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21 novembre 2008

Indiscrétions, épisode 8

INDISCRETIONS

Deuxième saison

Accord parental ignoré

Crédits :

Créé produit, écrit et réalisé par :
Fanatic et Tnovan


Épisode  8 : Bien vu.

C’est bon. C’est ça qui m’a manqué. Une semaine sans la tenir dans mes bras, c’était vraiment trop long. Je ne veux plus jamais avoir à le faire, même si je sais que c’est inévitable. Nos boulots l’exigent. Mais j’espère que les retrouvailles seront toujours aussi douces.

Kels en enroulée contre moi, profondément endormie. Ma main droite est posée, ouverte, sur son ventre, recouvrant notre enfant.  Je sens déjà un petit gonflement mais je doute que ça soit possible. Et je vais certainement pas le dire à Kels. Je ne veux pas qu’elle stresse à propos de son poids aussi tôt dans sa grossesse.

On va avoir un bébé. Il y a, en elle, une petite vie qui va bientôt nous rejoindre. Elle est là en ce moment, en train de grandir, de se développer, de devenir quelqu’un. Très vite, le bébé va être capable de nous entendre, et nous on pourra écouter les battements de son cœur. Et à Noël, on aura notre plus beau  cadeau.

Whaou.

Je l’embrasse dans le cou et serre Kels encore plus contre moi. Elle est si petite à côté de moi. Je fais glisser lentement ma main sur sa hanche, caressant la peau. Elle a des hanches si étroites, j’espère que l’accouchement ne sera pas un problème pour elle. Je ne veux pas qu’elle souffre. Jamais plus.

Je l’embrasse sur l’omoplate, incapable de résister plus longtemps à sa peau.

Elle soupire dans son sommeil et se tourne sur le dos.  Le drap qui s’enroule autours de sa taille m’offre une vue merveilleuse de son corps nu. Oui, c’est ça qui m’a manqué, les matins avec elle m’ont manqués.

Je regarde ses seins à la recherche d’un minuscule changement.  Je les trouve très beaux. Si j’étais un bébé, je serais vraiment ravie qu’on me les présente.  Hé, je suis pas un bébé, et je suis déjà, vraiment, ravie. Ils sont parfaits : souples mais fermes, d’une taille parfaite. Sans que je lui demande rien, ma main couvre son sein gauche, je prends les mesures pour pouvoir comparer plus tard.

Mon Dieu, c’est tellement bon.

« Bonjour à toi aussi. » Kels murmure, sa voix est encore pleine de sommeil. Ses yeux s’ouvrent à peine et je peux juste voir une pointe de vert.

Je rougis en retirant ma main. « Oups, je suis désolée, je ne voulais pas te réveiller. »

Elle attrape ma main et la remet là où elle était. « Je ne me plaignais pas. Qu’est-ce que tu fais déjà réveillée? »

« Je te regardais dormir. »

Elle fronce les sourcils et s’étire en passant une main autours de mon cou.  « Ça ne devait pas être très intéressant. »  Elle enroule ses doigts dans mes cheveux en haut de mon cou. Et avec une douce pression, elle me serre plus près d’elle.

On s’embrasse. « Tu m’as tellement manquée. » J’avoue. « J’ai utilisé toute ma volonté pour ne pas sauter dans un avion tous les soirs pour venir dormir contre toi. »

Elle dessine mes lèvres avec le bout de son doigt, ce qui m’envoie des frissons tout le long du dos. « Je voulais tellement que tu sois à la maison, Harper. Je ne peux pas dormir sans toi. »

« Je suis désolée, bébé. »

« Ce n’est pas de ta faute. » Elle secoue la tête. On sait toutes les deux qu’elle met la faute sur Langston et son reportage. Mieux vaut lui que moi.

« Ben, t’es coincée avec moi maintenant. Bien que… tu te souviens la dernière fois qu’on été dans une chambre d’hôtel, toutes les deux? » Oui. New York City. Le matin de Noël.

Elle rit. « Ma mère. J’ai cru qu’elle allait mourir quand elle t’a vu. La façon dont tu t’es étirée! Oh mon Dieu!  C’était… fabuleux! »

« Ben… J’étais énervée. »

« Pourquoi? » Elle demande prudemment, comme si j’avais été en colère après elle.

« Si je me souviens bien, on commençait juste à faire l’amour quand ta mère a frappé à la porte. »

« Harper? »

« Oui? »

« Je crois que je peux t’assurer que ma mère n’est pas dans les environs de Colombus dans l’Ohio à ce moment précis. »

« Je me tourne et recouvre doucement son corps avec le mien en prenant soin de soutenir la majeure partie de mon poids avec mes bras, faisant très attention à notre enfant, juste en dessous de moi.

« Merci mon Dieu pour ça. »

*****

En sortant de la douche, j’entends la porte de la chambre s’ouvrir puis se fermer. Puis la porte de la salle de bain s’ouvre à son tour. « Le petit déjeuner est là. » m’annonce Harper, en passant la tête par la porte alors que toute ma buée bien chaude est en train de s’échapper.

« Hé! » Je couine. « Tu laisses partir toute la chaleur, sale môme! Sors de là! J’arrive dans une minute! » S’il te plait, ferme la porte. Le courant d’air me congèle. « Je suis sûre que tu fais ça juste pour te rincer l’œil. » C’est pour ça que je vais dans la salle de bain quand Harper se douche moi. Comme si je pouvais pas attendre pour me brosser les dents, ou les cheveux, ou mettre de la crème.

« J’ai pas besoin d’excuses pour ça, moi. » Elle rit doucement et se baisse pour éviter la serviette que je lui jette dessus.
« Dehors! »

« Je m’en vais. Je m’en vais! »

Je récupère la serviette, me sèche et m’enroule dans un peignoir.  J’enroule une serviette éponge autour de mes cheveux pour en sortir l’excédent d’eau.  Mon estomac grogne. C’est bon d’avoir à nouveau faim, ça ne m’est pas arrivé depuis une semaine. Mais là encore, Harper se débrouille toujours pour m’ouvrir l’appétit. Tous mes appétits.  Je ferais bien de prendre des forces pour d’autres activités.

Le petit déjeuner est servi quand j’arrive dans notre chambre. Harper, Dieu la bénisse, a commandé mes bagels et mon jus de fruits habituels. Mais l’omelette qu’elle est en train de manger n’a pas l’air mal non plus.  C’est à ça que va ressembler la grossesse? Je vais avoir la taille d’un paquebot avant que le bébé arrive.

Je m’assois en face d’elle, je suis si contente de revenir à nos habitudes. J’ai horreur de dormir ou de manger sans elle. Je ne parle même pas de tout le reste.

« J’ai commandé du thé sans théine pour toi, mon cœur. »

Elle s’est rappelé que je n’avais plus droit aux excitants. J’aime cette femme. « Merci. » Je le dis à la fois pour le thé et pour la tasse qu’elle me sert.

