça... Je déteste ce que ça me rappelle et je déteste savoir à quoi ça a mené.

Mais non, c'était une bonne colère cette fois... si on peut dire qu'une colère est bonne... le genre où, quand j'y retournerai dans quelques temps, elle sera grincheuse et me lancera des regards noirs, et trépignera, mais je sais que si je vais vers elle et que je la prends dans mes bras, je recevrai un câlin en retour.

Gabrielle mâchouilla sa plume, suçant légèrement le bout tandis que le goût de la menthe chatouillait sa langue. Du moins, je l'espère. Elle soupira intérieurement. Elle était tellement en colère.

Je suppose qu'elle ne comprend pas vraiment pourquoi je lui ai demandé de m'aider... mais ce n'est pas grave, parce que je le comprends à peine moi-même. C'est juste que je sais que ce combat va avoir lieu et j'y ai engagé mes Amazones. Je ne peux pas rester là et ne pas me battre avec elles quand le moment viendra, et je ne pourrais pas le faire avec un bâton.

Le problème, et je sais que c'est ce qui la dérange, c'est que je peux utiliser une épée pour me défendre mais après ?  Xena peut... elle utilise cette épée comme si c'était une extension de son bras. Si elle... tue quelqu'un avec, c'est parce qu'elle en a fait le choix, pas parce qu'elle a frappé quelqu’un par hasard.

J'ai beaucoup pensé à ça... à tout ce que je pourrais faire... et j'ai réalisé qu'il y a une ligne que je ne veux pas... que je ne peux pas... franchir.

Ce que Xena voulait dire, c'est que dans le feu de l'action, tu ne peux pas t'arrêter et penser à ça.

Je me sens tellement mal pour elle... elle est tellement déchirée par tout ça. Une partie d'elle veut s'assurer que je suis prête à participer à la bataille et une autre partie veut me cacher dans la grotte la plus profonde qu'elle puisse trouver… et en plus de ça, il y a Dori.

J'aurais dû attendre pour lui parler de ça... jusqu'à ce que les Amazones soient là et que les choses se soient calmées.

Trop tard maintenant.        

Gabrielle ferma son journal et s'appuya dessus, et elle resta immobile pendant un moment. Puis elle rangea le livre dans sa pochette et la posa sur le sol, avant de porter de nouveau son attention sur la pente.

*****************************************

"Eh bien, je ne sais pas... Je ferais mieux de trouver Xena et...ohhh !" Toris percuta sa sœur, qui venait juste d’entrer dans la caverne d'armes, une grimace sur le visage. "Hé... Justement la personne que je cherchais."

"Tu m'as trouvée." Marmonna la guerrière de façon laconique. "Qu'est-ce qu’il y a ?"

Toris pencha la tête sur le côté. "Euh, c’est plutôt à toi qu’il faut poser la question je crois. Qu’est ce qui se passe ?"

La guerrière croisa son regard froidement. "Toris, qu'est-ce qu’il y a ?"

Son frère recula d'un pas et les deux hommes qui l'accompagnaient s'échappèrent discrètement, s'esquivant par l’entrée par laquelle Xena venait de passer pour laisser le frère et la sœur discuter tranquillement. "Tu vas bien ?" demanda Toris sérieusement. "Est-ce que quelque chose s'est passé, que je devrais savoir ? Tu allais bien tout à l'heure."

Xena le fixa un long moment, puis son regard se baissa pour se fixer sur un caillou sur le sol rocheux. "Oui... je vais bien..." répondit-elle calmement. "Pourquoi as-tu besoin de moi ?"  Bon sang, Xena... ne t'en prends pas à lui. Ce n'est pas de sa faute. Elle prit une inspiration, plaça une expression plus patiente sur son visage et leva les yeux vers Toris.

Avant, réalisa Toris tranquillement. Je me serais fait casser la figure, ou j'aurais reculé. Mais d'une certaine façon, au cours des deux dernières années, elle est redevenue ma sœur. Il redressa ses épaules et la regarda dans les yeux. "Quelque chose te tracasse, soeurette ? Tu as besoin de parler de quelque chose ?"

Cela déstabilisa Xena, c'est certain. La guerrière cligna des yeux et elle fronça les sourcils. Puis elle se détendit visiblement un peu. "Rien que tu veuilles entendre, Toris...". Elle soupira. "Mais merci pour l'offre."

