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16 avril 2009

Sassem, partie 5, chapitres 5-6-7

Chapitre 5 :

 

 

Elle n’aimait pas être en prison. Évidemment personne n’aimait ça. Mais elle, ça la rendait dingue. Trop de souvenirs, trop de cauchemars étaient liés à ce type de pièce grises, sombres et mal entretenues.

 

La boîte, dans laquelle les soldats de sa première milice, l’enfermaient au début était plus petite que cet endroit, mais la même terreur, la même douleur, suintait des murs.

 

Elle déglutit et fermant les yeux, elle se concentra sur la souffrance qui pulsait dans son poignet. Ces imbéciles de flics avaient aggravé sa fracture, elle le sentait dans les piques de souffrances qui remontaient maintenant le long de son bras puis descendaient dans chacun de ses doigts. La déformation visible sous la peau et le bleu qui envahissait presque tout son avant bras et sa main, soulignaient sa gravité. Elle avait du bol que ça n’ait pas traversé la peau.

 

Mais l’os écrasait ses veines et empêchait l’irrigation. Il lui fallait remettre l’os en place ou elle ne pourrait bientôt plus utiliser sa main.

 

Ça allait faire mal.

 

Elle repéra un tuyau en acier qui courait le long du mur et le jaugea. Il avait l’air solide. Elle prit une lente et profonde inspiration et s’en approcha. Elle posa son poignet contre le métal froid et grimaça, puis se recula. Elle mit sa main valide autour de son poignet blessé et sans réfléchir plus avant, elle lança son poignet contre le tuyau de toutes ses forces. Elle sentit l’os bouger et commencer à se remettre et elle serra les mâchoires à s’en faire exploser les dents.

 

- Putaindemerde de putaindebordeldemerde ! grogna-elle en plissant les yeux pour y voir à travers ses larmes.

 

Cette fois elle ne prit même pas le temps de respirer et relança son poignet. Le craquement audible signifia très clairement le retour de l’os à sa place habituelle, mais les étoiles qui dansaient devant ses yeux l’empêchèrent de s’en réjouir. Elle lutta un instant contre la nausée qui lui tordait le ventre et s’appuya contre le mur en haletant.

 

Elle se laissa lentement glisser au sol en maintenant son bras blessé contre elle, puis appuya sa tête contre le mur et essuya la sueur qui perlait à son front.

 

La douleur était toujours présente mais les battements avaient cessé. Elle rouvrit les yeux et regarda le cube qu’était sa cellule, une couchette étroite et sans drap, un WC sale et du béton. Rien de plus. Elle se demanda alors depuis combien de temps elle était là.

 

A quoi devait-elle s’attendre ? Une attaque des hommes du Dõn ? Un transfert à Interpol ? Ou bien à un procès pour meurtre tout ce qu’il y avait de plus légal ?

 

Elle se demanda soudain qui elle était sensée avoir tué.

 

 

 

*****************************

 

 

Depuis plusieurs heures déjà, Alexia se sentait mal. Cela l’avait prise pendant l’entretien avec Lizzie, Katrina et Gin. Elle avait dû quitter le salon pour s’allonger. Elle était maintenant allongée sur son lit à fixer le plafond, une main sur son ventre.

 

Peut-être qu’elle devrait écouter Gin et appeler un médecin ? Mais elle n’avait pas de fièvre. Seulement l’estomac en vrac, des nausées et un sentiment indistinct de malaise qui lui signifiait que quelque chose clochait… mais quoi ?

 

Elle se roula en boule et souhaita très fort la présence des bras de sa mercenaire. Elle se sentirait mieux si elle pouvait se blottir dans sa chaleur et sa force. C’était fou, d’être en manque à ce point… même sa mère ne lui avait jamais manqué autant et pourtant elle était morte !

 

Elle ferma les yeux et appela son image. C’est un visage fermé au regard farouche qui lui vint.

En plongeant ses yeux dans le bleu assombri au point d’en être presque noir, elle eut peur. Elle eut l’impression qu’elle ne la reverrait pas avant longtemps. Son ventre eut un spasme et son cœur battit un grand coup. Elle se redressa brusquement en tremblant. Non non non. Ce n’était qu’une pensée… Une mauvaise, une idiote pensée. Tout se passait bien. Tia allait bien. Elle allait bientôt rentrer.

 

Mais dans le cas contraire, comprit-elle soudain, elle n’avait aucun moyen de le savoir. Tia et elle n’avait pas pensé à un moyen de se prévenir en toute sécurité.

Une main crispée sur son estomac, elle pria comme elle ne l’avait jamais fait pour que tout aille bien.

 

 

******************************

 

 

Mais de toute évidence les dieux, s’il y en avait, n’était pas à l’écoute.

Tia avait été transférée dans une prison de haute sécurité, la nuit dernière. En attendant son procès, lui avait-on signifié.

 

Au moins maintenant elle savait ce qui l’attendait.

 

A peine arrivée, on lui avait remis les vêtements qui serait son uniforme à l’avenir : deux jeans, quatre t-shirts blancs, deux à manches courtes et deux à manches longues et deux chemises en jean.

Puis elle avait demandé à voir le médecin de l’infirmerie. Elle lui avait montré son poignet et il lui avait posé un plâtre, après quelques radios qui confirmèrent qu’il était fracturé en deux endroits.

Elle ne devait pas s’en servir pendant une semaine, c’est pourquoi une écharpe que Tia trouvait complètement ridicule, complétait l’ensemble. Le médecin lui avait aussi donné des antibiotiques contre l’infection et un calmant pour la douleur.

 

Elle avait ainsi dormi comme un bébé et elle se réveilla dans un état légèrement cotonneux mais reposée. Elle détailla la cellule dans laquelle elle avait été installée, tout en se débarrassant de son écharpe, puis lança un regard à la couchette au dessus d’elle. La prisonnière ne s’était pas réveillée à son arrivée et elle sentait déjà que sa présence ne serait pas la bienvenue.

 

Tia fixa son plâtre. Ça allait compliquer les choses, c’est sûr. Surtout qu’il s’agissait de sa main droite. Bah, si elles n’étaient pas trop nombreuses elle s’en sortirait mieux qu’elles. Il lui suffisait juste d’établir son statut par un coup d’éclat. Après on se méfierait suffisamment d’elle pour lui ficher la paix.

 

On lui avait dit que la phase préliminaire de son audience aurait lieu la semaine prochaine. Et elle hésitait à téléphoner à un avocat. Celui qu’elle voulait était maintenant en Australie et téléphoner là-bas à partir d’un des appareils non sécurisés de la prison, permettrait à coup sûr au Dõn de retrouver Chushingura. Et ça mettrait Alexia en danger. Sans parler de son oncle et de sa cousine. Et ça la relierait à sa famille à coup sûr et cette info remonterait vite jusqu’à Sassem. Non, c’était trop dangereux.

 

Mais prendre un avocat qu’elle ne connaissait pas…

 

Elle secoua la tête et décida de laisser faire le système. Un avocat commis d’office ferait aussi bien l’affaire après tout. Le procès était truqué et la sentence décidée d’avance.

 

Le commissaire qui l’avait arrêtée était venu lui rendre visite juste avant son départ. Il lui avait dit qu’elle était accusée de la mort du fils du Dõn, ce qui l’avait fait éclater de rire. Elle voyait parfaitement où il voulait en venir et elle le lui avait dit. Elle ne donnerait pas la gamine pour se sortir d’affaires.

 

- Les accidents en prison, avait-il alors susurré, sont monnaie si courante… se serait dommage qu’il vous arrive malheur.

 

Elle lui avait sourit sans lui répondre et il était reparti déconcerté et en colère.

 

Elle les attendait de pied ferme ses « accidents ». Quelqu’un allait avoir des regrets et elle savait que ce ne serait pas elle.

 

Elle pensa ensuite à Alexia. La reverrait-elle un jour ? A moins de s’évader ou de croire aux miracles, elle était vraiment mal partie. Et comment la prévenir ? Comment avait-elle pu être aussi imprudente d’ailleurs ?!

 

Mais elle savait comment. Elle avait fait comme cet être abject qu’elle haïssait plus que tout. Ses succès lui étaient montés à la tête et elle s’était crue trop forte pour avoir de réels ennuis. Résultat elle ne pouvait pas contacter Alexia sans prendre un risque. Idiote !

 

Il fallait pourtant qu’elle trouve un moyen. Car tôt ou tard, elle allait apprendre ce qui lui était arrivé et elle viendrait. Et le Dõn l’attendrait, peut-être même Sassem.

 

Alexia était une bonne monnaie d’échange et aussi son seul point faible. « En plus de l’arrogance », ajouta-elle désabusée. Elle ne voulait pas qu’on l’utilise ainsi et elle ne voulait pas qu’elle souffre par sa faute.

 

Tia se leva et commença à faire les cent pas, inhabituellement nerveuse. Il fallait qu’elle trouve un moyen de la prévenir de rester où elle était.

Son va et vient fut brutalement interrompu par une voix sèche.

 

- Qu’es’ ce tu fous là toi ?!

 

Tia leva les yeux - et les posa/vers sur la silhouette maintenant assise de sa compagne de cellule.

 

- Ça ne se voit pas peut-être ? répondit-elle agacée de l’interruption.

 

- Oh, mais on s’prend pour une dure à c’que j’vois ! avait lancé la femme en descendant de sa couchette.

La femme était presque aussi grande qu’elle et beaucoup plus baraquée. De toute évidence elle pratiquait la musculation. Elle avait le teint typique des pensionnaires du coin. Blafard et cireux.

Ses cheveux châtain foncé étaient noués en queue de cheval et ses yeux noirs la fixait railleusement.

 

Tia retira toute expression de son visage et laissa remonter le prédateur qu’elle était depuis si longtemps maintenant. Ses yeux brillèrent comme ceux d’un loup et un rictus sauvage étira ses lèvres. La femme en face d’elle recula d’un pas, saisie. Elle déglutit et leva les mains en signe d’apaisement.

 

- Ok, ok. Tout doux. Moi je voulais juste faire connaissance, dit-elle en rangeant au placard son numéro de dur.

 

Elle savait reconnaître une dominante quand elle en voyait une. Elle pensa alors à Jessica la reine, et réfléchit à la confrontation qui aurait lieu tôt ou tard entre elles deux. Ça risquait d’être intéressant.

 

 

 

*****************************

 

 

 

Plus tard dans la matinée, Tia rencontra la fameuse Jessica la reine. Sa compagne de cellule, Rhinnie, l’avait prévenue que c’était elle qui dirigeait les filles, que son gang était le plus puissant et qu’elle voudrait sûrement la soumettre.

