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7 avril 2010

Indiscrétions, épisode 16

 

INDISCRETIONS

Deuxième Saison

Crédits :

Créé, Produit, Réalisé et Ecrit par :

Fanatic and TNovan

Episode Seize : Chaque Battement De Cœur Porte Ton Nom

Si certaines personnes sont devant la caméra et d’autres derrière, c’est pour une bonne raison. A regarder Kels se mêler aux célébrités de la salle, je sais que ma charmante épouse fait partie de la première catégorie. En un mot, elle captive tous ceux avec qui elle rentre en contact. Son sourire est contagieux, son port de tête plus que royal, et ça ne fait pas de mal qu’elle soit belle à tomber raide. Pour moi en tout cas. Et y a que moi qui compte.

Le tailleur habillé qu’elle a fait faire pour le déjeuner des Peabody Awards dissimule parfaitement sa grossesse. Sauf à mes yeux. Je peux voir le léger renflement qui représente nos enfants, notre futur ensemble. Je reconnais ce rayonnement autour d’elle qui ne vient pas d’elle seulement. Je sais qu’elle porte le camée posé contre sa peau.

Je la connais par cœur.

Kels est à son aise autour de l’armada d’appareils photos et de caméras vidéo qui sont en permanence braqués sur elle et les autres célébrités de la salle. La cérémonie des récompenses n’est pas diffusée, et je sais que ça aide son assurance. Comme ça il n’y aura pas trop de personnes qui étudieront les cassettes et qui pourraient découvrir notre secret. Le banquet, par contre, est documenté et photographié jusqu’à plus soif pour les archives.

Je pige aussi pourquoi Erik l’avait à son bras aussi souvent que possible. Seigneur, j’aimerais pouvoir l’avoir au mien. Elle rend les interactions sociales presque agréables. Elle sait comment flatter quelqu’un sans avoir l’air hypocrite. Elle sait quand il faut plaisanter, flirter ou offrir un commentaire perspicace. Elle est super avec les gens dans ce type de cadre.

Moi je suis productrice. On ne nous demande pas d’avoir des talents sociaux extraordinaire. Il faut qu’on ait des capacités d’organisation imbattables, une nature compétitive et les tripes de faire tout pour un reportage. Les gens ne nous trainent pas autour pendant les fêtes. Sauf les dirigeants. Eux ils savent qui est le pouvoir derrière le Talent.

Je la regarde rire et hocher la tête à quelque chose et je me rends compte de deux trucs. Un, je suis en train de la dévisager et il faut que j’arrête. Et, deux, j’ai à peine capté un mot de ce que me raconte notre ex-chef de KNBC depuis dix minutes. Je lance mon meilleur sourire professionnel à Chambers, comme si j’avais une idée de ce dont il causait. Ça peut pas être si intéressant que ça. Il ne l’était déjà pas avant.

Il reprend une gorgée de son scotch et fait une pause momentanée. « Je suis juste navré de vous avoir perdues vous deux. J’aurais aimé vous garder, mais je savais bien que ce n’était qu’une question de temps avant qu’on vous fasse une meilleure offre. »

« Ben, au moins on vous aura gagné un Peabody avant de partir. » KNBC recevra le prix et Chambers donnera le discours de remerciement en notre nom, comme nous ne travaillons plus pour eux. Mais même, c’est une très grande corde à mon arc d’avoir produit le sujet. C’est ce qui m’a fait gagner une place dans Indiscrétions. Et c’est ce qui m’aidera un jour à devenir Directrice Générale dans une station.

« Et comment, » reconnaît Chambers. « Vous deux vous êtes de la dynamite ensemble. Est-ce qu’ils réalisent la chance qu’ils ont, à CBS ? »

Okay, il était pas aussi amical quand on bossait pour lui. Je crois que le Peabody et le scotch jouent en ma faveur pour le moment. « On dirait. On nous donne de bonnes histoires. Nos chiffres sont bons. L’indice d’audience de Kels est haut. Vous et moi on sait tous les deux que ce sont les chiffres qui comptent. »

Je sirote ma propre boisson, un verre de merlot, et reporte le regard là où Kels se trouve. Elle a passé son bras autour de celui de Martin Sheen, dont la série télé, ‘A la Maison Blanche’, a gagné un Peabody cette année. La salle grouille de visages connus de L.A. Kels connaît déjà la plupart d’entre eux par sa relation avec Erik.

Purée, j’aimerais vraiment pouvoir l’avoir à mon bras.

Un carillon signale la fin du cocktail et le début du déjeuner. Ça c’est une bonne nouvelle. Je vais au moins pouvoir m’assoir à côté de Kels à table. Je salue poliment Chambers et joue des coudes jusqu’à nos places. Kels me rejoint bientôt.

« Salut. Je suis contente de m’assoir. Mon dos me tue. »

« Je m’en occuperai pour toi plus tard, » je chuchote avant que nos camarades de tablée nous rejoignent. Même si on a gagné pour un travail à KNBC, on est à la table de CBS puisque nous sommes leur propriété maintenant. On est rejointes par Langston, Kevin Daly – le patron de la branche infos, John Lawson Roth III –le président de la chaîne, et trois personnes de L’Université de Géorgie, puisque les Peabodys sont administrés là-bas par la Faculté Henry W. Grady de Journalisme et de Communication de Masse.

C’est George Foster Peabody, un banquier et philanthrope, qui a donné son nom au Peabody Awards. Ça me rappelle Papa, tiens. Hmm, je me demande si un jour Kels et moi on supervisera les Jonathan et Cecile Kingsley Awards.

Les Peabody sont conçus pour reconnaître l’achèvement et le service public rendu par ceux qui travaillent dans l’info. Que le reportage soit bien fait ne suffit pas, il faut aussi qu’il ait un impact significatif sur la société dans son ensemble. Le nôtre a été choisi, je pense, parce qu’il a contribué à révéler le mécontentement prêt à éclater dans une milice armée. On a aidé à la résolution majoritairement pacifique de la situation. Même si Kels et moi on a presque finies en dommage collatéral, ça n’a pas tourné en un autre Waco. Dieu merci.

Pendant un instant, je suis de retour à Omaha.

« Miss Stanton, croyez-vous que certaines choses valent la peine de sacrifier sa vie ? » demande Scamp, en dégainant un revolver alors même que Kels est en train de répondre. « Alors je vais peut-être pouvoir vous aider à vous rapprocher un peu plus de vos croyances personnelles. Parce que votre mort va sauver la vie de cent quarante personnes. Dommage que votre gouvernement était prêt à vous laisser mourir. »

Le gouvernement peut-être, mais moi certainement pas.

Et là l’enfer se déchaîne. La putain de cavalerie est arrivée. J’attrape Kels par la taille et la plaque contre le sol, recouvrant son corps du mien.

Kels se débat comme une furie sous moi.

