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Guerrière et Amazone
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  • Vous trouverez ici des Fans Fictions francophones et des traductions tournant autour de la série Xena la Guerrière. Consultez la rubrique "Marche à suivre" sur la gauche pour mieux utiliser le site :O) Bonne lecture !!
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17 septembre 2023

La noirceur du matin chapitre 18

La noirceur du matin – Tome 14  – Melissa Good

 

Xena et Gabrielle se sont installées à Amphipolis et profitent de leur nouvelle fille, Doriana.

Mais est-ce bien le cas ? La vie est, comme Gabrielle le sait bien, une série de compromis. Pour obtenir une chose, il faut souvent renoncer à une autre.

 

Chapitre 18

C'était une mauvaise nouvelle.

Xena se tenait devant les portes, laissant la pluie forte s’abattre sur elle alors qu'elle écoutait le conducteur, un membre de la milice épuisé, blotti sous une cape usée. "Y a-t-il eu beaucoup de dégâts ?"

"Oui." Répondit l'homme. "Ils sont venus à l'improviste Xena... nous les avons à peine repoussés, mais le pire, c'est qu'ils nous ont dit qu'ils reviendraient, encore, et encore, et encore... qu'Amphipolis avait été ciblée par Andreas pour être attaquée jusqu'à ce qu'il n’en reste plus rien."

"A cause de moi." déclara calmement Xena.

"Oui."

"Il essaie de nous faire sortir, de nous faire combattre à ses conditions." Déclara la guerrière sans émotion. "Il pense que s'il menace ma maison, je viendrai la protéger."

Ses mots tombèrent dans un silence humide, tandis que la pluie tombait sur et autour des silhouettes sombres et encapuchonnées. Xena finit par soupirer. "Il n'est pas stupide, je lui accorde ça." Elle retira les cheveux mouillés de ses yeux. "Très bien. On doit juste trouver un moyen de faire en sorte que ça marche en notre faveur... passez le mot. Nous devrons partir dans la matinée."

Un silence de mort suivit ses paroles. "Xena." Toris réalisa que tous les yeux s’étaient tournés vers lui, et il poursuivit non sans un certain malaise. "Tu ne veux pas dire que tu vas faire exactement ce qu'il attend de toi... n'est-ce pas ? C'est juste une ville... nous pouvons la reconstruire." Il déglutit un peu face au regard sinistre que Xena lui envoya, mais il se redressa, en se rassurant intérieurement que sa sœur ne le tuerait pas juste pour avoir parlé.

N'est-ce pas ?

"Nous ne pouvons pas perdre cet emplacement... c'est notre seul lien avec les routes commerciales." répondit Xena, d'un ton tranchant. "S'il nous prend ça, il nous piégera ici, et il le sait. L'autre route de sortie est trop étroite - nous ne pourrons pas évacuer assez vite sans qu'il ne nous attrape." Elle regarda au loin dans l'obscurité. "Nous devons le retenir de l'autre côté de la rivière. C'est notre seule chance."

"Xena... nous ne sommes pas... " Commença Toris avant de s’arrêter brusquement lorsqu’il croisa le regard glacial de sa sœur. "Ok. Je vais faire passer le mot."  Termina-t-il doucement, en baissant les yeux.

"Nous laisserons une petite force armée de volontaires ici... pour garder les aînés et les enfants." Xena laissa sa voix s'élever un peu. "Et tous les gens d'Amphipolis qui veulent partir." Elle se tourna vers le villageois qui avait apporté la nouvelle. "Désolée pour ça."

Il enleva sa capuche, exposant ses cheveux argentés, et la regarda franchement. "Nous savions dans quoi nous nous engagions." Lui répondit-il. "Nous savions ce qui pourrait arriver, et que tu pourrais avoir à sacrifier le village si on en arrivait là. Personne ne te le reproche, Xena."

La lumière de la torche projeta des ombres dures sur son visage anguleux. "Personne sauf moi." Elle fit demi-tour et repartit vers les grottes.

Ils la regardèrent partir, l'obscurité engloutissant sa grande forme, les laissant dans un sombre silence. Toris appuya un bras contre le chariot et souffla. "Qu'est-ce qu'il y a là-dedans ?" demanda-t-il en désignant le chargement du chariot.

"Ils allaient chez elle, Tor... c'était comme s'ils savaient exactement quoi détruire. On est entrés et on a récupéré beaucoup de leurs affaires... on les a emballées et on les a apportées au cas où la prochaine fois ils y mettraient le feu." L'homme déplaça ses mains sur les rênes. "Je sais que ce ne sont que des petites choses, mais j'ai vécu à Amphipolis toute ma vie, Toris... et j'ai vu beaucoup de choses. Je sais combien des petites choses peuvent signifier."

"Merci, Jer." Toris lui tapota l'épaule. "Je sais que ma sœur appréciera... en fait, toutes les deux." Il attrapa la bride du cheval. "Viens... on va te mettre à l'abri... ça a été un long voyage."

***************************

Xena entra en premier dans la pièce qu'elle avait choisie comme salle de réunion, ayant besoin d’être seule quelques instants avant que les différents capitaines de troupe ne la rejoignent. Elle s'approcha et posa ses mains sur la table où se trouvaient les cartes et fixa les parchemins sans rien voir.

Après un moment, une présence se fit sentir dans son dos. Elle se redressa et leva les yeux pour rencontrer des yeux vert brillant qui la regardaient. "On y est."

"On y est." Gabrielle s'approcha et traça une ligne sur la carte. "Nous allons marcher droit dans son piège ?"

"Oui." répondit prudemment Xena. " En gardant nos yeux grands ouverts."

La barde absorba l'information. "Xena, il y a mille deux cents personnes ici... qui se battent parce qu'elles croient en toi... dans le fait que nous avons une chance de réussir. Tu ne peux pas simplement les faire se jeter droit dans le piège d'Andreas." Elle se redressa un peu et attendit.

Le visage de la guerrière se tendit, les muscles de sa mâchoire bougeant visiblement sous la peau. "Ils vont devoir me faire confiance, Gabrielle." Xena s'assit sur un bord de la table et croisa les bras. "Oui, c'est ce qu'il veut, mais beaucoup de choses dépendent de la façon dont on le lui donne". Elle regarda le visage expressif à côté d'elle, visiblement en pleine réflexion. "Je ne vais pas faire tuer tout le monde juste pour prouver un point."

"Bien sûr que non." Murmura Gabrielle. Elle scruta le visage de sa compagne avec attention, observant les muscles se déplacer très légèrement. "Tu as un plan."

Un léger sourire anima les lèvres joliment formées. "J'ai toujours un plan." Répondit Xena avant de soupirer. "De plus, beaucoup de gens sont blessés là-bas... nous ne pouvons pas les abandonner, Gabrielle."

"Je sais... et c'est notre principale source de commerce." Reconnut la barde. "Je comprends les raisons, Xena, mais ils sont tellement plus nombreux que nous."

"Alors nous devons être plus intelligents, plus rapides et meilleurs." Déclara la guerrière. "Et peut-être utiliser leur supériorité numérique contre eux."

Gabrielle hocha la tête, puis elle s'approcha et posa une main amicale sur le genou de la guerrière. "Eh bien, si quelqu'un peut faire ça, c'est bien toi." Elle entendit les autres approcher, alors elle se pencha plus près. "Ne m'en veux pas d'avoir demandé."

"Je ne t’en veux pas." Répondit Xena. "J’aurai été inquiète si tu ne m’avais pas posé de questions."

Elles se turent lorsque le reste des chefs de bataille arrivèrent, Amazones et Centaures, miliciens et villageois. Tous avaient déjà entendu la nouvelle, et maintenant ils se tenaient tranquillement devant elle, attendant son explication.

"Très bien." Xena se leva et se dirigea vers le mur du fond, où une grande surface plate de pierre sombre leur servait d'espace d'écriture. Elle ramassa un morceau de la pierre blanche et douce avec laquelle elle faisait ses diagrammes. "Andreas a fait monter les enchères pour nous." Dit-elle en les regardant chacun dans les yeux. "Il a envoyé des raids pour attaquer Amphipolis et leur a fait savoir qu'il allait la rayer de la surface de la terre, afin de nous attirer et de nous détruire avant que nous ayons pu finir de constituer notre armée."

Rapidement, elle dessina la rivière et Amphipolis. "Si nous les laissons prendre le village, cela nous piège ici, avec seulement cette route de montagne pour sortir, et aucun moyen de se réapprovisionner." Elle fit une pause en regardant son image. "En plus du fait qu'il rayerait de la carte ma ville..." Elle se retourna. "… je n'aime pas cette idée."

Les chefs de chaque faction hochèrent la tête en silence.

"Donc, nous allons lui donner ce qu'il a demandé." Elle désigna la rivière, puis esquissa le pont. "Nous devons nous déplacer et mettre en place un fossé et un mur de fortification ici, et ici... comme ça quand ils viendront vers nous, nous aurons une position défendable."

"Mais... Xena." Répliqua Ephiny en croisant les bras. "Ils peuvent simplement descendre la rivière... et nous contourner."

"Non." Toris secoua sa tête. "A cette époque de l'année... avec la pluie que nous avons eue, la rivière n'est traversable qu'à un seul endroit... là où Xena a mis la marque." Il pointa du doigt le mur. "Ou ils peuvent traverser au pont. Partout ailleurs, même en lançant des radeaux, ils risquent une mort prématurée." Il fit une pause. "A moins qu'ils ne viennent par ici, traversent les montagnes, et contournent cette vallée."

"Alors..." Gillen pencha la tête sur le côté. "Nous ne défendons finalement que deux points... le gué et le pont... on pourrait tendre des embuscades tout le long de la vallée et les abattre quand ils viennent vers nous."

"Exactement." Acquiesça Xena. "Ce dont nous devons être sûrs cependant... c'est qu'ils ne nous attirent pas dans un piège et ne retournent pas la situation contre nous. S'ils prennent le gué ou détruisent le pont, nous sommes coincés à découvert, sans couverture, et sans possibilité de retraite... le territoire ami le plus proche est celui des Amazones."

"Pourquoi ne pas simplement se replier derrière la rivière... et défendre les deux positions de là ?" demanda Tyldus, raisonnablement. "Utiliser l'eau comme fossé."

"Deux raisons." Xena désigna l'autre rive. "Ce côté est plus élevé, d'un bon bout de terrain. S'ils prennent cette rive, ils pourront s'en servir pour déverser tout ce qu'ils peuvent sur nous... ça deviendra alors un siège affreux". Elle jongla avec le bout de roche blanche. "L'autre raison est la suivante. Sa force est assez grande pour s'étendre sur toute la longueur de la portée d'Amphipolis jusqu'à l'endroit où la rivière rencontre cette forêt dense... il peut nous empêcher d'atteindre l'eau, ce qui nous enlève ça, plus une énorme source de nourriture."

"Ah." Approuva Tyldus. "Je vois."

"En plus... si nous prenons ces positions, nous pouvons les forcer à voyager loin en aval pour trouver de l'eau pour eux-mêmes." Ajouta Gabrielle en prenant la parole pour la première fois. "C’est un vrai problème logistique pour eux."

Tout le monde la regarda puis se retourna vers Xena.

"Bon point, Gabrielle." Approuva sa compagne en hochant la tête. "Sans compter que s'ils doivent s'approvisionner en eau en aval de chez nous, ils devront faire avec tout ce que nous leur donnons."

Ephiny gloussa doucement et donna un coup de pied dans le sol rocheux. Tyldus se mit à rire franchement. "Un bon point, mon amie, un très, très bon point en effet."

"Très bien." Xena hocha la tête. "Nous devons nous mettre en route à l'aube. Nous n'avons pas beaucoup de temps pour établir notre position avant leur arrivée, et nous avons beaucoup de travail à faire. De plus, j'aurai besoin d'une force armée de volontaires pour rester ici et garder les gens que nous laissons derrière nous, ainsi que ceux que nous enverrons ici depuis Amphipolis."

"Quelqu'un doit aller dire à Aslanta ce qui se passe." Commenta Gillen. "Elle ne voudra pas manquer ça." Elle regarda Xena de façon spéculative. "Je vais voir si quelqu'un veut rester dans le coin."

"Peut-être quelques membres de la milice également." Suggéra Gabrielle.

"Pourquoi pas." confirma Xena. "Chacun a son travail, alors allez-y."

Ils sortirent tous de la pièce, sauf Gabrielle bien sûr, qui s'approcha et passa un doigt dans la poussière blanche que la guerrière avait dessinée. "Tu l'as dit à ta mère ?" demanda-t-elle en tournant la tête vers elle. "Tu crois qu'elle va rester ici ?"

Xena enroula ses cartes et les rangea dans leur étui étanche. "Je ne suis pas sûre de vouloir qu'elle le fasse." Elle se redressa lorsqu’elle sentit sur elle le regard de la barde, qui attendait plus d’explications. "Je n'ai pas confiance en Andreas. Je veux avoir les personnes les plus proches de moi, avec moi."

"Dans une bataille ?" demanda Gabrielle. "Xena... Je suis désolée... mais je ne comprends pas."

"Pas dans une bataille... juste avec moi, avec l'armée." La guerrière posa ses deux mains sur ses épaules. "Tu seras là... ça aide beaucoup. Mais il y a maman, et Dori... si Andreas apprenait pour Dori et qu'il mettait la main sur elle...." Xena fit une pause, laissant les mots en suspens.

"Elle lui botterait les fesses." Répondit Gabrielle, sérieusement.

"Gabrielle."

"Elle le ferait et tu le sais. Mais je comprends, Xena." La barde s'appuya contre elle, posant sa joue contre l'épaule encore humide de sa compagne. "Je serais inquiète pour eux aussi. La seule chose est que... si nous prenons Dori avec nous..."

"Qui la surveillera ?" demanda Xena d'un ton ironique.

"Hum... non... comment ferons-nous pour la tenir à l'écart des combats ?"

Xena soupira et se couvrit les yeux.

**********************************************

Gabrielle se blottit dans sa cape, rabattant la capuche sur son visage pour bloquer la pluie. Elle se tourna à moitié sur sa selle pour regarder derrière elle, et observa le long convoi de cavaliers, de chariots et de soldats à pied qui la suivaient, ainsi que la forme distinctive de sa compagne à mi-chemin sur le dos d'Argo.

"Maman ?" Dori lui tira l'oreille. "Maman, va Boo !" Le bébé était installé dans son sac à dos, ou plutôt dans un nouveau sac que Xena avait fabriqué car la petite était devenue trop grande pour l'ancien. "Maman."

"Pas maintenant, Dori." Gabrielle se racla un peu la gorge et renifla, jurant silencieusement en reconnaissant un poids familier sur sa poitrine. "Ce n'est pas le moment d'être malade, bon sang."

"Bck ?"