Je tends la main et pique un bout de son omelette avec ma fourchette. Excellent. C’est une omelette paysanne avec du cheddar, des pommes de terre, des oignons frits et du jambon.  Je me demande si elle acceptera de partager son repas avec moi. J’avale une gorgée de jus de fruits, je prends sa main dans la mienne. « Tu vas être une super maman. »

Harper me regarde, complètement larguée. « De quoi tu parles? »

Je lui ai bien dit que j’étais enceinte, non?

« TU vas être la maman. »Dit-elle en pointant sa fourchette vers moi avant de reprendre un morceau d’omelette dans son assiette.

Je réalise qu’elle n’a aucune idée de ce dont je parle. La pauvre. Je presse sa main gentiment. « Harper, ma douce? »

« Mmm,Mmm? »

« T’as bien compris que j’étais enceinte? »

« Oui. » Elle boit une longue gorgée de café. Sa main tremble un peu.

« Ce qui veut dire que dans neuf mois, NOUS allons avoir un bébé. » J’accentue bien le nous dans ma phrase.

« Oui. »

« Ce qui fait aussi de toi une maman mon cœur. Pense à ça un moment. » Je me recule dans mon siège pour la regarder. Mince! Dommage que je n’aie pas une caméra à ce moment précis.

La fourchette tombe de ses doigts jusque dans l’assiette en envoyant des petits morceaux d’omelette sur la nappe.  Des yeux bleus très expressifs se lèvent pour croiser les miens. « Oh merde! Whaou… Je… »

Je peux voir le sang quitter son visage et j’ai soudain peur qu’elle s’évanouisse. Je bouge rapidement pour m’agenouiller à côté de sa chaise.  Je me contrôle pour ne pas rire alors que je tapote le dos de sa main. Elle s’affaisse complètement, la bouche ouverte. « Chérie, ça va? »

Elle passe sa main rapidement sur son visage ce qui y ramène quelques couleurs.  « Ouais, ça va.  Je n’avais… Je n’avais juste pas pensé à ça de cette façon. »

A l’évidence. « Pourquoi? Tu vas être une super maman. »

« Tu crois? »

« J’ai pas besoin de croire. Je le sais. »

« J’ai jamais pensé que j’en serais une un jour. »

« Ben habitue-toi à l’idée,Tabloïde. Parce que si tout se passe bien , ça sera ton cadeau de Noël cette année. » Je m’étire et l’embrasse sur la joue.

Harper tend sa main et la pose sous mon menton. Nos regards se croisent. Je peux voir ses yeux se remplir de larmes, celles qu’on pleure lorsqu’on est heureux. « Le plus beau cadeau du monde. » Elle murmure. « Après toi. »

*****

J’ai organisé tout un tas d’interviews pour Kels cette semaine, mais aujourd’hui, c’est dimanche.  Mon Gourou est là, avec moi, et on la plus belle chose du monde à fêter : un petit Gourou. Mon Dieu, je n’y crois pas encore.

Whaou, mince alors, je vais être parent, maman, moi aussi. Quel choc ça a été quand je m’en suis rendu compte. Je sais même pas pourquoi je n’y avais pas pensé avant.

J’ai demandé à Kels si elle voulait sortir pour voir les environs de Columbus si petits soient-ils, mais elle a refusé. Entre la semaine passée sans beaucoup dormir et sa course de dernière minute à l’aéroport, elle est fatiguée. Donc on reste à l’hôtel. La dernière chose que je veux pour elle en ce moment c’est qu’elle soit épuisée. Il y a beaucoup trop en jeu maintenant, on pourrait perdre Petit Gourou.

Et je vais faire tout mon possible pour que ça n’arrive pas.

Alors que Kels est restée dans notre chambre, je sors pour aller acheter les éditions dominicales du New York et du L.A. Time, du Chicago Tribune et du Miami Herald. On va rester tranquilles, à se faire des câlins, à commander des trucs hors de prix au room service et à faire des mots croisés. Un dimanche parfait en ce qui me concerne, car il va y avoir beaucoup d’intermèdes très chauds. Elle m’a manqué.

Le concierge a été assez sympa pour m’indiquer une librairie où je vais pouvoir trouver tous les journaux que je cherche. Alors que je me dirige vers la boutique qu’il m’a indiquée, une chose me vient brutalement à l’esprit : on doit l’annoncer à Mama.

Et merde.

Je nage au milieu des alligators. Ils vont tous me bouffer et le plus vorace de tous s’appelle Mama. Je sais exactement ce qui va la faire hurler : Kels est enceinte et on n’est pas mariées.

Mama, elle va s’en moquer que je n’ai pas vraiment mis Kels enceinte. Pareil pour le fait que notre mariage ne soit pas légal. C’est juste une question de principe pour elle.

Il faut vraiment que je la retire de ce fichu comité pour les mariages de même sexe.

Et puis zut. Ça ne changera rien maintenant de toutes façons.

J’ouvre la porte de l’Explorer.  La librairie est bien fournie et j’ai trouvé tout ce que je cherchais ainsi qu’un livre de prénoms. Même si j’adore ce surnom, on ne peut pas appeler notre Petit Gourou comme ça pour toujours. J’ai aussi trouvé des bouquins au rayon grossesse et accouchement qui pourraient me servir.

Etant donné que je n’ai jamais passé plus de deux ou trois jours dans l’entourage d’une femme enceinte, je suis sûre que je vais avoir des surprises. Je préfère m’informer avant plutôt que de foncer dans le décor les yeux fermés. Mes frères m’ont raconté des histoires absolument horribles à propos de leurs femmes enceintes et leurs hormones devenues complètement folles. Si les hormones de Kels se déchaînaient maintenant, je pourrais me faire tuer.

*****

Je suis roulée en boule, dans un grand lit, avec pleins de coussins, commandés par Harper au service de chambre avant qu’elle sorte, je suis repue, satisfaite à tous points de vue, vêtue d’un large et vieux T-shirt d’Harper. Je suis tout à fait ravie de me blottir contre son oreiller, moitié endormie, moitié en train de regarder je ne sais quel film à la télé.

Elle est sortie pour chercher les ressources vitales. Ce qui signifie pour elle, les principaux journaux du pays, un gros paquet de chips et un pack de Coca-Cola®. J’ai vu les cadavres des braves canettes déjà tombées au combat quand je suis arrivée la nuit dernière. Je n’aime pas sa façon de manger quand elle n’est pas à la maison. Beaucoup trop de cochonneries pour elle. Je peux presque entendre ses artères se boucher quand je pose ma tête sur sa poitrine. J’ai vraiment trop de bonnes raisons pour la garder à mes côtés pendant les soixante prochaines années, alors je dois faire quelque chose pour changer ses habitudes alimentaires.