 

Tia avait ricané.

 

C’était l’heure du déjeuner, et elle s’était rendue à la cantine avec Rhinnie où elles s’étaient ensuite séparées. Elle tenait son plateau d’une main où reposait une nourriture flottante et repéra une table de libre. Elle s’y installa et tenta de trouver un truc mangeable. Elle y renonça après quelques minutes et remplaça ce jeu par un autre : identifier ce qu’il y avait dans son assiette.

 

Tout en avalant des morceaux de poissons caoutchouteux, elle surveilla les alentours. Elle savait que Jessica la reine voudrait la mettre à l’épreuve ici, où toute la prison était réunie. Aussi elle l’attendait.

 

Elle la vit entrer, entouré de sa petite cour. Et n’eut pas à chercher bien loin l’origine de son surnom. Elle ne jouait pas la reine, elle se prenait pour une reine. Jessica était grande, blonde et très très bien foutue. Elle n’était pas du tout ce à quoi elle s’était attendu. Elle avait l’allure d’un mannequin et le même genre de sourire.

 

Elle fit le tour de la cantine comme si c’était sa salle du trône et la repéra. Elle s’approcha de sa table avec un déhanché qui l’aurait fait saliver si elle n’avait pas eu en tête celui d’Alexia. Trois femmes la suivaient. Probablement sa « garde personnelle ».

 

Elle appuya sa main sur la table et lui sourit en la détaillant.

 

- Salut ! fit-elle joyeusement en s’asseyant en face d’elle.

 

- Salut, retourna-elle le visage fermé.

 

- Je m’appelle Jessica, mais tu peux m’appeler majesté.

 

- Compte la dessus.

 

La réponse ne lui plut pas. Elle fronça les sourcils et tenta une autre approche.

 

Elle posa sa main sur la sienne et se pencha vers elle avec un sourire engageant. Elle portait un chemisier en soie blanche dont les premiers boutons étaient ouverts, donnant ainsi à Tia un aperçu de son décolleté.

 

- Si tu sais t’y prendre, tu pourras me donner d’autres petits noms, chérie.

 

Tia se redressa et planta un regard fixe et neutre dans les yeux gris qui l’observaient. Elle laissa le silence s’éterniser au point que « la reine » s’agita mal à l’aise. De toute évidence elle n’avait pas l’habitude d’être rejetée.

 

La main sur la sienne se crispa et la poigne devint de fer. Le sourire se changea en rictus et elle la menaça :

 

- Tu n’as pas du tout envie de m’avoir comme ennemie.

 

- Je te retourne la menace. Tu ne me connais pas et tu ne sais pas ce que tu vas te mettre sur le dos.

 

- Chérie… fit-elle en tapotant la main qu’elle tenait toujours. Tu as un plâtre. Il est évident que tu n’es pas en état de te mesurer à moi, alors sois intelligente et soumets-toi.

 

- Chérie, reprit Tia avec un sourire en coin. Personne ne me soumet.

 

- Libre à toi. Mais je t’aurais prévenue.

 

Elle se leva d’un mouvement gracieux et rejeta ses cheveux en arrière.

 

- Ah et au fait, si tu changes d’avis pour ma… proposition, fit-elle en passant un doigt sur ses épaules larges, fais-moi signe.

 

- Aucune chance, marmonna-elle en la regardant partir.

 

 

 

******************************

 

 

Deux jours plus tard, Tia voyait son avocat. Tout au long de leur entretien, elle se demanda si elle pouvait lui faire confiance. Puis finalement elle renonça. Elle ne lui demanderait pas d’appeler Alexia. Elle écouta ce qu’il lui disait d’une oreille et pensa à sa bien-aimée.

 

Dieu ce qu’elle lui manquait. Elle craignait de ne pas la revoir avant longtemps… mais elle ne renoncerait pas. Elle trouverait un moyen de se sortir de là et elle la reverrait. Elle espérait juste qu’Alexia saurait attendre.

 

 

******************************

 

 

Sassem était en pleine réunion quand son secrétaire vint le déranger. Un coup de téléphone apparemment urgent. Il interrompit la réunion en s’excusant et s’éclipsa. Il prit le combiné et lança un allô sec. L’information qui suivit transforma son agacement en un sourire de triomphe. Il écouta attentivement son interlocuteur, donna des instructions puis raccrocha.

 

- Je te tiens…fit-il avec un rictus cruel.

 

A la suite de cela, il reprogramma tout ses rendez-vous de la journée et du lendemain, et fit préparer son jet et un plan de vol pour l’Italie.

 

 

******************************

 

 

L’inquiétude d’Alexia s’était muée en une angoisse quasi permanente. Elle avait discuté à plusieurs reprises avec Gin et Katrina à propos de son absence et ils avaient convenu que se rendre en Italie était trop dangereux pour elle et que Tia savait ce qu’elle faisait.

 

Une semaine ce n’était pas grand-chose après tout. Et pourtant Alexia se sentait mal. Elle voulait la rejoindre bon sang ! Ou au moins savoir ce qui se passait !

 

Elle retourna voir Katrina.

 

Peut-être pourrait-elle la convaincre de retourner en Italie ? Elle, elle n’était pas reliée à Tia, elle pouvait facilement rentrer et se renseigner.

 

 

*******************************

 

 

La semaine suivante passa très vite et Jessica la laissa tranquille. Elle savait que ce n’était qu’une question de temps avant qu’elle ne la provoque ou n’utilise quelqu’un pour ça. D’ailleurs les regards qu’on lui lançait depuis le matin, étaient on ne peu plus clair. La confrontation aurait lieu aujourd’hui.

 

Lorsqu’on lui annonça une visite, elle sentit son cœur se glacer en même temps qu’il bondissait. Elle pensa tout de suite à Alexia. Qui d’autre serait venu ? Elle était partagée entre la joie de la revoir et la peur de ce que sa présence impliquait comme ennuis pour elle.

 

Elle se rendit au parloir avec un sentiment mitigé, puis alors qu’elle s’approchait, la joie prit le dessus. Un sourire idiot s’installa sur son visage.

 

Elle entra dans le box à la suite de son garde et fixa son visiteur.

 

Son sourire se figea et son corps se raidit. Le garde sortit et referma la porte sans qu’elle ne le remarque. Elle tenta de se reprendre et produit un sourire tendu.

- Sassem, fit-elle en sentant la vieille vague de haine se réveiller.

 

- She-wolf, lui retourna-il joyeusement.

 

Elle s’assit sur la chaise et fut étrangement heureuse de la présence du plexiglas entre eux. Elle avait tant envie de lui arracher ce petit sourire satisfait, que sans cette vitre, elle se serait jetée sur lui.

 

Elle attendit en silence qu’il veuille bien cesser de jubiler et lui dire ce qu’il avait à dire.

 

- Tu as fait du bon boulot la semaine dernière sur mon complexe. Je ne m’attendais pas à une attaque de front et je dois dire que tu as une chance de cocue chérie. Hummmmm, mais peut-être était-ce le cas ? Après tout ta chère et tendre n’est plus avec toi, hein ?

 

Tia plissa les yeux essayant de ne pas réagir. Mais avec lui elle avait toujours eu du mal à se contrôler.

 

- Bref, passons. Je tenais à te voir moi-même pour t’annoncer les bonnes nouvelles. Malgré tes sabotages divers et variés, mes plans se déroulent à la perfection.

La Russie

m’appartient totalement et j’ai fait de bons placements en Grèce et en Amérique. Tu vois, tes actes ne sont que des piqures d’insectes dans mon empire.

 

Tia fit très attention à ne pas montrer sa consternation face à ces révélations et l’écouta déblatérer avec son arrogance habituel sur ses projets. Elle nota toutes les informations, les rangeant dans un coin de sa tête pour plus tard.

 

Au bout d’un moment, il se tut et la fixa d’un air diabolique. Elle déglutit et sentit que les choses sérieuses allaient commencer.

 

 

 

***********************************

 

 

 

Alexia pâlit brusquement. Une onde de terreur la frappa et la laissa tremblante. Elle s’assit sur le premier siège qu’elle trouva et se balança d’avant en arrière essayant tant bien que mal de canaliser cette frayeur aussi soudaine qu’intense. Mais au lieu de s’apaiser, la peur ne fit que croître au point qu’elle gémit incapable de comprendre ce qui lui arrivait.

 

Elle prit une profonde inspiration et se leva pour d’atteindre sa chambre avant qu’on ne la découvre ainsi. Elle y parvint et se laissa tomber sur le lit où elle se roula en boule. Puis aussi soudainement qu’elle était apparue, la peur laissa la place à une violente colère. Si puissante et si totale qu’elle eut l’impression de n’être plus qu’une boule de haine, tout son corps contrôlé par cet envahisseur dérangeant.

 

Alexia resta de longues minutes ainsi à respirer aussi lentement et calmement que possible. Elle devait se contrôler ou sinon…

 

La rage finit par refluer et elle put détendre ses muscles, soulagée. Elle ne comprenait pas ce qui lui arrivait depuis quelques temps. Peut-être sa séparation d’avec Tia la perturbait-elle plus qu’elle ne le croyait ? Ou bien elle était malade… idée effrayante si l’on tenait compte de sa mère. Elle ne connaissait pas les syndromes de Huntington, peut-être devrait-elle se renseigner ?

 

Peut-être… mais en aurait-elle le courage ?

 

Elle avait besoin de sa mercenaire. Avec elle, elle se sentirait mieux et Tia saurait quoi faire.

Bien sûr elle pourrait aussi s’en ouvrir à Gin, mais même si elle l’aimait beaucoup, elle ne se voyait pas lui parler de ses étranges pertes de contrôle de ses émotions.

 

Elle comprit alors, que comme Lizzie, elle n’avait confiance qu’en Tia.

 

 

 

**********************************

 

 

 

Tia ressortit de cet entretien faible et tremblante. Il avait ravivé avec une intensité effrayante, les souvenirs d’une vie passée. Il s’était attardé avec délectation sur les plus petits détails, ramenant à sa mémoire les cauchemars qu’elle refoulait avec tant de difficulté.

 

Et alors qu’il la tenait à sa merci, il avait frappé fort et vite à l’endroit le plus douloureux.

Comment avait-il su ? Comment pouvait-il savoir ? Bon dieu ! Qui lui avait dit ?!

 

Il sortait du box, lorsqu’il s’était retourné vers elle une dernière fois, ravi de la voir encore assise, pâle comme la mort.