"Pas toi, chérie." Soupira Gabrielle avant de se retourner et de fouiller dans sa sacoche pour en sortir un bonbon au miel, qu'elle mit dans sa bouche. La saveur sucrée apaisa sa gorge. Elle passa en revue les troupes qui avançaient patiemment. Il était midi passé et ils progressaient lentement à cause du temps qui frappait les corps trempés avec une puissance implacable.

Ils avaient fait la plus grande partie du chemin vers Amphipolis, mais il restait encore le délicat col de la montagne à passer avant de rejoindre la route en pente qui descendait vers le village. Ils avaient déjà envoyé un éclaireur devant, qui avait confirmé que tout était toujours calme, et maintenant il leur restait à prendre sur eux malgré le temps pour finir leur voyage.

Ils passeraient la nuit à camper autour du village, comme l’avait décidé Xena, et ils commenceraient leur travail sur la rive de la rivière aux premières lueurs du jour.

Très bonne idée. Gabrielle ne désirait secrètement rien d'autre qu'un feu chaud, une soupe pour soulager sa gorge, et son lit chaud.

Même si leur chalet était vide. Elle avait été surprise et touchée que les villageois aient pensé à emballer leurs affaires et à leur ramener. Xena et elle avaient décidé de les laisser dans les grottes, l’endroit le plus sûr de nos jours. Tout ce qui restait dans leur maison était le mobilier et quelques objets.

Ce n'était pas grave. Elle sentit une toux arriver et l'étouffer, puis elle resserra sa cape.

"Maman..."

"Oui ?"

"Bbbbbooooo..." Dori pointait du doigt la guerrière, sa petite main sortant de sous la capuche.

"Elle vient ici, chérie... attends un peu." Xena avait visiblement terminé ce qu'elle était partie faire et revenait, son corps complètement en harmonie avec les pas rythmés d'Argo. "Dori... pourquoi je ne peux pas être aussi à l'aise sur un cheval ?"

"Maman ? Booo." Dori rebondit un peu dans son sac. "Boo Boo Boo.."

"Boo Boo Boo. Ouais." Souffla Gabrielle alors qu’Argo trottait vers elles. "Tout va bien ?"

"Ouais... le dernier wagon s'était embourbé... J'ai dû leur demander d'en décharger une partie." Xena jeta un coup d'œil derrière elle. "Ils ont pu repartir."

"Boo !"

La guerrière s'arrêta. "Tu veux que je la prenne un moment ?"

Dori était une boule de chaleur contre sa peau glacée et elle ne voulait vraiment pas y renoncer. "Non... c'est bon... elle va se calmer." Elle essaya, sans succès, d'étouffer un éternuement.

Xena fit avancer Argo pour se rapprocher davantage et toucha sa joue avec des doigts doux et chauds. Puis elle repoussa le capuchon de la barde et saisit sa mâchoire, tournant son visage vers la faible lumière grise. Les yeux de Gabrielle avaient cette lueur caractéristique qui n’annonçait rien de bon et sa peau était pâle et légèrement moite. "Je pense que nous avons un problème, ma barde."

"Ouais." Gabrielle cligna des yeux. "Désolée."

Xena tâta l’épaisseur du tissu de sa cape, puis elle détacha la sienne, plus lourde, et l'installa autour des épaules de sa compagne, la tirant un peu autour d’elle pour qu’elle soit plus au chaud. Puis elle reprit ses rênes et elles recommencèrent à avancer, reprenant le rythme soutenu de l'armée. Elle attrapa derrière elle son kit de guérison pendant qu'elles marchaient. "Nous seront bientôt arrivés." Elle ignora la piqûre de la pluie contre ses épaules nues et tria les herbes au toucher avant de les mélanger, puis elle prit la tasse qu'elle avait également récupérée pour recueillir l'eau de pluie fraîche.

Gabrielle se blottit dans sa selle et se demanda ce qui était le plus réconfortant, la chaleur de la cape supplémentaire ou l'odeur de Xena qui l'entourait soudainement. Elle prit la tasse offerte et la but sans se plaindre, se sentant un peu mieux rien qu'au goût des herbes familières. "Merci."

Xena tapota son genou et rapprocha un peu plus Argo, se concentrant sur le temps et leur arrivée prochaine. Elle était impatiente de finir le voyage, pour plusieurs raisons. Commencer à construire leur défense, en priorité, puis mettre en place leur plan de bataille. S'assurer que leur maison était en sécurité, c'était secondaire, car Xena avait, dans son cœur, accepté la possibilité qu'Amphipolis soit envahie à un moment donné.

Et maintenant, elle devait s'inquiéter de sa compagne malade.

C'est drôle quand on y pense, à quel point ce simple fait avait pris le dessus sur tout le reste. Xena se moqua d’elle-même à l’idée que ce genre de chose n’aurait jamais pu être possible avant. Elle était là, à la tête d'une armée forte de près de mille trois cents membres, se dirigeant vers une terrible bataille contre une force trois fois plus importante, avec le sort de la Grèce en jeu... et elle était assise sur cette selle humide, pensant aux herbes, au thé chaud et à la tenue que Gabrielle devrait avoir pour rester avec des vêtements chauds et secs.

Oh, Xena. Par Hadès, mais qu’est-ce qu’il t'est arrivé ? Elle essaya de se rappeler la combattante sauvage, impatiente et en colère qu'elle avait été, mais le fossé était si grand qu'elle ne pouvait que percevoir un murmure de cette obscurité, de cette soif de pouvoir qui lui avait semblé si séduisante et si délicieuse à l’époque.

La guerrière soupira. "Je me fais vieille." Murmura-t-elle à Argo, qui tendit l'oreille vers elle. "La prochaine fois, je tricoterai des chaussons."

"Tu as dit quelque chose." Demanda Gabrielle, en sortant un peu la tête de sa capuche.

"Moi ? Non." Xena secoua la tête, regardant les gouttelettes de pluie se disperser dans ses cheveux. "Non... je pensais juste à l'endroit où nous pourrions commencer quand nous aurons franchi la montagne." Elle s'étira sur la selle, faisant grincer un peu le cuir de ses étrivières. "Nous allons devoir couper pas mal de bois pour avoir suffisamment de structure pour ces remparts."

"Mmm." Gabrielle déplaça un peu le sac de Dori, qui avait fini par s’endormir. "Comment est-ce que tu comptes les fabriquer ?" Elle n'avait pas vraiment besoin de savoir, mais écouter Xena était préférable à se morfondre sur le fait qu'elle avait mal à la gorge.

" Eh bien... " La guerrière se lança dans les détails techniques.

Ah. Gabrielle absorba les informations. Elle parle et j'écoute pour changer. J'aime ça. "Et tu vas les colmater avec de la boue ?"

"Exactement."

"Ça a du sens."

L'armée continua à avancer, remontant lentement le long sentier en pente sous une pluie froide.

*******************************

Xena grimpa les marches du porche de l'auberge, consciente de l'heure très tardive. Ils étaient arrivés vers le coucher du soleil et elle avait travaillé avec les villageois et les chefs de troupe pour que tout le monde soit installé pour la nuit, dans les champs maintenant moissonnés autour d'Amphipolis. La garde du village avait été sérieusement renforcée et elle pensait que tout le monde pourrait passer une bonne nuit de sommeil avant que le dur labeur ne commence demain matin.

Elle avait envisagé de former un groupe pour commencer à couper du bois ce soir, mais la lune était cachée derrière les nuages et la vallée était aussi sombre que l'intérieur d'une grotte. Et utiliser des torches facilement visibles de loin avec cette obscurité n’était clairement pas une bonne idée.

A leur arrivée, elle avait demandé à l'une des Amazones de s'assurer que Gabrielle rentre directement au chaud dans leur chalet et maintenant qu’elle avait tout réglé, elle allait enfin pouvoir la rejoindre. Xena tendit le bras pour ouvrir la porte et faillit la voir se retourner contre elle. Elle fit un bond en arrière et leva une main défensive alors qu'Ephiny sortait à son tour. "Hé."

"Te voilà." Souffla la Régente Amazone.

"Me voilà." acquiesça Xena. "Quel est le problème ?"

"Quel est le problème ? Je vais te dire quel est le problème. C'est TOI le problème, Xena." Ephiny mit ses mains sur ses hanches. "Tu déteins sur Gabrielle, et franchement, je n'aime pas ça."

La guerrière cligna des yeux, un peu choquée. Une centaine de pensées différentes traversèrent sa tête, la plupart coupables, les autres douloureuses. "Qu’est-ce que tu veux dire, Ephiny ?" Elle entendit la note froide et réservée dans sa voix. "De quoi parles-tu exactement ?"

La Régente serrait la mâchoire. "Gabrielle est malade."

"Je sais." Rétorqua Xena. "J'ai demandé à Solari de s'assurer qu'elle était bien installée."

"Elle l'a chassée." La mâchoire de la Régente se resserra davantage. "Elle l'a chassée, elle a chassé Pony, et que les Dieux soient maudits, Xena, elle vient de me chasser moi aussi quand je suis allée voir si je pouvais lui apporter quelque chose. Elle se la joue Athéna de la fesse gauche plus dure que toi et ça me rend dingue !"


"Oh." Xena sentit ses tripes se déchirer. "Ce..." Elle fit un signe de la main à la Régente. "Bon, dégage de mon chemin, Eph... Je vais m'en occuper."

"Xeenna." Grogna Ephiny.

"Ephiny, il est tard, je suis fatiguée, et je ne suis pas d'humeur à échanger des reproches avec toi." La guerrière leva la tête et la fusilla du regard. "Alors maintenant, sors de mon chemin, et va te reposer. J'ai dit que je m'en occupais."

Ephiny prit une inspiration, puis la relâcha doucement. "Très bien." Elle se tut un instant pour soupira finalement. "Désolée... Je me moquais juste un peu de toi." Elle donna une légère tape dans le dos à la grande silhouette menaçante de la guerrière. "J'ai dépassé les bornes, je suppose."

Xena soupira à son tour. "Non, c'est... désolée, Eph. La journée a été longue."

" Oui, je sais. " La femme aux cheveux bouclés sourit difficilement. "Écoute, va t'occuper de cette femme têtue, tu veux ? Elle m'inquiète un peu."

Xena hocha la tête. "Je vais le faire. Repose-toi un peu. Demain sera une journée longue et difficile."

Une lueur d'espièglerie apparut dans les yeux d'Ephiny. "Et tu crois que ça impressionne une Amazone ? Tch tch tch, Xena... dis ça aux Centaures."

La guerrière sourit pour la première fois de la soirée. "D'accord." Elle donna une tape sur l'épaule d'Ephiny, puis entra dans l'auberge, recevant d’un coup une incroyable explosion d'odeur de ragoût de chevreuil qui la fit saliver et lui rappela qu’elle n’avait pas pris le temps de manger de la journée. "Xena." Marmonna-t-elle pour elle-même en se dirigeant vers la cuisine. "Ce n'est pas digne pour la générale de l'armée de baver." Elle poussa la porte et passa la tête à l'intérieur. "Heureuse d'être de retour ici ?"

Cyrène se retourna et sourit. "Pour l'instant, oui." Elle fit signe à sa fille d'entrer. "Le ragoût est en train d’être terminé pour demain. Tu en veux ?"

Xena réussit à hausser les épaules avec nonchalance. "Si tu en as, avec plaisir." Elle entra dans la cuisine et traversa le sol d'un pas assuré. "En fait, je suis venue voir si tu avais un peu de cette racine de fièvre que j'ai utilisée sur Gabrielle la dernière fois qu'elle était malade."

"Mmm… Je pense que oui. Elle est encore malade ?" Cyrène posa une épaisse tranche de pain sur un bol en bois presque plat et versa une bonne portion de ragoût dessus. "Voilà. Laisse-moi aller en chercher un peu."

Xena prit l'assiette et attendit que sa mère se tourne vers l'armoire, puis elle baissa rapidement la tête et attrapa un gros morceau de viande qu'elle mâcha et avala en une bouchée avant que Cyrène ne se retourne. Elle se lécha les lèvres et tendit la main pour récupérer les herbes. "Merci."

"J'espère qu'elle se sent mieux. Je lui ai envoyé à manger tout à l'heure, mais je ne pense pas qu'elle l'ait mangé. Solari est revenue en pleurnichant."

"Je vais m'en occuper." Promit Xena en sortant et en fermant la porte d'un coup de pied derrière elle. Des réflexes aussi aiguisés que les siens, se disait-elle, servaient vraiment à quelque chose. Elle choisit un autre morceau sur le dessus de son plateau et l'envoya en l'air, l'attrapa proprement et ferma les dents dessus.

Ah. Une carotte. Elle soupira. Eh bien, on ne peut pas gagner à tous les coups. Elle se faufila dans l'obscurité vers leur chalet.

*************************************

"Très bien." Gabrielle appuya sa tête sur sa main et étudia le parchemin devant elle. "Nous devons les mettre à l'abri et nous manquons de place." Elle souleva sa tasse avec son autre main et prit une gorgée du thé chaud qu'elle contenait. Sur le côté, Dori était dans son berceau et regardait avec intérêt sa mère la bercer distraitement d'un pied botté. "La grange est pleine, je suppose ?"

Trois personnes étaient assises en silence et attendaient. L’eau sur leur vêtement ruisselait sur le plancher en bois et elles étaient visiblement heureuses d'être à l'abri de la pluie et de laisser quelqu'un d'autre prendre les décisions. "C'est exact." Répondit l'homme le plus proche, un homme petit et trapu qui était l'un des meilleurs élèves de Gabrielle. "Et les deux grands entrepôts sont fermés parce qu'ils sont pleins de la dernière récolte."

"Et ces bâtiments abandonnés, à l'arrière ?" demanda une grande femme mince d'environ deux fois l'âge de Gabrielle. "Ils sont en train de tomber en ruine, mais c'est mieux que rien."

"Ça dépend." Gabrielle mâchouilla le bout de sa plume. "Nous devrons poster un garde autour d'eux, et est-ce que les chariots passeront par les portes ou devrons-nous les décharger ?"

"Les décharger." Répondit le troisième homme d'un ton impassible. "Les chariots ne passeront pas par cette ouverture."

"Ça n'a pas de sens, alors." La barde soupira. "Nous devrons redéplacer ces fournitures tout de suite après. Bon... " Elle prit une autre gorgée de thé chaud et resserra sa chemise chaude, douce et bien trop grande autour d'elle. "Mettons-les sous les chênes à l'ouest et recouvrons-les de peaux cirées. On les attache bien et on espère que tout ira bien."

"Bck."

"Tu as une meilleure idée ?" demanda Gabrielle à sa fille avec ironie. Dori lui tira la langue. "Je ne pense pas." Elle leva les yeux pour voir ses trois invités afficher des sourires sur leurs visages fatigués en regardant le bébé. "Elle a un commentaire pour tout."