Enfin, la plupart d’entre elles en tout cas.

Un coup sourd contre la porte me sort de mes pensées avec un petit sursaut. Harper m’a fait promettre de fermer immédiatement derrière elle, ce qui était absolument inutile car j’allais le faire quoi qu’il arrive. Je devine que la deuxième salve sur notre porte est sa façon d’essayer de frapper. Ses bras sont certainement trop pleins de saletés pour le faire correctement.

« Kels, ma puce! »
Je ris tout bas en l’entendant supplier alors que je traîne mon corps fatigué et groggy hors du lit. Je me demande si c’est le manque de sommeil ou si c’est un effet de la grossesse. Je ne pensais pas que ça pouvais commencer si tôt. Je colle mon oreille contre la porte et j’appelle. « Qui c’est? »

« Qui tu veux que ce soit? » Il y a de l’humour dans sa voix.

« Hum, je sais pas. Je devrais sans doute vous prévenir que ma fiancée est très jalouse et qu’elle doit rentrer d’un instant à l’autre. »

« Vraiment? A quoi elle ressemble? Peut-être que je l’ai vue. »

« Elle est grande, avec de longs cheveux noirs, un regard bleu qui vous transperce et le plus beau sourire du monde. »

« Hé, mais… c’est moi tout craché ça. »

« Ah vraiment? »

« Ouais. Tu devrais peut-être jeter un œil. En plus, je t’ai apporté des cadeaux. »

J’entends un des paquets qui tombe. « Ah si y’a des cadeaux alors… » J’ouvre la porte pour la trouver avec les bras chargés de paquets qui viennent de la librairie du coin et d’un 7/11 (NDLT : lire seven eleven. chaîne d’épicerie franchisée semblable à nos Huit-à-Huit et autres Proxy.) Je savais bien qu’elle ne pouvait pas se passer de ses chips.

J’essaie de l’aider avec les paquets mais elle trébuche devant moi en grognant pour aller les jeter sur le lit. Elle frotte ses bras et se retourne. « Ravie que tu aies ouvert la porte, je commençais à ne plus sentir mes bras. »

« Oh mon pauvre bébé. » Je vais vers elle et commence à la masser moi-même pour aider la circulation à se faire. Bien sûr. « D’autres endroits où tu aurais perdu la sensibilité? »

Elle baisse le regard vers moi. « Certains endroits, oui. Tu veux les masser aussi? »

« Oh, mais absolument. » J’acquiesce en la faisant reculer vers le lit avant de la pousser dessus doucement. Elle tombe sur le lit en évitant la plupart des paquets. Mais je pense que ses chips ont souffert.

Trop dommage.
*****

Kels est dans mes bras alors qu’on regarde le livre des prénoms ensemble. Je ne dirai jamais à notre enfant, que la première fois que nous avons pensé à son prénom, nous étions complètement nues, dans une chambre d’hôtel à Columbus, Ohio, après avoir fait l’amour. Ou alors peut-être pour la répétition de son repas de mariage.

« Qu’est-ce que tu penses de Cyril pour un garçon? » Je lui propose ce nom en tournant la page du bouquin. Je suis pas vraiment sérieuse mais je veux voir comment elle va réagir.

« Cyril Kingsley? Mon Dieu, Harper! Et pourquoi pas lui coller un papier dans le dos le premier jour d’école avec écrit : frappez-moi et piquez-moi mon déjeuner? »

« Je prends ça pour un non? »

Elle me regarde, indignée. « Prends ça pour un très gros non! »

Soudain, ce qu’elle a dit me frappe. Je baisse les yeux vers elle. « On va donner mon nom au bébé? »

Kelsey lève les yeux vers moi, ses doigts jouent avec le bord du drap. « J’aimerais bien. Tu vois, on est une famille. Et ta famille sera tout ce que notre bébé aura s’il nous arrive quelque chose. Mais si tu ne veux… »

« Non! Enfin si, bien sur que je veux. Je serais très honorée. J’avais seulement pensé que tu voudrais utiliser Stanton. »

« Il n’y a aucune raison d’utiliser Stanton. Ce bébé est un Kingsley, à tout point de vue. Ça suffit que sa mère biologique soit enquiquinée avec le nom Stanton. »

«Bien, dans ce cas. » Je l’embrasse sur le front pour essayer d’apaiser un peu son ressentiment. « On a un nom, y’a plus qu’à trouver un prénom. »

« Pas Cyril! » Elle proteste en se serrant contre moi et en me prenant le livre des mains.

« Pas Cyril. » Je promets en la prenant dans mes bras.

Elle veut que notre bébé porte mon nom. C’est un sentiment vraiment génial.

*****

A l’antenne locale de la chaîne on m’a donné un petit bureau pour poser notre matériel et les notes. Harper est occupée avec l’équipe d’ici, elle leurs explique ce qu’elle veut comme matériel et fait un briefing sur le tournage à venir. 

On peut dire que l’antenne de Columbus et ses techniciens ne font pas de reportages pour les infos nationales très souvent. Pas plus souvent qu’ils n’ont la visite d’un producteur et d’un présentateur d’un magazine national d’infos. Du coup, le personnel de la station est très anxieux à l’idée d’être embarqué dans une histoire qui les dépasse. Par contre, ça plait complètement à leurs boss.

Le briefing d’Harper est aussi explicite que d’habitude. Elle me laisse me débrouiller avec. Elle m’a tendu ses notes avec les principales étapes sur le dessus et n’a pas dit un mot. Elle m’a simplement laissée seule pour lire.

Maintenant que j’ai fini de lire, je dois admettre que seules les étapes principales suffisent à me convaincre que Johnstone n’est pas celui qui à perpétré ces crimes horribles. Et cela suffit à me faire réaliser qu’il y a, là dehors, un autre de ces putains de fous dangereux qui violent, blessent et tuent des femmes dans cette petite communauté.

La lecture de son résumé me donne des maux de ventre, mais ça m’incite aussi à lire le reste des notes.

    1. Dans les huit mois qui ont précédé la mort de Verrett, il y a eu cinq viols commis avec une extrême violence dans le comté ou dans ses environs. Les victimes étaient toutes des jeunes femmes entre vingt-cinq et trente-deux ans. Elles étaient toutes étudiantes à la fac de la région. Elles étaient toutes appréciées par les gens qui les connaissaient et étaient toutes célibataires. Aucune d’entres elles n’a pu ou voulu identifier le violeur. Aucune d’entres d’elles n’a voulu parler à la presse, que ce soit maintenant ou au moment de leur agression.

    2. Johnston a un alibi en béton armé pour trois des cinq agressions. L’un d’eux étant qu’il dormait dans une cellule de dégrisement après une arrestation pour ivresse et désordre sur la voie publique.