 

- Je sais où elle se trouve, chérie, avait-il lâché avec un grand sourire.

 

Elle avait relevé la tête aussi vite que ça lui était possible et l’avait fixé dans les yeux, inquiète.

 

- Je vais aller la chercher. Je vais l’attraper. Et je m’amuserai avec elle comme je me suis amusé avec toi. Je ferais d’elle ce que tu aurais dû être.

 

Puis il était parti et elle avait senti une vague de panique et de rage impuissante la frapper. Le garde était venue la chercher et elle l’avait suivi sans s’en rendre compte. Elle était revenue dans la cour de la prison en ne pensant qu’à une chose : prévenir Alexia de partir le plus vite et le plus loin possible de l’Australie. Pourtant un doute subsistait, c’était peut-être un piège et lui téléphoner pouvait être ce qu’il attendait pour la retrouver.

 

Bon sang, mais qu’est-ce qu’elle devait faire ?! Elle passa les mains avec frustration dans ses cheveux lorsqu’enfin une idée la percuta.

 

Et ce ne fut pas la seule chose qui la percuta. Elle était si concentrée sur son problème et les cauchemars que Sassem avait fait naître en elle, qu’elle n’avait pas perçu le mouvement de foule vers elle.

 

C’était le jour de la confrontation et le coup qui lui frappa l’arrière de la tête, le lui rappela assez brutalement.

 



Chapitre 6 :

 

 

Tia grogna en se retournant vivement. Un cercle. Les femmes faisaient cercle autour d’elle. Et Jessica se tenait au centre. Avec elle. Ok, alors c’était elle qui l’avait frappée. Bon point pour Jessica, elle ne tentait pas de la soumettre en utilisant ses adeptes. Non, elle le faisait elle-même et surtout seule. Mauvais point, cela voulait probablement dire qu’elle savait très bien se battre.

Elle aussi, il était vrai, mais elle avait un poignet cassé et elle était encore perturbée par la visite de Sassem et préoccupée par la sécurité d’Alexia. Elle n’était définitivement pas en forme pour ce genre de chose.

 

Mais, comme elle s’en souvint malgré elle, ce n’était pas la première fois que ça arrivait. Elle se mit donc en position de combat en essayant de se concentrer sur la blonde qui lui faisait face et non sur celle qui la faisait rêver.

 

Un sourcil blond se releva à cette vue et un sourire joua sur les lèvres pulpeuses.

 

- Je sens que ce combat va être intéressant.

 

Elle se tourna ensuite vers la foule des prisonnières.

 

- Faites des paris, les filles. Celle-là en vaut la peine.

 

Puis elle tourna son attention complète et entière sur la mercenaire et celle-ci vit la concentration et la détermination assombrir ses yeux gris.

 

« Je me demande ce qu’elle faisait comme job avant ? » s’interrogea Tia distraite.

Un poing partit à la rencontre de sa mâchoire et Tia le vit arriver avec surprise. Seuls ses réflexes la protégèrent. Elle fit un pas sur le côté et leva la main droite pour parer le poing qui la visait. Il frappa le plâtre et toutes deux grimacèrent.

 

« Ok Tia, essaie de te concentrer un peu, tu veux ? » se réprimanda celle-ci.

Jessica recula d’un pas puis lança son pied qui fut intercepté assez facilement. Malheureusement Jessica s’y connaissait vraiment bien en art martiaux et elle était rapide. Elle enchaîna plusieurs katas si vite que Tia ne parvint pas identifier les derniers. C’est à peine si elle parvenait à se protéger.

 

Elle ne faisait que reculer et la foule manifestait son excitation envers la supériorité manifeste de leur reine pour vociférer. Dieux ce que ces cris l’énervaient ! Un écho d’un passé pas si lointain (pas de virgule) se fit entendre dans sa tête, détournant son attention un bref instant. Jessica en profita pour lui assener un coup de pied tournant à la mâchoire qui manqua la lui briser et Tia sentit des larmes lui brouiller la vue. Elle tenta de se reprendre mais les cris dans sa tête se mélangeaient à ceux présent et elle n’y parvint pas.

 

Plusieurs coups plurent sur elle et elle ne pût que se protéger maladroitement. Un coup plus fort que les autres la fit tomber à genoux et le sang coula de sa bouche et de son arcade sur le goudron de la cour. Elle le vit s’égoutter sur le sol et ce fut comme un déclic. Elle cessa de vouloir refouler les cris hurlant sous son crâne. Elle les laissa se mélanger au temps présent et elle se releva.

 

Aussi enragée qu’à l’époque des premiers cercles, Tia se jeta sur son adversaire stupéfaite. Elle frappa et frappa encore, sans plus se soucier de la douleur dans son poignet. La rage l’étouffait et un voile rouge tomba devant ses yeux. Le plâtre vola bientôt en éclat et le sang le rougit. Les cris de douleurs de Jessica la reine s’éteignirent bien avant que Tia ne cesse son avalanche.

 

Les gardes alertés par les cris d’horreur des prisonnières durent se mettre à sept pour réussir à la stopper. Un genou sur la poitrine de Jessica la reine, les membres supérieurs enserré dans un étau de bras en uniforme, Tia rejeta la tête en arrière et hurla sa rage et sa haine au ciel.

 

Le hurlement fit frissonner chaque personne qui l’entendit. Après un moment comme suspendu dans le temps, le cri prit fin et Tia laissa sa tête retomber sur sa poitrine. Elle fixa le visage sanguinolent de son adversaire et le sol rouge de son sang à ses côtés. De Jessica il ne restait qu’une bouillie sanglante et des morceaux de dents qui dépassaient de ce qui avaient été autrefois sa bouche.

 

Son cœur s’arrêta et son âme se déchira. Elle avait recommencé.

 

Les larmes s’échappèrent d’un regard bleu devenu vide et elle se laissa attacher et emmener au cachot où le noir, le silence et la solitude lui rappelèrent un temps où elle n’était rien.

 

 

********************************

 

 

Après un temps qui ne lui sembla pas suffisamment long, on vint la chercher. On l’emmena à l’infirmerie où de nouvelles radios furent nécessaire. Son poignet avait subi de nouveaux dommages et le plâtre seul ne suffirait pas cette fois. Il faudrait de la rééducation et peut-être même une broche. On débattit longtemps la question et finalement la décision fut prise. On lui installa un nouveau plâtre et on lui prescrivit des antidouleurs.

 

L’infirmière exécuta les ordres en grimaçant. Elle n’était pas d’accord, la prisonnière avait besoin d’une broche, mais ils la trouvaient trop dangereuse, et estimaient qu’ainsi handicapée, elle le serait moins. Depuis quand les soins étaient-ils sous conditions ? Elle n’était pas devenue infirmière pour ça.

 

L’infirmière était de ces personnes qui croyaient profondément en l’humanité et au bienfait de celle-ci. Elle était de cette race d’homme qui dédiait sa vie à l’apaisement des souffrances d’autrui. La compassion et la douceur était ses mots d’ordres. Au début, les prisonnières l’avaient raillé, elle et sa naïveté sans borne. Mais l’infirmière n’était pas naïve. Elle croyait en l’être humain et pensait que la gentillesse et la patience pouvait tout guérir. Petit à petit, les prisonnières l’avaient acceptée, puis appréciée pour finir par la respecter. Une sorte de statu quo tacite, la concernant, existait. Lors d’émeute ou de soulèvement, on ne touchait pas à l’infirmière. Elle était comme

la Suisse

ou les médecins sans frontières. Neutre et intouchable.

 

Elle regarda la prisonnière et fut surprise de la trouver si triste. Elle n’avait pas l’air aussi dangereuse qu’ils le disaient. Son regard vide était effrayant mais ce n’était pas le premier qu’elle voyait et il ne la fit pas reculer.

 

Elle passa une main douce sur la peau de la prisonnière, puis attrapa un coton qu’elle imbiba de désinfectant et entreprit de soigner les coupures sur le visage et les mains de la grande femme. Puis elle posa des points sur son arcade et passa de la pommade sur son ?il enflé et sa mâchoire où un méchant bleu apparaissait.

 

Elle vérifia ensuite ses côtes et en détecta une de cassée. A son contact, la prisonnière frissonna mais ne la regarda pas. Elle termina ses soins et un garde revint la chercher. Elle lui dit à demain, car dorénavant et pour le reste de son séjour au cachot, c’est elle qui se déplacerait pour les soins.

 

La prisonnière ne parut pas l’entendre.

 

Tout ce à quoi Tia pouvait penser était qu’elle avait à nouveau perdu le contrôle. Comme là-bas.

Ses démons avaient repris le dessus et elle ne parvenait pas à refaire surface.

 

 

******************************

 

 

Alexia se réveilla en sursaut. Le corps glacé et tremblant, elle ne comprenait pas où elle se trouvait. Puis son cœur reprit un rythme plus normal et elle reconnut les contours de sa chambre chez l’oncle de Tia.

 

Elle se leva et repoussa ses couvertures. Elle se dirigea vers la salle de bain et s’aspergea le visage d’eau froide. La terreur et les ténèbres gluantes qui avaient envahies ses rêves depuis plusieurs nuits la laissaient désorientée et fatiguée.

 

Elle fixa son reflet dans la glace en souhaitant fortement la présence de sa si sérieuse compagne pour la réconforter. Katrina était finalement partie trois jours plus tôt et elle avait appelé chaque jour pour leur donner des nouvelles.

 

Apparemment Tia avait été arrêtée peu de temps après leur départ d’Italie. Pour meurtre. Katrina n’avait pu en savoir plus et ne pouvait pas non plus lui rendre visite ou la défendre, car elle soupçonnait un coup monté du Dõn. Pour protéger Lizzie, il fallait isoler Tia parce qu’elle était l’appât utilisé pour pêcher la gamine.

 

Pour la première depuis un an qu’elle faisait la leçon à Tia sur le bien et le mal, Alexia rageait de ne pouvoir donner la gosse pour récupérer sa compagne.

 

Elle savait que c’était à cause d’elle que Tia avait décidé d’aider Lizzie. Si elle ne l’avait pas rencontrée, elle aurait simplement refusé la mission et s’en serait lavé les mains.

 

La tentation était grande d’utiliser n’importe quel moyen possible pour ramener son amie. Tia était son ancre, son port et elle lui manquait si fort ! Mais à chaque fois qu’elle s’imaginait livrant Lizzie au Dõn, elle sentait la nausée monter en elle. Non, elle ne le pourrait pas. Sa trop bonne conscience l’en empêchait… foutu Jiminy Criquet.