"Elle est vraiment mignonne." Commenta la grande femme. "Elle a presque un an, non ? Wow... elle est vraiment grande pour son âge."

Dori tira encore la langue et se tortilla, les sourcils froncés. "Maman."

"Ah... elle doit être mouillée." Déclara l'homme trapu.

"Fatiguée." La femme secoua la tête sagement.

"Colique." Suggéra le troisième homme.

Gabrielle soupira. "Affamée plutôt." Elle fouilla dans la poche de sa ceinture pour trouver les petits crackers que Cyrène avait inventés pour sa progéniture toujours affamée et en donna un à Dori. "Mâche ça, chérie. Peut-être que B... Xena t'apportera quelque chose de la part de grand-mère, d'accord ?"

Dori leva les yeux de son cracker, qu'elle mâchonnait sérieusement. "Boo ?"

La barde étouffa une toux, puis elle prit un moment pour reprendre son souffle. "Ouais." Elle balança un peu le berceau puis leva à nouveau les yeux vers eux. "C'est tout ?"

"Ça devrait le faire." Le petit homme se leva. "Merci, Gabrielle. On va mettre ces chariots à l'abri, mais pour le reste, ça va être la pagaille."

Ils se retournèrent lorsque la porte s'ouvrit et virent Xena entrer en apportant un courant d'air humide et froid avec elle. "Des problèmes ?" Elle leur jeta un regard noir en notant la teinte pâle du visage normalement sain de sa compagne. "Quelque chose dont je peux m'occuper ?"

"Euh..." Le petit homme rassembla ses listes et la contourna. "Non... non, on prenait juste quelques instructions."

"Ouais... Bonne nuit, Xena... Gabrielle, merci." La femme suivit les deux hommes qui s’étaient dirigés rapidement vers la porte. "Désolée de t’avoir dérangée." Ils sortirent rapidement, laissant l'ex-chef de guerre irritée seule avec sa compagne et son enfant.

Xena se dirigea vers le bureau et posa le plat qu’elle transportait, puis elle posa ses mains sur ses hanches. "Pourquoi es-tu debout ?"

"J'étais juste..."

"Pourquoi j'ai des tas d’Amazones qui viennent me voir en se plaignant que tu ne les laisses pas t'aider ?"

"Um."

"Mets tes fesses dans ce lit tout de suite."

"Oui, madame". Gabrielle se leva docilement de sa chaise, se dirigea doucement jusqu'au lit et se glissa sous les couvertures avant de les remonter autour de son cou. "Je ne me sens vraiment pas si mal."

Xena détacha sa cape humide et l'étala près du feu pour la faire sécher. Puis elle se dirigea vers le lit et se percha sur le bord, avant de poser une main inquiète sur le front de sa compagne. "Tu as de la fièvre." Elle repoussa Gabrielle contre l'oreiller et replia la couverture autour d'elle. "C'est de la soupe là-bas ?"

La barde hocha la tête. "Je n'étais pas d'humeur pour ça." Elle serra la mâchoire. "Je n'étais pas non plus d'humeur à ce qu'on me cherche des noises." Elle regarda le sourcil sombre se lever. "Tu es toujours l'exception, mon amour."

"Gabrielle... ça n'a aucun sens." Objecta la guerrière. "Ces personnes essayaient juste d'aider... ils ne faisaient rien que je n'aurais pas fait." Elle reçut une grimace en retour. "Je vais réchauffer un peu de cette soupe et tu vas la boire, compris ?"

"D’accord." La barde se blottit dans le lit confortable et soupira. "Si c'est de la nourriture que tu as ramenée, glisses-en un peu vers la petite machine à manger là-bas. Elle a faim." Gabrielle laissa sa tête reposer contre le doux oreiller. "Et elle devenait grincheuse."

"Très bien." La guerrière récupéra le bol de soupe sur le plateau et se dirigea vers le feu, enjambant Arès, qui était recroquevillé sur le tapis. "Ne te fais pas d'idées." Avertit-elle le loup, qui avait levé la tête pour la regarder. "Aïe." Elle attrapa le dessous de plat en fer, sans réaliser à quel point il était chaud et le fit tomber. "Cette satanée chose de m..."

"Xena ?"

"Quoi ?" La guerrière se retourna et lui lança un regard noir.

"Tu devrais peut-être aussi manger quelque chose." Suggéra Gabrielle doucement en rencontrant les yeux bleus irrités de l'autre côté de la pièce.

"Tu insinues quelque chose ?" Xena avait posé la petite marmite de soupe sur le dessous de plat et l'avait déplacée près des flammes pour la faire chauffer.

"Hum... non."

"Si, tu le fais." Xena se leva et se dirigea vers le bureau, s'installant sur la chaise laissée vacante par la barde. "Je ne suis pas grincheuse." Elle tira l'assiette à elle et la découvrit, libérant l'odeur de la venaison et des légumes dans l'air. "J'ai juste un mal de tête."

"Mm." Gabrielle regarda Dori se redresser dans son berceau, le faisant se balancer d'avant en arrière. "Attention, Dori."

Xena jeta un coup d'œil pour voir sa fille qui tentait de sortir du meuble en mouvement et la rattrapa au moment où elle basculait. "Dori !"

La petite rit et s'agrippa à elle pendant qu'on la soulevait, puis elle se tint en équilibre sur la cuisse de Xena et regarda par-dessus la table. "Maman !" dit-elle en désignant Gabrielle.

Xena soupira, puis utilisa une main pour stabiliser sa fille et l'autre pour récupérer un morceau de viande pour apaiser son estomac qui grondait. "Hé." Marmonna-t-elle, alors que Dori tendait la main vers l'assiette avec détermination. "Très bien... très bien... attends." Elle sortit une carotte et la tendit à la petite. "Tiens."

Dori examina l'offrande, puis la fourra dans sa bouche et la mâcha avec enthousiasme. "Mmm." Une main impérieuse se tendit. "Encore."

"Tu n'as pas déjà dîné ?" se plaignit Xena avant de lui donner une autre carotte. "Quelle petite cochonne tu fais."

Gabrielle sourit et se détendit contre l'oreiller, repliant une main sous sa tête en regardant les deux femmes de sa vie se partager le contenu de l'assiette de Xena. Dori mangeait tout presque aussi voracement que sa mère, beaucoup plus grande, et avec une expression remarquablement similaire sur son visage. Xena se détendit visiblement pendant le processus, la tension dans ses épaules se relâchant doucement alors qu'elle se penchait en arrière et étendait ses longues jambes sur le tapis. Pas grincheuse, hein ? La barde laissa ses yeux se fermer et essaya d'ignorer le martèlement dans sa tête et la sensation de sa gorge qui la grattait.

La seule chose dont elle se souvenait ensuite, c'est que le parfum vif, mais pas désagréable, de la crème que Xena avait inventée pour elle, la réveilla et elle ouvrit les yeux pour regarder sa compagne d'un air endormi. "Mmm... désolée. Je t'ai laissé tomber là." L'odeur de la soupe chaude attira son attention sur la table de nuit, où une petite casserole reposait, dégageant de la vapeur dans l'air. Xena avait quitté ses cuirs pour une de ses chemises de nuit plus chaude et ses cheveux noirs étaient attachés en arrière en un nœud. "Toujours en colère contre moi ?"

Xena leva les yeux de l'endroit où elle étalait la pommade sur la poitrine de Gabrielle. "Je n'étais pas en colère contre toi". Répondit-elle d'un ton perplexe, en repliant un morceau de flanelle douce autour du cou de la barde. "Tiens. Bois ça d'abord." Elle lui tendit une tasse que la barde avala difficilement. "Bonne fille." Elle reprit la tasse, la posa, puis récupéra le bol de soupe et le tendit à la barde. "La suite."

"Mmm." Gabrielle se redressa et rapprocha le bol chaud, poussa la cuillère et but directement au bord du bol. Le liquide était merveilleux dans sa gorge endolorie et lorsqu’elle respirait la vapeur, cela soulageait la sensation d'étouffement dans sa tête. "Je suis désolée pour les Amazones... elles étaient juste en train de piailler et ça me rendait folle." Elle leva les yeux, pour croiser le regard légèrement amusé de son âme-sœur. "Tu es si différente... tout ce qu'elles font c'est courir partout et demander ce qu'elles peuvent faire. Toi, tu ne fais pas ça. Tu..."

"Viens et prends le contrôle." Répondit la guerrière ironiquement.

"Eh bien..."

"C'est bon. C'est ce à quoi je suis bonne, du moins c'est ce qu'on m'a dit." Gloussa la guerrière.

"Tu l’es. Et puis, c'est différent avec elles. Je suis censée être responsable d'elles et elles agissent si bizarrement avec moi parfois." Elle avala une gorgée de soupe. "Est-ce que Dori dort ?"

"Ouaip." Xena se leva et se dirigea vers la table. Elle éteignit la bougie et rapprocha le berceau de Dori à côté du lit avant d'y grimper et de se pelotonner sous les couvertures de son côté. " Toris m'a dit qu'ils visaient cet endroit ".

Gabrielle prit son temps pour répondre, sirotant sa soupe pendant qu'elle réfléchissait. "Je sais." Son regard parcourut la pièce. "Ça fait mal." Elle soupira. "Je sais que ce n'est qu'un bâtiment... mais j'y ai de très bons souvenirs."

Xena resta silencieuse un moment. "Moi aussi." Elle fit une pause. "Ça me rend folle de penser que quelqu'un puisse délibérément essayer de détruire ça." Elle se retourna et regarda le plafond. "Puis je me rappelle combien de maisons j'ai détruites." Elle serra sa mâchoire. "Combien de vies j'ai ruinées... peut-être que c'est bien que les rôles s’inversent." Elle tourna la tête. "Mais je suis désolée que tu doives faire partie de ça."

"Ce n'est pas juste." Gabrielle posa sa tasse.

"Je sais... tu ne mérites pas de payer pour ce que j'ai fait."

"Non... pas pour moi." La barde se tourna vers elle. "Ce n'est pas juste pour toi, Xena... c'est comme si tu disais que peu importe ce que tu fais, peu importe tes efforts ou tes sacrifices, cela ne pourra jamais équilibrer la balance pour ton passé."

Des yeux bleus la regardèrent à travers un gouffre sans fin. "C'est exactement ce que je dis."

"Je ne le crois pas."

"Je sais que tu ne le crois pas." Souffla la guerrière avec un petit sourire triste. "Mais je pense qu'il est temps d'être honnête entre toi et moi, Gabrielle." Xena leva les yeux au ciel. "Il y a des choses que j'ai faites, que je ne pourrai jamais expier." Elle prit une grande respiration. "Peu importe à quel point j'essaye."

"Ce n'est pas vrai." Un regard tout aussi ferme rencontra le sien. "Je ne croirai jamais ça."

Xena souffla.

"Je suis désolée." Répondit Gabrielle sincèrement. "Mais je sais que tu es quelqu'un de bien, Xena, et rien sur cette terre, ou dans le passé, ou sous terre, ne changera cette conviction, quoi qu'il arrive."

"Gabrielle..."

"Ne me donne pas du Gabrielle, d’accord ?" La voix de la barde se fit plus profonde. "Ne me fais pas la morale comme si j'étais une gamine qui ne sait pas de quoi elle parle, Xena. J'ai vu les parties les plus sombres de toi, et j'ai vu les plus brillantes, et si je dis que tu es une bonne personne, alors bon sang, tu l'es."

Xena baissa les yeux sur les couvertures du lit, puis secoua la tête. "Tu es tellement têtue."

"Quand il s'agit de toi ? Tu parles que je le suis." Elle lui donna une petite tape sur l'épaule. "Et j'ai le droit de l'être, Xena... J'ai été là, j'ai vécu ça aussi, et j’en ai ressorti assez de choses pour remplir trois vies avec toi, donc je pense que j'ai le droit de te dire ce que je ressens." Elle fit une pause. "Ecoute. Nous allons à la guerre, et je sais que c'est un peu effrayant."

Xena se contenta de la regarder.

"Il peut t’arriver tellement de choses avec ce qui se passe, j’y pense constamment ces derniers temps." Admit Gabrielle. "Je ne sais pas non plus ce que je ferais si quelque chose t'arrivait."

"Je n'ai pas l'intention de devenir la martyre d'Amphipolis." Déclara sa compagne d'un ton égal. "Ou de te forcer à prendre une telle décision."

"Je sais... mais parfois les choses arrivent."

"Parfois, ça arrive." Confirma Xena. "Et j'y ai beaucoup pensé aussi."

Gabrielle prit une grande respiration, ses yeux ne quittant pas ceux de Xena. "Et ?"

Un sourire tranquille et résigné lui répondit. " Je pense que j'ai décidé que je voulais passer encore beaucoup de temps ici... avec toi. " lui souffla la guerrière. "Et avec Dori."

La barde se déplaça, jusqu'à ce qu'elles soient côte à côte. Elle s'approcha et prit la main de Xena, croisant ses doigts avec ceux de la guerrière, puis resserra sa prise. "Parce que tu penses que c'est le seul moment que tu auras avec nous, n'est-ce pas ?"

Un long silence suivit ses paroles et elle sentit le tremblement parcourir les doigts de Xena tandis que la guerrière fixait la couverture. Au bout d’un long moment, Xena prit une grande inspiration. "Oui." Elle se retourna et regarda Gabrielle dans les yeux. "Je pense que lorsque je mourrai, Gabrielle, ils m'enverront dans un endroit si profond et si sombre que même toi, tu ne pourras pas me retrouver."

Gabrielle ne broncha même pas. "Tu as tort."

Un soupir lui répondit.

"Il n'y a aucun endroit, aussi sombre et profond soit-il, où une partie de toi pourrait aller et où je ne pourrais pas te suivre. Même si je devais prendre une épée et commencer à tuer tout ce qui est en vue juste pour pouvoir y aller aussi."

Xena arrêta de respirer et la regarda fixement.

"Alors tu ferais mieux de te lever et de décider que tu vas aller dans un endroit sympa." Gabrielle contracta sa mâchoire, le mouvement net du muscle parfaitement visible sous la peau douce de sa joue. "Tu m'as compris ?"

"Gabrielle... ce n'est pas juste." Répondit la guerrière quand elle réussit à récupérer sa voix.

"Je sais." La barde lui sourit faiblement. "Parfois, Xena... la vie n'est pas juste. Tu me l'as appris."

Un autre soupir se fit entendre, mais celui-ci était plus léger, et rempli de quelque chose proche de l'admiration. "Qu'est-ce que je vais faire de toi ?"

Gabrielle sentit un soulagement total envahir ses muscles et elle se détendit contre l'oreiller. "Je ne sais pas... mais un câlin serait le bienvenu. Je me sens vraiment mal."

Elle en eu un.

Et beaucoup d'autres.

*****************************************

Il pleuvait toujours. Xena écoutait le bruit de l'eau qui frappait le toit du chalet alors que la surface vitrée de la fenêtre lui montrait l'obscurité d’une nuit sans lune.

