Conquise, partie 6
Par Leslie Ann Miller
Disclaimers- Les personnages de Xena et
Gabrielle appartiennent à Universal et Renaissance Pictures. Aucune violation
du copyright n’est intentionnée.
Violence- Oui, assez. Rien de pire que
vous pouvez voir dans la série.
Subtext/sexe- Oui, cette histoire décrit
des actes sexuels entre femmes. Si c’est illégal où vous êtes, vous devriez
essayer de lire autre chose.
Hurt/Comfort- Oui
Autres- Cette histoire est basée sur
l’épisode d’Hercules « Armaggedon Now »
Remerciements-
Je suis
spécialement reconnaissante à Fizz pour toute son aide. Egalement merci à Ellen
et les ex- gardes ? pour leur relecture et leur assistance.
Laissez-moi savoir en anglais ce que vous en pensez,
bon ou mauvais ! Mon adresse mail est : Gunhilda@ionet.net (auteur)
Ou
en français à gagamare@free.fr ! (traductrice)
Le matin suivant, je trouvais quatre gardes très ensommeillés debout au sommet des escaliers conduisant à la prison de Xena. Je pouvais dire à leur maintien tandis que j’approchais que quelque chose allait de travers.
« Quelque chose ne va pas ? »
demandais-je.
Les gardes échangèrent des regards. « Et bien,
ma dame, la gardienne est déjà en bas. »
Mon cœur sombra de terreur. « Depuis combien de
temps ? »
« Depuis un peu après minuit. »
« Quoi ? Est-elle seule ? »
« Eh bien, elle nous a ordonné de rester à
l’écart, sous peine de mort. »
« Ou est le capitaine Braxis ? »
« Dans ses quartiers, pour autant que je sache. Il sait qu’il ne vaut mieux pas interférer lorsqu’elle a bu. »
« Elle était saoule ? »
Ils acquiescèrent tous les quatre sombrement. J’eus
la soudaine impression que ce n’était pas la première fois que ça arrivait.
« Comment savez-vous qu’elle n’est pas
blessée ? » Ou qu’elle n’a pas
tué Xena, pensais-je en moi-même.
« Oh, elle ira bien, ma dame, bien qu’elle va
se réveiller avec un sacré mal de tête, si vous voyez ce que je veux
dire. »
Je soupirais, me demandant ce que j’allais trouver
dans la cellule en bas. Une ou même les deux, mortes ou mutilées, sans doute,
bien que même saoule, Thalassa aurait eu l’avantage. Je regardais un des gardes
dans les yeux. « Allez chercher le guérisseur. Vous trois venez avec
moi. »
Quand nous atteignîmes le fond, deux des gardes
vinrent manier la manivelle.
« Pas la peine, » leur dis-je. Xena était
étendue dans un amoncellement sanguinolent au plus profond de sa cellule.
Thalassa était assise, le dos contre le mur, fouet en main, une bouteille de vin
entre ses jambes à moitié étendues, clairement inconsciente. Il y avait une
flaque de vomi à côté d’elle.
Je boitillais vers elle. « Thalassa, » lui
dis-je, la tapotant avec une béquille. « Réveille-toi ! »
Elle grogna mais ne bougea pas.
« Thalassa, debout ! »
Elle murmura quelque chose, mais ne remua toujours
pas.
Je me tournais vers les gardes. « Vous deux,
emmenez la à ses quartiers. Toi, va chercher un seau et de l’aide pour nettoyer
ça. » Je désignais le vomi avec dégoût. « Et donnez-moi ses clefs. »
« Ma dame ? »
« Passe-moi ses clefs, s’il te plaît. »
Le soldat jeta un œil à la forme flasque de Xena,
avant de revenir sur moi, et se racla la gorge.
Je savais par expérience que les soldats était
entraînés à obéir à une certaine autorité de voix, et mon amitié bien connue
avec Alexandre ne serait pas un maigre poids pour n’importe quel loyal sujet du
nouvel empire. Quand il devint évident qu’il n’allait pas accéder à ma requête,
je saisis le devant de son uniforme et le baissais, faisant en sorte de le
regarder dans les yeux. « J’ai dit, donne-moi les clefs. »
« Ou- oui ma dame, » dit-il, et se baissa
pour les saisir de la ceinture de la dirigeante. Il me les tendit ; puis,
avec l’aide de son partenaire, se pencha pour la prendre. Ensemble, ils la
portèrent en haut des escaliers.