    3. Johnston a effectué quelques travaux de bricolage dans la maison d’un voisin de Verrett le jour précédent le viol. Il a bu deux ou trois Rolling Rock® (NDLT : marque de bière très répandue en Amérique du Nord.) vers la fin de la journée. Les bouteilles ont été jetées dans la poubelle qui ne devait être ramassée que deux jours après le meurtre. On ignore à quel moment les bouteilles ont été retirées de la poubelle.

    4. La seule preuve attestant de la présence de Johnstone sur les lieux du crime sont ces deux bouteilles de bière sur lesquelles aucune empreinte n’a été cherchée pas plus qu’un test ADN n’a été effectué avant le premier procès. Elles ont pourtant été trouvées et récupérées par les policiers lorsqu’ils ont fouillé les lieux.

    5. Un mouchoir et des échantillons de cheveux, qui ont aussi permis d’avérer la présence de Johnstone sur les lieux du crime, ont été retrouvé après la première inspection des lieux en nettoyant le siphon du lavabo de la salle de bain alors même que Johnstone était en garde à vue.

    6. Le rapport du légiste indique que les prélèvements sur les mains de Verrett ont été faits sur la scène de crime, par les policiers, ce qui ne fait pas partie de la procédure. Le bureau du procureur s’est basé sur l’analyse de ces prélèvements pour la comparaison des tests ADN lors du procès en appel.

    7. De plus, c’est la police et non le médecin légiste qui a fait les tests pour déterminer s’il y avait eu viol ou non. C’est tout à fait inhabituel, les policiers ne font généralement pas ce genre d’examen. Ils n’ont pas trouvé de trace de sperme qui aurait pu être analysé en vue d’une recherche d’ADN par le labo. On ne sait pas clairement s’ils n’ont rien trouvé parce qu’ils n’ont pas cherché ou bien parce qu’il n’y avait vraiment rien. Il n’y a donc aucune preuve évidente qui permet d’affirmer qu’elle a été violée directement par un homme, ou bien par l’intermédiaire d’un objet phallique qui aurait pu laisser les mêmes lésions génitales qu’un simple examen met en évidence après un viol.

    8. Les prélèvements effectués sous les ongles de la victime par la police ont été mal rangés et n’ont pu être examiné par un labo que lors de la procédure en appel, soit quatre ans après le prélèvement.

    9. La voisine de Verrett a vu un homme, qui n’est pas Johnstone, quitter la maison aux environs de minuit le soir du meurtre. Elle n’a pas pu, ou n’a pas voulu, identifier l’homme en question.

    10. L’enquête dans les restaurants et les pubs du coin ont permis de glaner des informations intéressantes. Les six autres victimes avaient, dans l’année précédent leur viol, fréquenté le même groupe d’hommes. Johnstone n’était pas l’un d’entre eux. En réalité, autant que chacun se souvienne, Johnstone n’a jamais rencontré quatre des six victimes.

    11. Trois des hommes célibataires les plus en vue du comté étaient sortis avec chacune des victimes. L’un d’eux est en fac de droit dans le Wisconsin et n’était pas présent dans le comté au moment du meurtre. Un autre était à Columbus au moment du meurtre en train d’assister à une formation avec son entreprise. Le dernier était en ville au moment du meurtre. C’est le neveu du Maire.

Très intéressant, il est aussi le neveu du sergent de police responsable de l’enquête. Sa mère est la belle-sœur du Maire, son père est le frère du sergent.

Harper a organisé trois interviews. Une avec la seconde femme de Johnstone. La deuxième avec le technicien de laboratoire qui a fait les tests ADN lors de la procédure en appel. La dernière avec Johnstone.

Je ne sais pas si Johnstone est coupable ou non. Mais après avoir lu les infos de Harper, je crois qu’il est innocent. Il y a trop de choses là-dedans qui vont à l’encontre de sa culpabilité.

Ce qui veut dire aussi, qu’un fou dangereux est là dehors, et qu’il s’en tire sans problème alors qu’il a tué une femme. Je vais le retrouver et le faire arrêter. Je ne vais pas le laisser s’en tirer comme ça. Je ne sais que trop bien, par expérience, que s’il l’a fait une fois, il recommencera. D’autant plus qu’il se croit au-dessus de la loi maintenant.

Je prends une grande inspiration pour me secouer juste quand Harper entre dans le bureau. Elle s’agenouille juste à côté de ma chaise et prend ma main. « Chér, ça va? »

J’acquiesce et la regarde. « Ouais. T’avais raison. Tu auras plus de moi que la seule  ‘professionnelle’ .»

Le sourire qui arrive sur son visage est le plus sauvage que j’ai jamais vu. « Bien. Allons chercher le vrai coupable et clouer ce salopard au pilori par les couilles. » (NDLT : Oups! Désolée…)

Ouais. La vengeance est une garce. Mais je préfère qu’on m’appelle Kelsey.

*****

Harper prend ma main pendant le trajet jusqu’à Jamestown. La camionnette de la chaîne nous suit. « Ça va, bébé? »
J’acquiesce en prenant une grande inspiration. « Oui, ça va. J’ai l’estomac un peu chargé c’est tout. »

Elle tourne la tête pour me regarder avec un grand sourire. « Nausées matinales? »

Jésus, ne sois pas si joyeuse à propos de ça, Harper. Tu n’es pas celle qui va se prosterner devant la déesse en céramique des petits coins tous les matins d‘ici peu. « Non, définitivement non. J’aurais préféré, mais non. »

Son sourire s’efface aussitôt. « Je suis désolée. »

« Arrête de t’excuser mon cœur, ce n’est pas ta faute si notre nouveau boss est tordu comme un bretzel. »

Elle rit, ce qui me fait me sentir mieux. « Langston nous pousse vraiment dans nos derniers retranchements avec cette histoire, ma chérie, mais tu sais quoi? »

« Ouais. On va lui apporter un reportage qui lui prouvera que CBS en a pour son argent et qu’ils ont engagé la meilleure fichue équipe pour ce boulot. »

« Ça c’est celle que j’aime. » Elle serre un peu ma main dans la sienne. « Maintenant, puisque tu parles de tordus, on va droit vers eux. Bienvenue dans l’explosive Jamestown, Ohio. »

Elle a raison. Je m’en rends très vite compte quand on passe devant la station-service du coin dont le panneau indique fièrement qu’ils vendent du capuccino et des appâts vivants.

Mon Dieu, pas mélangés quand même.

Et Dieu me préserve d’avoir des envies comme celle-là.

Alicia Johnstone nous ouvre la porte de sa maison qui se situe dans un des coins les plus pauvres de la ville. Sa maison ressemble à toutes celles de la rue. Tout le quartier a l’air déprimé. Je le serais aussi, si je devais vivre ici.