Ils se regardèrent  avec embarras pendant une minute. "Tu voulais quelque chose ?" murmura finalement Xena après s'être éclairci la gorge. "Je hum... j'allais passer prendre Dori... et je..."

"Je vais t’accompagner." Proposa Toris. "Ce n'est pas vraiment important... J'ai juste remarqué quelque chose dans ces caisses que nous déballions... Je n'étais pas sûr de ce que c'était..."

Le dos de Xena se raidit. "Où est-ce que c'est ?"

Toris lui jeta un regard légèrement surpris, puis haussa les épaules et ouvrit la voie vers la grotte de stockage en se dirigeant vers une grande caisse dans le coin qu’il ouvrit en faisant levier sur le dessus. "C'est ça... J'essayais de comprendre à quoi ça pouvait bien te servir... mais je ne sais pas..." Il sortit un grand tonneau en bois, fendu en son centre, avec une manivelle en fer forgé sur le côté.

La mâchoire de Xena se décrocha un peu et elle le prit, le retourna dans ses mains et secoua la tête. "Bon sang... Je n'avais aucune idée de ce qu'il y avait là-dedans... Je ne l'ai pas vu depuis... Par les Dieux, ça fait dix ans ?"

Toris fronça les sourcils. "Bien... content que ça t’a manqué... mais qu'est-ce que c'est, Xena ?"

La guerrière le redressa et tourna la manivelle. "C'est... hum... on peut faire une sorte de... hum... dessert, je suppose... avec." Expliqua-t-elle avec ironie. "Tu mets de la crème, des fruits et d’autres petits trucs que tu aimes bien…tu mixes le tout…et tu rajoutes de l’eau froide… ». Un souvenir perdu refit surface, celui d'une chaude journée d'été, d'un arbre ombragé et de l'une des rares fois où elle avait partagé autre chose que la mort et le sang avec ses disciples. "C'est froid et doux..."

"On dirait que c’est quelque chose que Gabrielle aimerait." Plaisanta Toris en croisant ses bras sur sa poitrine.

Xena souffla et étudia l'appareil. "Ouais." Reconnut-elle doucement.

Son frère l'étudia en silence. "Vous vous êtes disputées ?"

La guerrière releva la tête et regarda Toris avec surprise. "Pourquoi tu dis ça ?"

"Ça n'arrive pas souvent... mais quand ça arrive, tu deviens plus piquante qu'un hérisson." Répondit son frère calmement. "Alors, qu'est-ce qu'il y a ?"

Xena réfléchit, puis se percha sur un coin de la caisse. "Elle veut que je lui apprenne à se servir d'une épée." Elle émit un grognement exaspéré. "C'est tout."

"Et ?" Toris haussa les épaules.

"Comment ça « et » ?" craqua sa sœur. "C'est de Gabrielle dont on parle, Toris !"

"Uh huh... la même Gabrielle qui passe son temps à courir dans les combats en surveillant tes fesses... et en se mettant sur le chemin des piques et des lances... oui, je sais." Répondit Toris sèchement.

Xena le regarda avec surprise.

"J'avais l'intention d’en parler... tu passes Dieu sait combien de temps à t'assurer que tu sais parfaitement comment botter des culs, Xena... tu es une putain de perfectionniste, et nous le savons tous."

"Je ne le suis pas."

"Si, tu l'es." Répliqua Toris. "Tu ne te lancerais pas là-dedans sinon... mais quel que soit le combat sauvage dans lequel tu t'engages, elle t'accompagne."  Il se leva et leva les bras. "Un millier d’hommes ? Pas de problème... elle est juste là... au milieu de tous, avec un bâton en bois pour se défendre et te défendre aussi parfois." Il laissa retomber ses bras sur ses côtés. "Donc quel est le problème exactement avec sa demande, Xena ?"

"Qu'est-ce que tu veux dire, quel est le problème avec ça ? Elle ne tue pas les gens, Toris ! Tu ne t'en es pas encore rendu compte ?" Xena posa l'appareil et se leva en posant ses mains sur ses hanches. "Et je ne vais pas lui apprendre à le faire."