Je fus laissée seule avec Xena. Je ne pouvais pas
dire si elle était seulement vivante, de là où je me tenais, alors j’approchais
avec précaution. « Xena ? Es-tu réveillée ? »
Bien que je réalisais que ça pouvait être un piège
très habile, en jugeant de la quantité de sang sur ses habits et sa peau,
quelque part, j’en doutais.
Je la tapotait avec une béquille, mais elle ne
répondit pas. Je ne pouvais pas dire si elle respirait.
Je ne pouvais pas vraiment bien l’aider avec les
barreaux entre nous, alors j’allais jusqu’à la porte de la cellule et la
déverrouillais.
« Au nom des dieux, mais que
faites-vous ? » demanda une voix derrière moi.
Je me retournais pour voir le guérisseur, Artorus,
et un garde debout en bas des escaliers.
« Ah bien, » dis-je, et fis un signe à
Artorus. « Je ne peux pas dire si elle respire. »
Artorus, qui étais un vieil homme aux cheveux gris,
secoua sa tête avec véhémence. « Je n’irai pas là-dedans ! »
« Regarde le sang ! C’est évident qu’elle
est blessée ! »
« Et alors ? » demanda-t-il.
Deux mots qui voulaient tout dire. « Alors
laisse tes bandages et va soigner Thalassa, » lui dis-je dégoûtée. Je
regardai le garde. « Va me rapporter de l’eau, du vin et des
couvertures. »
Aucun des deux ne bougea.
« Fais-le ! » hurlais-je finalement, et le garde tourna les
talon et s’enfuit dans les escaliers.
« Où veux-tu ça ? » demanda acidement
le guérisseur, élevant son sac.
« Là, près de la cage pour que je puisse
l’atteindre. As-tu amené des bandages ? »
« Bien sûr ! »
« Bien. Maintenant, ferme la porte derrière moi
si tu veux. » Je lui tendis les clefs. Je rejetais mes béquilles au loin
et sautais à cloche pied dans la cellule de Xena. Il n’y avait pas de raison
d’apporter des armes potentielles à l’intérieur avec moi, si Xena était encore
en vie et décidait de devenir violente.
Le guérisseur ferma la porte derrière moi comme je
lui avais demandé, puis partit, me laissant seule dans la cellule avec la femme
la plus dangereuse du monde. Suis-je
folle ?
Oui, je n’avais aucun doute là dessus. Mais quelque
chose m’incitait à continuer.
Je m’installais à côté de Xena et la fit rouler sur
son dos. Elle était inconsciente, mais elle respirait. Apparemment, Thalassa ne
s’était pas bornée à la fouetter, car en plus des innombrables marques couvrant
à la fois l’avant et l’arrière de son corps, il y avait des contusions sur sa
figure et du sang coagulé avait fait son chemin de son nez.
Il ne restait pas grand chose de sa tunique en
lambeaux, et j’enlevais prudemment ce qu’il en restait, essayant de ne rouvrir
aucune des blessures dont la croûte s’était déjà formée. Alors qu’au premier
regard il semblait y avoir eu beaucoup de sang pour des coups de fouet, aucune
des blessures ne semblait spécialement profonde ou sérieuse. Thalassa était
vraiment bonne avec son fouet. Si elle avait eu l’intention de tuer Xena, elle
l’aurait pu. Manifestement, elle n’avait que l’intention de punir et de
mutiler.
Lorsque le garde arriva, apportant des couvertures
et des gourdes d’eau et de vin, je commençais à nettoyer et à panser ses
blessures. Je n’étais pas une guérisseuse, mais j’en avais fréquemment aidé
pendant la guerre, alors je savais à peu près ce que je faisais.
Xena remua alors que je commençais à enlever le sang
de sa figure. Je me figeais alors que ses yeux papillonnèrent pour s’ouvrir,
puis je soupirais de soulagement lorsqu’elle les referma. Malgré mon offre de
la dernière fois, je ne voulais vraiment pas être surprise dans la cellule avec
elle alors qu’elle était éveillée.