Les meubles sont usés jusqu’à la corde et éparpillés, mais la maison est propre. Il y a une photo de Jésus sur le mur. Comment ont-ils pu prendre une photo en 25 après JC, je ne le saurai jamais. C’est la seule décoration de la maison à l’exception d’un bouquet de fleurs sauvages dans un vase transparent posé sur la table. Il y a une très vieille télé dans un coin.

Alicia Johnstone est comme ses meubles, usée. C’est un petit bout de femme aux yeux gris délavés, à la peau claire, avec des cheveux raides, blonds délavés, ramenés en arrière dans une maigre queue de cheval. Je peux entendre son enfant, né pendant le procès de Johnstone, pleurer dans la pièce du fond.

« Entrez et asseyez-vous. Je dois vite aller voir ma fille. Je reviens dans un petit moment. » Sa voix ressemble à un murmure avec une pointe d’accent des montagnes qui rappelle les relations entre les gens de la campagne de l’Ohio et leurs cousins des Apalaches de l’ouest de la Virginie.

Harper prépare la caméra pour organiser une interview intime, en essayant de réduire au maximum l’équipement, et de prendre un angle qui montrera bien la simplicité dans laquelle vit cette femme.

Alicia revient après s’être occupée de sa fille. Elle essuie ses mains sur son jean et s’installe là où Harper la dirige. Je n’ai jamais vu Harper aussi prévenante avec une personne que j’allais interviewer. Elle installe elle-même le micro tout en expliquant doucement ce qu’elle est en train de faire et ce qui va se passer par la suite. Je m’assois à côté d’Alicia avec la camera au-dessus de mon épaule et le caméraman juste derrière moi, ainsi on pourra filmer le plus près possible.

Comme d’habitude, je commence avec quelques questions assez générales, du genre d’où venez-vous, ou comment avez-vous rencontré votre mari, cela permet aux gens de se détendre et de se concentrer sur autre chose que la caméra.

Ensuite, j’aborde la partie la plus difficile : la nuit du meurtre.

« Vous avez dit que votre mari était ici avec vous la nuit du meurtre. Pouvez-vous me dire ce que vous avez fait cette nuit-là? »

« Ben, vous voyez, j’avais appris que j’étais enceinte trois semaine plus tôt. Alors, je suis allée voir le Révérend Blackwell pour qu’il m’aide à remettre Frederick dans le droit chemin. Je voulais qu’il soit un bon père pour notre enfant. »

« Dites m’en plus. »

«Eh bien, Stoney. On l’appelle Stoney à cause de son nom Johnstone, vous comprenez? Quoi qu’il en soit, Stoney avait parfois des problèmes avec la bière, si vous voyez ce que je veux dire. Il commençait à boire et ne savait pas toujours s’arrêter quand il aurait dû. Il se mettait en colère quand il avait trop bu et il était connu pour être un sacré bagarreur. »

« Oui. Je comprends. Je sais qu’il a brutalisé deux femmes alors qu’il avait bu, dont sa première femme. Est-ce qu’il vous a déjà frappée? »

« Il m’a poussé. Mis une gifle une fois. Rien de bien sérieux. C’est pour ça qu’on a été voir le Révérend Blackwell quand j’ai été enceinte pour essayer de trouver un moyen pour Stoney d’enterrer ses vieux démons. »

Ce n’est pas le moment de lui expliquer que se faire pousser ou gifler est à prendre au sérieux. On a un problème plus urgent à régler d’abord. « Vous n’étiez pas avec le Révérend Blackwell cette nuit-là n’est-ce pas? »

« Non, on était là, on priait. Vous voyez, Stoney avait promis d’arrêter de boire quand il a su que j’attendais un bébé. Le révérend Blackwell lui avait dit que s’il mettait de l’ordre dans sa vie il pourrait être un bon père pour son enfant. Il lui a aussi dit que Stoney devait prier Dieu pour qu’il voit qu’il avait de la volonté et qu’il soit pardonné pour toutes les années vécues dans le péché. Mais ce jour là, Stoney a craqué et a bu quelques bières après le boulot. Quand il est revenu à la maison vers neuf heures, je lui ai dit qu’il devait prier Dieu pour se faire pardonner. Donc, on était là, tous les deux, en train de prier. » En même temps qu’elle parle, elle nous montre de la main la photo de Jésus accrochée sur le mur.

« Pourquoi n’avez-vous pas témoigné au procès de Stoney? »

Elle me regarde, choquée que je puisse lui poser cette question. « Je voulais, Ms Stanton. Mais on m’a répondu qu’une épouse ne pouvait pas témoigner en faveur de son mari. Tout le monde m’a dit que ce serait mieux si je laissais son avocat faire. Même le Révérend Blackwell me l’a dit. Qui suis-je pour contredire le Révérend? »

Dans mon champ de vision, je vois Harper se tendre. Elle non plus ne peut pas croire à ça. Je continue l’interview. « Est-ce que Stoney était un homme mauvais avant que vous tombiez enceinte? » Je suis très douce en lui demandant cela, c’est un moment critique, on doit établir son caractère et sa crédibilité.

« Il l’a été, sans aucun doute. J’ai honte de devoir l’admettre. »

Mon cœur manque un battement. Je pense que j’étais en train de me faire une opinion tout à fait différente sur cet homme avant qu’elle dise cela.

« Ouais, il était grossier, jurait au nom de Dieu pour un rien et buvait trop. Il a jamais rien volé. Il a jamais fait vraiment mal à quelqu’un. Il a pris soin de sa mère jusqu’à sa mort. Si vous regardez les Dix Commandements, il en a seulement trahi deux. Je suppose qu’il y a des gens bien plus mauvais ici bas. » Elle prend une profonde inspiration et lève les yeux pour croiser les miens. Je vois sa douleur. Je peux la sentir, presque la goûter. Elle est blessée elle aussi, mais pour tout un tas d’autres raisons.

« Je dois vous dire, Ms Stanton. Je ne comprends pas pourquoi Dieu nous punit de cette façon. Je suppose que c’est une punition envoyée pour nous deux. Peut-être que Dieu rappelle Stoney plus tôt parce qu’il regrette vraiment ces péchés. Peut-être que Dieu ne veut plus qu’il soit tenté en restant ici. Je dois trouver un moyen d’accepter tout ça et d’élever son enfant pour en faire une femme qui craindra Dieu. Le Révérend Blackett a été si bon d’être là pour Lily et moi. »

Oui, tu parles. J’ai lu les notes de Harper au sujet de ce Blackwell. Il est presque illettré, mais très charismatique, il est célibataire et il administre seul sa congrégation qui est très pauvre, composée essentiellement d’enfants et de femmes d’un milieu social très défavorisé. Je me demande jusqu’à quel point, il prend soin de la future veuve. Heureusement, j’ai ce dont j’ai besoin, un alibi valable pour Johnstone. « Est-ce que je peux voir votre fille? Son prénom est Lily? Quand est-elle née ? »

Alicia se lève tout sourire, elle trébuche presque sur le fil de son micro. Harper bouge rapidement et l’attrape, puis elle retire le fil de son chemin. Elle indique au caméraman de continuer à filmer, caméra à l’épaule, alors que nous allons derrière dans la petite chambre, où la jeune Lily dort paisiblement.