 

Si elle pensait que Tia allait bien, elle ne serait pas aussi nerveuse. Mais elle sentait que ce n’était pas le cas. Un pressentiment, un sixième sens, peu importe le nom qu’on lui donne, lui disait que Tia allait mal et elle ne pouvait rien faire pour elle ! C’était si frustrant !

 

Une fois de plus elle passa le reste de la nuit à faire les cent pas et à retourner dans sa tête toute les idées qui la traversaient.

 

Mais lorsque le matin arriva, elle n’était pas plus avancée que la veille.

 

 

*******************************

 

 

Les jours passèrent, rythmés par les éclairs de lumière amenés par les visites régulières de l’infirmière. Sa douceur, sa gentillesse et sa voix douce la ramenèrent petit à petit de son état d'hébétude. Le matin du cinquième jour, elle la regarda entrer en clignant des yeux devant la venue brutale de la lumière dans son univers de noirceur.

 

Elle était assise contre le mur, les genoux relevés et les bras posés dessus. L’infirmière fut surprise de la trouver presque normale. Seul son regard dégageait encore une très grande souffrance. Mais il était là, et c’était déjà beaucoup.

 

Elle s’approcha d’elle en souriant avec gentillesse et s’assit auprès d’elle. Elle examina l'avancée de ses blessures et refit les pansements. Tout au long des soins, Tia ne la quitta pas des yeux et plusieurs fois l’infirmière releva les siens pour trouver les yeux fixés sur son visage. A chaque fois, l’infirmière lui souriait timidement.

 

Puis alors qu’elle allait repartir, Tia attrapa son bras et l’infirmière eut peur. Elle croisa son regard et la détresse qu’elle y lut la calma instantanément. Et pour la première fois depuis qu’elle la soignait, elle entendit sa voix.

 

- Quelqu’un est venu me voir, le jour où on m’a enfermée ici, dit-elle la voix légèrement enrouée de ne pas avoir servi. Il m’a dit qu’il allait tuer quelqu’un qui m’est cher. Je… je ne peux pas la prévenir. Et… je me demandais si vous pourriez…

 

L’infirmière ne s’attendait ni à la déclaration, ni à la demande et elle la regarda très étonnée.

 

- Je… je ne sais pas, répondit-elle enfin, hésitante.

 

C’était une prisonnière quand même. Et désignée comme très dangereuse, même si jusqu’à présent elle avait surtout vu une grande souffrance plus qu’autre chose.

 

- Je vous en prie, fit la femme aux yeux clairs. Sa vie est en jeu. Je…je ne sais pas depuis combien de temps je suis là, mais elle doit être prévenue au plus tôt. Je vous en prie… elle compte tellement pour moi…

 

La prisonnière se mordit la lèvre en tentant de contenir son émotion et sa peur et l’infirmière sentit son cœur chavirer. Elle ressemblait tellement à une enfant… elle mit la main sur sa joue et la caressa sans même en avoir conscience. Elle voulait juste la réconforter. Effacer la douleur et la peur et surtout cette immense chagrin que rien ne semblait pouvoir entamer.

 

- D’accord, s’entendit-elle répondre. Que dois-je faire ?

 

Tia ne perdit pas de temps à se sentir soulagée, elle lui donna un numéro de téléphone à appeler. Elle tomberait sur une boite vocale. Tia lui dit mot pour mot ce qu’elle devrait laisser comme message. Elle le lui fit répéter et l’infirmière le nota dans son carnet avec le numéro.

 

- Vous devrez téléphoner d’une cabine téléphonique dans une autre ville qu’ici. Et lorsque vous aurez délivré le message détruisez cette page et les deux qui suivent. Ce ne sont que des précautions ne vous en faites pas, fit-elle avec une grimace. Mais je ne veux pas prendre de risques.

 

- Quel genre de risque ? s’enquit l’infirmière un peu inquiète.

 

- Principalement ? Qu’on vous relie l’une à l’autre. Mais si vous faites ce que je vous dis, ça n’arrivera pas.

 

- Ok. Mais vous êtes sûre qu’elle aura votre message ?

 

- Oui, ne vous en faite pas.

 

La boite vocale était réglée pour appeler un certain nombre de numéros simultanément, afin d’empêcher toute localisation une fois le message enregistré. Les numéros enregistrés étaient ceux d’Alexia, le sien, celui d’Enyalios et enfin ceux de Karl et Fréderic. Ainsi, quoiqu’il se passe, Alexia aurait des protecteurs. Elle avait donné à son amie, le numéro de Karl pour le cas où et celui d’Enyalios aussi.

 

Elle lui avait expliqué le principe de la boite vocale dès son arrivée, l’année dernière. Mais n’en ayant pas reparlé avec elle depuis, elle se demanda si elle s’en souviendrait. Pour que le message soit délivré sur le téléphone appelé, l’interlocuteur devait entrer un code. Chaque personne de sa liste avait son propre code et Alexia devrait se souvenir du sien pour entendre son message.

 

Elle ne comprenait pas comment elle avait fait pour ne pas y penser avant. Elle devait vraiment être perturbée. Étrangement c’était la visite de Sassem qui le lui avait ramené à la mémoire. Elle n’en avait plus eu besoin depuis l’arrivée d’Alexia dans sa vie et tellement de choses s’étaient passées.

 

Tellement de choses avaient changé en elle qu’elle en avait perdu certains réflexes de survie pourtant vitaux. Lorsqu’elle reverrait Alexia, il faudrait qu’elle change quelques petites choses. Peut-être devraient-elles prendre du recul ? La présence d’Alexia la perturbait, l’affaiblissait et la mettait ainsi en danger. Ce n’était pas bon. Pas tant que Sassem existerait. Pour leur survie à toute les deux, il fallait qu’elle soit en possession de tous ses moyens.

 

Pourtant en cet instant, elle savait qu’elle ne pourrait les retrouver qu’avec l’aide d’Alexia. Les ténèbres qui l’enfermaient dans son monde de cauchemars depuis plusieurs jours n’avaient reculé que parce que l’urgence de la situation de sa compagne lui était revenue.

 

Mais elle les sentait. Prêtes à l’engloutir à nouveau à la moindre occasion. Elle ne parvenait pas à accepter ce qui l’avait menée dans ce cachot. A chaque fois, que la porte de sa prison se refermait, elle revoyait le visage réduit en miette de Jessica. Et sa rage. Et sa haine.

 

Elle les croyait sous contrôle et voilà qu’elle comprenait que non. C’était seulement tapi sous la surface. Très bien caché par des années d’entraînement et d’autodiscipline.

 

 

 

********************************

 

 

Alexia reçut le bip de l’arrivée d’un message alors même qu’elle continuait de chercher une solution pour au moins pouvoir parler à Tia. Elle ne lui prêta tout d’abord pas attention. Quiconque l’appelait pourrait toujours le refaire.

 

- Écoutez Gin, tenta-elle de lui faire comprendre, elle a des problèmes. Du genre très sérieux d’accord ? Je le sens. Alors laissez-moi aller là-bas. Tia m’a appris énormément de choses et je saurais être discrète.

 

- Alexia, je ne remets pas en cause vos compétences. Mais ma nièce elle-même, malgré sa très grande expérience n’a pu éviter d’être découverte. Vous ne tiendrez pas une journée là-bas. D’autant plus que nous savons tout deux que vous vous rendriez à la prison dès la seconde où vous seriez dans la même ville.

 

Alexia ne répondit rien. Il avait raison bien sûr, mais elle ne risquait pas de le lui confirmer. Elle était loin de posséder la discipline nécessaire pour être réellement utile à Tia. Elle le savait, comprenait la position de Gin mais ne l’admettait pas. Sa place était aux côtés de Tia bon sang ! Même si ce n’était que pour partager ses ennuis !

 

Elle n’arrivait cependant pas à le lui faire entendre. Elle avait bien pensé à s’éclipser sans lui en demander la permission, mais petit a, elle ne possédait pas de jet et petit b, il avait mis plusieurs gardes autour de la maison dont un qui la suivait comme son ombre.

 

Lorsqu’elle avait protesté, il avait répliqué que c’était ce qu’aurait voulu sa nièce. Connaissant son naturel surprotecteur, elle n’avait pu le contredire. Une fois de plus ! Cette logique agaçait Alexia. Il était évident qu’il avait plus d’expérience dans le domaine de la joute verbal que sa nièce !

 

Rageusement, elle avait attrapé son téléphone, décidée à contacter Enyalios, malgré son aversion pour lui. Elle savait pour l’avoir vu, qu’il était profondément attaché à Tia et qu’il sauterait, métaphoriquement parlant bien sûr, dans le premier avion pour allez la tirer de là. Elle ne savait pas comment il allait s’y prendre, ni même s’il accepterait qu’elle l’aide mais il était son seul espoir.

 

Elle allait taper son numéro, que Tia l’avait forcé à apprendre par c?ur, quand elle vit le signal des messages. Elle hésita puis quelque chose la poussa à écouter. Elle composa le numéro de son répondeur et une voix enregistrée lui demanda son code. Elle regarda quelques secondes le vide devant elle, en se demandant ce que ça voulait dire, puis un souvenir fugace mais très clair lui revint. Et elle comprit qu’il était de Tia.

 

L’excitation et le soulagement se disputèrent la première place puis se fut la frustration et la peur.

Le code de messagerie, comme le code d’envoi étaient différents l’un de l’autre et contenait au minimum cinq chiffres et lettres choisis au hasard par Tia il y avait de ça un an. Et elle ne se rappelait ni l’un ni l’autre.

 

Elle se leva en proie à la colère et se mit à déambuler dans le salon, sous les yeux d’un Gin surpris et d’une Lizzie intriguée qui venait d’entrer, un sandwich à la main. Elle s’agita nerveusement de longues minutes durant, ignorant leurs questions et commentaires. Puis comme si une ampoule s’allumait au dessus de sa tête, son visage s’éclaira dans grand sourire et elle tapa furieusement sur son portable.

 

Gin et Lizzie se regardèrent perplexe et haussèrent les épaules d’un même mouvement.

Alexia fébrile, écouta la voix enregistrée débiter ses platitudes avant d’enfin laisser la place au message tant attendue. Elle fut extrêmement déçue quand elle se rendit compte que la voix n’était pas de Tia, mais se concentra néanmoins sur les mots délivrés.

 

Son front s’agrandit et la peur remplaça la déception. Sassem arrivait. Elle écouta le message jusqu’au bout puis raccrocha rapidement avant de composer un numéro connu de très peu de monde.

- C’est moi. J’ai un problème. Il faut que je disparaisse.