« Harper ! Je n’y vois rien ! »

« Je sais, chérie, je sais. » Mais je ne bouge pas d’un pouce d’au-dessus d’elle. Je continue à chuchoter des mots rassurants et resserre ma prise sur elle. Le vent à a dû repousser en arrière le gaz lacrymogène que j’ai utilisé sur Scamp et l’atteindre. Bien joué, Kingsley. « Je te tiens, je te tiens. »

Je la sens me toucher le bras. « Harper ? »

Je tourne la tête et cligne des yeux, évacuant les souvenirs. « Ouais ? »

« Où étais-tu partie ? »

Je secoue la tête. « J’ai juste eu un blanc. » Pas besoin de gâcher la journée avec des mauvais souvenirs. « Tu me connais, moi et les événements formels. »

« Eh bien, tu as deux semaines pour te débarrasser de cette aversion-là, » elle me taquine en retour. Ça c’est bien elle. Elle me ramène toujours aux choses importantes de la vie.

Matt Lauer, le maître de cérémonie du jour, monte sur le podium sous des applaudissements nourris. Je me demande si son émission matinale a dû voter pour l’envoyer ici aujourd’hui. Et où est passée Katie bon sang ? Elle est bien plus mignonne que lui [NDLT : Matt Lauer et Katie Couric étaient co-présentateurs du Today Show sur NBC]. Il fait un court discours de bienvenue, avant que les serveurs du Waldorf Astoria ne se dispersent dans la salle pour servir le premier plat du déjeuner.

Mon regard tombe sur une des tables avoisinantes et je souris à Ken Burns. Un autre de ses documentaires a gagné un Peabody. Depuis le temps il doit en avoir un placard plein. Kels lève son verre dans la direction de Peter Jennings.

Personnellement, j’espère que je vais rencontrer Bill Cosby. Il n’est qu’à une table de nous. Pourquoi on pouvait pas s’assoir avec lui plutôt qu’avec les huiles de la chaîne ?

Un énorme éclat de rire s’élève d’une autre table et je constate que tous les acteurs de ‘Les Soprano’ ont l’air de bien s’éclater ensemble. Mandy Patinkin est allée les saluer et leur retourne leurs blagues salaces.

Il y a des répliques en chocolat des médailles des Peabody Awards sur la table. On ne va pas recevoir la vraie médaille aujourd’hui – c’est Chambers qui l’aura. Mais, j’en ai commandée une pour Kels et moi, et une pour Jims aussi. Je me demande comment le gamin aux cheveux orange va, ces jours-ci ? Je devrais lui passer un coup de fil un de ces quatre.

Pour le moment, je pense que je vais manger un peu de chocolat. Et rêver que je peux tenir la main de mon bébé.

 

* * *

 

Le téléphone sonne et je l’entends aboyer dans mon oreille. « Stanton ! Dans mon bureau ! Immédiatement ! » Clic.

Je regarde le téléphone. « A vos ordres, chef, » je dis en riant un peu, tandis que j’enfile mon pull. Il aide à dissimuler ce qui devient plus évident de jour en jour. En plus, Langston garde son bureau à une température polaire. Il essaye de le rendre aussi inconfortable que possible pour ceux qui viennent le voir ; c’est une stratégie qui fonctionne.

Je toque à la porte, puis enfonce mes mains dans mes poches pour les garder au chaud. Mon pull est fermé sur le devant. Je crois que j’ai l’air présentable pour le big boss.

« Entrez ! » aboie-t-il de nouveau.

Il n’a vraiment pas l'air content, et mes cheveux se hérissent sur mon cou. J’ai comme l’impression que je suis sur le point de me faire taper sur les doigts. Méchamment.

« Fermez la porte. »

Ouaip. Ça va être une bonne claque. J’attends qu’il lève les yeux de son ordinateur et me dise de prendre un siège.

Il ne prend pas la peine de me regarder. « Asseyez-vous. »

Comme Kam, j’obéis.

Il tourne enfin son attention vers moi, après m’avoir laissé le temps de frissonner légèrement. On croirait que je suis une Gorgone coiffée de serpents vu le regard qu’il me lance. Mama lui dirait que s’il ne fait pas attention, son visage restera bloqué comme ça pour toujours.

Il sort un dossier et le jette devant moi. « Ça ce sont des photos de vous depuis que vous êtes arrivée. » Il me donne un moment pour les étudier. « Je ne vous garde pas assez occupées, avec Kingsley ? Ou bien c’est la bouffe qui est tellement meilleure à New York ? »

Oh merde. Il a remarqué la prise de poids. Je ne pensais pas que c’était si visible. C’est vrai, j’ai gardé ma veste déboutonnée dernièrement. Mais pour le reste c’était plutôt facile à cacher, je trouvais. Et je n’ai pas vraiment pris sur le visage. « Eh bien, il m’est arrivée beaucoup de choses… » Merde, je ne pensais pas que j’aurais à gérer ça si tôt.

« Pas de baratin. » Il secoue la main, comme pour effacer ma réponse. « Sans le contexte, avec tous ces signes, je dirais que vous êtes enceinte. Mais vu que vous couchez avec Kingsley c’est pas possible, non ? »

Je me mords la lèvre et le regarde me regarder. Finalement, je souris. Peut-être que si j’ai l’air heureuse de la nouvelle, ça passera mieux. « Si. Vous avez raison. Je suis enceinte. »

« Nom de Dieu ! » Il frappe des deux mains sur son bureau et se lève, penché sur ses avant-bras. Maintenant il me regarde de haut d’un air furax. Je me sens comme une gamine de maternelle. « Vous avez perdu la boule ? Vous essayez de détruire complètement votre crédibilité ? Je veux dire, merde Stanton, si vous ne voulez pas de carrière dans le journalisme télé, démissionnez. Nom de Dieu de bordel de - »

Il faut que j’arrête cette tirade avant que la foudre ne s’abatte sur lui depuis le plafond. « Bien sûr que si, mais Harper et moi nous voulions une famille. »

« Putain, Kelsey ! Pas mariée et enceinte ! Si quelqu’un l’apprend vous êtes finie. Les bonnes femmes blanches du Midwest n’ont pas envie de voir une présentatrice lesbienne qui s’est faite inséminée ! »

« Je ne vois pourquoi ce serait un problème. J’ai les moyens et la capacité d’avoir des enfants. Il n’y a aucune raison de mentionner mon orientation sexuelle. En fait, avoir des enfants veut généralement dire qu’on est hétérosexuel. La chaîne devrait être ravie. »

Il secoue la tête avec colère. Il écume presque, pour tout dire. « Ça vous est pas venu à l’idée d’adopter, vous deux ? Il y a plein de couples comme vous qui font ça. Merde, Rosie O’Donnell a adopté trois enfants et elle est mère célibataire [NDLT : Rosie O’Donnell est une actrice, animatrice et productrice américaine ouvertement homosexuelle, connue pour ses talk-shows]. Avec ça on pourrait s’arranger : sauver le monde, apporter un bon foyer aux enfants qui en ont besoin. Ce serait facile à orienter. »