Pendant un moment, en observant la petite forme sous les couvertures, je vois notre futur, à Harper et moi. Je peux voir notre enfant, paisible, loin des douleurs de ce monde, juste heureux d’être nourri, au chaud et aimé. Je ne peux rien faire d’autre que sourire. Quand je lève les yeux, je peux voir que Harper pense exactement à la même chose.

*****

L’interview suivante est plus facile. On retourne à Columbus. Je crois que je n’ai jamais été plus contente de quitter un endroit de toute ma vie. L’atmosphère dans cette toute petite ville est vraiment oppressante. Je jure que partout où on a été, il y avait des flics tout près. Des brutes avec des armes.

Ann Harcort est la technicienne du labo qui a fait les tests ADN. Le vrai problème ici, est de mettre en évidence le manque de fiabilité des prélèvements analysés. On fait l’interview debout, caméra sur l’épaule, avec le micro boule au-dessus de nos têtes. Ça va être rapide et on peut l’espérer, facile.
Je commence. « Ms Harcort, merci de nous accorder un peu de votre temps. Pouvez-vous me dire, s’il vous plait, comment vous pouvez être sûre que les échantillons que vous avez reçus, proviennent véritablement de Mr Johnstone.? »

« Comme vous le savez, en science, il y a toujours des questions à se poser.  Les scientifiques détestent dire que quelque chose est sûr. Mais, malgré tous les tests, on n’a jamais trouvé deux personnes, exceptés les vrais jumeaux, qui avaient la même identité ADN. On peut dire qu’il y une chance sur deux milliards et demi que nos conclusions soient incorrectes. C’est bien l’ADN de Mr Johnstone. »

« Cependant, vous ne prélevez pas vous-même les échantillons à la source n’est-ce pas? Par exemple, si je vous donne des échantillons d’ongles en vous disant qu’ils viennent d’une scène de crime, vous n’avez aucun moyen de le vérifier, c‘est bien ça? »

Elle remue la tête. « Non, bien sûr que non. Je peux juste vous dire à qui ces ongles appartiennent. »

« Pouvez-vous nous dire comment vous avez reçu les échantillons que vous avez testés? »

« Les prélèvements que nous avons testé pour le procès en appel, venaient directement de Mr Johnstone. Ils avaient été prélevés par le médecin de la prison avec le matériel sur place. »

« Mais les échantillons utilisés pour la comparaison ont été soumis par le bureau du procureur, et ne venaient pas directement de Mr Johnstone, n’est-ce pas? »

« Non. »

« D’où venaient-ils, vous vous souvenez? »

« Normalement, les échantillons nous sont amenés depuis le bureau du médecin légiste. Il y avait eu des irrégularités dans cette affaire si je me souviens bien. Laissez-moi reprendre le dossier. »

« Merci. »

On laisse la caméra tourner alors qu’elle va chercher le dossier dans une armoire derrière son bureau.

« Ça y est, j’ai trouvé. La livraison a été faite par un certain Robert Oldive. D’habitude, Josie Andrews, qui est responsable technique au bureau du légiste, assure la livraison et signe un bordereau. Ce Oldive appartient à la Police de Jamestown, il ne dépend pas du bureau du légiste. C’est inhabituel. C’est pourquoi je l’ai écrit dans le fichier. Ça m’a paru bizarre, mais je n’ai jamais été appelée pour témoigner. Seuls mes rapports et mes observations en laboratoire sont allés au procès. »

« Vous n’avez jamais témoigné? »

« Jamais. » Elle fait non de la tête.

C’est inhabituel.

Sacrément inhabituel. Maintenant, les choses commencent à se mettre en place. Il devient de plus en plus évident que Frederick Johnston a été envoyé directement en prison. Sans passer par la case départ. On ne s’est pas donné la peine de chercher des preuves qui auraient pu l’innocenter. Sans parler de celles qui auraient pu incriminer quelqu’un de plus important.

Robert Oldive est le neveu du Maire et du Sergent de Police responsable de l’enquête. Robert Oldive est l’un des homme qui a fréquenté chacune des victimes. Et Robert Oldive n’est pas un membre de la police, un employé du bureau du légiste ou du procureur. Il travaille pour son oncle, le Maire. Et Robert Oldive correspond à la description de l’homme que la voisine de Verrett a vu sortir de la maison cette nuit-là.

Robert Oldive est notre homme.

*****

C’est le moment.

C’est le moment d’interviewer l’homme que je commence à appeler Stoney. C’est le moment de faire face à un homme qu’un jury de douze honnêtes hommes et femmes ont reconnu coupable de viol et de meurtre. Le moment de rencontrer un homme que le tribunal a qualifié de pathétique malade, comme l’espèce de monstre qui a failli me tuer, qui a tué mon meilleur ami, ainsi que toute une série de jeunes femmes dont le seul crime était de me ressembler.

Cette interview devrait me transformer en paquet de nœuds. Mais ce n’est pas le cas. Harper, son cœur soit béni, a si bien démêlé cette histoire que je sais que je vais parler à un innocent.

Par contre, si on me parle de Robert Oldive, je me mets à transpirer et à remuer dans tous les sens. Je suis sûre que c’est lui. Je le sais, viscéralement. Harper et moi n’avons plus qu’à le prouver.

Le gardien est très coopératif. Il nous accueille cordialement, et envoie quelqu’un chercher notre équipement pour le rapporter dans le complexe après être passé par la sécurité. On est installé dans une pièce vide à l’exception de deux tables et de quelques chaises en bois. L’équipe de tournage est prête alors que Harper et moi revoyons les notes ensemble.

Rapidement, ils font entrer Johnstone dans la pièce. Stoney est un homme petit, mince et apparemment nerveux. Son visage parait prématurément vieilli à cause du soleil, du mauvais temps et de la bière. Son corps tout entier semble être résigné. Il lève rarement les yeux. Il a l’air perdu, vêtu du traditionnel costume orange des prisonniers.

Il s’assoit lentement sur la chaise en face de moi et bouge à peine lorsque le preneur de son l’équipe avec son micro. Il murmure simplement une merci quand c’est fini. Il est assis là, les mains posées devant lui, il m’attend. Je crois qu’il est en train de prier.

Je m’éclaircis la gorge pour qu’il revienne à la réalité. « Bonjour. Je suis Kelsey Stanton. Puis-je vous appeler Stoney? »

Il lève les yeux pour regarder droit dans les miens. « Enchanté de vous connaître Ms Stanton. Tout le monde m’appelle Stoney. Je crois comprendre que vous avez vu ma femme et ma fille. Comment vont-elles? »

Je retiens mon souffle. Je ne m’attendais à ce qu’il commence par me poser une question. Son regard, la gentillesse avec laquelle il m’a demandé des nouvelles de sa femme et de sa fille me laissent sans voix. Il n’a pas la tête d’un tueur, il n’y a pas de folie dans son regard.  C’est un homme triste et résigné qui aime sa famille.