Gabrielle était, comme d'habitude, lovée contre elle. Elle posa une main sur le front de la barde et fût soulagée de le sentir frais au toucher. Elle tendit alors l'oreille et écouta le moindre signe de la toux dont Gabrielle était sujette, mais elle n’entendit que le doux râle d'une respiration normale, bien que congestionnée. "Bonne fille." Murmura-t-elle en caressant doucement les cheveux pâles.

La barde serait probablement malade pendant encore quelques jours, mais avec un peu de chance, elle n'aurait rien de plus sérieux que des reniflements et des éternuements. Xena l'espérait, en tout cas, se rassurant en se disant qu'elle avait soigné la maladie à temps et évité que l'infection ne se développe pour une fois.

Pas comme la dernière fois, lorsqu'elle était partie à la chasse pendant deux jours et qu'à son retour, elle avait trouvé sa compagne déjà très malade, à tel point qu'elle avait tout laissé tomber et passé des jours entiers au chevet de la barde, à s'occuper d'une Dori irritable et à s'assurer que Gabrielle prenait suffisamment d'eau et d'herbes pour tenir le coup jusqu'à ce que son corps trouve un moyen de contourner la toux.

Dans les pires moments, elle avait chanté pour sa compagne. Les sons réussissaient à capturer l'attention enfiévrée de Gabrielle et la faisait dériver comme rien d'autre ne le faisait, la gardant fermement attachée à la vie.

Les jours qu'elle avait passés sans dormir, de peur que si elle osait fermer les yeux, elle les ouvrirait pour trouver la barde partie.

Partie quelque part où elle ne pouvait pas la suivre.

Cela avait été une belle leçon d'humilité pour quelqu'un qui n'avait jamais connu la peur, ni de la mort, ni de la lame, ni d'un ennemi... parce que pendant ces longues nuits solitaires, Xena avait vécu avec une peur si intense qu'elle l'avait presque rendu folle. Gabrielle avait, bien sûr, fini par s'en apercevoir et, d'une voix rauque et avec des yeux inquiets, l'avait amadouée dans un câlin qui s'était finalement transformé en un sommeil si profond qu'elle avait eu l'impression de se noyer.

Xena soupira doucement.

"Pourquoi es-tu réveillée ?" murmura Gabrielle en gardant les yeux fermés.

"Je réfléchis."

La barde renifla et toussa un peu. "Oh." Elle recommença à tousser. "A propos de quoi ?"

"Toi."

Cette fois, le silence suivit ces paroles pendant un moment. "Ah." La barde prit une longue respiration. "Qu'est-ce que j'ai encore fait ?"

Xena sourit dans l'obscurité. "Changé ma vie."

"Ah... juste une petite rêverie, alors ?" Gabrielle se rapprocha plus près encore et la serra fort. "Tu sais, Xena, la plupart des gens s'inquiètent de ce qu'il y a pour le petit-déjeuner quand ils se réveillent avant l'aube un jour de pluie."

"Je ne suis pas la plupart des gens."

"Non, vraiment ?" La barde renifla à nouveau puis soupira. "Eh bien, je ne devrais pas parler... Je passe mes moments libres à écrire des poèmes sur tes yeux."

"Ermfh."

"Tu ne les aimes pas ?"

"Je n'ai pas dit ça."

Gabrielle gloussa doucement et laissa ses yeux se refermer. "Tu n'as pas à le faire. Tu fronces les sourcils à chaque fois que je te les récite."

"Ouais bien..." Xena se renfrogna inconsciemment. "Ce ne sont que des yeux, Gabrielle... Je ne vois pas ce qu’ils ont de si fascinant." Elle sentit un léger souffle d'air chaud traverser sa chemise de nuit.

"Regarde-toi dans un miroir un jour, tigresse." Murmura la barde d’une voix endormie, en tapotant la surface sous elle. "Ce sont des fenêtres sur ton âme."

Xena sentit ses deux sourcils se soulever presque jusqu’à la racine de ses cheveux. Elle y réfléchit pendant un moment, avant de laisser le doux tambourinage de la pluie sur le toit la bercer vers un rêve paisible.

*************************

"Très bien." Xena se tenait debout sur ses étriers pour observer la longue vallée fluviale. Le silence régnait. Ses sens s'aiguisèrent. Trop calme. Le vent n'apportait que de l'herbe en mouvement à ses oreilles, aucun bruit d'animaux errants ou d'oiseaux à proximité. "Ephiny."

"Mm ?" La Régente Amazone était juste à côté d’elle, ses cheveux bouclés brossés par le vent.

"Prends une dizaine d'Amazones et va faire un tour. Il y a quelque chose qui ne va pas."

"C'est vrai." Ephiny leva le poing, puis pointa un endroit du doigt et releva sa main, doigts écartés, deux fois. Dix Amazones à cheval se séparèrent du groupe et trottèrent vers elle, Eponine en tête. "A la limite des arbres, là ?"

"Oui." Xena les regarda partir, puis elle porta son attention sur la bande d’arbres assez petits qui bordait le chemin. "Bien... il faut dégager toute cette parcelle... je veux que les troncs soient taillés, puis déposez-les en ligne juste ici." Elle écarta les bras. " Une couche de bois, puis une couche transversale, puis une autre. "

"Ok." Palaemon attrapa une énorme hache. "Nous pouvons faire ça... hors du chemin, Princesse."

Xena renifla. "Ouais. Si tu veux. Le prochain groupe, commencez à creuser. Nous avons besoin d'une tranchée devant... Jetez ce que vous creusez sur le bois pendant qu'ils le posent." Elle se réinstalla sur sa selle tandis que les combattants se mettaient au travail, sortant haches et faux, pelles et pioches.

Devait-elle les aider ? Xena fléchit ses doigts à l'intérieur des gantelets doublés que Gabrielle lui avait donnés, avant qu'elle ne sorte braver le vent froid et humide. Peut-être plus tard. Elle fit habilement tourner Argo et étudia plutôt la file d'Amazones, notant la prudence d'Ephiny et les arbalètes armées posées sur les cuisses musclées des femmes qui la suivaient. Les narines de la guerrière se contractèrent alors qu’elle relevait la tête et la penchait sur le côté à l’affut du moindre bruit suspect[BJH1] .

Mais rien. Juste la faible odeur des chevaux, du cuir, des Amazones, et le parfum humide de l'herbe de la rivière qui se répandait jusqu'aux arbres.

Xena rangea son épée dans son fourreau et appuya ses talons contre les flancs dorés d'Argo, poussant la jument à avancer. Elle fronça les sourcils lorsqu'elle détecta le soupçon d'une odeur étrange dans le vent. Elle se redressa immédiatement sur sa selle, profitant de sa hauteur pour observer la vallée.

Un cri retentit.

Xena tourna la tête et découvrit les Amazones regroupées près des arbres, immobiles et pâles comme des fantômes.

"Xena !" La voix d'Ephiny était tendue alors qu’elle fixait le sol.

Argo renifla, puis s'arrêta brusquement avant de se cabrer et de hennir fortement.

Xena ressentit un frisson en voyant ce qui entourait les femmes et les chevaux, un cercle de formes sifflantes et oscillantes que son esprit identifia rapidement comme des serpents.

Des cobras. "Ne bougez pas."

"Pas de problème." Répondit Eponine laconiquement, ne quittant pas des yeux le serpent le plus proche d'elle, un géant dont la tête encapuchonnée arrivait presque à ses genoux.

"Tirez sur eux." ordonna Xena calmement, en serrant les genoux pour maintenir la jument anxieuse.

Ephiny déplaça la main sur son arbalète, mais elle se figea lorsque le cobra à côté d'elle se redressa davantage, sifflant comme s'il comprenait son action. "Uh." Le serpent se dressa encore un peu puis recula avec colère.

Xena vit le mouvement et réagit par instinct, sa main attrapa son chakram et elle le lança avant qu'elle ne soit vraiment consciente de ce qu'elle faisait. L'arme fendit l'air et coupa le serpent en deux, répandant une gerbe de sang sur l'herbe verte avant de revenir dans sa main. "Tout le monde couvre ses yeux."

Un doux sifflement attira son attention. Elle regarda autour d’elle et réalisa que les serpents se dirigeaient maintenant dans sa direction. Argo recula, sautillant nerveusement dans les tiges qui lui arrivaient aux genoux. "Doucement, ma fille." Elle tourna la tête. "Tout le monde reste en arrière !"

"Ssss."

Xena fit reculer lentement Argo, attirant les serpents plus loin. Elle en comptait une douzaine. L'herbe frissonnait autour d'elle en réponse à leurs mouvements. Ce son doux et glissant lui donna la chair de poule et l’air lui rapportait leur odeur distincte alors que le vent se déplaçait.

"Sssssss."

Argo se cabra, complètement effrayée. Xena prit rapidement une décision. Elle attendit que la jument repose ses antérieurs au sol, glissa au sol et lui donna une claque pour la faire fuir vers la rivière. "Allez !!!!"

Argo ne fût que trop heureuse d'obtempérer, la laissant là.

Dans ce cercle.

Elle ne pouvait pas les voir, mais elle pouvait les entendre, les sentir et les ressentir, se rapprochant de plus en plus, le bruissement devenant de plus en plus fort, presque assez fort pour noyer les battements de son cœur. Elle pouvait voir, du coin de l'œil, les Amazones qui la fixaient, et elle laissa lentement échapper une inspiration.

Plus près. Ils étaient tous autour d'elle maintenant, dirigés par une malveillance qu'elle pouvait presque sentir. Toujours invisibles dans l'herbe, toujours près du sol, mais à portée pour attaquer.

Ils allaient la tuer. Xena ne se faisait aucune illusion à ce sujet. Elle pourrait survivre à une morsure, mais pas à une douzaine. Le bruissement s'arrêta brusquement et elle resta immobile, les nerfs à vif face au danger qui l'entourait.

Puis l'herbe devant elle se fendit soudainement et un cobra se leva, sa grande tête large se redressant à moins d'une longueur de bras d'elle.

De minuscules yeux noirs, sans paupière, se posèrent sur elle et elle faillit s'étouffer devant l'intelligence froide qu'elle y lisait.

Une langue frétillante sortit.

L'herbe bruissa une dernière fois et elle fut soudain encerclée par une dizaine de cobras redressés devant elle, prêts à attaquer.

Ils bougèrent légèrement la tête devant elle.

Le plus grand se balançait de manière séduisante, comme une danse mortelle avant de passer à l’attaque. Elle se recula d’un coup puis se jeta en avant à une vitesse incroyable vers sa cible immobile et silencieuse, si proche d’elle qu'il était impossible de la manquer.

Elle n’avait qu’une seule chance. Xena se décala légèrement, dégaina son épée en un mouvement fluide et tournoya en cercle, ses deux mains sur la poignée de son épée, au milieu d'une pluie de sang, de peau et de sifflements qui s'évanouirent dans le vent alors que la menace n'était plus que des morceaux éparpillés autour d’elle. Aucun n’avait réussi à la toucher.

La guerrière essaya de reprendre le contrôle de sa respiration.

Rien ne bougeait plus autour d’elle. Elle se détendit et laissa retomber ses bras, laissant le vent rabattre ses cheveux sur son front en sueur. "C’est pas passé loin."

Elle sentit alors un mouvement sur le côté et ses sens s’affolèrent alors que son instinct lui hurlait de rester sur ses gardes. Elle tendit une main par réflexe et ses doigts frôlèrent des dents acérées alors qu'elle raffermissait sa prise sur un corps épais et musclé.

Tout son corps frissonna en sentant la puissance qui se tordait, s'enroulait autour de son bras et lui assénait des coups cinglants contre sa cuisse. Xena se força au calme et leva le poing, rapprochant les yeux noirs des siens. Sa main se referma juste derrière la petite tête et elle fixa le cobra devant elle, distinguant la haine dans une bête qui aurait dû, au pire, la fuir.

Elle lui rendit son regard, dur et glacé, pendant un très long moment.

Puis elle ferma le poing et contracta les muscles puissants de son avant-bras, jusqu’à ce qu’elle sente les os craquer sous ses doigts tandis qu'elle brisait sa colonne vertébrale. Les yeux devinrent vitreux, le corps devint mou et elle le laissa tomber dans l'herbe, à côté des restes de ses compagnons.

Pendant un long moment, le silence régna dans la vallée, où seul le bruit de la rivière, du vent et de l'herbe se fit entendre. Puis, tout près, dans un arbre broussailleux de la lisière, un oiseau solitaire se mit à gazouiller doucement. Ephiny relâcha son souffle et secoua la tête avant de finalement déplacer sa monture vers l'endroit où se tenait Xena, qui observait toujours très attentivement tout ce qui l'entourait.

Les yeux noisette rencontrèrent le bleu de la glace. "Pas bon." Commenta la Régente brièvement.

"Non." Acquiesça Xena en se penchant pour essuyer son épée sur l'herbe avant de la glisser dans son fourreau. Elle jeta un dernier regard aux serpents morts. "Pas bon du tout." Elle redressa ses épaules et siffla Argo. "Mais il en faudra plus que ça pour m'atteindre."

Argo s'approcha prudemment en trottant, renifla les bouts de serpent avant de frotter sa tête contre Xena. La guerrière grimpa sur son dos puis elle s'appuya sur le pommeau de la selle. "Ephiny... je veux que tu récupères les têtes et que tu leur enlèves les dents."

Ephiny pencha la tête en signe d'interrogation.

"Ensuite je veux que tu les cloues sur ces arbres, juste là où la route passe. Fais en sorte qu'on puisse les voir du chemin."

"Très bien." Répondit la Régente lentement. "Une sorte de bannière ?"

Un sourire très froid s’afficha sur le visage de la guerrière. "En quelque sorte." Xena rassembla ses rênes d'une main et fit revenir Argo vers la rivière. "Brûle le reste." Elle prit alors le chemin du retour, répondant aux regards ébahis des soldats d'un hochement de tête confiant. "Allez... au boulot... le divertissement est terminé."

Lentement, le son du bois coupé rompit le silence et les oiseaux recommencèrent à chanter.

**************************************

"Ugh." Gabrielle poussa son journal de côté et posa sa tête sur son bras. "Je déteste être malade." Elle fit rouler sa tête sur le côté et regarda le feu qui crépitait, puis elle tira la couverture qu'elle avait autour de ses épaules pour la remonter un peu plus. Sa tête lui semblait si pleine qu'elle menaçait d'exploser et elle avait une douleur lancinante derrière les yeux. Ajoutez à cela une gorge douloureuse et un nez congestionné et la barde se sentait vraiment, vraiment mal.

Mais bon. Elle ferma les yeux. Au moins, elle était ici, dans un chalet au sec et confortable avec un bon feu, du thé et du miel, une couverture chaude et un bébé miraculeusement endormi. Cela aurait certainement pu être bien pire.