Son frère se rapprocha et lui fit face. "Qui a parlé de tuer ? J'ai porté une épée pendant combien de foutues années sans l’avoir fait !" Il secoua la tête. "Tu crois que tu ne peux pas tuer quelqu'un avec un bâton ? Tu sais que ce n'est pas vrai, Xena... ça dépend des mains dans lesquelles il se trouve. "

La guerrière resta silencieuse, le considérant avec méfiance.

"Tu ne peux pas la tenir à l'écart du combat." déclara son frère, plus doucement. « Si tu es là, elle sera juste là avec toi, sœurette... Donne-lui toutes les chances que tu peux pour t'assurer que vous sortiez toutes les deux vivantes de cette chose dans laquelle nous sommes en train de nous engager."

Xena cligna des yeux plusieurs fois, puis elle soupira doucement. "Je la laisserais en dehors de ça si je le pouvais." L’admit-elle. "Tu as peut-être raison... Je ne sais pas."

Toris lui tapota doucement le ventre. "Réfléchis-y, hein ?"  Il allégea consciemment son ton. "Alors... parle-moi de cette histoire de dessert, maintenant ?"

La guerrière sourit un tout petit peu. "Je vais voir si je peux trouver ce qu'il faut pour ça." répondit-elle tranquillement, puis elle leva les yeux. "Merci."

Toris fronça le nez en souriant à son tour. "Hé... c’est à ça que servent les grands frères, de toute façon, hein ?"

Un cri traversa la roche et ils se regardèrent avec inquiétude. "On aurait dit une alerte." Xena se dirigea vers la porte. "Qui est de garde ?"

*******************************************

Quand on observe vraiment la nature, on est surpris. Gabrielle avait étudié une famille de mulots sur la pente juste en dessous d'elle, alors qu'ils se précipitaient pour collecter de la nourriture. La mère mulot... enfin, elle supposait que c'était la mère mulot, ne cessait de tourner autour de ses petits, qui fouinaient comme s'ils étaient étonnés de ce qu’ils voyaient ou bien étaient perdus.

Le papa mulot ramassait rapidement des grains et les ramenait à l'entrée de leur trou, pour les déposer avec un air de triomphe nerveux.

"Tu sais, Gabrielle... tu pourrais avoir tort. C'est peut-être le papa mulot qui s'occupe des enfants, et la maman mulot qui fait les choses difficiles." Commenta-t-elle doucement. "Tu devrais savoir mieux que la plupart des gens qu'il ne faut pas prêter attention aux rôles traditionnels."

Elle réfléchit à sa propre vie. Bien sûr, elles avaient chacune des tâches spécifiques... mais elle avait eu tendance à remarquer, dès le début, qu'elles étaient divisées par leurs compétences, plutôt que par des idées préconçues.

Gabrielle cuisinait parce qu'elle le pouvait. Xena avait expliqué durement, les premiers jours de leur voyage, qu'elle n'avait jamais eu envie d'apprendre et que si Gabrielle voulait manger autre chose que des noix crues et de la viande à moitié cuite, elle devait le faire elle-même.

Secrètement, elle avait été ravie... parce que c'était une petite façon pour elle de contribuer à leur partenariat, et c'était quelque chose que Xena elle-même admettait ne pas pouvoir faire. D'un autre côté, la première fois qu'elle avait fait un trou dans sa jupe et qu'elle n’avait pas su quoi faire...

"Donne-moi ça." avait dit Xena avant de récupérer la jupe et de la recoudre avec une telle habileté qu'on ne saurait jamais qu’un trou avait été là.

C'était intéressant de découvrir les forces et les faiblesses de l'autre. Intéressant, de voir leur amitié se développer, malgré leurs grandes différences. Elle se souvenait encore du picotement de fierté qu'elle avait ressenti la première fois que Xena l'avait présentée par "Voici mon amie, Gabrielle." au lieu de son nom.

C'est drôle, ce n'est que maintenant, en regardant en arrière à travers les insécurités de sa jeunesse, qu'elle réalisa la douleur qu’elle avait vue dans les yeux de Xena lorsqu’elle lui avait dit qu'elle partait... pour aller à l'Académie... ou pour rentrer à la maison... elle avait été tellement sûre que la guerrière serait heureuse d'être débarrassée d'elle.