« Ne t’inquiète pas, » murmura-t-elle, me
faisant sursauter. « Je le mérite. »
C’était les derniers mots que j’avais prévu
d’entendre provenant de la bouche de la destructrice des nations. Même les deux
gardes qui nettoyaient le vomi de Thalassa relevèrent la tête de surprise.
« Laisse… moi… juste… mourir. » Elle
luttait pour dire chaque mot.
Je ne m’attendais pas à ça. « Pas
aujourd’hui, » lui dis-je doucement, plus du tout effrayée par le fait
d’être avec elle. « J’ai encore une histoire à te soutirer. »
Sa bouche se tordit en un sourire, toujours sans
ouvrir les yeux. « Cyrène… peut… te la raconter. »
« Cyrène ? D’Amphipolis ? »
« Ma… mère. »
Si je n’avais pas déjà été assise, je suis sûre que
je me serais écroulée de stupeur. Cyrène était la mère de
Xena ? ? ? ! Maintenant c’était une histoire
intéressante ! « Je ne vais toujours pas te laisser mourir. »
Xena ouvrit ses yeux et me regarda, et la douleur
que je vis dans leur bleu profond fit se retourner mon cœur. « Pourquoi…
non ? »
La vérité était que je ne le savais pas. Mais la
réponse désinvolte était au bout de ma langue avant que je ne puisse la
censurer. « Parce que tu n’as pas encore admis que tu as été
conquise. »
« Jamais ! »
Je souris malgré moi. Voilà la Xena que je
connaissais. « Tu vivras très longtemps, alors. »
Elle grimaça de douleur. « Si… je… l’admets… me
laisseras-tu… mourir ? »
Je secouais la tête et portais la gourde de vin à
ses lèvres. « Non. Maintenant tu dois boire ça. »
« Tu… es… pire… que… Thalassa. »
« Ca alors, merci ! Maintenant
BOIS ! » Je lui mis presque le vin de force dans la gorge.
Elle crachota, toussa, puis grimaça.
« Salope. »
« Je n’ai encore rien fait, » dis-je d’un
air suffisant, avant de la forcer à boire encore.
« Je préférerais de l’eau, »
grogna-t-elle, semblant soudain plus cohérente.
Je changeais de gourdes. « Très bien. »
Je la regardais calmement tandis qu’elle buvait
jusqu’à la dernière goutte. Pourquoi faisais-je ça ? Pourquoi je ne la
laissais pas mourir ? Ne désirais-je pas la voir morte ? Si Cyrène
était réellement sa mère, je pouvais certainement tirer toutes les informations
de sa part. Il était évident qu’une personne comme Xena préférerait la mort à
être encagée et battue comme ça. Si je croyais réellement en la miséricorde, ne
devrais-je pas me lever, partir, et la laisser mourir ? Etait-ce parce que
je voulais la voir souffrir plus longtemps ? C’était une pensée horrible,
mais honnête.
Xena grogna doucement et changea de position sur le
granite froid. Elle commença à grelotter.
Que les dieux
me viennent en aide ! Je regardais son corps, ses nouvelles plaies qui couvraient de
vieilles cicatrices. Je regardais ses mains avec leurs longs doigts pleins de
grâce, et sa peau, ses lèvres pâles ; ses cheveux collés par son sang, et
ainsi que ses doux cils. Elle ressemblait à une personne, non un monstre, et
c’était là-dedans, réalisais-je, que se trouvait mon problème.
Xena était devenue à un certain point une réelle
personne pour moi. Je pouvais haïr la Conquérante, la bête inhumaine qui
m’avait crucifiée, je pouvais haïr l’enfer et l’injustice personnifiés, mais le
corps en face de moi n’était ni la Conquérante ni la Destructrice des Nations.
C’était juste une femme qui souffrait. Et malheureusement, c’était le genre de
personne à laquelle je faisais attention. En dépit du fait que j’avais
pleinement conscience du fait qu’elle serait probablement plus heureuse morte,
je ne pouvais pas me forcer à laisser ça arriver. De même que je ne pourrais jamais noyer des chatons !
Je pris une profonde inspiration. Pour le meilleur
ou pour le pire, c’était ce que je devais faire. Je terminais de nettoyer et de
bander les plaies de Xena, attentive à ressortir toutes les fournitures de soin
de la cellule dès que j’en avais fini avec elles, puis l’enroulais dans les
couvertures.