« Oui. Je les ai vu hier. Votre fille est très jolie Stoney. Et Alicia se débrouille aussi bien que possible. J’ai appris que le Révérend Blackwell et toute la congrégation l’aidaient du mieux possible. »

« Peut-être que c’est pour ça que Dieu a voulu cela pour moi. Le Révérend est certainement plus capable de prendre soin d’Alicia et de Lily que moi. Regardez où je suis. Au moins elles ne seront pas malheureuses à cause de moi. »
« Que voulez-vous dire Stoney? »

« Je pense que c’est la sanction de Dieu pour mes péchés, Ms Stanton. Je sais que je n’ai pas fait de mal à cette femme. Je ne me souviens même pas l’avoir rencontrée. Vous savez, quand je travaille dans une maison, je discute toujours avec les voisins, cela me permet de trouver d’autres boulots à faire. Mais les voies du Seigneurs sont impénétrables et la justice Divine est toujours la bonne. Même si on n’est pas d’accord. J’étais un mauvais garçon et mauvais homme. Je buvais, j’étais grossier et j’ai toujours tout gâché. Alors, je crois que depuis que j’ai vu la Lumière, le Bon Dieu veut me prendre plus vite à ses côtés, ainsi je ne m’écarterai plus jamais du droit chemin. Le jour où cette pauvre fille est morte, j’ai bu de la bière alors que j’avais promis à Alicia et à Dieu de ne plus jamais boire. C’est ma punition, je crois. Quand je suis rentré à la maison ce soir là, Alicia et moi avons prié et prié encore pour me donner la force de ne plus boire. C’est un peu dur, mais, je suppose que c’est Sa réponse à nos prières. »

La résignation de cet homme me stupéfie.

Et on a l’histoire que l’on voulait. Le centième innocent dans le couloir de la mort. Un innocent qui, après une renaissance dans une foi rigide, arrive à penser qu’une condamnation à mort injuste est une simple punition pour être sorti du droit chemin.

Je vais au bout des questions que Harper et moi avons rédigées mais je sais, qu’en face de moi, il n’y pas le visage ou le cœur d’un meurtrier. Cet homme est innocent, à tous les sens du terme.

Alors que les gardes l’emmènent hors de la pièce et que les techniciens rangent l’équipement, je reste assise pendant quelques instants. Harper est à mes côtés, sa main sur mon épaules. Je la regarde et voit son sourire. « Il n’a pas fait ça. » Je lui dit. « Il n’a pas le visage d’un fou. »

*****

On prend nos notes et nos enregistrements pour les amener à l’amie de Harper et à ses étudiants à la fac de droit. Ils commencent à travailler fébrilement, se repassant les dernières informations que nous avons collectées. Des personnes entrent et sortent au gré des fréquents coups de téléphone. Des papiers fraîchement imprimés tombent de tous les côtés. Le professeur Henley glousse presque de joie. Ses étudiants et elle partagent leur enthousiasme et l’amplifient. Harper est embarquée la dedans elle aussi, répondant aux questions, expliquant le travail qu’elle a fourni cette semaine passée. C’est bon de la voir recevoir une adoration bien méritée.

Je m’assois et réfléchis.

Dans ma tête, tout ce que je peux voir c’est un fou en liberté et un homme résigné à qui on a pris sa vie, sa femme et son enfant. Tout ça, parce qu’une famille corrompue, qui croit avoir le pouvoir, qui a une réputation dans la communauté et qui la contrôle, a protégé l’un des siens. Et je ne peux pas m’empêcher de penser qu’un homme d’Eglise respecté veut prendre ce qu’avait un pauvre homme : l’amour d’une gentille femme et d’un enfant innocent.

Cette conspiration et cette complaisance sont écoeurantes.

C’est tellement différent de mon expérience que je peux presque, presque arriver à dissocier mes propres émotions de celles provoquées par cette histoire.

Je vois son visage à nouveau. (NDLT : him = son est en italique dans le texte et non en français comme le reste du texte italique de la traduction.)

Mais maintenant je peux lui donner un nouveau nom : Robert Oldive.

Et je me souviens de ce que j’ai ressenti quand j’ai fait face à cet homme dont la folie et la stupidité s’étaient déchaînées sur le corps de pauvres femmes qui n’étaient pas assez fortes pour se défendre toutes seules.

Je me souviens de ce que j’ai ressenti en appuyant sur la détente, en regardant son visage alors que les balles entraient dans son corps et que son sang se répandait sur le sol.

Je me souviens de la façon dont il est mort.

Je l’ai tué.

J’ai tué, et Robert Oldive a tué, mais Frederick Johnstone n’a pas tué.

« Kels. Kels, chér. C’est l’heure. » La voie de Harper m’interrompt dans mes pensées. Elle me regarde avec une expression décomposée. « Chér, est-ce que ça va? Est-ce que c’est trop dur pour toi? » Elle prend ma main, me fait lever de ma chaise et m’entraîne dans un coin un peu plus tranquille. Elle me prend dans ses bras.

Je me sens très tendue, très raide, presque comme morte. Je prends une grande respiration, me secouant moi-même pour revenir dans le temps présent. « Je vais bien, Harper.  Je vais aller mieux que bien. Quand tout cela sera fini, on devra parler, vraiment parler de ce qui s’est passé. Mais pour l’instant, on doit attraper Robert Oldive et sortir Stoney de prison. »

Elle repousse gentiment quelques cheveux de mon visage. « C’est ce qui va arriver, ma puce. Le Gouverneur a ré-ouvert le dossier il y a juste une heure. Et le Procureur Général de l’Ohio l’a fait aussi. La Police d’Etat est en train d’envoyer des assignations à comparaître à toutes les personnes que l’on a interviewées cette semaine. Ils vont aussi arrêter Oldive pour suspicion de meurtre, et son oncle pour entrave à la justice, manipulation de preuves, fraude, conspiration et parjure.

« Beau boulot, Tabloïde. » Je frotte son dos. J’adore sentir ses muscles sous mes mains.

« Donc voilà le plan. Quelques policiers sont allés chercher Alicia et Lily pour les amener à la prison. On va là-bas et on filme la libération. Ensuite, on part filmer l’arrestation. Le timing est très serré mais on devrait tous se retrouver dans les bureaux de la Police qui sera aussi allée chercher le Maire. »

« Accroché au mur hein? » (NDLT : il y ici un jeu de mot qui ne rend pas en français : Balls on the wals : c--ill-s sur les murs J)

« Oh ouais. »

*****

Je suis assise en face du bureau du Maire. Les arrestations ont eu lieu. La confusion est à son comble. Le regard qu’Oldive nous a lancé alors qu’il entrait dans le camion pénitentiaire m’a suffi. Je reconnaîtrais ce regard jusqu’à la fin de ma vie, le regard plein de haine d’un homme malade. J’ai la nausée, mais je resterai debout.