« Nous voulions avoir nos propres enfants et je voulais avoir un bébé. » Je me lève à mon tour et me mets debout derrière la chaise, les mains posées sur le dossier. « Je voulais donner naissance à un enfant, apporter une vie dans ce monde, et je vais le faire. »

« Manifestement oui ! » me gronde-t-il dessus. Il commence à faire les cent pas derrière son bureau, en passant la main dans ses cheveux coupés courts. « Très bien, pas un seul foutu mot là-dessus. Ou sur votre relation avec Kingsley. Vous m’entendez ? » prévient-il. « Et je veux quelque chose des RP [Relations Publiques] venant de vous deux demain matin à neuf heure. Inutile de préciser que vous avez intérêt à me trouver une foutue bonne histoire. Et dites à votre copine que si je vois quoi que ce soit d’autre de vous que des très gros plans pour les, disons, six ou sept mois prochains, je vous botterai le cul à toutes les deux. »

Je tire une profonde inspiration. « Très bien. » Je hoche la tête. « Avons-nous terminé ? »

« Pour l’instant. On parlera de votre congé maternité quand je me serai calmé. »

 

* * *

 

Quelque chose ne va pas.

Quoi, je n’en sais rien. Parce que Kels ne m’a rien dit. Elle me regarde à peine. Et, normalement, on profite du trajet de retour du boulot pour un pseudo câlin –autant que le permet la Range Rover. Ce soir elle est complètement de son côté de la voiture.

« Gourou ? » j’appelle doucement, en tournant sur Madison Avenue. « Qu’est ce qui ne va pas ? »

« Rien. Juste une rude journée. » Elle repousse les cheveux de ses yeux. « Je suis fatiguée. »

J’y crois pas une seconde et Kels n’essaye même pas d’être très convaincante. « C’est ça. Maintenant, mon cœur, dis-moi la vérité. Je peux le supporter. J’ai les épaules larges, tu sais ? » J’en tapote une pour l’effet visuel.

« Langston, » elle dit dans un soupire. « Il m’a vraiment enguirlandée aujourd’hui en apprenant que je suis enceinte. Le boss n’est pas content du tout. »

Sans déc’. Je ne peux même pas l’imaginer content. Perso, je pensais qu’on allait lui dire en lui envoyant une invitation au baptême, quelque part vers la fin de l’année. « Tu lui as dit ? »

« Je ne lui ai pas vraiment dit, Tabloïde. Il comparait des photos et il a remarqué la prise de poids. Il m’a réclamé des comptes. »

« Connard, » je grogne. « Rajoute ça à ma note, ma puce. » Hmm, ça ne me vaut même pas un sourire. « Qu’est-ce qu’il s’est passé ? Tu vas bien ? » Je détesterais vraiment être obligée de le tuer, mais s’il a fait du mal à mon Gourou je le ferai.

« Ça va. C’est juste que je n’ai pas trop apprécié son ton. Il m’a donné l’impression que je faisais quelque chose de mal. »

La tristesse de sa voix me brise le cœur. Je tends le bras et prends sa main dans la mienne, pour la poser sur mes genoux. « Tu fais tout ce qu’il faut. »

« Je sais. Et ne va pas croire un instant que je regrette les choix qu’on a fait. »

Ah, merci mon cœur de dire ça. J’étais un peu inquiète là. Je lui serre la main avec reconnaissance.

« C’est juste… » Kels secoue la tête et fixe son regard à travers la fenêtre, sur le trafic de Manhattan. « Disons que mes hormones sont hors de contrôle et n’en parlons plus. La dernière chose dont j’ai besoin pour le moment c’est d’une guerre avec le chef. »

« Chér’, c’est bien pour ça que t’as une productrice. Je suis ton grand méchant champion. Même si je n’étais pas follement amoureuse de toi, je laisserai jamais les gros bonnets te malmener comme ça. J’ai juste une motivation supplémentaire. » Je porte sa main à mes lèvres et embrasse la paume. « Voilà mon plan pour ce soir. On pourrait rentrer à la maison et mettre un CD de Nina Simone ? Je sortirai les steaks du congélo et j’allumerai le barbecue. Ensuite toi et moi on s’assiéra dehors pour profiter de la fin de cette belle journée. Et plus tard, je te porterai dans notre chambre et on fera l’amour comme si c’était la première fois. Qu’est-ce que t’en penses ? »

« J’en pense que c’est la meilleure offre qu’on m’ait faite de toute la journée. »

« J’espère – pour leur bien – que c’est la seule offre qu’on t’a faite de toute la journée. »

Voilà le sourire que j’espérais.

 

* * *

 

Je roule sur le côté et regarde Harper. Elle dort à poings fermés, et elle a l’air si détendue. Ça fait plaisir de la voir comme ça. Ce n’est pas souvent qu’elle arrive à se reposer complètement. Habituellement, elle travaille sur quelque chose dans son sommeil. En fait certaines de ses meilleures idées lui viennent pendant ses rêves.

J’embrasse son épaule et glisse hors du lit. En jetant un coup d’œil à la pendule, je constate que j’ai le temps de prendre un petit-déjeuner et de me relaxer un peu avant d’avoir à me préparer pour mon rendez-vous chez le médecin.

Je m’installe dans la cuisine avec le journal et mon petit-déjeuner, et je suis sur le point de mordre dans ma première bouchée lorsque quelque chose me fait lever les yeux. C’est une productrice ensommeillée que je découvre dans le couloir. Elle n’est absolument pas réveillée, ses cheveux lui tombent devant les yeux, son T-shirt est enfilé à l’envers, et elle vacille un peu.

« Qu’est-ce tu fais debout ? » elle marmonne, la voix lourde de sommeil. Elle titube jusqu’à la cafetière et enclenche le bouton. On le prépare la veille au soir et on programme le minuteur, mais là on s’est levée deux heures plus tôt que la normale.

« Sais pas. » Je hausse les épaules, en continuant de boire mon jus de fruit et de parcourir le Times.

Elle balance la tête loin du café qu’elle regardait goutter dans la cafetière. D’habitude elle le houspille jusqu’à ce qu’il ait fini. Ce matin, elle n’a pas l’énergie de faire ça. « Quelque chose ne va pas ? Autre le fait que Langston est un idiot ? »

« Non, mon cœur. Ça va. Je n’arrivais pas à dormir, c’est tout. C’est un truc de grossesse. Peut-être que les bébés commencent mon entraînement en avance. »

Elle s’approche et tombe sur les genoux. Avec douceur, elle me positionne face à elle puis soulève ma chemise. « Hey, on n’avait pas déjà parlé de ça ? » Je passe la main dans ses cheveux pendant qu’elle poursuit. « Je vous l’ai dit, il faut que vous laissiez votre Maman se reposer. Elle travaille déjà dur pour prendre soin de vous deux. En plus quand elle dort pas, je dors pas non plus. » Elle fait des petits bisous sur mon ventre, puis s’assoupit aussi sec la tête sur mes genoux.