Finalement, Thalassa elle-même chancela jusqu’en bas
des escaliers pour me laisser sortir. Elle ne dit rien tandis qu’elle
déverrouillait la porte de la cellule.
Je me relevais et sautais à cloche pied jusqu’à la
porte. Thalassa se baissa pour attraper mes béquilles et me les tendis.
« Merci, » dis-je en les prenant.
Thalassa referma la porte et la verrouilla.
« Elle aurait pu te tuer, tu sais, » dit-elle sans me regarder.
« Elle ne l’a pas fait, » fis-je en haussant
les épaules.
« Désires-tu tant que ça t'offrir toi même en
sacrifice à elle ? » demanda la dirigeante, cachant difficilement
l’aigretté de sa voix.
J’étais fatiguée et toute retournée
émotionnellement, alors je n’avais vraiment pas envie d’avoir cette dispute. Je
soupirais lourdement. « Ecoute, je ne m'offre pas en sacrifice à elle.
Elle n’était pas tellement en condition pour me blesser, et pour pas mal de
raisons, je ne suis pas sûre qu’elle le voudrait quand bien même elle le
pourrait. »
« Qu’est-ce que tu veux dire ? »
Je secouais la tête. « Tu ne l’as pas entendue,
Thalassa. Elle est seule… et peut-être même qu’elle a des remords. Quand
j’essayais de nettoyer son visage, elle a dit ‘ne t’inquiète pas, je le
mérite.’ »
La dirigeante regarda Xena. « Je ne peux pas te
croire ! »
Je levais les yeux au ciel. « Eh bien, elle l’a
dit, que tu me croies ou pas. Tu peux demander à tes gardes ; ils l’ont
également entendue. »
Thelassa resta silencieuse un moment. « Est-ce
que tu vas demander à Alexandre de me faire remplacer ? »
demanda-t-elle finalement.
Je ne voulais pas discuter de ça maintenant, mais
elle méritait une réponse honnête. Je réfléchis pendant un moment.
« Non, » dis-je finalement, « mais à une condition. »
« Qui est ? »
« Tu arrêtes de torturer Xena. »
Thalassa prit une longue inspiration frémissante.
« Très bien, » dit-elle finalement.
Je pris le fouet à sa ceinture.
« Comment peux-tu la pardonner ? » me
demanda Thalassa alors que je me tournais pour partir.
Je m’arrêtais. « Je ne l’ai pas fait, »
lui dis-je honnêtement. « Mais ça ne signifie pas que je veux la voir
souffrir. »
« N’espère surtout pas que je vais te remercier
pour m’avoir sauvée, » marmonna Xena le matin suivant.
« Ne t’en fais pas, je n’y comptais pas dessus, »
fis-je en souriant. Elle semblait toujours aussi diminuée, mais au moins sa
mauvaise humeur était revenue. Je pris ça comme un signe qu’elle guérissait
rapidement.
« Va-t-en ! » marmotta-t-elle en
enroulant plus serré autour de ses épaules les couvertures.
« Non, désolée. Le bateau de ravitaillement est
venu ce matin, alors j’ai pleins de nouvelles à te rapporter. »
Elle voulait faire croire qu’elle était en colère,
mais je pouvais dire que secrètement, elle était contente.
Elle sembla même déçue lorsque je me levais
finalement pour partir.
« Je reviendrais demain, si tu me promets de me
parler de ton enfance, » lui dis-je.
« Qu’est-ce que je pourrais bien
dire ? »
« Trouve quelque chose qui me plaira. »
« Oh, d’accord. »
Ce soir-là, le capitaine Braxis m’aborda alors que
je quittais la salle à manger, et je pouvais dire par son expression que peu
importe ce qu’il me voulait, ça n’allait pas être plaisant.
« Bonsoir capitaine, » dis-je aussi
gaiement que je pouvais tout en m’endurcissant moi-même pour lui faire face.
« Que puis-je faire pour vous ? »
« J’aimerais avoir une conversation un moment,
si vous avez un peu de temps. »
« Mais certainement. » Je le regardais,
souriante en attendant la suite. Je savais que mon sourire pouvait être tout à
fait désarmant, et c’était pour le moment la seule arme que j’avais contre lui.