"J'étais tellement aveugle." Chuchota Gabrielle aux mulots, occupés par leurs propres vies. C'était juste devant moi tout ce temps... J'ai juste laissé son attitude froide m'empêcher de le voir."  Elle soupira, ayant soudainement une envie intense d'aller retrouver son âme sœur, pour régler la colère qui les opposait.

Malheureusement, elle jeta un coup d'œil autour d'elle. Elle était venue ici pour relever le garde et laisser l'avant-poste sans surveillance était une faute qui décevrait vraiment beaucoup Xena venant d’elle. Elle soupira. Le tour de garde était de quatre bougies et elle était ici depuis plus d'une déjà... la relève viendrait bien assez tôt.

Ou... Gabrielle pressa son œil sur la fente et sourit un peu. Peut-être entendrait-elle d'ici là des bruits de pas derrière elle, lorsque Xena la chercherait, pour la même raison.

C'était calme. Elle regarda les mulots finir leur travail et se précipiter dans leur trou alors que le vent se calmait et lui apportait le son de l'herbe buissonnante, ainsi qu'un doux tintement lorsque quelques flocons de roche se détachèrent de la montagne.

Le monde sembla retenir son souffle pendant quelques battements de cœur et Gabrielle cligna des yeux, bougeant légèrement pour mieux voir. Puis elle pencha la tête et écouta, fermant les yeux pour se concentrer comme Xena lui avait appris à le faire.

Se concentrer.  Elle avait cru entendre... non, c'était encore le vent, et un arbre qui craquait... ou était-ce ? Était-ce les battements de son cœur ou....

Des chevaux.

Des roues contre la terre.

Au loin, un cri.

"Oh bon sang !" Gabrielle se leva et s'élança sur la corniche, prit une grande inspiration et mit tout son souffle dans un sifflement fort et distinct. Elle fit une pause, attendant impatiemment pendant ce qui lui sembla être une éternité, puis un sifflement de réponse lui parvint. "Qu'est-ce que c'est... qu'est-ce que c'est... oh oui... c'est ça... deux, puis un, puis deux." Elle inspira à nouveau et envoya un signal vers le ciel, puis se mordit la lèvre jusqu'à ce qu'elle entende la réponse, puis un doux bruit de pieds qui courent.

Elle se précipita vers l'avant-poste et sauta sur le siège, jetant un coup d'œil par-dessus la cloison en bois en protégeant ses yeux de la lumière de la lune. Elle pouvait entendre les chevaux plus clairement maintenant, et en se tenant sur la pointe des pieds, et en clignant un peu des yeux, elle pouvait distinguer un nuage au loin, et entendre des cris et le son d'un fouet qui claque.

Un autre cri, celui-ci plus distinct, et avec une pointe de désespoir. Gabrielle attrapa son bâton et le jeta par-dessus la structure en bois, puis elle mit ses mains sur le bord et sauta par-dessus.

Oubliant la hauteur du mur, elle resta dans les airs bien plus longtemps qu'elle ne l'avait prévu et heurta le sol avec un choc douloureux, se retrouvant à rouler en bas de la pente, ses mains cherchant désespérément une prise.

"Ow" Elle attrapa finalement un buisson et s'arrêta, puis se releva, grimaçant lorsqu'une douleur aiguë la frappa lorsqu'elle mit du poids sur sa jambe gauche. "Bon sang... c'était vraiment stupide, Gabrielle." Elle fit quelques pas et sentit la douleur dans son genou s'apaiser, puis elle regarda autour d'elle, repérant son bâton non loin. 

"J’ai de la chance". Elle boita et le récupéra puis elle se dirigea vers les sons qui arrivaient, se mettant à avancer douloureusement un peu plus vite, lorsqu’ils devinrent plus forts.

***************************************

"L'avant-poste a envoyé une alerte."

Xena acquiesça et se hissa sur le dos nu de Iolaus, le poussant en avant avec une pression de genoux. "Emmène tout le monde à la porte... qui monte la garde là-haut... Jeris ?"  La guerrière s'arrêta, en apercevant l'homme qu'elle venait de nommer courir vers elle. Un soupçon soudain fit tomber une boule glacée dans ses tripes alors qu'il s'approchait, son visage lui indiquant déjà la réponse. "Qui t'a relevé ?"