Elle aurait pu être en train de creuser des fossés avec Xena, par exemple, dans l'humidité et le froid qui lui déjà faisaient mal aux os malgré la chaleur du feu. Un regard au visage de sa compagne ce matin et elle avait décidé de ne même pas demander, sinon elle risquait de voir Cyrène lui être assignée comme baby-sitter constante.

Lasse, elle releva la tête et la soutint d'une main, puis elle récupéra sa plume et remit son journal en place.

La situation est vraiment compliquée. Je sais qu'Andreas a poussé Xena à aller plus vite qu'elle ne le souhaitait, mais je sais aussi qu'il était hors de question qu'elle laisse les hommes d'Andreas détruire Amphipolis. Pas alors qu’elle était à proximité et qu'elle regardait. Ça ne pouvait pas arriver, c'est tout.

Même si cela aurait été une meilleure stratégie de le laisser faire. Il se serait peut-être convaincu qu'elle n'était pas là et se serait retiré, mais bon sang, c'est notre maison. C'est sa maison, et c'est ma maison, et je ne resterai pas là à la laisser être détruite. Et je sais qu'elle ne peut pas non plus.

Parfois, il faut juste tracer une ligne et savoir que cette ligne est quelque chose que l'on ne franchira pas, quelles que soient les chances ou le coût.

J'avais une ligne comme ça. Ou du moins, je le croyais. J'avais l'habitude de m'asseoir autour de notre feu de camp le soir et de penser à ce que je ferais, si c'était sa vie qui était en jeu par exemple, au lieu de la mienne, comme c'était habituellement le cas. Est-ce que je tuerais quelqu'un ? Jusqu’où je pourrais aller avant de franchir cette ligne ?

Et tu sais, je l'ai toujours mesuré par rapport à Xena. Même la première fois que j'y ai pensé, je me suis dit : "Gabrielle, tuerais-tu pour sauver la vie de Xena ?" Et la réponse était, bien sûr, oui.

La réponse avait toujours été oui. Je n'ai jamais eu de doute à ce sujet, jamais.

J'ai toujours pensé que c'était comme ça que ça se passerait, dans mes rêves. Comme une sorte d'offrande, un sacrifice pour notre amitié, pour mon amour pour elle, pour ce que nous étions l'une pour l'autre. Oui, Xena, je t'aime assez pour sacrifier non seulement ma vie, mais aussi mon âme pour toi.

Je trouvais ça si noble.

Xena et moi en avons enfin parlé, il y a quelques mois. De Meridian, de ce que je ressentais et de ce qu'elle ressentait. Et j'ai découvert quelque chose de vraiment étonnant.

Elle s'en veut pour tout ça. Encore aujourd’hui. Même après tout ce qui s’est passé, après toutes les discussions qu'on a eues et tout ce qu'on a vécu ensemble après ça. Elle continue à dire que c'était de sa faute.

Comment combattre ça ? J’ai beau lui dire que je ne suis pas d’accord, que prendre ce couteau était mon choix, qu’être dans ce temple était mon choix... tout ce qu'elle dit, c'est que si ce n'était pas pour elle, je ne serais jamais allée en Britannia et ça ne serait jamais arrivé.

Eh bien. Si elle n'avait pas été là, je serais une esclave quelque part, probablement morte d’ailleurs ou souhaitant l'être, mais cela remonte à trop loin pour que cet argument fonctionne.

D'une manière ou d'une autre, je trouverai un moyen de lui faire comprendre que ce n'est pas sa faute. Je dois le faire, parce que je pense que c'est la raison pour laquelle elle est si sûre de se diriger vers le Tartare si quelque chose lui arrive.

C'est un sentiment si étrange. Je peux voir où est son problème, et parfois, c'est presque comme si j'étais l'aînée et elle la plus jeune. Elle est toujours tellement forte et sûre d’elle… mais parfois, je peux détecter un ou deux endroits en elle qui la rendent si vulnérable, que je n’ai qu’à les effleurer pour les comprendre.

Gabrielle mâchouilla sa plume en reniflant de temps en temps. Elle finit par soupirer et prit une gorgée de son thé. Elle tourna la tête quand un bruissement se fit entendre dans le berceau et elle vit deux yeux verts inquisiteurs qui la regardaient. "Hé, chérie."

"Maman." Dori se tortilla hors de sa couverture, puis elle se redressa dans son berceau et tendit les bras. "Maman."

"Chérie, reste au lit, d'accord ? Tu ne veux pas tomber malade, hein ?"

Dori se renfrogna, puis elle escalada son berceau et atterrit sur le sol avant de trottiner vers l'endroit où sa mère était assise. "Maman !"

"Qu'est-ce qu'il y a, Dori ?" Gabrielle posa sa plume et souleva sa fille, avant de la bercer contre sa poitrine.

"Je veux Boo."

"Moi aussi." Répondit Gabrielle sérieusement. "Mais on ne peut pas toujours avoir ce qu’on veut, tu sais". Elle lissa les cheveux sombres et épais en arrière et effleura la joue ronde de Dori. "Et moi, je te voulais tellement… tu le savais ?"

Dori mit son doigt dans sa bouche et cligna des yeux, puis elle mit ses petits bras aussi loin qu'elle le pouvait autour du cou de Gabrielle et la serra contre elle. "Je t'aime."

Gabrielle écarquilla les yeux, tellement surprise et heureuse qu’elle en oublia qu'elle était malade pendant une minute. "Tu as vraiment dit ce que je pense que tu as dit, chérie ?"

"Je t'aime." Répondit Dori. "Je t'aime maman."

"Wow." La barde la serra doucement dans ses bras. "Oh Dori... et je t'aime aussi." Quel sentiment incroyable c'était. Elle relâcha sa fille et lui sourit.

"Aimes Boo ?" demanda ensuite Dori.

"Qui, moi ?" Gabrielle rit doucement. "Oh chérie, tu sais que j'aime ta Boo... et je sais que tu l'aimes aussi… et qu’elle aussi, elle t'aime, très, très fort."

"Mm." Dori sembla satisfaite et se mit à sucer son pouce paisiblement, se balançant d'avant en arrière sur les genoux de Gabrielle. Elle avait grandi au cours du dernier mois, réalisa la barde en regardant une petite jambe se balancer à mi-chemin vers le sol. Elle était devenue plus grande, plus lourde et plus active et elle montrait déjà une bonne dose de curiosité et d’intelligence, ce qui était à la fois rassurant et un peu intimidant.

"Et si je te racontais une histoire... ça te plairait ?" Gabrielle décida de laisser son journal pour le moment et de passer un peu de temps avec sa fille. Elle sourit lorsque les yeux de Dori s'écarquillèrent de plaisir, reconnaissant un mot favori. "Tu aimes les histoires, n'est-ce pas ?"

"Vache."

"Tu veux encore entendre parler de la vache qui vole ?"

"Meuh !"

"D’accord." Gabrielle se leva et se dirigea vers le lit, se glissant sous les couvertures avant d’installer confortablement Dori à côté d'elle. "Il y eut une fois un mauvais, très mauvais orage..." La barde fit une pause, en entendant des pas, puis on frappa à la porte. "Entrez."

La porte s'ouvrit et Cyrène entra, un petit panier dans la main. "Bonjour, mes deux petites chéries."

"Mamie !" Dori traversa le lit en rampant et agrippa la chemise de Cyrène qui s'était approchée. "Bien !"

"Salut." Gabrielle se pencha en arrière. "Toujours humide dehors, hein ?"

"Juste un peu." Cyrène se déplaça vers Gabrielle et posa une main sur son front. "Mmm... ce n'est pas bon, chérie." Elle posa son panier et en sortit plusieurs sachets, utilisant la tasse de thé de la barde pour en mélanger quelques-uns. "Tu as l'air épuisé."

"Est-ce qu'une certaine Princesse Guerrière t'a dit de venir me voir ?" demanda Gabrielle en souriant avant de prendre la tasse offerte.

"Non." Cyrène lui jeta un regard. "Je suis parfaitement capable d'agir comme une mère toute seule, sans qu'elle me le demande." Elle réajusta la chemise chaude de la barde pour qu’elle couvre plus son cou. "Je le faisais déjà avant sa naissance, tu te souviens ?"

"Oh. C'est vrai, pardon." Gabrielle tira sa fille vers elle. "J’allais raconter à Dori l'histoire de la vache... elle l'adore." La barde arrangea une petite manche. "Et elle est de bonne compagnie... tu sais, elle vient de me dire qu'elle m'aimait pour la première fois." Gabrielle fut surprise de sentir des larmes couler sur son visage, et elle perçut le mouvement lorsque Cyrène s'assit à côté d'elle. "Désolée." Elle essuya son visage.

"C'est une chose étonnante, n'est-ce pas ?" répondit l'aubergiste. "Les enfants sont si honnêtes. À cet âge, ils ne vous mentiront jamais, ne vous diront jamais quelque chose juste pour vous faire sentir bien." Elle soupira. "Je me souviens d'un moment comme ça, quand Xena avait à peu près l'âge de Dori."

"Je... peux en quelque sorte l’imaginer maintenant." Murmura Gabrielle, alors que sa fille enroulait ses doigts autour des siens.

"Mmm... eh bien, Xena n'a jamais beaucoup parlé." Elle sourit. "Je suppose que ça n'a pas changé. Mais on pouvait voir qu'elle était toujours en train de penser à ce qui se passait. Elle s'asseyait dans son berceau que je mettais toujours près de la cheminée le soir à l'auberge, parce que c'est là que je pouvais la surveiller pendant que je travaillais, et elle écoutait."

Oh oui. Elle pouvait l'imaginer très clairement. "Mmhm."

"Une nuit, nous avons fermé tard et je l'ai emmenée dans ma chambre, pour la mettre au lit. Tori dormait déjà dans la chambre voisine et elle était dans son berceau, à me regarder. La nuit avait été vraiment mauvaise, une bande de voyous avait causé beaucoup de problèmes et j'avais reçu quelques coups de pied... enfin, tu imagines bien." Cyrène soupira. "Xena m'a regardée avec ses grands yeux bleus et elle a dit. "Pas blesser maman."

Gabrielle prit une grande inspiration.

"Elle m’a dit ça très sérieusement avec son regard si profond déjà à l’époque. Et je me suis approchée et je l'ai prise dans mes bras..." Cyrène gloussa un peu. "Je pense à ça maintenant et ça me fait rire." Murmura-t-elle. "Je l'ai prise dans mes bras et elle m'a serrée fort contre elle et elle m’a dit 'sois bien... ne sois pas mal'."

"Aw."

"Mmm." Cyrène mit une main sur la tête de Dori et dégagea un peu de cheveux noirs hors des yeux du bébé. "Quand je la vois, c'est comme regarder Xena grandir à nouveau. C'est si étrange." Elle regarda Gabrielle. "Et pourtant, il y a tellement de toi en elle. Quelle petite fille spéciale."

Dori se renfrogna et fit la moue. "Bck."

Gabrielle renifla, puis gloussa. "Oh oui, elle est spéciale, c'est sûr. Allez, chérie... laisse-moi te changer."

"Je vais la changer." Cyrène repoussa la barde. "Reste là et repose-toi." Elle souleva Dori et la porta dans la salle de bains.

Gabrielle reposa sa tête sur l'oreiller et regarda le plafond. "Encore un autre trait héréditaire."

"Qu'est-ce que tu disais, chérie ?"

"Rien, maman." Gabrielle se frotta les yeux, puis elle s'arrêta brusquement et pencha la tête. "Tu as entendu ça ?"

Cyrène apparut dans l'embrasure de la porte, préoccupée. "Entendu quoi ?"

Dehors, au-delà du vent et du faible cliquetis de la forge du ferronnier, elle avait entendu un son. D'abord un doux tambourinage, puis un grondement alors qu'il se rapprochait. Gabrielle sortit du lit et récupéra rapidement ses bottes. "Fils de bacchantes... Je pense que ce sont des pillards."

Elle finissait de serrer ses lacets au moment où les cris commencèrent.

*****************************

Elle ouvrit la porte en courant après avoir récupéré son bâton en chemin d’un geste instinctif. "Reste ici, maman." Souffla-t-elle à Cyrène. "Et ne les laisse pas te voir."

Cyrène regarda la barde disparaitre au loin puis retourna son attention sur le bébé effrayé dans ses bras. "Dis-donc, pour qui se prend-elle pour me donner des ordres ?" demanda-t-elle à Dori, avec une pointe d'humour.

"Maman." Répliqua Dori d’une voix inquiète.

"Chut, ça va aller." L'aubergiste trouva une place derrière le bureau où elle pouvait regarder par la fenêtre en toute sécurité. "Sois prudente, ma chérie, s'il te plaît." Souffla-t-elle à la forme qui courait.

Gabrielle grimaça lorsque le vent froid la frappa, mais elle continua à avancer vers les cavaliers qui arrivaient. Déjà, les habitants s'élançaient dans la même direction, changeant la tendance auquel les pillards étaient habitués : la plupart des victimes les fuyaient.

Mais pas à Amphipolis. Elle aperçut deux des plus grands membres de la milice, portant des faux presque aussi grandes qu'eux et sourit sinistrement.

Le cavalier de tête se dirigea droit vers le centre du village, puis fit une brusque embardée quand il la vit et se dirigea vers elle, laissant les autres avancer au milieu d'un tonnerre de sabots et du scintillement des torches. "Brûlez-les tous !" cria-t-il, en éperonnant sa monture. "Abattez-les comme des porcs !"

Gabrielle esquiva sa masse et le contourna. Elle tournoya et le frappa dans le dos avec son bâton au passage. Il jura et fit arrêter son cheval, puis il s'écarta et tenta une nouvelle fois de l'attaquer, mais elle se décala à temps avant de le frapper rapidement avec son bâton sur le côté, le faisant presque tomber de cheval.

Elle jeta un coup d'œil par-dessus son épaule, s'assurant que le reste des attaquants étaient pris en main, puis elle reporta son attention sur son adversaire, qui avait retrouvé son équilibre et avait tiré son épée. Il dirigea son cheval à vive allure dans sa direction, mais au lieu d’essayer de la frapper, il sauta à la dernière minute et s'écrasa sur elle, les projetant tous les deux au sol.

"Hé !" Gabrielle se débattit pour se libérer alors qu'il s'accrochait à elle. Elle vit l'épée arriver et décala son corps rapidement, manquant de peu de se faire toucher. Elle lui enfonça son genou dans l'estomac alors qu'il était en déséquilibre et le repoussa violemment pour éloigner son corps lourd d'elle, suffisamment loin pour qu'elle puisse rouler librement. Elle attrapa alors son bâton et commença à se relever, avant de se rebaisser rapidement lorsqu'il se jeta sur elle. Elle repoussa un nouveau coup d'épée avant d’être percutée à l'épaule.