Ça ne peut pas être confortable. Mon pauvre bébé. « Harper, chérie. » Je ris intérieurement quand elle se réveille et me regarde, les yeux troubles. « Retourne te coucher. Je viendrai te réveiller dans deux heures. »

« Non non, je suis réveillée là, » elle proteste. Je n’ai pas le cœur de lui dire à quel point elle est peu convaincante. « Je vais prendre un café et j’emmènerai Kam courir au parc. »

« Il adorera ça. Peut-être que tu pourrais le laisser te tirer sur tes rollers. »

« Bonne idée. » Elle grimpe sur ses pieds et retourne à la cafetière, qui a signalé d’un crachotement qu’elle était prête. « Tu veux venir ? »

« Non. J’ai un communiqué à écrire. »

 

* * *

 

Je réalise en regardant ma montre que le Dr. McGuire est un peu en retard aujourd’hui. Ça me pose pas de souci. S’il prend soin de toutes ses patientes comme il le fait pour Kels, je patienterai toute la journée. En plus on ne se plaint pas, toutes les deux dans notre coin.

Je tiens Kels par la main, selon notre procédure standard durant les visites. Je suis tellement contente qu’on ait un docteur à l’aise avec notre relation. Bien sûr, on ne serait pas allées en voir un qui ne le serait pas. Mais ça rend tellement plus facile d’avoir des gestes affectueux sans s’inquiéter. Je lui masse doucement la main, pour essayer de la détendre. Langston l’a vraiment fait chier hier, et maintenant elle est passée de abattue à furieuse.

Il faut que je la mette de meilleure humeur avant qu’on aille au bureau. Autrement cette vidéo qu’on nous a fait regarder en orientation sur la violence au travail n’arrivera pas à la cheville de ce que pourrait faire mon Gourou. « Hé, Kels ? »

« Hmm ? »

« T’as entendu l’histoire du type qui s’est fait arrêter sur la route par un flic l’autre jour ? »

Elle me regarde et tente de voir si je fais la causette ou bien si je lui parle d’un reportage potentiel. Les flics qui arrêtent les voitures sur l’autoroute à la tête du conducteur, c’est un sujet très d’actualité ces derniers temps. « Non. Qu’est-ce qu’il s’est passé ? »

« Ben, ce type se fait arrêter pour excès de vitesse et parce qu’il ne s’est pas garé tout de suite quand le flic a mis son gyrophare, » Kels sourit maintenant, elle se rend compte au ton de ma voix que c’est une blague, « et le type baisse sa vitre. Le policier lui dit ‘Dites, ça fait un moment que j’avais allumé mon gyrophare. Pourquoi vous ne vous êtes pas arrêté ?’ » Kels lève les yeux au ciel mais garde le silence, pour me laisser finir. « Et le type dit, ‘Ben vous voyez, ma femme s’est enfuie avec un policier il y a quelques semaines. Quand je vous ai vu, j’ai cru que vous essayiez de me la ramener.’ »

Elle éclate de rire et je me sens beaucoup mieux. Elle aussi, je crois. Brave fille.

« Tu racontes les blagues les plus pourries. » Elle dit ça d’une voix tellement gentille que ça sonne presque comme un compliment. Presque.

« Alors pourquoi tu rigoles ? »

« J’en ai aucune idée. » Elle me caresse tendrement la joue.

Kevin entre et nous trouve en train de rire et de sourire. « Vous passez un bon moment vous deux ? »

« On dirait qu’on passe toujours un bon moment ici. » Kels me pousse pour rire depuis la table où elle est.

« C’est agréable à savoir. » Doogie prend son siège à côté de Kels et commence son examen. Il rit à moitié pendant qu’il fait bouger ses mains avec douceur sur le ventre de Kels. « Je devrais peut-être instituer un prix d’entrée si c’est comme ça. Comment vous sentez-vous, Kelsey ? »

« Je sais pas. » Elle secoue la tête. « Est-ce que je devrais me sentir enceinte ? Parce que ce n’est pas encore le cas. »

« Ce le sera bientôt, surtout avec des jumeaux. »

« Tout ce que je sens c’est que je suis de mauvaise humeur. »

« Hmm… les hormones. » Il me regarde pour confirmation et je hoche légèrement la tête, ce qui me vaut un doigt dans les côtes de la part de ma femme.

« J’ai été gentille avec toi. Relativement. »

« Relativement, » je conviens. Ça, ça lui fait me tirer la langue. Si Kevin n’était pas dans la pièce, je lui donnerais une leçon là-dessus.

« Eh bien, Kelsey, pour le moment les bébés grandissent et bougent mais vous ne pouvez pas les sentir. Ça va changer dans peu de temps. Cependant, je me doute que vous avez remarqué la prise de poids. »

« Moi et quelques autres personnes, » bougonne Kelsey. Génial doc, je venais juste de la mettre de bonne humeur.

Kevin me lance un regard réprobateur. « Harper, c’est tout-à-fait naturel et nécessaire. »

Je suis insultée. « C’est pas moi, doc. Je trouve qu’elle est superbe, plus belle que jamais. » Je l’embrasse sur le front, comme pour prouver ma sincérité.

« C’est vrai. Harper a été formidable. »

« Oh, d’accord. C’est bon à entendre. » Je lance au doc un regard censé l’intimider. Ça n’a pas l’air de marcher. « Ignorez tous les autres. Sur ce sujet, il n’y a que Harper et moi qui comptons. » Il tapote gentiment son épaule. « Bienvenue dans votre deuxième trimestre, Kels. Les choses vont commencer à aller mieux pour vous, c’est promis. Vous devriez bientôt voir la fin des nausées matinales, si ce n’est déjà le cas. Cette sensation d’être ballonnée et morose devrait finir aussi. Vous ne devriez plus être aussi fatiguée qu’avant. Et les hormones de la bonne humeur vont prendre le relais. La plupart des femmes se sentent revitalisée pendant leur deuxième trimestre. Mais je veux que vous soyez prudente, et que vous n’en fassiez pas trop, okay ? »

« Aucun risque, » je réponds pour elle.

« Prêtes à enrichir votre album ? » Il applique le gel sur l’estomac de Kels et elle tressaille. Ce truc est vraiment super froid. Mais, c’est ma partie préférée de l’exam’ : d’autres photos des bébés.

Il bouge la baguette sur son estomac et étudie le moniteur. Pour moi ça ressemble toujours à rien, je ne sais pas comment il peut identifier quoi que ce soit là dedans. Ensuite il pose son stéthoscope sur son estomac et écoute attentivement pendant quelques instants. Il le range dans sa poche puis règle un bouton sur l’ultrason. Tout-à-coup, on entend un bruit qui ressemble à un mélange entre le ressac de l’océan et des chevaux qui galopent. « Ce sont les battements de cœur de vos bébés. »

Oh mon Dieu.