"Gabrielle l'a fait... elle a dit..." Il s’arrêta en voyant l’expression de colère transformer le visage de la guerrière. "Elle m'a dit... "

Xena étouffa un juron et fit tournoyer son cheval sur place. " Je m’en doute. " Elle tourna la tête, voyant une douzaine de miliciens monter maladroitement sur les chevaux de trait qu'ils avaient amenés avec eux. "Dépêchez-vous... on y va."

Elle mena le groupe vers la porte principale et fit un signe de tête aux gardiens, tout en calmant un Iolaus nerveux alors que la barrière en bois s'ouvrait vers l'extérieur. Puis elle partit au galop dès que les portes s’ouvrirent et elle monta sur la petite colline pour observer les pentes au loin et repérer le problème. "Là-bas !"

Un chariot, dont les chevaux galopaient désespérément, fuyait devant un groupe de cavaliers en chasse, le conducteur du chariot les encourageant d'une voix paniquée tandis que des carreaux d'arbalète fusaient de chaque côté de lui. La seule raison pour laquelle il restait en tête était que les chevaux qu’il conduisait, huit énormes animaux, faisaient du chariot en bois un poids léger à déplacer.

La chance l’abandonna finalement, lorsqu'il s'approcha du fond de la vallée. Les roues du chariot heurtèrent un tronc d'arbre le long du chemin et le chariot se renversa. Les chevaux trébuchèrent lorsque le poids du chariot les entraîna sur le côté.

Le chariot se renversa et Xena put entendre les hurlements des poursuivants qui se rapprochaient, la lumière de la lune scintillant sur les épées dégainées, tandis que le conducteur sautait et se précipitait vers l’arrière pour tirer de toutes ses forces sur les portes à l'arrière du chariot.

Le cavalier de tête l'atteignit et leva son bras pour le frapper. Xena se pencha en avant, poussant Iolaus à aller plus vite en lâchant un juron lorsqu’elle réalisa qu’elle ne serait pas là à temps. Même le chakram ne pourrait pas l'arrêter.

L'épée descendit, mais fut déviée sur le côté par un long bâton de bois. Il cria, puis se baissa, mais pas assez vite pour éviter un coup dans les côtes qui le fit presque tomber de son cheval et fit grimper les efforts de Xena à la vitesse supérieure.

Gabrielle sauta sur le chariot effondré et se plaça devant le conducteur, faisant face à la douzaine d'hommes avec rien de plus que ses tripes et son bâton.

***************************************

"Reste à terre" hurla la barde en esquivant une lance, avant de raffermir sa prise sur son bâton. Les cavaliers se dirigeaient maintenant vers elle. "De l'aide arrive !"

"Tu es folle !" cria l'homme qu'elle protégeait. "Ils vont te tuer !"

Gabrielle n'eut pas le temps de s'en inquiéter, car elle faillit être renversée par un cavalier, esquivant de justesse son coup de hache avant de lui envoyer un coup à son tour qui lui fit lâcher son arme.

"Par les Dieux." Elle sauta du chariot et s'interposa entre deux cavaliers qui se dirigeaient vers elle, les faisant se heurter l'un à l'autre, puis elle s'écarta du chemin quand un des chevaux trébucha et tomba, renversant son cavalier presque à ses pieds. Elle lui donna un coup à l'arrière de la tête et l’homme s’écroula puis elle sauta par-dessus lui, juste à temps pour éviter un autre coup de lance.

C'était plus que ce qu'elle pouvait supporter, Gabrielle s'en rendit compte rapidement. Elle esquiva et balança son bâton sur un autre cavalier, mais ce dernier dévia le coup et la frappa dans le dos avec une massue. Elle accompagna le coup en roulant et se retrouva près du chariot.

Deux des cavaliers la repérèrent aussitôt et se rapprochèrent d’elle rapidement, lui faisant réaliser qu'elle s’était piégée entre eux et le chariot. Elle leva son bâton au moment où l'un d'eux passa à toute vitesse devant elle et essaya de le faire descendre de son cheval. L'extrémité du bâton s'accrocha à la selle et faillit le faire tomber mais il se redressa à temps et continua à avancer.