Il se frotta le menton et regarda nerveusement aux
alentours. Il se racla la gorge. « Les gardes m’ont raconté ce qui est
arrivé hier dans la cellule de Xena. »
« Ah… oui. Est-ce qu’il y a un
problème ? »
« Justement, oui. Tout d’abord, je n’apprécie
pas que vous donniez des ordres à mes gardes. Deuxièmement, vous n’avez pas à
interférer dans la manière dont Thalassa dirige sa prison. Et enfin, vous êtes
une stupide idiote pour ouvrir la cage de Xena, et vous avez de la chance
qu’elle ne se soit pas évadée et ne nous aie pas tous tués ! Sa cellule ne
doit JAMAIS être déverrouillée ! Est-ce que je me fais bien
comprendre ? »
Je raffermis ma poigne sur mes béquilles. Apparemment,
le capitaine n’était pas un homme à tourner autour du pot. Il fut un temps ou
des remontrances aussi claires m’auraient terriblement bouleversée, peut-être
même jusqu’au point de me tirer des larmes. Mais pas aujourd’hui. J’étais en
colère. « Si vous aviez été là quand on a eu besoin de vous, je n’aurais
pas eu besoin de distribuer des ordres à vos gardes, » dis-je froidement.
« Et si Thalassa faisait son boulot correctement, je n’aurais pas besoin
d’interférer ! Mais oui, vous vous êtes très bien fait comprendre !
J’espère seulement que je n’aurais pas besoin de vouloir ouvrir à nouveau la
cellule de Xena. »
Les muscles de la mâchoire de Braxis se tendirent et
se détendirent, et je sus que je venais juste de détruire toutes les chances
que je pouvais avoir d’obtenir la bonne volonté de cet homme. « Si vous
n’étiez pas le petit animal de l’empereur, » dit-il rudement, « je
vous aurais déjà éjecté de cette île. » Il tourna ensuite les talons et se
dirigea vers les escaliers menant au bureau de Thalassa.
Maintenant tu as tout gagné, Gabrielle,
me morigénais-je. J’avais
laissé mon caractère prendre le dessus, et je prévoyais que j’allais finir par
le regretter. Braxis pouvais facilement me rendre la vie dure sur cette île.
Cette nuit là j’allais au lit le cœur lourd, redoutant le lendemain matin.
Je me levais avec le soleil, mais la gaieté de
l’aube ne suffit pas à faire disparaître mon mauvais pressentiment. Même manger
ne le chassa pas de mon esprit.
Je rencontrai deux gardes dans l’escalier menant à la
cellule de Xena. Ils revenaient après lui avoir amené son repas matinal et se
mirent à faire demi-tour pour m’escorter en bas, laissant une torche derrière
pour moi.
Xena était pelotonnée dans un coin, nue et
grelottante. Elle ne leva pas la tête à mon approche.
« Thalassa t’a prit tes
couvertures ? » demandais-je, consternée.
Xena ne répondit pas, fixant toujours le mur.
« Tu n’as pas essayé de blesser quelqu’un avec
elles, n’est-ce pas ? »
Elle tourna lentement la tête et me lança un regard
furieux.
J’ingurgitais difficilement. Je n’étais pas tout à
fait sûre de comment interpréter ce regard. « Et bien, » demandais-je
plus fort. « L’as-tu fait ? »
Elle se retourna et fixa le mur. « Qu’est-ce
que tu crois ? » grogna-t-elle.
Je levais les yeux au ciel. « Si je le savais,
je n’aurais pas posé la question ! »
Une sorte de sourire traversa son visage.
« Vas-t’en, Gabrielle. Tu n’appartiens pas à cet endroit. »
Je fronçais les sourcils. Qu’est-ce que c’était
censé vouloir dire ?
Xena me regarda à nouveau, et ses yeux étaient
perçants. « Tu vas être blessée, petite fille. Vas-t’en pendant que tu le
peux encore. »
Bien sûr, lorsque que ça se mit à sonner comme un
ordre, je refusais d’obéir. Je m’asseyais sur le banc à la place et croisais
les bras. J’avais cependant été étonnée par ses mots. Elle ne pouvait
vraisemblablement pas être au courant de ma dispute avec le capitaine Braxis.