 

Elle écouta la réponse, puis hocha la tête comme si son interlocuteur pouvait la voir.

 

- Très bien. Ok. A ce soir.

 

Elle raccrocha puis prit une profonde inspiration avant de se tourner vers Lizzie.

 

- Fais tes bagages on s’en va.

 

- Quoi ? Mais… commença la jeune fille en fronçant les sourcils.

 

- Tais-toi ! fit-elle avec une autorité qu’elle avait jusque là bien cachée. Fais ce que je te dis et ne pose pas de questions. Le temps nous est compté. Je dois partir et tu viens avec moi.

 

Lizzie la défia du regard un long moment, mais la détermination et la pointe de panique qu’elle décela lui firent comprendre le sérieux de la situation. Elle fila dans sa chambre sans plus poser de question.

 

Alexia se tourna alors vers Gin et commença à lui donner ses instructions.

 

- Un homme va venir. Il me cherche et je dois partir. Lizzie pourrait avoir des problèmes si elle restait car il pourrait se servir d’elle pour faire du mal à Tia, c’est pourquoi je l’emmène. Vous ne me connaissez pas, pas plus qu’elle. Vous m’avez croisée par hasard alors que je cherchais mon père dont j’ai entendu dire qu’il était en affaire avec vous. Vous ne saviez pas où il était alors nous sommes reparties. C’est tout ce que vous savez de moi et de Lizzie, ok ? Il est essentiel qu’il ne vous relie pas à votre nièce.

 

Gin était inquiet mais aussi très impressionné par le sang-froid de sa nièce par alliance. Il ne remit pas en cause ses déclarations, car il ne s’agissait pas de rejoindre Tia pour partager son sort, mais de se sauver pour rester en vie. Et manifestement sa nièce lui avait appris à gérer cette situation.

 

- Compris. Mais tu sais où tu vas ?

 

- Oui. Je… Tia m’a filé l’adresse de ses planques, mais… je ne préfère pas les utiliser.

 

Alexia savait par son message que Tia avait rencontré Sassem et si elle ne connaissait ni les circonstances ni les propos tenus dans le détail, elle se souvenait que Tia lui avait dit une fois qu’il pouvait obtenir des informations sans que personne, pas même la personne interrogée ne s’en rende compte, alors même si elle doutait fortement que Tia ait lâché quoique se soit, elle ne pouvait pas tenter le diable. Pas quand elle possédait une autre solution que même Tia ignorait.

 

- Je connais un réseau qui me fera disparaître de la circulation dès ce soir. Et rien, pas même

Sassem ou Tia ne pourra me retrouver. Alors ne vous en faite pas.

 

Gin hocha la tête convaincu mais inquiet quand à la suite des opérations.

 

- Ce message… il avait un rapport avec ma nièce non ?

 

- Oui.

 

- A-t-elle des ennuis ?

 

- Oui. Énormes en fait. Mais… on ne peut rien faire pour l’instant. Je… je dois nous mettre à l’abri. C’est la priorité. Ensuite… ensuite je trouverai une solution pour Tia. Je vous tiendrais au courant.

Gin hocha la tête mais Alexia ne le voyait pas rester sans rien faire alors que sa nièce adoré avait des ennuis.

 

- Écoutez Gin, l’homme qui me recherche et qui s’en prend à Tia, est très dangereux et extrêmement puissant. S’il vous repère ou vous relie à Tia, vous êtes condamné, ainsi que votre fille. Dans le meilleur des cas, il se contentera de vous faire surveiller et vous ne reverrez plus jamais votre nièce. Croyez-moi, il faut que vous restiez en dehors de cette histoire. Tia vient à peine de vous retrouvez et vous perdre à nouveau… je ne crois pas qu’elle pourrait y faire face. Elle est bien plus fragile qu’elle ne le laisse croire. Elle a besoin de vous. Mais ne vous en faites pas ce n’est pas la première fois qu’elle est confrontée à une situation difficile. Elle s’en sortira cette fois encore. Vous devez nous faire confiance. Elle a des amis et je les contacterai dès que nous serons à l’abri.

 

Il se passa les mains sur le visage et se pencha en avant, coudes sur les genoux.

 

- Très bien, fit-il en soupirant. Vous avez gagné. Je ne bougerai pas.

 

Alexia hocha la tête, soulagée.

 

- Mais répondez à ma question. Qui est cet homme qui vous fait si peur ?

 

Alexia hésita puis se dit qu’après tout…

 

- Il s’appelle Sassem Ricardo.

 

- L’homme d’affaire ? fit-il en fronçant les sourcils.

 

Alexia acquiesça.

 

- Mais je le connais. On s’est déjà rencontré. Vous êtes sûre que vous ne vous trompez pas de personne ?

 

Alexia fronça les sourcils, perplexe. Elle examina l’oncle de Tia.

 

- Vous avez déjà vu Tia se tromper ?

 

- Non, mais… je la connais depuis peu.

 

- Elle vous fait l’effet de quelqu’un d’instable ? Qui invente et accuse sans preuve ?

 

- Non bien sûr que non !

 

- Alors oui, on en est sûr. Et vous, vous êtes sûr de l’avoir déjà rencontré ?

 

- Tout à fait.

 

- De quand date votre dernière rencontre ?

- La dernière fois ? Eh bien, c’était à une soirée de charité, je crois. Hummm. Il y a un an, il me semble. Oui, c’est bien ça. C’était chez Van Accuten, pour leur Soirée clochard. Ça m’a d’ailleurs assez étonné de l’y trouver car il est connu pour être conservateur, et les Van Accuten sont plutôt excentriques.

 

- Ok. Bon il vous connait et connait Tia. Il a donc sûrement fait le rapprochement entre vous deux.

 

- Pas forcément, contra Gin.

 

Alexia leva un sourcil.

 

- Oh si croyez-moi. Vous êtes le sosie de votre nièce. Exceptez que c’est une femme et que vous êtes plus âgé, on pourrait vous croire jumeaux tant vous êtes identiques.

 

Il la fixa assez surprit.

 

- C’est vrai que l’on se ressemble un peu, mais…

 

Il s’interrompit en voyant son air moqueur.

 

- Ok. Bon il a fait le rapprochement. Ça signifie quoi ?

 

- Il a aussi dû faire une enquête sur vous, afin de déterminer si vous étiez bien celui auquel il pensait.

 

- Autrement dit il sait tout de moi ou presque.

 

- Mais il n’a rien dit ou fait qui vous laisse entendre qu’il était au courant que Tia était en vie. Donc il ne sait probablement pas que vous savez.

 

Alexia réfléchit un instant.

 

- Il a dû bien rigoler l’enfoiré, grommela-elle avant de reprendre tout haut. Bon, je pense que nous pouvons nous en tenir au plan initial. Vous ne me connaissez que par l’intermédiaire de mon père et ne savez rien de Lizzie. Quant à Tia, pour vous elle est toujours morte.

 

- Il lui a fait du mal ? demanda-il l’air inquiet.

 

- Pourquoi vous me demandez ça ?

 

- Vous avez l’air très très inquiète et vous avez dit qu’il lui voulait du mal. Cela suppose qu’ils se sont déjà rencontrés et que ça ne s’est pas très bien passé.

 

- Je ne sais pas grand-chose de ce qui les lie. Mais oui, il lui a fait du mal et… à vous aussi…

 

- Comment ça ?

 

Avant qu’Alexia n’est pût répondre, Lizzie fit irruption dans la pièce, essoufflée de s’être tant pressée.

 

- Je vous expliquerai une autre fois. Ou mieux… vous interrogerez votre nièce… et elle vous racontera. Nous, nous devons y allez, fit-elle en se tournant vers la jeune fille.

 

Elle désigna la porte et Lizzie la passa après une nouvelle hésitation.

 

- Je vous recontacterai dès que tout sera arrangé. Pour Tia…

 

- Je garde espoir… encore. Je sais, ne vous en faite pas. Je n’abandonne pas facilement. Faites attention à vous deux, fit-il en l’étreignant.

 

- Promis.

 

Il la regarda partir, en se demandant s’il faisait ce qu’il fallait, mais ayant parfaitement conscience que c’était très en dehors de son champs de compétence.

 

Résigné il se promit de changer cela dès qu’il en aurait l’occasion. Plus jamais il ne voulait se sentir aussi impuissant à aider sa nièce et la femme qu’elle aimait.

 

Car pour l’instant tout ce qu’il pouvait faire, c’était attendre et espérer les revoir.

 

Garder espoir et attendre. Encore.

 

 

******************************

 

 

Lizzie détailla le paysage où elles venaient d’atterrir. L’angoisse l’étreignait. Elle ne cessait d’être trimballée d’un pays à un autre, d’une maison à une autre et elle passait son temps avec Alexia en plus ! Pourquoi Tia n’était pas revenu ? Pourquoi elles avaient dû partir en quatrième vitesse ? Et pourquoi, nom de dieu personne ne lui expliquait rien ?!

 

Ça faisait des lustres qu’elle n’était plus une enfant, et le fait qu’on la traite encore comme telle la sciait et l’indignait. Elle avait tué bon sang ! Bon, c’était peut-être pas une bonne idée de se rappeler ça. Elle s’agita mal à l’aise. C’était un souvenir qu’elle espérait pouvoir oublier un jour.

 

Tia lui avait dit que ce n’était pas possible. Que ces images resteraient toujours gravées en elle. Les détails eux-mêmes ne s’estomperaient pas avec le temps comme semblaient le faire toutes les autres choses. Et elle se dit que c’était injuste. Même les plus belles images du monde perdaient de leur intensité alors pourquoi le pire était-il toujours si parfaitement clair ? Tia lui avait dit que les cauchemars s’estompaient avec le temps, mais qu’ils ne disparaissaient jamais.

 

Elle jeta un coup d’œil à sa compagne forcée, et lui trouva l’air fatigué et tendu. Pourtant sa détermination à les protéger toutes les deux, car c’était de ça qu’il s’agissait, elle n’était pas totalement idiote, était intacte. Et ça la touchait. En plus, cette expression la rendait vraiment mignonne.

 

Lizzie s’ébroua. C’était pas le moment de divaguer. Elle inspira profondément, en essayant de garder la foi. On s’occupait d’elle, elle était encore en vie, alors elle devait croire qu’on ne la laisserait pas tomber.

 

Elle regarda encore une fois son accompagnatrice. Elle était tout ce qu’elle avait. Alors peut-être pourrait-elle faire un effort ? Elle ne voulait plus se retrouver seule et apparemment Alexia prenait son rôle auprès d’elle au sérieux, alors peut-être qu’il y avait quelque chose à tenter ?