Malheureusement, il finit par lui arracher le bâton des mains et elle se retrouva face à l'autre pillard sans arme, alors qu'il levait sa massue et éperonnait son cheval vers elle. Elle inspira et s'accroupit, ses yeux papillonnant pour trouver une issue, jusqu'à ce qu'il soit assez proche pour qu'elle puisse voir le sourire sur son visage quand il leva son bras, avec l'intention de lui arracher la vie.

Il n'entendit jamais les chevaux qui s'approchèrent, ni le bruit de l'acier. Il ne sentit pas le changement de pression de l'air avant qu'un corps large et rapide le percute avec une force suffisante pour le faire tomber de sa selle et envoyer son cheval sur le sol brusquement. Il n’entendit pas non plus le cri puissant, synonyme de souffrance et de mort, qui se propagea dans la vallée.

Il mourut dans les airs, la poitrine ouverte du cou à l'aine dans une pluie de sang chaud, qui inonda Gabrielle alors qu'elle se baissait et se couvrait la tête, son corps tremblant en réponse à la rage qu’elle sentait émaner de son âme sœur et qui rendait la pluie de sang insignifiante.

Après un moment de pause pour se permettre de reprendre sa respiration, elle se redressa et jeta un coup d'œil autour d'elle, apercevant la forme de Xena en train de se battre sauvagement à moins de deux longueurs de corps d'elle. La guerrière était en train de démembrer un pillard, et sous le regard de la barde, un cri sauvage jaillit de sa gorge, envoyant des frissons dans le corps de Gabrielle.

Ah. Elle inspira profondément en repéra son bâton sur le sol et le saisit rapidement. Puis elle se mit au travail dans le rôle qui lui était maintenant familier depuis longtemps, défendant le dos de sa compagne contre toute personne assez stupide pour essayer de l'attaquer.

Un combat comme un autre.

Et cela se termina rapidement. Elle chercha le conducteur du chariot et le trouva, à moitié enterré sous un cheval tombé et qui essayait péniblement de dégager ses jambes coincées.

"Attends…" Gabrielle poussa doucement le cheval à se redresser et il lui obéit en titubant, les narines dilatées par l'odeur du sang dans l'air. Elle s'agenouilla du côté du conducteur et souffla. "Est-ce que ça va ?"

Une main sur son épaule lui fit lever les yeux et elle croisa le regard de son âme sœur, alors que Xena s'agenouillait également et passait un bras autour d'elle. Elle s'appuya avec gratitude contre le corps de la guerrière tout en reportant son attention sur le conducteur.

"Par Hadès, qui êtes-vous ?" demanda l'homme, avec un gémissement. "Je ne pensais pas qu'il y avait quelqu'un par ici." Il regarda autour de lui, observant les corps empilés. "Ils sont tous morts ?"

"Oui." Répondit Xena calmement. "Morts ou en fuite."  Elle toucha la tunique qu'elle avait arrachée à l'un d'eux, avec son impudente tête de lion. "Des hommes d'Andreas, on dirait."

L'homme la regardait fixement. "Tu connais sa marque alors." Il laissa échapper un soupir tremblant. "Ils ont pris notre village à la dernière lune... Les Dieux savent que nous avons essayé de respecter leurs demandes, mais... ce n’était jamais suffisant. "

Gabrielle posa une main réconfortante sur sa botte. " Nous savons... nous avons vu beaucoup d'endroits comme ça. "

"Où allais-tu ?" demanda Xena.

Il secoua lentement la tête. " N'importe où... J'ai des... " Son regard dériva vers le chariot, où ils pouvaient maintenant entendre des gémissements. "Avez-vous un guérisseur ?" Ses lèvres tremblèrent. "Je ne sais pas s'ils peuvent faire grand-chose... mais je devais essayer... Je devais les sortir de là."

"Je suis une guérisseuse." Xena se leva et se dirigea vers le chariot, écartant les morceaux de bois au fur et à mesure. Elle débloqua l’arrière du chariot et tira dessus. "Toris... donne-moi un coup de main... "Le frère et la sœur joignirent leurs forces et soulevèrent la porte arrière du chariot avant de jeter un coup d'œil à l'intérieur, alors que Gabrielle se levait pour les rejoindre.

Ça puait le sang et pire encore. Xena se retrouva face à ce qui semblait être sept ou huit corps, avec des yeux ternes et brillants qui la fixaient, les bouches ouvertes dans des cris d'agonie piteux et presque silencieux.