Peu importe l’explication, ses instincts étaient troublants.
Xena se renfrogna. « Parfait ! Reste avec
moi alors. Reste avec moi jusqu’à ce que tu pourrisses. » Elle appuya sa
tête en arrière contre les barreaux et ferma les yeux.
« Tu ne veux pas manger ? »
demandais-je, mentionnant la nourriture intacte à côté des barreaux.
« Je n’ai pas faim. »
C’était un mensonge, et je le savais. « Je ne
te crois pas. »
« Je me fiche de ce que tu penses ou
crois. »
Ca aussi, c’était un mensonge, pensais-je, mais je
haussais les épaules. « Et je me fiche que tu meure de faim ».
« Menteuse ! »
« Quoi ? »
« J’ai dit, ‘menteuse’. Si tu t’en moquais, tu
ne m’aurais pas aidée. »
« Crois-moi, Xena, Je commence à le regretter
de plus en plus chaque minute. » Et c’était la stricte vérité. A quoi je
pensais, à défendre la Destructrice des Nations contre Braxis et
Thalassa ?
Xena dut entendre ça dans ma voix également, parce
qu’elle ne répondit pas.
Je ne sais pas vraiment combien de temps nous
restâmes assis ici dans un silence total. Il y avait des choses que je voulais
lui demander, mais je ne pouvais me décider à parler. Alors je restais assise
et écoutait ses dents claquer. Peut-être que j’étais effrayée de dire quelque
chose parce que je savais qu’elle avait probablement raison. Je n’appartenais
pas à cet endroit. C’était l’île de Thalassa et la prison de Xena, et j’étais
là pour une mission idiote, me trouvant coincée entre la prédatrice et la proie
dans un changement de rôles tordu. Pire encore, je n’avais aucune idée de
comment faire pour annuler la chasse et j’avais de sérieux doutes si je devais
même essayer. Mais j’étais intriguée que Xena aie pensé à me prévenir, même
dans cette manière insultante qui lui appartenait.
Une demie journée passa, peut-être, avant que la
douleur sourde dans mon moignon de jambe devienne si insupportable que je fus
forcée de bouger. Je saisissais mes béquilles et me levais. « Merci,
Xena, » dis-je, « pour la plus divertissante des matinées. »
Elle renifla sans ouvrir les yeux. « Tu es une
salope, petite fille. »
« Une éclopée, tu veux dire ! »
« Ca aussi. »
Je souris, et allais trouver Thalassa.
La dirigeante était nichée dans son bureau, et,
comme Xena, elle ne releva pas la tête lorsque j’entrais.
Je soupirais. Je me sentais tant la bienvenue
partout où j’allais ! « Alors, a-t-elle essayé de blesser quelqu’un
avec les couvertures, ou les lui as-tu juste prises histoire de
rire ? »
« J’ai fait mon devoir de protéger mes
gardes ! » répondit platement Thalassa, soufflant sur l’encre
brillante du parchemin qu’elle était en train d’écrire.
« Est-ce que tu vas la laisser
nue ? »
« Oui. »
« Il fait froid là-bas en bas ! »
« C’est une prison. Je ne suis pas intéressée
par le bien-être de Xena. »
« Thalassa… » commençais-je.
Elle se leva vivement, renversant par inadvertance
le réservoir d’encre sur son bureau. « Ne viens pas me dire comment je dois
conduire ma prison, Gabrielle ! N’essaie même pas ! Maintenant sors
avant que j’appelle les gardes pour t’escorter. »
Je la regardais fixement, choquée par la menace, et
me demandant si elle allait la mettre à exécution.
« Gardes ! » cria Thalassa, et
j’entendis des pas grimper l’escalier de bois dehors.
Apparemment
oui. J’avais
poussé la chance la dernière fois avec les gardes, et il ne faisait aucun doute
que Thalassa et Braxis avaient mis au point des règles avec eux depuis lors. Je
n’avais vraisemblablement aucune autorité du tout dans cet endroit.
« J’y vais, » dis-je.
Les gardes arrivèrent et me regardèrent curieusement
avant de passer à Thalassa. « Gabrielle est fatiguée, » dit la
dirigeante. « Faites-en sorte qu’elle descende les escaliers en sécurité
s’il vous plaît. »
Suite dans la partie 7