 

- On est arrivé cette fois ?

 

Alexia la fixa comme si elle venait de se réveiller.

 

- Oui. On attend Linya. C’est une amie, ajouta-elle en la voyant froncer les sourcils.

 

« Et celle qui dirige le réseau, heureusement pour moi » songea-elle.

 

- Et après ?

 

- Elle va nous emmener sur…

 

Alexia hésita.

 

- Elle te le dira elle-même si elle le juge nécessaire. C’est… son secret.

 

Un secret. C’était une chose que chacune d’elle pouvait comprendre.

 

- On a de gros problèmes ?

 

- Oui.

 

- C’est de ma faute ?

 

- Non, bien sûr que non ! s’exclama Alexia stupéfaite.

 

Lizzie avait l’air perdue et désemparée et pour la première fois depuis leur rencontre, elle la vit comme ce qu’elle était. Une ado perdue. Qui ne savait pas ce qui allait se passer. Qui ne demandait rien de peur de gêner et de se retrouver seule. Qui se sentait coupable de les avoir embarqué la dedans. Qui avait tué et devait se sentir très mal.

 

- Ça n’a rien à voir avec toi, crois-moi. Ce départ précipité… c’est un vieil ennemi de Tia. Si je t’ai emmenée c’est parce qu’il aurait pu t’utiliser contre Tia et que je lui ai promis de m’occuper de toi. Tu comptes pour elle et… Écoute tu n’as pas à t’en faire. On ne te laissera pas tant qu’on ne sera pas sûr que tu sois en sécurité et heureuse. Alors ne t’inquiète pas ok ?

 

- Ok, fit-elle plus soulagé qu’elle ne voulu bien l’admettre. Mais Tia, elle a des ennuis non ? Je veux dire, sinon elle serait là.

 

- Elle… elle a des trucs à régler, mais ne t’en fais pas. C’est Tia. Elle va s’en sortir.

 

Elle ne pouvait pas lui dire la vérité, elle se sentait déjà suffisamment mal. Quand à elle… ce n’était pas mieux. Choisir une autre planque que celle désigné par Tia et la laisser derrière elle… elle avait vraiment l’impression de la trahir.

 

Elle se mordit la lèvre et vit enfin Linya arriver. Elle lui confia Lizzie et sortit enfin son portable. Elle composa le numéro de la boite vocale de Tia, espérant qu’elle aurait rapidement accès à son téléphone.

 

- Je t’aime et tu me manques. J’espère que si tu as ce message, c’est parce que tu es enfin sortie de prison et que tu nous rejoins. Ne me cherche pas aux endroits habituels, je n’y serais pas. Je… j’ai mon propre réseau de … enfin bref. Appelle-moi et… dis-moi que tu vas bien. Je te dirais où je suis à ce moment là. Ah et ne t’en fait pas, Lizzie, enfin Chushingura est avec moi. Je… dieu Tia j’ai la sensation si forte que ça ne va pas… je t’en prie chérie tiens le coup. Je t’aime et je pense à toi à chaque minute. Je rêverais de toi jusqu'à ce qu’enfin tu sois là… Je t’aime.

 

Elle composa le code d’envoi puis raccrocha et fixa le téléphone un long moment en proie à une indicible douleur, mélange de culpabilité, de peur et de regret.

 

 

 

Chapitre 7 : 

 

 

 

Lizzie découvrait avec stupeur un monde qu’elle était loin d’imaginer. Linya les avait emmenées sur une île privée, qui ne figurait apparemment pas sur les cartes.

 

D’après ce que Linya avait bien voulu lui expliquer, c’était un lieu de repos où les femmes bafouées se reconstruisaient. Certaines avaient des enfants, d’autres non. Avant de mettre un pied sur l’île, on signait un papier interdisant de dévoiler le moindre indice concernant l’île sous peine d’être poursuivi en justice. Elle-même l’avait signé avant d’avoir la permission d’y entrer.

 

Maintenant qu’elle voyait par elle-même ce qui s’y passait, elle comprenait mieux ces précautions.

Les femmes qui vivaient sur l’île étaient toutes entraînées dès leur arrivée, par des instructrices de l’armée qui se relayaient régulièrement. Les femmes bénéficiant du programme Lyoko apprenaient les bases d’auto-défense et pour celles qui n’avaient pas de compétences particulières, suivaient une formation, qui leurs donneraient accès à un métier à leur retour sur le continent. Il y avait aussi une psychologue pour les adultes et une pour les enfants.

 

Et enfin il y avait la ville. Elle était le cœur de l’île. Les boutiques, boîtes, supermarchés et compagnies étaient tenus par les femmes qui avaient voulu rester sur l’île de façon permanente.

Linya elle-même y vivait. Elle avait fait construire un somptueux chalet, très vaste et qui contenait tout le confort moderne. Linya était la fondatrice de l’île et des autres refuges qui étaient éparpillés dans le reste du monde. Mais l’idée et la création de la fondation Lyoko venait de sa sœur aînée, morte 10 ans plus tôt, assassinée.

 

Elle avait repris cette tâche et y avait apporté une autre dimension, souhaitant que les femmes violées, battues, trompés ou utilisées, se sentent réellement en sécurité et soient à l’avenir capable de se défendre. Elle voulait un lieu où elles pourraient se remettre et se reconstruire en toute quiétude. Un endroit où elles pourraient rester si elles le souhaitaient.

 

L’existence de l’île et de ce que proposait Linya avait vite fait le tour des foyers de femmes battues et des psychologues, psychiatres et pédiatres existant.

 

Depuis elle était connue partout comme la dirigeante de ce réseau et sa famille était très fière mais aussi très inquiète car les ennemis que cela lui rapportaient étaient nombreux.

 

Les femmes de l’île étaient nommées les Nazaréennes. En hommage à la vraie voie choisie par Jésus Christ. Les Nazaréens prônaient l’égalité hommes-femmes et suivaient, avec Jésus, appelé Easa par ses proches, le chemin du pardon et de l’amour. Linya avait choisi ce terme pour que chaque femme soit consciente qu’elles étaient les égales des hommes et non leur victime ou leur bourreau. Car lorsqu’elles commençaient à se remettre des mauvais traitements, elles avaient tendance à se laisser submerger par la colère et la haine et à vouloir se venger. Les nommer Nazaréennes leurs rappelait qu’elles n’étaient ni meilleurs ni moins bonnes et que ce jugement ne leurs appartenait pas.

 

Pour qu’elles en soient conscientes à chaque minute, Linya leur faisait porter un voile, un foulard ou n’importe quel accessoire qui soit en tissu rouge. Les prêtresses Nazaréennes portaient le voile rouge pour symboliser leur condition et leur rang parmi les leurs et ce morceau de tissu rouge devait leurs rappeler qui elles étaient.

 

C’était une manière de leur faire démarrer une nouvelle vie, en leur attribuant ainsi un nouveau statut. Elles n’étaient plus des victimes ou des êtres soumis. Non, elles étaient des Nazaréennes à même de se défendre seule set de s’occuper d’elles-mêmes et de leurs enfants. Mais aussi capable de pardonner à leurs bourreaux afin de continuer d’avancer au lieu de se perdre dans la haine, la peur et les regrets. Ou pire, la vengeance.

 

Sur l’île toutes sortes de femmes y séjournaient. Cela allait de la simple femme de chambre à la baronne de Cathurg. De l’ouvrière d’usine à la dirigeante de boite informatique.

 

Après quelques temps, la plupart de ces femmes proposaient leurs services. Et Linya, après avoir commencé par refuser, avait fini par trouver cela non seulement utile mais aussi très pratique.

Ainsi des Nazaréennes retournées sur les continents restaient en contact avec Linya et apportaient leur aide à chaque fois qu’elle était requise. Il y avait parmi elles, des avocates, des militaires, des femmes d’affaires, des figures politiques, des médecins ou de simples serveuses… et toutes ces relations, permettaient à Linya de bénéficier d’un réseau de femmes solides qui se soutenaient les unes les autres, que se soit légale ou non. Elles formaient une communauté forte sur laquelle on pouvait se reposer.

 

Les femmes qui retournaient sur les continents d’où elles venaient portaient en permanences un bracelet en cuir rouge pour se signaler les unes aux autres. Même sans se connaître, les Nazaréennes s’entraidaient si elles s’en faisaient la demande.

 

Linya laissait rentrer chez elle, seulement les femmes qui étaient complètement remise et avait une famille pouvant les soutenir pour leur réintégration dans leur vie quotidienne. En générale, elles portaient toute plainte contre leurs bourreaux et elles avaient besoin de soutien. Les femmes souhaitant rentrer sans être prêtes, étaient accompagnées par des permanentes de l’île ou des différents villages de part le monde, jusqu'à ce qu’elles soient à peu près équilibrées.

 

Quel que soit l’équilibre des Nazaréennes retournées à la vie normale, elles avaient toutes en commun la reconnaissance envers Linya et son réseau, si bien que quelles que soient les menaces, elles ne révélaient jamais rien. L’idée de l’existence d’un tel endroit était trop réconfortante pour qu’elles le trahissent.

 

Linya lui avait expliqué que chacun de ces refuges étaient dirigés par une personne différente, mais qu’en définitive, elle était la seule dirigeante. Car elle était la seule à connaître l’emplacement des différents refuges. Avec ses frères. Ils étaient chargés des ravitaillements, car chaque village indépendant fonctionnait en autarcie, ainsi que du transport des nouvelles arrivantes et des Nazaréennes souhaitant ou se trouvant assez fortes pour rentrer.

 

En se promenant, Lizzie vit qu’il y avait une école primaire et un collègue/lycée assez petit mais présent tout de même. Elle trouvait cet endroit incroyable. Il représentait tout ce qu’une ville pouvait apporter de bon, sans les inconvénients. Et la sécurité était une notion prise tellement au sérieux qu’elle se sentait en sécurité ici.

 

Elle passa ensuite à côté d’un camp d’entraînement ou des nouvelles arrivantes apprenaient les bases et ou d’autres, qui formait la milice de l’île, se maintenait en forme. Chaque refuge appelé aita, avait sa propre milice. Questions de sécurité.

 

Linya avait négligé ce détail il y a 5 ans et un de ses refuges avait été découvert. Les femmes avaient été massacrées et les enfants kidnappés. Tout ça parce qu’une des femmes avait accidentellement expliqué où elle se trouvait à sa sœur inquiète. Et qu’aucune force défensive n’avait été mise en place.