Des battements de cœur. Des tout petits battements de cœur.

Kels regarde le moniteur et écoute. Les larmes qui coulent le long de ses joues me disent qu’elle ressent la même chose que moi.

« Ecoute ça, Gourou. C’est nous qui avons fait ça. » Je sèche ses larmes et lui fais un petit bisou. « Oh mon Dieu, Kels, écoute ça. »

Elle ne peut que hocher la tête, trop submergée par l’émotion pour parler.

Je ferme les yeux, et me concentre sur les sons qui me confirment que nos bébés sont en bonne santé et très réels. Il n’y a pas de plus beau bruit au monde.

 

* * *

 

On entre dans le studio, encore portées par l’adrénaline d’avoir entendu les battements de cœur. J’ai des photos toute fraîches et je peux même voir des petits nez, mentons, mains, pieds et autres maintenant. Nos petits sont toujours très petits, huit centimètres seulement à ce point, mais ils ont l’air humain. Grosse amélioration. Je baisse les yeux sur le ventre de Kels, ébahie qu’elle puisse porter deux vies en elle.

C’est franchement trop cool.

Et aujourd’hui j’ai entendu leurs cœurs battre. McGuire dit que les risques de fausse-couche diminuent significativement maintenant qu’on peut les entendre. Merci mon Dieu.

Ouah.

Je suis sur le point de tomber à genoux devant Kels quand tout-à-coup, elle fonce vers le hall.

Un coup d’œil confirme mes soupçons. Langston est vingt pas devant et le Missile de Croisière Stanton se dirige droit sur lui.

Oh merde.

J’essaye de lui courir nonchalamment après. C’est pas possible.

Kels, chérie, je sais que tu es énervée, mais ne fais rien que tu risques de regretter plus tard. Genre, nous faire virer.

Ma femme se tient devant Langston. Sa colère la rend presque aussi grande que notre producteur exécutif. « Voilà votre putain de communiqué presse, » elle rugit, en lui plaquant un dossier sur le torse. « C’est court, simple et véridique. Après l’épreuve que j’ai traversée à Los Angeles, j’ai décidé d’avoir des enfants. »

Il prend le dossier, un poil atterré qu’elle lui parle sur ce ton.

Je le suis aussi, pour tout dire. Kels est normalement la professionnelle incarnée. Je reste muette pendant qu’elle continue.

« Je ne vais pas transformer mes enfants en un autre reportage pour vous. Mais si je le faisais, ce serait totalement honnête ! Ce qui veut dire que ça inclurait Harper parce que j’ai de la chance de l’avoir. Nos enfants ont beaucoup de chance de l’avoir pour mère aussi. Je ne laisserai ni vous ni qui que ce soit d’autre leur dire le contraire. » Elle tourne les talons et s’éloigne à grands pas.

« Stanton ! » appelle Langston.

Elle s’arrête, se retourne et lui lance un regard noir. « Après le trois juin ce sera Kingsley ! On parlera de mon congé maternité quand je me serai calmée. » dit-elle sèchement avant de se tourner une fois encore et de s’en aller.

Ouah. Ça c’était une vraie et véritable crise de colère de Talent qui se la joue diva. Elle fait ça très bien. Faut que je me rappelle de ne pas la fâcher.

Langston me regarde pour un peu de compassion. Pas dans cette vie, mon pote. Je sais avec qui je rentre le soir. Je lui lance un sourire abasourdi et hausse les épaules en m’éventant avec nos nouvelles photos des bébés. « Les hormones, » je suggère avant de partir moi-même.

Ouah, Kels.

 

* * *

 

Je décide de laisser Kels respirer un peu. En plus, si j’y vais maintenant, elle pourrait bien m’arracher tous mes vêtements et se défouler sur moi sur son canapé.

Mais qu’est-ce que je fous dans mon bureau ?

Je m’apprête à aller lui rendre visite quand mon téléphone sonne. « Kingsley, » je réponds comme à mon habitude.

« Serait-ce ma petite sœur ? »

« Va te faire. »

Robie rigole de bon cœur. « Je ne crois pas. »

« Qu’est-ce que tu veux ? T’es en train d’interrompre tous les trucs importants dont je m’occupe, là. » Je me renfonce dans mon fauteuil et balance les jambes sur mon bureau.

« Tu sais ce que Mama pense des pieds sur la table, » il blague.

Maudit frangin. « Alors, ça a marché ? » Je me décide à prendre le taureau par les cornes.

« J’ai préparé tous les papiers. »

Je souris de toutes mes dents. « Tu sais, t’es pas aussi mauvais que tout le monde le dit. »

« Va te faire, » il dit à sont tour.

« Je ne crois pas. »

 

* * *

 

« Je t’ai vue. » Elle lève les yeux de son bouquin et me sourit. Seigneur, elle est adorable.

« T’as rien vu du tout, » je lui dis. Je donne à Kam un bon gratouillement derrière l’oreille pendant qu’il engloutit la frite que je viens de lui filer. Pour grignoter sur la route, y a pas mieux que les frites. Je le sais et maintenant Kam le sait aussi. Brave chien.

« Je t’ai vu lui donner cette barre de graisse à manger. Tu peux t’empoisonner, Tabloïde, mais pas touche au chien et aux bébés. » Elle regarde la carte étalée sur ses genoux. « Prends la prochaine à gauche. »

Je fais comme on m’a dit et dix minutes plus tard, on roule sur l’allée d’accès. Ça nous prend encore cinq minutes pour arriver jusqu’à la maison. « Ouahou ! » Je guette la maison à travers le pare-brise. Maison est un léger euphémisme. Manoir convient mieux.

Elle ricane. « C'est pas exactement le camping-car que tu t'imaginais, hein ? »

« Tu te rappelles de tous les trucs que je t’ai dits ? » C’est la même phrase que je lui avais sortie pour rire quand je l’ai emmenée à la maison pour Thanksgiving. Notre première fois. Je me demande si Matt a une balancelle sur son porche. J’aime bien embrasser mon Gourou sur les balancelles. [NDLT : cf. saison 1 épisode 15]

« La plupart, » elle réplique, coupant court à mes pensées moins que chastes.

« Là je pourrais avoir des ennuis, » je ris sous cape. Cette réflexion correspond aussi bien à mes pensées qu’à notre conversation. Je suis très fière de moi.

« Tu me dois toujours l’histoire dans le bayou. »

« Laquelle ? » Je coupe le moteur et sors de la Ronge Rover.

Par-dessus le toit, Kels répond, « Celle qui t’implique toi, une autre personne nue et un fusil. »

« Je répète : laquelle ? » J’enlève son collier à Kam et lui fais signe de sortir de la voiture avant de récupérer nos bagages. Je suis pas sûre de comprendre pourquoi Kels a apporté autant de fringues pour un week-end, mais je ne vais certainement pas me disputer là-dessus avec Hormone Girl. Elle peut ramener tout son fichu placard, ça me va. Moi ? J’ai apporté un sac à dos. Seulement à moitié plein.