Ow. Gabrielle vit des étoiles. Elle laissa tomber son bâton et le repoussa des deux mains pour s'éloigner de lui.

"Oh non, blondie. Tu viens avec moi." L'homme était déterminé et il se jeta sur elle pour attraper son bras et l’attirer plus près. Il la frappa à la tête, mais elle emmêla les jambes dans les siennes et ils retombèrent tous les deux.

Ses oreilles sifflaient et elle pleurait en se débattant contre lui, tordant son corps dans tous les sens alors qu'ils s’enfonçaient dans la boue. Il s'empara de ses poignets et les maintint au-dessous d’elle alors qu’il se mettait à califourchon sur elle, l’empêchant de bouger.

Des yeux gris et froids l'étudièrent. Il déplaça son poids et coinça ses mains dans l'une des siennes, puis il sortit une longue dague d'un fourreau de sa botte. Il y avait tellement de bruit et de cris autour d'eux, et un chariot bloquait la vue entre l'endroit où elle se trouvait et l'auberge. Gabrielle réalisa que personne ne pouvait probablement la voir ou réaliser qu'elle avait besoin d'aide. Elle prit une grande inspiration pour crier, mais rapidement une lame se pressa contre sa gorge. "Chuuutt"

Elle serra la mâchoire mais garda le silence.

"Bonne fille." Il posa le couteau sur sa poitrine puis ouvrit une petite pochette, retirant avec précaution une grosse épine à l'aspect huileux, puis la plongea et la ressortit couverte d'une substance rouge sombre et visqueuse. "Tu ne te souviendras de rien. Je te le promets."

Gabrielle se cambra et se débattit férocement, essayant de se tordre sous lui pour repousser l'approche de l'épine, mais il grogna et se pencha vers elle, approchant l'épine de son cou. "Ne bouge pas... ou tu seras blessée, et nous ne voulons pas... hé !"

Ce n'était qu'une distraction momentanée, mais la motte de boue qui le frappa fût suffisante pour que Gabrielle se libère d'une main et attrape son poignet, avant de le tirer sur le côté. Il s'agrippa à elle, mais elle glissa sur le côté et le repoussa avec sa jambe, le faisant tomber en arrière dans un glapissement de surprise totale.

En colère, elle roula avec lui et atterrit à moitié étalée sur ses jambes. Elle attrapa sa main et enfonça ses dents dans son poignet, lui faisant lâcher l'épine avec un cri. Elle se hissa plus haut et atterrit à califourchon sur lui, son genou bloquant le bras qui avait attrapé la dague. D'une main, elle chercha son bâton et le trouva. Elle l'attrapa et le fit basculer rapidement au-dessus d’elle pour le placer contre la gorge de son assaillant avant d’appuyer dessus.

Il se figea, sentant la pression contre ses cordes vocales, alors qu’il analysait l'intention meurtrière dans les yeux verts qui le transperçaient. Il se reprit vite et la repoussa brutalement avant de la saisir à nouveau. Gabrielle reprit son équilibre rapidement et se retourna, avant de le frapper à la tête avec son bâton pour le renvoyer au sol, cette fois définitivement.

"Gabrielle !" Granella se dirigeait vers elle à toute allure, son épée pleine de sang dégainée dans une main.

"Je vais bien !" La barde leva une main fatiguée, puis elle sursauta lorsque des bruits de pas se rapprochèrent de son côté droit. Elle se retourna, leva son bâton pour se défendre, puis le lâcha en apercevant la forme distincte de sa fille. "Dori ! Qu’est-ce que tu fais là !"

La petite s'avançait en trottinant, les mains couvertes de boue noire, une poignée de boue encore serrée dans ses petits doigts. Elle la libéra en la jetant sur l'adversaire de sa mère. "Mauvais !"

Cyrène s'approchait en boitant, les cheveux en désordre. "Mon Dieu... elle m'a échappée... Gabrielle, je l'emmenais à l'auberge où elle était plus en sécurité et elle a juste..."

Gabrielle prit Dori dans ses bras et la serra contre elle. "Je pense qu'elle vient de sauver mes fesses." Elle regarda la marque ronde et crasseuse sur la tête de l'homme inconscient. "Quelque chose l'a distrait au moment où il allait me faire quelque chose de méchant... et ça ressemblait à une boule de boue." De minuscules mains boueuses tapotèrent son visage, laissant une trace d'odeur terreuse. "C'était toi, chérie ?"

Granella se laissa tomber à genoux et attrapa l'épaule de la barde. "Est-ce que tu vas bien ? Nous avons eu le reste d'entre eux, mais je n'avais même pas réalisé que tu étais là." Elle était légèrement essoufflée et avait une méchante, mais superficielle, entaille sur son avant-bras.

"Je vais bien." Murmura Gabrielle en regardant avec étonnement l'indifférence de Dori, qui jouait avec ses cheveux, les mordillant en fredonnant. "Tous les autres vont bien ?"

L'Amazone soupira. "Ils se sont séparés et sont repartis peu de temps après qu’on ait repoussé la plupart d’entre eux... J'ai eu l'impression qu'ils essayaient de nous distraire plus qu'autre chose, mais je n'ai aucune idée du pourquoi. "

Gabrielle se leva lentement, se sentant un peu étourdie. "Moi je sais." Elle donna un coup de pied à l'épine gisant sur le sol. "Ils étaient là pour moi." Elle commença à frissonner, plus à cause du vent froid contre son dos humide que par peur. Après tout, elle était considérée comme le point faible de Xena depuis quoi... cinq ans maintenant ? C'était une vieille histoire.

L'adrénaline commençait doucement à s’en aller et elle sentit une douleur lancinante de plus en plus insistante dans son bras et sa tête alors que son vertige augmentait... "Je pense que je ferais mieux d'aller m'asseoir." Elle jeta un regard reconnaissant à Cyrène lorsque l'aubergiste lui prit Dori. "Merci... " Puis le monde devint un peu flou et ses genoux flanchèrent. "Hum..."

Elle ne sentit jamais Granella la rattraper, ni le sol froid et humide, seulement le son de voix lointaines et anxieuses qui l'accompagnèrent dans l'obscurité.

********************************************

Elles étaient à peine rentrées dans la cabane que la cour s'animait à nouveau du tonnerre des sabots. Granella se raidit et saisit son épée, avant de se détendre lorsqu'elle réalisa qu'il s'agissait d'un seul animal. "Cinq dinars que je sais qui c'est." Dit-elle à Cyrène.

"Je ne parie même pas." L'aubergiste récupéra une chemise propre et sèche dans le pressoir à linge lorsqu'un bruit d'éclaboussure se fit entendre à l'extérieur. Puis de lourdes bottes frappèrent le porche et la porte faillit exploser vers l'intérieur, révélant une silhouette vêtue de cuir, couverte de boue et trempée, dont les yeux parcoururent la pièce rapidement avant de se poser sur la forme mince étendue sur le lit.

Granella se recula pour laisser la place à Xena, qui traversa rapidement la pièce avant de s'agenouiller près du lit. La guerrière retira ses gantelets avant de toucher très doucement le visage pâle de Gabrielle, tournant sa tête sur le côté pour examiner le large bleu et le sang qui suintait d'une oreille.

Brièvement, Xena ferma les yeux, prit une grande respiration puis les rouvrit. "Que s'est-il passé ?"

Granella rassembla ses esprits. "J'étais dans l'armurerie, je travaillais sur une arbalète et j'ai entendu l'alarme." Elle fit une pause. "Je suis sortie en courant, la milice était déjà en train d'attaquer les pillards. Ils étaient sept, à cheval, en armure et bien armés." Elle fit une nouvelle pause, mais Xena ne fit aucun commentaire. "Les anciens étaient à l'intérieur de l'auberge et ils ont commencé à tirer avec des arbalètes. Nous sommes allés vers eux avec des épées et des faux. Ça n'a pas pris longtemps."

"Ils ont fui." Cyrène rapporta la chemise propre et la posa sur le lit. "J'étais ici avec Dori et j'ai décidé de l'emmener à l'auberge où c'était plus sûr. Gabrielle était partie rejoindre la milice."

Xena soupira et hocha la tête.

"Nous les avons chassés... personne n'a réalisé qu'il y en avait encore un avec Gabrielle". Lui expliqua Granella. "J'ai entendu un coup, tu sais comme les siens sont distinctifs quand elle se bat avec son bâton, et je suis venue en courant. Je l'ai trouvée sur ce type, il était inconscient."

"Dori s'était échappée."

Xena regarda sa mère, les yeux écarquillés.

"Chérie, je suis désolée. Mais elle est très forte et elle s'est débattue. Elle a couru vers sa mère et le temps que j'arrive, c'était fini."

Dori s'approcha de Xena et tira sur un morceau d'armure très boueuse. "Bck."

"Je suppose qu'elle a reçu quelques coups avant qu'elle ne le mette hors d’état de nuire." commenta Granella. "Johan a enfermé son attaquant dans la cave à légumes. Les autres sont partis en aval de la rivière." Elle hésita un moment puis poursuivit. "Gabrielle semblait penser que ce type essayait de la kidnapper."

Xena absorba l’information, puis acquiesça. "Bien." Puis elle prit une grande inspiration. "Merci... Je peux m'occuper du reste." Elle leva les yeux vers Granella. "Pourrais-tu aller sur le site de la rivière et leur dire que je viendrai là plus tard ? Ils ont pris un bon départ, je ne faisais que les observer et les rendre nerveux."

Granella se leva et posa une main sur l'épaule de sa belle-sœur. "Pas de problème." Elle se glissa derrière Xena et se dirigea sans bruit vers la porte.

"Tu devrais te changer aussi, Xena." murmura Cyrène.

"Je le ferai." Elle attendit que sa mère parte, puis elle se lécha les lèvres et posa une main sur la tête de Dori pour caresser lentement ses cheveux. Elle s'autorisa à se calmer un moment avant de se lever, d'enlever sa cape et de retirer son armure. Puis elle se dirigea vers le bassin d'eau et se frotta les mains, avant de revenir vers le lit et de s'agenouiller à nouveau. Dori la rejoignit, s'agrippant au côté du lit en lui jeta un regard curieux.

"Gabrielle." Xena prit délibérément une voix basse et rassurante, tout en caressant la joue pâle avec son pouce.

Il fallut un moment, mais la gorge de la barde finit par s'agiter dans un mouvement de déglutition, puis son visage se crispa sous le contact de Xena et les cils clairs s'ouvrirent, révélant des yeux verts brumeux et étourdis qui la regardèrent fixement.

Il y eu un moment d'incompréhension totale, puis Gabrielle émit un petit son de douleur et s'agrippa la tête.

"Ah ah." Xena attrapa sa main et la serra délicatement. "Doucement."

"Ow." Murmura Gabrielle avec détresse.

"Je sais." Soupira la guerrière. "Le combat a été douloureux, hein ?"

Un petit sourire se dessina sur le visage de Gabrielle. "Oui... mais j'ai gagné." Son sourire s’élargit. "Avec l'aide de la dangereuse Dori."

"Hum ?" Xena la redressa soigneusement, puis lui enleva sa chemise encore humide. "Qu’est-ce que...oh bon sang, Gabrielle !" Elle laissa la barde se recoucher sur les oreillers et regarda l'énorme bleu qui allait de l'épaule de Gabrielle jusqu'à son coude." Wow."

"J'ai oublié de me baisser." Expliqua la barde. "Cette satanée crève m’a ralentie."

Xena ramassa la chemise propre et la passa par-dessus la tête pâle. "Très bien... tiens, voilà... comme ça." Elle passa le vêtement chaud autour du corps glacé de la barde puis rabattit les couvertures autour d'elle…

"Maman." Dori tira sur la couverture et leva les bras. "Porte."

"Pas maintenant, Dori." Xena nettoya le sang sur le visage de sa compagne, regardant les yeux verts se fermer et la peau autour d'eux se tendre lorsque le nettoyant la piqua. "Désolée." Elle termina, puis s'essuya les mains. "Je ne peux rien te donner pour la douleur, mon cœur, pas avec cette bosse sur ta tête."

"Ow." Gabrielle lui lança un regard pathétique. "Super."

"Boo !" Dori pointa son doigt sur la guerrière. "Porte !"

"Dori." La voix de Xena se fit plus basse et sévère. "J'ai dit, non."

Le bébé fit une petite moue. "Aime maman." Elle tendit une main vers le bras de Gabrielle.

"Oh oui. Elle a appris un nouveau mot." Murmura Gabrielle. "La plus belle chose de ma journée." Elle attrapa la main de Dori et la serra. "Xena... elle a jeté de la boue au visage de ce type quand il m'a fait tomber."

Xena s'arrêta dans son mouvement. "Elle a quoi ?"

"Mmm." La barde hocha la tête doucement. "Oui... elle l'a distrait juste assez pour que je puisse me libérer."

Xena regarda sa fille, puis elle se pencha vers elle, la prit dans ses bras et la serra contre elle en lui grattant doucement le dos comme la petite adorait. "Bonne fille." Elle la décala un peu et regarda Dori, puis elle frotta son nez avec le sien. "Je t'aime, Dori."

Le bébé sourit et s'agrippa à son nez, le tirant un peu en s’agitant dans ses bras. "Boo !"

"Mmhm." Xena la coucha à côté de Gabrielle et la regarda ramper vers sa mère pour la serrer dans ses bras. "C'est ça, Dori... tu fais en sorte que ta mère se sente mieux, d’accord ?" Elle se pencha et dégagea les cheveux de Gabrielle en arrière, puis toucha son front et grimaça à la chaleur. "Bon sang."

"Mmm." Soupira Gabrielle. "On dirait que je suis coincée ici un moment. Vas-y... ça va aller." Elle leva les yeux vers sa compagne. "Merci d'être revenue ici." Son bras glissa autour de Dori et elle laissa ses yeux se refermer.

Xena se leva et s'essuya les mains, puis elle se dirigea vers la presse à linge et échangea son sous-vêtement humide contre un sec. Autant changer les cuirs, aussi. Elle posa ses mains sur son ensemble sec, puis elle se retourna et regarda la forme immobile dans le lit. Les yeux de Gabrielle étaient à nouveau à moitié ouverts et son visage était marqué par la douleur. La barde souffla doucement puis avala difficilement.

Xena réfléchit à tout ce qu'ils avaient encore à faire, puis elle regarda le temps gris et morne à l'extérieur. Un demi-sourire plissa son visage alors qu'elle relâchait les cuirs et tournait délibérément le dos à la porte. Elle s'assit, retira ses bottes et ses chaussettes, puis elle se dirigea vers le lit. "Hé."

Gabrielle tourna légèrement la tête et la regarda. "Hum ?"

La guerrière se glissa dans le lit et enroula ses bras autour des épaules de sa compagne, avant de tirer les couvertures vers le haut. "Tu acceptes un peu de compagnie ?"