 

Depuis Linya avait interdit le téléphone et le web. Seules les régentes et elle-même en étaient pourvues. Et elle avait mis en place ce système obligatoire d’auto-défense. Celles qui le souhaitaient pouvaient ensuite intégrer la force militaire de l’aita. La plupart le faisait, le temps de leur séjour au moins. Et les enfants étaient acceptés à partir de 14 ans. Les plus jeunes devaient se contenter de l’apprentissage individuel de défense.

 

En les regardant s’agiter avec conviction, Lizzie sentit une petite pointe d’envie. Elle ne savait pas pour combien de temps elle était là, mais si elle en avait l’occasion, elle aimerait intégrer la force militaire de l’île.

 

Elle les observa un moment, puis reprit sa promenade. Elle passa devant un drugstore, puis une pizzeria et s’arrêta avec curiosité devant une salle de jeux vidéo ou plusieurs jeunes s’amusaient puis poursuivit son chemin.

 

En passant près d’un restaurant, elle avisa un groupe de femmes qui discutaient à voix basse. Lizzie avait suffisamment d’expérience de la rue pour savoir quand quelque chose se tramait.

 

Elle s’installa à une table proche, mais pas trop pour ne pas éveiller les soupçons et commanda un diabolo menthe. Elle ferma ensuite les yeux, puis se concentra sur les murmures derrière elle. 

 

Ce qu’elle entendit la laissa perplexe. Les femmes avaient apparemment dans l’idée de se venger de leurs tourmenteurs. Elles étaient en train de se mettre d’accord sur la façon de rester en contact une fois de retour sur le continent pour le faire. Jusque là Lizzie n’y voyait pas à redire, même si elle se doutait que Linya n’apprécierait pas. Mais ce qu’elle ne pigeait pas c’était le « autres hommes ».

Que voulaient-elles dire ? Qu’elle allait faire payer tout les hommes sans distinction ?

 

Là, elle était moins ok, même si elle pensait que la plupart des mecs étaient irrécupérables, Gin lui avait montré que certains étaient plutôt cools.

 

Devait-elle prévenir Linya ? Elle qui s’était vengée, comprenait bien les sentiments qui habitaient ces femmes et elle ne se sentait pas le droit de les dénoncer. Mais elle savait aussi que Tia n’aimerait pas qu’elle les laisse faire. Elles connaissaient trop bien le poids que la vengeance laissait derrière elle. Et son goût amer.

 

Que devait-elle faire ? Les dénoncer ou les laisser faire ?

 

 

****************************

 

 

- Tu vas bien ? interrogea Linya.

 

Alexia ne lui répondit pas. Elle était assise sur le lit en bambou de son amie et regardait le sol, complètement absente. Elles étaient arrivées le matin même et elle avait passé la nuit à ressasser sa « trahison » envers Tia. Elle n’aurait jamais dû partir. Quand elle avait su que Tia avait des ennuis, elle aurait dû trouver un moyen de se rendre auprès d’elle, quoi qu’il lui en coûte. Elle lui avait promis qu’elle ne la laisserait jamais, qu’elle n’avait besoin que d’elle pour être heureuse et voilà qu’au premier problème elle prenait la fuite !

 

Peu importait qu’elle ait fait ce que Tia attendait d’elle. Peu importait que la logique et la raison lui dictait de protéger Lizzie. Peu importait aussi de savoir qu’elle n’aurait rien pu faire pour elle. Elle n’entendait que sa culpabilité et son chagrin.

 

Elle savait que Tia avait des ennuis autres que celui d’être emprisonnée. Et elle savait aussi que ce n’était que le début. L’idée même qu’elle puisse ne pas la revoir avant des années, la torturait. C’était pourtant une idée très plausible. Elle était enfermée et même si Tia était douée, elle ne la voyait pas s’évader ainsi d’une prison de haute sécurité, sans parler du fait que les hommes du Dõn la faisaient forcément surveiller et voudraient tôt ou tard la faire parler.

 

Linya dévisageait son amie avec inquiétude. Alexia était pâle et défaite. Elle semblait sur le point de s’effondrer, comme si un poids trop lourd pesait sur ses épaules. Elle avait mal et s’en voulait, mais Linya ne savait pas pourquoi et ça la tuait.

 

Elles étaient amies depuis si longtemps. Quasiment depuis leur naissance ! La mère d’Alexia, Penjam, était une fervente adepte des idées libérales que soutenait sa propre mère. Elle s’était engagée à ses côtés afin de promouvoir ses idées et finalement, c’était Penjam qui était devenue une icône pour les pauvres et les déshérités. Lidya, sa mère, avait trouvé cela amusant et n’avait pas hésité à la soutenir.

 

Aujourd’hui, 17 ans après son décès, Lydia était devenue Gouverneur des Trois états. En Amérique du Nord, les états étaient rassemblés depuis 100 ans maintenant, en différents groupements. Les 50 états étaient divisés en diverses associations. Les Trois états regroupaient l’état de Californie, de l’Oregon et de Washington. C’était une des associations les plus influentes des USA. Il y avait aussi l’association du centre-Est, qui regroupait les états du Dakota du Sud et du Nord, du Nebraska, du Kansas, de l’Oklahoma et du Texas qui était le première influence du pays et les Trois Parques qui regroupaient les états du Maine jusqu’à

la Géorgie

, soit les 15 petits états bordant la pays. Les Trois Parques portaient le nom de leur fondateur féru d’histoire grecque. L’association, à sa création, ne regroupait que 3 états, New-York,

la Virginie

et

la Géorgie

qui à l’époque décidaient du sort du pays à eux seuls.

 

Il y avait bien sûr d’autres associations, mais Linya elle-même ne les connaissaient pas toutes car c’était ces trois là qui possédaient le plus d’influence autant dans le pays que sur le plan de la politique internationale.

 

Linya avait deux ans de plus qu’Alexia et elle la considérait depuis toujours comme sa petite sœur. D’ailleurs ses frères faisaient de même. Il faut dire qu’elles s’étaient rencontrées à la crèche et ne s’étaient pratiquement plus quittées jusqu’à l’université où elles avaient pris des options différentes. Linya avait été proche de sa défunte sœur mais beaucoup moins que d’Alexia qui n’avait d’autres liens avec elle que ceux qu’elles s’étaient choisis. Elles s’aimaient comme des jumelles malgré leurs différences d’âge et étaient aussi proches que pouvaient l’être deux personnes qui n’étaient pas amoureuses.

 

Linya s’assit à côté d’elle et posa une main sur son épaule. Alexia tourna la tête vers elle et le regard fragile et perdu qu’elle lui lança, lui frappa le cœur.

 

- Oh, petite sœur, murmura-elle en l’attirant vers elle.

 

Alexia s’agrippa au corps familier de sa meilleure amie et ne chercha plus à étouffer ses pleurs. La peur qui l’étreignait était si forte qu’elle menaçait de l’engloutir.

 

- Je veux la revoir, sanglota-elle.

 

Linya sentit tout l’amour et l’angoisse qui se cachait derrière ces simples mots et en fut bouleversée. Elle la serra contre elle un peu plus et la réconforta du mieux qu’elle put, lui chuchotant des mots apaisants en Gaélique, une langue qu’Alexia avait toujours trouvée poétique.

 

Lorsqu’enfin elle se calma, Linya recommença à respirer librement. Elles avaient toujours partagé leurs problèmes et leurs souffrances comme si cela leur arrivait aussi. Ça avait parfois rendu les choses difficiles, autant pour elles que pour leur entourage, mais chacune d’elle avait pris la mesure de l’honneur et du miracle que c’était d’avoir rencontré une âme-sœur.

 

- Chérie, commença Linya, tu sais que je t’aime, et que je ferais n’importe quoi pour toi…

 

Elle attendit le hochement de tête puis continua :

 

- Mais si tu ne me dis pas ce qui se passe exactement dans ta petite tête blonde, je ne vais rien pouvoir faire.

 

Nouveau hochement de tête.

 

- Bon alors, si on se comprend, explique-moi, je t’écoute.

 

Et c’est ce qu’elle fit. Ce fut, long et parfois laborieux car Alexia, si elle était très bonne conteuse, était véritablement une nullité lorsqu’il s’agissait d’expliquer ses émotions. Toutefois, grâce à une longue pratique, Linya y parvint vite.

 

- Bon alors, je ne connais pas très bien ta Tia, mais elle m’a l’air de quelqu’un qui n’apprécierait pas vraiment que tu te complaises dans tes remords, qui soit dit en passant n’ont pas lieu d’être. Elle t’a demandé de partir, de te mettre à l’abri, ce que tu as fait. Elle t’a demandé de ne pas la rejoindre quelques soient tes raisons. Et c’est ce que tu fais. Maintenant tu ne supportes pas d’être là, sans pouvoir faire quoi que se soit pour elle et tu te laisses paralyser à la fois par ta peur de ne pas la revoir et par ta culpabilité d’une trahison imaginaire. Si, si, imaginaire chérie, confirma-elle en la voyant sur le point de protester. Si tu réfléchissais normalement, tu le verrais. Tu as peur de la perdre ? Tu penses devoir être avec elle ? Alors sois-le chérie ! Mais utilise ta tête. Tu connais ses contacts, non ? Alors appelle-les. Ils pourront sûrement l’aider ou à défaut t’orienter dans la bonne direction. Et en ce qui concerne ta place auprès d’elle…

 

Linya lui prit la main et la pressa gentiment.

 

- Tu es avec elle à chaque seconde.

 

- Qu’est-ce que tu racontes ? Je ne suis pas…

 

- Alex, l’interrompit-elle doucement, chaque seconde où tu penses à elle, chaque fois où tu te la rappelle, elle est avec toi. Et je l’ai vue te regarder, tu sais… elle t’aime au moins autant que tu l’aimes, alors elle fait probablement comme toi. Elle pense à toi. Et dans ses moments là, tu es avec elle… Si vraiment, elle a des ennuis comme tu le crois, alors elle doit penser à toi chaque seconde que dieu fait et tu ne la quittes pas d’une semelle. Cesse de t’inquiéter, Alex car en vérité, vous ne vous êtes jamais quittées.

 

Alexia était stupéfaite. Les paroles de Linya ne sonnaient pas seulement juste… elles étaient vraies. Émue aux larmes, Alexia se mordit la lèvre, décidée à cesser de pleurer. Elle devait réagir. Tia ne se sortirait pas d’affaires toute seule cette fois et Linya avait raison, sa mercenaire serait très déçue et agacée de la voir s’effondrer ainsi. Elle ne voulait surtout pas qu’elle pense qu’elle n’avait rien retenu de son apprentissage et qu’elle avait perdu son temps avec elle durant cette dernière année.