Kam court immédiatement vers Kels et s’assoit à côté, la tête levée vers elle, la queue battant fort sur le sol.

« Va t’amuser. » Elle lui fait le signal de la main qui le relâche, et il fonce s’occuper de ses affaires. Bonne idée, Kam. Moi aussi il faut que je fasse ça bientôt. C’était deux longues heures de route jusqu’à chez Matt dans les Hamptons.

Je pose les sacs sur le sol et m’appuie contre la voiture. Je regarde le chien courir, s’étirer les pattes et explorer le coin. Kels fait le tour du véhicule et s’appuie contre moi. Je passe gentiment mon bras autour de ses épaules, heureuse qu’on ait un week-end de détente en perspective. Ça a été une chienne de semaine.

Enfin, Kam revient et se couche. Il a la langue qui pend sur le côté de la gueule et il a l’air à point pour un bol d’eau. Je suppose que c’est le moment d’entrer.

J’attrape nos sacs avec une petite tape sur la main de Kels, qui essaye d’en prendre un. « Laisse-moi faire, bébé. Tu portes déjà suffisamment de choses comme ça. »

Ça me vaut un bisou sur la joue.

Lorsque la porte s’ouvre, Matt sort et prend longuement Kels dans ses bras. Je suis surprise de constater qu’elle fait de même. Je suis vraiment contente de voir qu’ils font la paix, même s’il a du mal avec l’idée qu’on soit ensemble. Finalement, il me regarde et me sourit chaleureusement. « Harper, comment allez-vous ? » Il me prend un sac des mains.

Les années passées dans l’Amérique des affaires l’ont rendu poli. Tant mieux pour moi. « Je vais bien, monsieur. » Il hausse le front pour me corriger. « Matt, » je rectifie en douceur. Je serre la main qu’il me tend de son propre gré.

« Bien. Heureux de l’entendre. » Il repousse la porte pour nous laisser la place de passer. « Entrez. Nous allons vous installer et ensuite nous nous retrouverons dans le séjour. » Kam se comporte comme un ange et reste collé à Kels. Elle doit avoir prévenu Matt qu’on l’emmenait, parce qu’il ne sourcille même pas en voyant le chien.

Quand on rentre dans la maison, je décide immédiatement qu’il va falloir venir ici aussi souvent que Kels veut. C’est super sympa. C’est comme tout ce que j’ai entendu dire sur les demeures dans les Hamptons. Immense, posé sur des hectares de propriété privée, et avec une maison pour les invités juste derrière. On pourrait la mettre à bon usage pendant l’été. Autant l’admettre. « Bel endroit. » Okay, je me suis défilée, mais je ne veux pas trop jouer les lèche-bottes.

Matt me sourit avec un air de conspirateur. « C’est mon petit morceau de paradis sur terre. Il y a une piscine intérieure et une extérieure, un court de tennis, une gym, huit chambres, onze salles d’eau, une bibliothèque, un solarium, une maison d’hôte, une salle de projection, un jardin d’honneur et un golf de neuf trous. »

« Comme je l’ai dit, bel endroit, » je dis avec une tonne de sarcasme dans la voix.

Il me donne une claque sur le dos. « Vous êtes la bienvenue ici n’importe quand, Harper. »

Kelsey pouffe devant moi. « Arrête de baver, mon cœur. »

Matt lève une main et fait signe à un jeune homme d’approcher. L’homme prend le sac que Matt portait et me soulage également des miens. « Voici Jeff. Il va vous guider jusqu’à votre chambre et vous aider à vous installer. Quand vous serez prêtes, descendez dans la salle de séjour. »

Jeff nous fait un sourire aimable. « Ms. Kingsley, Ms. Stanton, si vous voulez bien me suivre. » Il se dirige vers les escaliers et nous à sa suite.

« Depuis combien de temps travaillez-vous pour mon père, Jeff ? » demande Kels tandis qu’il nous ouvre la porte d’une chambre.

Il dépose nos bagages sur le coffre au pied du lit. « Depuis que j’étais au lycée. Ma mère travaillait pour l’entreprise de Mr. Stanton et il a appris que j’avais besoin d’un travail. » Il prend la housse pour vêtement et la pend dans le placard. Il ouvre aussi la porte de la salle de bain. « Si vous avez besoin de quoi que ce soit durant ce week-end, n’hésitez pas à me le faire savoir. Puis-je faire quelque chose pour vous dès à présent ? »

« Non. Ça ira. Merci, Jeff, » Kels répond en se laissant tomber dans une des chaises rembourrées de la pièce.

Une fois qu’il est parti, Kels lâche un long soupir. « Qu’est-ce qui ne va pas, mon cœur ? » Je suis à son côté immédiatement.

Elle secoue la tête. « Peu importe combien les choses changent, elles restent les mêmes. Sa maison est toujours remplie de domestiques. Je parierais que la plupart ont les week-ends de libres, mais il y a quand même suffisamment de gens à portée pour être pourri gâté.

« Dans mon monde, c’est pas une mauvaise chose. » Je commence à lui masser les épaules.

« Je m’en serais douté, » Kels me regarde par-dessus son épaule. « Alors, tu veux qu’on défasse les valises ou bien on descend voir ce que Papa a prévu ? »

« Oh, on n’a qu’à descendre voir ce qui se trame. Je veux savoir qui est la mystérieuse personne. »

Elle soupire de nouveau. « J’avais presque oublié ça. » Elle regarde Kam, qui s’est roulé en boule près de la cheminée et dort comme une souche. Il est comme Kels, il peut dormir n’importe où. « Mince, j’aimerais pouvoir faire ça, » elle dit d’un ton songeur.

Je passe mes bras autour de son cou et lui fais un bisou sur la joue. « Allez, bébé, allons descendre voir ton papa. »

« Tu veux juste voir le terrain de golf. »

« Bordel, oui ! J’espère bien faire une partie ou deux ce week-end. »

« Ça fait un dollar, chérie. » Elle se blottit dans mes bras. « Tu aimerais n’importe qui avec un terrain de golf privé. »

« C’est pas faux. Mais, ça aide qu’il soit le père de ma personne préférée au monde. »

Elle embrasse mon avant-bras. « Belle parleuse. »

« Oh ouais. Et c’est pas la seule partie de moi qui est belle, avec ça. »

 

* * *

 

On erre dans le rez-de-chaussée en essayant de repérer la salle de séjour. On découvre beaucoup d’autres pièces, mais apparemment pas la bonne. Notre conversation doit signaler notre présence à Matt puisqu’il sort d’une pièce qu’on n’avait pas encore atteinte, et nous fait signe. « Par ici, les filles. »

« Sois sage, » chuchote Kels.

Matt ne se rend pas compte de sa bourde. Il s’approche et entoure les épaules de sa fille de son bras. « Tu as l’air d’avoir la pêche, mon cœur. Harper doit être bonne pour toi. »

« Elle est pas mal, » taquine Kels.