Gabrielle ne put cacher son sourire surpris et incrédule. "Je pensais..."

"Ils creusent des fossés, Gabrielle." Répliqua Xena. "Quand on est aux commandes, il faut parfois savoir établir des priorités." Elle posa son menton contre les cheveux de Gabrielle et sentit la barde se blottir plus près, tirant manifestement du réconfort de sa présence. "De plus, je pense que je me suis tordu le genou. Je ferais mieux de le laisser au repos pendant quelques instants."

"Absolument." Gabrielle ferma les yeux et sentit la douleur s'estomper, remplacée par la sécurité de l'étreinte de son âme sœur. "Juste pour quelques minutes."

"D'accord."

"Mmm."

Xena se relaxa contre les oreillers et sentit Gabrielle se détendre complètement. Elle laissa Dori jouer avec les doigts de la main qu'elle avait posée sur le ventre de la barde, mais la petite ne tarda pas à bâiller elle-aussi avant de s’endormir à son tour.

Bien, pensa la guerrière. Elle devait prendre le temps de réfléchir à ce qui s'était passé avec les serpents et à la façon de modifier les itinéraires des patrouilles pour qu'il n'y ait plus de raids surprises. Et elle devait aussi réfléchir à ce qu'il fallait faire pour empêcher l'eau de la rivière de s'infiltrer dans les fossés. N'était-ce pas l'endroit idéal pour ça ?

Bien sûr que si.

*******************************************

Le bruit des troupes de retour qui s'infiltraient par la fenêtre tira Xena de son sommeil et elle releva la tête, fixant d'un regard incompréhensif les fenêtres presque sombres. "Fils de…" Elle se laissa retomber contre l'oreiller et grimaça à la raideur de son corps qui n’avait pas apprécié la position dans laquelle elle s'était endormie. Elle se déplaça un peu pour soulager ses muscles raidis.

Gabrielle était là où elle l'avait laissée, toujours profondément endormie, un petit sourire sur le visage. Dori somnolait également, bien que les couvertures froissées et la présence d’un bracelet d’armure de Xena enfilé sur un petit bras tenu témoignaient du fait que le bébé n'avait pas dormi toute l'après-midi.

Elle se sentit instantanément horriblement coupable en sachant que l'armée avait été là, dehors, à travailler comme des fous toute la journée pendant qu'elle faisait la sieste. Puis elle regarda la joue bleuie de Gabrielle et soupira. Par Hadès, qu’est-ce qu’elle allait dire à ses chefs de bataille ? Quelle justification pourrait-elle trouver pour expliquer son absence une journée entière ? Bon sang, Xena, mais qu’est-ce que tu fous ? C'est une foutue armée dont tu es responsable, la vie des gens dépend de toi !

"Mmm." Soupira doucement Gabrielle en ouvrant les yeux à moitié alors que ses doigts se frayaient un chemin sous la chemise de Xena pour caresser doucement la peau nue. "Merci."

Et une vie par-dessus toutes les autres repose entre tes mains, n'est-ce pas ? "Quand tu veux." Xena embrassa affectueusement la tête pâle. "J'étais occupée à élaborer des stratégies."

"Oh. Bien." La barde bailla et hocha la tête d'un air endormi. "Que fait Dori ?"

"Elle essaye mon armure." Répondit Xena en gloussant.

La barde rouvrit un œil et repéra le bébé recroquevillé à côté d'elle, dont un bras entier était recouvert par l’un des bracelets de Xena et qui avait visiblement été mâchouillé aux extrémités. "Bon sang... tu ne lui as pas donné ça pour jouer avec, n'est-ce pas ?"

"Non." Xena fléchit son poing. "Elle a dû me l'enlever... je l'avais desserré avant de... hum... me détendre..."

"Ah oui c'est vrai. Tu t’es bien … détendue ?" Gabrielle lui donna une petite tape et sentit le gloussement silencieux en réponse. Elles regardèrent leur fille. "C'est une image tellement mignonne." S’extasia Gabrielle en souriant.

"Mmm." Répliqua Xena, peu convaincue. "Je préférerais qu'elle joue avec tes plumes."

"Et qu'elle nous pique avec ? Non merci, Xena... au moins ça a des bords émoussés." La barde passa un doigt sur le cuir usé. "Il est temps que tu en prennes des nouveaux, hein ?"

"Ouais." soupira la guerrière. "Je pensais pouvoir les retirer pour de bon, alors je n'ai pas commencé à travailler sur une nouvelle paire." Elle toucha le front de la barde. "Tu es encore assez chaude. Comment te sens-tu sinon ?"

Gabrielle réfléchit un peu avant de répondre mais finalement elle décida que cela ne servirait à rien du lui mentir. "Mal." Admit-elle doucement. " Je pense que c'est la combinaison de tout, la fièvre et les coups que j'ai pris. J'ai mal au ventre et tout me fait mal, encore." Elle reprit ses caresses sur le ventre de sa compagne. "La seule chose qui rend tout ça supportable, c'est de t'avoir ici." Elle leva les yeux vers la guerrière. "Je suis désolée. Ce n'est pas juste pour toi, n'est-ce pas ? Tu as un millier de choses à faire, et beaucoup de gens qui comptent sur toi, et j’abuse de ton temps."

Qu’est ce qui était vraiment juste ? Xena se sentait déchirée en deux. D'un côté, elle savait que les mots de la barde étaient vrais. Il y avait tant de choses à faire, et tant d’autres à organiser. Ils devaient déplacer les armes et les campements de l'autre côté de la rivière, et tout cela devait être bien coordonné. Et il y avait la stratégie pour l'attaque à venir qui devait être revue avec les chefs de bataille. Et tout cela dépendait d’elle.

Mais.

Mais. "Tu sais quoi ?" Xena prit une grande respiration. "Laisse-moi aller vérifier que tout va bien avec les autres, voir où en est tout ce que nous avons en cours et donner quelques ordres. Puis j’irai récupérer le dîner et je reviens ici pour rester avec toi. Qu'est-ce que tu en dis ?"

Un léger sourire s’étala sur le visage de la barde. "Xena, tu n'es pas mon doudou personnel en cuir." Protesta finalement Gabrielle. "Je suis sûre que je survivrai si tu pars diriger l'armée. J'aurais dû me taire."

"Tu as dit la vérité, n'est-ce pas ?"

"Oui, bien sûr, mais le sauvetage du monde passe avant quelques coups sur la tête, Xena." La barde leva les yeux vers elle. "Il faut remettre les choses en perspective."

Elles se regardèrent en silence un moment. Xena ne bougea pas et Gabrielle ne voulait pas la lâcher non plus. Finalement la barde finit par soupirer. "Pourrais-tu me rapporter des baies ? Je pense que je pourrais les avaler, si elles sont assez sucrées."

"Pas de problème." Xena se glissa doucement de derrière elle et réinstalla la barde confortablement contre l’oreiller avant de rabattre les couvertures sur elle. "Je vais voir si je trouve un peu de miel aussi, qu'en dis-tu ?"

"Oh." Pendant un instant, les yeux de Gabrielle s'illuminèrent puis elle regarda Xena enfiler une tunique épaisse et sa cape, avant de chausser ses bottes et de quitter le chalet. Puis elle souffla doucement et se mordit la lèvre. "Je ne devrais pas la laisser faire ça." déclara-t-elle doucement en fixant le plafond fermement.

********************************

Xena s'arrêta devant la porte de l'auberge, momentanément seule dans la pénombre. Elle passa ses deux mains dans ses cheveux et réajusta sa cape, passant mentalement en revue ce qu'elle allait dire à tout le monde à l'intérieur.

Désolée de ne pas être revenue. J'étais de corvée d'oreillers.

Oh oui, Xena, très inspirant. Avec un soupir, elle poussa la porte et entra, jetant un coup d'œil autour d'elle pour voir la plupart des chefs de bataille autour d'une table et le reste des tables de l'auberge pratiquement toutes occupées par une partie de l’armée.

Pense commandement. Pense autocratie.

Xena laissa ses yeux parcourir les occupants de la pièce pendant un long moment avant de faire un bref signe de tête et de se diriger vers la table occupée par ses lieutenants. Pas de sourcils levés, ni de ricanements. Jusqu'ici, tout va bien. "Bonsoir."

Ephiny appuya sa tête sur une main. "Comment va Gabrielle ?"

Un tourbillon de regards inquiets se tourna vers elle. "Elle a pris quelques mauvais coups." Déclara brièvement la guerrière. "Elle s'en remettra dans quelques jours."

"Ouf." Gillen se pencha en arrière. "C'est une très bonne nouvelle. Une de mes armurières travaillait près de la forge et elle a vu la Reine Gabrielle se faire attaquer par ce cavalier. Elle a dit qu'elle n'avait jamais rien vu d'aussi féroce auparavant."

Féroce. "C'est une guerrière." Confirma Xena. "Je devais attendre qu'elle reprenne conscience pour en savoir plus sur l'homme qui l'avait attaquée."

"Bien sûr." Gillen lui jeta un regard légèrement perplexe. "On s’y attendait tous. Après tout, tu es sa Consort, non ?"

"Qu… "Xena ferma la bouche brusquement.

"On a fait environ la moitié du remblai initial, Xena."  Déclara Toris en se penchant en avant. "Il a fallu une bonne partie de cette forêt, mais nous avons eu de la chance. Il y avait une vieille coupe de bois pas très loin dont je n'étais pas au courant et nous l'avons utilisée, ainsi que les herbes mortes à l'intérieur du feuillage pour tasser le mur. Ils ont fait du bon travail."

"Bien." Xena croisa les bras.

"J'ai envoyé des éclaireuses jusqu'aux contreforts". Déclara Ephiny, en échangeant un regard avec Gillen. "Nous n'avons rien vu qui sorte de l'ordinaire". Expliqua-t-elle lentement.

"Non, mais nous n'avons pas vu grand-chose non plus. "Gillen secoua la tête. "Six villages brûlés, c'est tout, et des signes épars de personnes en fuite". Elle tira un sac. "Nous avons ramené certaines des choses que nous avons trouvées sur la route." Elle le jeta sur la table. "Les pillards ont pris le contrôle de la plupart des terres entre ici et les contreforts. Nous avons été attaquées deux fois."

"Mmm." Ephiny fit craquer ses articulations. "Bon entraînement... J'ai essayé les filets que tu as conçus pour nous, Xena. Ils ont bien fonctionné."

"Ouais, j'ai aimé ça." confirma Gillen. "Les approvisionneurs disent qu'ils ont emballé la plupart du matériel et les menuisiers terminent le dernier chariot."

"Nous avons assez de provisions séchées pour tenir environ trois lunes, si nous faisons attention." Ajouta Toris. "Maman a séché ou salé tout ce sur quoi elle a pu mettre la main pour que ça puisse voyager et ils ont emballé la plupart de la nourriture en portions individuelles avant de les stocker."

"Bien." Xena était silencieusement impressionnée.

"Nous avons exploré en direction de Potédaia." Continua Tyldus. "J'ai pris une douzaine de mes guerriers et exploré les routes, pour voir si nous pouvions débusquer d'autres de ces pillards. Nous avons trouvé des signes de plusieurs camps, mais aucun occupant." Il s'éclaircit la gorge et croisa ses bras sur son énorme poitrine. "J'ai jalonné des postes de garde tout le long de la rivière jusqu'à la ligne de partage des eaux, et nous avons installé des feux de surveillance, avec une partie de ta milice."

"Nous déplacerons les troupes vers la rivière demain alors." Déclara Xena en trouvant enfin quelque chose d'intelligent à dire. "Nous aurons le temps de finir les barricades et d'installer un camp derrière elles. Nous emmènerons les artisans avec nous, pour faire le plein d'armes tant que nous en avons l'occasion. J'ai le sentiment que nous n'allons pas avoir beaucoup de temps à attendre."

"Ça me paraît bien." Approuva Gillen. "Nous avons installé des postes de garde tout le long du chemin vers le col également. J'ai posté des groupes de cavalières avec pour instructions de nous prévenir, puis de se séparer et de les frapper sur les côtés, pour essayer de les secouer avant qu'ils n'arrivent ici."

"Bien." Xena hocha la tête, se sentant un peu inutile. "Les blessés et les anciens devraient commencer à se diriger vers la vallée demain après-midi." Elle les observa un moment en silence. "Nous pourrons parler des plans de bataille après avoir installé le camp."

"C'est bon pour moi." Répliqua Gillen en hochant la tête. "Je dois te l'accorder, Xena. C'est une armée sacrément efficace."

"Merci." La guerrière réprima un sourire.

"Bonjour." Une voix derrière elle la fit se retourner et elle découvrit Cait qui attendait patiemment devant elle avec un paquet couvert.

"Salut Cait."

"Ta mère m’a demandé de donner ça. Je suppose qu'elle pense que tu voudras ramener ça avec toi à la Reine Gabrielle." Xena récupéra le paquet que Cait lui tendit. "Elle va bien ?"

"Elle se reposait quand je suis partie."

"C’est bien." Cait hocha la tête.

"Nous savons où te trouver en cas de problème, Xena." Gillen se leva et s'essuya les mains. "Nous essaierons de ne pas vous déranger, toi et la Reine Gabrielle, sauf en cas d'urgence." Elle se pencha et commença à murmurer quelque chose à l’une de ses Amazones.

"Oui, tout est sous contrôle ici, sœurette." acquiesça solennellement Toris.

Xena jeta un coup d'œil à Ephiny, qui se retenait visiblement de sourire. La Régente Amazone fit un signe de la main à la guerrière qui la regardait. "Allez, vas-y !" grommela-t-elle avec un clin d'œil, recevant une grimace en retour.

La guerrière ouvrit la bouche, puis la referma. Elle leva une main, puis elle se retourna et sortit vers une dernière nuit de paix, avant que la noirceur ne dévore le monde.

******************************

La première chose qu'elle vit fut un lit vide lorsqu'elle ouvrit la porte, et elle ne put retenir une grimace alors qu'elle s'arrêtait pour regarder autour d'elle. "Gabrielle ?"

"Par ici." La voix rauque lui répondit près du feu.

Xena changea de direction et se dirigea vers elle, pour découvrir sa compagne assise dans son fauteuil rembourré et Dori dans ses bras qui jouait avec l'une de ses peluches. "Tu es censée te reposer."

"Je me repose." Gabrielle était emmitouflée dans une grosse couette. "M'allonger à plat me gênait... j'avais la tête dans un étau. Je me sens mieux comme ça." Elle regarda la guerrière poser son paquet et s'asseoir sur la chaise basse à côté d'elle. "Ça n'a pas pris longtemps."

"Ouais... mmm, tout est en ordre, je ne voyais pas de raison de traîner là-bas. Nous avons une longue journée demain." Xena ouvrit le paquet et en retira quelques mûres et un petit récipient de miel, ainsi que quelques petites choses que Cyrène leur avait rajouté.