Tia disait souvent que s’il y avait un moyen de sortir d’une ornière on ne le trouverait pas en râlant.

C’était probablement aussi valable pour les pleurs.

 

Elle téléphona tout d’abord à Enyalios mais une fois de plus, elle ne parvint pas à le joindre. Elle lui laissa un message qui résumait la situation de Tia de façon concise puis appela Karl qui lui avait fait une bonne impression et après quelques petits ratage dûs à la mauvaise connexion, Alexia avait oublié qu’elle se trouvait sur une île, elle put lui exposer le problème.

 

Il eut l’air soulagé de l’entendre et lui expliqua qu’il avait reçu le message de She-wolf la concernant. Elle le rassura et lui expliqua ensuite la situation de Tia. Il eut l’air très inquiet pour elle, ce qui la réconforta, et promit de se dégager de ses obligations, pour se rendre au plus vite en Italie. Là-bas il se mettrait en contact avec Katrina comme si Tia et elle ne se connaissaient pas et l’engagerait comme son avocate. A partir de là, il verrait ce qu’ils pourraient faire ensemble.

 

C’est une Alexia éminemment soulagée qui lui transmit le numéro de Katrina puis raccrocha.

Elle appela ensuite la jeune femme pour la mettre au courant des dernières nouvelles et Katrina eut l’air aussi soulagée qu’elle de l’arrivée des renforts. Surtout d’un agent des forces de l’ordre !

 

Pour finir, elle hésita. Elle pouvait encore appeler quelqu’un. Mais Tia lui avait expressément recommandé de ne jamais en rien faire, car elle était trop instable. Seulement Waco était la seule à savoir ce qui s’était réellement passé là-bas. Si elle était sur place, peut-être pourrait-elle faire quelque chose avec Karl et Katrina ? Après tout c’était pour elle que Tia se trouvait en Italie. C’était un peu de sa faute si elle avait des ennuis.

 

Elle se décida donc à composer le numéro obtenu de Karl et attendit les sonneries. Trois retentirent avant qu’enfin Waco ne décroche.

 

- Waco ? fit-elle hésitante. C’est Alexia.

 

- Oh, la petite blonde chérie de notre She-wolf m’appelle, railla la mercenaire. Que me vaut cet indubitable bonheur ?

 

Alexia soupira, consciente de l’hostilité qui émanait du combiné, avant de débiter d’une traite :

 

- She-wolf à des ennuis. Elle a été arrêtée, j’imagine que tu le sais ?

Un éclat de rire joyeux l’interrompit et lui apprit que ce n’était pas le cas. « Elle est complètement timbrée, je ne vois pas ce qu’il y a de réjouissant à ça ! »

 

- Oh, alors ça, ce doit être ce que l’on appelle le Karma, ricana Waco.

 

- Euh… Écoute, si je t’appelle c’est pour savoir si tu accepterais de m’aider, fit-elle sans comprendre ce qu’elle voulait dire.

 

- A sortir ta chère et tendre de son merdier ?

 

- Eh bien oui.

 

«  De quoi on parle depuis deux minutes à ton avis ?! » songea-t-elle franchement exaspérée.

La première réaction de Waco fut de refuser avec délectation. Puis une idée lui vint et elle réfléchit.

 

- Ok princesse. Mais je vais avoir besoin de ton aide.

 

Alexia fut tellement surprise de l’acceptation et de la proposition inespérée de collaboration qu’elle ne se méfie pas. Pourtant sa soudaine gentillesse aurait dû lui mettre la puce à l’oreille.

 

 

***************************

 

 

Le lendemain elle expliqua à Lizzie et Linya où elle se rendait et pourquoi, et leur jura qu’elle serait prudente et vite de retour. Elle devait seulement donner un coup de main logistique à Waco, elle n’aurait même pas à se rendre hors de

la Grèce

!

 

Lizzie fut un peu inquiète de ce nouveau départ. Elle avait l’impression que tout le monde l’abandonnait. Elle n’était pas très fan d’Alexia mais elle était l’adulte avec lequel elle avait passé le plus de temps et qui s’était occupé le plus d’elle et ça lui faisait bizarre de lui dire au revoir.

 

En la regardant monter dans l’hydravion, elle eut soudain l’impression tangible et angoissante qu’elle ne la reverrait pas. Exactement comme Tia.

 

 

 

**************************

 

 

Tia était couchée sur le sol capitonnée de sa cellule. Cela faisait trois jours que l’infirmière avait délivré son message à Alexia et elle passait son temps entre son inquiétude pour elle et son dégoût d’elle-même.

 

Roulée en boule, les yeux fixant les ténèbres de sa cellule, elle ne pensait à rien. Soudain une lumière filtra de la porte et comme tous les jours depuis son isolement, l’infirmière entra dans la pièce et s’agenouilla près d’elle. Elle lui caressa les cheveux quelques minutes, essayant seulement de l’habituer à sa présence et de lui apporter un peu de réconfort.

 

Depuis qu’elle avait téléphoné à son amie, elle avait noté une amélioration. Elle revenait plus souvent au temps présent et ne partait plus aussi loin, mais son regard restait éteint et elle n’avait pas l’air de vouloir se battre.

 

Elle s’éloigna de sa tête puis entreprit de soigner ses plaies. Elle inspecta ensuite les côtes de sa patiente et y passa une crème apaisante. Enfin elle se tourna vers son visage et appliqua antiseptique et crème sur la partie visible. Puis elle s’assit près de sa tête, appuya son dos contre le mur et posa sa main sur les cheveux noirs, la caressant lentement en regardant droit devant elle.

 

Les gardes ne dirent rien. Ils avaient l’habitude, elle faisait cela avec toutes celles qui passaient ici. Elle ne faisait rien de mal et les prisonnières appréciaient ce privilège et s’en souvenaient plus tard. Les gardes préféraient les savoir reconnaissantes envers eux, qu’hostiles. Alors il lui laissait une heure chaque jour, qu’elle passait à essayer de les reconstruire.

 

Souvent l’infirmière avait l’impression très forte, que la prisonnière ne l’entendait ni ne la sentait. C’était comme si elle niait son existence. Afin peut-être de pouvoir nier le reste du monde aussi ?

Ici dans cette cellule capitonnée, enfermée dans le noir, il était facile d’oublier qui l’on était. Cet endroit détruisait la plus dure des prisonnières. Il facilitait si bien le retour des souvenirs et l’introspection.

 

Pourtant elle sentait qu’il n’y avait pas que cela pour cette prisonnière ci. Elle allait mal avant même d’y entrer et cet endroit… c’était comme s’il amplifiait ses peurs. Et c’était probablement le cas. C’était à cela qu’il servait.

 

Cette cellule était le croque-mitaine des prisonnières et si elle en comprenait l’utilité elle ne l’approuvait pas. C’était un procédé trop brutal, trop violent. Il ne gardait pas les filles dans le droit chemin, il les brisait et elles mettaient des semaines à s’en remettre.

 

Cependant, la plupart de celles qu’elle aidait réagissaient à sa présence. Celle-ci le faisait parfois, mais c’était rare. La plupart du temps, elles passaient l'heure ainsi. La prisonnière enfermée sur elle-même tant physiquement que mentalement ne bougeait pas, ne lui répondait pas, ne la regardait même pas. Elle ne voulait pas de son aide et l’infirmière à court d’idée se contentait de lui caresser la tête et parfois de lui chanter une chanson. Ce pouvait être une comptine comme une musique qu’elle venait d’entendre à la radio et qu’elle aimait bien.

 

Le plus important était de combler ce silence pour lui rappeler que la vie attendait quelque part au dehors, et qu’elle devait tenir jusqu’à ce qu’elle puisse le rejoindre enfin.

 

Aujourd’hui elle avait opté pour une ballade irlandaise. Sa voix douce s’accordait bien avec les paroles et Tia semblait appréciée. Elle ferma les yeux et expira doucement. L’infirmière la regarda en souriant et continua sans rien dire.

 

Lorsque la dernière note s’évanouit dans les airs, Tia rouvrit les yeux et se déplaça légèrement, de façon à voir le visage doux de l’infirmière.

 

Elles se regardèrent longuement sans échanger un mot et Tia y vit une bonté si grande et une force si inébranlable qu’elle se sentit entourée d’un halo d’amour. Une chaleur et une sécurité réconfortante l’envahirent. Elle se redressa légèrement et l’infirmière comprenant ce qu’elle voulait, se rapprocha et glissa ses jambes sous sa tête.

 

Tia la reposa et l’infirmière reprit sa caresse. Au rythme régulier de ce geste, elle ferma les yeux et malgré elle, s’endormit d’un profond sommeil.

 

Elle ne rêva ni de Sassem, ni d’Alexia ni même de Jessica… elle dormit d’un sommeil sans rêve. Un sommeil qui lui était refusé depuis plusieurs semaines.

 

Et le lendemain lorsqu’elle s’éveilla, elle se sentit enfin reposée.

 

 

*****************************

 

 

Le lendemain, elle sortit enfin du cachot. Et la première chose qu’on lui annonça fut qu’elle avait de la visite.

 

Elle tressaillit et regarda avec crainte le garde qui était venu la chercher. Il lui tapota l’épaule avec un sourire désolé. Il avait entendu ce qu’elle avait fait à Jessica et il avait vu ce qu’il restait d’elle, mais elle avait l’air si fragile ainsi, les cheveux défaits, le teint blême, les traits tirés et les yeux rouges, qu’il ne pouvait faire autre chose que compatir.

 

Il la conduisit au parloir et la poussa gentiment en direction de la chaise.

 

Tia n’osait regarder son visiteur. Elle craignait le retour de Sassem et son état était si lamentable qu’elle ne se sentait pas la force d’y faire face.

 

- T’as une tête à faire peur, fit une voix familière.

 

Tia releva la tête avec une rapidité incroyable qui rassura un peu son interlocuteur. Elle fixa le visage inquiet et tendu d’Enyalios.

 

Il était là… Elle ne parvenait pas à y croire. Elle n’était plus seule, il allait l’aider… Elle ne savait pas en quoi, ni comment, mais à chaque fois qu’elle avait été submergé par ses doutes, ses peurs ou ses démons, il l’avait aidée. Ils n’en parlaient jamais, n’avaient par ailleurs jamais échangé un mot sur ces « crises » mais il avait été là et n’était jamais parti.

 

Alors maintenant qu’elle le voyait ici, elle savait que tout allait s’arranger.

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