« Eh bien, je détesterais être obligée de la coincer là-derrière pour remettre les pendules à l’heure. »

« Papa, là-derrière c’est un terrain de golf. Qu’est-ce que tu vas faire, la faire mourir d’ennui en parlant technique de putt ? »

« Moi je veux bien remettre les pendules à l’heure, Matt. » Okay, c’est pas très subtil comme allusion, mais bon, j’ai jamais été subtile.

« Vraiment ? Eh bien nous pourrions faire ça demain matin. »

Hmm, ça pourrait interférer avec le Jour Sans Vêtements. Mais, au nom du rapprochement familial, je ferai ce sacrifice. Et je réveillerai Kels un peu plus tôt demain. « Je pense que ce serait parfait. »

« Ou même ce soir, avant qu’il ne fasse trop sombre. » Il nous amène dans le séjour. Il y a plus d’œuvres d’art là-dedans que dans beaucoup de musées, le tout agrémenté d’une cheminée, sous un plafond de plus de trois mètres. Une très jolie jeune femme est assise sur le sofa. Je devine qu’elle est grande, même assise, et son visage aristocratique est encadrée de longs cheveux châtains bouclés, contrebalancés par des yeux bleus pâles. Je remarque vite qu’elle a environ mon âge et qu’elle porte un bébé de six mois peut-être.

Matt emmène Kels à côté des deux. « Kelsey, je voudrais te présenter Amanda Stanton, ma femme, et voici, » il écarte la couverture du visage du bébé, « ta sœur, Claire. »

 

* * *

 

Regardez dans le dictionnaire au mot ‘ahurie’, et vous aurez ma photo. Mon incapacité passagère à parler n’aide pas non plus la situation.

« Bonjour, » je réussis à bafouiller.

« Kelsey, » Amanda sourit et me tend la main. « C’est un plaisir de faire enfin votre connaissance. Merci d’être venue ce week-end. »

« Merci de nous avoir invitées. » Je me tourne vers Harper et tends le bras. J’ai besoin d’elle près de moi et j’ai besoin d’elle près de moi maintenant ; j’espère qu’elle va comprendre. Je sens sa main glisser dans la mienne. Merci Seigneur. « Voici Harper, ma, » je la regarde, et souris en réalisant qu’ici je peux le dire à voix haute, « femme. »

Elle tend la main à Harper. « C’est un plaisir de vous rencontrer. Matt m’a dit beaucoup de bien de vous. »

J’ai l’impression d’être tombée dans un épisode de La Quatrième Dimension. C’est surréaliste.

Dans les bras d’Amanda, le bébé commence à s’agiter et me sort de mon état d’hébétude. J’ai une petite sœur. Une petite sœur qui aura une combinaison de nièces et neveux d’ici son premier anniversaire. Grand Dieu, on est une famille moderne : parents divorcés, père remarié à une femme de l’âge de sa fille, enfants avec plus de trente ans de différence d’âge, petits-enfants à venir, et lesbiennes. Si on rajoute à ça le problème d’alcoolisme de ma mère, on est une minisérie télé à nous tous seuls.

Oh mon Dieu. Mon cerveau a du mal à enregistrer tout ça.

« Puis-je ? » Harper me lâche la main afin de tendre les deux bras vers le bébé. Amanda sourit et lui passe… ma sœur… Une fois dans les bras d’Harper, Claire cesse immédiatement de s’agiter. Ça doit être un trait génétique chez nous les femmes Stanton. On reconnaît une bonne chose quand on nous l’offre.

Harper la câline avec précaution, et elle ne se plaint pas quand le bébé commence à mâchouiller son épaule – déposant de copieuses quantités de salive dessus – et qu’une petite main agrippe ses cheveux.

Pas étonnant que j’ai des jumeaux. Mon épouse est un aimant à bébés. Si je ne fais pas attention, elle va me garder enceinte jusqu’à la ménopause. Ça ferait vraiment grimper Langston au plafond, ça.

Je lève la main pour caresser la petite tête de Claire. Mes yeux rencontrent ceux d’Harper, et pendant un bref instant, nous voyons toutes les deux notre futur. Quelle merveilleuse sensation. Seigneur, j’ai hâte de la voir tenir nos enfants pour la première fois. Bien sûr, une fois que je l’aurai laissée les prendre, je pourrais bien ne jamais les récupérer. C’est une bonne chose que j’ai prévu d’allaiter. Ça pourrait être le seul moyen pour moi de les tenir. Harper est douée, mais pas douée à ce point.

Je me tourne vers mon père. « Elle est mignonne. »

Il rayonne comme font tous les pères. « Elle te ressemble quand tu étais bébé, sauf pour les cheveux bouclés. Ça c’est du côté d’Amanda de la famille que ça lui vient, sans doute possible. »

Amanda a un côté dans notre famille ? Je ne pensais même pas à nous comme une famille jusqu’à récemment. C’est un concept qui mûrit encore en moi, pour dire la vérité.

« Hey ! » intervient Harper, faisant sursauter Claire. « Est-ce que vous avez des photos de Kels bébé ? »

« A vrai dire, je crois que j’ai un ou deux albums. »

Très bien, il faut que j’arrête ça maintenant et sans plus attendre. Que j’ai des photos d’Harper bébé toute nue, aucun problème, mais pas l’inverse. Elle mettrait le maudit truc en écran de veille. C’est l’heure de changer de sujet. « Bon, Papa, je suppose qu’il est temps de t’annoncer notre bonne nouvelle. »

Il me sourit chaleureusement, sans s’imaginer que je puisse battre sa révélation d’une femme et d’un enfant. Eh bien, papa, moi aussi j’en ai. Tel père, telle fille, je suppose.

« Tu vas être grand-père. Je suis enceinte. »

Il a l’air aussi stupéfait que je l’étais, j’en suis sûre, un moment auparavant.

« Alors ça, Harper, c’est du talent ! » il s’esclaffe, avant de me donner une embrassade de félicitations. « Mon cœur, c’est merveilleux ! Pour quand est-ce prévu ? » Il baisse les yeux sur mon ventre comme s’il pouvait répondre pour moi.

« Novembre. »

« Félicitations, Kelsey, » ajoute Amanda.

Ça va me prendre un moment pour m’habituer à avoir une belle-mère de mon âge. « Attendez, c’est pas finis. Je suis enceinte de jumeaux. »

 

* * *

 

Je tiens Claire fermement calée dans mes propres bras, pendant qu’Amanda et moi nous regardons Papa et Harper jouer au golf dans le crépuscule. C’est stupide et dangereux, mais mon père a bien vu à quel point Harper était pressée de jouer. Qui savait qu’Harper jouait au golf ? Et elle est bonne en plus. Elle le fait lutter pour son argent sur son propre fichu terrain. Aux dernières nouvelles, le pari sur toute la partie était de 500$, mais ils parient aussi sur les coups individuels. Si elle gagne, je lui ferai donner l’argent au pot à jurons.