Harper est debout à côté de la camionnette, les bras croisés sur la poitrine. Le vent fait doucement bouger ses cheveux. Elle me sourit.

Et à ce moment,  je comprends.

On a survécu.

On va pouvoir continuer notre vie.

Je sais qu’il y a encore des choses que je dois accepter, avec lesquelles je dois vivre, mais arriver à faire ce reportage a été un grand pas.

Notre bébé va être bien chanceux d’avoir Harper comme maman. Comme je suis chanceuse de l’avoir comme partenaire, au sens personnel et professionnel du terme. Je ferme les yeux, prends une grande respiration, je me concentre. Quand je les ré ouvre, je me tourne face à la caméra.

« Depuis le rétablissement de la peine de mort, cent hommes ont été jugés et condamnés injustement à mourir. Frederick Johnston rejoint cet après-midi un groupe chanceux. Celui des gens libres. En se référant à une enquête menée par Indiscrétion et le Professeur Mélanie Henley de la Faculté de Droit, le Gouverneur de l’Ohio a gracié Frederick Johnstone et a ordonné l’arrestation des hommes qui l’avaient envoyé en prison pour sauver un des leurs… »

*****

« Bien, Kingsley, je vois pourquoi vous avez votre surnom. » Langston est debout derrière mon épaule, il regarde l‘écran sur lequel mon monteur est en train de boucler notre reportage.

Je ne l’ai pas entendu arriver derrière moi. Faudra que je fasse plus attention à ça. « Hein? » Je reste concentrée sur la vidéo en face de moi, je grogne presque mon incompréhension.

« Ouais, je vous ai envoyé faire un reportage tout simple sur l’application de la peine de mort, et vous revenez avec un scandale qui touche toute une petite ville, une conspiration et trois membres d’une même famille en prison. Je dirais que c’est un boulot pour les Tabloïdes. Vous devez avoir une sorte d’aimant en vous. »

Je me tourne pour le regarder, incrédule. Avec les infos qu’il m’avait données, il était évident qu’il y avait quelque chose de louche là-dessous. Il avait sûrement une intuition sur ce que j’allais trouver.

« Bien sûr, les faits étaient là. » Ils confirme ce que je pensais. « vous n’avez fait que sortir les faits les plus évidents. Un de ces jours, je vous enverrai sur une histoire où vous devrez bosser. » Sur ce, il se retourne et s’en va en me laissant là avec une frustration énorme.
Il a fallu que je bosse sur ce reportage. Il a aussi fallu que je supporte l’humiliation d’être fouillée par ces idiots de flics. Rien que pour éviter ça, j’aurais pu donner mon salaire de l’année.

Je me retourne vers le magnéto et lance à mon éditeur un regard grincheux. Il rigole et hausse les épaules. « Y’a bien une raison pour laquelle personne n’a jamais téléphoné quand on a vu son nom sur une boite de lait hein. »

« J’imagine »Je grogne.

Je me remets au travail sur notre histoire. Une vraie histoire qui révèle comment une petite ville peut s’isoler et faire sa propre justice.

Maintenant, Kelsey et moi allons faire ce reportage sur les religions alternatives et tout ce que Langston voudra bien nous donner. Parce qu’on est meilleures que les autres.

Je me mets à rire.

Il est très fort. Je savais que je pourrais apprendre des trucs de lui.

*****

C’est si bon d’être à la maison. Enfin, à New York. La maison ce ne sera pas avant trois semaines quand on ira à la Nouvelle-Orléans pour Pâques. Je ne peux pas me souvenir la dernière fois que j’ai été avec ma famille pour Pâques. Nous n’avons jamais décoré d’œufs, Mère ne voulait pas risquer d’avoir une tache sur son ensemble. Pas question non plus de chercher les œufs dans le jardin. Ça évite d’en oublier un qui pourrait pourrir là.

Je parie que Mama ne pense pas ainsi.

J’ai remarqué que Harper semblait un peu nerveuse à propos de la maison cette fois. Je me demande si ça a un rapport avec le bébé. J’avais imaginé qu’il lui tarderait de le dire. Oh mon Dieu, j’espère qu’elle ne regrette pas tout ça maintenant.

Ne sois pas idiote Kels. Elle est ravie. Je suis ravie. Tout va bien.

J’allume mon ordinateur et commence à farfouiller sur le net. Je suis une femme en mission. Je ne ferai rien d’autre tant que je n’aurai pas la réponse à ma question. Aujourd’hui c’est le trois mars. Le jour où le nom du vainqueur du prix Peabody est annoncé sur leur site web. J’ai regardé sur le site toute la journée sans succès.

Harper et moi ne nous sommes presque pas vues aujourd’hui. Je n’en peux plus d’attendre avant de rentrer à la maison avec elle, mais je ne sortirai pas d’ici sans avoir la réponse à cette unique et simple question. Est-ce que c’est trop demandé?

Je vais à nouveau sur leur site.

Oh mon Dieu.

Ça y est : KNBC pour Violence et religion à Omaha.

C’est tout ce qui est écrit. Mais c’est assez.

On a gagné.

On a gagné.

On a gagné!

Ok, je suis époustouflée Harper! Merde. Il faut que je trouve Harper!

Je bondis hors de mon bureau en cherchant ma proie comme un chat cherche une hirondelle. J’aime bien ça. Je pourrais m’habituer.

Je vais tout droit dans le bureau de Harper. Je trouve les stores et sa porte fermés. Elle est peut-être en réunion. Je devrais sans doute frapper d’abord.

« Entrez! »

Oh quelle râleuse. Quelqu’un a eu une mauvaise journée. Je parie que je peux la lui rendre meilleure. J’ouvre la porte doucement, je passe ma tête afin de m’assurer qu’elle est seule avant de me glisser dans son bureau.

« Depuis quand tu frappes? » Elle ronchonne. Elle est devant son magnéto en train de revoir le montage de notre reportage.

« Depuis qu’on est au boulot et que tu peux être en réunion, grognonne. » Je vais vers elle et m’assois sur l’accoudoir de sa chaise, je me penche vers elle afin d’avoir toute son attention. « Hé Tabloïde, tu sais ce qu’on va pouvoir dire à notre bébé? »

Elle fronce les sourcils. Elle n’est vraiment pas d’humeur à jouer. « Quoi? »

« Sa Mama est la productrice gagnante du prix Peabody. »

Ah, le voilà ce sourire que j’aime tant.

<A suivre>
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