Par pur réflexe, la guerrière se retourna et attrapa la barde, lui faisant tourner la tête. "Ne regarde pas." Chuchota-t-elle, entendant la brusque inspiration qui s'échappait de la gorge de Toris. "Nous devons remettre ce truc en état... et les ramener à l’intérieur."

Gabrielle était trop abasourdie pour protester, alors que sa tête était maintenue doucement, mais inflexiblement sur un côté, et qu’elle pouvait sentir le tremblement des mains de Xena. Elle prit une profonde inspiration, puis leva ses propres mains et attrapa celles de son âme sœur. "Xena... laisse-moi regarder."

"Non." Répondit la guerrière, la tirant près d'elle avant d’enrouler ses deux bras autour d'elle fermement. "Gabrielle... tu ne veux pas voir ça."

La barde lui rendit son étreinte. "Je sais... mais tu devrais savoir maintenant que tenter de me protéger de ces choses ne fonctionne pas." Répondit-elle à son âme sœur tranquillement, en lui donnant une petite tape. "Allez... laisse-moi regarder."

Lentement, la pression autour d'elle se relâcha et elle se tourna, restant à côté de Xena tandis qu'elle laissait ses yeux se concentrer sur l’intérieur du chariot.

Elle sentit le sang se vider de son visage si rapidement qu'elle serait tombée si la guerrière ne l’avait pas retenue.

C'était des enfants, le plus jeune avait peut-être six ans... l'aîné n'était pas beaucoup plus jeune que Gabrielle elle-même quand elle avait rencontré Xena. Des marques et des blessures couvraient leurs corps et pire encore. Il manquait un membre à l'un d'entre eux. Un autre avait des bandages attachés autour de sa tête, au-dessus de ses yeux, et des taches de sang sur le visage. Ils fixaient leurs sauveurs dans un silence muet.

"Allons-y." La voix de Xena résonna fortement, par-dessus le claquement des torches, alors que les hommes observaient les enfants, horrifiés. " Aidez ces pauvres enfants."  Puis, elle se tourna vers le conducteur, qui était soutenu doucement par deux miliciens. "Où est ton village ?"

Il la regarda d'un air fatigué. " A un jour d’ici... un peu plus peut-être..." en pointa de la tête la direction de son village.

L'ex-chef de guerre hocha lentement la tête. "Ils sont combien ?" La voix de Xena avait pris un ton froid.

L'homme hésita. "Une trentaine je crois... peut-être un peu plus que ça."

Xena se retourna et regarda la route en silence, ses yeux de faucon étudiant quelque chose que les autres ne pouvaient pas voir. Puis elle hocha la tête et reporta son attention sur eux. "Très bien... allons-y."

Les miliciens se rassemblèrent autour du chariot, ceux qui étaient indemnes, et après quelques instants d'anxiété, ils le redressèrent et tout le monde se mit en route, laissant les cadavres des soldats gisant silencieusement sur la route.

Xena les observa un moment, puis elle souffla et baissa les yeux sur la silhouette silencieuse toujours cachée dans ses bras.

Gabrielle leva les yeux vers elle et elles se regardèrent silencieusement, aucune d’elles n’avait besoin de parler pour comprendre ce que lui disait l’autre. Puis la barde souffla et s'adossa au corps chaud qui l'entourait, regardant le clair de lune dorer le chariot qui avançait lentement.

La guerrière siffla doucement et Iolaus arriva au trot. Elle hissa Gabrielle sur le dos de l'étalon, puis monta derrière elle, avant de s’immobiliser un moment pour regarder longuement en arrière, du côté d'où venaient les voyageurs.

Elle savait que des yeux étaient là, à l'observer, se demandant ce qu'elle allait faire ensuite.

Xena sourit et leur tourna le dos.

Ils le sauront bien assez tôt.

********************************************

A suivre chapitre 13

Publicité
Publicité
Commentaires
E
Oui et ce n'est que le début...<br /> <br /> Avec plaisir :)!
Répondre
I
Un avant gout pour la suite de cette histoire sombre et ...violente.<br /> <br /> <br /> <br /> Merci pour ce nouveau chapitre!<br /> <br /> <br /> <br /> Isis
Répondre
Publicité