Je fais un petit bisou sur le front de Claire, et respire sa bonne odeur de bébé. Un agréable flot de souvenirs me revient. Je me rappellerai toujours ce Thanksgiving à la Nouvelle Orléans, pour tellement de raisons. L’une d’entre elle, c’est pour la première fois que j’ai tenu Clark et humé ce que sent un nouveau départ.

« Alors comme ça vous travaillez avec mon père ? » Oh, bon sang, Kelsey, ça ne pouvait pas avoir l’air moins stupide comme question ?

« J’ai été dans le département du Directeur Financier pendant presque cinq ans. Les choses ont évolué naturellement entre nous. Je trouvais qu’il avait un sens de l’humour génial. » Mon père a un sens de l’humour ? Elle sort un biberon pour Claire, qui remue un peu sur mes genoux et tend les bras pour l’attraper, en faisant claquer ses lèvres l’une contre l’autre. Je ne peux pas m’empêcher de sourire. Mon Dieu, je vais adorer tout ça dans quelques mois.

Amanda est très sympa avec moi, quand on pense que j’essaye d’avoir l’air désinvolte pour récupérer cette information et que ça rate en beauté. Difficile de croire que CBS me paye plus de deux millions de dollars par an pour parler.

Je prends le biberon et aide ma sœur à prendre son encas pré-dîner. Elle se niche contre moi et j’observe ses petits yeux qui s’alourdissent. « Désolée. » Je secoue la tête. « Je suis encore un peu choquée. »

« Je sais. C’est un sacré changement pour nous tous. Je suis heureuse que vous résolviez les choses avec Matthew, Kelsey. Il regrette réellement les années qu’il a perdues avec vous. Après la naissance de Claire, c’est devenu beaucoup plus facile pour lui d’affronter toutes ces émotions. Alors il a décidé qu’il fallait qu’il essaye de rétablir le contact avec vous. »

Je regarde Harper faire rentrer un putt et mon père secouer la tête et lui tendre un billet. Il faudra que je torture Tabloïde pour lui faire dire le montant de ce qu’elle a gagné plus tard ce soir. « Je suis contente qu’il l’ai fait. Je n’ai jamais voulu lui causer du souci. » C’est une admission à voix basse, mais c’est la vérité. « Je pensais qu’elle l’avait convaincu… »

Amanda à l’air de savoir tout-de-suite que je parle de ma mère. « Elle vous a fait beaucoup de tort à tous les deux. Vous garder séparés était sa seule chance d’obtenir ce qu’elle voulait. »

« Pourquoi est-ce que quelqu’un ferait ça à sa propre famille ? Je ne peux même pas m’imaginer empêcher Harper de voir nos enfants, peu importe ce qui pourrait se passer entre nous dans le futur. » Mon estomac se contracte rien qu’en le disant. Je ne veux pas imaginer un futur sans Harper et moi ensemble. Ni pour moi, ni pour nos enfants. Je la veux, en bloc, pour le restant de nos jours.

« Vous n’êtes pas égoïste comme elle l’est. Elle ne pense qu’à elle. Elle a essayé de briser notre couple pendant presque deux ans quand elle a su pour Matthew et moi. »

Claire repousse la bouteille et se blottit simplement contre moi pour continuer à dormir.

« Merde ! » râle mon papa en ratant un putt. Harper rit et se moque de lui.

« Hé, Tabloïde, prends un dollar à cet homme ! » je lui lance, indiquant que Claire est également sous notre protection à présent.

Elle tend sa main pour la monnaie. Je la vois qui commence à expliquer pourquoi à mon papa, alors je fais de même avec Amanda.

« C’est une idée formidable. » Elle se lève et franchit le green en direction de nos golfeurs. « Oh Matt ! »

Harper saisit cette opportunité pour trottiner vers moi et me faire coucou. Elle se laisse tomber à genoux à côté de ma chaise. Elle touche doucement la joue grassouillette du bout des doigts et lève les yeux sur moi. « J’ai hâte. » Son regard passe de Claire à moi de nouveau. « J’ai tellement hâte de te voir avec nos bébés. »

C’est drôle, c’est exactement ce que je ressens pour elle.

 

* * *

 

« Fais-moi confiance là-dessus mon cœur, tu ne le regretteras pas. » Mon père me glisse une carte de visite, que je mets dans ma poche avant que Tabloïde ne m’aperçoive avec. « Laisse mon contact s’en occuper. Tu vas adorer. »

« Elle va être pourrie gâtée d’ici qu’on quitte cet endroit. » Je regarde Harper fureter dans la salle de projection. Si tous les cinémas étaient aussi cossus, j’irais toutes les semaines.

« Kels, on peut en avoir une pareille ? »

« Dès que tu m’achètes une maison comme celle-là. »

« Ça roule. » Elle passe la main sur le dos d’un sofa en cuir doux.

« Profitez de votre film, vous deux. Amanda et moi avons une conférence à gérer avec les Royaume-Unis. Ça nous prendra probablement deux heures. »

Je hausse les sourcils. « Elle travaille toujours pour toi ? »

« Travailler pour moi ? Ha ! Amanda est mon arme secrète. Cette femme peut calculer de tête et analyser des graphiques financiers plus vite que bien des ordinateurs. Et elle fait beaucoup moins d’erreurs. Je n’envisagerais jamais de conclure un marché sans son avis. » Il sourit fièrement. « Amanda était troisième de sa classe à l’école de commerce d’Harvard. Ce n’est pas une petite joueuse. » Il me fait un baiser sur le front. « Amuse-toi, chérie. On réfléchira à quoi faire pour le dîner après la conférence. »

« Et Claire ? »

« Dort pour le moment. Si elle se réveille, la nounou nous l’amènera. Vous n’avez à vous inquiéter de rien. »

Je me tourne pour découvrir mon épouse qui s’avance d’un pas nonchalant, l’air joueur. « Alors, tu veux aller au ciné avec moi et qu’on se bécote dans la galerie ? » Elle montre la petite galerie qui nous surplombe.

« Nan, on reste ici et on se bécote sur le canapé. »

 

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Bien que cette série soit inspirée par quelques faits réels, il s'agit d'une œuvre de fiction et les références à des personnes ou des organisations réelles ne sont incluses que pour donner un certain air d'authenticité. Tous les personnages, principaux ou secondaires, sont entièrement le produit de l'imagination des auteurs, ainsi que leurs actions, motivations, pensées et conversations, et aucun des personnages ni des situations qui ont été inventées pour eux n'ont pour but de représenter des personnes ou des événements réels. En particulier, les descriptions des chaînes de télévision CBS et NBC ne sont pas destinées à représenter ces sociétés, ou aucune des personnes y travaillant, mais sont seulement utilisées afin d'apporter un sentiment d'authenticité à cette œuvre de fiction.

 

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