"Uh huh." Gabrielle récupéra une baie et la mit dans sa bouche, avant de l’avaler difficilement.

"Nous allons envoyer les blessés et les anciens dans la vallée". La guerrière garda les yeux sur le paquet, déballant une grosse part de tourte farcie de viande et de légumes accompagnée d’une miche de pain noir et du fromage. "Ils partiront vers midi." Elle leva les yeux pour rencontrer le regard de Gabrielle, dans lequel étincelait une sombre détermination. Autant pour moi. "Je me suis dit que tu pourrais rester ici jusqu'à ce qu'on ait installé le camp."

Gabrielle leva un doigt et le secoua en silence.

Xena inclina la tête et sourit, alors que ses yeux se réchauffaient d'affection. "Tu es malade, ma barde" lui rappela-t-elle, en étalant une couche de fromage ramolli sur le pain avant d’en prendre une bouchée. "Tiens." Elle poussa le bol de baies vers elle. "Mais je ne pensais pas sérieusement à te demander de partir."

"Vraiment ?" Gabrielle prit une poignée de fruits et regarda sa compagne se jeter sur son dîner. "Chérie, mâche s’il te plait ? Tu me rends nerveuse."

Xena marqua une pause, puis elle se tortilla un peu et ralentit ses mouvements. "Désolée... J'ai vraiment faim aujourd'hui pour je ne sais quelle raison." Elle coupa une autre tranche de pain. "Et oui, vraiment. La dernière chose que je souhaite, est d'avoir à m'inquiéter que quelque chose t'arrive loin de moi."

"Mmm." Gabrielle offrit une baie à Dori et regarda le bébé l'engloutir avidement, puis regarder autour d’elle et repérer sa Boo. "Ok... ok... je te laisse descendre." Elle mit Dori sur ses pieds et le bébé trottina jusqu'à l'endroit où Xena était assise, tirant sur sa chemise en poussant de petits grognements de bébé. "C'est ça... va chercher un peu du dîner de Xena."

La guerrière souleva obligeamment sa fille et la posa sur ses genoux. "Tu as faim, petit ours ?"

"Boo." Dori accepta un morceau de pain imbibé de jus de viande et le fourra dans sa bouche. "Mmm."

"C'est une bonne fille... peut-être qu'on pourra jouer à cache-cache plus tard ?" Xena caressa doucement les cheveux noirs. "Ça te plairait ?"

"Et elle, Xena ?" Gabrielle plongea une baie dans le miel et la suça, la substance sucrée apaisant agréablement sa gorge. "Je n'aime pas l'idée de la renvoyer, mais... je n'aime pas non plus l'idée qu'elle se retrouve au milieu de tout ça."

Xena posa un morceau de son pain de viande sur un plateau à côté de Dori et la regarda s'en emparer goulûment. "Je ne sais pas." Elle joua avec un petit pied. "Je pense que nous pouvons laisser quelques personnes ici... si les forces d'Andreas arrivent jusqu'ici, c'est une cause perdue de toute façon."

"Tu ne veux pas l'envoyer dans la vallée ?"

Le regard de Xena était fixé sur le bébé. Dori finit de mâcher, puis leva les yeux vers sa compagne de jeu avec adoration et tendit une petite main vers elle. "Non." Elle prit la main du bébé et regarda les petits doigts s'accrocher aux siens. "Je vous veux toutes les deux ici, là où je sais que vous allez bien."

Gabrielle acquiesça. "Mais, ça pourrait être tout aussi dangereux ici."

"Vrai. Mais c'est plus proche." Répondit Xena calmement. "Honnêtement, il n'y a aucun endroit sûr, Gabrielle. Mais plus elle est proche de l'armée principale, moins il y a de chance que quelqu'un essaie de la kidnapper." Elle tourna son regard vers elle. "Ou toi, comme ce qui s'est passé aujourd'hui. Si ça avait marché, Gabrielle, j’aurais été dans une situation très désavantageuse."

"Tu crois que je ne m'en suis pas rendu compte ?" rétorqua la barde d’une voix rauque. "C'est une vieille histoire entre nous."

Xena continua de la fixer, mais ne répondit pas. Dori attrapa un morceau de viande et le suça.

Gabrielle regarda les muscles bouger sur la mâchoire de sa compagne et laissa sa tête reposer contre le dossier rembourré de la chaise. "Je suppose que je suis un peu grincheuse ce soir."

Xena releva un sourcil.

"Je peux avoir un peu de cette mixture immonde ?" la supplia Gabrielle.

Xena écarquilla les yeux, puis fit descendre de ses genoux une Dori mécontente et se leva pour aller récupérer des herbes dans l'armoire. Elle les mélangea dans une tasse puis l’amena à la barde, avant de passer sa main sur son front. "Tiens."

"Merci." La barde prit la tasse et la vida, puis elle posa sa main sur la cuisse de Xena et se pencha un peu en avant pour embrasser la peau douce.

Xena lui ébouriffa les cheveux. "Laisse agir un peu, puis retour au lit pour toi." Elle regarda la barde se réinstaller délicatement en préservant visiblement son épaule. "Des douleurs ?"

"Mmph." Gabrielle secoua la tête, un air renfrogné sur le visage. "Je n'arrive pas à croire que je n'ai pas évité ce coup. Je l'ai vu venir, Xena."

Xena posa ses deux poings sur ses hanches. "Tu commences à me ressembler, tu sais."

"Non, pas du tout."

"Oh si."

"Absolument pas !"

"Si !" Xena se pencha et posa un doigt sur le nez de son âme sœur visiblement irritée. "Alors arrête ça !"

"Bck !" Dori s'approcha en trottinant et secoua un doigt vers sa mère.

Gabrielle fit la moue. "On se ligue contre moi." Grogna-t-elle d’une voix rauque. "C'est pas juste."

"Viens là." Xena se pencha, passa un bras sous elle, puis la souleva par-dessus Dori et se dirigea vers le lit.

Gabrielle pensa à protester mais elle laissa finalement sa tête tomber contre l'épaule de sa compagne en se sentant pathétiquement misérable. "Whoua." Elle se retrouva allongée dans le lit, des couvertures bien disposées autour d'elle. "Tu as déjà interrogé ce type ?"

Xena fixa le mur, choquée. "Hum... pas... encore, non. J'allais t'installer, puis... " En fait, elle l'avait complètement oublié. "Qu'est-ce qu'il va dire de toute façon ? Il était après toi parce qu'Andreas voulait t'utiliser contre moi ?" grogna-t-elle. "Une perte de temps."

"Mmm." Soupira Gabrielle. "Vrai."

"Bien... Je vais préparer plus de thé et pendant ce temps...." Xena fit un bond en arrière, s'éloignant de Dori qui tentait d'escalader sa jambe. "Qui veut jouer ?"

"Boo !" Une petite main se tendit vers elle.

"Attrape-moi..." Xena sautilla plus loin, s'arrêtant juste pour poser le pot d'eau chaude, puis elle s'accroupit lorsque Dori s'approcha d'elle. "Bébé bandit..."

"Buh !" Dori tenta d’escalader son genou, mais elle échoua et se retrouva à quatre pattes alors que sa victime s'éloignait en sautillant. "Boo !!" Elle se remit sur ses pieds et la suivit en accélérant sa cadence jusqu'à ce qu'elle rattrape sa compagne de jeux près du tapis moelleux. "Go!" Elle grimpa sur les longues jambes maintenant étalées sur la fourrure. "Go go go go !" Les genoux se refermèrent et l'attrapèrent, la soulevant doucement. Dori gloussa en s'agrippant à la peau qui l'entourait. "Boooooo !" Des mains la prirent et la soulevèrent plus haut et le bébé étendit ses bras et les agita dans l'air.

"Mais c’est un bébé qui vole !" Xena se bascula sur le dos fit tournoyer sa fille dans les airs, la faisant voler et plonger en appréciant les rires ravis. "Tu aimes ça ?"

"Boum !" Dori tendit les bras et donna un coup de pied. "Go ! Go !"

"Oh... Je sais ce que tu veux." Xena prit appui sur le sol et se redressa d’un coup en regardant les yeux de Dori s'écarquiller d'étonnement tandis qu'elles se déplaçaient toutes les deux dans les airs. "Montre-moi ce que tu veux." Elle jeta un coup d'œil au lit et vit une paire d'yeux verts fascinés qui les observaient. "Maman n'a jamais vu ça... alors vas-y, Dori... montre-moi."

Xena éloigna un peu le bébé et avec un regard de concentration presque comique, Dori rentra son poing et ses genoux sous son menton. "Whoosh !"

"Bonne fille." Xena jeta un coup d'œil à droite et à gauche, puis elle s'accroupit et s'élança vers le haut pour effectuer un saut périlleux dans les airs. Elle atterrit sous les rires de sa passagère. "Tu aimes ça ?"

"Encore !" supplia Dori, en rentrant ses poings à nouveau.

"Tu as vu ça ?" demanda Xena à sa compagne. "Elle est plutôt vive, hein ?" Elle fit un nouveau flip, puis un flip arrière, manquant de s'écraser sur la table. "Oups."

Gabrielle regardait, fascinée, Xena lancer le bébé et l'attraper et Dori se tortiller dans les airs, en appréciant chaque moment. Puis la guerrière se mit à effectuer des sauts à travers tout le chalet, en alternant sauts simples et sauts périlleux, chaque mouvement faisant rire le bébé de plus en plus fort. Enfin, la guerrière sauta par-dessus la chaise près du lit, puis refit un saut périlleux qui l'a fit atterrir juste devant le siège. Elle se laissa tomber dessus en respirant un peu fort, les joues d’un bon rose vif comme celles du bébé. "Whoo."

"Woo." Dori grimpa sur elle et jeta ses bras autour du cou de sa copine. "Boo... bien !" Elle déposa un baiser baveux sur la mâchoire de la guerrière. "Encore !"

Xena jeta un coup d'œil à Gabrielle, qui affichait un large sourire, ses couvertures repliées autour d'elle. "Facile à dire pour elle." Elle frotta le dos de Dori. "Dans une minute, Dori... Je dois aller chercher le thé de ta maman."

Le bébé fit la moue et tira les longues mèches sombres qui s’étalaient sur les épaules de la guerrière. "Encore !"

"Pas tout de suite." Répliqua Xena en libérant ses cheveux. "En parlant de ça... si je m'assois là, tu peux me les couper ? J'aimerais les avoir plus courts pour ce qui nous attend." Elle croisa le regard de Gabrielle, qui affichait une note de compréhension mélancolique. "Plus facile à gérer sur le terrain."

Ou pour les dégager pendant les combats. Gabrielle acquiesça tranquillement. "Bien sûr." Elle prit une inspiration, réalisant qu'après ce soir, il pourrait bien se passer beaucoup de temps avant qu'ils ne puissent tous s'asseoir ensemble en paix. Demain, Xena fera traverser la rivière à son armée et se préparera à l'attaque d'Andreas.

Demain, elle enfilera son armure, l'ensemble complet que Gabrielle n'avait pas vu depuis Cirron.

Demain, elle prendra sa place à la tête des troupes et mettra sa vie en jeu, pariant sur la chance, son habileté et sa ruse.

Des personnes qu'elle connaissait allaient sûrement mourir. Xena serait-elle l'une d'entre elles ? Une boule se forma dans sa gorge alors qu'elle observait le sourire sur le visage de sa compagne qui chatouillait Dori.

Est-ce que je survivrais ?

Que va-t-il arriver à Dori ? Ses marraines étaient autant en danger qu'elles, alors quoi ? Dori resterait-elle seule, se demandant où étaient partis ses parents ?

Penserait-elle que nous l’avons abandonnée ?

Sans savoir ce qui s’était réellement passé ? Elle sentit ses yeux se remplir de larmes, et puis, un mouvement d'air passa près d’elle, et elle sentit la chaleur d’une peau qui touchait son visage et essuyait ses larmes.

"Qu'est-ce qui ne va pas ?" Demanda la voix douce et basse de Xena.

Elle renifla en fixant le lit. "Je pense trop, c'est tout." Une main attrapa doucement sa mâchoire et la força à lever les yeux. "Tu m'as toujours appris à ne pas imaginer perdre."

Xena laissa Dori ramper jusqu'à sa mère. "Je t'ai aussi appris à ne pas fermer les yeux sur la réalité." Elle descendit sa main pour prendre celle de la barde. "Toi et moi avons fait face à de mauvaises situations tant de fois, mais nous n'avons jamais parlé de ce qui se passerait si le pire arrivait."

"Non." Gabrielle prit une grande respiration. "Nous ne l'avons pas fait, parce que j'ai toujours su que d'une manière ou d'une autre, tu trouverais un moyen d'arranger les choses." Elle la regarda franchement. "Je n'ai pas peur pour moi, Xena. Je m'inquiète juste pour elle."

"Maman." Dori rampa sur la barde. "Mmm." Elle repéra le bonbon au miel que Gabrielle avait posé à côté d'elle et l'attrapa.

"Moi aussi." Admit Xena en caressant les cheveux doux du bébé. "Elle est trop jeune pour comprendre ce qui se passe".

Le bébé la regarda puis se tourna vers Gabrielle.

"C'est ce qui me fait peur. Si on l'abandonne, elle ne comprendra jamais pourquoi." De petits doigts serrèrent les siens. "Elle nous aime." Elle se tût un moment. "Nous sommes tout pour elle, Xena."

La guerrière resta assise, plongée dans ses pensées pendant de longs instants. Puis elle releva la tête et la barde découvrit les yeux humides de sa compagne. "Alors tu devrais écrire un parchemin." Répondit Xena d'un ton calme. "Pour qu'elle comprenne, quand elle sera plus âgée, à quel point elle était aimée." Un silence tendu se répandit dans la pièce. "Au cas où."

Oh par les Dieux. Gabrielle se sentait mal. "Je pourrais avoir besoin d'aide." Chuchota-t-elle.

Xena se déplaça et mit ses bras autour de son âme sœur. "Si nous le faisons, peut-être que ça ne sera jamais nécessaire."

"Boo ?" Dori leva les yeux vers elle avec curiosité, puis ses petits sourcils se froncèrent. "Encore !"

"Peut-être." Accepta la barde en se sentant étrangement soulagée. "Peut-être que si je fais un très bon travail, je pourrai la voir te porter dans un salto arrière."

Xena sourit et appuya sa joue contre les cheveux de Gabrielle. "Ça vaudrait le coup de gagner une guerre, hein ?"

"Boo ?" Une petite main se referma sur son bras. "Encoreencoreencore."

La guerrière passa son bras autour de sa fille et l’attira près d'elle, alors qu’elle regardait la lumière du feu danser doucement sur les murs nus du chalet.

 

A suivre chapitre 19


 [BJH1]Là aussi je préfèrais une forme active plutôt que passive

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